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1417. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Mais les malheureux ont-ils la possibilité, ont-ils même le droit de ne rien tenter pour se débrouiller ? […] De quel droit se réclame le débutant vis-à-vis des autres Français. […] Quant aux autres membres de son Académie — à part deux ou trois, dont notre grand Rosny aîné — qu’on les pende, puisqu’ils s’arrogent le droit de juger et d’écarter des œuvres supérieures aux leurs.

1418. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités. […] Comme il n’a point de but, et qu’il pense moins pour se convaincre et s’assurer sur un point, ou pour en persuader les autres que pour entretenir doucement l’activité de son esprit ; comme il n’est point impatient, n’ayant nulle part à aller, tout détail, toute anecdote, toute particularité a droit de l’intéresser ; toute idée lui est agréable, tout chemin lui est bon. […] « Les raisons premières et plus aisées, dit-il, qui sont communément les mieulx prises, je ne sçais pas les employer, mauvais prescheur de commune. » C’est toucher droit à Cicéron, dont la gloire est d’avoir admirablement exprimé les raisons premières et plus aisées, celles qui forment le commun des hommes, et d’avoir été excellent prescheur de commune.

1419. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Non seulement on lui donne ainsi le rayonnement auquel elle a droit, mais on fait davantage ; en augmentant le nombre de ceux qui la connaissent, on éveille parmi eux des vocations dormantes, on incite les générations nouvelles au labeur ardu d’accroître la somme de nos connaissances ; on fait germer une moisson plus abondante de savants, parce que la sélection des génies à venir s’opère sur un milieu plus large et de niveau moyen plus élevé. […] Voltaire avait le droit de railler les audaces naïves de ceux qui s’aventuraient au hasard dans les mystères de l’étymologie. […] Pourquoi les martyrs et les héros qui plongent intrépidement dans le mystère, qui donnent à la recherche de la vente leur peine et leur vie, n’auraient-ils pas droit aux sourires de la Muse autant et plus que les capitaines qui reviennent triomphants au son des fanfares ou qui périssent enveloppés dans les plis du drapeau ?

1420. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Ainsi on pourrait expliquer, en regard, l’écrasante splendeur des ouvertures71 : là, nulle règle cruelle, et le droit de ne point développer les émotions au-delà de leur mesure vécue. […] Et je crois bien que j’admirerais Offenbach si ce maître n’avait, après lui, donné le droit d’exister à d’extravagants compositeurs d’opérettes, incapables d’être expressifs comme d’être spirituels. […] Charles Dowdeswell, doit, en tout droit et tout honneur, être le premier dans la liste des artistes qui se sont occupés avec ardeur en Angleterre de la cause de Richard Wagner ; car c’est lui qui, pendant des années, en a été le seul, l’unique prophète ; ainsi était-il dénominé, et attaque en conséquence, quand personne encore cher nous ne pensait à Richard Wagner.

1421. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

M’accorderai-je le droit de soupçonner pourquoi Mendès loue telle cabotine et pourquoi Emmanuel Arène blague cette autre ? […] Les vieilles filles poitrinaires ont le droit de faire des vers lamartiniens que nous restons libres de ne point lire. […] Pour nous informer que les rédacteurs des Déclarations des Droits de l’Homme se sont contredits, il déclare qu’ils « ont mis dans leurs textes un Ceci tuera Cela ! 

1422. (1904) En méthode à l’œuvre

dominera : et telle elle sera, savante et suggestive en partant des données des Sciences à leurs points d’identité, en une langue savamment multisonnante, — ou elle n’a plus droit d’exister. […]   Nous dirons de la « valeur individuelle en l’Évolution-collective » : — Le plus de science-acquise, soit de Conscience, — donne le plus de Droit. […] *** La langue-musique ainsi restituée, similitude intime entre les émissions phonétiques de la Parole et les sons matériellement instrumentaux, « voix » dont le Vers multipliera et opposera les sonorités : nous voulons maintenant nous trouver en droit de relier à tel et tel ordre de ses sons, de ses timbres-vocaux, — tel et tel ordre de sentiments et d’idées… Nous pouvons dire, en généralité, que la relation s’authentique du principe même qui dénonce la Matière allant à se savoir en se pensant, — quand évolutivement la pensée ne se peut désunir de l’instinct et de l’émotion qui l’engendrent.

1423. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Du moment que toutes les images sont virtuellement données, — et c’est votre conviction, — du moment qu’on devrait théoriquement être à même de prendre celle qu’on voudra dans la partie du tas qui est en avant (en cela consiste le calcul ou la prévision d’un événement), le mouvement qui vous obligerait à passer d’abord le long des images intermédiaires entre cette image-là et l’image présente, — mouvement qui serait précisément le temps, — vous apparaît comme un simple « retard » ou empêchement apporté en fait à une vision qui serait immédiate en droit ; il n’y aurait ici qu’un déficit de votre connaissance empirique, précisément comblé par votre science mathématique. […] On peut sans doute considérer comme théoriquement entassées les unes sur les autres, données par avance en droit, toutes les parties de tous les états futurs de l’univers qui sont prédéterminées : on ne fait qu’exprimer ainsi leur prédétermination. […] Mathématicien et physicien ont certes le droit de s’exprimer ainsi.

1424. (1774) Correspondance générale

Ne suis-je pas votre ami, n’ai-je pas le droit de vous dire tout ce qui me vient en pensée ? […] Et s’il la croit coupable, a-t-elle droit de s’en offenser ? […] Luneau, qui passe pour un homme doux, simple, droit et surtout pacifique. […] Que paye-t-on pour avoir le droit d’exercer librement son métier de tailleur, de perruquier, etc., et à qui ce droit se paye-t-il ? […] Sa manie de tout temps a été de rabaisser, de déchirer ceux qui avaient quelque droit à notre estime.

