Entre ceux-là on ne voit guère que de petites dissidences : l’un est plus orateur, l’autre plus critique ; celui-ci psychologue de fondation, et autrefois trempé dans la phrénologie ; celui-là homme du monde et littérateur ; un autre grand ami de Kant, un autre moins dédaigneux pour Hégel ; il n’y a là que des différences de lectures et de caractères. — D’autres causes de durée sont plus fortes. […] Avant de saisir une vérité, il faut traverser dix erreurs ; avant d’écrire un caractère utile sur la face éclairée de la pierre, il faut multiplier, raturer, enchevêtrer les caractères inutiles sur les faces obscures. La plupart des ouvriers meurent avant d’avoir touché le côté visible ; et celui-là est présomptueux qui, sur cent caractères, ne désespère pas d’y en inscrire un.
C’eût été l’aveu, en effet, d’une grande puérilité dans le caractère. […] Ils ne parlent pas le langage qu’impliquerait leur caractère, mais bien celui de Jules Renard. […] Là encore, le caractère du personnage n’est pas définitivement fixé. […] Je ne le chicanerai pas sur le caractère de son héroïne. […] Il convient, en effet, de ne point exagérer le caractère « fatal » de la passion.
On sait aussi que Louis XIV ne s’était pas trompé sur le dangereux caractère de ce « bel esprit chimérique ». […] Ils ont écrit, l’un les Caractères, l’autre les Maximes. […] Il eût renié ses élèves, comme Kant, mais comme Kant, par une contradiction de son caractère avec son principe. […] Ce caractère d’irréductibilité est précisément ce qui fait leur valeur. […] Si la propriété littéraire et artistique a ce caractère — j’allais dire sacré, et pourquoi pas ?
Le Roi indique à Molière le caractère du chasseur ; M. de Soyecourt ; naïvetés de ce seigneur. […] Appréciation du génie de Molière : caractères qu’il avait encore à tracer. […] Que diable voulez-vous qu’on prenne pour un caractère agréable de théâtre ? […] La rivalité entre cette troupe et celle du Palais-Royal avait pris depuis longtemps un caractère d’hostilité latente. […] Ce caractère, comme presque tous ceux qu’a tracés Molière, est étroitement lié à l’histoire des mœurs de son siècle.
Renée, dans un intéressant chapitre, a tracé avec une parfaite justesse le portrait de ce roi qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, à cause de son suprême malheur ; c’est assez que le respect contienne la plume lorsque l’historien est obligé de noter en lui, à côté des vertus et de l’honnêteté profonde, l’absence totale de caractère et de relever les défauts habituels de forme, de dignité extérieure et de convenance qui, par malheur, n’étaient pas secondaires dans ce premier rang qu’il occupait. […] Sans doute l’Assemblée nationale une fois produite et les principes de 89 inscrits sur les drapeaux, il y avait des conséquences qui devaient sortir, des conquêtes qui ne se pouvaient plus éluder ; ce n’est pas à nous à nous en plaindre : mais en plus d’une crise subséquente, il aurait dépendu encore de Louis XVI, si cet excellent prince avait eu ombre de caractère, que les choses tournassent différemment, que les diverses étapes que la rénovation sociale avait à parcourir prissent une autre assiette, se choisissent d’autres points de station.
L’auteur s’est fort attaché à retracer la vie et le caractère du comte d’Argenson le moins âgé des deux frères, et celui-ci sans doute ne mérite l’oubli non plus que l’autre. […] Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.
Cooper manque du tout de cette faculté créatrice qui enfante et met au monde des caractères nouveaux, et en vertu de laquelle Rabelais a produit Panurge ; Le Sage, Gil Blas ; et Richardson, Clarisse. […] On ne peut donner que des éloges au caractère de Henri Wilder : l’auteur a réalisé en lui le type américain dans toute sa pureté.
