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1002. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

L’éloquence révolutionnaire L’éloquence révolutionnaire occupe un espace de dix années (1789-1799) : dans toutes les assemblées qui se succèdent, dans les États Généraux devenus bientôt Assemblée constituante (1789-1791), dans l’Assemblée législative (1791-1792), dans la Convention (1792-1795), partout, sauf dans les deux Conseils juxtaposés des Anciens et des Cinq-Cents (1795-1799), elle est représentée par de brillants et vigoureux talents. […] Il a vu que la Révolution ne pouvait se sauver que par une translation de propriété qui intéresserait des milliers d’individus à garantir l’ordre nouveau : mais les biens du clergé vendus, les privilèges de la noblesse supprimés, l’égalité civile et politique établie, la liberté assurée, la royauté devenue constitutionnelle, Mirabeau fut content ; il ne s’occupa plus que de conserver cet ordre qu’il estimait conforme au gouvernement idéal ; et comme pour le fonder il avait fallu vaincre la royauté, tout son soin tendit à fortifier la royauté. […] Mais lorsqu’il voulut marquer le point d’arrêt de la Révolution, parmi ceux qui le dépassaient et devinrent ses adversaires se rencontre un orateur de premier ordre, Barnave630, qui avait été avocat au barreau de Grenoble. […] Il avait la parole facile, fluide, animée cependant et ardente : il n’était ni profond ni précis, mais il s’échauffait au son de sa propre parole, et il devenait entraînant. […] Député du Tiers en 1789, il devient président de l’Assemblée en 1791.Éditions : Lettres originales écrites du Donjon de Vincennes, Paris, 1792, 4 vol. in-8 ; Corr. de M. avec Cerutti, 1790. in-8 ; Lettres de M. à un de ses amis en Allemagne (le major Mauvillon), Brunswick, 1792, in-8 ; Lettres de M. à Chamfort, Paris, 1790, in-8 ; Lettres inédites, etc., 1806, in-8 ; Corr. de M. et du comte de la Mark, Paris, 1854, 3 vol. in-8 ; Œuvres oratoires de M.

1003. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Mais, parce que Le Disciple est un livre sincère, parce que la pensée inepte et mille fois répétée de la responsabilité de l’écrivain y est devenue un profond sentiment bourgeois, la lecture en reste intéressante et humiliante, comme la vue d’une lâcheté éperdue, comme le spectacle d’une terreur verte et bégayante de Joseph Prudhomme. […] Voici où son injustice devient pire et pire son triomphe. […] toute admiration est devenue impossible, et tout espoir, et même toute inquiétude. Celui qui semblait pouvoir être le noble pamphlétaire de sa propre conscience est devenu bassement le pamphlétaire d’un parti. […] Il est intéressant de voir la matière première de ce qui deviendra poésie.

1004. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Je deviens de jour en jour philosophe, et, pourvu que j’aie le plaisir de vous retrouver et de vous décharger mon cœur, je ne compte pour rien tout le reste. […] Pour réparer son échec de Pologne, il prend le parti de s’attacher entièrement aux jeunes princes de Vendôme, et s’insinue si bien par son esprit, qu’il devient le maître absolu de leurs affaires, l’intendant et l’arbitre de leurs plaisirs. […] Dans une des lettres nouvelles, on le voit, après un voyage en Nivernais, qui a été des plus fatigants, arriver à une terre appelée les Bordes ; il faut entendre comme il en décrit les délices : « On y mange quatre fois par jour ; on y dort vingt heures, et il n’y a pas de lit que le Sommeil n’ait fait de ses propres mains. » Et il entre alors dans tous les détails sur les avantages du lieu, et sur certains agréments de garde-robe qu’il décrit au long à sa belle-sœur avec un enthousiasme, avec une sorte de verve lyrique que je me garderai de citer ; nous sommes devenus trop petite bouche pour cela. […] Dès que le charme est fini, que devient l’opéra d’Armide, qu’un débris de palais détruit, une triste senteur de lampes qui s’éteignent ? […] Au point de vue littéraire et poétique, il ne faudrait voir Chaulieu que de cette manière, tout à fait vieux, et devenu dès lors aussi tout à fait honnête homme, assis sous ses arbres de Fontenay ou à l’ombre de ses marronniers du Temple.

