Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie. […] Ce serait peut-être à moi à décider lequel est le plus triste d’être sourd ou aveugle, ou de ne point digérer : je puis juger de ces trois états avec connaissance de cause ; mais il y a longtemps que je n’ose décider sur les bagatelles, à plus forte raison sur des choses si importantes.
Saint-Évremond a beau écrire à Ninon : « La nature commencera par vous à faire voir qu’il est possible de ne vieillir pas » ; il a beau lui dire : « Vous êtes de tous les pays, aussi estimée à Londres qu’à Paris ; vous êtes de tous les temps, et quand je vous allègue pour faire honneur au mien, les jeunes gens vous nomment aussitôt pour donner l’avantage au leur : vous voilà maîtresse du présent et du passé… » ; malgré toutes ces belles paroles, Ninon vieillit, elle a ses tristesses, et sa manière même de les écarter peut sembler plus triste que tout : Vous disiez autrefois, écrit-elle à son ami, que je ne mourrais que de réflexions : je tâche à n’en plus faire et à oublier le lendemain le jour que je vis aujourd’hui. […] L’esprit a de grands avantages sur le corps : cependant ce corps fournit souvent de petits goûts qui se réitèrent, et qui soulagent l’âme de ses tristes réflexions.
Seulement les enfants, qui de rien n’ont pitié, qui rient de tout ce qui est, triste, lui criaient : « Marthe, un soldat ! […] Marthe a les yeux sur eux, triste comme une morte ; et même le prêtre, et même l’escorte, tout frémit, tout est muet ; eux deux s’avancent davantage… Les voici à vingt pas, souriants, hors d’haleine.
Mon cher Algarotti, je suis fait pour les tristes événements. […] On lit à la suite de la correspondance tous ces détails affectueux et même pieux, tristes pourtant en ce qu’on sent qu’à mesure que le temps marche et que le souvenir s’éloigne, le philosophe et le roi, tout en faisant son devoir, n’y mêle plus rien de la flamme première.
Cette maison, — qu’il est temps de réhabiliter un peu et de consoler, car qui sait si, dans son isolement, elle n’est pas triste de ce que nous venons d’en dire ? […] § V Tel était le théâtre vers 1580, à Londres, sous « la grande reine » ; il n’était pas beaucoup moins misérable, un siècle plus tard, à Paris, sous « le grand roi » ; et Molière, à son début, dut, comme Shakespeare, faire ménage avec d’assez tristes salles.
Pour moi, je l’en loue de tout mon cœur, car vraiment n’était-ce pas une chose triste de voir, comme on l’a vu il y a trente ans, un grand pays se dépouiller de gaieté de cœur de toutes ses admirations et de toutes ses gloires, et les sacrifier à des dieux étrangers ? […] Nisard ici cite Saint-Simon : « Saint-Germain, dit celui-ci, offrait à Louis XIV une ville toute faite ; il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, parce que tout y est sable mouvant et marécage ; il se plut à y tyranniser la nature et à la dompter à force d’artet de trésors.
Renan est d’une grande tristesse ; il est triste comme un impuissant ! […] Vains et tristes tissages !
On se rappelle à Paris la malencontreuse journée où il essaya de répondre à Lamartine au moment de la grande défection de celui-ci : c’était, nous assuraient les témoins, un singulier et triste spectacle que, dans une situation où pourtant il y avait, rien qu’avec du bon sens, tant et de si bonnes choses à dire, de voir un orateur aussi habile, une langue aussi dorée et aussi fine que l’est Villemain, balbutier, chercher ses mots et ses raisons ; on aurait cru qu’il n’osait frapper par un reste de respect pour le génie littéraire ; que l’ombre de ce génie, un je ne sais quoi, le fantôme d’Elvire debout aux côtés du poëte et invisible pour d’autres que pour l’adversaire, fascinait son œil et enchaînait son bras.
Comme toutes les âmes faibles et tristes, il avait le continuel besoin d’un confident.
Ceci est triste, si l’on veut, mais ceci est véritable ; dans les grandes convulsions sociales, l’homme est jeté hors de lui par sa passion dominante ; par elle, tout équilibre entre ses motifs est rompu, et sa liberté morale presque annulée.
Une poignée d’hommes médiocres ou usés, libéraux à ce qu’on dit, mais obéissant à un triste esprit de rancune littéraire ou philosophique, et s’accordant fort bien dans leurs petites haines avec leurs adversaires religieux et politiques, seraient à la veille de laisser encore une fois le génie sur le seuil, pour s’attacher à je ne sais quel candidat bénin et banal qui fait des visites depuis quinze ans18.
Une entreprise comme la sienne devient respectable par ses dangers mêmes : elle est toujours intéressante et utile, quel qu’en soit le succès, et il est triste qu’au lieu d’en faire sortir une controverse instructive, on n’y ait trouvé, en général, qu’un prétexte de misérable taquinerie.
La douleur de la destruction se fait sentir avec toute la force de l’existence ; c’est assister soi-même à ses funérailles ; et, violemment attaché à ce triste et long spectacle, renouveler le supplice de Mézance, lier ensemble la mort et la vie.
Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates.
Quelle mâle gaité, si triste et si profonde, Que lorsqu’on vient d’en rire, on devait en pleurer.
Dans le monde, il obtint la triste réputation d’insensible et d’insouciant ; et dans la solitude, son imagination inquiète lui créait des tourments d’autant plus affreux qu’il n’aurait voulu en confier le secret à personne. » Le croirons-nous ?
Il rêve et murmure à mi-voix : Dieu n’était pas : il est tout près d’être… Mais, qui sait si la vérité n’est pas triste ?
Mais le sort de la pauvre Gaussin est plus triste encore.
Le plus triste, c’est que cette opinion des béotiens n’est pas sans avoir déteint sur la génération nouvelle.
Et le triste de l’affaire, c’est qu’on est beaucoup plus intolérant pour défendre les opinions que l’on a héritées ou que l’on accepte comme le mot d’ordre d’un parti que pour soutenir celles qu’on a essayé de se faire tout seul : car alors on sait par expérience ce qui s’y mêle d’incertitude… Ah !
L’impression profondément triste que produit l’entrée dans une bibliothèque vient en grande partie de la pensée que les neuf dixièmes des livres qui sont là entassés ont porté à faux, et, soit par la faute de l’auteur, soit par celle des circonstances, n’ont eu et n’auront jamais aucune action directe sur la marche de l’humanité.
Nous ne lui refuserons cependant pas, comme tant d’autres, de l’esprit, des connoissances, & même un certain talent ; mais nous remarquerons que, par une triste fatalité, ces trois qualités littéraires ne s’annoncent dans lui, qu’avec un défaut de consistance & de maintien, si l’on peut se servir de ce terme, qui leur ôte tout le prix.
Le libertinage dérobe chaque jour des Citoyens à l’Etat : sa main recueille les tristes créatures qui lui échappent, & les conserve par ses secours.
C’est une détermination prise… je n’y puis rien. » Un peu touché toutefois par nos tristes figures, il ajoute : « Que Lireux vous lise et fasse son rapport, je vous ferai jouer si je puis obtenir une lecture de faveur. » Il n’est encore que quatre heures.
Elles imaginèrent de représenter, dans cette apologie, une dame, le chief des dames, l’advocate de toutes les loyales dames du monde ; d’abord triste, abattue, ensévelie dans une douleur profonde ; ne cherchant que la retraite & les bois ; confuse de tout le mal qu’on a dit de son sexe : mais bientôt passant de cet état d’accablement à celui de la fureur & des menaces.
Pour le voir devenir triste & rêveur, il suffisoit qu’il se trouvât en présence de Montmaur.
« Si le besoin d’argent fait travailler pour vivre, il me semble que le triste spectacle du talent aux prises avec la faim doit tirer des larmes des yeux les plus secs.
Les descriptions d’Homère sont longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort, ou sublime.
Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde ; les autres les méprisent, et en sont méprisés. » Nous ne pouvons nous empêcher de faire ici un triste retour sur nous-même.
vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes.
Qui qu’il en soit, la maxime que cette Société a osé donner comme un conseil, ou plutôt comme un précepte, et qu’elle a même prise dans tous les temps pour règle de sa conduite, est le résultat d’une affreuse et triste vérité, dont l’expérience journalière, et particulièrement la mauvaise opinion que beaucoup de gens ont encore de Sénèque, sont malheureusement une preuve sans réplique.
Des gladiateurs Cette émotion naturelle qui s’excite en nous machinalement, quand nous voïons nos semblables dans le danger ou dans le malheur, n’a d’autre attrait que celui d’être une passion dont les mouvemens remuënt l’ame et la tiennent occupée ; cependant cette émotion a des charmes capables de la faire rechercher malgré les idées tristes et importunes qui l’accompagnent et qui la suivent.
