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475. (1883) Le roman naturaliste

Daudet consente à se réduire, et qu’il nous donne dans quelque petit récit achevé la mesure des qualités très réelles d’émotion et de simplicité qu’il possède. […] dans ces quelques lignes, de peur que nous ne soyons émus de son émotion, M.  […] L’émotion en est absente, comme d’ailleurs le drame est absent de ses romans. […] Daudet demande l’intérêt à de tout autres moyens, et il est permis de s’abstenir, car c’est à de tout autres sources qu’il va puiser l’émotion. […] Certains coins de paysage n’éveillent-ils pas plus particulièrement de certaines émotions ?

476. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

C’est que le poète travaille dans sa province, conçoit et exécute dans la retraite ses œuvres de conscience et d’émotion ; cela est bon pour la tragédie, pour le drame historique : « Les héros de l’histoire, a dit M. 

477. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

Je ne me suis pas dit cela de prime abord ; j’ai commencé par admirer pleinement, naïvement, ceux que j’aimais surtout à contempler et à pénétrer, et qui se déployaient d’eux-mêmes sous mon regard ; ma curiosité se mêlait d’émotion à mesure que j’entrais plus avant dans chaque talent digne d’être étudié et connu.

478. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Alphonse (1840-1897) »

. — Les Bottines, Miserere de l’Amour, le Rouge-Gorge, Trois jours de vendanges, les Cerisiers, les Prunes, Dernière amoureuse, tous ces sourires de dessins si divers, tous ces cris où il y a du roucoulement et de la violence, évoquent une physionomie personnelle d’écrivain curieux de sentiments, épris de la musique des mots, habile à faire tenir une longue et complète vision dans une phrase brève, sensuelle, dont la raillerie confine sans cesse à l’émotion.

479. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Gustave Larroumet Je suis de ceux qui, en 1872, lurent avec émotion les Chants du soldat.

480. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

La jeunesse et l’émotion font les minutes les plus exquises de l’artiste.

481. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Tout à coup j’entendis, à très peu de distance du cap, les voix sonores et confuses de quelques hommes auxquels un danger donnait l’accent grave de l’émotion contenue, puis le bruit sec d’une rame ou d’un gouvernail qui se rompt et dont on jette le manche sur les planches sonores d’une embarcation en détresse. […] Dans leur mobilité, elles représentaient toutes les émotions, soit que la colère les fît pâlir, que le dédain les resserrât, que le triomphe les fît sourire, ou que la tendresse et l’amour les élevât en un arc gracieux. […] Il montait rarement à la tribune aux harangues, il craignait sa propre émotion ; elle était si forte qu’elle serrait ses lèvres et qu’elle étouffait sa voix. […] Sa voix d’adolescent avait la gravité et l’émotion des fibres fortes de l’âge mûr. […] Cette foule avait en général l’œil doux, la figure souffrante, le visage pâle, les lèvres tremblantes d’émotion.

482. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Nous héritons de l’ébranlement qui a suivi des émotions que nous n’avons pas ressenties. […] Que d’émotions poignantes, que d’aventures, que de lieux, que de visages nous avons oubliés ! […] Il y arrive à l’émotion vraie, à l’entière sincérité. […] Lavisse a écrit sur le « martyre de Frédéric III » des pages d’une émotion respectueuse. […] Alors, rempli d’émotion par cet admirable spectacle, le Père Étourneau s’écria : Non !

483. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

C’est tantôt une image heureuse qui résume une phrase entière ; tantôt une série de vers où vont s’alignant les oppositions symétriques ; ce sont deux mots ordinaires qu’un étrange accouplement met en relief ; c’est un rhythme imitatif qui complète l’impression de l’esprit par l’émotion des sens ; ce sont les comparaisons les plus élégantes, les épithètes les plus pittoresques ; c’est le style le plus serré et le plus orné. […] Elle se trouve impuissante quand il faut peindre ou mettre en scène une action, quand il s’agit de voir et de faire voir des passions vivantes, de grandes émotions vraies, des hommes de chair et de sang ; elle n’aboutit qu’à des épopées de collége comme la Henriade, à des odes et des tragédies glacées comme celles de Voltaire et de Jean-Baptiste Rousseau, comme celles d’Addison, de Thompson, de Johnson et du reste. […] Comme lui enfin, il altérait la sincérité de son émotion et la vérité de sa poésie par des fadeurs sentimentales, par des roucoulements de bergerades, et par une telle abondance d’épithètes, d’abstractions changées en personnes, d’invocations pompeuses et de tirades oratoires, qu’on y aperçoit d’avance le style décoratif et faux de Thomas, de David1132 et de la Révolution. […] Un vif sentiment du paysage écossais, si grand, si froid, si morne, la pluie sur la colline, le bouleau qui tremble au vent, la brume au ciel et le vague de l’âme, en sorte que chaque rêveur retrouvait là les émotions de ses promenades solitaires et de ses tristesses philosophiques ; des exploits et des générosités chevaleresques, des héros qui vont seuls combattre une armée, des vierges fidèles qui meurent sur la tombe de leur fiancé, un style passionné, coloré, qui affecte d’être abrupt, et qui pourtant est poli, capable de charmer un disciple de Rousseau par sa chaleur et son élégance : il y avait de quoi transporter les jeunes enthousiastes du temps, barbares civilisés, amateurs lettrés de la nature, qui rêvaient aux délices de la vie sauvage en secouant la poudre que le perruquier avait laissée sur leur habit. […] Il ne leur sert de rien d’être passionnés ou réalistes, d’oser décrire comme Shenstone, une maîtresse d’école et l’endroit sur lequel elle fouette un polisson : leur simplicité est voulue, leur naïveté archaïque, leur émotion compassée, leurs larmes académiques.

484. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Il faut dire que cette entrée, est précédée d’un petit quart d’heure, qui met une grande émotion chez les assistants à l’exécution. […] Jeudi 21 août Evans le dentiste racontait à une de mes parentes, que les femmes, dans l’émotion de leur visite chez lui, oubliaient les choses les plus invraisemblables, quelquefois des lettres compromettantes, — compromettantes comme tout — tombées de leurs poches. […] Diable, moi qui ne peux lire, chez moi, une page de ma prose à deux ou trois amis, sans un tremblement dans la voix, je l’avoue, je suis plein d’émotion, et crains que mon discours ne s’étrangle dans mon larynx, à la dixième phrase. […] * * * Eh bien, non, ça s’est passé mieux que je ne croyais, et ma voix s’est fait entendre jusqu’au bout, dans une bourrasque impétueuse qui me collait au corps ma fourrure, et me cassait sous le nez les pages de mon discours, — car l’orateur ici est un harangueur de plein air ; — mais mon émotion, au lieu de se faire aujourd’hui dans la gorge, m’était descendue dans les jambes, et j’ai éprouvé un trémolo qui m’a fait craindre de tomber, et m’a forcé à tout moment de changer de pied, comme appui. […] Samedi 29 novembre Ce soir, à dix heures, lecture chez Antoine de La Fille Élisa, qu’Ajalbert lit très bien, et qui met vraiment une grande émotion au cœur du monde, qui se trouve là.

485. (1891) Esquisses contemporaines

Les idées les plus abstraites ont eu le don de l’émouvoir et les pensées de son intelligence ont toutes été d’abord des émotions de son âme. […] Au mépris âpre, à l’amertume presque haineuse qu’avaient suscités les spectacles charnels, succédèrent des émotions plus douces. […] Lui qui n’avait connu ni son père ni sa mère, cette seule phrase de la sublime oraison lui causait une émotion inexprimable… » Enfin dans son dernier ouvrage, M.  […] Mais, d’un autre côté, comment ne pas demander de quel droit vous voulez assujettir l’ensemble des choses aux émotions de votre sensibilité ? […] Le spectacle de Scherer mourant n’est pas sans causer une émotion de pitié profonde ; mais il n’est pas sans justice.

486. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

comme on est à son aise dans ses émotions accoutumées ! […] C’est sans doute à la présence de ces députations que nous devons attribuer la première émotion de l’orateur. […] Les effets sont trop heurtés ; l’émotion est violente. […] savez-vous beaucoup de romans aussi riches en émotions ? […] Ne verrons-nous jamais se rencontrer sur le même terrain, sans haine et sans jalousie, l’amusement, l’émotion et la pensée ?

487. (1902) Le critique mort jeune

Voilà qui nous fait comprendre l’art qu’a eu Maurice Barrès de transformer toute émotion en mouvement de l’intelligence. […] Et comme Jules Soury, matérialiste célèbre et athéiste déclaré, il parle avec émotion et avec enthousiasme de l’« office des morts ».) […] Il donne de faux noms à ses émotions et il juge de la qualité objective des choses d’après ses émotions. […] Y a-t-il des émotions généreuses et superbes, là où il n’y a pas de lucidité ?  […] Sous ce beau prétexte, c’est Michelet lui-même qui se raconte, qui dit ses émotions, ses visions, ses rêveries, ses cauchemars.

488. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

L’âge barbare a établi sur le sol une race de Germains, flegmatique et sérieuse, capable d’émotions spiritualistes et de discipline morale. […] Comme chez le Flamand et l’Allemand, elles s’arrêtent d’abord dans la cervelle, elles s’y étalent, elles y déposent ; l’homme n’est point secoué, il n’a point de peine à demeurer immobile ; il n’est point entraîné ; il peut agir sagement, uniformément ; car son moteur intérieur est une idée ou une consigne, non une émotion ou un attrait. […] On n’imagine point, quand on ne l’a point vue, cette fraîcheur, cette innocence ; beaucoup d’entre elles sont des fleurs, des fleurs épanouies ; il n’y a qu’une rose matinale, avec son coloris fugitif et délicieux, avec ses pétales trempés de rosée, qui puisse en donner l’idée ; cela laisse bien loin la beauté du Midi et ses contours précis, stables, achevés, arrêtés dans un dessin définitif ; on sent ici la fragilité, la délicatesse et la continuelle poussée de la vie ; les yeux candides, bleus comme des pervenches, regardent sans songer qu’on les regarde ; au moindre mouvement de l’âme, le sang afflue aux joues, au col, jusqu’aux épaules, en ondées de pourpre ; vous voyez les émotions passer sur ces teints transparents comme les couleurs changer sur leurs prairies ; et cette pudeur virginale est si sincère, que vous êtes tenté de baisser les yeux par respect. […] Quoique Français et né dans une religion différente, je les écoutais avec une admiration et une émotion sincères.

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