Entre Voltaire, Buffon, Rousseau et d’Holbach, entre les chimistes et les beaux-esprits, entre les géomètres, les mécaniciens et les littérateurs, entre ces derniers et les artistes, sculpteurs ou peintres, entre les défenseurs du goût ancien et les novateurs comme Sedaine, Diderot fut un lien. […] Madame Diderot, négligée par son mari, se resserra dans ses goûts peu élevés ; elle eut son petit monde, ses petits entours, et Diderot ne se rattacha plus tard à son domestique que par l’éducation de sa fille. […] Quels que soient ses goûts particuliers, ses caprices, son humeur de paresse ou ses fantaisies de hors-d’œuvre, il doit à la société un monument public, sous peine de rejeter sa mission et de gaspiller sa destinée. […] Sans doute sa théorie du drame n’a guère de valeur que comme démenti donné au convenu, au faux goût, à l’éternelle mythologie de l’époque, comme rappel à la vérité des mœurs, à la réalité des sentiments, à l’observation de la nature ; il échoua dès qu’il voulut pratiquer. […] comme elle épouse son auteur dès qu’elle y prend goût !
En effet, on peut juger, par certains morceaux de ses Discours pleins de chaleur & de dignité, que plus de sobriété dans l’usage de son esprit, plus de retenue à sacrifier au goût des contrastes & de l’antithese, l’auroient encore plus approché de nos vrais modeles en ce genre. Nous connoissons de lui un Discours académique sur le Goût, où il s’est encore moins garanti de ces défauts ; à cela près, ce petit Ouvrage ne sauroit être trop estimé pour la délicatesse des pensées & l’élégance de l’expression.
Cette femme philosophe, et mieux que philosophe, cette femme souveraine, la plus faite de son sexe pour donner un démenti en sa personne à cette parole d’un grand mathématicien : « Le cerveau des femmes est une éponge à préjugés », s’est retrouvée femme et faible, précisément en ne voulant tenir compte que de ses goûts et en se mettant au-dessus de tout préjugé. […] Sa plus grande dissimulation en causant était de ne pas dire tout ce qu’elle pensait et ce qu’elle savait, mais elle ne s’abaissait jamais au mensonge ; elle aimait par goût la vérité, et « à s’approcher d’elle le plus qu’elle pouvait toujours. » Sa littérature nous est connue ; elle nous a dit elle-même ses lectures ; elle était devenue plus difficile avec les années : « Elle aimait (c’est le prince de Ligne qui parle) les romans de Le Sage, Molière et Corneille. — “Racine n’est pas mon homme, disait-elle, excepté dans Mithridate.” […] il m’a bien payée du goût que j’ai pris toute ma vie à le lire, et il m’a appris bien des choses en m’amusant”. » Sa Correspondance avec Voltaire, relue aujourd’hui, est à son avantage. Elle appelle, en commençant, Voltaire « le premier moteur de son goût et de son plus cher amusement. » Elle lui dit un joli mot : « Votre esprit en donne aux autres. » Il y a en effet de l’esprit qui n’est que de l’esprit une fois produit, et qui n’en donne pas : l’esprit de Voltaire est un boute-en-train.
Doudan, qui pouvait rester X, et qui a été X toute sa vie, car il avait le goût exquis de l’obscurité, est un esprit de la race de Joubert, de ce délicieux Joubert découvert après sa mort comme un diamant au fond d’un vieux bonheur du jour (c’en était un ce jour-là !) […] Quel trou dans le tissu soyeux et délicatement nué de cet homme de goût, de ce pur et élégant platonicien ! […] Il en a pris les goûts, les opinions et les mœurs. […] Son goût se hérissait quand on lui faisait flairer le laurier académique.
Le goût du Public qui accueille si bénignement de semblables miseres, n’est-il pas propre à opérer la dégradation des Arts, après avoir prouvé celle des mœurs ? […] Qui veut écrire avec décence, Avec art, avec goût, n’en recueille aucun fruit ; Il vit dans le mépris, & meurt dans l’indigence.
On a aussi de lui un Livre sur l'Art de sentir & de juger en matiere de Goût, dont l'objet est de faire connoître en quoi consiste le Goût qui crée, qui juge, qui admire le vrai & le beau dans les Ouvrages d'esprit, dans les Sciences, les Arts, & les Productions de la Nature.
