Jamais et nulle part ils ne l’ont été si habituellement et au même degré. « Pour un homme de science et de génie, dit un voyageur anglais, ici le principal plaisir est de régner dans le cercle brillant des gens à la mode456. » Tandis qu’en Angleterre ils s’enterrent morosement dans leurs livres, vivent entre eux et ne figurent dans la société qu’à la condition de « faire une corvée politique », celle de journaliste ou de pamphlétaire au service d’un parti, en France, tous les soirs, ils soupent en ville, et sont l’ornement, l’amusement des salons où ils vont causer457. […] Talent unique, le plus rare en un siècle classique, le plus précieux de tous, puisqu’il consiste à se représenter les êtres, non pas à travers le voile grisâtre des phrases générales, mais en eux-mêmes, tels qu’ils sont dans la nature et dans l’histoire, avec leur couleur et leur forme sensibles, avec leur saillie et leur relief individuels, avec leurs accessoires et leurs alentours dans le temps et dans l’espace, un paysan à sa charrue, un quaker dans sa congrégation, un baron allemand dans son château, des Hollandais, des Anglais, des Espagnols, des Italiens, des Français chez eux469, une grande dame, une intrigante, des provinciaux, des soldats, des filles470, et le reste du pêle-mêle humain, à tous les degrés de l’escalier social, chacun en raccourci et dans la lumière fuyante d’un éclair. […] Il n’y eut jamais d’écrivain qui ait possédé à un si haut degré et en pareille abondance tous les dons du causeur, l’art d’animer et d’égayer la parole, le talent de plaire aux gens du monde. […] À ce degré et en de tels sujets, il n’est plus qu’un effet de l’habitude et du parti pris, une manie de la verve, un état fixe de la machine nerveuse lancée à travers tout, sans frein et à toute vitesse
Vous regardez sa maison, ses meubles et son costume ; c’est pour y chercher les traces de ses habitudes et de ses goûts, le degré de son élégance ou de sa rusticité, de sa prodigalité ou de son économie, de sa sottise ou de sa finesse. […] Il y a là une force distincte, si distincte qu’à travers les énormes déviations que les deux autres moteurs lui impriment, on la reconnaît encore, et qu’une race, comme l’ancien peuple aryen, éparse depuis le Gange jusqu’aux Hébrides, établie sous tous les climats, échelonnée à tous les degrés de la civilisation, transformée par trente siècles de révolutions, manifeste pourtant dans ses langues, dans ses religions, dans ses littératures et dans ses philosophies, la communauté de sang et d’esprit qui relie encore aujourd’hui tous ses rejetons. […] Il en est ici d’un peuple, comme d’une plante : la même séve sous la même température et sur le même sol produit, aux divers degrés de son élaboration successive, des formations différentes, bourgeons, fleurs, fruits, semences, en telle façon que la suivante a toujours pour condition la précédente, et naît de sa mort. […] Si un besoin, une faculté est une quantité capable de degrés ainsi qu’une pression ou un poids, cette quantité n’est pas mesurable comme celle d’une pression ou d’un poids.
On conçoit sans peine, en effet, que notre entendement, contraint à ne marcher que par degrés presque insensibles, ne pouvait passer brusquement, et sans intermédiaires, de la philosophie théologique à la philosophie positive. […] Qu’il nous suffise, quant à présent, de savoir qu’il est conforme à la nature diverse des phénomènes, et qu’il est déterminé par leur degré de généralité, de simplicité et d’indépendance réciproque, trois considérations qui, bien que distinctes, concourent au même but. […] (4) Les conceptions que je tenterai de présenter relativement à l’étude des phénomènes sociaux, et dont j’espère que ce discours laisse déjà entrevoir le germe, ne sauraient avoir pour objet de donner immédiatement à la physique sociale le même degré de perfection qu’aux branches antérieures de la philosophie naturelle, ce qui serait évidemment chimérique, puisque celles-ci offrent déjà entre elles à cet égard une extrême inégalité, d’ailleurs inévitable. […] Car la spécialité exclusive, l’isolement trop prononce, qui caractérisent encore notre manière de concevoir et de cultiver les sciences, influent nécessairement à un haut degré sur la manière de les exposer dans l’enseignement.
Par exemple, la réaction sociale qui constitue la peine est due à l’intensité des sentiments collectifs que le crime offense ; mais, d’un autre côté, elle a pour fonction utile d’entretenir ces sentiments au même degré d’intensité, car ils ne tarderaient pas à s’énerver si les offenses qu’ils subissent n’étaient pas châtiées62. […] Jusqu’à présent, nous avons trouvé deux séries de caractères qui répondent d’une manière éminente à cette condition ; c’est le nombre des unités sociales ou, comme nous avons dit aussi, le volume de la société, et le degré de concentration de la masse, ou ce que nous avons appelé la densité dynamique. […] C’est pourquoi ce qui exprime le mieux la densité dynamique d’un peuple, c’est le degré de coalescence des segments sociaux. […] Cependant il y a des exceptions78 et on s’exposerait à de sérieuses erreurs si l’on jugeait toujours de la concentration morale d’une société d’après le degré de concentration matérielle qu’elle présente.
