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1382. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Le cabinet de lecture, où il allait chercher le plus généralement des romans d’Anne Radcliffe, était situé dans la maison, d’où devait partir, à bien des années de là, la machine infernale de Fieschi, et la bossue qui le tenait, avait pour commis un certain garçon, que Gavarni retrouva plus tard jouant les Amours dans les gloires des Funambules, et plus tard encore, libraire et éditeur de plusieurs séries de ses dessins. […] Qui sait si un jour les démocraties qui viendront, n’auront pas l’idée d’élever aux gloires de la France, un Panthéon de souvenirs et de commémoration, accessible à l’intelligence des yeux de tous, et que les foules liront sans épeler, — un Versailles en cire ? […] Un orateur de salon et de coin de cheminée, un charmant causeur, ami des paradoxes et des thèses sceptiques, mordant à droite, à gauche, niant les principes, rapetissant les hommes avec des anecdotes inédites, les gros faits avec de petits détails, plus jaloux de paraître ne pas ignorer que de savoir à fond, de charmer l’attention que de la subjuguer, de briller que de convaincre, et médisant de Dieu, des hommes et des choses pour la plus grande gloire de la conversation.

1383. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Si ce croquant politique, leur frère, qu’ils métamorphosent en cousin pour cacher sa fuite de Cayenne, avait eu seulement une étincelle de ce feu sacré qui fait les charcutiers et qui cuit le boudin, du coup il devenait charcutier, et nous n’eussions pas eu, pour le bonheur de notre esprit, cette étonnante et forte étude sur la charcuterie qui restera la gloire de M.  […] Zola lui fasse une gloire de son repentir, de sa pénitence, de sa résistance obstinée à la femme qui le fit tomber et à la tentation des souvenirs ? […] Ses intentions, quelles qu’elles soient, et complètement invisibles dans son livre, n’empêchent pas la boue qu’il brasse d’être dégoûtante, et c’est même la gloire de cette boue et de son brasseur !

1384. (1774) Correspondance générale

Qui est-ce qui s’est intéressé vivement à ma gloire ? […] Je ne cours pas enfin après la gloire de finir une entreprise importante qui m’occupe et fait mon supplice depuis vingt ans ; dans un moment, vous concevrez combien cette gloire est peu sûre. […] Fenouillot n’est point du tout indigne que vous fassiez pour sa gloire et pour sa fortune ce que vous faites pour la gloire et la fortune de M.  […] Après avoir discuté avec elle ce qui concerne sa gloire, elle m’a renvoyé par devant un de ses ministres pour la chose d’intérêt. […] L’affaire d’intérêt ne pouvait pas être aussi claire pour lui que celle d’utilité et de gloire pour la souveraine.

1385. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Quelle gloire en effet pour nos écrivains (quand bien même il serait vrai qu’ils ne doivent prétendre à aucune autre) d’avoir été les interprètes du monde dans ce fécond et admirable commerce des esprits ! […] Il vivait dans la retraite, assistant sans amertume au déclin de sa propre gloire, éclipsée de son vivant par des gloires plus jeunes et plus brillantes, heureux du moins d’avoir, comme Agathon, conquis la sagesse. […] Mais le moraliste, qui étudie son temps et qui aspire à le faire connaître, ne doit pas seulement s’inquiéter des gloires bruyantes. […] ce péché tournera à ta gloire et à celle de ton Église ! […] Mais ô vanité de la gloire des poètes !

1386. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Il y avait une gloire à continuer d’écrire comme cela ; il en a voulu une plus haute ou, pour mieux dire, plus difficile. […] Songez au mariage étourdissant que pouvait faire Goethe vers 1790, chargé de gloire et d’honneurs ! […] Sa gloire est établie, son œuvre très peu connue ; c’est donc à la connaissance de son œuvre qu’il faut contribuer, non à sa gloire. […] Certes, je ne lui nierai pas sa détestable gloire. […] La gloire de ces romanciers populaires étonne la postérité, qui n’est composée que de délicats et même de difficiles, du moins quand elle regarde les morts.

1387. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Le phare de la gloire est à feux tournants. […] Mais les Misérables n’ont-ils pas la meilleure part de sa gloire ? […] C’est son plus beau titre de gloire. […] Leur rage se passe à éreinter nos gloires littéraires. […] La gloire le frôle.

