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888. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Dumas est un remarquable conteur ; il sait intéresser le lecteur par les qualités d’une imagination brillante qui, au don heureux de l’invention dramatique, joint la verve, l’action, la rapidité du récit, l’agilité d’un style qui court à son but et s’arrête peu pour décrire, encore moins pour prouver, car l’auteur n’a pas de systèmes ; mais cependant avec tous ces avantages, ses succès n’auraient pas été aussi grands s’il ne s’était pas servi de ces trois mobiles : la glorification de la personnalité humaine, les peintures hardies qui troublent les sens, les lieux communs du scepticisme voltairien. […] Gardez-vous d’exagérer votre activité… Il faut que l’art soit la règle de l’imagination pour qu’elle se transforme en poésie… » Critique admirable et digne absolument de l’esprit sans règle et sans frein dont les premiers tumultes se faisaient entendre à tout le genre humain. […] En 1829, Dumas avait vingt-six ans ; c’est le bel âge, dans toutes les branches de l’activité humaine, pour déployer ce qu’on porte en soi ; c’est l’âge du Béarnais à Cahors et de Bonaparte en Italie.

889. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Dans L’Humaine Tragédie de M.  […] Et il y a un autre individualisme, positif celui-là et évolutif, qui oppose à l’ancienne conception dogmatique et autoritaire du droit, une conception plus large, plus souple ; qui adapte le droit à la diversité des individus et des cas particuliers, au lieu de plier la diversité des individus et des actes humains à la règle inflexible du droit. […] France, Le Puits de Sainte-Claire, « L’Humaine Tragédie ».

890. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

  Rien de plus singulier, dans l’Histoire de l’esprit humain, que ce fol enthousiasme excité par la Philosophie, dès qu’elle commença à élever sa voix. […] Le siecle d’or devoit renaître sous cette nouvelle Astrée ; de nouveaux Prométhées sembloient avoir dérobé au Ciel des feux plus purs, pour animer & béatifier les humains : bienfaisance, humanité, tolérance, vertu, bonheur, étoient les cris de leurs promesses : superstition, abus, fanatisme, ignorance, esclavage, étoient les anathêmes de leur zele. […] Nier l’immortalité de l’ame, ôter tout frein aux passions, confondre les notions du bien & du mal, réduire tout à l’amour de soi-même, exterminer toutes les vertus, rompre tous les liens, attaquer les Loix, renverser les principes, ne faire, en un mot, de la vie humaine qu’un tissu de motifs arbitraires, d’intérêts personnels, d’appétits sensuels & déréglés, d’actions animales* ; la terminer par un anéantissement entier, ou préconiser un suicide aveugle qui, par foiblesse ou par désespoir, en abrege le cours : n’étoit-ce pas en insulter les membres, & leur porter les coups les plus funestes ?

891. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Les autres écrits de Nicole ne valent pas celui-ci ; il offre beaucoup de vérités communes exprimées longuement ; quoiqu’on y sente un philosophe qui connoît le cœur humain ; un philosophe qui est toujours chrétien. […] Le Marquis de Vauvenargues a beaucoup servi à étendre la morale dans son Introduction à la connoissance de l’esprit humain. […] L’auteur du Dictionnaire philosophique ou introduction à la connoissance de l’esprit humain, 1766.

892. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

… Il connaissait bien la nature humaine et son lâche penchant à tout oublier ! […] Il n’y a pas que les peuples qui haïssent la supériorité au nom de l’insolente égalité humaine, et qui adorent la médiocrité parce qu’ils se reconnaissent en elle… Les chefs de gouvernement sont parfois peuple par ce côté-là ! […] » et, s’il n’était pas mort, c’est ainsi qu’il aurait donné sa démission des choses humaines.

893. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Prenez, en effet, les événements, les péripéties, les grands chocs, les causes mystérieuses ou visibles, absolues ou secondaires, les empêchements, les choses, comme disent les esprits vagues, la fatalité des circonstances, comme disent les esprits hébétés, les idées, enfin, comme répètent à leur tour les mystiques brouillons d’un panthéisme confus, c’est-à-dire prenez tout ce qui constitue l’Histoire, et cherchez résolument si tout cela cache rien de plus, sous un mouvement gigantesque ou une ruine immense, que la toute petite créature qui s’appelle l’homme, que cette vieillerie du cœur humain dont le programme est toujours à reprendre et qu’on ne connaît jamais assez ! […] Nous devons donc le croire, l’illustre historien s’est dit que des biographies n’étaient, en somme, ni moins importantes, ni moins nécessaires, que le récit des événements avec leur développement grandiose, et que là surtout, au contraire, était l’interprétation la plus intime de ces événements, le secret de l’humaine et divine comédie. […] À part des jugements sur la légitimité de la Révolution anglaise que toutes les croyances de mon âme m’empêchent d’accepter, même de la main respectée de Guizot, nul, je dois en convenir, ne fera mieux connaître jusque dans ses détails cette Révolution d’Angleterre, de tous les événements humains celui peut-être qui a le plus influé sur l’ensemble de sa pensée, à lui, et la direction de sa vie.

894. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Ces livres, qui doivent être l’admiration des coiffeurs et des modistes, portent des titres comme les suivants : L’Hygiène et le perfectionnement de la beauté humaine. — Les Parfums et les Fleurs, comme auxiliaires de la beauté. — L’Hygiène des mains, de la poitrine et de la taille. Et nous ne citons pas beaucoup d’autres traités du même agrément et de la même importance, car Debay est le colonel Amoros de la beauté humaine en littérature ! […] L’illusion, c’est de s’imaginer qu’il doit y avoir dans ces femmes, abîmes de néant, un de ces grands mystères de charme comme on en rencontre parfois dans l’histoire du cœur humain.

895. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Les notions sont ce qu’elles peuvent être dans les têtes humaines. […] Jules Simon n’est pas, comme on pourrait le croire, un ignorant en christianisme ; et malgré la simplicité, chère aux esprits vulgaires, de sa religion naturelle dont il nous donne les preuves humaines, psychologiques, individuelles et par conséquent peu obligatoires, ce qu’il y a d’illusionnant et de dangereux dans cette religion, à portée de toutes les faiblesses, c’est encore ce que le christianisme, dont l’action nous pénètre comme la lumière, y a versé d’influence secrète et démentie ! […] Il faut une sanction à la morale chrétienne, que seul le christianisme a trouvée, et qu’une doctrine humaine, philosophique ou naturelle, ne peut remplacer !

896. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Louis-Auguste Martín, quelque chose de très offensant pour le droit humain, et c’est là le grand reproche qu’il ait à faire à la Chine, mais, enfin, il n’en dit pas moins ; fier pour elle comme s’il était lui-même un Chinois : « Ce qui caractérise la civilisation en Chine, c’est la morale ! […] Oui, ce qui l’empêchait d’entrer, cette morale, dans les mœurs, c’est d’abord le vilain bambou, incompatible avec le droit humain ! […] Et le plus écrasant démenti ne lui est-il pas donné par l’Histoire toute entière, qui atteste que le Christianisme a centuplé cette puissance, là où il a saisi la nature humaine, — en Chine même, comme ailleurs et partout !

897. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Armand Hayem45 I Dans un temps où les mandarins des instituts s’imaginent diriger et gouverner l’Esprit humain, voici un livre qui aurait dû avoir leurs bonnes grâces et qui a perdu ses coquetteries à leur en faire… L’auteur de ce livre, Armand Hayem, est, je crois bien, parmi les jeunes écrivains de la génération qui s’élève quand le siècle finit, un des mieux faits pour avoir des succès d’institut. […] Il a l’inconséquence des croyances fatales, plus forte que l’esprit humain… Son livre, sous sa forme froide, didactique et réfléchie, est, en somme, un hymne en l’honneur de la science… future. […] Et c’est ainsi qu’un esprit fait pour dire ce qu’il voit dans les réalités humaines emboîte le pas derrière d’indignes maîtres, et se courbe jusqu’à n’être que le répétiteur de leurs ineptes prédictions.

898. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Or, littérairement, tous les sujets qui, en nature humaine, ne sont pas faux, sont bons pour le talent qui voit en eux des choses cachées et qui doit les en faire sortir. […] Duranty, qui bûche si vaillamment dans cette vulgarité, pour lui peut-être la seule nature humaine, ne suffit pas pour nous intéresser à tous ces gens-là qu’il nous montre dans son roman, un écrin de médiocrités ! […] Leur gaieté même est âpre, quand ils plaisantent, et l’on voit, à travers la jeunesse de l’un et la maturité de l’autre, la tête de mort d’un siècle vieux… Enfin, — et c’est là le plus grand reproche qu’on puisse leur adresser, — observateurs de la vie sensible et descripteurs acharnés et presque chirurgicaux du défaut et du vice humain, pour tout ce qui tient à la vie morale, ce sont d’indifférents sourds-muets.

899. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Comme l’éclat de la noblesse leur faisait ombrage, ils se montrèrent favorables aux droits de la nature humaine, commune aux nobles et aux plébéiens. […] Tant les esprits sont disposés à reconnaître docilement l’équité naturelle sous les gouvernements humains ! […] Ainsi en changeant de forme de gouvernement, Rome eut l’avantage de s’appuyer toujours sur les mêmes principes, lesquels n’étaient autres que ceux de la société humaine.

900. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

A côté des élans les plus enflammés de l’hymne et de la louange des héros, il a trouvé les accents les plus douloureux et les plus directs de la plainte humaine. […] Mais il n’en était pas ainsi chez les Anciens, accoutumés, selon l’enseignement de la nature, à croire que les choses étaient des réalités et non des ombres, et que la vie humaine était destinée à mieux qu’à la souffrance. […] Il a rang parmi le petit nombre de ceux qui ont le plus pénétré et retourné en tout sens l’illusion humaine. […] Ainsi l’âme humaine en détresse se donne le change. […] nous sommes la moindre partie des choses ; les glèbes teintes de notre sang, les cavernes où hurle l’hôte qui nous déchire, ne sont point troublées de notre désastre, et l’angoisse humaine ne fait point pâlir les étoiles.

901. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

L’Iliade célèbre l’héroïsme, l’Odyssée raconte le cœur humain. […] La nature et le cœur humain s’y révèlent, avant l’âge des déclamations et des affectations littéraires, dans toute la simplicité et dans toute la naïveté du premier âge, de cet âge d’innocence des livres, si l’on ose se servir de cette expression. […] Ce sont là les peintures qui, sans l’enlever aux réalités de sa vie de mère de famille et de maîtresse de ménage rustique, la ravissaient dans ce monde antique, profane ou sacré ; elle y retrouvait les mêmes mœurs, les mêmes images et le même cœur humain que dans sa maison. […] L’Odyssée est un poème épique familier, le poème de la vie humaine tout entière, sans acception de conditions ou de rangs dans la société. […] Tous ces déguisements, toutes ces vicissitudes, tous ces périls du père, du fils, de l’épouse, inspiraient de jour en jour plus d’intérêt à nos âmes neuves encore aux hasards de la destinée humaine.

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