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679. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie. […] Ce serait peut-être à moi à décider lequel est le plus triste d’être sourd ou aveugle, ou de ne point digérer : je puis juger de ces trois états avec connaissance de cause ; mais il y a longtemps que je n’ose décider sur les bagatelles, à plus forte raison sur des choses si importantes.

680. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond a beau écrire à Ninon : « La nature commencera par vous à faire voir qu’il est possible de ne vieillir pas » ; il a beau lui dire : « Vous êtes de tous les pays, aussi estimée à Londres qu’à Paris ; vous êtes de tous les temps, et quand je vous allègue pour faire honneur au mien, les jeunes gens vous nomment aussitôt pour donner l’avantage au leur : vous voilà maîtresse du présent et du passé… » ; malgré toutes ces belles paroles, Ninon vieillit, elle a ses tristesses, et sa manière même de les écarter peut sembler plus triste que tout : Vous disiez autrefois, écrit-elle à son ami, que je ne mourrais que de réflexions : je tâche à n’en plus faire et à oublier le lendemain le jour que je vis aujourd’hui. […] L’esprit a de grands avantages sur le corps : cependant ce corps fournit souvent de petits goûts qui se réitèrent, et qui soulagent l’âme de ses tristes réflexions.

681. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Seulement les enfants, qui de rien n’ont pitié, qui rient de tout ce qui est, triste, lui criaient : « Marthe, un soldat !  […] Marthe a les yeux sur eux, triste comme une morte ; et même le prêtre, et même l’escorte, tout frémit, tout est muet ; eux deux s’avancent davantage… Les voici à vingt pas, souriants, hors d’haleine.

682. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Mon cher Algarotti, je suis fait pour les tristes événements. […] On lit à la suite de la correspondance tous ces détails affectueux et même pieux, tristes pourtant en ce qu’on sent qu’à mesure que le temps marche et que le souvenir s’éloigne, le philosophe et le roi, tout en faisant son devoir, n’y mêle plus rien de la flamme première.

683. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Cette maison, — qu’il est temps de réhabiliter un peu et de consoler, car qui sait si, dans son isolement, elle n’est pas triste de ce que nous venons d’en dire ? […] § V Tel était le théâtre vers 1580, à Londres, sous « la grande reine » ; il n’était pas beaucoup moins misérable, un siècle plus tard, à Paris, sous « le grand roi » ; et Molière, à son début, dut, comme Shakespeare, faire ménage avec d’assez tristes salles.

684. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Pour moi, je l’en loue de tout mon cœur, car vraiment n’était-ce pas une chose triste de voir, comme on l’a vu il y a trente ans, un grand pays se dépouiller de gaieté de cœur de toutes ses admirations et de toutes ses gloires, et les sacrifier à des dieux étrangers ? […] Nisard ici cite Saint-Simon : « Saint-Germain, dit celui-ci, offrait à Louis XIV une ville toute faite ; il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, parce que tout y est sable mouvant et marécage ; il se plut à y tyranniser la nature et à la dompter à force d’artet de trésors.

685. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan est d’une grande tristesse ; il est triste comme un impuissant ! […] Vains et tristes tissages !

686. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

On se rappelle à Paris la malencontreuse journée où il essaya de répondre à Lamartine au moment de la grande défection de celui-ci : c’était, nous assuraient les témoins, un singulier et triste spectacle que, dans une situation où pourtant il y avait, rien qu’avec du bon sens, tant et de si bonnes choses à dire, de voir un orateur aussi habile, une langue aussi dorée et aussi fine que l’est Villemain, balbutier, chercher ses mots et ses raisons ; on aurait cru qu’il n’osait frapper par un reste de respect pour le génie littéraire ; que l’ombre de ce génie, un je ne sais quoi, le fantôme d’Elvire debout aux côtés du poëte et invisible pour d’autres que pour l’adversaire, fascinait son œil et enchaînait son bras.

687. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Comme toutes les âmes faibles et tristes, il avait le continuel besoin d’un confident.

688. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Ceci est triste, si l’on veut, mais ceci est véritable ; dans les grandes convulsions sociales, l’homme est jeté hors de lui par sa passion dominante ; par elle, tout équilibre entre ses motifs est rompu, et sa liberté morale presque annulée.

689. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

Une poignée d’hommes médiocres ou usés, libéraux à ce qu’on dit, mais obéissant à un triste esprit de rancune littéraire ou philosophique, et s’accordant fort bien dans leurs petites haines avec leurs adversaires religieux et politiques, seraient à la veille de laisser encore une fois le génie sur le seuil, pour s’attacher à je ne sais quel candidat bénin et banal qui fait des visites depuis quinze ans18.

690. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Une entreprise comme la sienne devient respectable par ses dangers mêmes : elle est toujours intéressante et utile, quel qu’en soit le succès, et il est triste qu’au lieu d’en faire sortir une controverse instructive, on n’y ait trouvé, en général, qu’un prétexte de misérable taquinerie.

691. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

La douleur de la destruction se fait sentir avec toute la force de l’existence ; c’est assister soi-même à ses funérailles ; et, violemment attaché à ce triste et long spectacle, renouveler le supplice de Mézance, lier ensemble la mort et la vie.

692. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates.

693. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Quelle mâle gaité, si triste et si profonde, Que lorsqu’on vient d’en rire, on devait en pleurer.

694. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Dans le monde, il obtint la triste réputation d’insensible et d’insouciant ; et dans la solitude, son imagination inquiète lui créait des tourments d’autant plus affreux qu’il n’aurait voulu en confier le secret à personne. » Le croirons-nous ?

695. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Il rêve et murmure à mi-voix : Dieu n’était pas : il est tout près d’être… Mais, qui sait si la vérité n’est pas triste ?

696. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Mais le sort de la pauvre Gaussin est plus triste encore.

697. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Le plus triste, c’est que cette opinion des béotiens n’est pas sans avoir déteint sur la génération nouvelle.

698. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Et le triste de l’affaire, c’est qu’on est beaucoup plus intolérant pour défendre les opinions que l’on a héritées ou que l’on accepte comme le mot d’ordre d’un parti que pour soutenir celles qu’on a essayé de se faire tout seul : car alors on sait par expérience ce qui s’y mêle d’incertitude… Ah !

