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1815. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Les savants, eux, écartent ce problème, mais tout de même les sciences ne seraient qu’un jeu de la curiosité si elles n’avaient comme but suprême, comme limite, au sens géométrique du mot, la connaissance de cet Inconnaissable. […] Anatole France a eu ses vingt ans sous le second Empire, à un moment où l’étonnant progrès des sciences positives propageait cette superstition sur laquelle il faut toujours revenir, ce Scientisme qui consiste à faire rentrer les faits psychiques dans la biologie, et la biologie elle-même dans la physico-chimie, si bien que la nature entière n’est plus qu’une implacable succession de phénomènes éternellement et inutilement déroulée, sans commencement ni terme, sans principe et sans but.

1816. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Le sang le sèvre du vin : pendant cette campagne de vingt ans qui fut sa vie, il ne but jamais, comme David au désert, que l’eau du torrent puisée dans un casque. […] Les conquérants les plus effrénés ont un but, un plan ou une convoitise. […] J’ay plus grand faim de parler à vous pour y trouver remède que je n’eus jamais à nul confesseur pour le salut de mon âme. » Cette grandeur du but atténue la fourberie des moyens. […] On ne trouverait pas un caprice dans cette vie active, dont tous les actes vont droit au but, comme des flèches sûrement lancées.

1817. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Je ne parle pas de l’indécence et de l’impiété qu’il y a à exhiber sur les planches, dans un but d’amusement profane et peut-être sous les yeux de personnes de mauvaise vie, la figure d’un ministre des autels. […] Je les préviens qu’ils ont manqué leur but.

1818. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

En voici que je cueille véritablement au hasard : « … Les buffles se baignent aux étangs et, des cornes, y luttent avec leur reflet. » — « Le chasseur est habile à toucher de la flèche un but qui bouge sans cesse… » — « … Si l’on veut boire, on ne trouve que des ruisseaux tièdes, où s’infusent des feuilles mortes… » — Et les comparaisons, toutes si frappantes, si inattendues et si justes ! […] Rita dit à Allmers : « Pour remplir ta vie, il t’a fallu chercher un nouveau but.

1819. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Les Précieuses, en raffinant, ce qui était leur ridicule, avaient souvent rencontré la délicatesse, qui était leur but.

1820. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Le monarque, en créant de pareilles assemblées, n’a point eu d’autre but que de prendre des instructions relatives aux besoins des peuples, que de savoir au juste ce qu’ils peuvent payer, afin de ne pas les grever, & que tout le monde puisse subsister sans recourir à la fraude & à la mendicité. […] Son ton mystérieux n’étoit qu’une finesse pour exciter plus vivement ma curiosité ; il fallut pendant quelque temps insister, le flatter même sur les ressources qu’offroit son génie, pour l’amener à mon but.

1821. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Pour les écrivains profanes, il les étudiait avec d’autant moins de scrupules que son but était pieux ; il cherchait dès lors, dans l’histoire de l’antiquité païenne, les vues de Dieu pour l’établissement du christianisme.

1822. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Faute ridicule pour deux raisons : d’abord la poésie n’est pas le but immédiat du peintre ; quand elle se trouve mêlée à la peinture, l’œuvre n’en vaut que mieux, mais elle ne peut pas en déguiser les faiblesses.

1823. (1923) Paul Valéry

Plus que tout autre, chacun de ces poèmes nous laisse croire qu’il a été fait sans but, pour obéir à cette vis a tergo qui se confond avec l’inspiration.

1824. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Pour peindre l’« état d’âme » du vieux Bazaine les auteurs du Désastre n’ont eu qu’à traduire en actes et à transposer en paroles vivantes, ce portrait, esquissé par un historien dont ils ont suivi, avec raison, les sobres et lucides résumés : Bazaine avait la bravoure, le sang-froid, l’indifférence au péril ; mais il n’avait ni l’activité, ni l’énergie, ni aucune des qualités du général en chef, et dans le secret de son cœur, il comprenait que le fardeau dépassait ses forces… Profondément égoïste et songeant à lui-même plus qu’à la patrie, cauteleux, ne faisant que de petits calculs et n’employant que de petits moyens, n’allant jamais droit au but et ne se fixant jamais un but précis, dictant à dessein des instructions qui manquaient de netteté, ne s’exprimant que d’une façon ambiguë, avec réticences et restrictions, prodiguant les si et les mais, jaloux du commandement et dépourvu d’autorité, incapable de parler ferme et d’imposer l’obéissance, invitant au lieu d’ordonner, se plaignant de ses généraux en leur absence, n’osant les réprimander ou les punir, cherchant néanmoins à rejeter sur eux une part de la responsabilité qui l’écrasait, et les associant avec adresse à ses actes, tâtonnant toujours, attendant les événements, comptant sur le hasard, s’abandonnant à la fortune qui l’avait jusqu’alors favorisé, tel était Bazaine.

1825. (1896) Les Jeunes, études et portraits

On s’est repris à croire que notre activité intellectuelle a un but et qu’elle ne saurait se développer en dehors de certaines règles dont les formules changeantes composent la morale qui est de tous les temps. […] Elle part au soir vers un but inconnu, entraînant après elle la chevauchée galante et joyeuse de ceux que l’amour force à la suivre.

1826. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

L’effet est grand, et par conséquent terrible ; Don Juan lui-même s’éloigne épouvanté ; mais, encore une fois, la singulière comédie de carnaval, et comme Molière aura été emporté loin de son but !

1827. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Le poète a si bien atteint son but ; il est si évident que Phèdre succombe, non par sa volonté, mais parce que Dieu lui refuse la grâce efficace, qu’elle nous semble réellement irresponsable ; plus douloureuse seulement et, par suite, plus sympathique par la conscience inutile qu’elle a de son péché.

1828. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Elle était l’espérance du poète et la fortune de sa poésie ; elle disposait à son gré de la popularité, de la gloire ; elle poussait au but qu’il lui plaisait d’indiquer, la sympathie ardente de la foule… Ô douleur ! […] Point de repos, pas de relâche, vous étiez le but de ces traits acérés, de ces cruautés mal déguisées, de ces satires violentes qui couraient les rues, car la rue était le salon de ces beaux esprits amoureux d’égalité et de scandale ; enfin, quand vous aviez tenu ferme contre ces violences et ces ricanements de l’esprit, une dernière épreuve vous attendait, épreuve impitoyable et terrible, tant la médisance et la calomnie étaient la félicité des oreilles athéniennes !

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