Arrivé à Chaillot, où il passait les étés depuis trente ans, Bailly s’y voit l’objet d’une ovation, ou plutôt d’une fête patriarcale et champêtre, « fête sans faste, dont la décente gaieté et les fleurs firent tous les frais », et qu’on lui donne chez lui, dans les différentes pièces de sa maison et de son jardin : Je ne dis rien de trop en disant que je fus embarrassé par cette foule presque entière, qui se pressait autour de moi avec les plus vives expressions de l’amour et de l’estime, une joie pure et douce, une paix qui annonçait l’innocence : cette fête était vraiment patriarcale ; elle m’a donné les plus délicieuses émotions, et m’a laissé le plus doux souvenir. […] Arrivés aux Tuileries, puis à l’Hôtel de Ville, les larmes, les transports de la foule redoublèrent : On leur distribuait des cocardes nationales rouges, bleues et blanches ; on se pressait autour d’eux, on leur prenait les mains, on les embrassait.
À peine, aux moments douteux, un frémissement léger (car toute foule est vivante) a-t-il averti le professeur qu’il vient d’effleurer une partie délicate et tendre de la conscience humaine et qu’il à à redoubler de délicatesse : et il est homme plus que personne à le sentir et à en tenir compte. […] Et lorsque le professeur s’est levé en terminant, on se lève avec lui en foule, on sort plein d’instruction, de vues neuves, de désirs d’explication, de besoins de réponse, de controverses animées et bruyantes qui se prolongent longtemps, mais en se félicitant tous que la liberté du haut enseignement, en tant qu’elle dépend de l’équité d’un auditoire, soit consacrée chez nous par un rare exemple et dans une de ses branches les plus élevées.
Rousset compare en ceci Louvois à un commentateur qui découvre, à la réflexion, dans un auteur classique une foule de beautés et d’intentions qu’on n’y avait pas vues avant lui. […] Quelquefois, souvent même, des faits inopinés se produisent avec un grand éclat, rapides conquêtes, institutions neuves, États qui s’improvisent ; parmi les spectateurs, le petit nombre s’étonne et s’inquiète : la foule admire, applaudit et s’exclame.
On fit une revue des princesses à marier en Europe, et l’on en trouva de prime abord jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf : de cette foule le comte de Morville, ministre des Affaires étrangères, avait tiré une élite, une liste de dix-huit princesses réellement en état d’être mariées avec le roi. […] Dans ce premier moment de presse et de fracas, il n’a garde de se faire présenter à la reine qui le connaît déjà de réputation : il attendra, dit-il, que la foule soit écoulée et que Sa Majesté soit un peu revenue de son étourdissement ; alors il tâchera de faire jouer Œdipe et Marianne devant elle ; il lui dédiera l’un et l’autre, car elle lui a déjà fait dire qu’elle lui en donnait la permission.
Si vous ne l’avez pas lu, lisez-le vite… Il faut absolument le lire : c’est une des choses les plus remarquables qu’on ait publiées depuis longtemps ; des faits extrêmement curieux et presque tout à fait ignorés, des réflexions profondes et piquantes, un esprit original, voilà ce qui s’y trouve… Il serait à désirer que ce livre fût très répandu ; je n’en connais point de plus propre à dissiper une foule de préjugés très dangereux. » Et plus loin (car cela lui tient au cœur) : « Vous ne m’avez pas dit si vous avez lu l’admirable livre de Rubichon sur l’Influence du Clergé dans les Sociétés modernes. » (Juillet 1829.) […] N’avons-nous pas vu une foule de ces testaments où respiraient tantôt l’orgueil, tantôt la vengeance, ici un injuste éloignement, là une prédilection aveugle ?
