Mais ce legs, comme tant d’autres, m’a tout l’air d’avoir été quelque peu dérisoire et imaginaire : l’étudiant Villon dut ressembler de bonne heure à cet écolier du vieux fabliau qui avait joué aux dés tous ses livres et les avait dispersés à tous les coins de la France. […] Campaux a pris le soin de nous les citer : Il semble, d’ailleurs, dit-il, que cette idée mélancolique fût dans l’air, du temps de Villon. […] Villon n’a pas de ces cris ; il est de ce bon vieux temps où l’on s’accommodait mieux de son vice, et où on ne le portait pas avec de si grands airs, ni d’un front si orageux.
. — • Ainsi encore, dans les Enfants terribles : on est dans un jardin public ; une jeune femme dans le fond dont on ne voit pas le visage, mais qui a un air des plus convenables, est occupée à lire ; sa petite fille joue près d’elle ; un monsieur qui a lorgné la mère demande à la petite, en la prenant entre ses genoux et en y mettant toutes sortes de façons : « Petit amour, comment s’appelle Madame votre maman ? » Et la petite, tout en jouant avec la canne du monsieur, répond d’un air presque offensé (mais peut-être c’est nous qui lui prêtons cet air) : « Maman n’est pas une dame, Monsieur : c’est une demoiselle.
Il s’adresse avec un regard de satisfaction à l’objet insensible de ses feux, mais dont il se voit vengé, car il a suffi d’une ou de deux saisons pour lui ôter sa grâce première : « Tu te souviens sans doute, tu te souviens que je t’ai dit cette parole sacrée : La jeunesse est la plus belle chose, et la jeunesse est aussi la plus fugitive ; le plus rapide des oiseaux dans l’air ne vole pas plus vite que la jeunesse. […] Les courtisanes elles-mêmes ne se privaient pas de ces offrandes, et l’une d’elles, Calliclée, en se retirant, faisait comme Laïs, mais d’un air plus satisfait, et consacrait à Vénus ses instruments de toilette, devenus inutiles : « Cet Amour d’argent, une frange pour la cheville du pied, ce tour lesbien de cheveux foncés, une bandelette transparente pour soutenir le sein, ce miroir de bronze, ce large peigne de buis qui coule comme à pleine eau dans l’onde de la chevelure5, — voilà ce qu’ayant gagné ce qu’elle voulait, ô libérale Vénus, Calliclée vient déposer dans ton sanctuaire. » A côté de cela, une petite fille pieuse et fervente, — elle ou ses parents, — s’adressait à la déesse Rhéa pour obtenir d’arriver au seuil de l’hyménée dans toute sa fleur et sa fraîcheur : « Ô toi qui règnes sur le mont Dindyme et sur les crêtes de la Phrygie brûlante, Mère auguste des dieux, que par toi la petite Aristodice, la fille de Siléné, arrive fraîche et belle jusqu’à l’hyménée, jusqu’à la couche nuptiale, terme de sa vie de jeune fille ; elle le mérite pour avoir bien souvent, et dans le vestibule de ton temple et devant l’autel, agité çà et là (dans une sainte fureur) sa chevelure virginale ! […] Que les brebis bêlent autour de moi, et qu’assis sur un rocher, tandis qu’elles broutent, le berger me joue ses plus doux airs ; qu’aux premiers jours du printemps, le villageois, ayant cueilli des fleurs de la prairie, en couronne ma tombe, et que, pressant la mamelle d’une brebis mère, il en fasse jaillir le lait sur le tertre funéraire.
Elle a jusqu’à présent tout le crédit qu’une jolie femme peut avoir ; elle a dans l’esprit tout l’enjouement et l’amusement qui peut plaire, menteuse avec un air naïf, n’aimant rien, point de vues pour l’avenir, hardie, ordurière, nulle teinture de modestie, livrée aux présents de M. le prince d’Orange, prenant de l’Empereur et du roi d’Espagne, et ce qu’il y a de beau, c’est que M. de Savoie le sait et qu’il trouve en cela le ménagement d’un méchant cœur ravi que sa maîtresse rencontre dans la libéralité d’autrui ce qu’elle ne pourrait pas trouver dans la sienne… Il redit tout à sa maîtresse, et sa maîtresse redit tout aux alliés… Dans tout cela Mme la Duchesse Royale ne fait qu’aimer son mari, le servir, vouloir ce qu’il veut et ne se mêler de rien ; Madame Royale (la mère) n’ose parler, et M. et Mme de Carignan sont dans une circonspection si craintive que, si M. de Savoie meurt, vingt-quatre heures après ils craindront qu’il n’en revienne. » Toute cette correspondance de Tessé que nous connaissons par des extraits de M. […] J’ai été quatre ou cinq jours bourrelé et n’ai presque point dormi, ayant besoin d’efforts pour manger ; à quoi j’ai suppléé pour aliment en prenant quelques écuellées de lait pour apaiser le sang… » C’était pour un homme de cœur une position cruelle en effet que de se voir obligé d’attendre des renforts, des moyens d’agir, et de supporter cette infériorité évidente d’un air d’indécision et de timidité. […] Quand le roi est mécontent de Gênes ou d’Alger et qu’il abîme leur ville pour les punir de leur mauvaise conduite, c’est une dépense et une vengeance de grand seigneur qui peut convenir au roi à l’égard de ses inférieurs ; mais que M. de Savoie prenne avec le roi, pour une ville qu’il ne peut pas assiéger, les mêmes airs que le roi prend avec une république, c’est ce que Son Altesse doit croire que Sa Majesté ne lui pardonnera peut-être jamais… » En même temps le duc, pour mieux en venir à ses fins, faisait demander à Tessé de prier Catinat « de sauver son honneur en s’avançant dans la vallée de Suse, de façon à lui permettre de partir honorablement de devant Pignerol sous prétexte de le combattre. ».