La raison en est simple : un hasard, une surprise, une catastrophe imprévue suffit pour reporter sur le trône des princes dont le nom parle encore à bien des imaginations qui se tournent naturellement vers eux dans un jour de crise ; mais, pour s’y maintenir, pour faire une juste part entre les intérêts et les principes dont ils sont les représentants et ceux qui se sont créés sans eux ou contre eux, pour se concilier, pour rassurer la masse de la population qui, s’étant momentanément attachée à un autre drapeau, ne peut les voir revenir qu’avec crainte et défiance, il faut un mélange d’intelligence, de sagacité, de fermeté et d’adresse que bien peu d’hommes ont possédé, comme Henri IV, au degré suffisant69. […] Malgré le budget déjà équilibré et les justes combinaisons financières du baron Louis, malgré les succès diplomatiques de M. de Talleyrand à Vienne, les deux côtés honorables de 1814, et qu’il nous fait si bien connaître ; malgré ces compensations qui n’étaient pas sensibles aux yeux du public, l’historien nous montre la situation intérieure comme s’étant peu à peu délabrée d’elle-même et comme étant devenue par degrés désespérée.
Mais il est certain qu’ayant, au degré où il l’avait, un continuel et irrésistible mouvement d’idées, il lui était difficile de demeurer au même point et de ne pas varier, même dans ses liaisons politiques. […] Pasquier commençait alors ; le salon de Mme de Boigne devint véritablement le salon du chancelier : il y était lui tout entier, et avec un degré d’intérêt de plus qu’au Petit-Luxembourg.
Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] On le voit, rôdeur à l’œil dévorant, au sourcil visionnaire, comme Wordsworth a dit de Dante , tour à tour le long des grèves de l’Océan, dans les nefs désertes des églises au tomber du jour, ou gravissant les degrés des lugubres beffrois.
Shakespeare, égalé quelquefois depuis par des auteurs anglais et allemands, est l’écrivain qui a peint le premier la douleur morale au plus haut degré ; l’amertume de souffrance dont il donne l’idée pourrait presque passer pour une invention, si la nature ne s’y reconnaissait pas. […] Ce qui est inconnu, ce qui n’est guidé par aucune volonté intelligente, porte la crainte au dernier degré.
Les écrivains ne portent au plus haut degré la conviction et l’enthousiasme, que lorsqu’ils savent toucher à la fois ces trois cordes, dont l’accord n’est autre chose que l’harmonie de la création. […] Mais ce n’est là qu’une partie encore de la puissance du langage ; et les bornes de la carrière que nous parcourons vont reculer au loin devant nous ; nous allons voir cette puissance s’élever à un bien plus haut degré, si nous la considérons lorsqu’elle défend la liberté, lorsqu’elle protège l’innocence, lorsqu’elle lutte contre l’oppression ; si nous l’examinons, en un mot, sous le rapport de l’éloquence.
C’est qu’en effet, s’il n’existe qu’une seule espèce sociale, les sociétés particulières ne peuvent différer entre elles qu’en degrés, suivant qu’elles présentent plus ou moins complètement les traits constitutifs de cette espèce unique, suivant qu’elles expriment plus ou moins parfaitement l’humanité. […] Au surplus, nous n’avons pas à entrer dans ces détails, il nous suffit d’avoir posé le principe de la classification qui peut être énoncé ainsi : On commencera par classer les sociétés d’après le degré de composition qu’elles présentent, en prenant pour base la société parfaitement simple ou à segment unique ; à l’intérieur de ces classes, on distinguera des variétés différentes suivant qu’il se produit ou non une coalescence complète des segments initiaux.
Albalat croit tout le temps que Pascal joue avec les mots, que sa pensée dépend des mots et qu’un nouveau degré de condensation en augmenterait beaucoup la valeur. […] Et, au surplus, si je suis, en effet, sincèrement persuadé, comme on m’en accuse, que le « degré de condensation augmente beaucoup la valeur du style », c’est Pascal lui-même qui m’offre la preuve de cette théorie, notamment dans le morceau dont j’ai reproduit cinq rédactions de plus en plus condensées.
Ce n’est pas d’hier que l’idée d’égalité, en dehors du Code, s’est mise à poindre dans tous les horizons ; puis, par degrés, à insolemment rayonner. […] Serions-nous donc arrivés à ce degré, d’effémination suprême, qui précède la disparition d’un peuple ou d’une race ?
Mais eût-elle existé au degré où les historiens modernes l’ont poussée, que les Romains n’eussent pas été châtiés par les Barbares, même quand ils furent envahis par eux. […] Ces têtes romaines, organisées pour la politique, comme les têtes grecques l’étaient pour l’art, admettaient que le droit du magistrat fût absolu ; et il l’était à tous les degrés de la magistrature, pour le censeur comme pour le tribun, pour le préteur comme pour le consul.
Selon le comte de Gasparin, ce Pape, qui fut grand, mais certainement moins grand que Grégoire VII, — qui, à distance de plus d’un siècle, sut lui paver la voie Appienne de sa grandeur future, — représente pourtant, sinon le plus haut degré du génie absolu de l’Église, au moins le plus haut point de sa fortune, et c’est pour cette raison que le comte de Gasparin, en le choisissant, l’a frappé. […] Ce sont tous deux — et Proudhon, qui n’avait peur de rien, n’avait pas peur du mot, — des anarchistes au même degré.