/ 2380
392. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Ranc est un de ces hommes d’action qui le sont de plume et de tout… Son talent est de même trempe que son caractère. […] s’il n’y avait là qu’une histoire comme l’histoire de la conspiration de Catilina ou des Pazzi, l’auteur, avec son style nerveux, rapide, poignant par places, et qui ne s’amuserait pas aux archaïsmes enfantins du vieux Salluste, nous la raconterait à merveille, je n’en doute pas, et y verserait cette vie de l’action qui est la vraie vie de l’Histoire. […] Quoique dans l’introduction qui précède son livre il nous dise, vers la fin : « La conspiration que j’ai rapportée est une conspiration vraie, aussi vraie que la conspiration du général Malet », ce qui est peut-être trop vite dit et pas assez prouvé, et, quoique l’imagination, beaucoup plus intéressée à ce roman d’une conspiration qu’elle ne le serait à une histoire, veuille bien accepter, sans le chicaner, ce qu’affirme si brièvement l’auteur, cependant il reste toujours, non pas uniquement l’embarras de savoir où le personnage historique finit et où le personnage inventé commence, mais il reste encore — et c’est autrement important — que tous les personnages de l’action sont tous vus de par dehors, comme les personnages d’une histoire, au lieu d’être vus de par dehors et de par dedans tout ensemble, comme doivent être vus tous les personnages d’un roman, dont l’auteur peut approfondir à son gré ou idéaliser les caractères, puisqu’il les a lui-même inventés !

393. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Les religions au contraire peuvent seules exciter les peuples à faire par sentiment des actions vertueuses. […] La première nous porte par la grâce aux actions vertueuses pour atteindre un bien infini et éternel, qui ne peut tomber sous les sens ; c’est ici l’intelligence qui commande aux sens des actions vertueuses.

394. (1761) Salon de 1761 « Peinture — Vien » pp. 131-133

Toute la grâce possible dans les bras et dans leur action ? […] Il y règne d’abord une tranquillité, une convenance d’actions, une vérité de disposition qui charment.

395. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Les Allemands tolèrent ainsi, tantôt une pièce sans action, le Camp de Wallstein ; tantôt une action sans dénouement, les Piccolomini ; tantôt un dénouement sans exposition, la mort de Wallstein. […] Nous verrons quel fut en France le résultat de ces études et leur action sur la critique et sur le public. […] Guizot visait à devenir le Calvin de la réforme romantique, et joignait son action littéraire à l’action politique qu’il déployait dans le Globe. […] Son action fut de toutes la moins morale. […] Cette fois je me sens bien conseillé, et j’écris en toute confiance : “Au commencement était l’Action.” » C’était donc là la grande préoccupation du poète : l’action, l’action qui seule constitue la vie, et qui renferme toujours la pensée, l’action qui est la vertu de cette race romane vers laquelle tendit sans cesse l’esprit si lumineux, si clair, pour ne pas dire si peu germanique de Goethe.

396. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

… » Ces cris de sauvage annoncent des actions de sauvage. […] Toutes ces actions paraissaient alors convenables. […] Avec de pareilles mœurs, la parole remplace l’action. […] Leurs deux séries d’actions se confondent et se heurtent. […] Toutes ces ingénues y font merveille, d’actions et de maximes.

397. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Regardez chez les hommes incultes, chez les gens du peuple, comme tout d’un coup le sang s’échauffe et monte au visage ; les poings se ferment, les lèvres se serrent, et ces vigoureux corps se précipitent tout d’un bloc vers l’action. […] Les subites et extrêmes décisions se confondent en lui avec le désir ; à peine imaginée, la chose est faite ; le grand intervalle qui se rencontre chez nous entre l’idée de l’action et l’action elle-même manque tout à fait46. […] Racine met sur le théâtre une action unique, dont il proportionne les parties, et dont il ordonne le cours ; nul incident, rien d’imprévu, point d’appendices ni de disparates ; nulle intrigue secondaire. […] Ils n’ont point d’idée de l’action progressive et unique. […] C’est l’unité d’un caractère qui lie deux actions du personnage, comme c’est l’unité d’une impression qui lie deux scènes du drame.

398. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

. —  Conception du caractère et de l’action dans Byron. —  Caractère dramatique de son poëme. —  Opposition entre le poëte de l’univers et le poëte de la personne. […] À défaut d’action, il avait les rêves, et il ne se réduisait aux rêves qu’à défaut d’action. […] Il n’y a que les événements qui mettent à l’épreuve la force et le ressort de l’âme ; il n’y a que les actions qui manifestent et mesurent cette force et ce ressort. […] Sa plus forte action est de séduire une grisette et d’aller danser la nuit en mauvaise compagnie, deux exploits que tous les étudiants ont accomplis. […] Refuserez-vous de reconnaître le divin, parce qu’il apparaît dans l’art et la jouissance, et non pas seulement dans la conscience et l’action ?

399. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Est-ce que jamais les idées abstraites ont pu conduire à de mauvaises actions ? […] Paul Desjardins, n’ont exercé sur lui aucune action. […] Seule, la religion peut à la fois régler la pensée et l’action. […] Desjardins, dont l’action, depuis deux ou trois ans, grandit sans cesse. […] Il y a toujours, en effet, une correspondance entre l’action qu’un écrivain exerce sur son temps et celle qu’il en subit.

400. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Le poëte a évidemment voulu peindre avant tout le pays et les mœurs ; la fable (si fable il y a), l’action romanesque qu’il a jetée à travers, n’est qu’un prétexte et tient peu de place, trop peu sans doute. Des paysages francs, naturels, des scènes prises sur le fait, une grande vérité de traits et un grand art d’expression dédommagent de l’action un peu absente, et recommandent, à première vue, cette étude qui est, du moins, une haute et noble tentative.

401. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

Les vers du grand Corneille, l’appareil de la scéne et la déclamation des acteurs nous en imposent assez pour nous faire croire qu’au lieu d’assister à la représentation de l’évenement, nous assistons à l’évenement même, et que nous voïons réellement l’action et non pas une imitation. […] Mais dans le tableau dont je parle, Attila représente si naïvement un Scythe épouvanté, le pape Leon qui lui explique cette vision, montre une assurance si noble et un maintien si conforme à sa dignité, tous les assistans ressemblent si bien à des hommes qui se rencontreroient chacun dans la même circonstance où Raphaël a supposé ses differens personnages, les chevaux mêmes concourent si bien à l’action principale ; l’imitation est si vrai-semblable, qu’elle fait sur les spectateurs une grande partie de l’impression que l’évenement auroit pû faire sur eux.

402. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Rapportant tout à l’action des dieux, ils se tenaient pour fils de Jupiter ; c’est-à-dire pour engendrés sous les auspices de Jupiter, et ce n’était pas sans raison, qu’ils se regardaient comme supérieurs par cette noblesse naturelle à ceux qui pour échapper aux querelles sans cesse renouvelées par la promiscuité infâme de l’état bestial se réfugiaient dans leurs asiles, et qui, arrivant sans religion, sans dieux, étaient regardés par les héros comme de vils animaux. […] Les hommes voyant en toutes choses les dieux ou l’action des dieux, se regardaient, eux et tout ce qui leur appartenait, comme dépendant immédiatement de la divinité.

403. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Or, ceux qui regardent le climat et les conditions physiques de la vie comme les causes dont l’action est le plus importante dans la distribution géographique des espèces, doivent s’étonner de semblables effets, puisque le climat, l’altitude des terres ou la profondeur des mers changent et croissent ou décroissent graduellement. […] Il en peut être ainsi, comme il se peut encore que ce soit un effet causé par l’action des matières putrides elles-mêmes. […] Pour acquérir la conscience parfaite de notre profonde ignorance à ce sujet, il suffit de songer aux différences qui distinguent nos races domestiques de différentes contrées, et surtout des contrées les moins civilisées, où la sélection systématique de l’homme a eu peu d’action. […] Ces adaptations sont facilitées en quelques cas par l’usage ou le défaut d’exercice des organes ; elles sont légèrement influencées par l’action directe des conditions extérieures de la vie, et sont toujours subordonnées aux effets provenant des diverses lois de la croissance. […] La cause de ces courants, dit le savant physicien, réside dans les états électriques opposés qui se produisent par les actions chimiques de la nutrition du muscle.

404. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Et continuez. " nous allons au théâtre chercher de nous-mêmes une estime que nous ne méritons pas, prendre bonne opinion de nous, partager l’orgueil des grandes actions que nous ne ferons jamais, ombres vaines des fameux personnages qu’on nous montre. […] Des usages aussi monstrueux ne peuvent durer ; et puis s’il faut opter, être méchant homme ou bon citoyen, puisque je suis membre d’une société, je serai bon citoyen si je puis, mes bonnes actions seront à moi, c’est à la loi à répondre des mauvaises. […] Il y a la veille de la tête pendant laquelle les intestins obéissent, sont passifs ; il y a la veille des intestins où la tête est passive, obéissante, commandée ; où l’action descend de la tête aux viscères, aux nerfs, aux intestins ; et c’est ce que nous appellons veiller ; où l’action remonte des viscères, des nerfs, des intestins à la tête, et c’est ce que nous appelons rêver. Il peut arriver que cette dernière action soit plus forte que la précédente ne l’a été et a pu l’être, alors le rêve nous affecte plus vivement que la réalité. […] Je me tâte le pouls, c’est la fièvre que j’ai, c’est l’action qui remonte des intestins à la tête et qui en dispose.

405. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

» Ce mot me fit ressauter… Je me mis à courir vers la Seine… Je sauvai l’homme, sans difficulté… « Qu’est-ce qui m’a fait faire ma belle action ? […] Homère a tiré parti en poète de ce fait que, chez les hommes d’action, surtout chez les natures primitives, l’idée d’une action à faire est spontanée, vive, presque violente ; soit qu’une parole intérieure la définisse à l’esprit, soit qu’elle reste à l’état d’impulsion confuse, toujours elle parle haut dans l’âme, et comme elle est subite et vive, elle semble inspirée. De même, l’idée de s’abstenir d’une action conçue et désirée, pour laquelle déjà les muscles s’agitent et frémissent, cette idée ne peut réussir à arrêter l’élan actif de la passion que si elle prend, elle aussi, l’allure de la passion, si elle semble rompre subitement le cours naturel des désirs et des actes. […] L’inspiration divine correspondait chez Homère à fait psychique réel ; chez les imitateurs, elle n’est plus qu’une figure poétique ; Virgile, assurément, n’a pas connu par lui-même ces élans sauvages de l’âme vers une action irréfléchie. […] Cousin ou des motifs des actions des hommes » : Egger se réfère à la lettre CLI de la Correspondance inédite de Stendhal, Paris, Michel Lévy, 1855, t. 

/ 2380