Il aurait fallu changer d’allure ou tourner l’obstacle. […] Un personnage de tragédie ne changera rien à sa conduite parce qu’il saura comment nous la jugeons ; il y pourra persévérer, même avec la pleine conscience de ce qu’il est, même avec le sentiment très net de l’horreur qu’il nous inspire. […] Il faut qu’elle change à chaque instant, car cesser de changer serait cesser de vivre. […] Enfin, pour la faire changer, je la priai de s’asseoir. […] Et enfin l’admiration de la machine administrative pourrait, à la rigueur, aller jusqu’à nous faire croire que rien n’est changé au préfet quand il change de nom, et que la fonction s’accomplit indépendamment du fonctionnaire.
Elle reprend toute sa vivacité chaque fois que la figure de ce monde, qui change sans cesse, amène quelque tournant nouveau sur lequel nous avons à nous interroger. […] Je suis maintenant trop vieux pour changer, et d’ailleurs je suis content ; mais je croirais duper les jeunes gens en leur disant de faire de même. […] Je suppose que tout homme que je vois pour la première fois doit être un homme de mérite et un homme de bien, sauf à changer d’avis (ce qui m’arrive souvent) si les faits m’y forcent. […] Il m’eût semblé qu’il y avait de ma part un manque de bienséance à changer sur ce point mes habitudes austères. […] Tout pesé, si j’avais à recommencer ma vie, avec le droit d’y faire des ratures, je n’y changerais rien.
Le jour de Noël 1673, la même à la même : « Rien n’est changé dans ce qu’il y a de principal dans le pays. […] Je compte y aller un de ces jours et je vous en manderai des nouvelles. » Le dégel, c’était madame Scarron, dont la triste et froide médiocrité s’était changée en une condition plus douce. […] « Depuis près de deux ans, dit-elle, cette belle amitié (de mesdames de Montespan et Scarron) s’est changée en une véritable aversion, une aigreur, une antipathie comme du blanc au noir.
Quoique la nature ne change point, et quoiqu’il semble par consequent que la musique ne dût point changer de goût, elle en change néanmoins en Italie depuis un temps.
Bien des choses ont changé, et moi-même j’ai dû changer en présence des événements. […] Je réimprime, aussi sans y rien changer, le Vieillard et le jeune Homme, ouvrage qui parut un an après le premier.
Or, ces méthodes connues déjà, reprises cent fois en sous-œuvre depuis Descartes, — le père de tous les faiseurs de philosophie solitaires, — ces méthodes retournées, changées de côté, modifiées, ici ou là, par des travaux d’insecte, mais éternellement les mêmes, c’est-à-dire, partant du moi pour aller au moi par le moi, donneront-elles enfin à la philosophie, sous la main de ces deux derniers venus, MM. […] Taine, esprit frivole, ne croit absolument à rien, se moque de tout, et ne changera pas. […] Il l’est par l’expression et par le fond des choses, et comme il est tel dans le dix-neuvième siècle, il est très au-dessous, en réalité, des hommes du dix-huitième, car l’erreur, changée d’époque, ressemble à un monstre déterré. […] Si on appliquait à l’auteur des Philosophes français un des procédés de son livre qui consiste à changer un homme de place, — à faire naître M.
Vers 1744, les esprits changèrent. […] Peu à peu les imaginations en France se calmèrent, la direction des esprits changea, et la réflexion qui médite prit la place de l’enthousiasme qui sent. […] Du moins, s’il faut célébrer toujours ceux qui ont été grands, réveillons quelquefois la cendre de ceux qui ont été utiles. » Il s’élève ensuite avec une éloquence pleine de vigueur contre le fléau de la guerre, « contre cette rage destructive qui change, dit-il, en bêtes féroces des hommes nés pour vivre en frères ; contre ces déprédations atroces ; contre ces cruautés qui font de la terre un séjour de brigandage, un horrible et vaste tombeau. […] L’orateur peint cette multitude féroce dont on se sert pour changer la destinée des empires ; il fait voir le soldat arraché de ses campagnes, les quittant par un esprit de débauche et de rapine, changeant de maîtres, s’exposant à un supplice infâme pour un léger intérêt, combattant quelquefois contre sa patrie, répandant sans remords le sang de ses concitoyens, et sur le champ de carnage attendant avec avidité le moment où il pourra de ses mains sanglantes arracher aux mourants quelques malheureuses dépouilles qui lui sont bientôt enlevées par d’autres mains.