. — On trouve aussi que Fouché est jugé un peu favorablement et avec trop d’indulgence ; le portrait de M. de Talleyrand, très-agréable, n’est lui-même qu’ébauché ; l’historien, si bien au fait des secrets les plus honteux, ne peut tout dire ; mais ces portraits sont touchés avec infiniment d’art et de goût. […] Soumet était un poëte habile, rompu à l’art des vers, mais pauvre d’idées et infecté de faux goût. […] Ce mot charmant qui veut surenchérir sur le beau, peint à merveille la mignardise et le faux goût venant gâter des inspirations qui promettaient d’être belles.
Ami de Collin-d’Harleville et de Picard, avec moins de sensibilité coulante et facile que le premier, avec bien moins de saillie et de jet naturel que le second, mais plus sagace, emunctae naris, plus nourri de l’antiquité, avec plus de critique enfin et de goût que tous deux, il préluda par Anaximandre, bluette grecque, de ce grec un peu dix-huitième siècle, qu’Anacharsis avait mis à la mode ; en 1787, il prit tout à fait rang par les Étourdis, le plus aimable et le plus vif de ses ouvrages dramatiques104. […] Andrieux ne pouvait être douteuse ; cette opinion lui était dictée par ses antécédents, ses souvenirs, la nature de son goût, les qualités qu’il avait, et aussi par l’absence de celles qu’il n’avait pas ; mais sa bienveillance naturelle ne s’altérait jamais, même en s’aiguisant de malice ; il embrassait peu les innovations, il raillait de sa vois fine les novateurs, mais comme il aurait raillé M. […] Son nom restera dans la littérature française, tant qu’un sens net s’attachera au mot de goût.
On n’écrit point une belle page sans goût et sans un goût pur et grand, et le goût est chez toutes les nations le produit d’un long intervalle de temps.
Son père, qui avait laissé sa femme jeune, belle et seule à Genève pour devenir horloger du sérail à Constantinople, donna sans doute à ce fils son goût d’aventures et de désordre. […] Tous nos goûts sont des réminiscences. […] Ces ordures des Confessions n’offensent pas moins le goût que les mœurs. La corruption n’a pas de goût ; ce n’est que l’infection de l’esprit, comme le vice est l’infection du cœur. […] Ces goûts lui font rechercher la compagnie des plus mauvais sujets de l’atelier.
Qu’il se défie de son érudition, qu’il se défie même de son goût — mais c’est là un illustre défaut, — et ce tableau contient assez d’originalité pour promettre un heureux avenir. […] Déjà, dans les illustrations d’Othello, tout le monde avait remarqué la préoccupation d’imiter Delacroix. — Mais, avec des goûts aussi distingués et un esprit aussi actif que celui de M. […] Léon Coignet est un artiste d’un rang très-élevé dans les régions moyennes du goût et de l’esprit. — S’il ne se hausse pas jusqu’au génie, il a un de ces talents complets dans leur modération qui défient la critique. […] Il y a là une bonne couleur, modérément gaie, unie à beaucoup de goût. […] — De gros amours Empire sous prétexte de sylphes. — Il ne suffit donc pas d’être coloriste pour avoir du goût. — Sa Fanny est mieux.
La recherche & la connoissance des anciens monumens étoit, dans M. de Caylus, plutôt une passion, qu’un simple goût. […] Quoi qu’il en soit de ce goût poussé trop loin, l’Histoire d’Hercule le Thébain, & son Recueil d’Antiquités Egyptiennes, Etrusques, Grecques, Romaines & Gauloises, prouveront toujours l’étendue de ses connoissances, & contribueront à éclairer, autant qu’à flatter les Erudits & les Curieux.
Ce qui nous paroît vraiment mériter de justes éloges, ce sont les Notes qui accompagnent son Ouvrage intitulé les deux âges du Goût. […] Le goût & la raison ont leurs droits ; la crainte de déplaire ne sauroit jamais être un motif pour les sacrifier.
Un jugement solide, un goût exquis, une méthode claire, des tours ingénieux, enrichissent cette Production, dont le style est néanmoins quelquefois diffus & peu châtié. […] Felibien étoit ami du fameux Poussin, qui ne contribua pas peu à perfectionner son goût pour les Arts.