En 1670, à l’approche de l’accouchement qui devait donner le jour au duc du Maine, les négociations devinrent plus pressantes. […] Le roi la reçut pour la seconde fois en particulier, lui demanda ses soirs pour ses enfants, et elle devint leur gouvernante. […] Par la piété, il est vrai, elle put à la suite combattre la faiblesse du roi pour madame de Montespan ; mais par l’emploi de ce moyen, elle s’interdisait de profiter de ses succès, en combattant l’habitude des maîtresses par la religion, et ne prenait pas le chemin de le devenir. […] De capitaine de cavalerie, il était devenu docteur de Sorbonne, et d’homme du monde, chrétien rigide.
Ce divertissement passager devint un usage annuel, puis sacrifice public, ensuite cérémonie universelle, enfin spectacle public profane : car, comme tout était sacré dans l’antiquité païenne, les jeux et les amusements se tournèrent en fêtes, et les temples à leur tour se métamorphosèrent en théâtres ; mais cela n’arriva que par degrés. […] On peut toutefois conjecturer avec fondement que ces poésies devinrent graves, touchantes et passionnées, telles à peu près que l’hymne des Persans, qui est rapportée par Chardin, et qu’on trouve distribuée en sept chants, composée en l’honneur de Mahomet et d’Ali, avec des pensées et des sentiments qui ont quelque chose de l’esprit tragique. Aussi les poètes se lassèrent-ils à la fin de ces éloges bachiques, qui apparemment devenaient froids, comme les louanges réitérées sur le même sujet, et qui d’ailleurs tournaient plus au profit des prêtres de Bacchus, qu’au plaisir des spectateurs. […] Mais dans un spectacle qui doit peu durer, les passions vives peuvent jouer leurs jeux, et de subalternes qu’elles sont dans le poème épique, devenir dominantes dans la tragédie, sans lasser le spectateur, que des mouvements trop lents ne feraient qu’endormir.
Conservez tous les traits de ce beau visage comme ils sont, relevez seulement un des coins de la bouche ; l’expression devient ironique, et le visage vous plaira moins. Remettez la bouche dans son premier état, et relevez les sourcils ; le caractère devient orgueilleux, et il vous plaira moins. […] À l’âge de douze à treize ans, ces yeux pleins de douceur étaient devenus intrépides et ardents ; cette agréable petite bouche s’était contournée bizarrement ; ce col si rond était gonflé de muscles, ces joues larges et unies étaient parsemées d’élévations dures. […] Quand elles sont extrêmes, elles n’en deviennent que plus terribles.
Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations, il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux Lettres dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] Il le fut de naturel, d’originalité, de clarté, de logique, poussant sa tartufferie jusqu’à la sécheresse, un Tartuffe qui commença par jouer sa comédie aux autres et qui devint, comme tous les Tartuffes, son propre bonhomme Orgon à, lui-même, punition ordinaire et bien méritée de tous ces menteurs ! […] et il a la force dans le style, qui, de fort, sous sa plume, devient immanquablement de mauvais goût s’il ajoute quelque chose au jeu naturel de ses muscles et de sa robuste maigreur. […] Si un homme de la hauteur de Goethe, en se faisant païen comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que peut produire un système d’idées comme le matérialisme de Stendhal sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !
Il eut beau s’éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations ; il eut beau devenir, à moitié d’existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux lettres, dont il avait d’abord médit, son genre de talent, qui brusquait l’expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse. […] Il le fut de naturel, d’originalité, de clarté, de logique, poussant sa tartufferie jusqu’à la sécheresse ; un Tartuffe qui commença par jouer sa comédie aux autres, et qui devint, comme tous les Tartuffes, son propre bonhomme Orgon à lui-même, punition ordinaire et bien méritée de tous ces menteurs ! […] , et il a la force dans le style, qui, de fort sous sa plume, devient immanquablement de mauvais goût, s’il ajoute quelque chose au jeu naturel de ses muscles et à sa robuste maigreur. […] Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !
