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186. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Les églises paroissiales, où se fait le culte du dimanche, ne diffèrent pas essentiellement de celles des autres pays. […] Le mener à l’église de tout le monde eût été chose peu sûre. […] On comprit ; on enterra le saint et on bâtit son église en ce lieu. […] Le matin, on le trouvait dans les églises en bras de chemise, suant sang et eau. […] À l’église, il se formait des groupes de jeunes gens pour la voir prier.

187. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Son père était notaire apostolique, procureur fiscal du comté, scribe en cour d’église, secrétaire de l’évêque, quelque chose comme moitié robin moitié clerc, moitié de basoche et moitié d’église. […] Il ne faut pas, il ne faudrait pas d’Église. […] Il supprime donc l’Église catholique ; mais aussi il va à supprimer toute église. […] Il faut rester attaché à son église, et ne jamais faire sécession. […] Une église, un consistoire ?

188. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Pour l’abbé Cadoret, César, c’est le nom donné par Jésus-Christ et par l’Église au pouvoir temporel, sous cette grande forme monarchique qui lui est propre, toute autre forme politique n’étant jamais qu’une dégradation ou un affaiblissement du pouvoir ; et c’est ce pouvoir temporel, dans sa généralité la plus haute et quels que soient ses instruments ou ses manifestations sur la terre, que Cadoret s’est donné la mission de défendre contre ses plus dangereux ennemis. […] Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.

189. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

II Un soir d’automne de l’année 1812 je visitais pour la première fois Rome, ville presque déserte alors par l’enlèvement du pape et par la dispersion des pontifes de l’Église romaine, que Napoléon avait emprisonnés à Savone. […] Je me disais qu’il faisait bon là, comme l’apôtre ; j’aimais cette avenue de solitude et de misère par laquelle j’y étais monté, cet escarpement qui le séparait de la foule, cet horizon qui portait la pensée au-delà des siècles, ce silence, ces portes fermées, ce mystère, cet arbre isolé, ce seuil d’église, ce monastère vide, ces dalles polies sous le portique par les pas, par les genoux et peut-être par les larmes des voyageurs tels que moi, cherchant sur les hauts lieux l’entretien avec leurs pensées et les inspirations de la solitude. […] » car j’avais lu les belles pages de Chateaubriand sur le couvent et l’oranger de Saint-Onufrio. « Oui », me dit négligemment le frère, et il m’ouvrit sans autre entretien la porte extérieure de la chapelle, et, me montrant du geste une tablette de marbre incrustée dans le pavé de l’église, j’y tombai à genoux, et j’y lus l’inscription célèbre par sa simplicité, que le marquis Manso, l’ami du poète, obtint la permission de faire graver sur la pierre nue qui couvrait le cercueil de son ami. […] Il me souvient en effet d’avoir dit autrefois qu’il n’était pas un peintre aussi fécond, aussi varié, aussi animé que l’Arioste, et c’était à propos de Joconde ; j’avoue mon hérésie au plus aimable prêtre de notre Église. […] Un second départ du cardinal d’Este pour la France, où il possédait d’immenses terres de l’Église appelées bénéfices, interrompit encore cette félicité.

190. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Sa première église a parlé, prié, chanté dans ces plaines et sur ces sommets consacrés. […] Douze cents pieds d’espace ouvrent à l’œil la vue nécessaire pour embrasser la masse et la beauté de l’église. […] Vient ensuite une place à peu près carrée, et qui finit à la façade de l’église. […] L’église de San-Carlo alle Quattro Fontane occupe exactement l’espace d’un de ces piliers et ne paraît pas petite. […] La croix qui couronne l’église est haute de treize pieds.

191. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

L’Église et la presse ont tué l’école. Maintenant que l’Église n’est plus rien pour le peuple, qui la remplacera ? […] Nous autres, qui avons l’art, la science, la philosophie, nous n’avons plus besoin de l’église. […] J’ai été formé par l’Église, je lui dois ce que je suis, et ne l’oublierai jamais. L’Église m’a séparé du profane, et je l’en remercie.

192. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

C’est la glorification muette de l’Église… À travers les mille hérésies qui, au siècle de Marc-Aurèle, s’élevèrent comme des millions d’atomes dans un rayon de soleil, l’auteur de la Vie de Jésus a très bien discerné et démêlé la formation intime, le développement et l’organisation complète d’une Église orthodoxe, impénétrable aux hérésies, qui les combat et qui les gouverne quand elle en a triomphé. […] Ni les miracles des martyrs que l’esprit moderne cherche à expliquer, mais avec prudence, ni l’état exalté et violent des esprits au moment où des hérésies comme celles de Montanus et de Marcion enflammaient l’atmosphère autour de tout ce qui était chrétien, ne balancent ce fait inouï, qui réalise, dès le commencement du Christianisme, la parole de Jésus-Christ à son Église, sous la plume même de l’auteur de la Vie de Jésus, du négateur avoué du surnaturalisme dans l’Histoire ! L’Église aurait donc, pour M. Renan, vaincu Jésus-Christ, si Jésus-Christ ne faisait pas un avec son église. […] De même qu’il n’a pas conclu, du fait aperçu de l’Église, à la nécessité du surnaturalisme dans l’Histoire, de même il n’a pas conclu contre son Marc-Aurèle de l’état surnaturellement religieux d’une époque à laquelle il est impossible de rien comprendre sans ce surnaturalisme, lequel, dans les grandes choses humaines, revient sur vous comme une mer, quand on croyait ravoir chassé !

193. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Rappelez-vous, si vous le pouvez, les articles de madame Sand (qui n’est pas, il est vrai, plus matérialiste qu’autre chose), et ceux de plusieurs autres phrasiers philosophiques comme elle, sur l’extrême convenance qu’il y aurait maintenant à brûler les morts au lieu de les enterrer ; pauvres articles, du reste, qui n’étaient, après tout, que de l’archéologie païenne et de l’impertinence contre l’Église ! Avec le docteur Favrot, on allait avoir bien autre chose que des malices de grosse femme… pas méchante, qui veut faire des niches à l’Église Romaine et du bas bleuisme d’antiquité. […] Il nous y a rapporté, avec un grand détail d’érudition, ces coutumes de tous les peuples en matière de sépulture qui, jusqu’à l’établissement de l’Église Romaine, laquelle sut seule doser exactement le respect qu’on doit à nos poussières, ne furent guères que des superstitions idolâtres, grossières et quelquefois sanglantes.

194. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

« Les églises de France ont besoin de saints », disait quelqu’un à la veille de la guerre… Ils naissent chaque jour des champs de bataille et voici leur liste affichée sous le porche. Ces saints de la France appartiennent à toutes les croyances, et la vieille église du village, mère des générations, cœur des cœurs, les accueille tous avec une égale tendresse, car, dit-elle aux incroyants, vous êtes mes fils endormis. […] Ensuite, un officier catholique, parent du sous-officier protestant, prit la parole au bord de la fosse et exprima sa reconnaissance d’avoir entendu les représentants des deux églises chrétiennes symphoniser ainsi… »‌ Ah !

195. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Le roi est responsable envers la vérité, et l’Église a le dépôt de la vérité. Voilà donc le roi esclave de l’Église ! […] C’est L’Église qui offre cette communion au monde. […] En logique, c’est possible ; mais l’Église gallicane, avant tout, est un état d’esprit ; c’est le sentiment que, tout en étant de l’Église catholique, on est Français. […] L’Église gallicane est pour lui le germe de la constitution civile du clergé.

196. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

C’est pourquoi les romanciers et les auteurs dramatiques se sont jetés avec avidité sur ce sujet attendrissant, et en quelques années ils ont prodigué les fictions82 où ils se sont faits les porte-parole de l’Église catholique, des esprits conservateurs ou des cœurs tendres contre la dissolution légale de la famille. […] Et le philosophe de s’écrier : « Messieurs, parlons de l’éléphant ; c’est la seule bête un peu considérable dont il soit permis de parler. » L’histoire du xviiie  siècle est pleine d’écrivains arrêtés ou exilés, d’ouvrages mis au pilon, lacérés, brûlés par la main du bourreau : l’Eglise et l’Etat, la Sorbonne et les Parlements collaboraient il cet étouffement. […] Si l’on essayait de déterminer dans quel ordre s’est opéré l’affranchissement des diverses matières qui peuvent faire l’objet des livres, on verrait que la littérature pure, celle qui borne ses visées à plaire et à divertir, qui par conséquent ne heurte aucun intérêt grave et ne peut guère commettre d’autre méfait que d’ennuyer, a la première, comme il est naturel, obtenu sa place au soleil ; que la science, grande redresseuse de préjugés et par là suspecte, mais protégée contre les défiances du pouvoir par sa sereine impassibilité comme par les formules mystérieuses dont elle est d’abord enveloppée, a eu déjà plus de peine à se dérober au contrôle des gouvernants excités contre elle par l’Eglise ; que les écrits philosophiques et religieux ou antireligieux, malgré de nombreux retours offensifs de la même Eglise, ont su ensuite se libérer de la surveillance officielle ; enfin que l’histoire, les mémoires, et surtout les ouvrages traitant de questions politiques et sociales, exprimant de la sorte des idées pouvant du jour au lendemain se transformer en actes et troubler l’ordre établi, ont été les derniers à conquérir la faculté de paraître sans encombre. […] Sous Napoléon III, plagiaire de son oncle, elle ne put durant dix ans retentir qu’à l’Institut ou dans les églises où elle ne risque pas de soulever des orages de passion ; puis elle commença à reparaître dans les assemblées délibérantes, dans des conférences dûment autorisées, dans des réunions publiques strictement surveillées.

197. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Attaché dès sa première jeunesse et sur la fin de la Fronde au prince de Conti, qui se destinait alors à l’Église, il avait été des plus influents dans cette petite cour, s’était rendu l’un des plus utiles agents de la paix de Bordeaux, et avait par là mérité la reconnaissance ou du moins l’estime du cardinal Mazarin, laquelle n’avait pas dû diminuer quand il eut procuré le mariage d’une nièce du cardinal avec le prince. […] Il fut destiné à être d’Église. […] Le duc de Bouillon, cet aîné de Turenne, et à qui Cosnac avait, comme on disait, l’honneur d’appartenir par quelque alliance, l’en dissuada, et lui conseilla de s’attacher au prince de Conti, qui pensait alors à être d’Église et cardinal, « comme étant le seul prince ecclésiastique qui pût faire la fortune d’un abbé de qualité ». […] Ce mariage se célébra dans l’église de Saint-Jean-de-Luz, et, selon l’usage, on avait préparé des sièges pour les ambassadeurs du côté de l’Évangile, et du côté de l’Épître pour les évêques. Mais les ducs et maréchaux de France prétendaient aussi avoir un banc dans l’église pendant la cérémonie, et ils menaçaient même de s’emparer de celui des évêques si on ne leur en donnait un ; en définitive, les maréchaux l’emportèrent.

198. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

L’école n’étant pas l’annexe de l’église est la rivale de l’église. […] En réalité, l’église et l’école sont également nécessaires ; une nation ne peut pas plus se passer de l’une que de l’autre ; quand l’église et l’école se contrarient, tout va mal. […] Le moyen âge avait créé deux maîtrises de la vie de l’esprit, l’Église, l’Université ; les pays protestants ont gardé ces deux cadres ; ils ont crée la liberté dans l’Église, la liberté dans l’Université, si bien que ces pays peuvent avoir à la fois des Églises établies, un enseignement officiel, et une pleine liberté de conscience et d’enseignement. […] Que l’Église admette deux catégories de croyants, ceux qui sont pour la lettre et ceux qui s’en tiennent à l’esprit. […] Il est clair que notre principe théorique ne peut plus être que la séparation de l’Église et de l’État ; mais la pratique ne saurait être la théorie.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Sous l’empire de ces idées de bon sens, il se fit peu à peu, dans l’esprit exclusif de ses concitoyens, un assez grand changement pour qu’après lui, en 1738, on pût voir, dans la cité calviniste par excellence, s’élever une église, — non pas catholique (ne demandons pas l’impossible) —, mais une église luthérienne. […] [NdA] On peut lire pourtant encore une Lettre à une dame de Dijon touchant les dogmes de l’Église romaine, où il y a bien des choses justes et fines : comme on oppose toujours aux protestants l’Exposition de la foi catholique, par Bossuet, Abauzit fait très bien remarquer que ce livre si vanté, auquel on renvoie toujours et qui fut publié dans des circonstances et dans des vues qu’on n’ignore pas, « est moins une exposition qu’un adoucissement de la foi catholique », que l’on s’efforce de rapprocher de la protestante : « Ainsi le livre de M. de Meaux ne nous regarde pas, mais il est excellent pour son Église qui devrait en profiter ; et ce n’est pas tant une apologie dans les formes que des excuses qu’il nous fait.

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