1005. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Il ne tint pas à elle que la duchesse de Bourgogne ne devînt la plus exemplaire des élèves de Saint-Cyr. […] Pour se faire une juste idée de ce qu’était alors la représentation, et de l’importance qu’on attachait à toutes ces choses, remplacées depuis par d’autres que nous croyons beaucoup plus sensées et qui le deviendront peut-être, il faut lire le récit de cette première entrevue, chez Dangeau : La princesse, dit l’historiographe fidèle, arriva sur les six heures. […] Un jour, douze ans après, la jeune princesse était devenue l’ornement et l’âme de la Cour, l’unique joie de cet intérieur du roi et de Mme de Maintenon, de ces vieillesses moroses. […] Au lieu de se comporter comme un être indomptable, elle était devenue raisonnable et polie, se tenait selon son rang, et ne souffrait plus que les jeunes dames se familiarisassent avec elle, en trempant les mains dans le plat… Voilà d’incommodes éloges et dont on se passerait bien. […] Au milieu de toutes ces légèretés et de ces enfances, la duchesse de Bourgogne avait des qualités sérieuses, et qui le devenaient de plus en plus avec l’âge.

1006. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Homme d’observation toutefois et de bon sens avant tout, absolument étranger par ses origines comme par ses habitudes d’esprit aux doctrines du droit divin, il est évident pour ceux qui le lisent que, s’il avait vécu, il ne se serait nullement considéré comme enchaîné à la Restauration, et qu’il eût fait mieux que consentir à l’essai de monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe : il aurait cru un moment y voir la réalisation tardive de ce qu’il avait longtemps désiré et de ce dont il avait désespéré tant de fois, l’établissement d’un gouvernement mixte, devenu enfin possible en France après ces trente ou quarante ans d’une éducation préliminaire si chèrement achetée. […] Il analysait successivement l’esprit des villes en général, celui des bourgeois de toutes les classes, l’esprit des campagnes où le paysan, devenu propriétaire et acquéreur des biens d’émigrés, s’accommodait très bien du régime nouveau et ne craignait rien tant que le retour à l’ancien. […] M. de Hardenberg, ministre de Prusse, ayant persisté à le consulter, tandis qu’il participait dans le même temps aux négociations de la paix de Bâle à laquelle Mallet était directement opposé, ce dernier le prit fort mal ; il interrompit un travail devenu dérisoire dans cette nouvelle conjoncture : « Dans cet état de choses, écrivait-il à M. de Hardenberg, toute lettre de ma part devenait un acte d’importunité, une indécence et un contresens. » Ayant été mêlé en 1794 dans un projet de conciliation qu’offraient aux princes émigrés les constitutionnels de la nuance de MM. de Lameth, et ne s’y étant prêté qu’avec une extrême réserve, Mallet du Pan apprit qu’on en jasait pourtant dans l’armée de Condé, et il reçut de l’envoyé anglais en Suisse, M.  […] Cette épidémie de constitutions politiques, « qui succéda alors en France et en Europe aux pantins et aux aérostats » (deux modes du jour), date de lui : Pas un commis-marchand formé par la lecture de l’Héloïse, dit Mallet du Pan, point de maître d’école ayant traduit dix pages de Tite-Live, point d’artiste ayant feuilleté Rollin, pas un bel esprit devenu publiciste en apprenant par cœur les logogriphes du Contrat social, qui ne fasse aujourd’hui une constitution… Cependant la société s’écroule durant la recherche de cette pierre philosophale de la politique spéculative ; elle reste en cendres au fond du creuset.

1007. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Le grand financier Pâris-Duverney, devenu, dans sa vieillesse, intendant de l’École militaire, dont il avait inspiré la première idée à Mme de Pompadour, et dont il avait dirigé la fondation, souhaitait ardemment que la famille royale honorât d’une visite cet établissement patriotique où il mettait sa dernière pensée. […] La fin de l’aventure pourtant répond peu au début, et peu s’en faut que Beaumarchais ne devienne la dupe du fourbe qu’il a démasqué et serré de si près. […] Laissons une bonne fois ce Beaumarchais-Grandisson qui fait fausse route, et arrivons, à travers les divers incidents de sa vie, au Beaumarchais véritable dont la veine comique jaillira à l’improviste et d’autant plus naturelle, même avant qu’il soit devenu le Beaumarchais-Figaro. […] … Il ne s’arrête que devant le premier président Nicolaï, son dernier et imprévu adversaire, après l’avoir désigné et au moment où il va le nommer à la suite de ces tristes acolytes de Goëzman ; cette réticence envers un nom respecté, qui s’est mis si bas, devient un nouveau trait d’éloquence. […] Pendant ce temps-là le Parlement Maupeou croulait ; on jouait Le Barbier de Séville à Paris ; Beaumarchais, relevé de son jugement avec pompe, saisissait tous les à-propos, toutes les occasions de faire bruit et fortune, épousait les causes à la mode, devenait l’approvisionneur et le munitionnaire général des États-Unis insurgés, et entrait, le vent en poupe et toutes voiles dehors, dans cette vogue croissante qui ne s’arrêta plus qu’après Le Mariage de Figaro.

