Pour qu’il n’y eût pas de crimes, il faudrait un nivellement des consciences individuelles qui, pour des raisons qu’on trouvera plus loin, n’est ni possible ni désirable ; mais pour qu’il n’y eût pas de répression, il faudrait une absence d’homogénéité morale qui est inconciliable avec l’existence d’une société.
Or, Michelet sait bien, au fond de sa conscience d’historien (et les embarras de son livre, et le vague tourment de sa pensée dans les conclusions de ce livre, le prouvent avec éloquence), que ce n’est pas aux femmes de la Renaissance qu’une société qui fut chrétienne peut rester aujourd’hui sans périr !
Nous avons vu là, entre elles deux, de tristes analogies, et une différence plus triste encore ; car si toutes deux sont sans originalité réelle, sans puissance collective, sans conscience surtout, et par conséquent sans profondeur, la littérature américaine a du moins pour elle le mouvement d’une pensée jeune et enflammée qui se cherche, et la littérature française n’a que la langueur d’une pensée qui ne se cherche même plus.
Elle satisfait la conscience du peuple, son besoin de logique, et aussi de respect et de vénération. […] C’est un devoir de conscience, dont j’aimerais à me dispenser et que je remplirai pourtant de mon mieux. […] Est-ce que le cas de conscience qu’Hamlet a à résoudre fait tort au pathétique de l’œuvre de Shakspeare ? […] C’est son honneur d’avoir écrit des drames qui intéressent violemment la conscience. […] La conscience ne s’éveille que lentement chez Jean Valjean ; la brute continue quelque temps de faire son œuvre.
Ibsen étudie surtout des crises de conscience, des révolutions morales. […] Le jeune homme est à peu près abandonné à lui-même pour résoudre le cruel problème qu’impose à sa conscience notre état social. […] Nous ne saurions être obligés, en conscience, de collaborer à ce point aux jeux qui nous sont offerts sur les planches. […] L’état de conscience d’un spécialiste de cet ordre et de cette force me paraît même très difficile à concevoir. […] Son premier péché a, comme il arrive, réveillé après coup, dans la petite épouse courtisane, une conscience.
Maurice Barrès : « … Tu es la conscience de notre race. […] En dehors de ces enseignements dogmatiques, il y a quatre hypothèses : « l’anéantissement total, la survivance avec notre conscience d’aujourd’hui, la survivance sans aucune espèce de conscience, enfin la survivance dans la conscience universelle ou avec une conscience qui ne soit pas la même que celle dont nous jouissons en ce monde. » M. […] La survivance avec conservation de la conscience individuelle est, d’après M. […] Maeterlinck, c’est-à-dire survivance sans conscience du moi au sein de la conscience universelle, nous ne serions encore que des parties de l’infini et nous pourrions néanmoins le comprendre. […] D’où il suit qu’une conscience individuelle peut aussi bien y parvenir qu’une conscience ayant perdu la notion de son individualité, mais demeurée partielle et inadéquate à l’infini.
Il apprécie donc Fauriel, sa conscience, son savoir, et même cette sorte de génie d’investigation et d’initiative que, lui, il était loin d’avoir au même degré ; puis il ajoute avec plus de finesse qu’on ne lui en croirait : « Son livre pourrait être meilleur que le mien, mais il a un défaut, c’est qu’il ne le fera pas ; il n’a jamais rien publié, et il est incapable d’amener rien à terme. […] J’ai visité quelques monuments, quelques cabinets pour l’acquit de ma conscience plus que pour mon plaisir… J’ai peu vu jusqu’à présent le théâtre ; l’heure des dîners et des soirées rend presque impossible d’en profiter… C’est donc dans la société presque uniquement que j’ai trouvé le charme de Paris, et ce charme va croissant à mesure qu’on remonte à des sociétés plus âgées ; je suis confondu du nombre d’hommes et de femmes qui approchent de quatre-vingts ans, dont l’amabilité est infiniment supérieure à celle des jeunes gens. […] Il n’aimait pas les palinodies, et il avait la conscience de n’avoir rien commis qui méritât ce nom.
Je n’ai pas la prétention de juger ici en quelques mots un personnage comme Bonaparte, qui offre tant d’aspects, et dont la venue a introduit dans le monde de si innombrables conséquences ; mais pour rester au point de vue qui m’occupe, j’oserai dire qu’il est l’homme qui a le plus démoralisé d’hommes de ce temps, qui a le plus contribué à subordonner pour eux le droit au fait, le devoir au bien-être, la conviction à l’utilité, la conscience aux dehors d’une fausse gloire. […] Ces explications, telles que Dumont les précise, n’atténuent aucunement le génie de l’orateur ni même la capacité du politique, et bien au contraire elles les font d’autant plus ressortir ; mais l’autorité morale, la conscience sérieuse et l’aplomb du caractère en reçoivent quelque atteinte. […] Le marquis de Mirabeau, en 1778, écrivait au bailli son frère : « Sitôt qu’un mien désir n’est pas combattu par ma conscience, j’ai des ressources pour en venir à bout….