1388. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Ni Boileau, ni Racine, ni Molière, ni La Fontaine ne se cachent d’imiter, mais plutôt ils s’en font gloire, et de surpasser, s’ils le peuvent, ou, à tout le moins, d’égaler en imitant. […] Krantz ne nous a pas dit un mot, si j’ai bonne mémoire, de cette connaissance de l’homme où est cependant la vraie gloire du xviie  siècle. […] Et s’il est capable de friponneries un peu fortes, on les lui pardonne, parce qu’il n’a pas ce trait du fripon de profession, qui est de mettre sa gloire dans ses friponneries. […] On doit ajouter que, dans la littérature comme dans l’art, il n’a été donné qu’à bien peu d’hommes de conserver pour eux-mêmes au regard de la postérité le bénéfice et la gloire de leurs vraies inventions. […] Mais déjà, selon l’expression de ses biographes, « un besoin impérieux, devant lequel tout autre se tait, même celui de la gloire », avait commencé de le dominer.

1389. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Il part, il vole, il arrive au pont de Kehl ; mais adieu la gloire ! […] parce qu’il ne la tenait que par un côté, pour ainsi dire, par le côté de la gloire, oubliant qu’elle avait aussi une passion de liberté à satisfaire. […] C’est en effet la double gloire de M. de Chateaubriand ; il a concilié deux qualités qui se combattent presque toujours : il a été grand écrivain par sa tempérance autant que par son audace ; il a servi la langue comme érudit et comme poète, comme puriste et comme novateur. […] Aussi ont-ils acquis une gloire véritable. Malheureusement pour la gloire de M. 

1390. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Il s’est promis par là une gloire immortelle et toujours renouvelée au gré de chaque jeune génération, qui reviendra de dix ans en dix ans, comme en pèlerinage, pour contempler et couronner son monument : Flots d’amis renaissants ! […] M’enveloppant alors de la colonne noire, J’ai marché devant tous, triste et seul dans ma gloire, Et j’ai dit dans mon cœur : Que vouloir à présent ? […] Magnin, cette tristesse d’une supériorité surhumaine qui isole, ce pesant dégoût du génie, du commandement, de la gloire, de toutes ces choses qui font du poète, du guerrier, du législateur, un être gigantesque et solitaire, un paria de la grandeur. » L’arrière-pensée littéraire et personnelle, si elle y était déjà, perçait à peine et n’est sortie qu’après. […] pourquoi n’ai-je pas continué à demeurer le servant officieux et le défenseur dévoué des mêmes gloires ?

1391. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

La gloire lui était venue aisément et vite : il en avait joui dès trente ans. […] La troisième fois enfin il la lance : « La grande épée jeta des éclairs sous la splendeur de la lune, —  et fit dans l’air une arche de clarté, —  comme le rayonnement d’aube boréale — qui jaillit lorsque les îles mouvantes de l’hiver s’entrechoquent — la nuit, parmi les bruits de la mer du Nord. —  Mais avant que l’épée eût touché la surface, —  un bras s’éleva, vêtu de velours blanc, mystique, merveilleux, —  et la saisit par la poignée, et la brandit trois fois ; —  puis s’enfonça avec elle dans la mer1541. » Alors Arthur, se soulevant douloureusement et respirant avec peine, ordonne à sire Bedivere de le charger sur ses épaules et de le porter jusqu’au rivage. « Hâte-toi, hâte-toi, car je crains qu’il ne soit trop tard, et je crois que je vais mourir. » Ils arrivent ainsi, le long des cavernes glacées et des roches retentissantes, jusqu’au bord du lac où « s’étalent les longues gloires de la lune d’hiver. » — « Là s’était arrêtée une barque sombre, —  noire comme une écharpe funèbre de la proue à la poupe ; —  tout le pont était couvert de formes majestueuses, —  avec des robes noires et des capuchons noirs, comme en songe ; auprès d’elles, —  trois reines avec des couronnes d’or ; de leurs lèvres partit — un cri qui monta en frémissant jusqu’aux étoiles palpitantes. —  Et comme si ce n’était qu’une voix, il y eut un grand éclat de lamentations, pareil à un vent qui crie — toute la nuit dans une terre déserte, où personne ne vient — et n’est venu depuis le commencement du monde1542. […] Tant de dons précieux, un esprit si fin, un tact si délicat, une fantaisie si mobile et si riche, une gloire si précoce, un si soudain épanouissement de beauté et de génie, et au même instant les angoisses, le dégoût, les larmes et les cris ! […] Les religions, leur gloire et leur ruine, le genre humain, ses douleurs et sa destinée, tout ce qu’il y a de sublime au monde lui est alors apparu dans un éclair.

