On s’étonne qu’après avoir goûté la douceur et les charmes du repos, il veuille bien se donner encore la peine de commander ; et l’on finit par prier sa divinité de vouloir bien, du faîte où elle est placée, veiller sur l’univers, et de sa tête céleste faire quelques signes, pour marquer aux choses humaines le cours de leur destinée. […] Une âme profondément corrompue par le pouvoir, n’a plus de mesure juste, ni pour elle-même, ni pour les autres, et le genre humain tout entier se recule à une distance immense d’elle. […] Il eût mieux valu dire que sa valeur n’était rien à son humanité ; qu’empereur il fut modeste et doux ; que maître absolu, il donna, par ses vertus, des bornes à un pouvoir qui n’en avait pas ; qu’il n’eut point de trésor, parce qu’il voulait que chacun de ses sujets en eût un ; que les jours de fêtes, il empruntait la vaisselle d’or et d’argent de ses amis, parce qu’il n’en avait point lui-même ; qu’il fut humain en religion comme en politique ; et que, pendant tout le temps qu’il régna, tandis que les autres empereurs, persécuteurs des chrétiens, lui donnaient l’exemple d’une superstition inquiète et féroce, il ne fit jamais, dans ses États, ni dresser un échafaud, ni allumer un bûcher. […] Le genre humain semble en avoir perdu la trace, et il faut des révolutions et des siècles pour l’y ramener.
On ne renoncera pas, par respect pour le public, à ce qu’on sait être la vérité humaine : il applaudit Astrate, on lui présentera Andromaque. […] L’artiste qui parle à notre intelligence, qui nous démontre scientifiquement, exactement, froidement, le mécanisme de l’âme humaine ne nous satisfait pas : le théâtre n’est pas une école pratique de psychologie. […] La nature humaine, d’abord, affinée par la vie de cour et la vie de salon, n’offrait pas le même modèle à l’imitation que, par exemple, la brutale Angleterre de Shakespeare, ou notre turbulente et confuse société. Il y avait, au moins dans les mœurs extérieures, plus de gravité, de tenue, de décence : la « bête humaine » était muselée, sinon détruite. […] Boileau sans doute a quelque faiblesse parfois pour la rhétorique et ses figures, et estime un peu trop ce qui, dans l’art, est d’institution humaine et représente en soi le sujet plus encore que l’objet.
Prenant l’esprit humain adulte, ils ont considéré ses formes constitutives comme des conditions initiales. […] Ainsi il trouve dans Xénophane, au moins des germes de scepticisme204 ; son disciple Parménide « n’a pas seulement une notion vague et générale de l’incertitude de la connaissance humaine ; il maintient que la pensée est trompeuse, parce qu’elle dépend de l’organisation205 », ce qui louche de plus au matérialisme, Héraclite ne voit dans tout qu’un devenir. — Empédocle se lamente sur l’incertitude de la connaissance et la fragilité de la vie humaine. […] Il est de cœur avec les hommes de ces vieux âges, il les admire, il ne pense pas sans émotion à cet essor de la curiosité humaine, hardie, infatigable, libre pour la première fois. […] Demandez-lui s’il considère ses perceptions comme des copies des objets, s’il croit que la fleur qui est devant lui, peut exister indépendamment de lui et de tout être humain, et exister avec les mêmes attributs de forme, odeur, goût, etc. : sa réponse sera affirmative. […] Bien des gens qui accorderont que la douleur causée par le feu n’est pas une copie du feu, soutiendront que l’apparence produite sur les yeux par le feu, est l’apparence réelle du feu, indépendamment de la vision humaine.
Il n’a pas le montant du talent, le ragoût enragé de l’apprêt, de l’art de tout ce qui crée la vie et l’illusion dans le mensonge humain. […] Que Montaigne doutât, il veut bien l’innocenter de son doute, mais Pascal, il le trouve coupable du sien, et il oublie Byron, qui écrivait : « Le doute est le nec plus ultra de la foi humaine », et Chateaubriand, qui ne doutait pas, et qui n’est probablement resté chrétien que par le sentiment de l’honneur, traitant de gentilhomme à Dieu ! […] À cette époque-là, tout le monde fut frappé, en lisant le très beau récit de Michelet (car il est très beau), de l’insistance curieuse et troublée avec laquelle l’historien s’arrêtait sur le secret qui devait rester entre la jeune fille et Dieu, sur le mystère humain du virginal Archange dont le sang de la femme n’a jamais, dit-on, terni la splendeur. […] Il s’agit du Christianisme tout entier, du Christianisme, l’erreur absolue qu’il faut balayer de la tête humaine comme une ordure, et le balai, c’est l’éducation ! […] L’esprit humain peut s’agiter tant qu’il voudra, et battre du pied et s’ébrouer comme un cheval encastré dans l’entrepont d’un vaisseau, il ne peut pas plus sortir du Christianisme que, de l’entrepont du vaisseau qui remporte, la bête hennissante !
Décidément, Charles-Quint est un sage accompli, détaché sans retour des vanités humaines. […] Les luttes de l’intelligence humaine sont pour lui des douleurs sans enseignement. […] Pure et candide, elle ne croit pas que Dieu, pour accueillir les prières humaines, leur demande par quelle foi elles ont été dictées. […] Les têtes comme celle de Napoléon sont le point d’intersection de toutes les facultés humaines. […] qu’est-ce que le point d’intersection de toutes les facultés humaines ?