Rien ne peut à Paris donner l’idée de ces solennités qui émeuvent ici la terre et les airs. […] Il est bon et obligeant, mais, comme tous les hommes d’un grand talent littéraire, impossible à cultiver : il appartient à trop de monde, à tous les mondes. » Avec le seul Musset, il n’y avait jamais eu d’occasion, de rencontre, et partant de sympathie établie, pas le moindre petit fil tendu à travers l’air, et elle le supposait de loin plus avantageux certainement, plus plein de lui-même qu’il ne l’était, lui, l’indifférent passionné, éperdument livré au torrent de la vie ; elle avait à son sujet de la prévention, faute de l’avoir connu à une heure propice. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.
Il faisait tout cela par voie d’exposition, presque de concession, d’un air d’ignorer toutes les hardiesses qu’il commettait et qu’il appuyait. […] Tel il s’est montré dans tout son rôle, depuis miss Smithson jusqu’à Mlle Rachel, depuis Hernani jusqu’à Lucrèce ; sur Homère, sur l’abbesse Hrosvitha, sur la reine Nantechild, sur Ahasvérus, il a émis, accepté et soutenu des doctrines, des vues, qui témoignent de l’ouverture de sa pensée et de sa flexibilité ingénieuse presque indéfinie ; ce qui me fait dire et répéter de plus en plus : « Le critique n’est jamais chez lui, il va, il voyage ; il prend le ton et l’air des divers milieux : c’est l’hôte perpétuel180. » Chez beaucoup de ceux qui avaient épousé très-vivement la cause nouvelle au début et qui avaient entonné à haute voix le Chant du départ, le mécompte a suivi et s’est fait amèrement sentir. […] Il y a pourtant à ajouter, et ils le savent, que, sans viser à aucune gloire ni même à ce sceptre du genre qui a toujours plus ou moins l’air d’une férule, il est aussi un degré d’estime très-sûr qu’on parvient peu à peu à obtenir, et qui se perpétue.
Écoutez ce jeu de rimes qui tintent : Les cloches dans les airs de leurs voix argentines Appelaient à grand bruit les chantres à matines. […] Et de plus, un jardin bien dessiné, un potager bien planté, des melons et des fleurs, un jardinier qui porte ses arrosoirs, tous ces objets nettement découpés, tous ces détails sans ensemble, qui ne demandaient point d’adoration mystique, étaient bien plus dans ses moyens que les vastes campagnes pleines d’air où les contours se noient et les couleurs se fondent dans des harmonies d’une infinie délicatesse. […] Le faux est toujours fade. » Chacun pris en son air est agréable en soi.
Bourget, l’on y sera quand même contraint, en constatant qu’il a très peu évolué depuis ses premières œuvres, lesquelles auraient tout l’air d’être des produits de sa maturité, n’était l’hésitation de facture que l’on y observe tout juste, qui les place à leur ordre. […] Tout au plus ne réussissons-nous pas à nous défendre d’un certain trouble, en voyant notre impuissance d’en savoir plus long sur les dispositions sensibles, les nuances d’âme du plus paradoxal de nos écrivains contemporains, d’un auteur aimable et, apparemment, non moins normal, qui nous a présenté l’œuvre la plus originale, la plus déconcertante à la fois, la plus inattendue et la plus agréable, qui nous a tenu, avec cordialité, les propos les plus désolants, et qui, en nous secouant du plus ample désespoir, a eu aussi bien l’air de se mettre en peine pour nous en démontrer la logique que celui de tenir à nous en inspirer le mépris raisonné. […] France, qui, à vrai dire, ne connaît ou ne veut connaître du scepticisme que sa forme apparente, ce brillant de la nuance négative qui met tout de suite à l’aise, parce qu’il plaide la cause de l’idée générale, contre les prétentions de l’idée personnelle, ou, du moins, parce qu’il a cet air-là, et que d’ailleurs, très certainement, il est altier, impossible à compromettre, à ternir, à humilier, et aristocratique, et encore et surtout spirituel.