Le stoïcisme, le calvinisme, un certain catholicisme janséniste, sont contraires et mortels au sentiment de la nature ; l’épicuréisme, qui ne veut que les surfaces et la fleur ; le panthéisme, qui adore le fond ; le déisme, qui ne croit pas à la chute ni à la corruption de la matière, et qui ne voit qu’un magnifique théâtre, éclairé par un bienfaisant soleil ; un catholicisme non triste et farouche, mais confiant, plein d’allégresse, et accordant au bien la plus grande part en toutes choses depuis la Rédemption, le catholicisme des saint Basile, des saint François d’Assise, des saint François de Sales, des Fénelon ; un protestantisme et un luthéranisme modérés, que les idées de malédiction sur le monde ne préoccupent pas trop ; ce sont là des doctrines toutes, à certain degré, favorables au sentiment profond et aimable qu’inspire la nature, et aux tableaux qu’on en peut faire. […] Cela serait triste à penser ; un tel désaccord entre le caractère et le talent, entre la vie pratique et les œuvres, concevable après tout dans des hommes de génie plus ou moins ironiques ou égoïstes, ne se peut admettre aisément chez celui dont le talent a pour inspiration et pour devise principale l’amour des hommes, la miséricorde envers les malheureux, toutes les vertus du cœur et de la famille. […] Il ne se crut pas en meilleure veine plus tard dans la société de madame Necker, qu’il fréquenta quelque temps ; et le triste succès, si souvent raconté, de la lecture de Paul et Virginie dans ce cercle, était bien fait pour le décourager.
Des dieux auxquels on a cessé de croire, des héros dont les exploits et les amours sont des fables, des mœurs dont les descriptions nous semblent des inventions étranges du poète au lieu du portrait ressemblant de la civilisation que nous avons sous les yeux, tout cela intéresse peu le vulgaire des lecteurs ; le savant seul s’y plaît, mais la foule se détourne et court aux légendes et aux complaintes des chanteurs de rues ; de là un triste abaissement du niveau de l’imagination du peuple. […] Ainsi nous restions l’un en face de l’autre tristes et pensifs, car le mur qui séparait notre cour de la vôtre était tombé. […] « Des exclamations un peu légères du père sur la beauté séduisante de l’étrangère amenée par son fils blessent le pudique orgueil de la jeune fille ; ne sachant pas le sens que le père donne à ses paroles, et croyant qu’on offense ainsi en elle la domesticité chaste à laquelle elle se croit encore destinée, elle se tient immobile et triste ; une rougeur subite colore son cou et son visage ; elle reproche doucement au vieillard de n’avoir pas assez de pitié envers celle qui franchit le seuil de la porte d’une maison étrangère pour y servir.
C’est le droit et l’instinct de tout le monde de suspecter les hommes suspects et de ne pas se lier avec les vagabonds de mauvaise renommée ; c’est triste, mais c’est fatal. […] Cette peinture évangélique de l’âme de l’évêque, âme chrétienne parce qu’elle est populaire, et populaire parce qu’elle est chrétienne, mon ami, est ce qu’on appelle un tableau de genre suspendu dans un vestibule pour prédisposer, par une bonne impression, les yeux, l’esprit, le cœur des lecteurs aux sentiments religieux et doux, qui sont l’édification de ce triste monde. […] XV Quoi qu’il en soit, les Misérables de Victor Hugo sont sortis, comme un coup de foudre contre la société mal faite, de cette préméditation de vingt ans, faisant maudire et haïr, au lieu d’en sortir comme une commisération secourable, faisant pleurer, plaindre et bénir, ainsi que j’avais de mon côté conçu mon triste sujet.
… Substance universelle ou Raison souveraine, Vaste inconnue où tient mon sort, qui que tu sois, Force qui m’auras fait naître et mourir, — reçois Dans l’humble vérité de cette heure sereine, Reçois en mon esprit, silencieux autel Où tremble ta lueur auguste qui dévie, Au mystère où bientôt aboutira ma vie Le consentement grave et tendre d’un mortel… … Rien ne pourra remplir cette âme aride et triste ! […] Et voici qu’en buvant, le soir, nos vins vermeils Nous croirons retrouver les beaux, les vieux soleils Qui luisaient aux coteaux ardents de la jeunesse… — Et nous nous sentirons envahis d’une ivresse Triste et joyeuse au souvenir des vieux soleils ! […] Ses strophes sont des frises de vases où jouent des bergers tendres et tristes, vivants et rêveurs, rieurs et sérieux.
Triste plaidoyer en faveur d’un prince et d’un chef de parti ! […] C’est bien triste à avouer, mais on est en général disposé à croire qu’elle ne s’attaque qu’à ceux qu’on lui a livrés. […] il faut bien, au risque d’aller sur les brisées des journaux judiciaires, constater quelles ont été les tristes distractions de la société parisienne. […] Je ne sais, mais cette idée d’une satire privilégiée, d’une raillerie brevetée, avec garantie du gouvernement, me semble profondément triste. […] Tristes échanges de personnalités où la dignité des lettres est singulièrement compromise !
Ce sont de tristes héros, cela va sans dire. […] Il suffit de ne pas s’abuser sur la nature de cette émotion et d’y voir ce qu’elle est réellement : une forme de l’énervement, un cas de sensualité triste. […] Voici de vers tirés du recueil intitulé Amour : Que soient suivis des pas d’un but à la dérive Hier encor, vos pas eux-mêmes tristes, ô Si tristes, mais que si bien tristes ! […] Cela ne veut rien dire et tout de même remue au fond de nous on ne sait quoi de triste et de tendre. […] triste, triste était mon âme ce soir-là.
Certes, il est triste et périlleux de s’attirer ainsi l’animosité d’un illustre écrivain. […] Paul-Louis Courier, sans qu’on prenne la peine de nous expliquer pourquoi, attrape au passage l’épithète de « triste sire ». […] C’est pour cela qu’elle sourit aux hommes et que son sourire est parfois si triste. » Il y a beaucoup de vers, hélas ! […] Mais hâtons-nous d’ajouter, afin qu’il ne soit pas tout à fait perdu de réputation auprès de nos jeunes Trompe-la-Mort, qu’il a l’optimisme triste. […] Sans doute l’humeur triste de M.
L’horizon sur lequel se détache le récit est uniforme et triste comme les brumes de la mer et toujours un retentissement d’infini résonne au-dessus des situations pour les ramener à leur juste valeur. […] La chanson triste du muezzin retentira toujours dans le silence des matinées d’hiver, — seulement, elle ne nous réveillera plus9 ! […] Á cette capacité d’intuition créatrice s’en joint une autre d’appréciation pure et de pur discernement ; à cette divination géniale s’ajoute un savoir acquis, triste héritage des civilisations extrêmes. […] Elle est plutôt triste et comme voilée de deuil. […] Auprès de lui la croyance fait d’abord triste figure ; mais à la longue elle l’emporte, car elle est la vie même.
Malgré ces préoccupations assez sombres, elle n’était pas triste pourtant ; elle avait ses heures de franche, d’exubérante gaieté. […] Aurore passait pour une riche héritière, d’assez belle figure et d’un caractère gai, quand elle n’était pas en contact avec les emportements et les irritations de sa mère, qui avaient le privilège de la rendre affreusement triste. […] Transformer la réalité des caractères et des passions en l’élevant au-dessus des vulgarités et des laideurs, craindre avant tout de l’avilir dans le hasard des événements, qu’est-ce que cela, sinon chercher par tous les moyens l’expression la plus complète et la plus saisissante du rêve de la vie, verser quelques rayons d’idéal dans notre triste et pâle existence ? […] Elle est triste dans les deux récits ; elle l’avait été dans la réalité, et tout le monde la sait à peu près, ce qui suffit. […] D’elle-même, elle serait restée volontiers en dehors de ces fantaisies étourdissantes, de ces vives saillies, de cette gymnastique alerte de l’idée, de ces attaques et de ces ripostes où excellaient quelques-uns de ses contemporains et de ses amis ; elle aurait fait, parmi eux, triste figure si l’on n’avait connu d’ailleurs la haute valeur de cette intelligence.
