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624. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Lundi 19 février À cette première de la reprise de Ruy-Blas, j’étais frappé de l’infériorité de la machine dramatique, et comme elle fait faire de l’enfantin aux plus grands talents. […] Il n’est frappé, n’est touché, n’est remué que par une chose : la sculpture. […] Et il faisait la remarque que, de toute la chair ainsi frappée, rien ne rougissait que la place des cinq doigts. […] Mardi 27 août Un squelette de grandeur naturelle qui chevauche un lion, et frappe les heures sur sa tête, avec l’os d’un fémur : c’est une vieille horloge qui arrête et retient votre regard, au milieu de l’immense bric-à-brac du Musée national de Munich.

625. (1894) Textes critiques

Je frappe l’ennemi, Je frappe, et me lance, et me lance en avant ! […] Floury, 6 fr. — Léon Parsons : l’Ordre social et le Contrat libre, plaq., Chamuel‌   Un homme, par des engins inventés par lui ou retrouvés de traditions perdues au reste, frappe à distance à son plaisir quiconque nuirait à sa liberté parfaite. […] C’est parce que la foule est une masse inerte et incompréhensive et passive qu’il la faut frapper de temps en temps, pour qu’on connaisse à ses grognements d’ours où elle est — et où elle en est.

626. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Non ; il s’ensuit seulement que le contraste de l’obscurité des vallées, le matin, avec le rayonnement des sommets qu’il frappe de ses rayons, vous fait apparaître l’astre plus lumineux et les hauteurs plus splendides ; mais, en réalité, il y a un million de fois plus de lumière sur la terre au milieu du jour qu’à l’aube du jour. […] Je sortais des livres, et je ne voyais, dans tout ce qui frappait mes regards, qu’un autre grand livre vivant à lire. […] Je frappai le marteau d’une porte élevée de deux marches au-dessus du quai. […] Je frappai avec plus d’assurance ; trois domestiques en deuil me reçurent dans le corridor.

627. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Écoutez-en seulement les derniers vers ; ils rappellent, par leur fruste énergie, le poil hérissé et la gueule sanglante de ce sanglier de Calydon qu’on voit sur la place du marché de Florence : Ainsi, quand, désertant sa bauge solitaire,         Le sanglier, frappé de mort, Est là, tout palpitant, étendu sur la terre,         Et sous le soleil qui le mord ; Lorsque, blanchi de bave et la langue tirée,         Ne bougeant plus en ses liens, Il meurt, et que la trompe a sonné la curée         À toute la meute des chiens ; Toute la meute, alors, comme une vague immense,         Bondit ; alors chaque mâtin Hurle en signe de joie, et prépare d’avance         Ses larges crocs pour le festin. […] Vérité, clarté, propriété, sobriété saine, sens spirituel et juste dans une image naturelle et proportionnée au sens, harmonie des vers sans mollesse, brièveté de la phrase poétique qui ajoute à sa vigueur, trait inattendu qui frappe avant d’avoir averti, peu d’élan, mais une marche vive et sûre qui va droit au but et qui ne trébuche jamais ; en un mot toutes les qualités, non d’un grand poète, mais d’un grand manieur de la langue poétique, voilà ce qui distingua à l’instant ce jeune homme et qui donna à sa jeunesse l’autorité d’un âge avancé. […] La seconde satire est adressée à Molière : Rare et fameux esprit, dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail et la peine, Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts, Et qui sait à quel coin se frappent les bons vers ! […] Maintenant que le temps a mûri mes désirs, Que mon âge, amoureux de plus sages plaisirs, S’en va bientôt frapper à son neuvième lustre, J’aime mieux mon repos qu’une fatigue illustre.

628. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

J’en fus frappé ; je prévis un grand événement, un grand changement dans l’état des choses, et même dans la forme du gouvernement. […] On ne cessa de l’insulter, on lui cracha au visage ; des furieux s’approchèrent pour le frapper malgré les bourreaux ; on lui jetait à la face des questions cyniques.

629. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond n’excelle pas moins à donner l’impression des diverses heures du jour, celle du soir et du couchant, — soit qu’il en jouisse à la descente, dans une vallée déjà riante, non loin de Bagnères-de-Luchon, près d’une antique chapelle : Je m’arrêtai un moment devant cette chapelle, frappé de la magnificence du paysage qui l’entoure : le soleil voisin de son coucher y répandait ce charme qui naît de l’approche du soir. […] Lui qui a si bien senti l’individualité et comme le génie de chaque montagne, n’a-t-il pas dit : « Une fois que le Marboré s’est saisi du spectateur, on n’est plus où l’on est, et il n’y a plus que lui dans tout ce qui mène à lui. » En 1793, arrêté trois fois au milieu de ses paisibles herborisations, recueilli ici, insulté là, il n’avait qu’un pas à faire pour franchir la frontière, il ne songea point à émigrer : il n’aurait voulu compromettre ni son vieux père ni aucun des siens ; et puis il était de ceux (selon sa belle expression) qui respectaient jusque dans son délire la mère qui les frappait.

630. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Je suis très frappé dès les premières pages du Journal, et de plus en plus, à mesure qu’on avance dans cette lecture, de l’état de santé de Louis XIV, et je m’explique ainsi bien des changements qui survinrent alors dans son régime et dans ses mœurs. […] L’hiver et l’année suivante se passent pour Louis XIV à aider Jacques II dans son infructueuse expédition d’Irlande : d’ailleurs on ne voit pas qu’il songe à rien de décisif sur le Rhin ni qu’il veuille frapper aucun coup pour déconcerter la ligue ennemie.

631. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

C’est son mot favori ; et il n’oublie pas de nous dire qu’à ce moment où il parlait ainsi des grands coups de la bataille, il levait haut le bras et faisait le geste de vouloir frapper ; ce qui ne déplaisait pas au roi et redoublait la joie du Dauphin. […] À celle nouvelle, il éprouva une impression soudaine et qu’il a rendue bien énergiquement ; tout son sang se glaça, en écoutant le gentilhomme qui lui faisait ce récit : « S’il m’eût donné, dit-il, deux coups de dague, je crois que je n’eusse point saigné ; car le cœur me serra et fit mal d’ouïr ces nouvelles ; et demeurai plus de trois nuits en cette peur, m’éveillant sur le songe de la perte. » Il se représentait la scène du conseil, sa promesse solennelle de la victoire, la conséquence incalculable dont une défaite eût été pour la France, et dans ce prompt tableau que son imagination frappée lui développa tout d’un coup, cet homme intrépide retrouva la peur à laquelle il était fermé par tout autre côté.

632. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

L’exagération ou, pour parler franc, le faux du livre de Charron est de même nature que dans Montaigne : seulement on en est plus frappé et cela saute plus aux yeux, parce qu’il a dégagé la doctrine de Montaigne de toute la partie badine qui déroute, mais aussi qui amuse ; il a pressé et rapproché les conclusions, les propositions. […] C’est pendant ce séjour que, le dimanche 16 novembre 1603, il fut frappé d’apoplexie foudroyante dans la rue Saint-Jean-de-Beauvais, au coin de celle des Noyers ; il avait soixante-deux ans.

633. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Un trait piquant d’abord plaît, frappe, étonne ; Mais il s’émousse, et devient monotone ; Et si le goût ne le place avec choix, Si d’un sel pur grâce ne l’assaisonne, Si l’épigramme à la vingtième fois Ne vous plaît mieux, elle n’est assez bonne. […] Je ne profite pourtant pas souvent de cette commodité, et je suis souvent des huit jours entiers sans sortir de chez moi que pour aller à l’église, dont j’ai à choisir de trois ou quatre, m’occupant fort agréablement et sans ennui de mes jardins et de mes livres, sans oublier les muses, avec lesquelles j’ai toujours quelque petit entretien ; car quand une fois on est frappé de cette agréable folie, on peut s’assurer d’en tenir pour le reste de ses jours, et de mourir, pour ainsi dire, en rimant.

634. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Deux choses me frappent dans ces premiers témoignages qui viennent de lui ou des autres : c’est combien il est homme de lettres de bonne heure, et, malgré l’irrégularité de son éducation, donnant de lui à ceux qui le voient de près l’idée et la confiance qu’il réussira. Un certain oncle Bouvet, personnage un peu solennel, le lui prédisait dès 1804, en lui rappelant l’exemple des hommes de talent qui s’étaient formés d’eux-mêmes : « La mesure de votre gloire sera celle des difficultés que vous aurez vaincues ; j’aime à me le persuader et vous attends impatiemment au but. » Un second point qui me frappe dans ce commencement de la Correspondance et qui a été contesté cependant, c’est la gaîté, une gaîté entremêlée de réflexion, de travail, de méditation même ; mais je maintiens la gaîté.

635. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Je suis moins frappé, je l’avoue, en relisant d’autres articles qui appartiennent à cette série. […] Soyez un homme pur, moral, régulier, adonné dès vos jeunes ans à tous les justes devoirs, à toutes les bonnes et louables habitudes, à tous les nobles exercices qui entretiennent et qui préservent la santé de l’esprit, et vous êtes frappé dans la force de la jeunesse ; vous l’êtes comme ne l’est pas toujours celui qui s’est livré à tous les excès, qui a usé et abusé de tout !

636. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

La jeunesse d’Ampère le frappa et contrastait en effet avec l’étendue et l’impartialité de ses jugements. […] La traduction de son Faust par l’aimable et gentil Gérard de Nerval lui avait fait un vrai plaisir, et il la louait comme très bien réussie : « En allemand, disait-il, je ne peux plus lire le Faust, mais dans cette traduction française, chaque trait me frappe comme s’il était tout nouveau pour moi. » Il vérifiait ainsi ce qu’il avait dit autrefois dans une poésie charmante : Emblème.

637. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Michel Chevalier le rédigea presque seul pendant plus d’un an (1830-1832), on serait frappé de tout ce qu’il contient de vues grandioses qui se sont réalisées depuis ces trente dernières années ; et, dans cette sorte de prédication ou de prophétie positiviste à laquelle il vaquait chaque matin, non pas sans inspirateur, mais sans collaborateur, et d’une verve incessante, la partie dès aujourd’hui conquise paraîtrait plus considérable, j’en suis certain, que celle qui n’a pas abouti. […] Michel Chevalier a faite en sa qualité de président pour le Rapport du jury français sur l’Exposition de Londres en 1862, je suis frappé de la ressemblance et presque de l’identité des idées et du programme avec ces anciens articles du Globe qui pouvaient sembler comme un feu d’artifice continu : c’est la même pensée, c’est la même devise ; mais les moyens d’exécution sont autres et plus étudiés.

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