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633. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Je n’y avais rien compris. […] Je comprends pourquoi : j’entrevois que vous ne me comprenez pas dans mon rôle à la Chambre depuis mon dernier discours et mon dernier vote. […] Étant en congé dans ce moment à Paris, j’essayai de lui en parler, mais il refusa de me répondre et je compris qu’il ne voulait pas qu’un seul mot de lui pût aggraver les torts de son ancien ami.

634. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Cela est aisé à comprendre. […] Grâce, finesse et bonté, indulgence sans illusions, philosophie douce qui rappelle, avec quelque chose de plus sain et de plus tendre, celle de quelques femmes du siècle dernier, une sagacité qu’on ne trompe pas, mais qui pardonne parce qu’elle comprend, une intelligence très pénétrante et passablement désenchantée, mais consolée par un très bon cœur…, ai-je dit tout ce qu’on trouve dans les Maximes de la comtesse Diane ? […] D’abord, elle est très intelligente, comprend ses rôles, les compose avec soin, et joue sans se ménager. […] Vous allez vous montrer là-bas à des hommes de peu d’art et de peu de littérature, qui vous comprendront mal, qui vous regarderont du même œil qu’on regarde un veau à cinq pattes, qui verront en vous l’être extravagant et bruyant, non l’artiste infiniment séduisante, et qui ne reconnaîtront que vous avez du talent que parce qu’ils payeront fort cher pour vous entendre.

635. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Ils comprennent qu’ils ne savent rien ; ils sentent qu’il leur serait sain d’agir ; — la santé avant tout : ils agiront au hasard, bravement. […] Mais il suffit de comprendre par surnaturel l’inexplicable ; tout fait nouveau serait donc provisoirement miraculeux, puis perdrait son caractère de prodige dès l’explication scientifique trouvée. […] Avec un très grand sens politique, le Pape a compris quelle connivence énorme l’Église pourra s’assurer avec le socialisme futur. […] M. de Wyzewa comprend à merveille ce qu’il lit, et, s’il n’était trop souvent d’une nonchalance bienveillante, on l’aimerait tout à fait.

636. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

À voir l’ardeur que mit Franklin à cette question qu’il considérait comme nationale, on comprend que quinze ans plus tard, lorsque la rupture éclata entre les colonies et la mère patrie, il ait eu un moment de vive douleur, et que, sans en être ébranlé dans sa détermination, il ait du moins versé quelques larmes ; car il avait, en son âge le plus viril, contribué lui-même à consolider cette grandeur ; et il put dire dans une dernière lettre à lord Howe (juillet 1776) : Longtemps je me suis efforcé, avec un zèle sincère et infatigable, de préserver de tout accident d’éclat ce beau et noble vase de porcelaine, l’empire britannique ; car je savais qu’une fois brisé, les morceaux n’en pourraient garder même la part de force et la valeur qu’ils avaient quand ils ne formaient qu’un seul tout, et qu’une réunion parfaite en serait à peine à espérer désormais. […] Leurs obscurités le gênent ; leur parole, qui éclate en partie dans le nuage, l’offusque ; il veut que tout se comprenne, et il aplanit de son mieux le Sinaï. […] L’Amérique, à cette date, est comme un adolescent robuste, qui est lent à se dire et même à comprendre qu’il veut être décidément indépendant ; l’instinct, longtemps contenu, le lui dit tout bas, et le jour vient où, en se levant un matin, il se sent tout d’un coup un homme. […] C’est ici que pour nous le patriarche de Passy commence ; mais nous ne l’aurions que trop peu compris si nous ne l’avions vu jeune homme et homme mûr dans l’ensemble de sa carrière et dans quelques-uns de ses traits principaux.

637. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Il arrive fréquemment que l’esprit comprenne par avance, sous un concept général, une intuition particulière qui n’en dépend que dans un cas particulier, une intuition qui, absolument ou dans nombre de cas, relève d’un autre concept. […] Il a pour devise « comprendre c’est égaler » et tout bas ajoute « c’est surpasser ». […] Par la rareté des objets auxquels il s’applique, il en impose à tous ceux qui, comme le personnage de Molière, trouvent une chose d’autant plus belle qu’ils la comprennent moins. […] Sous l’empire de nécessités identiques, les snobs se comprennent sans mot dire.

638. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Est chose tout objet de connaissance qui n’est pas naturellement compénétrable à l’intelligence, tout ce dont nous ne pouvons nous faire une notion adéquate par un simple procédé d’analyse mentale, tout ce que l’esprit ne peut arriver à comprendre qu’à condition de sortir de lui-même, par voie d’observations et d’expérimentations, en passant progressivement des caractères les plus extérieurs et les plus immédiatement accessibles aux moins visibles et aux plus profonds. […] Pour comprendre la manière dont la société se représente elle-même et le monde qui l’entoure, c’est la nature de la société, et non celle des particuliers, qu’il faut considérer. […] En même temps qu’on a trouvé notre définition trop étroite, on l’a accusée d’être trop large et de comprendre presque tout le réel. […] Pour être arrivé à penser qu’il y avait lieu de rechercher ce qu’ils sont, il fallait avoir compris qu’ils sont d’une façon définie, qu’ils ont une manière d’être constante, une nature qui ne dépend pas de l’arbitraire individuel et d’où dérivent des rapports nécessaires.

639. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît et, à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer ; il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] On n’a pas compris ou point voulu comprendre, qu’au premier acte Chrysalde est en effet, l’homme raisonnable, et qui ne parle que raison, et qu’au quatrième, il est un bourgeois raillard qui, pour taquiner Arnolphe et le mettre en ébullition, soutient devant lui le paradoxe le plus propre à l’exaspérer. […] C’est qu’il arrive, et c’est cela que précisément il faut comprendre, qu’il y a pour un auteur et qu’il y a réellement, plusieurs vérités, vérité d’enthousiasme, vérité d’amour, vérité de raison, et que, par ainsi, plusieurs personnages peuvent discuter, disputer et se torturer dans le sein même de la vérité.

640. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

. — Ceux qui l’ont compris. — Le titre : En vingt leçons. — Ce que nous enseignons. — Plaisanteries et prétentions. — Signification de ce titre. — Une objection de M.  […] Parmi les nombreux critiques dont nous mentionnerons plus loin les appréciations et les encouragements, quelques-uns, du moins, ont clairement compris notre but :‌ « Comment il faut s’y prendre pratiquement, dit M.  […] Depuis quand faut-il écrire comme Bossuet pour comprendre Bossuet ? […] Albalat comprendra bien ce que cela signifie ; que je ne parle pas nommément de lui, mais de quiconque dont la valeur et l’autorité seraient égales siennes, condamnerait certain livre, certaine page, certaine phrase.

641. (1887) La banqueroute du naturalisme

On ne saurait trop le redire : c’est ici ce que n’ont pas compris nos modernes naturalistes, Flaubert en tête, M.  […] qu’il a fait de mal à ceux qui ne l’ont pas compris, mais qui ne l’ont pas moins prétendu suivre, le maître qui a dit autrefois : « Si Shakespeare avait fait une psychologie, il aurait dit, avec Esquirol : L’homme est une machine nerveuse gouvernée par un tempérament, disposée aux hallucinations, emportée par des passions sans frein… » Et que doit-il penser, s’il le lit, de se voir ainsi travesti par M.  […] En quelque lieu du monde qu’il y ait encore un vrai naturaliste, je comprends sa douleur. […] Et comprendra-t-on enfin que, si l’on ne le fait pas, M. 

642. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Votre vie a commencé ; donc vous n’avez remarqué qu’un nombre limité de cas ; donc le total de votre addition ne comprendra qu’un nombre limité de cas. […] Proposition si énorme, si contraire à l’expérience intime, si violemment réfutée et à chaque minute par la conscience, qu’on ne comprend pas qu’elle ait pu entrer dans un cerveau humain. […] J’ai retiré le triangle général compris dans le triangle particulier ; ce qui est une abstraction. […] Ces traductions, à demi grammaticales, à demi logiques, sont la seule lumière en philosophie ; les maîtres du dix-huitième siècle nous les enseignent ; il faut les faire et comprendre parfaitement son idée, avant d’expliquer comment elle peut se former.

643. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

A Rome on n’a point compris cet ouvrage au premier coup d’œil, écrit M. de Maistre ; mais la seconde lecture m’a été tout à fait favorable. Ils sont fort ébahis de ce nouveau système et ont peine à comprendre comment on peut proposer à Rome de nouvelles vues sur le pape : cependant il faut bien en venir là. » Il faut bien ! […] Il entend, il comprend, était le mot de passe, faute de quoi on était exclu à jamais de la sphère supérieure des belles et fines pensées.

644. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Stryienski et de Nion, que je n’ai jamais parfaitement compris, je l’avoue, cet homme singulier, et que j’ai beaucoup de peine, je ne dis pas à l’admirer ; mais à me le définir à moi-même d’une façon un peu satisfaisante. […] Si vous voulez comprendre quel abîme il peut y avoir à la fois entre deux générations et entre deux âmes, lisez le journal de Stendhal, cette confession d’un jeune homme du premier Empire ; puis lisez, par exemple, Sous l’œil des barbares, ce journal d’un jeune homme de la troisième république, et comparez ces deux jeunesses. […] Sans doute il est de son temps ; il admire encore Crébillon ; il déclare, après une représentation de la Suite du Misanthrope, que « d’Eglantine est le plus grand génie qu’ait produit le dix-huitième siècle en littérature »  Je comprends d’ailleurs que ce jeune homme de tant d’orgueil et d’énergie place très haut Corneille et même Alfieri : je conçois moins que celui qui doit écrire le livre de l’Amour fasse si peu de cas du théâtre de Racine.

645. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Si Robert Emmet était un chef-d’œuvre, je le comprendrais, mais c’est à peine une œuvre. […] Lord Byron qui, comme quelques-uns de ses héros, est resté par bien des côtés un mystère, après ce livre, continuera d’en être un… Il semblait cependant qu’une femme, une nature de femme, ne devait pas être entièrement incapable de comprendre quelque chose à cette âme de lord Byron, à cette âme violente et douce, égoïste et magnanime, contradictoire comme toutes les femmes de la terre, et qui avait les deux sexes comme Tirésias. Seulement, pour y connaître et y comprendre, il fallait le tact, la sensibilité, la divination de la femme ; mais on n’a plus rien de tout cela, quand on s’est fourré dans un bas-bleu, cette gaine étranglante de toutes les facultés des femmes !

646. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Amédée Renée, qui a si bien compris la comtesse Mathilde, cette forte amie de Grégoire VII, a compris non moins bien cet homme qu’elle portait avec Dieu dans son âme… Il a vu le grand homme dans le cœur de la grande femme ; superbe milieu pour le regarder ! […] Or, Guizot, qui a le bouchon protestant sur l’esprit et qui ne comprend que les prêtres mariés, impute à Grégoire, comme une faute d’homme d’État dommageable à l’Église, ce célibat des prêtres que Grégoire maintint avec une si formidable volonté.

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