Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] En appliquant ici ce que j’ai eu l’occasion de dire quelque part ailleurs au sujet de l’auteur d’Indiana et de Valentine, chaque âme un peu fine et sensible, qui oserait écrire sans apprêt, a en elle-même la matière d’un bon roman. […] Ces types de beaux jeunes gens mélancoliques, comme le marquis de Fargy, comme ailleurs l’Espagnol Alphonse, comme dans Eugénie et Mathilde le Polonais Ladislas, tombent volontiers dans le romanesque, tandis que le reste est de la vie réelle saisie dans sa plus fine vérité. […] Un ami qui l’interrogeait, en 1814, sur l’état réel de la France jugée autrement que par les journaux, reçut cette réponse : que l’état de la France ressemblait à un livre ouvert par le milieu, que les ultras y lisaient de droite à gauche au rebours pour tâcher de remonter au commencement, que les libéraux couraient de gauche à droite se hâtant vers la fin, mais que personne ne lisait à la page où l’on était. […] Le Mémorial, déjà cité, de Gouverneur Morris donne ici les plus curieuses particularités sur ce séjour de Mme de Flahaut en Suisse ; on la voit, par plusieurs lettres d’elle, l’amie, la conseillère influente et active d’un jeune prince, depuis roi (Louis-Philippe) ; elle fit avec lui la route de Bremgarten (Suisse) jusqu’à Brunswick et ne tarda pas à le rejoindre à Hambourg (édition française, tome I, pages 449-458). — Après la révolution de 1830, quand on parlait des Tuileries où son fils était en si bon pied, Mme de Souza avait soin de marquer, d’un air d’allusion fine, qu’elle-même n’y allait pas.
C’est que la nature capricieuse n’a pas donné à tout le monde de noirs cheveux bouclés, un nez d’une fine courbure, de longs yeux, une tête charmante et toujours jeune de roi sarrasin Il y en a qui sont infirmes et cacochymes ? […] Car, si les membres de cette vénérable compagnie étaient nécessairement les quarante plus grands esprits de France, ce serait trop triste pour les autres : ils seraient jugés par là même ; tandis que, l’Académie se recrutant parfois d’une façon bizarre, on est tout de même content d’en être, et on n’est point humilié de n’en être pas. — L’Académie est, pour ceux qui y entrent, l’éteignoir du talent, la fin des belles et généreuses audaces ? […] De même, quand la sèche et sifflante Mme Astier l’attend à la fin pour lui jeter sa haine à la figure et pour lui apprendre que, s’il est arrivé à l’Académie, c’est qu’elle s’en est mêlée (… Et elle précisait les détails de son élection, lui rappelait son fameux mot sur les voilettes de Mme Astier, qui sentaient le tabac, malgré qu’il ne fumât jamais… « un mot, mon cher, qui vous a rendu plus célèbre que tous vos livres »), je cherche quel intérêt peut avoir une personne si fine à désespérer et à chasser d’auprès d’elle un mari qui ne serait rien sans elle, il est vrai, mais sans qui elle serait moins encore. […] Je vous engage seulement à relire le diner chez la duchesse Padovani, l’enterrement de Loisillon, le duel de Paul Astier, etc… Il y a là-dedans, avec un peu d’outrance tartarinesque, une concision puissante, une ironie à la fois très violente et très fine ; et surtout, jamais on n’a mieux su nous enfoncer les choses dans les yeux, rien qu’avec des mots.
