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609. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Comment en sortiraient-ils, en effet, ces misérables qui doutent du sérieux et qui, à chaque effort qu’ils feraient pour sortir de cette paralysie intellectuelle, seraient arrêtés par l’arrière-pensée qu’eux aussi vont se mettre au nombre de ces badauds dont ils ont ri jadis ? […] L’effort doit tendre à élargir ce cercle ; mais enfin l’instrument est admis, on croit à la possibilité de croire. […] Il faut souhaiter aussi, sans l’espérer, qu’ils ne persécutent pas trop les efforts dans le sens nouveau.

610. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Or, un jour vint (c’était hier, au xviiie  siècle) où, par un heureux contrecoup des persécutions aussi atroces qu’inutiles exercées au nom de la religion, grâce aux efforts des philosophes et de Voltaire en particulier, cette ancienne vertu parut sauvage, horrible, souillée du crime de lèse-humanité. […] Il n’y a en lui qu’un conflit de passions différentes ; il y a surtout effort et combat de sa part contre des forces extérieures à lui114, forces qui l’écrasent souvent, mais sans qu’il se reconnaisse vaincu à bon droit. […] J’ignore si l’anecdote est authentique, et peu m’importe ; mais elle enseigne que, pour mesurer le résultat obtenu par l’effort de ceux qui prétendent terrasser un vice ou une superstition, il faut très souvent regarder dans la direction opposée au but qu’ils ont visé.

611. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Le Peuple qui m’entendroit parler ainsi, pour peu qu’il fût sage, diroit : Voilà un mauvais Citoyen ; il veut nous précipiter dans les malheurs de la sédition, & nous mettre dans le cas d’aggraver un joug raisonnable, par les efforts qu’il voudroit nous faire tenter pour le secouer. […] C’est dans ce cas que la vigilance & l’activité sont absolument nécessaires, & qu’il est absurde de confondre leurs efforts communs avec un acharnement indiscret. […] Je tâche de les lire, comme les ont lues de tout temps les Sages & les Littérateurs éclairés : les Sages, pour n’y admettre que des mœurs, des sentimens, des caracteres, des maximes propres à donner à l’ame de l’énergie & des vertus ; comme les Littérateurs éclairés, pour condamner & rejeter les vains efforts de l’Art, les bizarreries de l’imagination, le clinquant de la fausse parure, la manie des sentences & des déclamations.

612. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Au reste, cette critique n’est que secondaire et ne tombe pas précisément sur le fond des choses, car M. de Tocqueville ne méconnaît et n’ignore aucune des différences qui distinguent l’Europe de l’Amérique, et il est toujours possible, quoique avec un peu d’effort, de faire, en le lisant, le partage qu’il n’a pas fait ; mais voici une observation d’un ordre bien plus important. […] Au lieu de rapporter ces faits à leurs vraies causes, qui peuvent sans doute être combattues et jusqu’à un certain point vaincues, mais très-lentement, très-difficilement, grâce aux efforts persévérants de chaque classe, à la concorde de toutes, à un régime de paix et de liberté, combien n’est-il pas plus aisé de faire croire à l’ignorance que le mal vient des privilèges du capital et de la propriété ! […] « Le plus grand péril des démocraties, c’est l’affaiblissement et la ruine de l’individualité humaine. » D’où il tire cette règle pratique : « Tout ce qui relève l’individu est sain. » Sa morale était conforme à sa politique : c’était la morale stoïcienne, la morale de l’effort et de la volonté.

613. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Il est vrai que l’effort des démocrates devait tendre à briser définitivement les cadres anciens, et non pas seulement à les croiser par des cadres nouveaux ; ils voulaient non pas enchevêtrer deux ordres sociaux, mais substituer l’un à l’autre. […] Il est vrai que sous l’Empire, au moment même où s’élabore la notion d’un Droit égal pour tous, nous apercevons d’abord les efforts de l’État pour restreindre le nombre des associations partielles. […] En un mot, la diversité des situations sociales que l’individu occupe dans des groupements très variés aide l’esprit dans son lent effort pour se déshabituer de mesurer, aux situations sociales, la valeur personnelle.

614. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Le poëte prend son parti du labeur et de la peine que tout noble effort suppose, surtout quand il s’agit d’associer des contraires, de ne rien sacrifier, de ne verser d’aucun côté, de ne donner ni dans un idéal trop subtil et trop froid, ni dans une matière trop sensuelle et trop colorée. […] Chenavard ou Puvis de Chavannes n’ont pas de crayons plus nobles dans la série de leurs graves esquisses : Poëte, oubliais-tu les bas-reliefs antiques Racontant la naissance et le progrès des arts, Le soc, le bœuf, la ruche et les essais rustiques Faits par les jeunes gens sous les yeux des vieillards ; Partout, dans la campagne égale et spacieuse, Les efforts du labour, les merveilles du fruit, Et la rébellion farouche et gracieuse Des premiers étalons que le dompteur instruit ; Les sages ; l’alphabet écrit dans la poussière ; La chasse aventureuse et l’aviron hardi ; Les murailles, les lois sur les livres de pierre, Et l’airain belliqueux pour l’épaule arrondi ; Les femmes dessinant les héros dans la trame ; Les artistes au marbre inculquant leurs frissons, Et le berger poëte, inventeur de la gamme, Suspendant le soupir à la chaîne des sons ?

615. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les efforts s’accroissent toujours en proportion de la récompense ; et lorsque la nature du gouvernement promet à l’homme de génie la puissance et la gloire, des vainqueurs dignes de remporter un tel prix ne tardent point à se présenter. […] Le son pur de la vérité qui fait éprouver à l’âme un sentiment si doux et si exalté, ces expressions justes et nobles d’un cœur content de lui, d’un esprit de bonne foi, d’un caractère sans reproches, on ne savait à quels hommes, à quelles opinions les adresser, sous quelle voûte les faire entendre ; et la fierté, naturelle à la franchise, portait au silence bien plutôt qu’à d’inutiles efforts.

616. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

En effet, par un effort immense et séculaire, ils avaient construit tour à tour les trois assises principales de la société moderne. […] Cependant ils consolent les hommes ; la bonté, la piété, le pardon coulent de leurs lèvres en suavités ineffables ; les yeux levés au ciel, ils voient Dieu et, sans effort, comme en un songe, ils montent dans la lumière pour s’asseoir à sa droite.

617. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Ces écrivains, les hommes à système et les hommes à contradictions, ont l’avantage, étant très personnels et marquant toutes leurs pensées à leur empreinte, d’être rebelles au plagiat et de décourager les prodigieux efforts que la paresse de l’esprit impose à la mémoire : on s’en nourrit, on s’en assimile ce qu’on peut ; on ne les apprend pas par cœur, on ne les découpe pas en formules, on ne les plaque point sur ses compositions. […] Ce n’est qu’à la longue, après une suite continue de pénibles efforts, que l’esprit se dégagera de l’inertie et acquerra toute son agilité.

618. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

C’est un puissant effort pour faire de la psychologie une science, dans toute la rigueur du mot. […] Dans son effort pour constituer la psychologie scientifique, Taine s’est comparé souvent au naturaliste, botaniste ou anatomiste ; d’autres fois, au chimiste ; parfois il a donné ses recherches comme des problèmes de mécanique : ces comparaisons ne laissent pas de révéler quelque incertitude sur le caractère de l’objet étudié.

619. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Le professeur de thème latin, le professeur de gymnastique, le maître d’équitation, le maître d’armes, sont des tortionnaires au même titre que le professeur qui inflige à la jeunesse l’effort de l’explication, avec les dislocations et les courbatures d’esprit qu’en peuvent éprouver les débutants. […] Là, synthèse, analyse ici ; là, effort de création ; ici, essai de critique ; là, développement de ce que l’on a en soi ; ici, pénétration d’une pensée étrangère : les deux exercices sont complémentaires et font ensemble une culture.

620. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie). […] je fais pour les aimer un inutile effort.

621. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs.

622. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

La sincérité, c’est l’effort pour penser juste. […] Si je trouvé dans L’Armature un plus grand effort, mais un résultat moindre, ce n’est pas davantage pour l’humilier.

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