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492. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Après Moscow et la retraite de Russie, disait le spirituel M. de Stendhal, Iphigénie en Aulide devait sembler une bien moins bonne tragédie et un peu tiède ; il voulait dire qu’après les grandes scènes et les émotions terribles de nos révolutions et de nos guerres, il y avait urgence d’introduire sur le théâtre un peu plus de mouvement et d’intérêt présent. […] L’idée de reprendre Bérénice devait venir du moment que mademoiselle Rachel était là ; et qu’à défaut de rôles modernes, elle continuait à nous rendre tant de ces douces émotions d’une scène qui élève et ennoblit.

493. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

En tous ces morceaux, l’émotion se redouble du contraste de ce qui précède ou de ce qui va suivre, du bruit lointain des combats ou des naufrages, et du cercle environnant de toutes les calamités humaines un moment suspendues. […] Celui qui fit Werther domine sa propre émotion et semble, du haut de son génie, regarder sa sensibilité un moment brisée, comme le rocher qui surplombe regarde à ses pieds l’écume de la cascade insensée.

494. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il n’y avait guère de regret dans notre émotion. […] L’émotion est tangible dans Mendès, dans Dierx, même dans Ricart, aussi bien que dans les frères Deschamps, que dans Béranger, que dans Musset.

495. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Voilà donc une première distinction à faire dans les émotions : c’est, au fond, les distinguer d’après leur qualité essentielle, suivant qu’elles sont agréables ou désagréables, qu’elles impliquent attraction ou répulsion. […] Prenez les nouvelles et les romans de Mérimée : ce ne sont au contraire le plus souvent qu’émotions fortes, violentes, éclatant en actes brusques, imprévus et sanglants.

496. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Ne vaut-il pas mieux, lorsqu’une émotion universelle s’est produite autour d’un être idéal, ne pas trop en rapprocher l’objet, et se confier au rêve et à l’imagination de tous pour l’achever et le couronner mieux que nous ne saurions faire ? […] Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable.

497. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

C'est lui, d’ailleurs, qui, le premier, n’a pas craint d’inoculer à un public jusqu’alors plus sobre les émotions dépravantes des Mystères de Paris ; il a nourri imprudemment le monstre, et il en est menacé aujourd’hui.

498. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

J’ai lu avec une grande émotion votre très vive et très exacte peinture de l’École normale de 1849 à 1852.

499. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

Je soupçonne que, de tous ses livres, c’est celui-là, qu’il préfère encore, non peut-être pour sa perfection poétique, mais pour la qualité de l’émotion qui s’en dégage, pour sa jeunesse attendrie.

500. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Je crois apercevoir — avec quelle émotion fraternelle, ai-je besoin de le dire ? 

501. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 14, qu’il est même des sujets specialement propres à certains genres de poësie et de peinture. Du sujet propre à la tragedie » pp. 108-114

Un scelerat qui subit sa destinée ordinaire dans un poëme, n’excite pas aussi notre compassion ; son supplice, si nous le voïions réellement, exciteroit bien en nous une compassion machinale : mais comme l’émotion que les imitations produisent n’est pas aussi tyrannique que celle que l’objet même exciteroit, l’idée des crimes qu’un personnage de tragedie a commis nous empêche de sentir pour lui une pareille compassion.

502. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Elle ne touche que par surprise, et l’on desavouë son émotion propre dès qu’on fait reflexion à l’extravagance de la supposition sur laquelle toutes les situations merveilleuses de la tragedie sont fondées.

503. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Rien, toute la religion est là ; il faut réduire ou supprimer le reste ; elle est une affaire personnelle, un dialogue intime entre l’homme et Dieu, où il n’y a que deux choses agissantes, la propre parole de Dieu, telle qu’elle est transmise par l’Écriture, et les émotions du cœur de l’homme, telles que la parole de Dieu les excite et les entretient330. […] Nous ne voyons pas que ces libertés et ces abandons sont justement les signes de la croyance entière, que la conviction chaleureuse et immodérée est trop sûre d’elle-même pour s’astreindre à un style irréprochable, que la religion prime-sautière consiste non en bienséances, mais en émotions. […] Supprimez cette raison et cette discipline, et considérez le pauvre ouvrier ignorant à son ouvrage ; la tête travaille pendant que les mains travaillent, non pas sagement, avec des habitudes acquises de logique apprise, mais par de sourdes émotions, sous un flot déréglé d’images confuses. […] Oui, et je pensai que si j’avais maintenant mille pintes de sang dans mon corps, je le répandrais tout pour l’amour du Seigneur Jésus420. » Une pareille émotion ne calcule point les combinaisons littéraires. […] La grandeur des émotions élève aux mêmes sommets le paysan et le poëte, et ici l’allégorie sert encore le paysan.

504. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Sans doute il est visible, son amour de l’humanité, parmi l’énormité voulue de la grotesquerie ; jamais on n’y découvre une douceur particulière, une délicate émotion de cœur. […] Sa plus sincère émotion garde toujours quelque étiquette. […] C’est un tel et si universel silence de l’émotion vraie, que l’on y peut tout au loin, tout là-bas, entendre battre le seul cœur de Villon. […] Même quand l’âge et le labeur l’ont virilisé, il ne renonce pas à confesser les émotions de son cœur hélas ! […] Du moins, la tendresse vraie, l’émotion sincère, la passion, en un mot, l’exprimaient-ils parfois ?

505. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il saura bien retrouver dans sa mémoire le spectacle de ses émotions évanouies, et jeter au vent, quand l’heure sera venue, les cendres d’une gloire éteinte. […] Ici la déclamation était à craindre ; mais heureusement l’émotion a sauvé le poète et le lecteur. […] L’esprit y gâte souvent l’émotion. […] C’est qu’en effet, à force de réfléchir, il a réduit toutes ses émotions en idées. […] La vie entière est changée, et ne peut revenir à ses premières émotions sans d’horribles tortures.

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