En art, il a le goût riche et fin, libre à la fois et compliqué, antique tout ensemble et moderne, tout à fait particulier et original. […] En entrant en charge, Montaigne a bien soin de prévenir Messieurs de Bordeaux pour qu’ils ne s’attendent pas à trouver en lui plus qu’il n’y a en effet ; il s’expose à eux sans apprêt : « Je me déchiffrai fidèlement et consciencieusement, dit-il, tout tel que je me sens être ; sans mémoire, sans vigilance, sans expérience et sans vigueur ; sans haine aussi, sans ambition, sans avarice et sans violence. » Il serait bien fâché, tout en prenant en main les affaires de la ville, de les prendre si à cœur qu’il l’a vu faire autrefois à son digne père, lequel y perdit à la fin sa tranquillité et sa santé. […] Montaigne, qui retourne en son manoir rural le plus souvent qu’il peut, et quand les affaires de sa charge, qui tire à sa fin, ne l’obligent point à être à Bordeaux, se trouve exposé à toute sorte d’injures et d’avanies : « J’encourus, dit-il, les inconvénients que la modération apporte en telles maladies ; je fus pelaudé (écorché) à toutes mains. […] Il écrivait ce chapitre (xiie du livre III) au milieu même des maux publics qu’il dépeignait, et avant qu’ils eussent pris fin : il le terminait encore à sa manière poétique et légère, en le montrant comme un assemblage d’exemples, un « amas de fleurs étrangères », auxquelles il n’avait fourni du sien que le « filet » pour les « lier ». […] Il ne pouvait naître et fleurir que dans cette pleine liberté du xvie siècle, chez un esprit franc et ingénieux, gaillard et fin, brave et délicat, unique de trempe, qui parut libre et quelque peu licencieux, même en ce temps-là, et qui s’inspirait lui-même et s’enhardissait, sans s’y enivrer, à l’esprit pur et direct des sources antiques.
Tous les témoins du même temps s’accordent sur cette beauté, cette taille aisée, cet esprit, et sur ce coin de l’enjouement : « Tous ceux qui la connaissent, dit Le Grand Dictionnaire des précieuses, sont assez persuadés que c’est une des plus enjouées personnes d’Athènes. » Et elle-même, vers la fin de sa vie, se représente comme « gaie par nature et triste par état ». […] Nous n’avons qu’une partie de son esprit dans ses lettres, le goût, le bon ton, la raison parfaite et le tour parfois piquant ; mais ce qui animait la société, cet enjouement qu’elle mêlait discrètement à ses récits, à ses histoires, ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, comme dit Choisy, tout cela a disparu et ne s’est point noté. […] Tout occupée des autres, sans les aimer, elle tiendra bon avec sourire et bonne grâce à son esclavage de toutes les heures : « J’ai été vingt-six ans, dit-elle, sans dire un mot qui marquât le moindre chagrin. » Vers la fin, par une de ces illusions de l’amour-propre qui sont si naturelles, elle se figurait qu’elle avait reçu des grâces singulières pour ce rôle nouveau, qui n’était que la suite, le perfectionnement et le couronnement de tous les autres rôles qu’elle avait tenus dès sa jeunesse ; elle regardait sa vie comme un miracle. […] Vers la fin, elle en avait visiblement assez ; la fatigue physique l’emportait sur tout le reste, et la mort de Louis XIV fut, jusqu’à un certain point, pour elle un soulagement. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.
C’était bien l’avis de la grosse critique ; la plus fine, M. […] Le vers régulier compte l’e à valeur entière quoiqu’il ne s’y prononce point tout à fait, sauf à la fin d’un vers. Pour nous, qui considérons, non la finale rimée, mais les divers éléments assonancés et allitérés qui constituent le vers, nous n’avons aucune raison de ne pas le considérer comme final de chaque élément et de le scander alors, comme à la fin d’un vers régulier. Qu’on veuille bien remarquer que, sauf le cas d’élision, cet élément, l’e muet, ne disparaît jamais même à la fin du vers ; on l’entend fort peu, mais on l’entend. […] D’ailleurs nous ne proscrivons pas la rime ; nous la libérons, nous la réduisons parfois et volontiers à l’assonance ; nous évitons le coup de cymbale à la fin du vers, trop prévu, mais nous soutenons notre rime telle quelle par des assonances, nous plaçons des rimes complètes, à l’intérieur d’un vers correspondant à d’autres rimes intérieures, partout où la rythmique nous convie à les placer, la rythmique fidèle au sens et non la symétrie, ou, si vous voulez, une symétrie plus compliquée que l’ordinaire.