La liberté de sa pensée, son noble et loyal caractère me faisaient croire, pendant que je m’entretenais avec lui, que j’avais devant moi, à l’état de ressuscité, quelqu’une de mes anciennes connaissances, Avicenne, Averroès, ou tel autre de ces grands infidèles qui ont représenté pendant cinq siècles la tradition de l’esprit humain. […] Et, puisque le cheik Gemmal-Eddin veut que je tienne la balance égale entre les cultes divers, je ne croirais pas non plus faire un mauvais souhait à certains pays européens en désirant que le christianisme ait chez eux un caractère moins dominateur.
Son stile est simple & uni, mais serré & nerveux : celui de Platon est grand & élevé, mais lâche & diffus : celui-ci dit toujours plus qu’il n’en faut dire ; celui-là n’en dit jamais assez, & laisse à penser toujours plus qu’il n’en dit : l’un surprend l’esprit, & l’éblouit par un caractère eclatant & fleuri ; l’autre l’éclaire & l’instruit par une méthode juste & solide….. […] Si je règne avec quelque gloire, je lui en ai toute l’obligation. » L’opposition de caractère & de génie, entre Aristote & Platon, produisit bientôt les effets qu’on devoit en attendre.
Son but a été d’exposer sans flatterie & sans amertume ce que les écrivains les plus impartiaux ont pensé sur le génie, le caractère & les mœurs des hommes célébres dans tous les genres. […] On discute des anecdotes, on donne des idées plus justes du caractère de certains personnages qu’on avoir ou trop loués, ou trop critiqués.
Ainsi quand la distance est telle qu’à cette distance les caractères qui individualisent les êtres ne s’y font plus distinguer, qu’on prendrait, par exemple un loup pour un chien ou un chien pour un loup, il n’y faut plus rien mettre. […] Le jeune homme qui avait du goût et de la vérité dans le caractère, dit à sa famille en la remerciant : Vous n’avez rien fait qui vaille, ni vous, ni le peintre.
Ainsi chez les uns l’opposition venait de la force de leur caractère ; chez les autres, d’une sorte de timidité qui est une marque certaine de droiture. […] Le Français peut avoir beaucoup d’erreurs ; mais la félonie n’est point dans son caractère.
En même temps, comme il prévoyait une guerre générale prochaine, il observait de près le caractère des généraux de l’empire, qu’il connaissait déjà depuis son premier voyage de 1685, et auxquels il comptait bien avoir affaire, surtout le prince Louis de Bade et le prince Eugène ; et il ne se perdait point de vue en les dépeignant. On serait presque tenté de croire que ce qui suit est un petit apologue de son invention, qu’il débite à l’usage du ministre : Vous ne serez pas fâché, écrivait-il de Vienne à Chamillart, de connaître quelque chose du caractère de messieurs les princes de Bade et de Savoie, et vous en jugerez sur ce que je leur ai ouï dire de celui des autres généraux : — Les uns, disent-ils, parvenus aux dignités à force d’années et de patience, se trouvant un commandement inespéré, et qu’ils doivent plutôt à leur bonne constitution qu’à leur génie ou à leurs actions, sont plus que contents de ne rien faire de mal. — D’autres, plus heureux par des succès qu’ils doivent uniquement à la valeur des troupes, aux fautes de leurs ennemis, enfin à leur seule fortune, ne veulent plus la commettre, quelque avantage qu’on leur fasse voir dans des mouvements qui pourraient détruire un ennemi déjà en désordre, sans les trop engager. — Mais une troisième espèce d’hommes, assez rare à la vérité, compte de n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire, profitant de la terreur qui aveugle presque toujours le vaincu, à tel point que les plus grosses rivières, les meilleurs bastions ne lui paraissent plus un rempart. […] Là, on trouve non seulement la suite méthodique et l’analyse raisonnée des opérations de Villars, mais ses lettres au roi, aux ministres, les ordres ou les réponses qu’il reçoit, enfin tous les