Vraiment le symbolisme a mis moins de temps que le romantisme ou le Parnasse à devenir historique, à laisser tomber autour de lui la poussière dorée du combat. […] Là est ce qui sépare Laforgue de Sully Prudhomme, Verlaine de Baudelaire, ce qui prédestinait celui-là à devenir notre grand poète chrétien. […] Le symbolisme, de ce point de vue, fut une recherche de poésie plus pure, un essai pour arracher du vers ce qu’il comporte nécessairement de prose, de logique liée, de convention et d’usage ; une certaine excentricité, une rupture avec le sens commun, devenait alors inévitable. […] Barre l’aurait bien dû voir) ne peut être qu’un vers dit, par opposition au vers syllabique, qui tend à devenir visuel s’il n’est pas soutenu par un sens très avisé du rythme.
Avides de terres, de jardins, de chevaux, d’esclaves, ils volaient, pillaient, forçaient de vendre ; les uns ne daignaient pas mettre un prix à l’objet de leurs rapines, d’autres le mettaient au-dessous de la valeur ; ceux-ci différaient de payer de jour en jour ; ceux-là après avoir dépouillé l’orphelin, comptaient pour paiement tout le mal qu’ils ne lui faisaient pas… C’est par ces voies qu’ils rendaient pauvres les citoyens riches, et qu’eux-mêmes devenaient riches, de pauvres qu’ils étaient. […] La langue d’Homère et de Platon commençait à devenir la langue dominante de l’empire. […] Si on regarde les talents, il eut plus de génie ; si on regarde le caractère, il eut plus de fermeté peut-être, et fut plus loin de cette bonté dont on abuse, et qui, voisine de l’excès, peut devenir une vertu plus dangereuse qu’un vice. […] Elle était devenue un sentiment, une passion, mais une passion d’autant plus forte qu’elle était calme, et n’avait pas besoin des secousses de l’enthousiasme.
Il fut tour à tour un chef attaqué par la foule et un banni protestant contre la dictature ; et, dans ces vicissitudes qui remplirent sa vie, il mêla l’invective à la guerre, la poésie aux armes, les plaisirs aux entreprises hardies, et devint à la fois le héros et le poëte d’une longue guerre civile. […] Les critiques alexandrins, Aristophane, Aristarque66, en firent un de leurs sujets favoris d’étude ; et, comme il arrive au génie, ses hardiesses originales, ses brusques fantaisies, devinrent des beautés classiques servilement imitées. […] On dirait que Sapho était devenue pour l’imagination grecque un symbole où apparaissaient, à leur plus haut degré, la grâce, l’enthousiasme et le génie de la femme. […] Les yeux n’ont plus de regards, et des bruits remplissent les oreilles ; une sueur glacée se répand, un tremblement m’agite : je deviens plus pâle que l’herbe flétrie ; et, près d’expirer, je demeure sans haleine. » Nous ne voudrions pas d’autre réponse que cette nosologie de l’amour à la bonne foi des critiques allemands qui rêvent une Sapho tout idéale.
L’époque devient grossière, elle n’estime que le gros qu’elle prend pour le grand ; elle se prend à l’étiquette, à la montre, à ce qui peut faire du bruit ou être utile positivement : l’esprit littéraire véritable est tout le contraire de cela. […] Ou encore, comme un poëte devenu critique le disait : Jeune, on se passe très-aisément d’esprit dans la beauté qu’on aime et dé bon sens dans les talents qu’on admire. […] La tache de notre propre cœur est comme le miroir du mal en nous : plus elle s’étend, et plus le miroir devient complet.
Dans un temps où nous sommes affligés de la plaie des Mémoires, où le vrai et le faux, l’authentique et l’apocryphe, se confondent de plus en plus et deviennent presque impossibles à discerner ; quand le moindre contemporain et témoin du drame impérial s’autorise de quelques souvenirs, qui tiendraient en peu de pages, pour recommencer la chronique générale et desserrer volume sur volume ; il est précieux de trouver un homme qui a vu longtemps et de près, qui a manié et surveillé les plus secrets ressorts, et qui raconte avec sobriété les seules portions dont il se juge bien instruit. […] Réal, tous ces contre-temps conjurés qui, si légers en eux-mêmes, eurent un résultat si foudroyant, deviennent, d’après M. […] C’est à ce prix qu’on devient grand et qu’on persévère dans la pratique active.