L’art tout entier est chose de luxe ; l’activité esthétique ne se subordonne à aucune fin utile ; elle se déploie pour le seul plaisir de se déployer. De même, la pure spéculation, c’est la pensée affranchie de toute fin utilitaire et s’exerçant dans le seul but de s’exercer. […] Entraîné par la collectivité, l’individu se désintéresse de lui-même, s’oublie, se donne tout entier aux fins communes. […] En même temps, les forces qui sont ainsi soulevées, précisément parce qu’elles sont théoriques, ne se laissent pas facilement canaliser, compasser, ajuster à des fins étroitement déterminées ; elles éprouvent le besoin de se répandre pour se répandre, par jeu, sans but, sous forme, ici, de violences stupidement destructrices, là, de folies héroïques. […] Son expérience personnelle peut bien lui permettre de distinguer des fins à venir et désirables et d’autres qui sont déjà réalisées.
Entré adolescent chez les Jésuites, il en sortit pour être soldat ; puis il y rentra comme novice, pour en sortir encore ; il revint aux armes, il les quitta de nouveau, et parut vouloir faire une fin , en prenant l’habit de bénédictin en 1724. […] C’est un homme fin qui joint à la connoissance des belles-lettres celle de la théologie, de l’histoire et de la philosophie. […] Les autres portraits qui suivent, plus fins, plus nuancés et assaisonnés de malice, sont évidemment d’après nature. […] Il suffirait, pour combattre le mauvais effet des paroles de Collé, et pour prouver que Prevost resta digne jusqu’à la fin de la société des honnêtes gens, d’opposer le témoignage de Jean-Jacques, qui, dans ses Confessions (partie II, livre VIII), parle de l’abbé qu’il avait beaucoup vu, comme d’un homme très-aimable, très-simple ; Jean-Jacques seulement ajoute qu’on ne retrouvait pas dans sa conversation le coloris de ses ouvrages.
Il ne s’agit pas seulement de reconnaître ce qui a été vraiment pensé, senti, exprimé par Montaigne et Pascal, par Racine et Victor Hugo ; mais dans ce qui va au-delà de ce qu’on peut raisonnablement appeler leur sens, au-delà des plus fines suggestions qu’on a droit de rapporter encore à leur volonté plus ou moins consciente, dans ce qui n’est plus vraiment que moi, lecteur, réagissant à une lecture comme je réagis à la vie, il ne faut tout de même pas confondre ce qui est le prolongement, l’effet direct, normal, et comme attendu de la vertu du livre, avec ce qui ne saurait s’y rattacher par aucun rapport et ne sert à en comprendre, à en éclairer aucun caractère. […] L’intelligence exacte du vocabulaire et de la syntaxe de l’auteur, dans la page qu’on a choisie, n’est pas nécessaire seulement pour fixer le sens littéral, mais elle prépare la connaissance fine des nuances de l’idée ou de la forme. […] Aderer, avait une méthode plus précise et plus fine : il s’appliquait au détail et montrait du doigt, ou d’un clin d’œil, les généralités ; il excellait à sous-entendre, à suggérer, à donner le désir d’ajouter par une recherche personnelle à ce qu’il avait fait entrevoir. […] Un esprit gagné à la fine psychologie de Marcel Proust, et à la métaphysique qui s’y implique, soutiendrait sans doute que le moi et le non-moi sont inséparablement mêlés dans nos perceptions et notre connaissance, que s’il y a une réalité extérieure, elle ne se révèle à nous que par des réactions qui ne sont jamais les mêmes au même instant chez deux hommes, ni chez le même homme à deux moments différents, que nous sommes dans l’impossibilité de choisir entre les vingt images d’une personne que la vie a mises en nous, qu’il n’y en a pas une qui soit la seule vraie ni la plus vraie, ou que toutes sont vraies également, sans que nous puissions y distinguer ce qui est de l’objet perçu et ce qui est du sujet sentant.