Elle a fourni aux gens du bel air des types à imiter, des maladies littéraires et distinguées à colporter. […] Que de talents affadis par l’air parfumé qu’on y respire ! […] Voltaire s’emporte contre un critique anglais qui a osé blâmer les paroles d’Arcas à Agamemnon, au début d’Iphigénie : Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ?
Contemporain de Sophocle, Eschyle a moins l’air de son aîné que de son ancêtre. […] La pluie qui tombe du Ciel générateur féconde la Terre ; alors elle enfante, pour les mortels, la pâture des bestiaux et le grain de Déméter. » — Ailleurs, il pousse ce cri qui dissout l’Olympien sculpté par Phidias, et disperse dans l’infini son corps et son âme, sa foudre et son sceptre, sa barbe pluvieuse et sa chevelure rayonnante ; « Zeus est l’air, Zeus est le ciel, Zeus est la terre, Zeus est tout ce qu’il peut y avoir au-dessus de tout. » Dans un Chœur de l’Orestie, le Dieu qu’on invoque semble invité à choisir lui-même son nom, dont le poète n’est pas sûr. — « Zeus ! […] » Danaos racontant à ses filles que les Argiens leur ont voté l’hospitalité, dit que l’air s’est hérissé des mains droites levées de tout le peuple ».
Mais voilà que ce dialogue nous rappelle, comme un air, joué sur un piano de salon bourgeois, pourrait rappeler quelque idéale mélodie de harpe éolienne suspendue aux branches d’un pin d’Italie dans l’Isola bella, le duo virginal de la Ninon et de la Ninette d’Alfred de Musset : Ninon L’eau, la terre et les vents, tout s’emplit d’harmonies Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur. […] La situation est presque la même, mais comme on se sent tout de suite sous un ciel plus pur, dans un air plus subtil, en contact avec des organisations plus exquises ! […] La margrave, qui est, elle aussi, quelque peu cousine du comte Sigismond, ne doute pas un instant qu’elle ne soit l’héritière, et elle vient remplir le vœu du défunt en achetant à Frantz des airs d’enterrement ; mais Frantz n’a plus son Requiem ; le baron vient de l’emporter.
Mais, en même temps qu’il entra si bien dans les idées et dans les goûts de la société française, il sut garder son air, sa physionomie, son geste, et aussi une indépendance de pensées qui l’empêcha d’abonder dans aucun des lieux communs du moment. […] Il ajoutait encore que l’incrédule, celui qui persiste à l’être à tous les instants, fait un vrai tour de force ; qu’il ressemble à « un danseur de corde qui fait les tours les plus incroyables en l’air, voltigeant autour de sa corde ; il remplit de frayeur et d’étonnement tous les spectateurs, et personne n’est tenté de le suivre ou de l’imiter ». […] Sous cet air d’en rire, il les marie très paternellement.
Son style révolutionnaire est tout épicé et comme farci de citations empruntées à Tacite, à Cicéron, à tous les auteurs latins qu’il applique sans cesse aux circonstances présentes avec gaieté et d’un air de demi-parodie. […] Vous faites vos doléances en vaudevilles, et vous donnez dans les districts votre scrutin sur l’air de Malbroug ! […] Ici, sous air de raillerie et de parodie, il devient sérieusement éloquent et décidément courageux.
Oui, me répète avec conviction un témoin aimable et des plus spirituels de ce moment, oui, elle était à la fois belle, simple, inspirée comme la Muse, rieuse et bonne enfant (c’est le mot unanime), et telle qu’elle a peint plus tard sa Napoline, c’est-à-dire encore elle-même, Naïve en sa gaieté, rieuse et point méchante ; disant les vers avec élégance et un air de grandeur comme elle les faisait alors. […] Représentez-vous à une grande soirée de la duchesse de Duras, ou mieux à une brillante matinée du château de Lormois, chez la duchesse de Maillé, en plein soleil d’été, cette enfant rieuse, avec sa profusion de cheveux blonds et ce luxe de vie qui donne la joie, échappée dans le parc, bondissant et courant, puis rappelée tout à coup, et dans le plus élégant des salons, devant le plus recherché des mondes, récitant des vers d’un air grave, avec un front d’inspirée, un profil légèrement accusé de Muse antique, avec un timbre de voix précis et sonore, récitant ou un chant de Madeleine, ou son élégie (tant de fois refaite) sur Le Bonheur d’être belle, et dites s’il n’y avait pas de quoi rendre les armes et de quoi être ébloui. […] C’est l’air de bravoure, et qui est un motif à déployer quelques beaux accents.