Mais aussi ce fut un singulier stimulant pour son génie ; dès que son mariage est conclu, il n’est plus besoin de chercher où Molière puise cette conception triste du caractère féminin que respirent toutes ses œuvres, conception d’une justesse et d’une profondeur admirables, mais mutilée, mais bornée, qui ne s’exerçait que d’un seul côté. […] Le génie du poète a mis une particulière empreinte sur cette pièce, conçue en quelques jours, écrite d’un jet puissant, pleine de choses, de choses tristes et profondes, tantôt comédie, tantôt drame, ou l’un et l’autre à la fois. […] Est-ce que ce n’est pas une chose bien cruelle pour un homme qui a l’âme bien née, qui a besoin d’estimer tous les hommes, qui voudrait les aimer, que le spectacle de la mêlée de ce monde envisagé précisément par le côté le plus triste, celui qui prête le moins aux illusions, qui ne nous dissimule ni les vices, ni les fautes et les malheurs mérités, ni l’odieux scandale des prospérités injustes et bouffonnes ? […] ——— Temps heureux de nos premiers rêves où l’espérance a quelque chose en soi de si plein et de si vivant que, ne fût-elle suivie d’aucune réalité, c’est assez, pour embellir encore des âges plus tristes, du souvenir de cela seulement que l’on a espéré ! […] ——— L’absence est le plus grand des maux, et l’oubli le plus triste des remèdes.
Je conviens que ces moyens ont quelque chose qui rabaisse l’esprit du lecteur tout en l’amusant, et qu’un homme d’une grande âme, relégué par le malheur dans la solitude de ses tristes pensées, ne se nourrira pas de Molière comme des beaux morceaux de Shakespeare ; mais, s’il consent à lire, il pourra lire tout, et s’il peut jouir encore, il jouira pleinement de cet art accompli qui lui fait admirer la justesse et les perfections de l’esprit humain. […] Tout cela était un rêve pour un enfant de douze ans, qui était depuis longtemps entre les mains de gens durs, avec lesquels il avait souffert ; et il était dangereux et triste qu’avec les favorables dispositions qu’il avait pour le théâtre, il restât en de si mauvaises mains. […] Peu de temps après, un homme, dont le nom de famille était Mignot, et Mondorge celui de comédien, se trouvant dans une triste situation, prit la résolution d’aller à Auteuil, où Molière avait une maison et où il était actuellement, pour tâcher d’en tirer quelques secours pour les besoins pressants d’une famille qui était dans une misère affreuse. […] XXIII Le Misanthrope, le meilleur de ses drames, et dont le seul défaut est que le dénouement ne sort pas du caractère, mais de l’autorité, tomba ; le sujet était trop triste pour un parterre de Français. […] C’est ainsi qu’en humiliant l’esprit de celle qu’il aime, en opprimant son cœur sous le poids d’une triste reconnaissance, il marche directement contre le but qu’il se propose.
. — Un triste jour de l’An. […] Et comme on le pousse là-dessus, Bonnetain avoue qu’il a une maladie de cœur, venue à la suite de scènes dont il a été le triste témoin, et qu’aujourd’hui encore, les cris, les chamaillades le mettent dans un tel état nerveux, que dans sa maison, où il y a un ménage qui se dispute fréquemment, quand cela arrive, il se lève de sa table et quitte son travail. […] Je le revois avec sa figure de gentil Pierrot fatidique, même en nos soupers, je le vois avec la triste figure de Pierrot noyé, que devait avoir le pauvre cher garçon. […] Car incontestablement, c’est la même littérature ; la réalité des choses humaines vue par le côté triste, non lyrique, le côté humain, — et non par le côté poétique, fantastique, polaire, de Gogol, le représentant le plus typique de la littérature russe. […] … Dans l’idylle du second tableau, quel triste et pudique abandon, mais, mais… je ne sais pas, pour une scène d’amour si poétique, — la robe de bonne me fait une petite impression de froid, — en sera-t-il de même avec le public ?
Sa chétive enfance ayant croupi dans les gynécées, il ne connaissait d’elles que les tristes visages des duègnes et des gouvernantes. […] que tous ces moments étoient tristes pour une jeune princesse élevée dans la plus belle cour et la plus polie de l’univers ! […] Lorsqu’il l’aperçut, un éclair de joie fit rayonner sa triste figure. « Mi reina ! […] Votre Majesté aura connu par plusieurs de mes lettres les tristes présages que j’en avois. […] Il vous regarde avec son perfide et triste sourire ; il bredouille au lieu de répondre : « Affaires d’Égypte. » Cela ne regarde pas les gorgios.
Il ne conçoit pas qu’on puisse railler ce qui est laid, ni rire de ce qui est triste. […] Ne serait-il pas triste affreusement ? […] Elles rendent seulement leur débauche triste, froide, antinaturelle, et d’autant plus inassouvissable. […] Passe une pauvre fille, Jeanne-Marie, l’air triste, qui va couper des ajoncs. […] Et alors il se mettra à aimer très réellement, à sa façon, d’un amour triste, triste de ne pouvoir plus être irréfléchi et naïf, d’un amour où il y aura de l’humilité et de la compassion.
Il naquit en janvier 1759 parmi les frimas d’un hiver écossais, dans une chaumière de glaise bâtie des mains de son père, pauvre fermier du comté d’Ayr : triste condition, triste pays, triste chaumière. […] II Triste vie, et qui est le plus souvent celle des précurseurs ; il n’est pas sain de marcher trop vite ; Burns était si fort en avant, que l’on mit quarante ans à le rejoindre. […] Il resta triste, comme un homme qui se croit dans la disgrâce de Dieu, et se trouva incapable d’une vie active. […] Sur cette terre ainsi préparée et dans ce triste climat, le presbytérianisme a enfoncé ses âpres racines.
Il est vraiment heureux que nous ayons inventé l’art du vêtement, car nous ferions tout nus triste figure parmi la nature aux formes et aux couleurs harmonieuses. […] Triste résultat. […] Les uns disent : c’est triste ; les autres disent : c’est infâme. […] Cela est fort triste et un peu bête, en un pays si mal peuplé, La France est-elle en train de retourner à l’état d’esprit paysan pour qui tout être non indigène est un intrus et un ennemi ? […] L’était-il moins que ces tristes fantômes dont on a nanti le Cours-la-Reine, ou que le Béranger du square du Temple qui fait si peur aux enfants et ne fait pas peur aux moineaux ?
J’oubliais de dire que l’exécution de cette œuvre pieuse est d’une remarquable solidité ; la couleur un peu triste et la minutie des détails s’harmonisent avec le caractère éternellement précieux de la dévotion. […] Non, de ces pays sans gloire s’épanchera vainement le long et mélancolique fleuve des Tristes ; ici il vivra, ici il mourra. […] Quelles tristes réflexions ne fis-je point sur les peines de l’exil, qui étaient aussi les miennes, et sur l’inutilité des talents pour le bonheur ! […] Certes je n’essayerai pas de traduire avec ma plume la volupté si triste qui s’exhale de ce verdoyant exil. […] Depuis quelques années, les paysagistes ont plus fréquemment appliqué leur esprit aux beautés pittoresques de la saison triste.
Il en est un peu triste sur la fin ; il avait du moins pour se consoler l’honneur des journées de Haute-Sierck et du décampement de Marlborough, cet honneur sans hasard et pour le moins égal en mérite à une victoire. […] Villars, à ce triste événement, eut des accents patriotiques : il hasarda des conseils ; il représenta l’impéritie militaire à lui bien connue, de l’électeur.
ce que nous venons de faire là est l’image de la vie, et c’est assez triste, n’est-ce pas ? […] M. de Tracy (vieux, et après la perte d’une affection qui lui était tout) se livrait solitairement au sentiment du plus triste abandon… II craignait de déranger les autres, il ne les recherchait plus ; il se plaisait à faire des observations sur son déclin général : « Je souffre, dont je suis », disait-il. — On le voyait à sa fenêtre en contemplation devant les nuages qui passaient et se succédaient.
» C’est à croire, en vérité, à la verve et à l’acharnement qu’Apollon y met, que Louise Labé l’a soufflé, pensant à ce triste mari, Sire Aymon, que nous avons vu si peu ragoûtant avec son tablier gras. — Et tout en regard aussitôt, Apollon nous dépeint, au contraire, l’homme aimable et qui veut plaire, — qui sait ? […] Enfin, il y a ce dernier sonnet d’elle, qui est également un vœu de mort, non plus de mort au sein du bonheur, mais de mort plus triste et plus terne, quand il n’y a plus pour le cœur de bonheur possible, plus un seul reste de jeunesse et de flamme : Tant que mes yeux pourront larmes épandre, A l’heur65 ; passé avec toi regretter, Et qu’aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth pour tes grâces chanter ; Tant que l’esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre ; Je ne souhaite encore point mourir : Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prierai la mort noircir mon plus clair jour.
