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762. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Sur le majestueux visage de l’historien de l’homme moral, on n’aperçoit même pas le pli du sourire ironique ; il semble ignorer ce qui se dit à Paris sur la nature de l’homme. […] Ainsi, dans le style de Buffon, parmi quelques ornements vieillis, le vrai, le grand, le noble de la nature choisie subsistent, et si l’on aperçoit quelques rides, c’est dans un monument immortel.

763. (1890) L’avenir de la science « XVI »

La pensée primitive n’avait vu qu’un seul monde ; la pensée à son second âge aperçoit mille mondes, ou plutôt elle voit un monde en toute chose. […] Une conséquence de cette manière simple de prendre la vie, c’est d’apercevoir la physionomie des choses, ce que ne font jamais les savants analystes, qui ne voient que l’élément inanimé.

764. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Or elle aperçut dans le lointain quelques bribes de notre humanité et elle se lamenta : — Hélas ! […] Malheureusement ses démonstrations anatomiques sont faites sur des mannequins bourrés de paille et, si on les applique à des êtres vivants, on s’aperçoit qu’elles forment — épines sèches et fleurs fanées — le plus banal fagot d’erreurs connues et de vérités triviales.

765. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il est difficile pourtant, si indulgent qu’on soit, de n’en point apercevoir quelques-unes dans l’homme, tel du moins que nous le voyons. […] Parlant de ceux qu’il avait interrogés, et même de deux pauvres filles esclaves qu’il avait fait mettre à la question, il reconnaît qu’il n’a pu apercevoir en eux tous d’autre crime qu’une mauvaise superstition et une folie : Ils assurent que toute leur faute ou leur erreur consiste en ceci, qu’ils s’assemblent à un jour marqué, avant le lever du soleil, et chantent tour à tour des vers à la louange du Christ, qu’ils regardent comme Dieu ; qu’ils s’engagent par serment non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol ni d’adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt ; qu’après cela ils ont coutume de se séparer, et ensuite de se rassembler pour manger en commun des mets innocents… Pline et son oncle étaient des hommes humains, modérés, éclairés ; mais cette humanité des honnêtes gens d’alors était déjà devenue insuffisante pour la réformation du monde.

766. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

M. de Bailleul, qui avait opiné en premier, avait commencé par donner l’exclusion à Mazarin, comme créature du cardinal de Richelieu : « Mais moi, dit le vieux Brienne, qui m’étais aperçu déjà plus d’une fois de la pensée secrète qu’avait la reine pour Son Éminence, je crus devoir parler avec plus de réserve. » Le fait est que la reine en était venue à ce point où l’on ne consulte que pour entendre l’avis qu’on désire tout bas et pour se faire pousser dans le sens où incline le cœur. […] Sachons apercevoir le mépris public qui se glissait à travers et qui croissait chaque jour, ce mépris qui, comme une fièvre lente, mine les pouvoirs et les États.

767. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Lainé, il est sujet, sans s’en apercevoir, à projeter un peu de sa propre figure dans la leur, à se profiler légèrement en eux pour ainsi dire. […] On se demande ce qu’ont à faire ensemble Alcibiade et Prusias, et l’on s’aperçoit que l’auteur, dans sa rapidité d’allusions, aura confondu sans doute Alcibiade et Annibal.

768. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Le livre de l’abbé Gerbet est rempli de ces paroles d’or ; mais, quand ou veut les détacher et les isoler, on s’aperçoit combien elles tiennent étroitement au tissu. […] Partout il est le même : figurez-vous une démarche longue et lente, un peu penchée, dans une paisible allée où l’on cause à deux du côté de l’ombre, et où il s’arrête souvent en causant ; voyez de près ce sourire affectueux et fin, cette physionomie bénigne où il se mêle quelque chose du Fléchier et du Fénelon ; écoutez cette parole ingénieuse, élevée, fertile en idées, un peu entrecoupée par la fatigue de la voix, et qui reprend haleine souvent ; remarquez, au milieu des vues de doctrine et des aperçus explicatifs qui s’essaient et naissent d’eux-mêmes sur ses lèvres, des mots heureux, des anecdotes agréables, un discours semé de souvenirs, orné proprement d’aménité : et ne demandez pas si c’est un autre, c’est lui.

769. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Il y avait là une apparence d’idée neuve, un aperçu poussé à l’effet. […] À un certain dîner où il avait commencé par déclarer qu’il ne mangeait pas de bouilli, on lui en fit manger trois et quatre fois de suite sans qu’il s’en aperçût.

770. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

A-t-il à parler du soleil, il dira en un langage que Copernic et Galilée ne désavoueraient pas : J’aperçois le soleil : quelle en est la figure ? […] Je ne le crois pas, et l’on peut déjà s’en apercevoir : la poésie des Méditations est noble, volontiers sublime, éthérée et harmonieuse, mais vague ; quand les sentiments généraux et flottants auxquels elle s’adressait dans les générations auront fait place à un autre souffle et à d’autres courants, quand la maladie morale qu’elle exprimait à la fois et qu’elle charmait, qu’elle caressait avec complaisance, aura complètement cessé, cette poésie sera moins sentie et moins comprise, car elle n’a pas pris soin de s’encadrer et de se personnifier sous des images réelles et visibles, telles que les aime la race française, peu idéale et peu mystique de sa nature.

771. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

 » Aussi, quand pour la première fois Luther aperçut Rome, il se prosterna disant : « Je te salue, sainte Rome, … baignée du sang de tant de martyrs. » Imaginez, si vous le pouvez, l’effet que fit sur un pareil esprit si loyal, si chrétien, le paganisme effronté de la Renaissance italienne. […] Cette énorme obscurité, cette noire mer inexplorée377 qu’ils aperçoivent au terme de notre triste vie, qui sait si elle n’est pas bordée par un autre rivage ? […] Dans la fournaise rouge où bout le fer, dans le cri du cuivre meurtri, dans les noirs recoins où rampe l’ombre humide, il aperçoit la flamme et les ténèbres d’en bas, et le grincement des chaînes éternelles. […] Sous la simplicité, vous apercevez la puissance, et dans la puérilité la vision. […] Il parvient enfin sur les montagnes Heureuses, d’où il aperçoit la divine cité.

772. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

On commence à s’en apercevoir, puisque la science positive, par le seul fait d’abandonner certaines thèses ou de les donner pour de simples hypothèses, se rapproche davantage de nos vues. […] Elle avait aperçu le danger. […] Elle a pu être moins complète, elle était en tout cas temporaire, dans des sociétés en mouvement, où l’intelligence finirait par apercevoir derrière l’interdiction une personne. […] Le « primitif » n’a qu’à se pencher sur un étang pour y apercevoir son corps tel qu’on le voit, dégagé du corps que l’on touche. […] Parlons donc de la mythologie, sans jamais perdre de vue ce qui en avait été le point de départ, ce qu’on aperçoit encore par transparence au travers d’elle.

773. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Dans le lointain, nous apercevons les îles Lipari, ombres bleuâtres. […] J’ouvre ; j’aperçois mon garçon coiffé d’un bonnet et tenant une lanterne au bout d’une corde. […] J’y ai aperçu, il me semble bien, des espèces de péristyles ou de belvédères. […] Nous n’avons point fini : un troisième messager fait monter le nombre des feux aperçus sur la mer de Phalère à vingt-cinq. […] Toi que j’aperçois encore, Acropole d’Athènes, sacré cimetière, source de vie, adieu, adieu !

774. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Victor Fournel s’en est bien aperçu. […] Encore a-t-on mis cent ans à s’apercevoir qu’elle était morte. […] Car les formes anciennes suffisent presque toujours aux grands écrivains, et s’ils les modifient, c’est sans trop s’en apercevoir. […] Mais à cette vision, sa mère est forcément mêlée ; il est impossible qu’il ne l’y aperçoive pas. […] — Ils pleurent toujours dans l’obscurité. » Je ne sais pas si vous vous apercevez que cela est très beau ?

775. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il s’aperçut que l’intérêt personnel avait quelque part dans les actes politiques des personnages du temps. […] Si mourir c’est quitter la vie, mourir à quarante ans, c’est mourir ; et si l’on s’en aperçoit, c’est vraiment pénible. […] Tels sont les aperçus, moitié éthiques, moitié historiques, que M.  […] On ne s’aperçoit du bien ou du mal qui s’en est suivi que très longtemps après que les ouvriers ont disparu. […] Gréard était le prince des discussions et il en était le tyran, sans qu’on s’aperçût jamais du joug, si ce n’est quand on était sorti de la salle.

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