éléments pour former un jugement solide sur son caractère et son mérite de général. […] Dès qu’on parle de Catinat, il y a à prendre garde : si le xviiie siècle, en le célébrant et en cherchant à préconiser en lui un de ses précurseurs, une des victimes du grand roi, a raisonné un peu à l’aveugle de ses talents militaires et les a exaltés académiquement, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire ni trancher au détriment d’un homme qui eut ses jours brillants, dont l’expérience et la science étaient grandes, et dont le caractère moral soutenu, élevé, est devenu l’un des beaux exemplaires de la nature humaine. […] Je me suis permis d’exposer ce détail qui laisse voir en une sorte de conflit deux noms célèbres, ou du moins j’ai voulu l’indiquer en renvoyant aux vraies sources, aux Mémoires de la guerre de la succession, pour qu’on ne dise pas en deux mots que Villars a miné et supplanté Catinat à l’armée du Rhin, tandis que réellement Catinat, quelque respect que l’on doive à son caractère, s’y mina lui-même par une inaction et une circonspection excessive qu’il n’avait sans doute pas toujours eue à ce degré, mais qui s’était accrue avec l’âge, au point de devenir elle-même un danger. « Il y a des temps où les Fabius sont de bon usage, et des temps où les Marcellus sont nécessaires. » Le mot est de M. des Alleurs, un des amis de Villars, lequel l’accepte volontiers et s’en décore.
Ce n’est qu’en Allemagne que la bonté est toujours bonne… » À mesure qu’il s’avançait vers le Nord proprement dit, il sentait le calme descendre en lui, sa gaieté prête à renaître, même au milieu de la mélancolie légère que lui apportait l’aspect des landes uniformes et des horizons voilés : « L’atmosphère brumeuse était partout embellie par le caractère et la bonté des habitants. » Sortant d’un pays où il laissait ses biens en séquestre, sa réputation calomniée, où il avait entendu siffler de toutes parts l’envie, et vu se dresser la haine, il entrait dans des régions paisibles où la bienveillance venait au-devant de lui : « Les hommes, dit-il spirituellement, qui ne témoignent leur bienveillance qu’après y avoir bien pensé, me font l’effet de ces juifs besogneux qui ne livrent leur marchandise qu’après en avoir reçu le payement. » Je ne puis ici raconter tout ce qu’il apprit et découvrit dans ces régions du Nord. « Pour écrire sur l’histoire de ce pays, il faut vivre aux bords de la Baltique, avec les hommes distingués et les livres que l’on ne trouve que là. » Il ne s’en tint pas au Danemark ; il fit une petite excursion en Scanie, et en reçut des impressions vives : « Quand j’eus passé la Baltique, je me sentis dans un pays nouveau : le ciel, la terre, les hommes, leur langage, n’étaient plus les mêmes pour moi. […] Bonstetten y part de ce principe que « la poésie chez les anciens était si peu faite pour mentir qu’elle était au contraire comme une révélation de faits trop éloignés pour être aperçus par les yeux du vulgaire » ; elle les ressaisissait en vertu d’une double vue et avec un caractère plus intime de vérité. […] Il a écrit plus tard sur ce régime impérial, sur son caractère provisoirement réparateur et nullement rétrograde, une des pages les plus intelligentes qui se puissent citer92. […] Ce caractère de prudence évite bien des peines, mais décolore la vie. […] Tous les ans d’ailleurs, un ou deux voyages servaient à convaincre l’actif vieillard « qu’il n’appartenait pas encore à la glèbe, que ses ailes n’étaient pas coupées, et que le grand livre de la nature n’était pas encore réduit pour lui à un simple feuillet. » Dans la solitude de son cabinet, quand il y trouvait la solitude, Bonstetten s’occupait continuellement de deux projets que la multitude de ses distractions et le caractère désultoire de ses goûts l’empêchèrent d’exécuter î l’un était d’écrire les mémoires de sa vie, l’autre de mettre en ordre ses papiers.