Quel livre que celui qui peut passer dans votre main de la vie au néant, du soleil sous la terre, du temps à l’éternité, sans pâlir à vos yeux, et qu’on peut lire des deux côtés de la tombe sans changer de feuillet ! […] On y sent le regret de la poussière, la passion du néant, la haine franche et blasphématoire de celui qui a changé cet heureux néant en vie, et cette insensible poussière en homme ! […] Demandez-le à tous les métiers manuels par lesquels l’immense multitude humaine change sa sueur quotidienne contre son aliment quotidien ! […] J’ai toujours été convaincu que changer d’air c’était changer d’âme ; que changer de point de vue, du moins, c’était changer d’aspect dans la contemplation et dans l’appréciation des choses ; que l’espace était nécessaire à la pensée comme aux yeux. […] J’ai éprouvé mille fois, par moi-même, que, si je ne changeais pas de place, de résidence, d’horizon, je ne changeais pas d’idées ; que ces idées, toujours les mêmes par suite de la monotonie du même milieu dans lequel elles ont été conçues, finissaient par se pétrifier ou par croupir, et qu’en croupissant dans l’âme elles finissaient enfin par s’altérer et par se fausser.
Nous ne sommes pas, selon toute apparence, au bout de ces petits tremblements de terre (ou de textes) qui ne laissent pas de changer la face du pays dans le grand siècle : Là aussi on nous débâtit de toutes parts notre vieux Paris, et on nous en refait un tout neuf. […] On comptait sur une belle chose, on y croyait, et l’on vient vous dire que cela est tout changé ! […] Je ne me risquerai pourtant pas à citer de ces surcroîts de saillies en les isolant ; ce serait en changer le caractère : amenés naturellement comme ils sont, voyez-les courir et bondir dans la source même. […] Vous vous étiez fait votre Sévigné chérie, vous la vouliez telle pour toujours que vous l’aviez vue une première fois : y rien changer vous semblait une inconvenance et presque un sacrilège. […] En voici un pourtant, où Mme de Sévigné nous apparaît dans tout le feu et toute l’activité de son rôle de grand’-maman, occupée de changer la nourrice de sa petite-fille que Mme de Grignan lui a confiée en partant pour la Provence : « Pour votre enfant, voici de ses nouvelles.
Dans les cas heureux, les amants réussissent à substituer à l’amour un sentiment différent et complexe, fondé sur des rapports de convenance réciproque plus durables ; ils se donnent le change, prennent l’amitié, t’intérêt personnel ou l’habitude pour l’amour, et ce nouveau mensonge, cette nouvelle et fausse conception d’eux-mêmes et de ce qu’ils ressentent, prolonge d’une façon acceptable pour l’individu une liaison que noua le seul intérêt de l’espèce. […] Une de ces dynasties vient-elle à tomber, est-elle remplacée par un pouvoir nouveau, voici changées les lois divines qui émanaient du moi ; il apparaît aussitôt que tout ce qui fut accompli au nom du pouvoir précédent a servi d’autres fins que celles de la personne humaine, des fins propres à un instinct particulier d’un corps humain déterminé. […] Le vieux roi a changé de demeure, mais il vit toujours dans l’esprit de son fils et dans l’esprit de sa tribu. […] C’est là ce qui le distingue vraiment de toutes les autres espèces et c’est à cause de cette humeur spéciale qu’il change autour de lui les conditions du milieu auxquelles les autres animaux s’adaptent dans la mesure qu’ils peuvent et dans les limites permises par leur organisme. […] Ainsi la médecine, en tant qu’elle guérit, c’est-à-dire qu’elle ralentit l’action destructive des forces naturelles, a pour effet de changer des maladies actuelles et connues en d’autres maladies lointaines et inconnues.
Je change donc sans cesse. […] A ce moment précis on trouve qu’on a changé d’état. La vérité est qu’on change sans cesse, et que l’état lui-même est déjà du changement. […] Ou il reste ce qu’il est, ou, s’il change sous l’influence d’une force extérieure, nous nous représentons ce changement comme un déplacement de parties qui, elles, ne changent pas. Si ces parties s’avisaient de changer, nous les fragmenterions à leur tour.
