Y a-t-il incompatibilité entre les plaisirs délicats de la pensée et les inaltérables devoirs de la conscience ? […] Il semble que ce ne soit rien, et c’est tout ; car dans cette nuance délicate se cache toute la moralité ou tout le danger du roman. […] Les excès de réalisme que nous allons rencontrer tout à l’heure dans d’autres œuvres de M. de Balzac séduisent peu, quoi qu’on en dise, les âmes délicates. […] Ce nom, resté le synonyme charmant de la poésie fine et sobre, délicate et exquise, n’aurait-il pas dû arrêter M. […] À cette première condition de justesse et de vérité M. d’Haussonville en ajoute une autre, où il a su tout aussi bien garder l’exacte et délicate nuance.
* * * — Il y aurait vraiment à faire, dans un livre, un beau morceau sur la tristesse désolée, que laissent chez les délicats, les raouts et les fêtes de la misère bourgeoise. […] Samedi 25 mars Ce Forain a une langue toute parisienne, faite de ces expressions intraduisibles dans un idiome quelconque, et qui renferment le sublimé d’une ironie infiniment délicate. […] Samedi 27 mai Bourget nous traçait, ce soir, avec son talent de spirituel et délicat causeur, la silhouette d’un jésuite, d’un abbé M…, qui avait la monomanie de la confession, et le soir, battait les rues et confessait les cochers de voitures, un rien catholiques, stationnant aux portes des maisons, — les confessant monté sur le siège, à côté d’eux. […] C’est de la littérature, délicate, aiguisée, raffinée.
sa petite main porte distinctement les lignes mystérieuses, pronostic certain de la souveraineté : je les vois briller, ces lignes, légèrement entrelacées en réseau le long de ses doigts délicats, tandis qu’il les étend pour saisir avec avidité l’objet qu’il désire. […] » lui dit-il, « mon bras vient d’exaucer ton vœu ; ton éléphant favori, celui qui, dans les premiers ébats de son enfance, allongeait sa trompe adroite et délicate pour saisir autour de tes oreilles les fibres du lotus qui leur servaient de pendants parfumés, maintenant il défie le puissant monarque de la forêt ! […] Ce visage de la fille de Djanaka, beau comme le lotus, est toujours devant mes yeux : telles étaient ses dents, aussi blanches que des perles ; telle était sa lèvre délicate, son oreille arrondie, son œil expressif, quoique leur regard ait quelque chose de la fierté de l’homme… Leur demeure est dans ces bois ; ce sont ceux où Sita fut abandonnée, et ces enfants lui ressemblent. […] Puissent l’imagination dramatique et le goût délicat du poète lui assurer la gloire due au grand maître de son art poétique, et puisse-t-il nous initier toujours davantage dans cette science mille fois plus sublime et plus sainte, qui nous donne la connaissance des perfections de l’Être unique en qui se résument tous les êtres : Dieu !
L’on en est bien dédommagé par la beauté & la vivacité des images, par les pensées délicates, par les peintures ingénieuses, mais fidéles de nos mœurs, par un style sentencieux, enfin par un langage clair, noble & coulant, presque tout emprunté de l’Ecriture sainte. […] Son éloquence, quoique très-solide quant au fond des pensées, est peut-être trop fleurie, trop ornée, trop délicate, & par-là moins grave, moins sérieuse, & moins naturelle que celle qui convient au Barreau. […] Son éloquence est aussi agréable que variée ; elle sçait se proportionner aux sujets qu’elle traite ; sublime dans les causes majeures, douce & insinuante dans les autres, & toujours ornée de traits ingénieux & délicats. […] M. de Mairan, successeur de M. de Fontenelle dans la place de Secrétaire de l’Académie des Sciences, ne l’imita pas servilement ; mais il ne parut pas loin de son modèle dans l’art délicat de dire le bien & le mal sans partialité & sans flatterie, & de tracer des portraits ressemblans entremêlés de particularités piquantes.
Lorsque Pinel et Esquirol déterminèrent les états et les causes physiologiques de la folie par un ensemble aussi complet d’observations et d’analyses ; lorsque Gall et Spurheim, même en des recherches qui ne devaient aboutir qu’à une doctrine bientôt abandonnée, essayèrent de montrer, à la surface du cerveau, les nombreux organes de nos diverses facultés mentales ; lorsque Magendie et surtout Flourens commencèrent leurs belles expériences sur les êtres vivants, continuées avec tant de succès par les naturalistes et les physiologistes de nos jours, afin d’arriver à déterminer d’une façon précise et sûre les vraies conditions organiques des fonctions de la vie intellectuelle et morale : — tous ces travaux, exécutés par les facultés les plus rares de l’esprit aidées des méthodes les plus ingénieuses et des instruments les plus délicats, ont répandu de telles lumières sur la question des rapports du physique et du moral qu’il en est sorti, non plus une doctrine vague et conjecturale, mais une véritable science. […] Si l’organisation trop délicate du singe ne résiste point à de telles expériences, si celle du chien, du chat et autres animaux d’espèces supérieures ne s’y prête que difficilement, la pratique expérimentale démontre que l’épreuve est possible et le plus souvent heureuse sur des quadrupèdes comme le lapin, sur des bipèdes comme le pigeon et la poule. […] L’expérience n’est pas muette sur ces points délicats. […] Elle se trompe également quand elle tranche la grande et délicate question de savoir si le cerveau est le sujet ou simplement l’organe de la vie psychique : des conditions ne sont pas des causes.
