Ils se réduisent à l’intelligence, comme si l’homme n’était que cela ; ils appellent conscience le sentiment que le principe intelligent a de lui-même, comme si c’était là tout le sentiment dans l’homme ; les phénomènes qui se passent hors de la portée de la conscience ainsi définie sont déclarés extérieurs au moi véritable, étrangers à l’homme réel. […] « Ces phénomènes sont donc exactement pour lui dans la même condition que les phénomènes de la nature extérieure. » — Voilà cependant où leur logique les mène, et ils appellent cela faire de la science, et ne pas faire de l’imagination. […] Mystères, incertitudes, matière à expériences et à conjectures ; mais il ne peut y avoir à tout cela qu’un lien, et ce lien, quels que soient d’ailleurs ses replis et ses détours, nous le sentons et nous l’appelons la vie.
Appelons de tous nos efforts l’heure de cette majorité féconde et forte, plus conservatrice, plus morale, même dans les carrefours de nos grandes villes, que Jefferson ne paraissait le croire et qu’il n’y était autorisé de son temps ; agissons d’avance sur elle, attaquons-nous à elle pour qu’elle soit préparée. […] Jefferson l’appelle quelque part la révolution de 1800 : « Car, dit-il, c’en fut une réelle dans les principes, comme celle de 1776 en avait été une dans la forme du gouvernement ; elle ne fut pas, il est vrai, comme la première, accomplie par la force des armes, mais par le suffrage du peuple, instrument de toute réforme paisible et rationnelle. » Il est douteux pourtant que si Jefferson n’avait pas lutté, comme il l’a fait, pied à pied, seul de son bord au sénat qu’il présidait en qualité de vice-président, durant l’administration d’Adams ; tandis que M. […] Il vivait en patriarche, s’occupant de ses filatures, recevant des échantillons de John Adams, avec lequel il s’était cordialement réconcilié, lui écrivant en retour ses réflexions de sage sur l’Hymne de Cléanthe, sur les vers gnomiques de Théognis, sur le véritable christianisme primitif, qu’il séparait radicalement de ce qu’il appelait le christianisme platonisé.
Or la France, qui sait ce que vaut la presse et ce que peut un journal, a recueilli avidement ce nom ; elle a prouvé spontanément, dès la première occasion qui s’est offerte, à quel rang elle place dans son estime et dans son admiration, je ne dirai pas, l’écrivain périodique, mais, pour parler sans périphrase, le journaliste éloquent, appliqué, courageux. à trente-deux ans, sans avoir passé par ce qu’on appelle la vie publique, M. […] En vérité, quand on parcourt cette masse profonde d’idées que remuent les novateurs hasardeux, les fous comme Béranger les appelle, et comme on peut le redire après lui sans injure ; quand on compare les éclairs qui jaillissent à chaque pas de leur recherche intrépide avec les préjugés creux souvent recouverts du nom de bon sens, on sent l’ironie expirer ; on désirerait être convaincu, ou tout au moins on voudrait ne pas être forcé de combattre. […] Maurize le ton d’absolu dédain dont il traite les divers partis de ce qu’on appelle le mouvement, son cordial mépris pour tout ce qui est morale, politique, philosophie, pour tout ce qui a occupé jusqu’ici les plus grands hommes ?
Sainte-Beuve avait coutume de l’appeler : « Mon cher enfant » ; et Baudelaire (qui blanchit de bonne heure) lui répond de Bruxelles (mars 1865) : « Quand vous m’appelez : Mon cher enfant, vous m’attendrissez et vous me faites rire en même temps. Malgré mes grands cheveux blancs qui me donnent l’air d’un académicien (à l’étranger), j’ai grand besoin de quelqu’un qui m’aime assez pour m’appeler son enfant… » Il lui demande, un jour, un article sur les Histoires extraordinaires de Poë ; Sainte-Beuve promet l’article, ne l’écrit point, et Baudelaire ne lui en veut pas L’affection de Baudelaire pour le grand critique datait de loin ; les Poésies de Joseph Delorme étaient déjà, au collège, un de ses livres de prédilection ; et à vingt ans, il envoyait des vers (dont quelques-uns assez beaux) à son poète favori… Et, en effet, les poésies de Sainte-Beuve, — si curieuses mais qui ne sont aujourd’hui connues et aimées que d’un petit nombre de lettrés, ressemblent déjà par endroits, sinon à des « fleurs du mal », du moins à des fleurs assez malades.
Dès lors, hanté d’une image qui le torture et l’affole, il repousse celle qu’il aime (puisque cela s’appelle aimer). […] Vous apprendriez sans nulle surprise que la femme s’appelle Titine, et l’un des homme Bibi, et l’autre la Terreur des Ternes. […] On a vu depuis quelques années croître magnifiquement ce que des théologiens appelleraient son esprit de malice et son impiété.
Peu de privilégiés sont appelés à la goûter pleinement, cela est vrai, mais n’est-ce pas ce qui arrive pour les arts les plus nobles ? […] C’est ce qu’on appelle « corriger les erreurs systématiques ». […] Mais elle peut prendre bien des formes ; car une pareille équation ne suffit pas pour déterminer la fonction inconnue, il faut y adjoindre des conditions complémentaires qu’on appelle conditions aux limites ; d’où bien des problèmes différents.
