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49. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Cela suffit-il pour que je les entende ? […] La question est de savoir comment la connaissance d’une langue, qui n’est que souvenir, peut modifier la matérialité d’une perception présente, et faire actuellement entendre aux uns ce que d’autres, dans les mêmes conditions physiques, n’entendent pas. […] Pour que le souvenir du mot se laisse évoquer par le mot entendu, il faut au moins que l’oreille entende le mot. […] On croirait, à entendre certains théoriciens de l’aphasie sensorielle, qu’ils n’ont jamais considéré de près la structure d’une phrase. […] La cécité psychique n’empêche pas de voir, pas plus que la surdité psychique d’entendre.

50. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

— Oui ; mais entends-tu l’orage ? […] — Comment peux-tu l’entendre d’ici ? […]Entendez-vous ? entendez-vous maintenant ? […] Entendez-vous le murmure discret et confus de la nuit ?

51. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Vous concevez sur cela, monsieur, le désir de l’entendre. Vous l’entendrez, si Dieu nous donne la consolation de vous voir après Pâques ; car on croit qu’il continuera de prêcher dimanches et fêtes jusqu’à la Pentecôte. » — Un autre oratorien, le père Maur (ou Maure), brillait dans la chaire à la même date, et ses débuts semblaient balancer ceux de Massillon ; le père Maur n’a pas tenu depuis tout ce qu’il promettait et son nom n’a pas surnagé, mais on faisait alors de l’un à l’autre des parallèles ; C’est toujours M.  […] Vuillart a bien de la peine à se décider entre les deux ; le prix même des chaises, assez significatif dans son inégalité, ne lui paraît pas concluant : il tient tant qu’il peut pour celui qui prêche dans son quartier à lui, et qu’il est le plus à portée d’entendre. Toutefois on sent qu’à la fin la balance l’emporte pour le plus grand des deux orateurs sacrés : « Ce jeudi 11e mars 1700. — J’ai entendu hier le père Massillon, qui repose le mardi, au lieu que le mercredi est le repos du père Maur. […] Comme le père Maur ne prêchait pas aujourd’hui (mercredi 17 mars 1700), j’ai entendu le père Massillon, et j’en ai été encore charmé.

52. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Ne pas l’entendre me fait penser tristement. […] Un coup de marteau se fait entendre, tout le monde accourt à la porte. […] Tu ne m’entends pas, d’ailleurs, et le temps que je te donne n’ira pas au ciel. […] Le 15, elle entend le premier rossignol. […] J’ai écouté longtemps sans jamais entendre autre chose.

53. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Le plus grand de nos musiciens français, le maître avec Wagner de toute musique contemporaine (j’entends celui dont l’influence prédomine originellement et incontestablement avec celle de Wagner sur nos compositeurs depuis vingt ans), M.  […] Quant aux décorations, qui avouerait ne les avoir pas entendues dès les premiers accords et durant chaque retour des motifs du prélude ? […] Angelo Neumann représentant l’Anneau à Londres, j’entendis, pour la première fois, un drame wagnérien ; deux mois plus tard, à Bayreuth, le Parsifal. […] Ainsi peut-être entendrons-nous mieux de quelle profondeur la dernière œuvre de Wagner pénètre nos sensibilités. […] Klingsor : Je suis le Parsifal de l’autre ciel ; celui que n’a pas entendu la grâce du seigneur d’en-haut, l’entende Onan-et-Lucifer !

54. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Je m’entends mieux avec les simples, avec un paysan, un ouvrier, un vieux soldat. […] Sans doute, si les anciens eussent entendu par Dieu ce que nous entendons nous-mêmes, l’être absolu qui n’est qu’à la condition d’être seul, le polythéisme eût été une contradiction dans les termes. […] Autrefois tu m’écoutais ; j’espérais voir quelque jour ton visage ; car je t’entendais répondre à ma voix. […] que je frapperais volontiers ma poitrine, si j’espérais entendre cette voix chérie qui autrefois me faisait tressaillir. […] Dieu, esprit, corps, comme il les entend, sont des mots trop objectifs et trop pleins.

55. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Une sonnerie de trompes de chasse n’est plus la même entendue à deux mètres ou à deux kilomètres. […] Lamoureux n’a pas encore adopté ce système : donc on n’entend point comme on devrait entendre. […] Les Français qui ont entendu la musique de Wagner le sentent déjà. […] Outre les drames Wagnériens, nous avons entendu Faust, le Prophète, Carmen et la Reine de Saba de Goldmark. […] « On n’entend point comme on devrait entendre ».

56. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

On ne voit pas ce torrent ; on l’entend seulement à cinq ou six cents pas sous leur nuit de verdure. […] Je ne l’ai jamais mieux entendue et sentie que ce matin. […] Tout ce bruit et tout ce mouvement s’entendaient à quelques pas de moi, derrière le buisson qui séparait le sentier battu de la montagne, du petit tertre de mousse enclos de pierres sèches où j’étais venu chercher le dossier du vieux châtaignier. […] Mais je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu la vôtre. […] J’entends les lézards glisser dans les pierres sèches, je connais le vol de toutes les mouches et de tous les papillons dans l’air autour de moi, la marche de toutes les petites bêtes du bon Dieu sur les herbes ou sur les feuilles sèches au soleil.

57. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ce que les anciens entendaient par protase, nous l’appelons préparation ou exposition du sujet, deux choses qu’il ne faut pas confondre. […] Les modernes entendent mieux leurs intérêts et ceux du public. […] 2º Quand celui qui croit parler seul est entendu par hasard de quelque autre, pour lors il doit être réputé parler tout bas ; d’autant qu’il n’est point vraisemblable qu’un homme seul crie à haute voix, comme il faut que les histrions fassent pour être entendus. […] De quelque façon que nous l’entendions, voilà des idées bien bizarres ; ne sommes-nous pas réduits à avouer que la force de l’habitude nous fait dévorer les absurdités les plus étranges ? […] Dans tous les cas, l’aparté est fort court ; il serait à souhaiter qu’il ne fût que d’un mot, parce que, dans l’exacte vérité, il nous peut échapper une parole qui n’est pas entendue de celui à qui l’on parle.

58. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

entendez-vous bien ? […] Elle n’avait jamais entendu prononcer ce mot dans le sens terrestre. […] Je marche bien doucement pour que vous n’entendiez pas, car vous auriez peut-être peur. […] Une fois je vous ai entendue chanter. […] Est-ce que cela vous fait quelque chose que je vous entende chanter à travers le volet ?

59. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

C’est une barre de fer ; il n’entend pas raison. […] Cette lecture de Job me ravit ; j’y trouve tout mon cœur ; là est le divin de la poésie, j’entends la haute poésie. […] Et puis ils n’y entendraient rien. […] Ainsi je l’entendais et mon âme m’attestait que je ne me repentirais jamais de ma promesse. […] J’ai beaucoup souffert de vous entendre dire qu’il y a désormais un abîme entre vos croyances et les miennes.

60. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Je demandai seulement que dans ce rôle de conseiller royal on m’adjoignît, l’abbé de Montesquiou, mais pour l’ornement, entendez-vous bien ! […] Molé, de manière à être entendu de tous : « Pourriez-vous me faire l’amitié de me dire, Monsieur, ce que je fais ici ?  […] Les courtisans se retournaient tout étonnés de ce verbe haut, eux qui ne se parlaient qu’à l’oreille dans cette chambre sacrée où l’on aurait entendu une mouche voler ; Louis XVIII ne paraissait pas l’entendre. […] Cet homme de parti y insinue contre moi de petites infamies calomnieuses : il fait entendre, par exemple, que j’ai dû avoir quelque obligation à M.  […] Michaud, si ce n’est de l’avoir entendu quelquefois causer.

61. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

On cite de son enfance des réparties heureuses et des traits d’une prodigieuse mémoire : il retint un jour par cœur un sermon de l’abbé Poulle, pour l’avoir entendu une fois, et il l’écrivit au sortir de l’église. […] « Entendez-vous cette cloche ? […] L’Académie française avait pour usage, en ce temps-là, de célébrer tous les ans la fête du roi dans la chapelle du Louvre, et d’entendre, à cette occasion, le panégyrique de saint Louis. […] Maury devant notre illustre Académie, écrivait Voltaire, je croyais, à l’article des Croisades, entendre ce Cucupiètre ou Pierre l’Ermite, changé en Démosthène et en Cicéron. […] La vertu, entendez-vous bien ?

62. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Il faut payer, il faut être riche pour entendre la parole de Celui qui aimait les pauvres ! […] Et si les belles phrases savantes et cadencées n’arrivent à leurs oreilles que par lambeaux confus, ils comprennent juste autant que s’ils entendaient. […] C’est du moins ce qu’il m’a semblé quand je l’ai entendu. […] Et c’est déjà bien beau, dans ces conditions, de se faire entendre. […] Je n’ai pas assez entendu le Père Monsabré pour définir son talent avec une entière sécurité.

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