En égard à son âge de dix-sept ans75, il s’entend très-bien aux choses du monde, et quoique les Espagnols, qui ont coutume d’exagérer leurs faits et de s’émerveiller de tout, exaltent quelques questions qu’il adresse indistinctement à tous ceux qui l’approchent, d’autres, avec plus de fondement peut-être, tirent de l’inopportunité de ces questions un argument peu favorable a son intelligence. » Voilà la triste vérité que notre bon compagnon et compatriote Brantôme vient confirmer et relever de sa manière gaillarde et piquante, ne fut-ce que par ce seul petit trait : « Moi, étant en Espagne, il me fut fait un conte de lui, que son cordonnier lui ayant fait une paire de bottes très mal faites, il les fit mettre en petites pièces et fricasser comme tripes de bœuf, et les lui fit manger toutes devant lui, en sa chambre, de cette façon. » Quand un prince de dix-neuf ans en est là, il me semble qu’il est jugé à jamais et que son avenir est écrit plus clairement que dans les astres. […] On ne manquait pas d’agiter pour ce triste héritier bien des projets de mariage ; son alliance était recherchée et au concours.
Si on allait au fond de cet esprit observateur, un peu triste, un peu silencieux dans l’habitude, il se pourrait qu’en touchant ce luxe, cette élégance, cette poésie de costume, ce gai mensonge d’une heure, on fît vibrer la corde la plus sensible. […] J’ai vu de sa façon un portrait aquarelle de son vieil ami Old-Nick (Forgues), portrait de tout jeune homme, long, fluet, riant, couché, la tête renversée en arrière, les jambes étendues, dans cette délicieuse position horizontale ou demi-horizontale que l’artiste aime à reproduire, et par laquelle il exprime à ravir le far niente, la flânerie, cette première condition du bonheur : il a voulu, tout à côté, faire du même Old-Nick une charge, et il n’a réussi qu’à faire un portrait moins bien, en triste et en laid.
j’avais été obligé d’acheter une mauvaise selle et une bride à l’européenne ; j’étais monté sur un triste bidet gris qui n’avait ni jambes, ni allure, ni figure. […] Nous crûmes qu’en nous renfermant dans notre triste cimetière, nous pourrions être à l’abri de tant d’outrages ; nous nous trompâmes.
Les prisonniers durent reprendre, à travers monts et à travers vaux, leur triste itinéraire. […] Ce malheureux ami, mes camarades, tendaient leurs mains vers moi à travers la grille et m’adressaient leurs vœux pour le succès de mon voyage. » Après le départ du capitaine de Saint-Joseph, c’est l’aide de camp Bernard qui devient le narrateur et qui adresse à son camarade la relation des derniers mois de cette triste captivité.
Il publie le recueil de ses Opinions et Discours, ses Lettres sur la Révolution ; il s’acquitte d’une dette de conscience et n’a pour le lendemain que les plus tristes présages. […] Madame Élisabeth, qui avait plus d’esprit de fermeté que son frère, participait à ce triste défaut ; et, chose encore plus singulière, la reine, qui ne manquait ni d’esprit ni de décision, était sur ce point-là à l’unisson avec le roi et sa belle-sœur.
C’est ainsi qu’il eut à répondre, dès 1815, au général Sarrazin, « de triste mémoire », lequel, jugeant des autres d’après lui-même, avait supposé que Jomini avait fourni au maréchal Blucher des plans faits pour compromettre l’armée qu’il venait de quitter. […] Désenchanté de toutes les illusions humaines, je ne désire qu’une retraite que je ne puis pas décemment demander, ayant si peu servi depuis ma démarche ; je traînerai donc par reconnaissance et par devoir ma triste carcasse sur le premier champ de bataille où il me sera possible de courir au-devant d’un boulet bienfaiteur.
Bernardin de Saint-Pierre offrit l’un des premiers le triste spectacle d’un talent élevé, idéal et poétique, en chicane avec les libraires. […] Quelle que soit la légitimité stricte du fond, n’est-il pas triste pour les lettres en général que leur condition matérielle et leur préoccupation besogneuse en viennent à ce degré d’organisation et de publicité ?
Ces tristes résidus de l’expérience ironique ne méritent pas même le nom de résultats ; ce sont encore moins des matières à enseignement et des aiguillons. […] Quand j’étais malheureux, j’étais triste et maussade, J’allais au fond des bois rêveur, le cœur malade, Pleurer. — C’était pitié !
C’est alors que, sans cause extérieure, et en ce calme triste et doux, une révolution faillit arriver dans leur amour. […] Ne croyez pas, mon bien cher ami, que je puisse ne plus vous aimer ; au fond et au-dessous vous êtes toujours l’être nécessaire à mon existence… Mais votre Hermione n’est plus qu’une bien triste Aricie.
Ce n’est que quinze ans après, que ce triste et doux souvenir, gardien de sa jeunesse, s’affaiblit assez chez lui pour lui permettre d’épouser une autre femme ; et alors il commence une vie bourgeoise et de ménage, dont nul écart ne le distraira au milieu des licences du monde comique auquel il se trouve forcément mêlé. […] En somme, Corneille, génie pur, incomplet, avec ses hautes parties et ses défauts, me fait l’effet de ces grands arbres, nus, rugueux, tristes et monotones par le tronc, et garnis de rameaux et de sombre verdure seulement à leur sommet.
… Colletet crotté jusqu’à l’échine S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine… Cotin à ses sermons traînant toute la terre, Fend les flots d’auditeurs pour aller à sa chaire… Et tous les mauvais ouvrages qui sont livrés à notre dérision ne paraissent jamais dans l’idée abstraite de leur titre : ce n’est pas la médiocrité de la poésie que l’on conçoit, on voit le livre de rebut, sa reliure, ses feuillets ; c’est le triste bouquin que nous avons tant de fois rencontré sur le quai, « demi-rongé », ou « commençant à moisir par le bord », ou tout poudreux et recroquevillé. […] Comme honnête homme, il est sincère ; comme artiste, sa peinture manque de conviction ; c’est terne, triste et sans accent.
L’anneau que je reçus dans une autre espérance… Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance ! […] Anatole France a surtout aimé les belles pécheresses du premier et du second siècle de l’empire romain, celles qui, épuisées de voluptés, l’âme en quête d’inconnu, demandaient à l’Orient des dieux tristes à aimer, des cultes caressants et tragiques : Les femmes ont senti passer dans leurs poitrines Le mol embrasement d’un souffle oriental.
Craignant d’avoir éveillé les soupçons du valet, Tebaldo lui dit qu’il faisait comprendre à Lelio en quelle triste position se trouvait sa sœur Virginia, et il adresse les plus violents reproches et les plus terribles menaces à Zucca, qui cherche vainement à s’excuser d’être pour rien dans ce malheur, et qui ne sait plus, comme on dit, à quel saint se vouer. […] Elle avait de la sorte l’avantage de ne point renvoyer ses spectateurs sur une impression triste : ceux-ci appréciaient fort cette attention, car quelques francs éclats de rire étaient une bonne préparation au repas qui les attendait au sortir du théâtre, la comédie se terminant alors vers sept heures du soir.
Mariée d’abord au duc d’Alençon à l’âge de 17 ans, puis, en secondes noces, à Henri d’Albret, roi de Navarre, après une vie tout entière subordonnée à celle de son royal frère, elle mourut à 58 ans dans un commencement de vieillesse pieuse et triste. […] … Finablement, avec le roy mon maistre, · De là les monts prisonnier se veit estre Mon triste corps, navre en grant souffrance36.
Pendant que la Rochefoucauld jetait un regard si triste et si profond sur une époque qui avait forcé tous les caractères, le jeune La Bruyère faisait son apprentissage d’observateur sur une société disciplinée, où les vices comme les vertus étaient revenus à leurs proportions naturelles, et où l’état de santé avait remplacé l’excitation de la fièvre. […] Comme notre auteur, après avoir affirmé nous doutons ; nous passons de la bonne opinion à la mauvaise ; la mélancolie nous saisit tout riants et tout raillants encore, la gaieté à peine envolée, le visage à peine rentré dans cette gravité un peu triste qui est notre air naturel.
Mais laissons ce triste sujet… Ce n’est pas notre faute, hélas, si, dans de telles catastrophes, la comédie se mêle trop souvent au drame ; parfois, du reste, on rit de certaines choses, crainte d’avoir à s’en indigner. […] Mais les tristes gâteux qui font la loi sur nos scènes ne toléreraient jamais ni le finale de la Prise de Troie ni les dernières scènes des Troyens à Carthage !
Il serait bien triste que Dieu n’éclairât pas une âme faite pour lui. » Cependant les yeux jaloux de madame de Montespan ont découvert l’intrigue du roi et de madame de Fontanges. […] Toutes ses sœurs y étaient avec elle ; mais tout cela si triste qu’on en avait pitié ; la belle perdant tout son sang, pâle, changée, accablée de tristesse, méprisant 40 mille écus de rente et un tabouret qu’elle a, et voulant la santé et le cœur du roi qu’elle n’a pas. » Le 21 juillet, madame de Sévigné écrit : « La place me paraît vacante.
