s’écrie tout d’un coup Nicétas en s’interrompant, le Barbare devance mes paroles ; il est emporté plus rapide dans sa course que l’aile de l’Histoire, et aucun obstacle ne l’arrête ; car elle, elle en est encore à le montrer saccageant Thèbes, s’emparant d’Athènes, envahissant l’Eubée : mais lui, il ne marche pas, il vole, il traverse les airs laissant en arrière tout récit ; il marche vers l’Isthme, il renverse l’armée romaine qui lui barre le passage ; il pénètre dans cette ville assise sur l’Isthme même et qui était jadis l’opulente Corinthe ; il se porte à Argos, il enveloppe tout le pays de Lacédémone, il s’élance dans l’Achaïe, court de là à Méthone, et se rue sur Pylos, la patrie de Nestor : puis, arrivé aux bords de l’Alphée, il s’abreuvera, je pense, de ses ondes, et, s’y baignant, il y puisera le souvenir de la tradition antique et gracieuse ; et, dès qu’il aura su que le fleuve s’est fondu d’amour pour Aréthuse, la source de Sicile, qui désaltère les fils de l’Italie, je crains fort que, ne faisant violence au fleuve lui-même, il n’écrive sur ses eaux et ne fasse savoir par lui à ses compatriotes de là-bas les exploits dont ont souffert les Grecs. […] Mais arrête un instant ! […] Arrête : je t’en conjure au nom d’Aréthuse elle-même, de ta tendresse pour elle, inaltérable à travers les mers, et de ta belle source amoureuse.
Leurs coalitions mobiles et peu sincères, dénouées et renouées selon les intérêts et les versatilités de chaque instant, avaient-elles pu s’accorder dans un plan arrêté ? […] Cependant, tout en insistant auprès du général en chef en ce sens de la temporisation, les généraux divisionnaires l’assurèrent de leur zélé concours, quel que fût le parti auquel il s’arrêterait ; seulement il y avait hâte et urgence à en prendre unr, — ou celui de la retraite, très possible et le plus opportun —, ou celui d’une bataille à livrer ; mais, dans ce cas, serait-elle défensive ou offensive ? […] Dans une visite qu’il revint faire dans la soirée au général en chef, Saint-Cyr le retrouva le même, sans plan arrêté, et la nuit ne changea rien à son irrésolution : il ne donna point d’ordres.
Jusqu’au dernier moment du fatal procès, l’Espagne essaya d’intervenir et d’arrêter la sentence de mort : Danton, pour toute réponse, demanda que « sur-le-champ, pour punir l’Espagne de son insolence, on lui déclarât la guerre, et qu’on enveloppât le tyran de Castille dans l’extermination de tous les rois du continent. […] ils le connaissaient bien peu), un émigré français, le comte de Saint-Hilaire ; il le chercha et le battit à Monteilla dans une position fortifiée, gravissant des premiers à pied en tête de la colonne, à travers les neiges ; puis il poussa jusqu’à la Seu d’Urgel qu’il mit à rançon ; mais, faute d’artillerie, il dut s’arrêter devant la citadelle. Là, pour lui, était le terme de sa glorieuse carrière ; se sentant épuisé de forces, en proie depuis le combat de Monteilla à une fièvre dévorante, il revint sur ses pas, porté en litière par ses soldats, fiers de leur fardeau, mais furieux d’être arrêtés dans leur victoire.
« Les Français, dans leur révolution poétique actuelle, disait Gœthe, ne demandaient rien autre chose d’abord qu’une forme plus libre ; mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils rejettent maintenant le fond avec la forme. […] Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée. […] Je m’arrête : j’ai fait résonner bien des touches, et, sur toutes, le génie de Gœthe a répondu comme un orgue immense.
Dans une analyse sincère de ce célèbre Discours de Bossuet, on est aujourd’hui entre deux écueils : ou bien l’on entre absolument dans la vue de l’auteur, on se place à son point de perspective historique surnaturelle, on y abonde avec lui, et l’on choque alors l’esprit de bon sens qui prévaut généralement dans l’histoire et qui a cause gagnée chez la plupart des lecteurs ; ou bien l’on résiste, au nom de ce bon sens, on s’arrête à chaque pas pour relever les hardiesses de crédulité, les intrépidités d’assertion sortant et se succédant d’un air de satisfaction et de triomphe, on se prend à discuter cette série d’explications miraculeuses acceptées sur parole, imposées avec autorité, avec pompe, et l’on se met par là en dehors du plan de l’auteur et des conditions du monument. […] Bossuet a réponse à tout ; rien ne fait pli, rien ne l’arrête. […] Il s’arrête pour contempler et démontrer cet accord parfait en toute la personne du Sauveur, dans sa vie, dans sa doctrine, dans ses miracles.
