Ainsi donc l’émotion de beauté produite par l’épanouissement magnifique du drame wagnérien se stérilise dans l’âme du Décadent. […] Il a une conception du théâtre qu’il exposa au cours de nombreux écrits théoriques et qu’il s’efforça d’avérer dans plusieurs drames. […] Il est un réaliste et ce qu’il recherche dans un drame c’est la notation de la vérité immédiate, vérité exprimée autant que possible par des sensations. […] Je me souviens de la Mer ; je me rappelle combien ce drame si sobre et si poignant me donna l’impression de la fatalité et combien il m’évoqua la rumeur mystérieuse des vagues autour de la plainte humaine. […] Et moi, après Homère, j’ai chanté Patrocle et Teucer au cœur de lion afin que chaque citoyen tâche de ressembler aux hommes. » Si un tel rôle vous ennuie, tentez le drame multiforme.
Paul Hervieu vaut surtout par la multiplicité, la variété des détails ingénieux et forts, la puissance de l’observation, l’analyse redoutable, l’enchaînement des causes qui mènent au drame, à la catastrophe, la façon dont il précise, avec la haute impersonnalité d’un homme de science, le fonctionnement des organes sociaux et du mécanisme humain qui y correspond et s’y emboîte. […] C’est autour de ce colossal personnage que s’agitent les multiples éléments du drame terrible qu’est L’Armature. […] Nul autre drame, nulle autre action, dans ce livre, que la faim. […] Commencé gaiement parmi des grâces légères, des ironies, des sensualités délicates, au milieu d’une société libertine et facile, le roman finit brusquement dans un coup de drame. Et le drame est d’autant plus poignant, il vous prend d’autant plus aux entrailles qu’il n’est point seulement dans les péripéties, d’ailleurs très simples, mais dans l’idée, dans le pathétique et la terreur de l’idée, laquelle descend, comme une lueur sinistre, jusque dans le fond de la chair, jusque dans le fond des ténèbres de la chair.
J’ai plus d’une fois entendu Stéphane Mallarmé parler de ce drame philosophique qu’il avait conçu dans sa jeunesse et dont le héros s’appelait Igitur d’Elbenon. […] Dans le petit salon de la rue de Rome, à la douce lueur de la lampe familiale, que de fois nous avons écouté Mallarmé tenir tête au wagnérisme et revendiquer pour la Poésie son droit éternel de tenter à son profit le prodige inverse de celui qu’avait réalisé par la puissance de son génie le créateur du Drame musical ! […] Nous avons les esquisses plus ou moins poussées de trois drames qu’il eut la velléité de composer : l’Ivrogne, le Marquis du 1er Houzards et la Fin de Don Juan. […] Le drame, à la manière de Hugo et de Dumas père, n’a guère plus de tenants que n’en a la tragédie à la façon de Baour-Lormian et de Soumet, pour prendre le genre où se manifesta le mieux l’antipathie des « perruques » et des « chevelus ». […] Les drames y étaient rares, aussi bien de la rue que de l’alcôve.
Les drames, Azraël, le Jour prédit, Rosemonde : des horreurs non émouvantes. […] Elle a publié quarante volumes et elle s’imagine que là-dedans il y a des romans, des drames, des vers et de la critique. […] Dans ses tragédies, pornographiques ou non, il se manifeste comme le Marivaux du drame et le Mignard du feuilleton. […] Et de gros drames bien rouges s’étalent laids et lourds comme des pivoines. […] Depuis j’ai lu d’elle trois romans, et aussi des piécettes, et encore un drame ignoré de tous, même de mon ami Paul Peltier, le plus renseigné des critiques dramatiques.
Mais un drame philosophique qui, en bien des points, rappelle ceux de Renan, indique avec netteté où tendait naturellement l’esprit de M. […] Je cherche vainement à quoi (et dans quelle littérature) on pourrait comparer ces petits drames psychologiques. […] Tel est le sec résumé d’un roman très vivant où l’on présume que le drame est ardent et riche et que l’idylle fleurit. […] Bourget y a été attaché par son goût de l’analyse et il y a montré, avec sa précision coutumière, le jeu de toutes les puissances de l’âme, depuis les influences héréditaires jusqu’à l’amour : non moins que l’intelligence et la volonté, en effet, le cœur a une part dans ce drame intérieur. […] J’irai sous d’autres cieux chercher la liberté qu’on me refuse. » Et, après cette crise d’ibsénisme, Francine prend le paquebot, en effet, sous la protection de l’explorateur qui, à la fin de tous les drames vraiment modernes, revient du fond du Congo pour punir l’injustice et venger la vertu.