1008. (1912) Le vers libre pp. 5-41

J’ai ouï-dire que sitôt le fascicule paru, le samedi de chaque semaine, un jeune Parnassien se saisissait d’un numéro qu’il portait chez François Coppée et qu’on se réunissait à dix, jeunes gens et hommes mûrs, autour de cet exemplaire unique pour se gaudir d’abord, puis alterner les lamentations sur la décadence de la langue française et le toupet inouï de ces jeunes barbares qui démantelaient l’ancien alexandrin, tendre chez Racine, épique chez Victor Hugo, sourcilleux chez Leconte de Lisle et devenu sous l’archet de nos railleurs si tranquille et un peu valétudinaire. […] L’historien a du mal à s’expliquer pourquoi les novateurs n’allèrent pas plus loin, et surtout il s’explique difficilement l’acharnement de la résistance contre une nouveauté qui de loin apparaît comme l’aboutissement logique d’anciennes nouveautés, déjà devenues de la tradition. […] Mais je sens que je deviens bien technique, d’ailleurs il le faut, et pour ne l’être qu’un instant dans la soirée, je vais vous demander la permission d’être pendant cinq ou six minutes très ennuyeux. […] Sans admettre que le vers devienne un verset complet, et là le goût et l’oreille sont suffisants pour avertir le poète, on peut grouper en un seul vers trois ou quatre éléments ayant intérêt à ce que leur jaillissement soit resserré. […] La poésie traditionnelle a créé une foule de rapports constants, qui sont justement de par là-même, tantôt exacts, tantôt trop accusés, et deviennent brutaux et tyranniques.

1009. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

La littérature est devenue conventuelle. […] Lisez cet auteur pendant qu’il est bon, dirai-je ; plus tard il deviendra mauvais ; plus tard encore il est possible qu’il redevienne bon ; mais alors vous ne serez plus là pour le lire. […] Il en est de cela comme de la différence des sexes ; il ne faut pas demander à l’artiste qui donne, de devenir femme, de recevoir. […] Si, dans l’artiste le critique intervenait pendant que l’artiste travaille, c’est alors que seraient absolument vraies les paroles de Nietzsche, « l’artiste appauvrirait sa puissance créatrice », il la dessécherait même et deviendrait incapable de rien produire. […] Donc, que devient le mot de La Bruyère ?

1010. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Si elle répond oui, la nutrition, ayant les propriétés des causes, est une cause ; et l’hypothèse justifiée devient une vérité. […] Devenu hanneton et plus sobre, il ne lui reste qu’un canal assez grêle, dépourvu de renflements. […] La grenouille à l’état de têtard est aquatique, et respire par des branchies ; devenue adulte et terrestre, ses branchies s’effacent ; elle respire par la peau et par les poumons. Certaines larves de diptères respirent l’air par des tubes, et leurs nymphes devenues aquatiques respirent l’air de l’eau par des faisceaux de branchies attachés au thorax. […] Le poumon respiratoire des mammifères est devenu la vessie natatoire chez les poissons.

1011. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers en histoire, la manière dont il devint historien, et en quoi il diffère essentiellement des autres grands talents contemporains qui se sont illustrés dans ce genre. […] Questions brûlantes, sur lesquelles l’historien lui-même, devenu homme de gouvernement, a dû hésiter quelquefois. Ce qu’il y a de positif, c’est que le succès, d’abord lent à se décider, est, avec les années, devenu immense, populaire ; la révolution de Juillet l’a accéléré et, pour ainsi dire, promulgué. […] Dès le premier numéro, dans le programme d’ouverture, le mot hardi était lâché : « Aujourd’hui, est-il dit, cette position (des adversaires) est devenue plus désolante. […] On a vu par degrés cette bonne harmonie s’altérer, à mesure que le poëte s’est senti devenir un politique, et depuis qu’il a son drapeau sur la même rive.

