/ 4293
589. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

Celle-ci donna à la plus jolie le nom de Takisé et appela l’autre Aïssa. […] Elle se présenta, suivie de la vieille. « Ta fille est merveilleusement jolie dit le sartyi à cette dernière, je vais la prendre pour femme. — Sartyi, répondit la vieille, je veux bien te la donner comme épouse mais que jamais elle ne sorte au « soleil ou ne s’approche du feu, car elle fondrait « aussitôt comme de la graisse. » Le sartyi promit à la vieille que jamais Takisé ne sortirait aux heures de soleil et que jamais non plus elle ne s’occuperait de cuisine. […] Takisé épousa le roi qui lui donna la place de sa femme préférée. […] Si tu ne nous fais de suite griller « ces graines de sésame, nous allons te tuer « et nous jetterons ton corps dans la fosse « des cabinets. » Takisé, effrayée par cette menace, s’approche du feu pour faire griller les graines de sésame dans un canari, et, à mesure qu’elle en surveillait la torréfaction, son corps fondait comme beurre au soleil et se transformait en une graisse fluide qui donna naissance à un grand fleuve. […] Elle a fondu comme beurre et, ce fleuve nouveau que tu aperçois dans le lointain, c’est elle qui lui a donné naissance en fondant de la sorte. » « — Il me faut ma Takisé ! 

590. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Il s’appliqua à en donner des bulletins suivis et utiles. […] Si Bonaparte, comme je vous le disais hier, m’avait donné un beau livre de six francs, par exemple les campagnes de Bonaparte en Italie, avec ces mots de sa main : Donné par Bonaparte à Roederer, en témoignage d’estime ou d’amitié, il m’aurait fait un plaisir très sensible. — Mais d’où peut provenir celle idée de présent, et de présent précieux ? […] Les hommes qui l’ont fait, n’ayant emprunté ni les bras ni le crédit d’aucune faction, n’ont de récompense à donner ni de prix à payer à aucune. […] » — « Je n’ai point de places à donner. » — « Mais il en faut faire. » — « Je ne connais personne. » — « Et vous, qu’est-ce que vous voulez être ?  […] Ils ont trouvé dans ces visites, au lieu de la morgue si ordinaire à la puissance, cette curiosité que donnent l’amour du bien public et le respect pour l’opinion nationale.

591. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

pourquoi donc les gens de lettres, certains gens de lettres, sont-ils seuls à donner ce spectacle de rosser publiquement leurs semblables ? […] L’exemple qu’il a donné en ceci est d’une application plus générale qu’on ne croirait. […] Je crois l’avoir dit ailleurs, l’explication morale qu’il convient de donner de Massillon me paraît plus simple. […] Vous me mettez sur les rangs à l’Académie ; vous me donnez votre voix, vous écrivez pour moi ; il ne tient pas à vous que je ne sois votre confrère. […] Elle donnait deux repas par semaine à messieurs de l’Académie ; ils s’assemblaient ensuite pour faire devant elle des dissertations où elle n’entendait rien.

592. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Enfin relevons-nous sous le poids de l’existence, ne donnons pas à nos injustes ennemis, et à nos amis ingrats, le triomphe d’avoir abattu nos facultés intellectuelles. […] Il n’est donné à aucun poète, quel que soit son talent, de faire sortir un effet tragique d’une situation qui admettrait en principe une immoralité. […] Une équivoque de mots a seule donné quelque apparence de raison à ce paradoxe. […] L’on m’a demandé quelle définition je donnais du mot philosophie dont je me suis plusieurs fois servie dans le cours de cet ouvrage. […] « J’ai fait cent fois réflexion en écrivant, qu’il est impossible, dans un long ouvrage, de donner toujours le même sens aux mêmes mots.

593. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Montaigne a fui le travail de la composition ; il n’a pas voulu se donner de mal. […] Montaigne nous en donne un peu à garder ici : il a corrigé, plus d’une fois, et fort heureusement, non pas même toujours pour la justesse de l’idée, mais pour la beauté de l’expression. […] Qu’est-ce à dire, sinon que Montaigne donne le scepticisme pour remède au fanatisme ? […] On peut se prêter : on ne doit jamais se donner. […] Il prend la peine de mettre la morale au-dessus de la politique, et de réduire les hommes d’État aux strictes règles de la vie privée : il rejette absolument la loi du salut public, par laquelle on autorise tout ; et dans le service des princes, il défend qu’on se donne jusqu’à donner son innocence et sa vertu.

594. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Le Philosophe, ne se donne point la peine de distinguer ; il suppose que tous les Princes sont furieux, que toutes les Nations sont stupides, que tous les Militaires sont ineptes & barbares. […] Quelle plaisante idée de nous donner les Diderot, les Marmontel, les Thomas, les S. […] Qu’y a-t-il de plus aisé que de se procurer une approbation qui coute si peu à acquérir, qui donne si peu de gloire à qui la possede, qui dure si peu après qu’on l’a acquise ? […] Les gens éclairés ne peuvent en avoir été dupes : à travers les artifices de la malignité, ils savent démêler le mensonge, & repoussent, comme par instinct, les fausses impressions qu’on voudroit leur donner. […] Croira-t-on que, pour procurer du débit à son Ouvrage, qui n’en avoit point sous son premier titre, il ait osé le changer, pour lui donner le titre du mien ?

595. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Il fut précoce, et, bien qu’il ait commencé le métier des armes à treize ans, dit-il, ou du moins à quinze (car les dates qu’il donne souffrent quelque difficulté), il avait déjà fait de bonnes études, d’abord chez les Jésuites d’Autun, ensuite au collège de Clermont à Paris. […] Il donna, dès ses débuts, dans tous les vices et tous les travers de son temps : duelliste, joueur, débauché, un raffiné en toute chose : avec cela un tour d’esprit qui sentait l’homme poli jusque dans l’homme de guerre et qui sauvait ses actions de la brutalité. […] Tel était le prince sous qui Bussy voulait aller servir en Catalogne pendant la campagne de 1654 ; il s’accommodait très bien de ce général qui aimait la raillerie, et qui mêlait le badinage et le bel esprit jusque dans les ordres de service qu’il donnait. […] Toutefois, venir les choisir pour en faire une œuvre, une histoire, un monument à toujours, comme dirait Thucydide, c’était donner témoignage d’un goût corrompu et d’un esprit gâté. […] Ajoutons qu’une telle entreprise, de la part d’un homme d’autant d’esprit, et la vogue qui s’ensuivit pour le genre même, nous donnent une idée peu haute de la moralité moyenne du temps et du monde où il écrivait.

596. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ayant départi aux sages la faculté de donner des conseils, il fallait bien, à moins de laisser les sots inutiles, qu’il leur donnât le droit de gouverner. » Les gens de lettres n’auront pas toujours cette insolente modestie. […] Les sages de Galiani n’ont pas toujours la sagesse de se résigner à donner des conseils. […] Mais dire à un auteur : Ayez des rentes, c’est un conseil plus facile à donner qu’à suivre. […] Vico était professeur public ; Fichte donnait chaque jour une leçon de grec, pour ne pas rester sans cesse face à face avec sa pensée. […] Donnez-leur le temps d’avoir du talent.

597. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

L’importance de l’objet auquel on aspire ne donne point la mesure de la douleur que fait éprouver la privation, c’est à la violence du désir qu’il inspirait, c’est surtout à l’opinion que les autres se sont formés de l’activité de nos souhaits, que cette douleur se proportionne. […] La vanité, l’orgueil donnent quelque chose de stationnaire à la pensée, qui ne permet pas de sortir du cercle le plus étroit, et cependant dans ce cercle, il y a une puissance de malheur plus grande que dans toute autre existence dont les intérêts seraient plus multipliés. […] La véritable valeur reste, mais l’amour est plus épris de ce qu’il donne que de ce qu’il trouve. […] Les femmes sensibles et mobiles, donneront toujours l’exemple de cette bizarre union de l’erreur et de la vérité, de cette sorte d’inspiration de la pensée, qui rend des oracles à l’univers, et manque du plus simple conseil pour soi-même. […] Bientôt après le règne de la terreur, on voyait la vanité renaître, les individus les plus obscurs se vantaient d’avoir été portés sur des listes de proscriptions : la plupart des Français qu’on rencontre, tantôt prétendent avoir joué le rôle le plus important, tantôt assurent que rien de ce qui s’est passé en France ne serait arrivé, si l’on avait cru le conseil que chacun d’eux a donné dans tels lieux, à telle heure, pour telle circonstance.

598. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Et quand il avait bien conté, disputé, crié, il lui restait du surplus qui ne s’était pas donné passage : il prenait la plume, et continuait la conversation tantôt avec le même interlocuteur, tantôt avec un autre ; il écrivait à Falconet ou à Mlle Volland. […] Il a besoin qu’un choc du dehors mette en mouvement les tourbillons de sa pensée, il ne peut donner lui-même la chiquenaude. Mais vienne la chiquenaude : voilà tout en branle ; la machine siffle, fume, crache, craque ; on est stupéfait de la disproportion de son action vertigineuse et de son infernal tapage avec le simple geste qui leur a donné naissance. […] C’était l’orientation que déjà Lesage, Marivaux, Prévost avaient donnée au roman : mais jamais cette nouvelle esthétique ne s’était aussi puissamment dégagée que dans le Neveu de Rameau. […] Elle saisit trop volontiers le sujet, l’idée, pour en donner un développement qui substitue le travail de l’écrivain au travail du peintre ou du sculpteur.

599. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Il donne ses études sur les individus pour une « série d’expériences » qui forment « un long cours de physiologie morale ». […] Sainte-Beuve a donné — rien de plus, rien de moins — d’étonnantes biographies d’âmes. […] La tragédie française est ce que, dans notre race, devait donner la tradition antique à la cour de Louis XIV. […] Il donne les formules d’un art objectif, impersonnel, classique, sinon de méthode, du moins d’effet : l’imitation de la nature est posée comme l’objet de l’art, mais non pas l’imitation exacte ; ce que l’art imite, « ce sont les rapports et les dépendances des parties » ; encore les altère-t-il souvent. […] Edouard Schérer (1815-1889), né à Paris, étudia en Angleterre et à Strasbourg, professa l’exégèse religieuse à Genève, et donna sa démission en 1850. — Éditions : Mélanges d’histoire religieuse, in-18 ; Études sur la litt.

600. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

L’impulsion était donnée. […] Nous nous aimâmes à la muette, tellement qu’elle allait me donner un fils. […] bonne à marier, tu ne sais pas encore donner un coup de pioche ou planter un chou ?  […] Nous donnons ici le personnage de Franca-Trippa, tel qu’il est représenté dans I balli di Sfessania de Callot. […] Nous donnons ici le dessin de l’Arlequin Simone de Bologne, d’après l’auteur de l’Histoire du Théâtre italien.

601. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Klein : il étudie une des questions les plus abstraites de la théorie des fonctions ; il s’agit de savoir si sur une surface de Riemann donnée, il existe toujours une fonction admettant des singularités données. […] L’intuition ne peut nous donner la rigueur, ni même la certitude, on s’en est aperçu de plus en plus. […] L’intuition ne nous donne donc pas la certitude. […] Non ; le nom que lui donnent les mathématiciens suffirait pour le prouver. […] La logique qui peut seule donner la certitude est l’instrument de la démonstration : l’intuition est l’instrument de l’invention.

602. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Plusieurs des préceptes qu’il donnait à ses apôtres étaient absolument inapplicables hors d’une simple société de petites gens 946. […] je vous le déclare, il n’en restera pas pierre sur pierre 948. » Il refusa de rien admirer, si ce n’est une pauvre veuve qui passait à ce moment-là, et jetait dans le tronc une petite obole : « Elle a donné plus que les autres, dit-il ; les autres ont donné de leur superflu ; elle, de son nécessaire 949. » Cette façon de regarder en critique tout ce qui se faisait à Jérusalem, de relever le pauvre qui donnait peu, de rabaisser le riche qui donnait beaucoup 950, de blâmer le clergé opulent qui ne faisait rien pour le bien du peuple, exaspéra naturellement la caste sacerdotale. […] Sur ce calvaire, où certainement Jésus souffrit plus qu’au Golgotha, ses jours s’écoulaient dans la dispute et l’aigreur, au milieu d’ennuyeuses controverses de droit canon et d’exégèse, pour lesquelles sa grande élévation morale lui donnait peu d’avantage, que dis-je ? […] Les plantations d’oliviers, de figuiers, de palmiers y étaient nombreuses et donnaient leurs noms aux villages, fermes ou enclos de Bethphagé, Gethsémani, Béthanie 953. […] » Ils espéraient une réponse qui donnât un prétexte pour le livrer à Pilate.

/ 4293