Mais Antiochus répond, avec l’enthousiasme de sa passion nouvelle : L’amour, l’amour doit vaincre, et la triste amitié Ne doit être à tous deux qu’un objet de pitié. […] Heureusement que le drame s’indigne à son tour, et qu’il élève enfin la voix pour maudire et exécrer son triste héros.
Au moment où il perdit sa mère, Bettina lui écrivait, en faisant allusion à cette disposition froide et ennemie de la douleur, qu’on lui attribue : « On prétend que tu te détournes de ce qui est triste et irréparable : ne te détourne pas de l’image de ta mère mourante ; sache combien elle fut aimante et sage à son dernier moment, et combien l’élément poétique prédominait en elle. » Par ce dernier trait, elle montre bien qu’elle sait l’endroit par où il faut le pénétrer. […] Quand il voyait quelqu’un malade, triste et préoccupé, il rappelait de quelle manière il avait écrit Werther pour se défaire d’une importune idée de suicide : « Faites comme moi, ajoutait-il, mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Sa mère savait également la recette ; elle écrivait un jour à Bettina, qui avait perdu par un suicide une jeune amie, la chanoinesse Gunderode, et qui en était devenue toute mélancolique : Mon fils a dit : Il faut user par le travail ce qui nous oppresse.
Songez à moi, monsieur, dans ce temps qui, si j’en crois ce qu’annonçaient les derniers mois où je vivais avec les vivants, doit être fécond en événements (la Guerre d’Amérique) ; songez à moi, dis-je, ou plutôt (car j’ai assez de preuves que vous daignez vous occuper de ma triste existence) rappelez-la à d’autres. […] Le docteur Ysabeau, son ami, et qui, depuis des années, lui avait donné des soins, pria son beau-frère le curé Vallet, député à l’Assemblée constituante, de faire part de cette triste nouvelle à Mirabeau.
Mais la lettre est à peine écrite, que cette vieille amie meurt, et M. de Maistre répond au comte Golowkin, leur ami commun, qui lui avait appris cette triste nouvelle : Vous ne sauriez croire à quel point cette pauvre femme m’est présente ; je la vois sans cesse avec sa grande figure droite, son léger apprêt genevois, sa raison calme, sa finesse naturelle et son badinage grave (quel admirable portrait !). […] Il a dans l’humeur et dans la verve le talent de faire rire en raisonnant ; il en use avec succès, en ce sens que, même dans les sujets les plus graves, il n’est jamais ennuyeux ni triste comme M. de Bonald l’est trop souvent.
L’espèce de délit social dont l’auteur des Ruines et du Catéchisme de la loi naturelle s’est rendu coupable y est apprécié avec sévérité, mais sans virulence, comme il convient aujourd’hui que ces tristes livres ont fait leur temps et que l’intérêt général s’en est retiré. […] C’est ce qui manque totalement au genre triste, aride, tour à tour médical ou topographique de Volney.
Il y a là un moment triste. […] Mais Kant, avant sa triste conversion, a proféré des choses éternelles, et peut-être la seule vérité, avec les phrases toutes faites, pâles froides, de la vieille scolastique.
V Or, voyons du moins comment s’est faite la chose, — cette triste et étonnante chose ! […] Et remarquez que ces aberrations de Chasles l’attendri, comme on dit Gaspard l’éveillé, ne sont pas des aberrations dont la triste originalité lui appartienne.
Alors, dans son cerveau lamentable, la Foi vorace s’installait, comme les oiseaux de proie dans les carcasses de chameaux qui jonchent les routes des Saharas… » Et maintenant, c’est « là-haut », dans sa pensée solitaire, qu’il vit exclusivement, « hors de la vie », avec « la mystique sensation de la présence et de l’étreinte divines », ayant même réfréné les tendresses mystiques de son adolescence, tout plein de l’austère joie de se sentir élu, dans la fière sincérité de son vœu. « Ce lui était une béatitude fervente et triste, comme la pâmoison des imaginaires sensualités, dans ce que les théologiens appellent la délectation morose. […] Ces nobles et doux avertissements de la vie qui, compris par l’intelligence dans toute la profondeur et l’étendue de leur signification, révèlent à l’homme la sublimité de sa mission naturelle, ne sont plus pour le prêtre qu’un triste cauchemar. »98 C’est aussi à la virginité que le prêtre demande le secret de sa force et de son autorité spirituelle.
C’est le même homme qui, silencieux depuis vingt-cinq ans, vit paisible et triste sous la domination étrangère, dans sa ville natale, l’illustre Manzoni ; homme d’imagination et de foi, généreux patriote et chrétien résigné, poëte artificiel peut-être dans l’irrégularité de son théâtre, mais vraiment lyrique dans ses odes religieuses et dans celle que lui inspira le plus grand nom et la plus tragique destinée de ce siècle ! […] « Patrie, disait-il dans quelques vers harmonieux, nom triste et cher au pèlerin misérable jeté loin du sol où il est né, quand viendra l’ombre de l’arbre paternel rafraîchir ma tête brûlante ?
L’œuvre est des plus émouvantes ; l’intrigue, habilement conduite, fait passer devant les yeux charmés du lecteur, une série de tableaux tantôt gais, tantôt tristes, et toujours du plus vif intérêt. […] Le regard d’aigle avait disparu quand je le vis ; la cage était restée ; quelque chose d’inquiet, de contraint, de timide, qui se résolvait en expression affectueuse et triste. […] L’inconnu étrange, triste, poli et froid, passait dans la rue sur un cheval dressé aux courbettes. […] Triste et souffrant comme il était, jamais elle n’aurait dû lui permettre de s’en aller à pied. […] Chose incroyable, je ne puis comprendre le culte des tombeaux et l’amour des hommes pour revoir tes tristes demeures de ceux qu’ils ont aimés.
Les Tristes d’Ovide sont remplies des témoignages les plus faibles d’une douleur abattue, des flatteries les plus basses pour son persécuteur ; et Cicéron, dans l’intimité même de sa correspondance avec Atticus, contient et ennoblit de mille manières la peine que lui cause son injuste bannissement.
La triste connaissance du cœur humain fait, dans le monde, de l’exercice de la bonté un plaisir plus vif ; on se sent plus nécessaire, en se voyant si peu de rivaux ; et cette pensée anime à l’accomplissement d’une vertu à laquelle le malheur et le crime offrent tant de maux à réparer.
Loti dit à Yves : — Tu es triste ?
C’est trop triste.
Ce sont enfin, sur la vanité des projets et des espérances, sur l’amour à vingt ans, sur l’amour à trente ans, sur ce qu’il y a de triste dans le bonheur, sur cette infinité de choses douloureuses dont se composent nos années, ce sont de ces élégies comme le cœur du poëte en laisse sans cesse écouler par toutes les fêlures que lui font les secousses de la vie.
Cet homme s’élève, avec chaleur, contre l’histoire imaginaire des amours d’une femme très-aimable avec celui qu’il appelle un sçavant, dans toute l’étendue du mot, un sçavant triste, pesant, sans graces & sans usage du monde.
Brierre de Boismont, mine inépuisable de faits curieux, œuvre d’une psychologie ingénieuse, mais qui laisse quelquefois désirer une critique historique plus sévère ; la Folie lucide du docteur Trélat, l’un des livres qui, sans aucune théorie, donne le plus à réfléchir par la triste singularité des faits qui y sont révélés ; la Psychologie morbide de M.
Il prend celui de son tableau ; il est brusque, doux, insinuant, caustique, galant, triste, gai, froid, chaud, sérieux ou fou, selon la chose qu’il projette.
Suivant que l’air est sec ou humide, suivant qu’il est chaud, froid ou temperé, nous sommes gais ou tristes machinalement, nous sommes contens ou chagrins sans sujet : nous trouvons enfin plus de facilité à faire de notre esprit l’usage que nous en voulons faire.
Si les critiques qui ont voulu censurer ou éclaircir la poëtique d’Aristote eussent fait attention à la signification de saltatio, ils n’auroient pas trouvé si bizarre que les choeurs des anciens dansassent, même dans les endroits les plus tristes des tragédies.
Ils n’ont donc de ce qu’ils attaquent qu’une notion bien confuse Le héros du Disciple, qui a ouvert la campagne il y a environ neuf ans, n’est pas seulement un triste caractère, c’est un médiocre esprit, un mauvais élève qui n’a pas compris son maître.
Comme roi, Henri IV, pour toute initiative, reprit cette triste politique de Catherine de Médicis, qui consistait à réunir le parti catholique et le parti huguenot dans un centre commun et en s’éloignant des extrêmes, politique chétive, que les races et les générations se passent de la main à la main depuis des siècles, qu’on appelle fusion, conciliation, transaction, bascule, équilibre, tous mots vains !
Il C’est ce bénéfice, en effet, ce triste bénéfice des circonstances atténuantes, sur lequel Marmont avait compté, qui lui est arraché par Rapetti.
