De là le caractère antireligieux comme antimonarchique de la révolution française. […] Depuis le mémoire de l’Académie française contre le Cid, on n’avait rien vu de pareil. […] M. de Maistre, s’il n’était pas Français de naissance, était Français d’origine. […] La révolution française ne le surprit donc pas ; il l’avait vue venir, il l’attendait. […] Que fallait-il penser de la révolution française ?
Étrange et arbitraire fantaisie, si l’on veut montrer des Français, et tels Français, d’évoquer Cyrus ou Horatius Coclès ! La Fable et l’histoire ancienne sont de précieuses formes pour réaliser les types généraux : mais quand ce qu’on veut montrer, c’est précisément ce qui fait qu’un Français est Français plutôt que Romain ou Asiatique, il faut sortir du bon sens pour aller d’abord loger son action sur les bords du Tibre et de l’Hellespont. […] Il faut lui montrer son idée du Romain et son idée du Français, si on veut qu’il reconnaisse des Romains et des Français, et de plus des hommessous ces deux apparences. […] Boileau a donc absolument raison quand il dit — et ce qu’il dit n’a pas d’autre sens — que le Grec qui entendait comparer Ajax à un âne, n’était pas affecté de la même façon qu’un courtisan français qui lit en sa langue une traduction du même passage. Il est incontestable aussi que de dire à un Français qu’Eumée est un porcher, et qu’Ulysse inquiet se tourne dans son lit comme un boudin sur le gril, cela ne lui fait pas du tout l’effet que les vers correspondants du texte produisaient sur les Grecs.
Après s’être rempli de la lecture de Dom Calmet, vous pourrez lire les Antiquités judaïques de Josephe, traduites en françois, par M. […] Sa narration n’est qu’un tissu des passages des auteurs & des monumens qu’il a traduits en françois en marquant exactement à la marge jusqu’à la page du livre d’où il les a tirés. […] fidélement mis en françois par Mr. […] Cette histoire, qui paroît être d’un Protestant déguisé, est encore plus dangereuse en françois qu’en italien. […] Le même caractère de modération se fait sentir dans la Vie du Pape Sixte V. traduite de l’italien de Gregorio Leti en françois, in-12.
J’avoue que le mot est de lui ; je ne crois pas que l’Académie française lui en ait grande jalousie. […] Notre société française, notre société parisienne même, — la seule que nos naturalistes semblent connaître d’ailleurs, — n’est pas sans doute une perfection idéale, ni même relative. […] Il y a sur la terre des gobe-mouches qui prennent au pied de la lettre tout ce qu’il plaît à des écrivains français d’écrire sur la société française, ou plutôt contre elle, et il y a de sa-vans politiques qui trouvent leur compte à entretenir ces gobe-mouches dans leur douce candeur. […] Ils cèdent plus que de raison à cette tentation toute française de frapper fort quand on frappe sur les siens, et de forcer la couleur de la satire. […] Je ne demande pas aux Français de ne plus médire de leur pays, mais je crois qu’il serait patriotique à eux de ne pas le calomnier.
Le poète a su, et il n’y a pas de courage plus rare, se priver de tout ce qui serait développement superflu et ornement inutile ; mais chacune de ses strophes se termine par un trait vif et brillant comme une pointe de flèche, et indispensable quand on parle à des Français, pour qui tout doit être spirituel ! […] [Anthologie des poètes français du xixe siècle (1887-1888).] […] Mérat a publié les Chimères, les Villes de marbre, que l’Académie française orna de son vert laurier, Au fil de l’eau et les Poèmes de Paris.
[Anthologie des poètes français du xixe siècle (1887-1888).] […] Poète, il est un des quatre ou cinq qui, depuis Victor Hugo, représentent quelque chose d’essentiel dans le développement de la poésie française. […] C’est d’être, à un degré qui rend la chose originale en ce temps de septentriomanie, — peut-être, il est vrai, finissante, — un beau drame français, écrit en français, avec une ingénuité, une générosité, une chaleur et une clarté toutes françaises, par un Parisien de Paris.