Aussi c’est le fait d’être un conte, tragique, grotesque, philosophique ou fantastique, attribut particulier au drame Shakespearien, qui le rend perpétuellement amusant, d’autant plus que, bien entendu, la grille du maître s’y retrouve toujours. […] Il nous faut donc accorder plus de crédit, témoigner plus de reconnaissance à Racine qu’à tout autre dramaturge français digne de ce nom (je fais allusion à Corneille, Rotrou, parfois Crébillon l’aîné, même Voltaire) pour l’intérêt, l’amusement même, si j’ose ainsi m’exprimer, dignes d’un lettré, qui nous attachent à la forme sévère du drame français d’il y a plus d’un ou de deux siècles. […] la construction même du drame Shakespearien ne pouvait autoriser, avant l’extrême fin, l’emploi de ce sobre langage — trop sobre peut-être, au goût de bien des gens — qui reste l’honneur suprême de ce Racine, essentiellement, sincèrement, profondément, — et malgré, si l’on veut, cette qualité — lui qui peut à bon droit revendiquer aussi le sceptre du lyrisme, car lui et Victor Hugo sont certainement les plus grands lyriques français. […] Chaque année nous voyons des drames ou des œuvres lyriques de jeunes directement imités ou évidemment inspirés des drames, des comédies ou des féeries de Shakespeare. […] Peu de personnages, dans ce livre très simple : un prêtre, deux hommes, une femme : n’est-ce pas là un microcosme dans lequel peuvent évoluer tous les sentiments et tous les instincts de notre pauvre humanité : voilà les acteurs que M. d’Argis a choisis pour jouer ce drame poignant qui commence par des scrupules et finit par un remords, seul châtiment, mais combien affreux, d’une faute qui fut si peu commise !
Jusqu’à lui on ne se doutait pas de tout ce que pouvaient fournir d’intérêt, de vie, de drame mouvant et sans cesse renouvelé, les événements, les scènes de la Cour, les mariages, les morts, les revirements soudains ou même le train habituel de chaque jour, les déceptions ou les espérances se reflétant sur des physionomies innombrables dont pas une ne se ressemble, les flux et reflux d’ambitions contraires animant plus ou moins visiblement tous ces personnages, et les groupes ou pelotons qu’ils formaient entre eux dans la grande galerie de Versailles, pêle-mêle apparent, mais qui désormais, grâce à lui, n’est plus confus, et qui nous livre ses combinaisons et ses contrastes ; jusqu’à Saint-Simon on n’avait que des aperçus et des esquisses légères de tout cela ; le premier il a donné, avec l’infinité des détails, une impression vaste des ensembles. […] Mais je ne parle que de portraits et il y a bien autre chose chez lui, il y a le drame et la scène, les groupes et les entrelacements sans fin des personnages, il y a l’action ; et c’est ainsi qu’il est arrivé à ces grandes fresques historiques parmi lesquelles il est impossible de ne pas signaler les deux plus capitales, celle de la mort de Monseigneur et du bouleversement d’intérêts et d’espérances qui s’opère à vue d’œil cette nuit-là dans tout ce peuple de princes et de courtisans, et cette autre scène non moins merveilleuse du lit de justice au Parlement sous la Régence pour la dégradation des bâtards, le plus beau jour de la vie de Saint-Simon et où il savoure à longs traits sa vengeance.
Ces derniers actes de la tragédie humaine sont les plus fortes scènes du drame humain, celles qui se gravent le mieux dans la mémoire des peuples. […] Ce secrétaire rédigeait les actes du gouvernement, il les inspirait et les discutait en les rédigeant ; il était à la république ce que le souffleur est au drame, invisible, mais âme de tout.
Ces Thénardier sont des demi-coquins, introduits comme machine à drame dans le roman. […] XXII Ici vous fermez le troisième tiroir, et l’auteur en ouvre un autre à propos d’une certaine famille Thénardier dont il a besoin pour changer les décorations de son drame.
La famille de Robert a raconté le reste. » VI Nous avons eu la curiosité de lire le drame composé sur ce sujet, par Joseph Pilhes, de Tarascon, en 1784 ; ce drame est médiocre, et le nom de Montesquieu, changé en celui de Saint-Estieu, produit un effet assez ridicule ; cependant il a dû faire couler des larmes, surtout pendant la révolution où il se jouait encore, et où les pièces dans lesquelles triomphaient l’humanité et la nature, réussissaient d’autant plus que l’époque était plus terrible et plus agitée.
Froissart, c’est le drame sans ses ressorts cachés, sans ce qui l’explique, sans sa moralité ; Comines, c’est le drame complet, moins peut-être quelque mise en scène, qui n’y eût pas beaucoup servi.
Car depuis la révolution et jusque vers l’an VII et l’an VIII, c’est-à-dire jusqu’à l’invasion des poèmes, des drames, des romans, de l’esthétique et de la philosophie d’outre-Rhin, la littérature anglaise trônait en France. […] Eschyle et Aristophane, ces géants du drame et de la comédie, ressuscités et transportés dans le Paris de cette fin de siècle, seraient aussi incapables d’écrire la Théodora de Sardou, et le Plus heureux des trois de Labiche, qu’il était impossible à Hugo de refaire une des parties perdues de Prométhée, ou à Leconte de Lisle d’ajouter une strophe à la Chanson de Roland ou à n’importe quel chant barbare.
Dans ses drames de même, il est des degrés auxquels plus d’un admirateur s’est arrêté.
Assurément on aurait mieux aimé voir dans ces élans et ces prières, dans ces méditations sur la foi, les traces directes et les témoignages d’une lutte intérieure et d’un de ces beaux orages mélancoliques et mystiques tels qu’on en a dans la jeunesse, une seconde forme du drame intérieur de Pascal.