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705. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Visage, regard, lèvres, fibres sourdes ou éclatantes de la voix, stature, démarche, orteils crispés sur la planche, gesticulation serrée au corps ou s’élevant avec la passion jusqu’au ciel, rougeurs, pâleurs, frissons, frémissements ou convulsions de l’âme communiqués de l’âme à l’épiderme et de l’épiderme de l’acteur à celle d’un auditoire transformé dans le personnage, cris qui déchirent la voûte du théâtre et l’oreille du spectateur pour y faire entrer la foudre de la colère, gémissements qui sortent des entrailles et qui se répercutent par la vérité de l’écho du cœur, sanglots qui font sangloter toute une foule, tout à l’heure impassible ou indifférente, gamme entière des passions parcourue en une heure et qui fait résonner, sous la touche forte ou douce, le clavier sympathique du cœur humain : voilà la puissance de ces hommes et de ces femmes, mais voici aussi leur génie ! […] L’autre, Mazarin, le plus doux, le plus temporiseur et le plus habile de tous les politiques qui aient jamais manié les fils compliqués d’une régence de royaume pendant une longue minorité, avait rejeté loin de lui la hache sanglante de Richelieu son maître. […] C’est que le poète tragique est conduit à ne peindre que des péripéties ou des convulsions suprêmes de l’âme de ses personnages, et que tous les sentiments doux, habituels, modérés du cœur humain, sont retranchés forcément de sa poésie. Or, les sentiments doux, habituels, modérés, heureux, de l’âme humaine, sont cependant des notes délicieuses de la poésie, cette musique de l’âme. […] De l’aimable vertu doux et puissants attraits !

706. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Oserons-nous, après avoir si franchement déployé nos sympathies (mais notre vilain devoir nous oblige à penser à tout), oserons-nous dire que le nom de Jean Bellin et de quelques Vénitiens des premiers temps nous a traversé la mémoire, après notre douce contemplation ? […] Rien n’est doux, dans la vilaine besogne d’un compte-rendu, comme de rencontrer un vraiment bon tableau, un tableau original, illustré déjà par quelques huées et quelques moqueries. […] L’effet est très-savamment combiné, doux et frappant à la fois. […] L’aspect en est un peu trop doux et a le tort de ne pas appeler les yeux comme le portrait de la princesse Belg…, de M.  […] Duval Lecamus père « … Sait d’une voix légère Passer du grave au doux, du plaisant au sévère. » Duval Lecamus (Jules) a été imprudent d’aborder un sujet traité déjà par M. 

707. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

N’est-elle pas douce notre existence ? […] Comment, doux volatile, tu ne me reconnais pas ? […] oui, je me sens transformé… La nature me fit une douce violence pour pénétrer en moi. […] Ma tâche auprès de toi est accomplie, et je tiens à te dire qu’elle me fut douce. […] Une musique invisible et très douce accompagne ses phrases en cadence.

708. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Elle en est comme vivifiée ; aux plus périlleux moments comme aux plus doux, ce grand sentiment lui revient, tant il s’est enlacé à tous les autres, tant il a multiplié ses attaches et enfoncé ses racines dans les derniers replis de son cœur ! […] Je crois, je crois, ma petite chérie, que ce dernier article est comme la verge d’Aaron, il avale le reste… Vous plierez on vous romprez, voilà tout, mon enfant1049. » Là-dessus elle va prendre la harpe, et se met à chantonner en s’accompagnant pour montrer son indifférence : « Ma douce sœur Clary ! […] Les larmes pleuvent ; Harriett s’attendrit sur sa rivale sacrifiée, et sir Charles « d’une façon caressante, tendre et respectueuse, mettant son bras autour d’elle, lui prend son mouchoir, sans qu’elle résiste, pour essuyer les pleurs qui coulent sur ses joues. —  Douce humanité, dit-il ; charmante sensibilité, ne réprimez point cette effusion touchante ! Rosée du ciel (et il baise le mouchoir), rosée du ciel, larmes d’un cœur doux comme le ciel et compatissant comme lui1072 !  […] Ce n’est pas la dureté ni le tempérament morose qui l’affermissent ; il n’y a pas d’âme plus paternelle, plus sociable, plus humaine, plus ouverte aux émotions douces et aux tendresses intimes.

709. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Je vous envoie ce petit hommage, moins pour les obligations que je vous ai d’ailleurs, que pour le plaisir triste et doux que j’ai eu à vous lire. […] L’Empereur avait l’air grave, doux et tranquille comme à l’ordinaire. […] Pietri a vivement fermé les deux battants de la porte que l’Empereur a entrouverte la minute d’après en demandant Corvisart de sa voix douce et calme. […] Deschanel fut initié au culte de la liberté par des âmes fortes et douces. […] C’étaient bien les mêmes arbres, noueux et placides comme des géants très doux.

710. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

tombent sur moi tous les fléaux de la fortune et de la nature pour me rendre un remède si doux !  […] Mais l’union si douce des premières années se relâcha bientôt. […] Quelque triste qu’il se montre, il rencontre de douces consolations. […] Mais, en 1807, il quittait son collège bien aimé, pour une vie encore plus douce, la vie de famille à la campagne. […] Il revenait vite à des idées douces et religieuses, mais alors il s’abandonnait surtout à la pensée de la mort.

711. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

Même à ce point de simplification, il nous paraît garder cette indéniable utilité de donner à son auteur une occasion publique de manifester sa gratitude à l’égard de tous ceux qui lui furent bienveillants, efficaces et doux, de lui permettre un partiel acquittement de la dette accumulée, — et, ayant reçu pendant vingt années, de rendre à son tour.

712. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Les vers libres qu’il lui offre sont gauches quelquefois, émus souvent, exquis toujours, et des leitmotivs de sa passion nous gardons de doux murmures : Rien qu’une fois, elle a passé dans le chemin, Elle a chanté de charmantes caresses, Elle a fait oublier l’ennui morne des heures.

713. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Voici cette dédicace : « Aux poètes Iwan Gilkin et Albert Giraud, à mes chers amis, en souvenir de notre campagne littéraire pour le triomphe de la tradition française en Belgique. » Voilà les sentiments qui se manifestent en pays belge pour la tradition française, et qu’il est si doux de lire en première page de beaux et bons livres écrits en pure et belle langue française.

714. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tisseur (Les frères Barthélémy, Jean, Alexandre et Clair) »

On y respire un parfum de sympathie et je ne sais quoi de doux, de simple, de pur qui ne se sent pas dans les biographies des personnages illustres.

715. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] De là son âme est égale en tout temps ; s’il a peu de plaisirs sensibles, du moins ses peines sont légères, car il a les passions douces. […] s’écrie-t-il tout à coup ; que ses espérances et ses consolations sont douces à tout malheureux !

716. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Fussiez-vous un Virgile, le chantre pieux et sensible par excellence, il y en a qui vous diront un poète efféminé et trop doux. […] En voici un encore, l’aimable Félix Mendelssohn, « le puissant et doux maître du piano » (comme l’appelait Gœthe), qui voyageant en Italie, et rencontrant à Rome Horace Vernet directeur à la Villa Médicis, va nous donner l’impression la plus fidèle et la mieux sentie de cette nature heureuse et de cette mouvante existence : « (Rome, 17 janvier 1831.) […] Dans des allées d’arbres toujours verts qui, en ce temps de floraison, répandent des parfums par trop doux, en plein fourré du jardin de la Villa Médicis, se trouve une petite maison qui se révèle, toujours de loin par un bruit quelconque : on y crie, on s’y chamaille, on y sonne de la trompette, ou bien les chiens y aboient.

717. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Et ce sont ensuite des amours d’enfant, des paysages riants et doux, un chemin qui serpente en ruban dans le vallon, un sentier le long de la haie et du ruisseau, et qu’on préfère à tous les autres tout pareils et où il y a également une haie, une source et des fleurs, parce qu’il conduit directement à la petite grille du parc et qu’il s’y rattache un tendre souvenir. […] — Comme nous allions à cette nature si douce et si reposée, et comme nous nous harmonisions facilement avec elle ! […] Je signale l’excès ; mais la raison aussi, — j’entends la raison poétique, — la fantaisie, nourrice de l’art, y trouvaient leur compte ; et lorsqu’un des adeptes se détachait de cette société si parfaitement désintéressée et si vraiment innocente dans ses fureurs, pour entrer tout de bon dans la violence, dans la conspiration et la haine, quels vers aimables et doux Théophile Gautier lui adressait, en le rappelant cette fois à la nature non distincte de l’art !

718. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

En attendant, pour consoler ses regards, elle s’est fait apporter ce qu’elle appelle this dear picture, un médaillon contenant le portrait de Buzot en miniature que, par une sorte de superstition, dit-elle, elle n’avait point voulu mettre d’abord dans sa prison : « Mais pourquoi se refuser cette douce image, faible et précieux dédommagement de la privation de l’objet ? […] Les amoureux sont aisément crédules ; elle est tentée de voir là-dedans un signe et une intention de la Providence : « Je ne veux point pénétrer les desseins du Ciel, je ne me permettrai pas de former de coupables vœux ; mais je le remercie d’avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant, et ce changement me paraît un commencement de faveur. » Elle est extrêmement attendrie ce jour-là (7 juillet) ; les épanchements de la journée ne lui ont pas suffi ; elle s’y remet dans la soirée encore ; son âme déborde ; elle laisse échapper l’hymne intérieur comme dans un couplet mélodieux ; elle a beaucoup lu Thompson, elle l’imite ; elle a de sa prosodie scandée, elle a de la simplicité avec pompe : « Douce occupation, communication touchante du cœur et de la pensée, abandon charmant, libre expression des sentiments inaltérables et de l’idée fugitive, remplissez mes heures solitaires ! […] Associée à un homme que le même sort attendait, mais dont le courage n’égalait pas le sien, elle parvint à lui en donner avec une gaieté si douce et si vraie, qu’elle fit naître le rire sur ses lèvres à plusieurs reprises. » Je ne cherche dans ces extraits que la vérité, et je dirai jusqu’au bout ce que je pense.

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