Le cas est triste.
Inspiration personnelle ou sociale, regret du cœur, perspective de la vie revue en se retournant de l’autre bord de l’horizon, sentiment de l’irréparable, d’abord amer et devenant plus triste à mesure qu’il est plus résigné, oui !
Malheureusement l’histoire, commencée sur ce grand pied mystérieux, tourne de la lycanthropie, que l’auteur a peur d’aborder et qui n’eût pas fait trembler Edgar Poe ou tout autre génie fantastique, au somnambulisme shakespearien, mais sans la goutte de sang sur la main coupable, et, au point de vue du fantastique, c’est là le plus triste fiasco.
Mais toi, avec le calme de ton esprit enfantin, tu dors dans cette triste demeure scellée de clous d’airain, à cette lueur nocturne, dans cette sombre obscurité.
Mais Molière n’est pas homme à traiter tristement un sujet, si triste qu’en soit la donnée. […] Ce n’était pas précisément un triste Jupiter, car il avait tout de même bien du talent, mais c’était un Jupiter triste. […] On en sortait oppressé et triste à mourir. […] Ces deux comédies laissent le spectateur triste et en disposition désagréable. […] La scène est très comique, mais de ce comique profond et triste, qui pousse à la réflexion plus encore qu’au rire.
Quelle triste chose alors que de découvrir tardivement dans cet ami des défauts, des imperfections ; d’être conduit peut-être à rompre ces relations commencées, pour en former de nouvelles qui ne sauraient plus avoir ni l’attrait ni la fraîcheur des premières ! […] quelle somme de jours calmes et riants à retrancher du nombre des jours tristes, inquiets ou ingratement occupés ! […] Je renvoie aussi au livre pour le dénoûment final de l’histoire, lequel est trop triste et, à partir d’un certain moment, trop prévu.
Nous l’y avons retrouvé alors, posant, comme dans ses Mémoires, en Marius sur ses débris, ennuyé, triste, solitaire, cherchant à grandir par l’éloignement, caressant M. […] « Au milieu de tout cela je suis triste, et je sais pourquoi. […] XXX Madame Récamier part, vraisemblablement bien triste, pour Rome.
Château-Neuf de Gadagne est un triste hameau, qui marque le commencement de la plaine arrosée par les eaux de la Sorgue. […] C’est la première des félibresses : elle a écrit des courtes pièces doucement tristes, Li Belugo, les Étincelles. […] Le pays, si triste en février, n’était plus reconnaissable. […] Oui, sans doute, il lui arrivait quelquefois… C’est si triste de vivre seul, de n’avoir personne à qui dire sa joie ou son chagrin de la journée, si triste, un intérieur sans femme… Sylvanire s’en irait un jour ou l’autre ; et puis elle ne remplaçait pas une mère aux enfants. […] … Le voyage fut long, triste ; ma jambe est lasse.
La plus grande faute qu’on puisse commettre, c’est de le dire comme une pièce triste et comme un drame bourgeois. […] La figure maigre et triste de M. […] Elle n’ignore pas le mal ni la souffrance, et même il lui arrive de s’y complaire, parce que les émotions tristes sont les plus fortes. […] Elle est austère, elle est triste, mais elle élève les cœurs, elle fortifie, et, — pourquoi ne pas employer le mot ? […] Quelqu’un m’affirme d’abord que, à l’heure triste où nous sommes, on trouve plus d’un salon où l’on en dit d’autrement « raides » que dans celui de Francillon.
Molière même n’a jamais fait exprès de laisser transparaître par instants le fond triste de la grande farce humaine. […] Ou bien, si vous trouvez que ces dénouements tristes ne sont pas des dénouements, mais plutôt de nouveaux drames qui commencent… eh bien ! […] Elle l’accueille avec une ironie triste et lasse. […] Un gentilhomme, Vendôme, vient en apporter la triste nouvelle : « Le lâche ! […] Il a la voix nasale et triste et, tour à tour, une mimique de dément et des affectations de tranquillité qui inquiètent.
Il l’emmena dans un pays perdu, abominablement triste, à Emmendingen, dans le margraviat de Hochberg, dont il avait été nommé administrateur. […] Sa vie fut très pleine, continuellement agitée et l’une des plus tristes, en somme, que l’on ait vues. […] » Ce qui est un sentiment très naturel, et par conséquent point atroce, mais triste suffisamment, et qui ajoute — ah ! […] Si la jeunesse en est là de pouvoir écouter de tels croassements sans avoir envie de berner l’orateur, c’est que le protestantisme a fait de tristes progrès dans l’âme française. […] Au fond, disons-le donc, — et Mlle Bourgain, qui le sait, j’en suis sûr, ne l’a pas suffisamment dit, — il était profondément triste.
Chagrin sans être triste, misanthrope sans être sauvage, toujours vrai et naturel dans ses différents changements, il plaît par ses propres défauts, et l’on serait bien fâché qu’il fût plus parfait. » Sans être un bel-esprit, comme cela devenait de mode à cette date, le chevalier d’Aydie avait de la lecture et du jugement ; il savait écouter et goûter ; son suffrage était de ceux qu’on ne négligeait pas. […] Je sais quelqu’un qui a écrit : « Ce qu’était l’abîme qu’on disait que Pascal voyait toujours près de lui, l’ennui l’était à Mme du Deffand ; la crainte de l’ennui était son abîme à elle, que son imagination voyait constamment et contre lequel elle cherchait des préservatifs et, comme elle disait, des parapets dans la présence des personnes qui la pouvaient désennuyer. » Jamais on n’a mieux compris cet effrayant empire de l’ennui sur un esprit bien fait, que le jour où, malgré les plus belles résolutions du monde, l’ennui que lui cause son mari se peint si en plein sur sa figure, — où, sans le brusquer, sans lui faire querelle, elle a un air si naturellement triste et désespéré, que l’ennuyeux lui-même n’y tient pas et prend le parti de déguerpir. […] Enfin les tristes années arrivent, les heures du mal croissant et de la séparation suprême. […] J’ay été dans ce triste estat plus d’un mois entier, d’où je crois que je ne serois pas sorti sans M. l’ambassadeur d’Holande, lequel m’ayant rendu visite et m’ayant trouvé avec ma santé et mon esprit ordinaires, fit tant de bruit du traitement qu’on me faisoit, qu’il me fut permis, après l’attestation que j’eus des médecins du parfait rétablissement de ma santé, d’assembler la nation, laquelle, sollicitée par le sieur Belin, et pour se mettre à couvert du blâme de la première délibération qu’elle avoit signée, ne voulut jamais me reconnoître qu’après m’avoir forcé d’aprouver ladite délibération par un acte que je fus obligé de signer le 1er du mois d’aoust dernier, pour obtenir ma liberté et reprendre les fonctions d’ambassadeur.
En vain le lion altéré de sang rôde et se précipite sur l’enceinte ; mille dards acérés sont lancés à la fois contre lui par des mains courageuses ; des torches sont allumées, et l’animal, malgré sa rage impétueuse, s’épouvante de leurs lueurs ; enfin, quand le jour commence à se lever, il s’éloigne triste dans son cœur ; tel Ajax, etc. » XXI Achille, cependant, debout sur la poupe d’un de ses vaisseaux, contemple immobile les chances de ces batailles et les périls des Grecs. […] Quoique mort, son corps tout entier laisse admirer sa beauté ; mais lorsque des chiens cruels souillent la barbe blanche, la chevelure et les tristes restes d’un vieillard égorgé, ah ! […] Tout à coup, se levant, il s’en va errer triste sur le rivage de la mer ; l’Aurore l’y retrouve quand elle revient éclairer l’Océan et ses plages. » Le féroce Achille attache à son char le cadavre d’Hector et le traîne trois fois dans la poussière autour du tombeau de Patrocle. […] « Ô mon fils, dit Thétis après avoir caressé de sa main divine la tête de son fils, jusqu’à quand, triste et chagrin, rongeras-tu ton cœur, oubliant la nourriture et le doux sommeil ?
Il y a sans doute de grands et petits fleuves, des bords tristes ou riants, mesquins ou grandioses. […] Tout ce qui était venu des armées du Rhin montrait peu de penchant pour l’expédition d’Égypte ; au contraire les officiers originaires de l’armée d’Italie, quoique fort tristes de se voir si loin de la France, étaient favorables à cette expédition, parce qu’elle était l’œuvre de leur général en chef. […] Toutefois, gardant pour lui seul le secret de ses préférences, feignant d’ignorer les fautes de Kléber, il traita pareillement Kléber et Desaix, et voulut, comme on le verra bientôt, confondre dans les mêmes honneurs deux hommes que la fortune avait confondus dans une même destinée. » Glissons sur la triste capitulation de l’armée d’Égypte, sans chef, sans secours, sans communications avec la mère patrie : leçon terrible, mais leçon perdue pour ces politiques d’aventures qui rêvent des colonies immortelles sans posséder les mers, seules routes et seules garanties de ces colonies. […] Tristes vicissitudes de ce monde !