Il est évident que, dans cette affaire délicate, on aime mieux que ce jeune homme sensé, clairvoyant et, pour tout dire, plus considéré que ce qui l’entoure, n’ait pas à s’expliquer hautement en justice et devant le public, comme il l’eût fait s’il avait été obligé de se défendre. […] L’abbé Georgel, grand vicaire du cardinal, fit choix de Ramond pour cette négociation délicate (1785).
Je rame, en vérité, pour amuser Mme la duchesse de Bourgogne… Comme on sent partout dans Mme de Maintenon à Saint-Cyr une âme qui en a assez du monde, qui dit aux jeunes âmes riantes : « Si vous connaissiez le monde, vous le haïriez » ; qui a connu la pauvreté et le manquement de tout, qui a été obligée de faire bonne mine et de sourire contre son cœur, d’amuser les autres, puissants et grands, et qui, sensée, délicate, raisonnable, est à bout de toute cette longue et amère comédie, — ne désirant plus, le masque tombé, que le repos, la réalité, la vérité, et une tranquilité égale et fructueuse dans l’ordre de Dieu ! […] c’est précisément ce don des larmes que, même toute part faite au grave caractère d’institutrice, on regrette de ne jamais sentir, de près ni de loin, dans le cœur ni sous la raison de Mme de Maintenon ; et au milieu de tous les éloges et de tous les respects que mérite son noble, son juste, délicat et courageux bon sens, c’est aussi la seule réserve et la seule restriction que j’aie voulu faire.
L’esprit, du moins, avec son jeu délicat, y fait les frais de ce qui y manque. […] Les plus délicats, et qui entrent d’ailleurs dans la donnée du livre, se demandent : Est-ce bien une preuve d’amour que cette jalousie tardive et soudaine qui vient un matin à Roger ?
Monmerqué, le plus instruit et le plus aimable des amateurs, le plus riche en documents, en pièces de toutes sortes, si au fait des sources et si porté à les indiquer, n’avait pas en lui l’esprit de critique et d’exacte méthode qui mène à terme et pousse à la perfection un travail de ce genre ; il fallait qu’un philologue de profession et à la fois ouvert à toutes les belles-lettres, un homme qui a fait ses preuves dans l’érudition antique la plus délicate et la plus ardue, et qui sait, à l’occasion, en sortir, apportât dans cette étude moderne les habitudes de la critique véritable et classique, pour que toutes les garanties, celles de la fidélité et du goût, se rencontrassent réunies : j’ai nommé M. […] Il est très galant dans sa jeunesse, mais fort inégal et trop délicat.
Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles. […] Entré jeune dans la vie littéraire sous l’astre orageux de Balzac (l’auteur assurément qui ressemble le moins à Térence), M. de Belloy a sauvé de cette influence caniculaire son originalité, une manière de sentir à lui, modeste, discrète, délicate.
Le plus réel inconvénient du titre abstrait, et de ce qui s’ensuit, c’est de rendre le bord du vase moins accessible pour bien des lèvres délicates et féminines. […] Quel plus délicat et plus profitable avis que celui-ci qu’i adresse sous ce titre : A PLUS D’UN.
Une femme d’un talent délicat, Mme de Bawr, ramenait quelquefois, comme conseil bienveillant, les mots de goût et de grâce. […] La forme atteste une main habile et presque virile d’artiste ; le fond exprime une âme de femme délicate et ardente, mais qui a beaucoup pensé, et qui ne prend guère l’harmonie des vers comme un jeu.
Car, dans le riche et délicat Midi, cette doctrine répondait encore à quelque réalité, à un certain ordre de relations établi entre les hommes et les femmes : mais, dans notre Nord, si rude et si brutal, loin d’avoir son fondement dans la vie, elle restait absolument irréelle, idéale et didactique. […] On fit d’abord quelques chansons de croisade, ou des chansons politiques : mais bientôt nos trouvères se réduisirent à l’amour, entendons à l’idée de l’amour et aux délicates déductions de cette idée.
Gaston Paris, c’est que ce culte absolu du vrai s’allie chez lui avec les plus beaux et les plus délicats des sentiments humains. […] Elle aura plus tard des accents plus souples, plus nuancés, plus délicats ; elle n’en aura jamais de plus pleins et de plus justes, ni qui se fassent entendre de plus loin… Ainsi ce prêtre austère de l’érudition a le cœur le plus sensible du monde.