Dans la grande rixe olympienne qui éclate au vingt et unième chant de l’Iliade, Héra l’appelle « chienne hargneuse », et lui reproche « son cœur de lionne pour les femmes que Zens lui permet de tuer à son gré ». […] Un labyrinthe hanté par des monstres donnerait l’idée de l’imbroglio sinistre qu’on appelle l’histoire des Atrides. […] Quand le père s’en est repu, il fait apporter sur un bassin d’or leurs têtes et leurs mains nageant dans le sang. « Thyeste, — dit Eschyle, — vomit sur ce meurtre ; il renversa la table, et il appela l’inexorable Exécration sur les Pélopides. » Cette imprécation était restée célèbre dans l’antiquité.
* * * — Il y a de gros et lourds hommes d’État, des gens à souliers carrés, à manières rustaudes, tachés de petite vérole, grosse race qu’on pourrait appeler les percherons de la politique. * * * — L’architecte Chabouillet, qui n’a pas l’étonnement facile, me conte aujourd’hui encore, un peu étonné, l’entrevue qu’il a eue ces jours-ci avec le directeur d’un petit théâtre des boulevards, qui l’avait fait appeler pour quelques changements dans sa salle. […] La D… est ce qu’on appelle, dans un certain argot, une empoigneuse qui vous mord comme un petit chat et vous blague comme un voyou ; une jolie petite bête agaçante.
Avouerai-je d’ailleurs, pour lui donner raison en une certaine mesure, que l’humanisme, comme beaucoup de théories littéraires, pousse des rameaux jusque dans la morale et dans ce qu’il faut bien appeler, d’un mot barbare, la sociologie ? […] Ce dogme nouveau supprime ce que, depuis une quarantaine d’années, on, appelait encore l’au-delà. […] Notre âme, notre instinct — appelez-les comme vous voudrez — sont ainsi faits.
Molière même, pour ne pas se brouiller avec un corps si dangereux, appela précieuses ridicules celles qu’il mit sur la scène ; depuis ce temps le mot précieuse se prit en mauvaise part, et c’est en ce sens que La Fontaine s’en sert dans cette petite historiette, qu’il lui plaît d’appeler une fable. […] La petite aventure que raconte ici La Fontaine, arriva à Londres vers ce temps-là, et donna lieu à cette pièce de vers, qu’il plaît à La Fontaine d’appeler une fable.
Cependant (et c’est ce que nous avons à dire en second lieu) Quintilien appelle souvent toute la composition une modulation, en comprenant sous ce nom le chant, l’harmonie, la mesure et le mouvement. […] C’est la composition entiere que Quintilien appelle ici modulation. […] La seconde, c’est que dans le chapitre où se trouve le passage que je viens de rapporter, Quintilien parle très-souvent des usages pratiquez par les comediens et qu’il y appelle artifices ou artifices pronuntiandi ceux qui faisoient profession de faire representer les pieces de théatre.
Ce qu’on appelle surtout petits vers a prodigieusement perdu de faveur ; pour se résoudre à les lire, il faut être bien averti qu’ils sont excellents. J’en appelle à ceux de nos écrivains périodiques, qui ont pour objet de recueillir ou d’enterrer les pièces fugitives, et qui à ce titre doivent tous les mois un tribut de vers au public. […] Il me semble entendre déjà l’anathème lancé contre lui de toutes parts, et surtout par cette espèce de connaisseurs qu’on appelle gens de goût par excellence, gens de goût tout court, qui jugent de tout sans rien produire, et qui en matière de plaisir protègent les anciens usages.
La première, — par la date et par le talent — de ce temps, avant lequel il y eut bien des femmes qui écrivirent, mais où ce qu’on appelle le Bas-Bleuisme n’existait pas encore… Aussi, quand ce livre de Weymar et Coppet, qui n’a, d’ailleurs, de supériorité d’aucun genre, parut, il y a quelques années, il n’en attira pas moins l’attention de la Critique parce qu’il parlait de Mme de Staël. […] Pour ses contemporains, comme tout à l’heure encore pour la plupart de nous, elle est ce qu’on s’est avisé d’appeler une femme-homme en littérature. […] Elle n’a pas, à défaut du discernement qui lui manque, ce que j’appelle la caresse des œuvres que Mme de Staël rend plus belles, en les caressant.
Je ne la connais pas personnellement ; et, d’ailleurs, on peut douter de tout, quand on pense que Mme de Sévigné n’aimait sa fille que dans l’absence et qu’elle n’était rien de plus qu’une grande artiste en sentiment maternel… Grande artiste, Mme André Léo ne l’est d’aucune manière ; mais elle n’en a pas moins l’accent maternel, bien plus que Mme Sand, qui a un autre accent moins pur… Mme André Léo, qui a failli (j’en ai vu l’heure) détrôner Mme Sand dans l’opinion, qui l’a sacrée la première femme de son temps, est un bas-bleu foncé, trop conglutiné dans son indigo, pour être jamais la créature, enflammée et inspirée, qu’on appelle une grande artiste. […] Mme André Léo ne se débarrasse jamais entièrement de ce ton d’institutrice, qui apprend ses devoirs et ses droits au pauvre monde, et qui gâte, à toute place, le talent qu’elle aurait peut-être sans cet insupportable ton, La raideur de l’institutrice, — de ce piquet intellectuel qu’on appelle une institutrice, — supprime les mollesses de la femme, qui feraient son génie, comme les rondeurs font sa beauté, et durcit, quand elle l’a, jusqu’au sentiment maternel. […] Tous ses romans pourraient s’appeler Bucolique et Zoologie !