Aujourd’hui que le Globe est placé plus qu’il ne l’a jamais été depuis la révolution de Juillet sur un terrain solide et nettement dessiné ; aujourd’hui que sa nouvelle position en politique, en économie, en philosophie, en art et en religion, devient de plus en plus appréciable et notoire ; aujourd’hui enfin, pour tout dire, que le Globe est le journal reconnu et avoué de la doctrine saint-simonienne ; nous, qui ne l’avons abandonné dans aucune de ses phases, nous qui avons assisté et contribué à sa naissance il y a sept ans, coopéré à ses divers travaux depuis lors, qui avons provoqué et produit plus particulièrement ses transformations récentes ; nous qui avons suivi toujours, et, dans quelques-unes des dernières circonstances, dirigé sa marche ; qui, sciemment et dans la plénitude de notre loyauté, l’avons poussé et mis là où il est présentement, nous croyons bon, utile, honorable de nous expliquer une première et dernière fois par devant le public, sur les variations successives du journal auquel notre nom est demeuré attaché ; de rendre un compte sincère des idées et des sentiments qui nous ont amené où nous sommes ; et de montrer la raison secrète, la logique véritable de ce qui a pu sembler pur hasard et inconsistance dans les destinées d’une feuille que le pays a toujours trouvée dans des voies d’honneur et de conviction. […] Et d’ailleurs les circonstances politiques devenant de jour en jour plus pressantes, le principe, qui n’aurait dû servir que d’instrument à prendre ou à laisser, devenait lui-même une arme de plus en plus chère, un glaive de plus en plus indispensable et infaillible ; le but lointain d’association et d’unité s’obscurcissait derrière le nuage de poussière que soulevaient les luttes quotidiennes ; car le Globe s’y lança sans hésiter dès que les besoins du pays lui parurent réclamer une pratique plus active ; mais ses tentatives de science générale y perdirent d’autant ; ce sentiment inspirateur, cette tendance générale et ce but d’avenir que nous signalons plus particulièrement ici s’éclipsèrent devant une application directe à la situation politique du moment, et, dans la préoccupation naturelle des rédacteurs comme du public, notre journal parut se réduira au travail du principe de liberté jouant et frappant dans toutes les directions. […] Nous fûmes vifs, parce que chaque minute était précieuse, parce que, la méfiance une lois revenue, la dissolution morale une lois rentrée au cœur de l’État, il nous semblait que les difficultés devenaient presque insurmontables dans les conditions sociales où l’on était encore.
Elle est aussi trop voisine de son début pour que nous puissions savoir exactement ce qu’elle deviendra. […] Mais où la tâche devient plus malaisée, c’est quand il s’agit de les subdiviser. […] C’est encore l’instant où les attaques des écrivains, jusque-là dirigées contre l’Eglise, vont se tourner contre l’Etat, où la préoccupation des affaires publiques va primer toutes les autres, où les théories politiques, réalistes et modérément réformistes avec Montesquieu, vont devenir dualistes et révolutionnaires avec l’auteur du Discours sur l’origine de l’inégalité.
Ce jeune page de la princesse de Conti, heureux et hardi comme un Gascon, quoiqu’il ne fût que de Périgueux, avait été accepté comme un grand homme à l’âge où l’on n’est presque jamais qu’un ridicule jeune homme, quand on doit devenir un homme plus tard. […] Le scandaleux devint romanesque. […] Marionnette d’une coterie d’abord, il le devint de sa propre vanité, et il se crut, par le bruit et l’éclat, un météore et un tonnerre, mais son éclair était, comme au théâtre, du phosphore, et son tonnerre, des feuilles de fer blanc !
Le poète du matérialisme adoré, étreint, possédé, est devenu le poète du panthéisme qui, philosophiquement, n’est que du matérialisme déguisé, — on le sait de reste, — mais qui, poétiquement, n’en est plus. […] Ce disciple de Goethe, l’archaïque, voilà qu’il devient byronien ! […] Vous y revoyez particulièrement le fini d’expression auquel devait nécessairement atteindre un écrivain qui travaille la langue avec la lampe de l’émailleur, et qui, tout matérialiste qu’il pût être, rentrait, par la perfection même de sa forme, dans cette sphère de l’Infini, auquel il ne croit pas et qu’on retrouverait dans ses vers encore, — ne fût-il pas panthéiste comme il l’est devenu, — par la raison unique et suffisante qu’ils sont de beaux vers !