L’auteur des Prédicateurs avant Bossuet, le savant et fin commentateur des Oraisons funèbres et du Discours sur l’histoire universelle, vient de publier, avec introduction, notices et notes, un recueil de textes choisis, de 660 pages, et ces textes ne sont pas de Bossuet ! […] Je crois la voir donner la main à Mme Dacier, cette autre Clorinde de la naïve érudition d’antan Mlle de Montpensier est une héroïne de Corneille, très fière, très bizarre et très pure, sans nul sentiment du ridicule, préservée des souillures par le romanesque et par un immense orgueil de race ; qui nous raconte, tête haute, l’interminable histoire de ses mariages manqués ; touchante enfin dans son inaltérable et superbe ingénuité quand nous la voyons, à quarante-deux ans, aimer le jeune et beau Lauzun (telle Mandane aimant un officier du grand Cyrus) et lui faire la cour, et le vouloir, et le prendre, et le perdre Le sourire discret de la prudente et loyale Mme de Motteville nous accueille au passage Mais voici Mme de Sévigné, cette grosse blonde à la grande bouche et au nez tout rond, cette éternelle réjouie, d’esprit si net et si robuste, de tant de bon sens sous sa préciosité ou parmi les vigoureuses pétarades de son imagination, femme trop bien portante seulement, d’un équilibre trop imperturbable et mère un peu trop bavarde et trop extasiée devant sa désagréable fille (à moins que l’étrange emportement de cette affection n’ait été la rançon de sa belle santé morale et de son calme sur tout le reste) A côté d’elle, son amie Mme de La Fayette, moins épanouie, moins débordante, plus fine, plus réfléchie, d’esprit plus libre, d’orthodoxie déjà plus douteuse, qui, tout en se jouant, crée le roman vrai, et dont le fauteuil de malade, flanqué assidûment de La Rochefoucauld vieilli, fait déjà un peu songer au fauteuil d’aveugle de Mme du Deffand Et voyez-vous, tout près, la mine circonspecte de Mme de Maintenon, cette femme si sage, si sensée et l’on peut dire, je crois, de tant de vertu, et dont on ne saura jamais pourquoi elle est à ce point antipathique, à moins que ce ne soit simplement parce que le triomphe de la vertu adroite et ambitieuse et qui se glisse par des voies non pas injustes ni déloyales, mais cependant obliques et cachées, nous paraît une sorte d’offense à la vertu naïve et malchanceuse : type suprême, infiniment distingué et déplaisant, de la gouvernante avisée qui s’impose au veuf opulent, ou de l’institutrice bien élevée qui se fait épouser par le fils de la maison !… Puis c’est, à l’arrière-plan, Mme des Houlières, besoigneuse, « ayant eu des malheurs », intrigante, cherchant à placer ses deux filles, suspecte d’un peu de libertinage d’esprit, avec je ne sais quoi déjà du bas-bleu et de la déclassée… Voici, en revanche, deux perles fines, deux fleurs de malice et de grâce : Mme de Caylus, si vive, si espiègle et si bonne, et la charmante Mme de Staal-Delaunay, qui fait penser, par son changement de fortune et par la souplesse spirituelle dont elle s’y prête, à la Marianne de Marivaux Une révérence, en passant, à la sérieuse et raisonneuse marquise de Lambert, et nous sommes en plein xviiie siècle, parmi les aimables savantes et les jolies philosophes. […] A ce moment Mme de Rémusat nous accueille, si fine, si intelligente, égale pour le moins à Mme de Caylus et à Mme de Staal-Delaunay, et dont les mémoires ont le mérite incomparable de nous dérouler, avec le portrait du premier consul et de l’empereur, les transformations successives des sentiments de l’écrivain à l’égard de cet homme et comme la lente découverte du modèle par le peintre Et voulez-vous quelque chose d’extraordinaire ?