1012. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Pour la première fois, ce coup de pinceau, sans lequel l’histoire ne vit pas, était appliqué sur les choses et surtout sur les hommes de la Révolution par une de ces mains ardentes qui, dans un temps donné, doit devenir la main d’un maître. […] Après avoir cherché à devenir le ministre de Louis XVI et le gouverneur du Dauphin, Pétion garda la mairie de Paris sous la Commune insurrectionnelle. […] Si Barrot, passant devant cette statue après ses luttes oratoires, l’avait quelquefois interrogée du regard, elle lui aurait appris ce que deviennent les ambitieux demandant la chimère du pouvoir à l’idolâtrie des « multitudes. […] Seulement, voilà qu’au moment où l’on y pensait le moins, il n’est pas devenu, mais il s’est démasqué — philologue ! […] Si, plus tard, nous l’avons vu devenir le féal de la dynastie napoléonienne, c’est qu’il connaissait ce temps révolutionnaire et maudit pendant lequel il avait vécu toujours sur la brèche.

1013. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Il y avait aussi, dans mon esprit troublé, une déformation de ma chambre, devenue plus grande, et descendue du premier au rez-de-chaussée. […] Il pourrait à la longue devenir stérilisant. […] Un quelconque. — Vallon, ce Vallon, passé grand homme, et Buffet devenu populaire, c’est vraiment trop fort, et l’ironie de ce temps est excessive. […] dans cette maison tranquille, pacifique, assoupissante, il s’est transformé ; et à son ronron laborieux, il est devenu peu à peu un autre homme qu’il était. […] Il devient un sujet à expériences, et il coûte près de 20 000 francs à l’hôpital, tant on lui fait prendre de sulfate de quinine, qu’on arrêtait lorsqu’il devenait sourd, et de choses extraordinaires, et de bains composés de plantes aromatiques de l’Inde.

1014. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Je deviens racine, scion, écorce, toute la forêt. […] Les vers deviennent traduction fantaisiste du Poème grandiose et par excellence, que lui dicte, inlassable, la Nature. […] Le symboliste pense directement et le symbole ne devient qu’une manière détournée et pourtant nécessaire de se faire entendre. […] Il devient l’idée même incarnée, l’émotion palpable, le frère jumeau du moi. […] Voici sa phrase : « Elle est (la nature) l’incarnation d’une pensée et redevient pensée, de même que la glace devient eau et vapeur.

1015. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

» suffisent, même isolées de tout contexte explicatif, quand nous nous parlons à nous-mêmes132; la parole extérieure ne les admet dans un pareil isolement que quand nous parlons tout haut pour nous-mêmes, dans le monologue : or le monologue n’est que la parole intérieure devenue extérieure, devenue audible, sans être pour cela destinée à être entendue [ch. […] Si, au contraire, il se néglige ou se décourage, sa parole intérieure deviendra l’écho trop fidèle de sa parole extérieure ; elle en reproduira les incorrections. […] L’enfant grandit et perfectionne son langage ; ce qu’il veut, c’est toujours se faire entendre ; il juge s’il a bien dit ce qu’il voulait d’après les sons qu’il émet et qu’il entend, et non d’après les tacta buccaux ; et ceux-ci lui deviennent de plus en plus indifférents à mesure que son langage devient plus facile et plus correct, c’est-à-dire à mesure que ses organes vocaux sont mieux assouplis, mieux adaptés à toutes les variétés du langage audible ; alors, en effet, il n’est aucunement besoin de réfléchir aux moyens, il lui suffit de vouloir le but. […] Le souvenir devient alors une simple réminiscence, un simple fait d’habitude ; il cesse d’être connu comme souvenir par l’être qui se souvient. […] Ce n’est pas tout ; à l’idée du moi, la reconnaissance ajoute une détermination importante : le moi devient l’être dont la manière d’être se reproduit, dont le présent répète le passé : à l’idée positive de la succession se joint une idée plus positive encore, celle de la répétition ou de l’habitude.

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