C’est uni, dans une conversation fougueuse, brisée, un peu ivre et faisant les S de la griserie, l’esprit français et l’esprit russe ; car il y a de l’esprit français dans l’esprit russe. On dit que c’est l’esprit français qui l’y a mis, je n’en sais rien, mais il y est ! […] Je pourrais en citer des douzaines, si j’en voulais citer… C’est qu’au xviiie siècle, les femmes n’aspiraient pas à changer de sexe ; c’est qu’alors le bas-bleu était rare… D’ailleurs, nous avons tous un peu perdu de notre légèreté héréditaire et de cette grâce de France, exécrée des pédants, issus de la Révolution française, la grave coquine, avec qui nos pères ont couché. […] Et c’est pourquoi lorsqu’un livre vient à couper ce flot pesant du bas-bleuisme, par lequel l’esprit français se laisse entraîner, le livre fait tout à coup lumière d’éclair et, comme l’éclair, peut ne pas durer, mais c’est le succès !
Henri Cantel26 Il y a en ce moment, sur le premier plan de la publicité occupé par les revues à grosse armature, un recueil modeste qui s’appelle la Revue française, et qui est bien nommé ; car il parle un très bon français et il est l’expression de l’amour des lettres, qui a été jusqu’à ce jour une passion française. […] Pour cette raison, la Revue française, comme toutes les autres revues contemporaines, n’est qu’une espèce de mosaïque plus ou moins éclatante d’individualités, se détachant ou s’unissant sur un fond commun littéraire. Seulement, ici, ce fond est si franchement et si juvénilement littéraire, que la Critique lui doit encouragement et sympathie, surtout dans un temps où la littérature, pour des intérêts moins nobles et moins purs, est lamentablement trahie… Eh bien, parmi le groupe de jeunes gens qui desservent la Revue française, voici Henri Cantel, un poète qui réunit en volume les poésies jusque-là dispersées dans le recueil que nous venons de signaler.
Le premier ouvrage de Montaigne fut une version en français du latin barbare d’un théologien. […] La poésie française compte un sonnet de plus. […] Un Français amoureux est ce qu’il y a au monde de plus charmant, de plus fort et de meilleur. […] Le voyage d’Amérique, pour un Français, est proprement un voyage aux Antipodes. […] réplique le cardinal, autant j’ai cru facile de faire de continuels progrès sur les Espagnols lorsque les Français faisaient leur devoir, autant je crois impossible d’empêcher la suite des malheurs, si les Français continuent d’être contre la France. » Les Français (cela leur arrive quelquefois) ont alors compris ce qu’il fallait faire.
Et Goethe, au siècle dernier, le constatait déjà : « Pour le lecteur français, l’admiration est un joug insupportable. […] Les théories socialistes et économiques des écoles allemande, anglaise et française sont passées sous silence. […] Croit-on donc que ce soit avec cette philosophie de l’ancien régime que la pensée française sera régénérée. […] Nous ne sommes plus capables de boire l’antique vin écumeux de nos vignes françaises, et le parfum de la vraie vie nous est insupportable ! […] Or, un tel empire moral, s’il a illustré la race, plus que la gloire des armes, n’a pas manqué de peser lourdement sur la pensée française.
Son père l’électeur espérait, moyennant cette alliance, acheter la sûreté de son pays toujours menacé par les Français. […] En général, et je l’ai déjà remarqué, Mme de Sévigné comprend peu Madame et ne se donne pas la peine d’entrer dans le sens de cette nature si peu française. […] Mais laissons pour un moment la plaisanterie française et cette facilité de badiner sur tout et de chercher finesse à tout. […] [NdA] La première traduction et édition française, publiée en 1788, sous le titre de Fragments de lettres originales de Madame, etc., et qui précéda d’un an la publication de l’original allemand, conserve sur les éditions françaises plus récentes l’avantage d’indiquer les dates des lettres et de laisser voir tout franchement le caractère d’extraits. […] On voit dans ces lettres, et dans quelques autres adressées au duc de Noailles, que Madame n’écrivait pas plus mal en français que la plupart des personnes de qualité de son temps.