1425. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Une fille de concierge se dit : « J’irai au Conservatoire, je débuterai à la Comédie-Française, et je réciterai les vers de Corneille jusqu’à ce que j’obtienne les droits de ceux qui les ont récités très-longtemps. » Et elle le fait comme elle l’a dit. […] A ces doctrinaires si satisfaits de la nature un homme imaginatif aurait certainement eu le droit de répondre : « Je trouve inutile et fastidieux de représenter ce qui est, parce que rien de ce qui est ne me satisfait. […] J’aurais le droit de conclure que si M.  […] De quel droit ajouter ? […] Frémiet me dit que je n’ai pas le droit de scruter les intentions et de parler de ce que je n’ai pas vu, je me rabattrai humblement sur son Cheval de saltimbanque.

1426. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Mais nul désormais n’a droit de s’imposer ainsi tout sculpté, façonné de ses propres mains, et une fois pour toutes, au culte des contemporains et de la postérité. […] Le bon sens dira ce qu’il voudra de cette prétention ambitieuse, en supposant que l’interprétation que je donne soit juste ; il trouvera que c’est étrangement s’octroyer les droits et privilèges d’oint du Seigneur, et se faire à soi-même avec un suprême dédain les honneurs de la terre ; cela conduira plus tard M. de Vigny à sa théorie exagérée du poète, et finalement, à cet Exegi monumentum des Destinées : je sais les abus qu’on a vus sortir et qu’a trop tôt engendrés cette doctrine superbe tant de l’omnipotence que de l’isolement du génie ; mais ici, dans ce poème de Moïse, l’idée ne paraissait qu’enveloppée, revêtue du plus beau voile ; l’inspiration se déployait grande et haute ; elle restait dans son lointain hébraïque et comme suspendue à l’état de nuage sacré. […] Ce n’est pas seulement prétentieux, c’est au rebours de l’intention ; car, précisément, le bon sens et la candeur vont tout droit leur chemin et n’ont pas de grandes lettres sur leur chapeau. […] M. de Vigny a été de ceux-là, et lui aussi, il a eu le droit de dire à certain jour et de se répéter à son heure dernière : « J’ai frappé les astres du front. » 66.

1427. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Ampère, a droit de faire remarquer que le génie des lieux et des races se maintient et subsiste à travers les siècles, que je ne sais quoi de doux, de suave et de clair, s’est retrouvé, bien longtemps après, dans la bouche et sur les lèvres de certains orateurs français, sortis de cette contrée voisine de Marseille : Massillon et Fléchir, Maury et Cazalès, et d’autres plus modernes. — Plus tard ou même déjà, les écoles de Bordeaux étaient célèbres et présageaient les succès oratoires de la Gironde. […] Et pour suivre la même image, l’humble aîné, toujours vivant, se serait présenté après le décès de l’illustre cadet et aurait simplement repris ses droits au patrimoine. […] Nous y fîmes diversion par quelques inscriptions romaines… » Comme si ces inscriptions romaines, dans lesquelles on a souvent relevé des solécismes introduits par l’ignorance et l’habitude populaire (cum conjugem suam, etc.), ne menaient pas tout droit aux racines et origines de ces langues nouvelles, si recherchées par Sainte-Palaye. […] Edélestand Du Méril, qui a d’autres titres que ceux d’éditeur, a droit d’avoir sa place à part.

1428. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

On se devait à tous, et c’était s’isoler à deux ; en compagnie, on n’a pas droit au tête-à-tête247. […] C’est que les femmes alors sont des reines264 ; en effet, dans un salon elles ont le droit de l’être ; voilà pourquoi, au dix-huitième siècle, en toutes choses, elles donnent la règle et le ton265. […] J’en prends une au hasard, un duel entre deux princes du sang, le comte d’Artois et le duc de Bourbon ; celui-ci étant l’offensé, l’autre, son supérieur, était tenu de lui offrir une rencontre269. « Dès que M. le comte d’Artois l’a vu, il a sauté à terre, et, allant droit à lui, il lui a dit d’un air souriant : — Monsieur, le public prétend que nous nous cherchons. […] On souffre peu des passe-droits là où il n’y a pas de droits ; nous ne songeons qu’à avancer, ils ne songent qu’à s’amuser.

1429. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Les uns ont attribué ces embarras de fortune à des dissipations de main fabuleuses ou à des prodigalités de cœur sans prudence, afin d’avoir le droit de détourner les yeux et l’intervention du pays de revers selon eux trop bien mérités. […] Le droit de requête et de pétition des hommes de toutes conditions y est également sans autres limites qu’une respectueuse convenance. […] Ce principe moderne de la liberté républicaine, où chacun est le gardien de son droit par le respect spontané du droit d’autrui, paraît le chef-d’œuvre de la civilisation future au-delà de l’Atlantique.

1430. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

À leur seconde année, leur bois s’allonge droit comme un piquet ; aussi leur donne-t-on alors le nom de piquets. […] Ce sont ces cornichons qui viennent en devant du bois, et dont le cerf se sert pour se défendre : quand il est vieux il ne les a plus, son bois monte droit. […] Tant que la biche tient les oreilles droites, elle entend le moindre bruit, et il est difficile de n’être pas découvert ; quand elle les a baissées, on la tire sans qu’elle s’en aperçoive. » Telle est l’Histoire des animaux par Aristote : c’est le chef-d’œuvre du laconisme pittoresque. […] Mais pas un d’eux n’a le droit de prétendre à l’empire, ni de se substituer par une usurpation menteuse à l’exclusive souveraineté du bien.

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