1392. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Mais elle n’entra en possession de tout son génie, de toute sa popularité, de toute sa gloire, qu’à l’époque où cette papauté elle-même, devenue puissance politique en Italie, régna avec toutes les pompes du trône universel des intelligences sur la catholicité, et, chose remarquable, la naissance de la peinture moderne à Rome coïncida avec la renaissance des lettres, de la philosophie et de la mythologie grecques à la cour des papes. […] Le jeune artiste accepta sans hésitation, des mains de l’amitié, ces arrhes de sa gloire future, bien sûr de les restituer avec usure à son généreux patron. […] L’enthousiasme de l’antiquité, de l’histoire, de l’art, des statues, des tableaux, de là musique, de la poésie, de la philosophie, baignait tous les pores ; c’était la transfiguration de l’homme en pure intelligence par la divinité de l’art ; on ne respirait que de la gloire ; on avait le mirage de l’immortalité. […] Ces lettres, comme ces poteaux funèbres plantés dans la neige des Alpes, au bord du précipice, jalonnent la route de la gloire à la mort.

1393. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

« Bien, lui dis-je ; amenez-le demain à la fin du jour ; je lui souhaiterai bon voyage au pays de Pétrarque, de l’amour et de la gloire, maintenant que les vers, l’amour et la gloire sont devenus une pincée de cendre trempée d’eau amère entre mes doigts. » Merci, dit-il ; et il me serra la main dans sa main nerveuse, qui tremble, qui étreint et qui brise les doigts de ses amis comme une serre d’aigle concasse et broie les barreaux de sa cage. […] C’est la patrie et la gloire au point de vue du peuple marin des côtes provençales : le poète n’embouche pas moins bien le clairon que la flûte. […] « Et le cantique de la mort résonnait là-bas dans la vieille église, etc., etc. » XXIX Voilà la littérature villageoise trouvée, grâce et gloire à la Provence !

1394. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Jean Vignaud (Les Amis du Peuple), Jean Viollis (La Récompense), Louis Lumet (La Fièvre, le Chaos), avec un style ardent et clair, des dons de composition et d’évocation très particuliers, Henry de Bruchard (La Fausse Gloire), etc., avec des préoccupations différentes allaient au peuple et nous contaient ses misères, et la vie de ceux qui le dirigent ou espèrent le diriger. […] Ils sont partis pour le pays de l’éternel hiver… ou de la gloire, cet éternel printemps51. » M.  […] Frapié, Claude Farrère), deux surtout méritaient leur gloire et on ne peut qu’applaudir l’indépendance qui présida à ces jugements. […] Pierre Servain oublie son bonheur, sa jeune femme, Claire, jolie assez et sans volonté, simple et toujours un peu étonnée, qui s’enfuit avec un quelconque rapin auréolé de gloire pseudo-militaire.

1395. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

que de mesures à garder du côté de la bienséance et de la gloire ! […] Il semblait que, Louis XIV ayant abusé de sa méthode de régner, une nouvelle et plus douce manière devait être plus efficace et d’une application désormais certaine : Les rois ne peuvent être grands qu’en se rendant utiles aux peuples… Ce n’est pas le souverain, c’est la loi, Sire, qui doit régner sur les peuples… Les hommes croient être libres quand ils ne sont gouvernés que par les lois… Oui, Sire, il faut être utile aux hommes pour être grand dans l’opinion des hommes… Il faut mettre les hommes dans les intérêts de notre gloire si nous voulons qu’elle soit immortelle ; et nous ne pouvons les y mettre que par nos bienfaits.

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