Nulle main humaine ne peut effleurer ses cordes sans les briser ou les faire détonner. […] Donc le beau existe indépendamment de toute notion et de toute appréciation humaines. […] La laideur est donc une plaie sociale, un fait purement humain. […] Est-ce l’opinion ou les lois humaines qu’il faut détester pour avoir poussé Marguerite à ce crime ? […] L’homme resta très bon, très humain et beaucoup plus sensible qu’il ne voulait le paraître.
Revenons au drame humain. […] abandonnée au jugement humain qui juge et qui n’a point d’âme ! […] Je suis pénétré d’une épouvante désaccoutumée dès longtemps, pénétré du sentiment de toutes les calamités humaines. […] C’est la nature bien peinte, le cœur humain bien compris, la poésie, c’est-à-dire la beauté latente de la vie domestique bien chantée. […] Il respectait tout ce qui était sincère dans les croyances humaines ; il considérait la foi religieuse en artiste et non en apôtre ou en martyr.
Il est bon que le public voie jusqu’à quel point d’égarement peut aller l’esprit humain affranchi de toute règle et de toute bienséance. […] Pourquoi donc la Comédie humaine, qui castigat ridendo mores , excepterait-elle une puissance, quand la Presse parisienne n’en excepte aucune ? […] Je salue en Victor Hugo le Maître généreux et sublime qui a proclamé « le devoir de la pensée humaine envers l’homme ». […] Dans aucun temps, dans aucun pays, aucun poète n’a écouté de plus près, n’a reproduit avec plus de force ce cri de la douleur humaine. […] On fut étonné d’abord et l’on rougit ensuite de trouver devant soi un génie de la taille de ceux qu’on admire depuis des siècles ; car l’orgueil humain n’aime pas à respecter les lauriers verts encore.
Le Cid est l’idéal de ceux qui peuvent faire des fautes sans souiller leur âme, et qui ne peuvent être vertueux que dans la mesure de la faiblesse humaine. […] Tout Paris réclama pour la vérité selon la nature humaine, contre la vérité selon les casuistes de Richelieu. […] Le Cid est d’ailleurs, de toutes les pièces de Corneille, la plus humaine, c’est-à-dire la plus conforme à l’homme tel qu’il est. […] Le poète reçoit ses sujets de l’histoire et de la nature humaine ; Corneille croyait qu’il doit les inventer. […] Autant vaudrait dire que la nature humaine est du droit du poète.
Mais s’il y a eu quelque gloire dans cette querelle, c’est pour la femme illustre qui est restée, contre le préjugé d’une époque puissante et brillante, de l’avis de l’esprit humain. […] Il est impossible, selon lui, de prouver par « moyens humains » l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. […] Le moins que perde l’écrivain qui néglige l’antiquité classique, ce sont des lumières sur le cœur humain. […] De là cette religion de l’humanité, qui a eu ses hypocrites, et qui, à tous les maux des sociétés humaines, a ajouté l’esprit de chimère et le scandale de professer ce qu’on ne pratique pas. […] Enfant du dix-huitième siècle, je serais ingrat si je ne rapportais à ses écrivains ma part dans les biens de l’ordre moral qui ont élevé la condition humaine au dix-neuvième.
Le prince composait de grands paysages historiques avec les pages de la nature que la mer, les montagnes, les ruines déroulaient sous ses yeux ; Léopold Robert y jetait des groupes humains et pittoresques qui les animaient de leurs scènes ; la princesse Charlotte les gravait sous l’inspiration du jeune maître. […] Qui songerait à regretter l’arbre ou la source, une fois qu’on a porté ses regards sur le groupe humain ? […] Ils sentent leur dignité et font corps avec la famille humaine. […] Les Moissonneurs avaient été l’apothéose de la félicité humaine ; les Pêcheurs sont l’agonie de la terre, le Dies iræ de l’art, le prélude de mort du génie frappé au cœur, l’angoisse des cruelles séparations. […] Cette terre est majestueuse de naissance ; la nature humaine y porte la couronne, une empreinte de dignité et de noblesse qu’aucune profession ne fait déroger.
C’est une nouvelle mise au point, qui dégage ce qu’il y a dans toute œuvre d’essentiellement humain et d’éternellement beau. […] Mais, pour un même moment, le peintre et le décorateur ne peuvent de la même manière associer la nature à des actes humains. […] Ce drame, pathétique et humain, rajeunira de lui-même à mesure que la société française vieillira. […] Enfin il faudrait que chaque objet du monde extérieur eût une représentation identique dans chaque cerveau humain. […] C’est en somme le triomphe de l’être humain sur la nature, de l’intelligence sur la matière.
Le fond commun des deux sermons est que le désordre apparent des choses humaines est réglé par la main divine, que, l’ordre se rétablissant au dernier jour, les heureux de ce monde auront à trembler, et la tristesse des misérables se tournera en éternelle joie. […] Au point de vue de l’ordre idéal, rien de plus mal ordonné que le Discours de Démosthène sur la couronne, le chef-d’œuvre peut-être de l’éloquence humaine. […] Impérieusement salutaires, elles résultent de la nature des choses et de la forme immuable de l’esprit humain.
C’est le privilège des grands hommes de faire éternellement penser l’âme humaine, sans la fatiguer ni l’épuiser. […] La condition, ce sera la perfection du style, la perfection humaine, possible, plus difficile de nos jours, mais plus glorieuse. […] Plus le mystère de cette puissante génération étonne la raison humaine, plus l’explication lui en est facile. […] Il y a pourtant ceci à regretter dans l’ancien genre, qu’on y apprenait passablement à connaître le cœur humain. […] Est-ce que l’auteur a voulu nier la liberté humaine ?