Nous nous rappelons très-bien, en énonçant cette loi fâcheuse, que Byron, Walter Scott, Chateaubriand, sont ou étaient au nombre des enrichis ou de ceux qui auraient dû l’être ; des sommes immenses, produit de leurs œuvres, leur ont passé par les mains ; mais ces grands exemples même ne font que nous confirmer dans la triste conséquence que nous tirons.
Il voudra vaincre sa passion ; mais il n’y réussira plus ; il la renfermera longtemps, il se taira, il sera triste, mélancolique ; il souffrira ; mais il s’ennuiera de souffrir ; il jettera des mots que vous n’entendrez point, parce qu’ils ne seront pas clairs.
Ce ne sont pas deux caractères, ce sont deux noms, quelques sentiments élémentaires, simples, larges, plus rêvés qu’observés, quelques attitudes gracieuses ou touchantes ; c’est un doux et triste songe d’amour pur, par lequel l’humanité se repose des réalités rudes.
Ce dénouement est triste comme deux lis couchés dans le même vase après un débordement du Rhône dans les jardins de la Crau.
Le 7 juillet, elle lui dit : « Vous ne pouvez assez plaindre ni assez admirer la triste aventure de cette nymphe (Jo) : quand une certaine personne en parle, elle dit ce haillon.
Ni l’or, ni la grandeur ne nous rendent heureux ; Ces deux Divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorans c’est l’éternel asile ; Véritable Vautour, que le fils de Japhet Représente enchaîné sur son triste sommet.
Si vous remontez de la douleur au plaisir, comme dans la scène d’Homère, vous serez plus touchant, plus mélancolique, parce que l’âme ne fait que rêver au passé et se repose dans le présent ; si vous descendez au contraire de la prospérité aux larmes, comme dans la peinture de Milton, vous serez plus triste, plus poignant, parce que le cœur s’arrête à peine dans le présent, et anticipe les maux qui le menacent.
C’est triste.
Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique.
IV Il n’y a point de plus triste spectacle, et peut-être n’y en a-t-il pas de plus désespéré.
Avant d’exposer à nos lecteurs un catalogue et une appréciation des principaux de ces ouvrages, constatons un fait assez curieux qui pourra leur fournir matière à de tristes réflexions.
Dans nos climats d’occident, et surtout dans une grande partie de notre Europe moderne, nous avons commencé presque tous par être des espèces de sauvages, enfermés dans des forêts et sous un ciel triste ; ensuite nous avons été tout à la fois corrompus et barbares par des circonstances singulières et des mélanges de nations ; enfin, nous avons fini par être corrompus et polis.
Ce monstre fut aussi orateur ; et, à ce que nous apprend Tacite18, il avait même une éloquence mâle et forte ; il avait loué Drusus son frère : il prononça l’éloge funèbre d’Auguste son beau-père, et dans la suite il eut le triste courage de faire l’éloge de son fils unique empoisonné par Séjan ; mais ce qui eût passé peut-être pour fermeté dans un autre, ne fut attribué, dans ce cœur sombre, qu’à une dure insensibilité.
Il est triste pour les poètes d’avoir eu, dans tous les siècles, le privilège de flatter sans s’en apercevoir et sans même qu’on s’en étonne ; il faut espérer qu’un jour ils réclameront contre ce droit : mais ce privilège accordé aux vers ne s’est jamais étendu jusqu’à l’histoire.
« Le Rhin tremble et frémit à ces tristes nouvelles ; « Le feu sort à travers ses humides prunelles. […] La force des armes soutint l’arrivée de ces nautiques explorateurs des contrées qu’ils découvrirent : mais leurs seules découvertes, source de richesses entre les nations, furent l’objet principal de l’épopée et non les guerres qui en devinrent la triste suite. […] de cette triste histoire « Faut-il donc réveiller l’affligeante mémoire ? […] Ce chef-d’œuvre enseigne comment le génie poétique sait voir et revêtir la nudité des choses que dépouilla de leurs ornements la triste orthodoxie des saints et des pères de l’église. […] Si par hasard vous représentez Achille vengé, qu’il se montre actif, emporté, inexorable, violent, qu’il méconnaisse toute loi, qu’il s’arroge tout par les armes : que Médée soit féroce, indomptable ; Ino gémissante, Ixion perfide, Io fugitive, Oreste triste et sombre.
Ils mèneront sans désirs une vie plus triste que la mort. […] Mais d’où vient que vous êtes triste quand je suis gaie ? […] Voilà, madame, d’où vient que je suis triste quand vous êtes gaie. […] Je pense que je ne vous verrai pas aujourd’hui et je suis bien triste. […] Et toute la vie n’est-elle pas un triste roman ?
Il est triste, tendre et mélancolique. […] Les Bretons ne sont pas, par exemple, si tristes que l’on a dit. […] Mme Mea, dans le rôle de Cléone, a été pleine de dignité triste et de douceur plaintive. […] Mme Segond-Weber a été souvent admirable de passion violente et désespérée et sa voix profonde et triste faisait merveille dans le rôle d’Eriphile. […] C’est un drame de passion triste et sombre et navrante, fait expressément pour décourager hommes et femmes de toute velléité amoureuse : « Ah !
Les Scènes de la vie conjugale sont un chef-d’œuvre ; mais quel triste chef-d’œuvre ! […] On n’apprend ces tristes vérités que par l’histoire ou le maniement des affaires. […] Là-dessus les lettres de Racine sont extrêmement touchantes ; son ménage est pauvre, triste ; il est souffrant, il a toujours quelque enfant malade ; une de ses filles a des tourments de conscience ; une autre se fait religieuse ; il en a le cœur déchiré, mais il se résigne. […] Quel triste rang pour une pareille âme ! […] Nous sommes en ce moment dans une des plus tristes périodes.
Il y a des tons gais et folâtres, folâtres et tristes, riches et gais, riches et tristes, de communs et d’originaux. […] Mais pour expliquer ce que j’affirmais tout à l’heure, — que Delacroix seul sait faire de la religion, — je ferai remarquer à l’observateur que, si ses tableaux les plus intéressants sont presque toujours ceux dont il choisit les sujets, c’est-à-dire ceux de fantaisie, — néanmoins la tristesse sérieuse de son talent convient parfaitement à notre religion, religion profondément triste, religion de la douleur universelle, et qui, à cause de sa catholicité même, laisse une pleine liberté à l’individu et ne demande pas mieux que d’être célébrée dans le langage de chacun, — s’il connaît la douleur et s’il est peintre. […] « Cependant une voix se fit entendre : « Honorez le sublime poëte ; son ombre, qui était partie, nous revient. » « La voix se tut, et je vis venir à nous quatre grandes ombres ; leur aspect n’était ni triste ni joyeux. […] Boissard, dont les débuts furent brillants aussi et pleins de promesses, est un de ces esprits excellents nourris des anciens maîtres ; sa Madeleine au désert est une peinture d’une bonne et saine couleur, — sauf les tons des chairs un peu tristes. […] Du reste, cette peinture est si malheureuse, si triste, si indécise et si sale, que beaucoup de gens ont pris les tableaux de M.
Après des années, l’adolescent retrouve la triste marraine et elle avoue « la vérité sur la Fée des Chimères ». […] Lorsque la Fée des Chimères contait poétiquement sa triste vie, « ses paroles avaient un ton si doucement ironique que, parfois, je ne savais si je devais rire ou m’apitoyer. […] Certains vers de Sully-Prudhomme sont jolis et émouvants comme des enfants tristes exilés dans une cour de collège grossièrement tapageuse ; tels vers de Jean Aicard sont alertes comme des petits qui s’amusent. […] Décembre enfin est un mois bien triste. […] Mon sourire était triste quand elle me contait ses tournées, sans esprit, remplaçant la verve par des souvenirs livresques et de banales citations.
Leur âme en est restée songeuse et un peu triste ; cela se voit à leur physionomie douce, modeste et résignée, fort différente de la physionomie tapageuse de l’ancien soldat français. […] La voilà triste comme un ange de lumière qui, après la déroute finale de Lucifer, aurait regretté de ne pas s’être joint à la grande révolte. […] Une triste et tendre lumière boréale éclaire également toutes les parties du drame, et il semble qu’à sa clarté sans chaleur on voie apparaître les sapins et les chênes du Nord. […] Certes, ceux-là ne représentent pas le dégoût de la vie, le désenchantement et le désespoir ; leur expérience n’a rien d’amer, leur sagesse n’a rien de triste. […] J’en doutai un instant ; puis, quand je me rappelai le long et triste regard qu’il m’avait jeté quelques mois auparavant, toute incertitude s’évanouit de mon esprit.