Saurin, Duclos, Marmontel, une foule d’autres font passer leur esprit aiguisé ou leur philosophie ronflante dans des récits, dont quelques-uns ont fait grand bruit en leur temps, et nous paraissent les plus ennuyeux de tous aujourd’hui. […] La Nouvelle Héloïse 503 est, avant tout, un roman philosophique : une foule de thèses sociales et morales sont posées, discutées, résolues dans des lettres particulières ; et le roman lui-même, dans l’ensemble de son développement, démontre une des thèses favorites de Jean-Jacques.
Une foule de grands seigneurs, tous les étrangers illustres la visitaient : mais il fallait, pour être accueilli, être homme de progrès, détester le despotisme, adorer l’Angleterre et la liberté. […] Il était remonté jusqu’à Scarron, et il avait recueilli de Molière à Sedaiue une foule de traits, de mots, d’effets appartenant à ce thème excellent et banal.
Ses ennemis, ou plutôt cette foule de malins et de désœuvrés qui s’acharnaient à cette affaire, se réjouirent de le voir donner à demi dans le piège : ils n’eurent plus qu’une occupation, exhumer cette comédie de Conaxa, dont l’auteur était inconnu et qui remontait par sa date à la fin du règne de Louis XIV, la faire imprimer, puis la faire représenter à l’Odéon, afin de mettre, sinon le larcin, du mois la dissimulation dans tout son jour. […] Une quinzaine de jours après (février 1812), il faisait paraître une brochure intitulée : Fin du procès des Deux Gendres, ce qui parut une prétention exorbitante à la foule des spectateurs non encore rassasiés.
Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui convient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie. […] Il est un peu comme le Fantasio de Musset disant : « Je voudrais être ce monsieur qui passe ; il doit avoir une foule d’idées qui me sont complètement étrangères ; son essence lui est particulière ».
Il n’a pas dit que la timidité fût un obstacle à lire un livre, il a dit qu’elle en est un à l’approuver : « Bien des gens vont jusqu’à sentir le mérite d’un manuscrit qu’on leur lit, qui ne peuvent se déclarer en sa faveur jusqu’à ce qu’ils aient vu le cours qu’il aura dans le monde par l’impression, ou quel sera son sort parmi les habiles ; ils ne hasardent point leurs suffrages, et ils veulent être portés par la foule et entraînés par la multitude. […] Le type, pour Nietzsche, en est Euripide, non sans raison, ou Lessing, et il dit sur eux avec une singulière pénétration : « Euripide se sentait, certes, en tant que poète supérieur à la foule mais non pas à deux de ses spectateurs… .
III En effet, Stello est une de ces choses dont les foules ne voient pas tout de suite la valeur. […] C’est une conception de la vie humaine : « Je me figure — dit Vigny — une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, saisis dans un sommeil profond.
À son insu ou à son escient, la foule proclamait cela, et elle ne se trompait pas. […] Quelle multiplicité de leçons pour la foule, et surtout quelle variété inépuisable de sujets pour le poète La comédie est morte, nous dit-on. […] Il faut voir, à l’émotion silencieuse et haletante de la foule, si ces événements quotidiens de la vie réelle n’ont pas mille fois plus de prise sur elle que toutes les inventions d’un idéal démesuré et arbitraire. […] C’était le seul moyen d’attirer la foule. […] Sur cette montagne où il semait ses sublimes paraboles, le Christ n’y montait qu’entouré de ses disciples et de tout un peuple ; le lyrisme romantique s’établit seul sur la montagne et laisse la foule à ses pieds.
L'auteur de Rancé est allé sur ce point au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer, et on peut dire que, s’il est suivi par la foule des jeunes poëtes déjà vieillissants, il mène le deuil avec des pleurs et des plaintes qui sont d’un roi d’Asie.
Cette cigale, cette colombe, cette abeille, tous êtres légers et brillants, nourris de nectar et de parfums, pour être transportés parmi nous, demandent à la poésie une foule de soins délicats, d’attentions ingénieuses ; la moindre rudesse ou la moindre fadeur les ferait mourir.