Voltaire, dans sa liste des écrivains français du siècle de Louis XIV, lui accorde du moins ce genre de mérite : « Michel, abbé de Villeloin, composa soixante-neuf ouvrages, dont plusieurs étaient des traductions très utiles dans leur temps. » Un écrivain de ce temps-là même, Sorel, dans sa Bibliothèque française, semble mettre ce fait d’utilité hors de doute, lorsque dans une page laudative, et que Marolles n’eût pas écrite autrement si on la lui eût demandée, il disait : Entre tous les auteurs qui se sont occupés à traduire dans ce siècle-ci, on n’en saurait nommer un qui ait travaillé à plus d’ouvrages et avec une assiduité plus grande qu’a fait M. de Marolles, abbé de Villeloin. […] M. de Marolles a traduit les poètes romains en notre langue française, avec une naïve expression, rendant pensée pour pensée autant qu’il l’a pu faire pour ce qui est de ceux qui ont gardé étroitement les lois de la pudeur ; et pour les autres il a touché si adroitement aux endroits périlleux qu’on peut dire qu’il les a purifiés. […] Au reste, tout cela est imprimé avec un soin très exact et très utile, le latin étant d’un côté et le français de l’autre, avec des chiffres et des tables qui en font connaître le rapport, et il y a de doctes remarques qui sont à la fin, de la composition du traducteur. […] Un gentilhomme du Midi, Gaspard de Tende, avait publié en 1660, sous le nom de sieur de L’Estang, un traité De la traduction, où il donnait les règles pour apprendre à traduire le latin en français. […] Dans la Défense qu’il présenta des versions françaises de l’Écriture sainte et des offices (1688), le savant docteur rappelle que si l’on condamnait la traduction du bréviaire romain de M.
Et Bonald, triomphant cette fois de toute prévention contre un écrivain calviniste et ami d’une sage liberté, parlait en 179664 des « excellents tableaux politiques, et l’on pourrait dire prophétiques, de la Révolution française, que M. […] Devenu trop étranger à la langue française par suite de sa longue absence pour se charger lui-même du travail de rédaction qui devait joindre, lier et expliquer les pièces nombreuses à mettre en œuvre, M. […] Ne jugeant encore les gens de lettres et les philosophes français que de loin et sur leurs seuls écrits, Mallet du Pan montrait qu’il ne serait pas homme à s’en laisser éblouir de près. […] Mais la société française à cette date, emportée tout entière par une fièvre de régénération universelle, était loin de cet esprit d’application et de médication modérée qu’elle ne connut guère jamais. […] On lit cela dans un article de Mallet, inséré au tome II, p. 342, du Mercure britannique, et qui a pour titre : « Du degré d’influence qu’a eue la philosophie française sur la Révolution ».
Mignet, son successeur à l’Académie française, par M. […] Dans son discours de réception à l’Académie française (24 novembre 1807), on le voit essayer sa théorie. […] À peine admis à l’Académie française, il avait songé aux moyens de corriger et d’améliorer le Dictionnaire, et cette pensée le porta à s’occuper des origines de la langue ; c’est ainsi qu’il fut insensiblement conduit à rechercher ce qui restait des anciens troubadours, et bientôt, l’horizon s’étendant devant lui, il découvrit tout un monde. […] Or, il lui parut que ces premiers indices de la langue moderne qui perçaient chez les auteurs, appartenaient à sa langue du Midi plutôt qu’à la future langue française du Nord ; il en conclut aussitôt que son cher idiome provençal avait commencé par s’étendre au nord beaucoup plus haut et plus avant qu’il ne put se maintenir plus tard. […] disait-il avec regret, si j’avais pu travailler après le dîner, j’aurais fait des encyclopédies. » Il s’était démit en 1829 de ses fonctions de secrétaire perpétuel de l’Académie française, soit pour vaquer plus entièrement à ses études, soit pour quelque autre motif qu’il ne disait pas.