Je mourais de froid, d’ennui et d’isolement entre ces grands murs tristes, où, sous prétexte de me briser à la vie de collège, un immonde chien de cour s’était fait mon bourreau. […] L’heure est triste, le jour descend et la nuit va venir. […] Dimanche, mais il ne le voulut pas, et la France eut ce spectacle triste du poëte vieillissant, courbé depuis l’aube jusqu’au soir sous le joug de la copie productive. […] Triste présage ! […] ce jeune homme si vivace, si robuste en apparence, qui jamais n’avait dit « je souffre », brisé, emporté, disparu, sans qu’on ait eu la triste douceur des adieux éternels !
Toute la fortune de mon aïeul ne dépassait pas cinq mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils emportait les deux tiers, trois mille trois cents livres ; restait mille six cent soixante-six livres pour les trois cadets, sur laquelle somme l’aîné prélevait encore le préciput » Cette fortune qui s’émiette et s’anéantit, ils ne savent ni ne veulent la refaire par le négoce, l’industrie ou l’administration : ce serait déroger. « Hauts et puissants seigneurs d’un colombier, d’une crapaudière et d’une garenne », plus la substance leur manque, plus ils s’attachent au nom Joignez à cela le séjour d’hiver à la ville, la représentation, les dépenses que comportent la vanité et le besoin de société, les visites chez le gouverneur et l’intendant : il faut être Allemand ou Anglais pour passer les mois tristes et pluvieux dans son castel ou dans sa ferme, seul, en compagnie de rustres, au risque de devenir aussi emprunté et aussi hétéroclite qu’eux66. […] Le spectacle est plus triste encore lorsque, des terres où les seigneurs résident, on passe aux terres où les seigneurs ne résident pas. […] La campagne est déserte, et si quelque gentilhomme l’habite, c’est dans quelque triste bouge, pour épargner cet argent qu’il vient ensuite jeter dans la capitale. » — « Un coche79, dit M. de Montlosier, partait toutes les semaines des principales villes de province pour Paris, et n’était pas toujours plein : voilà pour le mouvement des affaires.
« Il viendra bientôt, dit-il dans une des poésies qu’il écrivit alors, il viendra bientôt après Clément VI un homme triste et pesant ; il engraissera les pâturages romains avec le fumier d’Auvergne. » Ce pape cependant fit quelques avances au poète pour l’attacher à sa cause. […] Ces sonnets sont empreints de cette triste et poignante sérénité des heures du soir de la vie des grands hommes, où, à mesure que leur soleil baisse, leur âme semble grandir avec leur génie. […] ces paroles me résonnent toujours dans le cœur, et il me semble connaître quelqu’un qui peut-être un jour mourra de même en les répétant. » (Ugo Foscolo parlait là de lui-même, et son triste sort a vérifié son pressentiment : il est mort encore jeune à Londres, dans l’exil, dans le travail mercenaire et dans le dénuement.
Dans l’état où il est réduit, il n’a pas même le triste bonheur de s’ignorer ; il faut qu’il se contemple sans cesse, et il ne peut se contempler sans rougir ; sa grandeur même l’humilie, puisque ses lumières, qui l’élèvent jusqu’à l’ange, ne servent qu’à lui montrer dans lui des penchants abominables qui le dégradent jusqu’à la brute. […] Cela est bon, car, sous une aristocratie plus ou moins forte, la souveraineté ne l’est plus assez. » Le sacre des monarques par l’autorité de Dieu, l’extinction de la liberté civile dans le monde, l’administration morale par le sacerdoce, la suppression des schismes par la puissance armée de l’unité dans la main du souverain pontife, de tristes et éloquentes prophéties contre l’indépendance de la Grèce à moins qu’elle ne reconnaisse l’autorité du pape, une adjuration aux protestants pour recomposer l’unité en sacrifiant leur liberté usurpée par la révolte contre Rome, des imprécations contre toute philosophie non orthodoxe, une hymne à Rome, véritable Te Deum d’un autre Ambroise, complètent ce livre. […] S’il doit l’accomplir, je lui souhaite de tout mon cœur la mort, etc., etc. » De telles violences du fidèle des fidèles sont un triste exemple de la révolte de l’esprit contre les maximes du système.
Le pessimisme qu’affirme Bouvard et Pécuchet ne ressort pas plus des tristes dénouements des romans, que des farouches destinées qui s’appesantissent dans Salammbô et des continus effarements avec lesquels saint Antoine contemple l’écroulement de ses erreurs. […] Enfin Flaubert satisfait son amour de l’énergie et de la beauté en concevant les admirables femmes de ses romans, pâles, noires, fines et tristes, Mme Bovary et Mme Arnoux. […] Féré trois listes de mots, les uns d’un sons joyeux, les autres d’un sens triste ; la troisième liste se composait de mots abstraits et rares.
Triste exemple de l’instabilité des fortunes de cour. […] Voilà comme ce grand homme fut traité de son vivant ; l’approbation du public éclairé lui donnait une gloire qui le vengeait assez : mais qu’il est humiliant pour une nation, et triste pour les hommes de génie, que le petit nombre leur rende justice, tandis que le grand nombre les néglige ou les persécute ! […] Les satires de Despréaux coûtèrent aussi la vie à l’abbé Cassaigne ; triste effet d’une liberté plus dangereuse qu’utile, et qui flatte plus la malignité humaine, qu’elle n’inspire le bon goût.
Que le roi ait un jour aussi triste que l’auront les autres qui sont là. […] La seconde chanson se rapporte au triste épisode de ce double mariage et à la vengeance qu’il tire de ses lâches et misérables gendres.
Dans les prisons, où l’on trompe souvent l’ennui des heures obscures par des chants en chœur, les prisonniers, interrompant d’ordinaire le coryphée qui leur entonne une gaie chanson, lui demandent autre chose ; ils veulent du triste, une romance, comme ils disent. […] Aujourd’hui donc qu’à la France étonnée Par tant d’efforts la palme enfin gagnée Ne laisse voir qu’un triste et maigre fruit ; Quand le combat recommence à grand bruit ; Toi, sans dégoût, à ton passé fidèle, Sans repentir (car la cause était belle, Elle était sainte, et dut nous enflammer), Toi, désormais, tu sais où te calmer.
Mme Des Houlières, qu’on voit de loin dans un costume couleur de rose, était triste : c’est une des personnes qui, avec le plus de moyens naturels d’être heureuse, eurent aussi le plus à se plaindre de la fortune. […] Dans certaines de ses églogues, la bergère délaissée accuse les bocages de s’être prêtés aux amours infidèles de l’ingrat durant toute une saison, Depuis que les beaux jours, à moi seule funestes, D’un long et triste hiver eurent chassé les restes, Jusqu’à l’heureux débris de vos frêles beautés.
Dans Tacite, Britannicus est un jeune homme de quatorze à quinze ans, doux, spirituel et triste. […] Chez Racine tout ce qui n’est pas Phèdre et sa passion échappe et fuit : la triste Aricie, les Pallantides, les aventures diverses de Thésée, laissent à peine trace dans notre mémoire.
J’ai la douleur, chaque année, de voir ce triste spectacle devant mes yeux, dans mes visites. […] Je n’y vois qu’une misère effroyable ; ce n’est plus le sentiment triste de la misère, c’est le désespoir qui possède les pauvres habitants : ils ne souhaitent que la mort et évitent de peupler… On compte que par an le quart des journées des journaliers va aux corvées, où il faut qu’ils se nourrissent : et de quoi ?
Ne pouvant en même temps se dissimuler l’état d’infirmité où il était lui-même, il les exhortait à ne se plus considérer comme des enfants, mais comme des hommes ; car il prévoyait que les circonstances où ils allaient se trouver les réduiraient bientôt à la nécessité de mettre à l’épreuve leurs talents et leurs moyens personnels. « On attend à toute heure l’arrivée d’un médecin de Milan, leur dit-il ; mais pour moi, c’est en Dieu seul que je mets ma confiance. » Soit que le médecin ne fût pas arrivé, ou que le peu de confiance que Pierre avait dans ses secours fût bien fondé, environ six jours après, le premier jour d’août de l’année 1464, Côme mourut, à l’âge de soixante et quinze ans, profondément regretté du plus grand nombre des citoyens de Florence, qui s’étaient sincèrement attachés à ses intérêts, et qui craignaient que la tranquillité de la ville ne fût troublée par les dissensions qui allaient probablement être la suite de ce triste événement. […] Au milieu de ces illusions délicieuses, Laurent fut obligé de redescendre aux tristes réalités de la vie.