Et si celui qui est de bonne foi se voit toujours près de juger trop sévèrement sa propre conduite, parce qu’il ne voit que confusément une circonstance passée et qu’il oublie presque toujours une partie des obstacles qu’il a rencontrés jadis, comment ne serions-nous pas injustes lorsque nous condamnons les autres d’après un aperçu encore moins distinct et sans savoir ce qui les arrête ou les détermine ? […] « Il est bon d’être au milieu de la vie : les regrets et les reproches ont une place arrêtée dans nos souvenirs ; nous connaissons nos négligences, nos inadvertances, nos tiédeurs, toutes nos faiblesses. […] Il fit observer que nulle part dans son ouvrage on ne trouvait l’empreinte de la passion : « Je n’ai jamais, disait-il, attendu des temps de trouble aucun avantage personnel… Ce livre n’avait pas pour objet d’être orthodoxe, mais on y demande la tolérance en faveur des cultes, comme entre les cultes,… et je n’approuverais pas plus l’exigence, au nom de la philosophie, que l’intolérance sous le prétexte du dogme… En 1798, j’ai été arrêté dans le Jura, parce que je n’avais pu obtenir un passeport.
Et la mort, qui arrête cet écoulement, est-ce une fin, un arrêt, un passage ? […] Il brisera les formes trop arrêtées, trop fixes, qui ne se laissent plus manier par la pensée de l’artiste, ces habitudes tyranniques de composition et de style qui filtrent pour ainsi dire l’inspiration et éliminent l’originalité : en brisant les genres, les règles, le goût, la langue, le vers, il remettait la littérature dans une heureuse indétermination, dans laquelle le génie des artistes et l’esprit du siècle chercheraient librement les lois d’une reconstitution des genres, des règles, du goût, de la langue, du vers. […] Un seul doit nous arrêter : Désiré Nisard730, qui donna, en 1833, son violent manifeste contre la littérature facile, où il prenait à partie la brutalité convenue des romans, et le pittoresque plaqué des drames.
Le peuple italien, arrêté ainsi dans son évolution normale, développe unilatéralement ses plus précieuses qualités. […] Le mouvement littéraire, commencé vers 1200 (d’après les textes conservés), brillamment développé par le « dolce stil nuovo », s’arrête brusquement avant le milieu du xive siècle ; ce n’est pas une évolution, c’est une interruption, et je n’ai plus besoin d’en dire les causes. […] La deuxième ère de la littérature italienne, préparée déjà par Pétrarque et Boccace, puis arrêtée par l’humanisme pur, s’affirme vers le milieu du xve siècle, devançant ainsi de cent ans la Renaissance française.
C’est de ce côté que l’être intelligent se précipitera si rien ne l’arrête. […] Arrêtons-nous sur ces trois points. […] Mais cette indépendance est limitée en fait : elle s’arrête au moment précis où l’intelligence irait contre son but, en lésant un intérêt vital. […] Il pourrait d’ailleurs s’arrêter à une étape intermédiaire. […] Bref, la fonction fabulatrice de l’esprit s’est arrêtée dans le premier cas ; elle a poursuivi son travail dans le second.
Il suppose qu’un arrêté préfectoral vient de fermer les bains Deligny, « attendu que ledit établissement de bains est entièrement construit en bois, ce qui l’expose d’une façon particulièrement grave aux dangers du feu… ». […] Vous m’excuserez donc de m’y arrêter si longtemps.
Ce peuple, dont tous les pas sont marqués par des phénomènes ; ce peuple, pour qui le soleil s’arrête, le rocher verse des eaux, le ciel prodigue la manne ; ce peuple ne pouvait avoir des fastes ordinaires. […] Quant au second style général des saintes lettres, à savoir la poésie sacrée, une foule de critiques s’étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter.
Un demi-connaisseur passera, sans s’arrêter, devant un chef-d’œuvre de dessin, d’expression, de composition ; l’œil n’a jamais négligé le coloriste. […] C’est un point mouvant qui se promène sur une surface, qui s’arrête et se place où il lui plaît, mais qui a toujours le même cortège.
Il faut un faire, un naturel bien surprenant pour arrêter, pour intéresser avec si peu de chose. […] On voit au premier de ces paysages à gauche un grand rocher dont le pied est baigné par des eaux traversées par des voyageurs entre lesquels une femme portant un enfant sur son dos ; autour de cette femme quelques moutons ; puis une autre femme, à cheval tenant un petit chien, ensuite son mari arrêté, et fesant boire son cheval. à droite, des eaux, d’autres passagers et un lointain.
Si on peut reprocher au grand romancier de l’Espagne d’avoir oublié bien souvent qu’il y avait deux chevaleries, — la Chevalerie féerique et la chevalerie religieuse, toutes deux admirablement unies dans l’Arioste et dans le Tasse, et qu’il a séparées, lui, ne voulant pas, sans doute, trop parler de cette chevalerie religieuse qui aurait arrêté la raillerie sur ses pieuses lèvres d’Espagnol, — que dira-t-on d’Avellaneda, dans lequel on n’en surprend pas même la trace ? […] qui fera lire un livre qu’on ne lisait plus, de par la puissance ou le charme de sa traduction… Mais là s’arrêtera le miracle, et M.