Les excès en tout sont la nature de la France, les réactions sont sa loi ; Bonaparte, son héros, fut un despote ; Chateaubriand, son écrivain, fut un apôtre peu convaincu du passé ; l’opinion publique, leur pondérateur naturel, au lieu de les contenir l’un et l’autre, les encouragea ; elle poussa l’un à l’empire, l’autre au treizième siècle : la conquête pour diplomatie, le concordat pour liberté religieuse, furent les deux pôles du gouvernement des soldats et du gouvernement des consciences. […] Les temples furent remplis, les consciences, les unes favorisées, les autres opprimées, beaucoup vides ; la révolution raisonnable avait été poussée jusqu’à la persécution, on la ramena jusqu’à la vengeance. […] Et il eut même ces talents divers à un degré qui se fait reconnaître de lui-même, qui devient sa conscience dans l’âme d’autrui, qui réfute toutes les critiques, qui renverse toutes les jalousies et qui fait dire à tout un siècle : Il est grand !
Flaubert, on ne sait si elle veille ou si elle dort, si elle a conscience de ses actes ou si elle est en proie aux hallucinations des somnambules. […] Sensuelle et extatique tout ensemble, l’esprit chez elle n’a pas conscience des curiosités de la chair. […] Si elle n’était pas justiciable de la critique médicale autant et plus que de la critique littéraire, comment juger l’intérêt qu’elle prend aux tortures de son amant, la curiosité qui l’enivre, la révélation qui se produit en elle, l’amour enfin, l’amour qui éclate dans sa conscience réveillée, à la vue de ce malheureux écorché, de cette longue forme rouge, qui marche toujours, toujours, les yeux attachés sur les siens ?
Ne sait-on pas qu’il y en a deux essentiellement distincts, et, jusqu’à nos jours du moins, profondément hostiles : l’un qui admet entre Dieu et l’homme des intermédiaires sacrés, représentants immédiats de la Divinité, et qui soumet le sens propre et la conscience religieuse de chacun à une autorité infaillible ; l’autre qui supprime de tels intermédiaires, ne reconnaît d’autre autorité que l’Écriture, et donne à chaque individu le droit absolu de décider en matière de foi ? […] Je comprends l’impérieux besoin d’espérer et de croire dévorant l’impossible, pour ne pas dire plus ; mais nous présenter cet impossible comme la lumière, c’est nous demander plus que ne peut accorder un esprit libre, qui n’a aucun goût malsain pour la révolte, qui ne peut cependant, sans abdiquer, renoncer à tous les droits de la conscience et du bon sens. […] Cette explication est ingénieuse ; mais elle ne remédie à rien, car l’homme pouvait user de sa liberté pour le bien comme pour le mal, et il aurait eu également conscience de sa liberté dans les deux cas.
En sera-t-il ainsi quand on aura lu le procès-verbal des faits et gestes de Mme de Longueville, dressé par lui avec une conscience qu’on voudrait parfois moins scrupuleuse ? […] Le complot fut éventé, Mme de Chevreuse, personnage de Mémoires, et qui pouvait entrer dans l’Histoire par un crime, n’y entre pas, car l’Histoire exige des faits et gestes et laisse à l’examen de la conscience et au jugement de Dieu les perversités de l’intention ! […] Les choses se renversent sous ses regards et dans sa conscience.
C’est que, bons ou mauvais, ils ont une vertu romanesque indéniable : une tête empanachée ; le droit d’avoir des rêves comme le commun des hommes et, plus que d’autres, le pouvoir de les suivre ; une cour où l’imagination peut impunément loger l’invraisemblable, réunir toutes les beautés à toutes les perfidies, tous les caprices, tous les crimes, tous les luxes, toutes les grandiloquences et toutes les idées même, sans que la conscience du lecteur, enfantine à jamais devant l’image d’un roi, s’en émeuve et proteste. […] Ne serait-ce pas faire œuvre bien utile et bien haute que de montrer le combat perpétuel entre l’égoïsme et la pitié dans une âme ; le trouble de conscience par où peuvent passer ceux qui s’étonnent de dépenser tant de justice sans récolter de reconnaissance, et d’essayer de dire le remède, puisque la souffrance est souvent double ici, et qu’on la trouve chez le patron qui cherche et chez l’ouvrier qui se plaint ? […] Supposez un taillis de jeunes chênes qui auraient conscience du développement graduel et de l’épanouissement de leurs bourgeons ; qui sentiraient grandir en eux la feuille, la branche, l’arbre que personne n’aperçoit, et qui penseraient : « Ah !
Une douleur continue d’ailleurs, ni une joie continue ne seraient perçues par la conscience. […] Par intelligence, il faut, en ce dicton philosophique, qui est dû à Locke, entendre la conscience psychologique. Laissons la conscience, qui ne peut servir qu’à compliquer le problème. […] On peut aimer son mal, quand il est lié à la conscience elle-même. […] Comment la sensation se transforme-t-elle en conscience ?