Elles sont fines, sensées, raisonnables, pleines d’une délicate critique ; elles se lisent avec agrément aux heures de loisir, mais elles n’ont rien de ferme et d’original, rien qui sente l’humanité militante, rien qui approche des œuvres hardies de ces âges extraordinaires où tous les éléments de l’humanité en ébullition apparaissent tour à tour à la surface. […] L’ordre est une fin, non un commencement. […] Le bien de l’humanité étant la fin suprême, la minorité ne doit nullement se faire scrupule de mener contre son gré, s’il le faut, la majorité sotte ou égoïste. […] Une des plus nobles morts qui se puissent imaginer est celle du curieux, indifférent à sa fin pour n’être attentif qu’à la levée de rideau qui va se faire et aux grands problèmes qui vont se dénouer pour lui.
J’attendis la fin de ce torrent d’éloges sans justesse, sans portée et sans… lendemain, que l’on fait d’un homme qui entre au cercueil, — qu’on ne ferait peut-être plus, s’il en sortait ! […] Et on le vit bien, quand il fit ce chef-d’œuvre de style qui s’appelle La Fin d’un Monde ou la suite du Neveu de Rameau, dans lequel ce fils de Diderot — il l’était — se montra égal, si ce n’est supérieur, à son père ! […] Ce fut là son amour de la fin. L’amour de la fin, chez les hommes, est toujours terrible.
Et en effet il ne suffit pas pour qu’un ouvrage prétende à un renom et à une récompense de moralité dans le talent, qu’après avoir présenté des scènes plus ou moins vives et hasardées, empruntées à un monde équivoque, l’auteur se ravisant ajoute après coup je ne sais quelle intention et quel correctif, comme on met une affabulation au bout d’une fable, ou plutôt comme on mettrait un quatrain moral à la fin d’un conte. […] Les hardiesses seront permises à ce prix ; car il ne faut point confondre ces hardiesses légitimes, inhérentes à tout franc et véritable talent, avec ces peintures complaisantes et insidieuses d’une imagination qui caresse le vice en ayant l’air, tout à la fin, de l’abandonner. […] À défaut de si grandes choses, désirons du moins des ouvrages touchants et émouvants à bonne fin, divertissants et spirituels avec goût, puisés dans le cercle de la famille et de la société telles que, grâce à Dieu et à l’immortel génie de la France, elles existent encore ; des ouvrages sentant, pour tout dire, une habitude de bonnes mœurs et de bonne compagnie.
Ce n’était pas à la fin de son règne seulement qu’il était ainsi ; la jeunesse elle-même ne lui put jamais donner une étincelle d’énergie. […] Il serait touchant de rapprocher les détails de sa fin prématurée, et sa mort si courageusement chrétienne, de la triste agonie du roi son père. […] La scène où l’on réveille Louis XVI est le contre-coup fatal de celles où, quinze ans auparavant, on suivait la fin honteuse de Louis XV.
Maupassant vint me voir, accompagné de Harry Alis (l’auteur de Petite ville et de ces fines et originales études : Quelques fous). […] Mais il est à remarquer que Mont-Oriol est déjà un drame, non plus une biographie complète comme les deux premiers romans de l’auteur, et que déjà, vers la fin, il y montre plus d’émotion qu’il ne lui était arrivé jusque-là d’en trahir. […] Dirons-nous qu’Olivier est un grand fou, qu’il est des passions qu’on s’interdit à son âge, que la comtesse (plus excusable, d’ailleurs) n’a qu’à s’abriter en Dieu, que tout a une fin, qu’il faut savoir vieillir, accepter l’inévitable, et que ceux-là pâtissent justement qui vont contre les volontés de la nature ?