/ 1285
152. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

L’exemple du souverain accroît la licence : des inconnus s’attroupent, et mettent Rome au pillage. […] XIV, cap. xiii) sur l’accueil qui l’attend dans Rome, à son retour de la Campanie. […] Pourquoi celle qui peut, absente, disposer du peuple à son gré, ne marcherait-elle pas à Rome ? […] Rome alors était pleine d’astrologues et de diseurs de bonne aventure. […] Rome, que le sang des nations a été bien vengé dans tes propres murs !

153. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

N’oublions jamais que Rome était déjà arrivée, par son énergie et son habileté, au pouvoir politique le plus étendu et à la maturité d’un grand État, après la seconde guerre punique, sans posséder encore rien qui ressemblât à une littérature proprement dite digne de ce nom ; il lui fallut conquérir la Grèce pour être prise, en la personne de ses généraux et de ses chefs illustres, pour être touchée de ce beau feu qui devait doubler et perpétuer sa gloire. […] Vous le savez comme moi, messieurs, Rome toute seule, et si elle n’avait été touchée du rameau d’or au moment même où elle le brisait, courait risque de rester à jamais une force puissante, écrasante au monde, sénat, camp ou légion. […] Je n’admettrai pourtant jamais que Rome, la Rome même du peuple, que nous avons vue depuis si fine et si piquante à la raillerie, n’ait pas eu, dès qu’elle en eut le loisir et l’occasion, l’esprit aiguisé en même temps que le parler agréable et doux. […] Lorsque après Trajan sonna décidément l’heure de la décadence romaine, la littérature sacrée, en train de naître, n’hérita pas aussi vite ni aussi directement de la beauté littéraire que Rome l’avait fait dans son premier contact avec la Grèce : on ne se passa pas de la main à la main le flambeau. En Grèce seulement, par une fortune singulière et un reste de privilège natal, cette littérature sacrée, dans la bouche des Basile et des Chrysostome, retrouva sans effort l’abondance et l’harmonie, et comme des accents de Platon ; mais à Rome, mais en Afrique, le latin des premiers Pères fut dur, recherché, tourmenté, en même temps que la pensée neuve, excellente et souvent sublime.

154. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ces quatre ou cinq années environ qu’Amyot passa en Italie, à Venise et à Rome, lui furent grandement profitables, tant pour l’étude des textes que pour le commerce des hommes et aussi pour la connaissance des affaires. […] Le cardinal de Tournon, l’ayant connu à Rome et apprécié pour ses qualités studieuses et morales, parla de lui à la Cour, lorsque le roi Henri II cherchait un précepteur pour ses deux fils, les ducs d’Orléans et d’Anjou (depuis Charles IX et Henri III), et Amyot fut choisi (1554). […] Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets. […] Un jour, étant à Rome, à la table de notre ambassadeur devant la plus docte assistance, Montaigne eut maille à partir sur le chapitre du Plutarque d’Amyot, que plus d’un convive estimait beaucoup moins qu’il ne le faisait. […] Il reste quelque incertitude sur la date précise du départ d’Amyot pour Rome ; il se pourrait qu’il fût parti un peu ayant la mort de François Ier ; ce sont des détails peu importants, et que ses meilleurs biographes ne me paraissent pas avoir éclaircis.

155. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Sur la terrasse du rempart, d’où l’on découvre à l’horizon les murs de Rome naissante, nous rencontrons nos contemporains, des députés de l’extrême droite, des « centre gauche », des opportunistes et des anarchistes. […] Il veut épurer le culte, abolir les sacrifices humains ; et, quoique Albe-la-Longue ait été vaincue par Rome, il n’a point de haine contre les vainqueurs ; il est plus Latin qu’Albin, il prévoit la future grandeur de Rome et son rôle bienfaisant. […] Cependant tout le monde veut la guerre contre Rome, même les démagogues, parce qu’ils espèrent qu’une révolution en sortira ; même les libéraux, parce que « leur retraite, disent-ils, serait le triomphe de l’absurde ».

156. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Nous savons qu’on ne manquera pas de rappeler quelques bulles du Saint-Siège, ou quelques décrets de la Sorbonne, qui condamnent telle ou telle découverte philosophique ; mais, aussi, combien ne pourrait-on pas citer d’arrêts de la cour de Rome en faveur de ces mêmes découvertes ? […] L’an de Rome 591, le sénat rendit un décret pour bannir les philosophes de la ville ; et, six ans après, Caton se hâta de faire renvoyer Carnéade, ambassadeur des Athéniens, « de peur, disait-il, que la jeunesse, en prenant du goût pour les subtilités des Grecs, ne perdit la simplicité des mœurs antiques ». Si le système de Copernic fut méconnu de la cour de Rome, n’éprouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs ? « Aristarchus, dit Plutarque, estimoit que les Grecs devoient mettre en justice Cléanthe le Samien, et le condamner de blasphème encontre les Dieux, comme remuant le foyer du monde ; d’autant que cest homme taschant à sauver les apparences, supposoit que le ciel demeuroit immobile, et que c’estoit la terre qui se mouvoit par le cercle oblique du zodiaque, tournant à l’entour de son aixieu147. » Encore est-il vrai que Rome moderne se montra plus sage, puisque le même tribunal ecclésiastique qui condamna d’abord le système de Copernic, permit, six ans après, de l’enseigner comme hypothèse148.

157. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Ce n’était point sans un profond sentiment de tristesse que je parcourais cette Rome déserte, et comme exilée du monde où elle régna si longtemps. […] Comme de savants géologues trouvent dans les productions fossiles, et dans les différentes couches de la terre, plusieurs âges de la nature, je trouvais plusieurs âges de civilisation dans les ruines de Rome. […] Cette vue de Rome jetait ma pensée dans la contemplation de quelques-unes des vérités qui font le sujet du chapitre précédent. […] Ne pourrait-on pas dire que l’état physique de Rome raconte la révolution faite en Europe par le temps, et que l’état de la France raconte la même révolution aidée par les hommes ?

158. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Condamné à Rome alors, mais, comme tous les hérétiques qui commencent, faisant la distinction de l’Église et de la cour de Rome, il affirmait, à ce moment encore, son respect pour l’Église, se vouant seulement à un silence absolu, à un silence de trappiste sur les choses religieuses, comme il le dit dans deux ou trois lettres de la présente collection. […] Voilà donc ce qu’il fut et continua d’être, ce grand ambitieux trompé et offensé dont on a dit qu’en lui tendant ses lacs de pourpre Rome pouvait le prendre, ce lion superbe ! […] — « Je crois — écrit-il en se ravisant — que j’ai une Charte en moi. » Un autre jour, à propos des Gallicans qu’il n’aimait pas mieux que la Charte, il écrivait : « Ils en viendront à défendre la messe, par la raison qu’on la dit à Rome. » Et à propos des grands seigneurs de la Restauration : « Ils ne voient plus dans le pommeau de l’épée de leurs ancêtres qu’une boule à scrutin. » Dans une autre lettre : « Le mariage seul — dit-il — unit irrévocablement.

159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Ce spectacle ne s’introduisit point à Rome à la faveur de la grossiereté des cinq premiers siecles qui s’écoulerent immediatement après sa fondation. […] Les combats de gladiateurs ne cesserent à Rome qu’après que la religion chrétienne y fut devenuë la religion dominante, et que Constantin Le Grand les eut défendus par une loi expresse. […] Antiochus qui formoit de grands projets, et qui mettoit en oeuvre pour les faire réussir le genre de magnificence qui est propre à concilier aux souverains la bienveillance des nations, fit venir de Rome à grands frais des gladiateurs pour donner aux grecs amoureux de toutes les fêtes un spectacle nouveau.

160. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Car je vous apprends, si vous ne le savez, que lorsque vos chars si triomphants entraient dans Rome et que de tous côtés on criait à haute voix : Vive, vive Rome l’invincible ! […] Contre l’ambition de Rome. […] Et, pour dire la vérité, ce ne furent point les armes de Rome qui vous firent avoir la victoire, mais les torts de la Germanie. […] Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome. […] C’est tout ce que j’ai vu dans Rome à mon abord.

161. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Neuf ou dix années se passèrent pour lui en études spéciales, en voyages : il parcourut en tous sens, et le crayon à la main, la France, l’Espagne, l’Italie ; il séjourna au moins une année à Rome. […] Il a parlé, en une occasion, de ses impressions à Rome, rien qu’incidemment, il est vrai, mais d’une manière qui laisse peu à désirer aux plus fervents. Parcourant plus tard l’Allemagne et étant à Nuremberg, cette ville gothique, toute dévote à elle-même, tout occupée à se conserver, à se repeindre, et qui est « une collection plutôt qu’une ville », il remarque qu’au milieu des raretés qu’elle offre à chaque pas « on a peine à trouver une de ces œuvres qui laissent un souvenir durable ; on est souvent étonné, jamais ému ; c’est toujours le dernier objet qui frappe le plus et qui fait oublier les autres : « Je me souviens à ce propos, dit-il, de l’impression que nous ressentîmes à Rome, il y a de cela dix-huit ans (1836). […] Après une année de séjour, nous étions arrivé, comme tant d’autres avant nous, à vénérer les plus humbles pierres de la grande cité, à les considérer avec amour, à trouver à toute chose un parfum d’art, une poésie enfin que nulle autre ville ne possède… » Nuremberg, en effet, ne saurait tenir, ne fût-ce qu’un instant, devant Rome. […] « C’était Phidias qui les lui dirigeait tous et qui en était l’inspecteur universel… » C’est cette fleur, cet éclat de jeunesse dont le Parthénon à demi ruiné jouit encore aujourd’hui, qui manque aux monuments de Rome : ils portent la marque du Peuple-roi, c’est beaucoup ; mais ils sont et semblent antiques.

162. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Célèbre et populaire à trente-deux ans, membre de l’Institut à trente-sept et siégeant à côté de son père, nommé deux ans après (1828) directeur de l’Académie française à Rome, Horace Vernet n’était pas au bout de son bonheur, et il devait courir bien des années encore avant de l’épuiser. […] Ses années de direction à Rome (1828-1835) forment une époque unique dans sa vie : une fille belle et adorée qui était sa gloire, et dont il a consacré l’image en maint endroit, faisait avec sa mère les honneurs de la Villa Médicis ; devenue Mme Paul Delaroche et morte à la fleur de l’âge, elle devait lui apprendre ce que c’est que la première grande douleur. […] Était-il possible, je le demande, qu’Horace Vernet vivant à Rome au sein d’une splendide nature, d’une belle race, de toutes les merveilles de l’art classique, en face des magnificences de Saint-Pierre et des pompes du Vatican, n’en fût pas touché, excité à se mesurer à sa manière avec ses nouveaux modèles, à s’exercer dans un genre plus noble et a y transporter ses qualités si, françaises ? […] Dernièrement, Vernet avait à faire une masse de portraits de commande, et par conséquent tout son temps était pris ; mais, en passant dans la ville, il aperçoit un de ces paysans de la Campagna, qui, armés par le gouvernement, font depuis quelques jours des patrouilles à cheval dans les rues de Rome. […] Montagne volcanique de Toscane sur la route de Florence à Rome.

163. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

  L’un, c’est Emile Zola, au cours de sa trilogie, Lourdes, Rome, Paris. […] Il écrit la Rome nouvelle, où il prêche l’alliance du pape et de la démocratie, le salut des peuples modernes dans un retour à l’évangélisme primitif, à la religion des humbles, élargie et devenue la religion nouvelle. […] Rome se charge elle-même de le détromper chaque jour davantage, de lui prouver combien grossière avait été son erreur d’avoir voulu donner comme base à l’avenir, le vieux passé d’erreur et de mensonge. […] analyse des états d’âme de l’abbé Pierre n’a peut-être été qu’un prétexte à nous évoquer Lourdes, Rome et Paris. […] Rome.

164. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Déjà Rome, dont la mission était de préparer pour le monde moderne la conception d’un Droit sans privilèges, n’était-elle pas le plus puissant instrument « d’intégration » de l’antiquité ? […] Entre les murs de la cité romaine se forgeait la première idée du Droit naturel — Rome est la « ville du monde » où, des quatre coins de l’horizon, les masses des peuples divers concourent pour se pénétrer. […] Les routes qui rayonnaient de Rome provoquaient déjà l’admiration des contemporains. […] Rome était portée à dire : « l’univers c’est moi81 ». L’union de la ville et du monde, Urbis et Orbis, tel était le phénomène singulier qui conviait l’humanité à prendre, par Rome, une première conscience d’elle-même.

165. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Il y a neuf ans278, je revenais de Rome, — de Rome qui était encore ce qu’elle aurait dû toujours être pour rester dans nos imaginations la ville éternelle, la ville du monde catholique et des tombeaux. […] Un bateau à vapeur me transporta en deux jours de Civita-Vecchia à Marseille, et de là je courus à Lausanne, où j’étais six jours après avoir quitté Rome.

/ 1285