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720. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

À cet égard notre amour-propre, qui souvent se contente de peu, nous fait juger notre esprit assez élevé, notre goût suffisamment délicat et nous entretient dans l’estime de nous-mêmes. […] Le théâtre représente le péristyle du palais de Thésée, entouré d’un portique à colonnes élevées. […] Élevée à ce degré, la mise en scène est un art qui n’a rien à envier à l’orchestrique des anciens, et la Comédie-Française est en cela égale, si ce n’est supérieure, aux théâtres d’Athènes. […] Au théâtre, l’artiste vise un but moins élevé ; il a mis l’idéal à sa portée. […] La musique est donc ici chargée de l’exposition dramatique et élevée au rang de confident.

721. (1927) Des romantiques à nous

Au cours des deux dernières années ont paru deux livres sur le romantisme : l’un, brillant, vibrant, élevé, subtil, de M.  […] Si, jadis, quand j’avais dix ans, mon professeur de latin ri eût déchiré sans pitié les messes et les opéras qu9il me surprenait à écrire, si je ri avais été élevé dans un milieu où l’on croyait que la musique ri est bonne qu’à faire danser et à permettre aux demoiselles de jouer du piano, je serais probablement devenu musicien de profession. […] Ainsi la théorie positiviste du beau dans les lettres et les arts est la plus conforme que je connaisse à l’idéal élevé, sévère et moral de M.  […] Enveloppée, écrasée d’un monde de lourds nuages, l’alouette intérieure n’ose plus percer jusqu’aux régions élevées et lumineuses où elle respire. […] Quand un maître s’est élevé dans un de ses ouvrages à une hauteur qui passe le reste, on observe autour de ce sommet dominant d’autres sommets qui en approchent, gradins par où il a gravi cette altitude.

722. (1888) Poètes et romanciers

Comme la gloire des armes était son rêve dans la vie active, l’art le plus pur, le plus élevé, voilà son rêve dans sa carrière d’écrivain. […] Peut-être est-ce une révélation pour quelques-uns de mes plus jeunes lecteurs, trop parfaitement désabusés de la poésie élevée et chaste. […] J’ai pour gages de cet espoir l’intérêt vif avec lequel je viens de relire ses principaux poèmes, la curiosité élevée, l’émotion grave qu’ils ont excitées en moi. […] Cet art, personne ne le possède à un degré plus élevé que Béranger. […] Une œuvre ne mérite de durer qu’à la condition de se fonder sur une idée élevée ou sur un intérêt sérieux.

723. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Jules Levallois, ce critique consciencieux et élevé, qui a de plus enrichi les volumes d’une Introduction d’une cinquantaine de pages, écrite d’un style ferme et pleine de vues étudiées et originales. […] Dans un ordre élevé, il a donné la vie, la vie de l’esprit ou du sentiment. […] Mme de Verdelin n’appartenait pas au monde philosophique ; elle avait des idées religieuses assez libres, assez élevées, sans étroitesse : ni philosophe, ni dévote, c’était sa devise. […] Mme de Verdelin était donc, malgré son titre et avec ses vingt mille livres de rente, de la classe moyenne élevée, mais moyenne véritablement.

724. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

À l’une des extrémités de ce terrain ils élevèrent trois monticules en forme de dôme, dont celui du milieu, plus élevé que les autres, devait servir de signe de reconnaissance au tombeau ; ils y plantèrent, en signe de vie renouvelée et éternelle, un arbre, l’arbre Kiai. […] Depuis plus de deux mille ans, les lettrés suivent constamment cet usage, et, comme il n’est pas possible que tous fassent annuellement le voyage de Kiu-fou-hien, pour la commodité de ceux qui sont répandus dans les différentes provinces de l’empire, on a élevé dans chaque ville un monument où ils vont faire les mêmes cérémonies qu’ils feraient à son tombeau, s’il leur était facile de s’y rendre. […] Je n’avais élevé Na-la-che au rang d’impératrice que parce que ce rang lui était dû préférablement à mes autres femmes ; ce n’est pas qu’elle fût plus belle ou que je l’aimasse plus que les autres. […] Dans la crainte qu’il n’en arrivât de même à toute autre, si je l’élevais au même rang, je n’en ai élevé aucune.

725. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

« La cloche que nous formons à l’aide du feu dans le sein de la terre attestera notre travail au sommet de la tour élevée. […] Élevée au-dessus de la vie terrestre, elle planera sous la voûte du ciel azuré. […] Son petit appartement était au rez-de-chaussée, donnant sur le jardin ; un peuplier blanc était devant sa fenêtre ; je grimpais dessus en lui faisant la lecture ; à chaque chapitre je montais sur une branche plus élevée. […] Sa taille était élevée et pour ainsi dire trop coulante pour l’appeler élancée.

726. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Elle les trouve chez eux : l’une est assise auprès du foyer avec les femmes qui la servent, filant sur sa quenouille une laine teinte de la pourpre des mers ; elle rencontre l’autre comme il sortait pour se rendre avec ses chefs illustres au conseil où les nobles Phéaciens l’appelaient ; elle s’arrête tout près de son père bien-aimé, et lui dit : « “Père chéri, n’allez-vous pas me préparer un char élevé, aux fortes roues, afin que je porte vers le fleuve, pour les laver, les précieux vêtements que j’ai là tout malpropres ? […] Va, et mes serviteurs te prépareront un char élevé, aux fortes roues, et à la caisse large et solide. ne te refuse ni des mules, ni rien autre chose.” […] Mais quand nous serons près de la ville qu’entourent un mur élevé et, des deux côtés, un beau port, l’entrée devient étroite. […] On devine aisément que les loyers n’y sont pas à grands prix ; mais ce qu’on ne devine pas, c’est qu’au fond de ces allées et de ces cours qui semblent aboutir à des cloaques, s’étendent, sur le derrière de ces maisons, des espaces inconnus, enceints de murs peu élevés, ou des maisons proprettes, toutes semblables à des villages rustiques, dont les petits jardinets palissadés et les fenêtres tapissées de cordes étalent au soleil le linge blanc des ménages pour le sécher au vent.

727. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

D’autre part, la prose peut être poétique ; de Rousseau à Chateaubriand et aux romanciers modernes, il s’est produit en France de nombreux écrits qui ont pour caractère particulier d’exprimer, en une parole librement cadencée, le genre d’émotions élevées et vagues que suggèrent les beaux vers. […] Herbert Spencer est admise, si l’art procède par évolution du jeu — nous ne lui concevons pas d’autre origine, — si l’artiste doit être considéré comme l’inventeur d’objets ou d’idées propres à exercer certaines activités spirituelles élevées, comme une poupée sert aux petites filles à jouer la maternité, il est clair que la doctrine de Poe est en progrès vers le vrai. […] Réduits en termes précis, tous ces adjectifs heureux, pur, noble, élevé, plaisant, fort et doux, signifient que l’art idéaliste classique sait donner de la nature, du dehors et du dedans de l’homme une image où se trouvent réunis les traits corporels ou moraux qu’il est bon que l’homme possède pour son bonheur et pour le bien de sa race13. […] Il se trouve donc amené à recourir de préférence dans ses œuvres les plus élevées au spectacle de l’affliction, à vouloir susciter des émotions tragiques, douloureuses, angoissantes, afin de faire passer ses lecteurs, — idéalement, — par la secousse d’une catastrophe familiale, de la perte d’une personne chère, d’une atroce rupture.

728. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Nous l’avons longtemps confondu, dans notre ignorance, avec ces orateurs et avec ces écrivains ecclésiastiques des siècles barbares, qu’on a, selon nous, élevés bien au-dessus de leur stature, dans ces derniers temps, en les comparant aux poètes, aux orateurs, aux historiens, aux philosophes d’Athènes et de Rome. […] Élevé dans la familiarité de la noble famille des Portinari, amie de la sienne, il couva, dès l’âge de onze ans, une sorte de pressentiment amoureux pour une jeune fille de cette maison, nommée Béatrice. […] Élevé bientôt après aux premières magistratures de la république, assailli d’un côté par les blancs, de l’autre par les noirs, dénomination de deux partis dans Florence, il résiste aux uns, aux autres, et les fait énergiquement exiler hors de la Toscane. […] Au moment de commencer sa carrière de gloire, le héros est ravi en songe en un lieu élevé du ciel, où son aïeul l’Africain, lui découvrant les honneurs, les périls et les devoirs qui l’attendent, le prépare à cette destinée par le spectacle de l’économie divine qui soutient l’univers, police les sociétés et dispose souverainement des hommes.

729. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

 » Un sentiment élevé et délicat s’y mêlait, ce charme intérieur attaché à l’étude toute désintéressée des lettres et dont nul n’a joui plus que lui. […] Un poème de l’ordre didactique le plus élevé, L’Astronomie, occupa ses derniers loisirs104 : il l’entreprit sur le conseil même de l’illustre Laplace, et s’appliqua à confier au rythme ami de la mémoire les principales vérités de la mécanique céleste, et même l’histoire de la science et des divers systèmes en vogue avant que l’explication newtonienne eût fixé le centre du monde.

730. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Un jour il apprend que le duc de Bourgogne, parlant moins en prince et en fils de roi qu’en pénitent et en homme qui sort de son oratoire, a dit que ce que la France souffrait alors, en 1710 (et elle souffrait, en effet, d’horribles maux), venait de Dieu qui voulait nous faire expier nos fautes passées : « Si ce prince a parlé ainsi, écrit Fénelon au duc de Chevreuse, il n’a pas assez ménagé la réputation du roi : on est blessé d’une dévotion qui se tourne à critiquer son grand-père. » Dans tout ceci, je n’ai d’autre dessein que de rappeler quelques traits de la piété noble, élevée, généreuse, à la fois sociable et royale de Fénelon, sans prétendre en tirer (ce qui serait cruel et presque impie à son égard) aucune conséquence contre l’avenir de son élève chéri, contre cet avenir qu’il n’a point été donné aux hommes de connaître et de voir se développer. […] Ce fut alors une inspiration générale, un souffle naturel qui se répandait dans toute une classe d’esprits élevés, ou simplement humains, sensés et doux.

731. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Quand tout bas elle soupire, N’en soyez pas interdit : Écoutez ce qu’on veut dire, Et non pas ce que l’on dit… Il y a ainsi de Maucroix en sa jeunesse quantité de couplets, épigrammes, madrigaux, épîtres familières, desquels il aurait pu dire comme Pline le Jeune envoyant à un ami ses hendécasyllabes : « Ce sont de petits vers dans lesquels tour à tour je raille, je badine, je suis amoureux, je me plains, je soupire, je me fâche. » Il aurait eu grand besoin, comme Pline, de demander pardon des légèretés et des endroits libres, en se couvrant des illustres exemples d’hommes réputés graves dont les mœurs, dit-on, valaient mieux que les paroles ; mais il n’aurait pu ajouter, comme le docte et ingénieux Romain, qu’il avait été, dans sa manière, tantôt plus serré, tantôt plus élevé et plus étendu (modo pressius, modo elatius) : Maucroix n’est jamais ni resserré ni élevé ; il a du naturel et une certaine douceur de rêverie, il n’a pas de force ni de travail.

732. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Cela paraissait tout simple et au roi et aux courtisans, et à Dangeau qui enregistre ces succès avec une parfaite bonne foi, de telle sorte que lorsqu’il écrit dans son journal, à la date du 19 octobre de cette année 1685 : « Outre la cassation de l’Édit de Nantes de 1598, on casse l’édit de Nîmes de 1629, et tous les édits et déclarations donnés en faveur de ceux de la religion prétendue réformée ; ordre à tous les ministres de sortir du royaume dans quinze jours ; les enfants qui naîtront seront baptisés et élevés dans la religion catholique, etc., etc. » ; et que lorsqu’à la date du 22, il ajoute : « Ce jour-là on enregistra dans tout le royaume la cassation de l’Édit de Nantes, et l’on commença à raser tous les temples qui restaient » ; en prenant note de ces actes considérables, il semble ne faire que constater un fait accompli et que rendre compte d’une formalité dernière. […] On fait revenir les enfants à Paris, et ils seront élevés dans notre religion. » — « Samedi 26. — Le roi monta en calèche au sortir de la messe, et alla avec les dames voir voler ses oiseaux. » Ce vol des oiseaux, disons-le en passant, était une grande affaire et un des plaisirs ordinaires du roi.

733. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Pour nous, qui nous contentons de sentir sa force, son mérite, mérite toujours contrarié et traversé de certaines ombres, il nous attire surtout à titre d’écrivain, et nous voudrions par ce côté nous en rendre compte à nous-même en présence de nos lecteurs, sans rien ajouter à l’idée, fort élevée d’ailleurs, qu’on se doit faire de lui, et sans rien exagérer. […] Il était de fière et forte race, descendant des anciens ducs et rois de Bretagne, allié et apparenté aux principales maisons souveraines : « Je me contenterai, écrit à ce sujet un de ses anciens biographes, de dire seulement une chose assez belle et assez particulière, c’est qu’en quelque lieu de l’Europe qu’il allât, il se trouvait parent de ceux qui y régnaient. » On sait le mot de sa sœur répondant à une déclaration galante de Henri IV : « Je suis trop pauvre pour être votre femme, et de trop bonne maison pour être votre maîtresse. » Né au château de Blein en Bretagne en 1579, Henri de Rohan, l’aîné de sa famille, fut donc élevé avec de grands soins par sa mère veuve, Catherine de Parthenay, qui mit de bonne heure sur lui son orgueil et ses espérances.

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