Le public, qui aime à mettre vite une étiquette à chaque talent, l’a pris et adopté par ce côté, l’a classé comme un des peintres du Midi et de l’Orient, si bien que plus d’un lecteur a pu s’étonner de voir le paysagiste aux teintes éclatantes changer brusquement de pays, de sujet, de cadre, et nous donner des descriptions d’un aspect tout différent, d’une lumière modérée, et qui sont tout à fait françaises de ton et de caractère. […] ou même, ne fût-ce que pour changer, qui me donnera la délicatesse toute seule ? […] Le moût, qui ne s’égouttait plus que faiblement, descendait avec un bruit de fontaine épuisée dans les auges de pierre ; et un long tuyau de cuir, pareil aux tuyaux d’incendie, le prenait aux réservoirs et le conduisait dans les profondeurs d’un cellier où la saveur sucrée des raisins foulés se changeait en odeur de vin, et aux approches duquel la chaleur était très forte. […] On eût dit que ce geste d’une personne qui marche et qui a chaud rafraîchissait aussi sa mémoire… Quoique brisée par un long voyage en voiture, il lui restait encore de ce perpétuel déplacement une habitude de se mouvoir vite qui la faisait dix fois de suite se lever, agir, changer de place, jeter les yeux dans le jardin, donner un coup d’œil de bienvenue aux meubles, aux objets retrouvés. […] Madeleine, dans sa générosité innocente, se remet à le vouloir consoler ; elle y apporte, cette fois, une hardiesse de candeur qui fait trembler ; mais un jour, comme il arrive d’ordinaire en ces sortes de cas, en tournant trop autour de la flamme, elle-même se prend et s’allume ; la passion l’a touchée, sa physionomie change et s’éclaire d’une pâle lueur.
Ajoutons que si, au point de vue militaire et immédiat, la victoire de La Marsaille ne parut guère rien changer à l’état général des affaires, l’effet moral fut produit. […] Ici tout change, tout a changé, et nous n’aurions plus à enregistrer que des mécomptes et des revers. […] À tous les embarras dont le principe était en lui, il faut en ajouter un des plus singuliers et pour le moins égal : le duc de Savoie avait changé de parti ; il était en sa qualité de prince souverain le général en chef de toute l’armée, quand il y était présent ; mais il faisait toujours le même métier, un métier double ; il n’y allait pas franchement ; il s’entendait sous main avec le parti contraire et dénonçait, dit-on, nos mouvements à l’ennemi, bien que résolu dans le même temps de se battre en brave dans nos rangs et à notre tête. […] Il y a quelque chose d’invisible, et un enchantement perpétuel et impénétrable qui conduit cette machine… Encore une fois je deviens fou, mais mon état ne fait rien au roi… » Je suis forcé de supprimer les détails et les raisons à l’appui. — Et dans une autre lettre du 10 août, Tessé indiquant les mouvements en sens divers et les incertitudes multipliées de Catinat, allait jusqu’à dire : « Le pauvre Pleneuf [le munitionnaire] fait au-delà de l’imagination ; mais les ordres changent trois fois dans un jour ; encore si le bon maréchal voulait se faire servir ou se laisser servir, patience ! […] L’admiration presque excessive et légendaire qu’on a pour le Catinat final est fondée sur cette idée qui, pour être vulgaire, n’en est pas plus fausse, que d’ordinaire « les honneurs changent les mœurs. ».
Un écrivain a fleuri et brillé en son temps ; il est mort ; le goût public a changé ; sa renommée a vieilli et a pâli ; on le cite encore à la rencontre, on a de lui une ou deux pièces qui seules survivent au reste des œuvres oubliées ; il semble que tout soit dit sur son compte : et voilà subitement qu’un homme arrive, littérateur ou non de métier, mais ayant au cœur je ne sais quelle étincelle littéraire, et cet homme un matin se consacre à cette mémoire défunte, la réchauffe, la restaure, s’applique de tout point à la rehausser. […] Duméril, et qui s’est égaré on ne sait comment, se rouvrirait aujourd’hui tout entier ; quand on en verrait sortir cette suite du Vert-Vert dont M. de Cayrol porte encore le deuil et dont il a tenté de nous donner en vers la complète restitution, on n’aurait guère à changer d’avis ; on y serait de plus en plus confirmé, je le crains. […] Quelques années après, en 1757, ce fut Gresset qui, lors de l’attentat de Damiens, voulut signaler son zèle en demandant au roi, par une Épître en vers, qu’il daignât changer le nom de la ville d’Amiens en celui de Louisville. […] Le siècle dans l’intervalle avait changé ; les grandes œuvres philosophiques s’étaient produites, et la mode elle-même tournait au sérieux. […] En combien d’endroits de ses lettres Cicéron se montre préoccupé de ce je ne sais quoi si réel et si indéfinissable, soit que, du fond de la Cilicie, il écrive à un de ses amis plus heureux, qui vit, comme il dit, à la lumière : « Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista luce vive 39, » soit qu’il écrive à cet autre qui se plaignait de lui, et qui tout d’un coup, en arrivant à Rome, change de ton : « Il a suffi du seul aspect de la ville pour te rendre ta première urbanité, adspectus videlicet urbis tibi tuam pristinam urbanitatem reddidit 40 !