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396. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

En effet, elle l’a d’une si vaste étendue, qu’on peut dire que ce qu’elle ne comprend pas ne peut être compris de personne, et elle a une telle disposition à apprendre facilement tout ce qu’elle veut savoir, que, sans que l’on ait presque jamais ouï dire que Sapho ait rien appris, elle sait pourtant toutes choses. […] » Pour bien comprendre le succès de Mlle de Scudéry et la direction qu’elle donna à son talent, il faut se représenter la haute société de Paris telle qu’elle était avant l’établissement de Louis XIV. […] Lisez après ce chapitre celui qui traite « De la manière d’écrire des lettres » (en partie extrait de Clélie, et qui est dans les Conversations nouvelles), et vous comprendrez comment, sous ce romancier qui de loin nous paraît extravagant, il y avait en Mlle de Scudéry une Genlis sérieuse, une miss Edgeworth ; enfin que dirai-je ? […] Il y a des jours où elle est grammairien, académicien, où elle disserte sur la synonymie des mots et en démêle avec soin les acceptions ; en quoi diffèrent la joie et l’enjouement ; si la magnificence n’est pas plutôt une qualité héroïque et royale qu’une vertu, car la magnificence ne convient qu’à quelques personnes, tandis que les vertus doivent convenir à tout le monde ; comme quoi la magnanimité comprend plus de choses que la générosité, laquelle ordinairement a des bornes plus étroites, tellement qu’on peut être quelquefois très généreux sans être pourtant véritablement magnanime. […] À de certains endroits, pourtant, on croit sentir un esprit ferme et presque viril, qui aborde les sujets élevés avec une subtilité raisonneuse, qui en comprend les divers aspects, et qui, en se rangeant toujours aux opinions consacrées, est surtout déterminé par des considérations de bienséance.

397. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

La Critique n’est pas seulement de comprendre. […] Nisard n’a jamais fait fléchir devant aucune nécessité de douceur et de politesse — et on voit maintenant si ces nécessités sont dans ses goûts naturels — une seule des religions de sa vie : soit l’autorité de l’enseignement, soit la pureté du goût, soit l’amour de la langue française, soit la morale chrétienne qui comprend tout, même en littérature. […] Il faut y renoncer, ou se faire chrétien pour les comprendre. […] comme, par exemple : l’amour de la mauvaise compagnie, on explique un homme comme Byron, lui ont reproché, sans les comprendre, beaucoup de ses intimités, et celle qu’il eut avec M.  […] L’auteur des Recollections, qui a ramassé des atomes pour en faire des pierres de fronde contre le géant de la poésie anglaise, n’a rien compris à l’âme magnanime de Byron.

398. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Ceux-ci ont merveilleusement compris que tant qu’ils n’auraient pas annihilé cet organe, leur œuvre serait vaine, car celui qui possède encore un cerveau peut à tout moment se reprendre, se rejeter dans la vie ; et c’est ce qu’il faut à tout prix empêcher. […] Le disciple ne doit pas comprendre, mais accepter, retenir et répéter. Comprendre, c’est une souillure ; croire sur parole, c’est être pur. […] « Quand donc elle a marqué un enfant pour le sacerdoce, écrit un clairvoyant esprit, — et elle marquerait volontiers tous ceux qui lui sont commis, — l’Église le surveille et l’épie avec une méthode et une persévérance qu’on ne comprend point sans les avoir vues à l’œuvre, afin d’étouffer en lui tout abandon à ce qu’il pourrait ressentir, dans l’esprit ou dans le cœur, de spontané et de fort, et même de l’en faire rougir. […] Comment pourrait-on comprendre que cet être purement passif puisse, après une éducation semblable, vivre d’une vie individuelle quelconque, la plus médiocre même ?

399. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Plusieurs mutationnistes l’ont bien compris et sont demeurés lamarckiens. […] C’est ce qu’il est très difficile de comprendre. […] Ceux qui connaissent un peu les mœurs des Japonais me comprendront. […] Ce n’est pas très facile à comprendre. […] On comprend rarement ses contemporains.

400. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

La société se fâcha de n’être pas mieux comprise par une poésie qui se proclamait celle du siècle, et à son tour elle se piqua de ne pas la comprendre. […] On comprend que le premier accueil l’a blessé au cœur, et qu’il avait mieux espéré de la vie.

401. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

On nous permettra donc de revenir un peu longuement sur une opinion si pleine d’autorité en pareille matière, d’autant plus, selon nous, que, bien comprise, modifiée en quelques points et réduite à ses vrais termes, elle nous semble fort recevable, sans que, pour cela, il en résulte rien de fâcheux pour les prétentions des traducteurs vulgaires, et encore moins pour l’honneur des traducteurs éminents comme M.  […] L’historien vous parle une langue si rapide, si forte, si poignante, qu’il vous enlève, vous tire à lui, vous force de penser avec lui en cette langue qui lui est propre, et, fût-on un latiniste assez vulgaire, pourvu qu’on comprenne, se fait comprendre face à face, sans trucheman, sans aucune de ces traductions sous-entendues que Cicéron en ses longs développements laisse à son lecteur tout le temps de faire.

402. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

… Vous ne comprenez donc rien à mon projet ? […] Pourtant, je comprends qu’il y a bien des choses à faire, qu’il y a tout à faire. […] Certes, sensible et vibrant à toutes les beautés, il en comprenait la poésie énorme. […] Le brave bourgmestre d’Anvers l’avait compris ainsi. […] Je lui avais promis… cette année… Eh bien… j’ai décoré Grenet-Dancourt, tu comprends ?

403. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il rend la faute plus difficile à comprendre, au lieu de l’expliquer. […] Ils passent à côté de tout sans rien comprendre. […] Mais on comprend tout de même ce que cela veut dire. […] Or, si le principal objet de la critique est de comprendre, n’est-il pas évident que pour comprendre l’œuvre d’autrui il faut commencer par s’oublier soi-même ? […] Un exemple fera comprendre comment il concilie cette apparente contradiction.

404. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

— Et puis vous m’accorderez que les Grecs ne comprenaient rien au monde barbare. S’ils y avaient compris quelque chose, ils n’eussent pas été des Grecs. […] L’indignation leur vient ensuite avec la réflexion ; car il leur faut beaucoup de temps avant de comprendre toute la perfidie des Anciens (voyez le commencement de mon chapitre iv). […] Mais quand vous rencontrez dans une page kreutzer, yard, piastre ou penny, cela vous empêche-t-il de la comprendre ? […] « Je n’ai pas compris la citation de Désaugiers, ni quel était son but.

405. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Je dis que l’esprit de cette loi sur la presse a paru bien long et bien lent à se faire comprendre, jusque dans les sphères appartenant ou attenant au Gouvernement même. […] Le jury seul, dans ces sortes de cas, comme d’ailleurs en beaucoup d’autres, me paraît offrir toutes les garanties, y compris celle de l’indifférence. […] Cette loi, en vérité, a eu bien de la peine à se faire comprendre dans son principe et dans l’esprit qui en avait inspiré le projet. […] Mais je crois comprendre que ce n’est pas l’heure de venir demander à la loi des dispositions de cet ordre, plus libérales que celles qu’a admises le vote du Corps législatif. […] Ce que je tiens à faire observer ici, c’est que, dans la pratique, ce point de vue qui sépare le livre du journal est plus apparent que réel ; la ligne de démarcation est toute fictive ; le livre est presque forcément impliqué et compris dans la situation qu’on fait à la presse périodique.

406. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Elle apprend la corruption, en vantant les formes que cette corruption a revêtues pendant quelques jours ; et comme tout le monde n’a pas le cerveau historique pour résister aux mauvaises influences des historiens de la fantaisie, elle pénètre des siennes les esprits faibles, extérieurs, ignorants, sensibles, c’est-à-dire le plus grand nombre, car tout le monde comprend un trumeau ! Et même quand le trumeau pécherait par l’art, — l’art chétif, rabougri, ratatiné, Chinois, qu’ils admirent et qu’ils préfèrent, dans l’horreur fade de son joli, aux lignes simples et grandes de la vraie beauté, — il n’en serait que mieux compris et plus goûté peut-être, — le rayonnement probable de toute œuvre d’art ou de littérature étant bien plus souvent en raison de l’abaissement du génie, qui l’a produite, que de sa hauteur. […] Mais ce que l’on comprend très bien, venant de ceux-là qui ont salué l’aurore d’un pouvoir nouveau dans le déclin de cette royauté des Bourbons qui éteignit, on sait comment, le soleil de son Louis XIV, le comprend-on au même degré venant de ceux qui ont gardé au fond de leur âme l’amour espérant ou désespéré de cette malheureuse royauté, coupable et perdue ? […] Comme les femmes tombées qu’on a le malheur d’adorer, il ne l’a plus vue, cette époque, il ne l’a plus comprise, il ne l’a plus jugée, et devant elle il a perdu toute raison et même tout libre arbitre. […] Pour ceux-là, en effet, nous comprenons très bien qu’incessamment ils y reviennent, qu’ils essaient d’en recommencer la chronique glorieuse, selon eux, ou charmante, qu’ils expriment jusqu’à la dernière goutte le suc enivrant et mortel de ce fruit monstrueux et empoisonné.

407. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Je crois que c’est bien un des esprits qui me sont le plus antipathiques — me fais-je comprendre ? […] Moréas est un des bons poètes de ce temps, et celui qui dans ses Chants de la Pluie et du Soleil fait surgir si splendidement nue de la mer féconde Vénus Anadiomène, celui-là est plus apte que quiconque à comprendre cet Hellène et à saisir les nuances de celui qui — s’il fut archaïque — ne se ferma pas entièrement aux voix naturelles de la vie et aux chants très modestes des pâtres près des sources jonchées d’asphodèle.

408. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Ils ont beaucoup de mémoire, écrivent d’une manière nette et concise ; ils comprennent fort « vite. […] Elle comprend 70 pour 100 de la population totale, quatorze électeurs sur vingt. […] On te demande de déposer dans l’urne, au lieu d’un bulletin indifférent que tu ne comprends pas, un bulletin préféré que tu comprends. — Ce n’est pas le suffrage universel qui aujourd’hui est chez nous impuissant et malfaisant, c’est le suffrage direct. […] Cependant, pour ne pas lui faire de peine, Mme Récamier faisait mine de le comprendre, et persistait à l’écouter. […] C’est ainsi que les deux frères avaient compris leur office, et il est touchant de voir la façon dont le bailli remplit le sien.

409. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

 » — Il n’importe, et la jolie femme, bien conduite, va philosopher sans le savoir, trouver sans effort la définition du bien et du mal, comprendre et juger les plus hautes doctrines de la morale et de la religion  Tel est l’art du dix-huitième siècle et l’art d’écrire. […] Grâce à cette méthode on est compris ; mais, pour être lu, il faut encore autre chose. […] Il semble qu’il suffise de les nommer ; l’Europe moderne n’a pas d’écrivains plus grands ; et pourtant il faut regarder de près leur talent, si l’on veut bien comprendre leur puissance  Pour le ton et les façons, Montesquieu est le premier. […] Souvent même le résumé a un air d’énigme, et l’agrément est double, puisque, avec le plaisir de comprendre, nous avons la satisfaction de deviner. […] Un pareil cercle est étroit et ne comprend qu’une élite ; pour être entendu de la foule, il faut parler d’un autre ton.

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