699. (1890) L’avenir de la science « VII »

L’impression profondément triste que produit l’entrée dans une bibliothèque vient en grande partie de la pensée que les neuf dixièmes des livres qui sont là entassés ont porté à faux, et, soit par la faute de l’auteur, soit par celle des circonstances, n’ont eu et n’auront jamais aucune action directe sur la marche de l’humanité.

700. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Nous ne lui refuserons cependant pas, comme tant d’autres, de l’esprit, des connoissances, & même un certain talent ; mais nous remarquerons que, par une triste fatalité, ces trois qualités littéraires ne s’annoncent dans lui, qu’avec un défaut de consistance & de maintien, si l’on peut se servir de ce terme, qui leur ôte tout le prix.

701. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Le libertinage dérobe chaque jour des Citoyens à l’Etat : sa main recueille les tristes créatures qui lui échappent, & les conserve par ses secours.

702. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

C’est une détermination prise… je n’y puis rien. » Un peu touché toutefois par nos tristes figures, il ajoute : « Que Lireux vous lise et fasse son rapport, je vous ferai jouer si je puis obtenir une lecture de faveur. » Il n’est encore que quatre heures.

703. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Elles imaginèrent de représenter, dans cette apologie, une dame, le chief des dames, l’advocate de toutes les loyales dames du monde ; d’abord triste, abattue, ensévelie dans une douleur profonde ; ne cherchant que la retraite & les bois ; confuse de tout le mal qu’on a dit de son sexe : mais bientôt passant de cet état d’accablement à celui de la fureur & des menaces.

704. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Pour le voir devenir triste & rêveur, il suffisoit qu’il se trouvât en présence de Montmaur.

705. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

« Si le besoin d’argent fait travailler pour vivre, il me semble que le triste spectacle du talent aux prises avec la faim doit tirer des larmes des yeux les plus secs.

706. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Les descriptions d’Homère sont longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort, ou sublime.

707. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde ; les autres les méprisent, et en sont méprisés. » Nous ne pouvons nous empêcher de faire ici un triste retour sur nous-même.

708. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes.

709. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Qui qu’il en soit, la maxime que cette Société a osé donner comme un conseil, ou plutôt comme un précepte, et qu’elle a même prise dans tous les temps pour règle de sa conduite, est le résultat d’une affreuse et triste vérité, dont l’expérience journalière, et particulièrement la mauvaise opinion que beaucoup de gens ont encore de Sénèque, sont malheureusement une preuve sans réplique.

710. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Des gladiateurs Cette émotion naturelle qui s’excite en nous machinalement, quand nous voïons nos semblables dans le danger ou dans le malheur, n’a d’autre attrait que celui d’être une passion dont les mouvemens remuënt l’ame et la tiennent occupée ; cependant cette émotion a des charmes capables de la faire rechercher malgré les idées tristes et importunes qui l’accompagnent et qui la suivent.

711. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Le stoïcisme, le calvinisme, un certain catholicisme janséniste, sont contraires et mortels au sentiment de la nature ; l’épicuréisme, qui ne veut que les surfaces et la fleur ; le panthéisme, qui adore le fond ; le déisme, qui ne croit pas à la chute ni à la corruption de la matière, et qui ne voit qu’un magnifique théâtre, éclairé par un bienfaisant soleil ; un catholicisme non triste et farouche, mais confiant, plein d’allégresse, et accordant au bien la plus grande part en toutes choses depuis la Rédemption, le catholicisme des saint Basile, des saint François d’Assise, des saint François de Sales, des Fénelon ; un protestantisme et un luthéranisme modérés, que les idées de malédiction sur le monde ne préoccupent pas trop ; ce sont là des doctrines toutes, à certain degré, favorables au sentiment profond et aimable qu’inspire la nature, et aux tableaux qu’on en peut faire. […] Cela serait triste à penser ; un tel désaccord entre le caractère et le talent, entre la vie pratique et les œuvres, concevable après tout dans des hommes de génie plus ou moins ironiques ou égoïstes, ne se peut admettre aisément chez celui dont le talent a pour inspiration et pour devise principale l’amour des hommes, la miséricorde envers les malheureux, toutes les vertus du cœur et de la famille. […] Il ne se crut pas en meilleure veine plus tard dans la société de madame Necker, qu’il fréquenta quelque temps ; et le triste succès, si souvent raconté, de la lecture de Paul et Virginie dans ce cercle, était bien fait pour le décourager.

712. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Des dieux auxquels on a cessé de croire, des héros dont les exploits et les amours sont des fables, des mœurs dont les descriptions nous semblent des inventions étranges du poète au lieu du portrait ressemblant de la civilisation que nous avons sous les yeux, tout cela intéresse peu le vulgaire des lecteurs ; le savant seul s’y plaît, mais la foule se détourne et court aux légendes et aux complaintes des chanteurs de rues ; de là un triste abaissement du niveau de l’imagination du peuple. […] Ainsi nous restions l’un en face de l’autre tristes et pensifs, car le mur qui séparait notre cour de la vôtre était tombé. […] « Des exclamations un peu légères du père sur la beauté séduisante de l’étrangère amenée par son fils blessent le pudique orgueil de la jeune fille ; ne sachant pas le sens que le père donne à ses paroles, et croyant qu’on offense ainsi en elle la domesticité chaste à laquelle elle se croit encore destinée, elle se tient immobile et triste ; une rougeur subite colore son cou et son visage ; elle reproche doucement au vieillard de n’avoir pas assez de pitié envers celle qui franchit le seuil de la porte d’une maison étrangère pour y servir.

713. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

C’est le droit et l’instinct de tout le monde de suspecter les hommes suspects et de ne pas se lier avec les vagabonds de mauvaise renommée ; c’est triste, mais c’est fatal. […] Cette peinture évangélique de l’âme de l’évêque, âme chrétienne parce qu’elle est populaire, et populaire parce qu’elle est chrétienne, mon ami, est ce qu’on appelle un tableau de genre suspendu dans un vestibule pour prédisposer, par une bonne impression, les yeux, l’esprit, le cœur des lecteurs aux sentiments religieux et doux, qui sont l’édification de ce triste monde. […] XV Quoi qu’il en soit, les Misérables de Victor Hugo sont sortis, comme un coup de foudre contre la société mal faite, de cette préméditation de vingt ans, faisant maudire et haïr, au lieu d’en sortir comme une commisération secourable, faisant pleurer, plaindre et bénir, ainsi que j’avais de mon côté conçu mon triste sujet.

714. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

… Substance universelle ou Raison souveraine, Vaste inconnue où tient mon sort, qui que tu sois, Force qui m’auras fait naître et mourir, — reçois Dans l’humble vérité de cette heure sereine, Reçois en mon esprit, silencieux autel Où tremble ta lueur auguste qui dévie, Au mystère où bientôt aboutira ma vie Le consentement grave et tendre d’un mortel… … Rien ne pourra remplir cette âme aride et triste ! […] Et voici qu’en buvant, le soir, nos vins vermeils Nous croirons retrouver les beaux, les vieux soleils Qui luisaient aux coteaux ardents de la jeunesse… — Et nous nous sentirons envahis d’une ivresse Triste et joyeuse au souvenir des vieux soleils ! […] Ses strophes sont des frises de vases où jouent des bergers tendres et tristes, vivants et rêveurs, rieurs et sérieux.

715. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Triste plaidoyer en faveur d’un prince et d’un chef de parti ! […] C’est bien triste à avouer, mais on est en général disposé à croire qu’elle ne s’attaque qu’à ceux qu’on lui a livrés. […] il faut bien, au risque d’aller sur les brisées des journaux judiciaires, constater quelles ont été les tristes distractions de la société parisienne. […] Je ne sais, mais cette idée d’une satire privilégiée, d’une raillerie brevetée, avec garantie du gouvernement, me semble profondément triste. […] Tristes échanges de personnalités où la dignité des lettres est singulièrement compromise !

716. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Ce sont de tristes héros, cela va sans dire. […] Il suffit de ne pas s’abuser sur la nature de cette émotion et d’y voir ce qu’elle est réellement : une forme de l’énervement, un cas de sensualité triste. […] Voici de vers tirés du recueil intitulé Amour : Que soient suivis des pas d’un but à la dérive Hier encor, vos pas eux-mêmes tristes, ô Si tristes, mais que si bien tristes ! […] Cela ne veut rien dire et tout de même remue au fond de nous on ne sait quoi de triste et de tendre. […] triste, triste était mon âme ce soir-là.

717. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Certes, il est triste et périlleux de s’attirer ainsi l’animosité d’un illustre écrivain. […] Paul-Louis Courier, sans qu’on prenne la peine de nous expliquer pourquoi, attrape au passage l’épithète de « triste sire ». […] C’est pour cela qu’elle sourit aux hommes et que son sourire est parfois si triste. » Il y a beaucoup de vers, hélas ! […] Mais hâtons-nous d’ajouter, afin qu’il ne soit pas tout à fait perdu de réputation auprès de nos jeunes Trompe-la-Mort, qu’il a l’optimisme triste. […] Sans doute l’humeur triste de M. 

718. (1891) Esquisses contemporaines

L’horizon sur lequel se détache le récit est uniforme et triste comme les brumes de la mer et toujours un retentissement d’infini résonne au-dessus des situations pour les ramener à leur juste valeur. […] La chanson triste du muezzin retentira toujours dans le silence des matinées d’hiver, — seulement, elle ne nous réveillera plus9 ! […] Á cette capacité d’intuition créatrice s’en joint une autre d’appréciation pure et de pur discernement ; à cette divination géniale s’ajoute un savoir acquis, triste héritage des civilisations extrêmes. […] Elle est plutôt triste et comme voilée de deuil. […] Auprès de lui la croyance fait d’abord triste figure ; mais à la longue elle l’emporte, car elle est la vie même.

719. (1887) George Sand

Malgré ces préoccupations assez sombres, elle n’était pas triste pourtant ; elle avait ses heures de franche, d’exubérante gaieté. […] Aurore passait pour une riche héritière, d’assez belle figure et d’un caractère gai, quand elle n’était pas en contact avec les emportements et les irritations de sa mère, qui avaient le privilège de la rendre affreusement triste. […] Transformer la réalité des caractères et des passions en l’élevant au-dessus des vulgarités et des laideurs, craindre avant tout de l’avilir dans le hasard des événements, qu’est-ce que cela, sinon chercher par tous les moyens l’expression la plus complète et la plus saisissante du rêve de la vie, verser quelques rayons d’idéal dans notre triste et pâle existence ? […] Elle est triste dans les deux récits ; elle l’avait été dans la réalité, et tout le monde la sait à peu près, ce qui suffit. […] D’elle-même, elle serait restée volontiers en dehors de ces fantaisies étourdissantes, de ces vives saillies, de cette gymnastique alerte de l’idée, de ces attaques et de ces ripostes où excellaient quelques-uns de ses contemporains et de ses amis ; elle aurait fait, parmi eux, triste figure si l’on n’avait connu d’ailleurs la haute valeur de cette intelligence.

720. (1900) Molière pp. -283

Mais aussi ce fut un singulier stimulant pour son génie ; dès que son mariage est conclu, il n’est plus besoin de chercher où Molière puise cette conception triste du caractère féminin que respirent toutes ses œuvres, conception d’une justesse et d’une profondeur admirables, mais mutilée, mais bornée, qui ne s’exerçait que d’un seul côté. […] Le génie du poète a mis une particulière empreinte sur cette pièce, conçue en quelques jours, écrite d’un jet puissant, pleine de choses, de choses tristes et profondes, tantôt comédie, tantôt drame, ou l’un et l’autre à la fois. […] Est-ce que ce n’est pas une chose bien cruelle pour un homme qui a l’âme bien née, qui a besoin d’estimer tous les hommes, qui voudrait les aimer, que le spectacle de la mêlée de ce monde envisagé précisément par le côté le plus triste, celui qui prête le moins aux illusions, qui ne nous dissimule ni les vices, ni les fautes et les malheurs mérités, ni l’odieux scandale des prospérités injustes et bouffonnes ? […] ——— Temps heureux de nos premiers rêves où l’espérance a quelque chose en soi de si plein et de si vivant que, ne fût-elle suivie d’aucune réalité, c’est assez, pour embellir encore des âges plus tristes, du souvenir de cela seulement que l’on a espéré ! […] ——— L’absence est le plus grand des maux, et l’oubli le plus triste des remèdes.

721. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Je conviens que ces moyens ont quelque chose qui rabaisse l’esprit du lecteur tout en l’amusant, et qu’un homme d’une grande âme, relégué par le malheur dans la solitude de ses tristes pensées, ne se nourrira pas de Molière comme des beaux morceaux de Shakespeare ; mais, s’il consent à lire, il pourra lire tout, et s’il peut jouir encore, il jouira pleinement de cet art accompli qui lui fait admirer la justesse et les perfections de l’esprit humain. […] Tout cela était un rêve pour un enfant de douze ans, qui était depuis longtemps entre les mains de gens durs, avec lesquels il avait souffert ; et il était dangereux et triste qu’avec les favorables dispositions qu’il avait pour le théâtre, il restât en de si mauvaises mains. […] Peu de temps après, un homme, dont le nom de famille était Mignot, et Mondorge celui de comédien, se trouvant dans une triste situation, prit la résolution d’aller à Auteuil, où Molière avait une maison et où il était actuellement, pour tâcher d’en tirer quelques secours pour les besoins pressants d’une famille qui était dans une misère affreuse. […] XXIII Le Misanthrope, le meilleur de ses drames, et dont le seul défaut est que le dénouement ne sort pas du caractère, mais de l’autorité, tomba ; le sujet était trop triste pour un parterre de Français. […] C’est ainsi qu’en humiliant l’esprit de celle qu’il aime, en opprimant son cœur sous le poids d’une triste reconnaissance, il marche directement contre le but qu’il se propose.

722. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

. — Un triste jour de l’An. […] Et comme on le pousse là-dessus, Bonnetain avoue qu’il a une maladie de cœur, venue à la suite de scènes dont il a été le triste témoin, et qu’aujourd’hui encore, les cris, les chamaillades le mettent dans un tel état nerveux, que dans sa maison, où il y a un ménage qui se dispute fréquemment, quand cela arrive, il se lève de sa table et quitte son travail. […] Je le revois avec sa figure de gentil Pierrot fatidique, même en nos soupers, je le vois avec la triste figure de Pierrot noyé, que devait avoir le pauvre cher garçon. […] Car incontestablement, c’est la même littérature ; la réalité des choses humaines vue par le côté triste, non lyrique, le côté humain, — et non par le côté poétique, fantastique, polaire, de Gogol, le représentant le plus typique de la littérature russe. […] … Dans l’idylle du second tableau, quel triste et pudique abandon, mais, mais… je ne sais pas, pour une scène d’amour si poétique, — la robe de bonne me fait une petite impression de froid, — en sera-t-il de même avec le public ?

723. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Sa chétive enfance ayant croupi dans les gynécées, il ne connaissait d’elles que les tristes visages des duègnes et des gouvernantes. […] que tous ces moments étoient tristes pour une jeune princesse élevée dans la plus belle cour et la plus polie de l’univers ! […] Lorsqu’il l’aperçut, un éclair de joie fit rayonner sa triste figure. « Mi reina ! […] Votre Majesté aura connu par plusieurs de mes lettres les tristes présages que j’en avois. […] Il vous regarde avec son perfide et triste sourire ; il bredouille au lieu de répondre : « Affaires d’Égypte. » Cela ne regarde pas les gorgios.

724. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Il ne conçoit pas qu’on puisse railler ce qui est laid, ni rire de ce qui est triste. […] Ne serait-il pas triste affreusement ? […] Elles rendent seulement leur débauche triste, froide, antinaturelle, et d’autant plus inassouvissable. […] Passe une pauvre fille, Jeanne-Marie, l’air triste, qui va couper des ajoncs. […] Et alors il se mettra à aimer très réellement, à sa façon, d’un amour triste, triste de ne pouvoir plus être irréfléchi et naïf, d’un amour où il y aura de l’humilité et de la compassion.

725. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il naquit en janvier 1759 parmi les frimas d’un hiver écossais, dans une chaumière de glaise bâtie des mains de son père, pauvre fermier du comté d’Ayr : triste condition, triste pays, triste chaumière. […] II Triste vie, et qui est le plus souvent celle des précurseurs ; il n’est pas sain de marcher trop vite ; Burns était si fort en avant, que l’on mit quarante ans à le rejoindre. […] Il resta triste, comme un homme qui se croit dans la disgrâce de Dieu, et se trouva incapable d’une vie active. […] Sur cette terre ainsi préparée et dans ce triste climat, le presbytérianisme a enfoncé ses âpres racines.

726. (1925) Dissociations

Il est vraiment heureux que nous ayons inventé l’art du vêtement, car nous ferions tout nus triste figure parmi la nature aux formes et aux couleurs harmonieuses. […] Triste résultat. […] Les uns disent : c’est triste ; les autres disent : c’est infâme. […] Cela est fort triste et un peu bête, en un pays si mal peuplé, La France est-elle en train de retourner à l’état d’esprit paysan pour qui tout être non indigène est un intrus et un ennemi ? […] L’était-il moins que ces tristes fantômes dont on a nanti le Cours-la-Reine, ou que le Béranger du square du Temple qui fait si peur aux enfants et ne fait pas peur aux moineaux ?

727. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

J’oubliais de dire que l’exécution de cette œuvre pieuse est d’une remarquable solidité ; la couleur un peu triste et la minutie des détails s’harmonisent avec le caractère éternellement précieux de la dévotion. […] Non, de ces pays sans gloire s’épanchera vainement le long et mélancolique fleuve des Tristes ; ici il vivra, ici il mourra. […] Quelles tristes réflexions ne fis-je point sur les peines de l’exil, qui étaient aussi les miennes, et sur l’inutilité des talents pour le bonheur ! […] Certes je n’essayerai pas de traduire avec ma plume la volupté si triste qui s’exhale de ce verdoyant exil. […] Depuis quelques années, les paysagistes ont plus fréquemment appliqué leur esprit aux beautés pittoresques de la saison triste.

728. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Il en est un peu triste sur la fin ; il avait du moins pour se consoler l’honneur des journées de Haute-Sierck et du décampement de Marlborough, cet honneur sans hasard et pour le moins égal en mérite à une victoire. […] Villars, à ce triste événement, eut des accents patriotiques : il hasarda des conseils ; il représenta l’impéritie militaire à lui bien connue, de l’électeur.

729. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

ce que nous venons de faire là est l’image de la vie, et c’est assez triste, n’est-ce pas ?  […] M. de Tracy (vieux, et après la perte d’une affection qui lui était tout) se livrait solitairement au sentiment du plus triste abandon… II craignait de déranger les autres, il ne les recherchait plus ; il se plaisait à faire des observations sur son déclin général : « Je souffre, dont je suis », disait-il. — On le voyait à sa fenêtre en contemplation devant les nuages qui passaient et se succédaient.

730. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

» C’est à croire, en vérité, à la verve et à l’acharnement qu’Apollon y met, que Louise Labé l’a soufflé, pensant à ce triste mari, Sire Aymon, que nous avons vu si peu ragoûtant avec son tablier gras. — Et tout en regard aussitôt, Apollon nous dépeint, au contraire, l’homme aimable et qui veut plaire, — qui sait ? […]   Enfin, il y a ce dernier sonnet d’elle, qui est également un vœu de mort, non plus de mort au sein du bonheur, mais de mort plus triste et plus terne, quand il n’y a plus pour le cœur de bonheur possible, plus un seul reste de jeunesse et de flamme : Tant que mes yeux pourront larmes épandre, A l’heur65 ; passé avec toi regretter, Et qu’aux sanglots et soupirs résister Pourra ma voix, et un peu faire entendre ; Tant que ma main pourra les cordes tendre Du mignard luth pour tes grâces chanter ; Tant que l’esprit se voudra contenter De ne vouloir rien fors que toi comprendre ; Je ne souhaite encore point mourir : Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prierai la mort noircir mon plus clair jour.

731. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

En égard à son âge de dix-sept ans75, il s’entend très-bien aux choses du monde, et quoique les Espagnols, qui ont coutume d’exagérer leurs faits et de s’émerveiller de tout, exaltent quelques questions qu’il adresse indistinctement à tous ceux qui l’approchent, d’autres, avec plus de fondement peut-être, tirent de l’inopportunité de ces questions un argument peu favorable a son intelligence. » Voilà la triste vérité que notre bon compagnon et compatriote Brantôme vient confirmer et relever de sa manière gaillarde et piquante, ne fut-ce que par ce seul petit trait : « Moi, étant en Espagne, il me fut fait un conte de lui, que son cordonnier lui ayant fait une paire de bottes très mal faites, il les fit mettre en petites pièces et fricasser comme tripes de bœuf, et les lui fit manger toutes devant lui, en sa chambre, de cette façon. » Quand un prince de dix-neuf ans en est là, il me semble qu’il est jugé à jamais et que son avenir est écrit plus clairement que dans les astres. […] On ne manquait pas d’agiter pour ce triste héritier bien des projets de mariage ; son alliance était recherchée et au concours.

732. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Si on allait au fond de cet esprit observateur, un peu triste, un peu silencieux dans l’habitude, il se pourrait qu’en touchant ce luxe, cette élégance, cette poésie de costume, ce gai mensonge d’une heure, on fît vibrer la corde la plus sensible. […] J’ai vu de sa façon un portrait aquarelle de son vieil ami Old-Nick (Forgues), portrait de tout jeune homme, long, fluet, riant, couché, la tête renversée en arrière, les jambes étendues, dans cette délicieuse position horizontale ou demi-horizontale que l’artiste aime à reproduire, et par laquelle il exprime à ravir le far niente, la flânerie, cette première condition du bonheur : il a voulu, tout à côté, faire du même Old-Nick une charge, et il n’a réussi qu’à faire un portrait moins bien, en triste et en laid.

733. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

j’avais été obligé d’acheter une mauvaise selle et une bride à l’européenne ; j’étais monté sur un triste bidet gris qui n’avait ni jambes, ni allure, ni figure. […] Nous crûmes qu’en nous renfermant dans notre triste cimetière, nous pourrions être à l’abri de tant d’outrages ; nous nous trompâmes.

734. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Les prisonniers durent reprendre, à travers monts et à travers vaux, leur triste itinéraire. […] Ce malheureux ami, mes camarades, tendaient leurs mains vers moi à travers la grille et m’adressaient leurs vœux pour le succès de mon voyage. » Après le départ du capitaine de Saint-Joseph, c’est l’aide de camp Bernard qui devient le narrateur et qui adresse à son camarade la relation des derniers mois de cette triste captivité.

735. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Il publie le recueil de ses Opinions et Discours, ses Lettres sur la Révolution ; il s’acquitte d’une dette de conscience et n’a pour le lendemain que les plus tristes présages. […] Madame Élisabeth, qui avait plus d’esprit de fermeté que son frère, participait à ce triste défaut ; et, chose encore plus singulière, la reine, qui ne manquait ni d’esprit ni de décision, était sur ce point-là à l’unisson avec le roi et sa belle-sœur.

736. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

C’est ainsi qu’il eut à répondre, dès 1815, au général Sarrazin, « de triste mémoire », lequel, jugeant des autres d’après lui-même, avait supposé que Jomini avait fourni au maréchal Blucher des plans faits pour compromettre l’armée qu’il venait de quitter. […] Désenchanté de toutes les illusions humaines, je ne désire qu’une retraite que je ne puis pas décemment demander, ayant si peu servi depuis ma démarche ; je traînerai donc par reconnaissance et par devoir ma triste carcasse sur le premier champ de bataille où il me sera possible de courir au-devant d’un boulet bienfaiteur.

737. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Bernardin de Saint-Pierre offrit l’un des premiers le triste spectacle d’un talent élevé, idéal et poétique, en chicane avec les libraires. […] Quelle que soit la légitimité stricte du fond, n’est-il pas triste pour les lettres en général que leur condition matérielle et leur préoccupation besogneuse en viennent à ce degré d’organisation et de publicité ?

738. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ces tristes résidus de l’expérience ironique ne méritent pas même le nom de résultats ; ce sont encore moins des matières à enseignement et des aiguillons. […] Quand j’étais malheureux, j’étais triste et maussade, J’allais au fond des bois rêveur, le cœur malade, Pleurer. — C’était pitié !

739. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

C’est alors que, sans cause extérieure, et en ce calme triste et doux, une révolution faillit arriver dans leur amour. […] Ne croyez pas, mon bien cher ami, que je puisse ne plus vous aimer ; au fond et au-dessous vous êtes toujours l’être nécessaire à mon existence… Mais votre Hermione n’est plus qu’une bien triste Aricie.

740. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Ce n’est que quinze ans après, que ce triste et doux souvenir, gardien de sa jeunesse, s’affaiblit assez chez lui pour lui permettre d’épouser une autre femme ; et alors il commence une vie bourgeoise et de ménage, dont nul écart ne le distraira au milieu des licences du monde comique auquel il se trouve forcément mêlé. […] En somme, Corneille, génie pur, incomplet, avec ses hautes parties et ses défauts, me fait l’effet de ces grands arbres, nus, rugueux, tristes et monotones par le tronc, et garnis de rameaux et de sombre verdure seulement à leur sommet.

741. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

                         … Colletet crotté jusqu’à l’échine S’en va chercher son pain de cuisine en cuisine… Cotin à ses sermons traînant toute la terre, Fend les flots d’auditeurs pour aller à sa chaire… Et tous les mauvais ouvrages qui sont livrés à notre dérision ne paraissent jamais dans l’idée abstraite de leur titre : ce n’est pas la médiocrité de la poésie que l’on conçoit, on voit le livre de rebut, sa reliure, ses feuillets ; c’est le triste bouquin que nous avons tant de fois rencontré sur le quai, « demi-rongé », ou « commençant à moisir par le bord », ou tout poudreux et recroquevillé. […] Comme honnête homme, il est sincère ; comme artiste, sa peinture manque de conviction ; c’est terne, triste et sans accent.

742. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

L’anneau que je reçus dans une autre espérance… Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance ! […] Anatole France a surtout aimé les belles pécheresses du premier et du second siècle de l’empire romain, celles qui, épuisées de voluptés, l’âme en quête d’inconnu, demandaient à l’Orient des dieux tristes à aimer, des cultes caressants et tragiques : Les femmes ont senti passer dans leurs poitrines Le mol embrasement d’un souffle oriental.

743. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Craignant d’avoir éveillé les soupçons du valet, Tebaldo lui dit qu’il faisait comprendre à Lelio en quelle triste position se trouvait sa sœur Virginia, et il adresse les plus violents reproches et les plus terribles menaces à Zucca, qui cherche vainement à s’excuser d’être pour rien dans ce malheur, et qui ne sait plus, comme on dit, à quel saint se vouer. […] Elle avait de la sorte l’avantage de ne point renvoyer ses spectateurs sur une impression triste : ceux-ci appréciaient fort cette attention, car quelques francs éclats de rire étaient une bonne préparation au repas qui les attendait au sortir du théâtre, la comédie se terminant alors vers sept heures du soir.

744. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Mariée d’abord au duc d’Alençon à l’âge de 17 ans, puis, en secondes noces, à Henri d’Albret, roi de Navarre, après une vie tout entière subordonnée à celle de son royal frère, elle mourut à 58 ans dans un commencement de vieillesse pieuse et triste. […] … Finablement, avec le roy mon maistre, · De là les monts prisonnier se veit estre Mon triste corps, navre en grant souffrance36.

745. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Pendant que la Rochefoucauld jetait un regard si triste et si profond sur une époque qui avait forcé tous les caractères, le jeune La Bruyère faisait son apprentissage d’observateur sur une société disciplinée, où les vices comme les vertus étaient revenus à leurs proportions naturelles, et où l’état de santé avait remplacé l’excitation de la fièvre. […] Comme notre auteur, après avoir affirmé nous doutons ; nous passons de la bonne opinion à la mauvaise ; la mélancolie nous saisit tout riants et tout raillants encore, la gaieté à peine envolée, le visage à peine rentré dans cette gravité un peu triste qui est notre air naturel.

746. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais laissons ce triste sujet… Ce n’est pas notre faute, hélas, si, dans de telles catastrophes, la comédie se mêle trop souvent au drame ; parfois, du reste, on rit de certaines choses, crainte d’avoir à s’en indigner. […] Mais les tristes gâteux qui font la loi sur nos scènes ne toléreraient jamais ni le finale de la Prise de Troie ni les dernières scènes des Troyens à Carthage !

747. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Il serait bien triste que Dieu n’éclairât pas une âme faite pour lui. » Cependant les yeux jaloux de madame de Montespan ont découvert l’intrigue du roi et de madame de Fontanges. […] Toutes ses sœurs y étaient avec elle ; mais tout cela si triste qu’on en avait pitié ; la belle perdant tout son sang, pâle, changée, accablée de tristesse, méprisant 40 mille écus de rente et un tabouret qu’elle a, et voulant la santé et le cœur du roi qu’elle n’a pas. » Le 21 juillet, madame de Sévigné écrit : « La place me paraît vacante.

748. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Mais Antiochus répond, avec l’enthousiasme de sa passion nouvelle : L’amour, l’amour doit vaincre, et la triste amitié Ne doit être à tous deux qu’un objet de pitié. […] Heureusement que le drame s’indigne à son tour, et qu’il élève enfin la voix pour maudire et exécrer son triste héros.

749. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Au moment où il perdit sa mère, Bettina lui écrivait, en faisant allusion à cette disposition froide et ennemie de la douleur, qu’on lui attribue : « On prétend que tu te détournes de ce qui est triste et irréparable : ne te détourne pas de l’image de ta mère mourante ; sache combien elle fut aimante et sage à son dernier moment, et combien l’élément poétique prédominait en elle. » Par ce dernier trait, elle montre bien qu’elle sait l’endroit par où il faut le pénétrer. […] Quand il voyait quelqu’un malade, triste et préoccupé, il rappelait de quelle manière il avait écrit Werther pour se défaire d’une importune idée de suicide : « Faites comme moi, ajoutait-il, mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Sa mère savait également la recette ; elle écrivait un jour à Bettina, qui avait perdu par un suicide une jeune amie, la chanoinesse Gunderode, et qui en était devenue toute mélancolique : Mon fils a dit : Il faut user par le travail ce qui nous oppresse.

750. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Songez à moi, monsieur, dans ce temps qui, si j’en crois ce qu’annonçaient les derniers mois où je vivais avec les vivants, doit être fécond en événements (la Guerre d’Amérique) ; songez à moi, dis-je, ou plutôt (car j’ai assez de preuves que vous daignez vous occuper de ma triste existence) rappelez-la à d’autres. […] Le docteur Ysabeau, son ami, et qui, depuis des années, lui avait donné des soins, pria son beau-frère le curé Vallet, député à l’Assemblée constituante, de faire part de cette triste nouvelle à Mirabeau.

751. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Mais la lettre est à peine écrite, que cette vieille amie meurt, et M. de Maistre répond au comte Golowkin, leur ami commun, qui lui avait appris cette triste nouvelle : Vous ne sauriez croire à quel point cette pauvre femme m’est présente ; je la vois sans cesse avec sa grande figure droite, son léger apprêt genevois, sa raison calme, sa finesse naturelle et son badinage grave (quel admirable portrait !). […] Il a dans l’humeur et dans la verve le talent de faire rire en raisonnant ; il en use avec succès, en ce sens que, même dans les sujets les plus graves, il n’est jamais ennuyeux ni triste comme M. de Bonald l’est trop souvent.

752. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

L’espèce de délit social dont l’auteur des Ruines et du Catéchisme de la loi naturelle s’est rendu coupable y est apprécié avec sévérité, mais sans virulence, comme il convient aujourd’hui que ces tristes livres ont fait leur temps et que l’intérêt général s’en est retiré. […] C’est ce qui manque totalement au genre triste, aride, tour à tour médical ou topographique de Volney.

753. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Il y a là un moment triste. […] Mais Kant, avant sa triste conversion, a proféré des choses éternelles, et peut-être la seule vérité, avec les phrases toutes faites, pâles froides, de la vieille scolastique.

754. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

V Or, voyons du moins comment s’est faite la chose, — cette triste et étonnante chose ! […] Et remarquez que ces aberrations de Chasles l’attendri, comme on dit Gaspard l’éveillé, ne sont pas des aberrations dont la triste originalité lui appartienne.

755. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Alors, dans son cerveau lamentable, la Foi vorace s’installait, comme les oiseaux de proie dans les carcasses de chameaux qui jonchent les routes des Saharas… » Et maintenant, c’est « là-haut », dans sa pensée solitaire, qu’il vit exclusivement, « hors de la vie », avec « la mystique sensation de la présence et de l’étreinte divines », ayant même réfréné les tendresses mystiques de son adolescence, tout plein de l’austère joie de se sentir élu, dans la fière sincérité de son vœu. « Ce lui était une béatitude fervente et triste, comme la pâmoison des imaginaires sensualités, dans ce que les théologiens appellent la délectation morose. […] Ces nobles et doux avertissements de la vie qui, compris par l’intelligence dans toute la profondeur et l’étendue de leur signification, révèlent à l’homme la sublimité de sa mission naturelle, ne sont plus pour le prêtre qu’un triste cauchemar. »98 C’est aussi à la virginité que le prêtre demande le secret de sa force et de son autorité spirituelle.

756. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

C’est le même homme qui, silencieux depuis vingt-cinq ans, vit paisible et triste sous la domination étrangère, dans sa ville natale, l’illustre Manzoni ; homme d’imagination et de foi, généreux patriote et chrétien résigné, poëte artificiel peut-être dans l’irrégularité de son théâtre, mais vraiment lyrique dans ses odes religieuses et dans celle que lui inspira le plus grand nom et la plus tragique destinée de ce siècle ! […] « Patrie, disait-il dans quelques vers harmonieux, nom triste et cher au pèlerin misérable jeté loin du sol où il est né, quand viendra l’ombre de l’arbre paternel rafraîchir ma tête brûlante ?

757. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

L’œuvre est des plus émouvantes ; l’intrigue, habilement conduite, fait passer devant les yeux charmés du lecteur, une série de tableaux tantôt gais, tantôt tristes, et toujours du plus vif intérêt. […] Le regard d’aigle avait disparu quand je le vis ; la cage était restée ; quelque chose d’inquiet, de contraint, de timide, qui se résolvait en expression affectueuse et triste. […] L’inconnu étrange, triste, poli et froid, passait dans la rue sur un cheval dressé aux courbettes. […] Triste et souffrant comme il était, jamais elle n’aurait dû lui permettre de s’en aller à pied. […] Chose incroyable, je ne puis comprendre le culte des tombeaux et l’amour des hommes pour revoir tes tristes demeures de ceux qu’ils ont aimés.

758. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Les Tristes d’Ovide sont remplies des témoignages les plus faibles d’une douleur abattue, des flatteries les plus basses pour son persécuteur ; et Cicéron, dans l’intimité même de sa correspondance avec Atticus, contient et ennoblit de mille manières la peine que lui cause son injuste bannissement.

759. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La triste connaissance du cœur humain fait, dans le monde, de l’exercice de la bonté un plaisir plus vif ; on se sent plus nécessaire, en se voyant si peu de rivaux ; et cette pensée anime à l’accomplissement d’une vertu à laquelle le malheur et le crime offrent tant de maux à réparer.

760. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Loti dit à Yves : — Tu es triste ?

761. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

C’est trop triste.

762. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Ce sont enfin, sur la vanité des projets et des espérances, sur l’amour à vingt ans, sur l’amour à trente ans, sur ce qu’il y a de triste dans le bonheur, sur cette infinité de choses douloureuses dont se composent nos années, ce sont de ces élégies comme le cœur du poëte en laisse sans cesse écouler par toutes les fêlures que lui font les secousses de la vie.

763. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Cet homme s’élève, avec chaleur, contre l’histoire imaginaire des amours d’une femme très-aimable avec celui qu’il appelle un sçavant, dans toute l’étendue du mot, un sçavant triste, pesant, sans graces & sans usage du monde.

764. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Brierre de Boismont, mine inépuisable de faits curieux, œuvre d’une psychologie ingénieuse, mais qui laisse quelquefois désirer une critique historique plus sévère ; la Folie lucide du docteur Trélat, l’un des livres qui, sans aucune théorie, donne le plus à réfléchir par la triste singularité des faits qui y sont révélés ; la Psychologie morbide de M. 

765. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Il prend celui de son tableau ; il est brusque, doux, insinuant, caustique, galant, triste, gai, froid, chaud, sérieux ou fou, selon la chose qu’il projette.

766. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Suivant que l’air est sec ou humide, suivant qu’il est chaud, froid ou temperé, nous sommes gais ou tristes machinalement, nous sommes contens ou chagrins sans sujet : nous trouvons enfin plus de facilité à faire de notre esprit l’usage que nous en voulons faire.

767. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Si les critiques qui ont voulu censurer ou éclaircir la poëtique d’Aristote eussent fait attention à la signification de saltatio, ils n’auroient pas trouvé si bizarre que les choeurs des anciens dansassent, même dans les endroits les plus tristes des tragédies.

768. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Ils n’ont donc de ce qu’ils attaquent qu’une notion bien confuse Le héros du Disciple, qui a ouvert la campagne il y a environ neuf ans, n’est pas seulement un triste caractère, c’est un médiocre esprit, un mauvais élève qui n’a pas compris son maître.

769. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Comme roi, Henri IV, pour toute initiative, reprit cette triste politique de Catherine de Médicis, qui consistait à réunir le parti catholique et le parti huguenot dans un centre commun et en s’éloignant des extrêmes, politique chétive, que les races et les générations se passent de la main à la main depuis des siècles, qu’on appelle fusion, conciliation, transaction, bascule, équilibre, tous mots vains !

770. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Il C’est ce bénéfice, en effet, ce triste bénéfice des circonstances atténuantes, sur lequel Marmont avait compté, qui lui est arraché par Rapetti.

771. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Le cas est triste.

772. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Inspiration personnelle ou sociale, regret du cœur, perspective de la vie revue en se retournant de l’autre bord de l’horizon, sentiment de l’irréparable, d’abord amer et devenant plus triste à mesure qu’il est plus résigné, oui !

773. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Malheureusement l’histoire, commencée sur ce grand pied mystérieux, tourne de la lycanthropie, que l’auteur a peur d’aborder et qui n’eût pas fait trembler Edgar Poe ou tout autre génie fantastique, au somnambulisme shakespearien, mais sans la goutte de sang sur la main coupable, et, au point de vue du fantastique, c’est là le plus triste fiasco.

774. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Mais toi, avec le calme de ton esprit enfantin, tu dors dans cette triste demeure scellée de clous d’airain, à cette lueur nocturne, dans cette sombre obscurité.

775. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Mais Molière n’est pas homme à traiter tristement un sujet, si triste qu’en soit la donnée. […] Ce n’était pas précisément un triste Jupiter, car il avait tout de même bien du talent, mais c’était un Jupiter triste. […] On en sortait oppressé et triste à mourir. […] Ces deux comédies laissent le spectateur triste et en disposition désagréable. […] La scène est très comique, mais de ce comique profond et triste, qui pousse à la réflexion plus encore qu’au rire.

776. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Quelle triste chose alors que de découvrir tardivement dans cet ami des défauts, des imperfections ; d’être conduit peut-être à rompre ces relations commencées, pour en former de nouvelles qui ne sauraient plus avoir ni l’attrait ni la fraîcheur des premières ! […] quelle somme de jours calmes et riants à retrancher du nombre des jours tristes, inquiets ou ingratement occupés ! […] Je renvoie aussi au livre pour le dénoûment final de l’histoire, lequel est trop triste et, à partir d’un certain moment, trop prévu.

777. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Nous l’y avons retrouvé alors, posant, comme dans ses Mémoires, en Marius sur ses débris, ennuyé, triste, solitaire, cherchant à grandir par l’éloignement, caressant M.  […] « Au milieu de tout cela je suis triste, et je sais pourquoi. […] XXX  Madame Récamier part, vraisemblablement bien triste, pour Rome.

778. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Château-Neuf de Gadagne est un triste hameau, qui marque le commencement de la plaine arrosée par les eaux de la Sorgue. […] C’est la première des félibresses : elle a écrit des courtes pièces doucement tristes, Li Belugo, les Étincelles. […] Le pays, si triste en février, n’était plus reconnaissable. […] Oui, sans doute, il lui arrivait quelquefois… C’est si triste de vivre seul, de n’avoir personne à qui dire sa joie ou son chagrin de la journée, si triste, un intérieur sans femme… Sylvanire s’en irait un jour ou l’autre ; et puis elle ne remplaçait pas une mère aux enfants. […] … Le voyage fut long, triste ; ma jambe est lasse.

779. (1888) Impressions de théâtre. Première série

La plus grande faute qu’on puisse commettre, c’est de le dire comme une pièce triste et comme un drame bourgeois. […] La figure maigre et triste de M.  […] Elle n’ignore pas le mal ni la souffrance, et même il lui arrive de s’y complaire, parce que les émotions tristes sont les plus fortes. […] Elle est austère, elle est triste, mais elle élève les cœurs, elle fortifie, et, — pourquoi ne pas employer le mot ? […] Quelqu’un m’affirme d’abord que, à l’heure triste où nous sommes, on trouve plus d’un salon où l’on en dit d’autrement « raides » que dans celui de Francillon.

780. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Molière même n’a jamais fait exprès de laisser transparaître par instants le fond triste de la grande farce humaine. […] Ou bien, si vous trouvez que ces dénouements tristes ne sont pas des dénouements, mais plutôt de nouveaux drames qui commencent… eh bien ! […] Elle l’accueille avec une ironie triste et lasse. […] Un gentilhomme, Vendôme, vient en apporter la triste nouvelle : « Le lâche ! […] Il a la voix nasale et triste et, tour à tour, une mimique de dément et des affectations de tranquillité qui inquiètent.

781. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il l’emmena dans un pays perdu, abominablement triste, à Emmendingen, dans le margraviat de Hochberg, dont il avait été nommé administrateur. […] Sa vie fut très pleine, continuellement agitée et l’une des plus tristes, en somme, que l’on ait vues. […] » Ce qui est un sentiment très naturel, et par conséquent point atroce, mais triste suffisamment, et qui ajoute — ah ! […] Si la jeunesse en est là de pouvoir écouter de tels croassements sans avoir envie de berner l’orateur, c’est que le protestantisme a fait de tristes progrès dans l’âme française. […] Au fond, disons-le donc, — et Mlle Bourgain, qui le sait, j’en suis sûr, ne l’a pas suffisamment dit, — il était profondément triste.

782. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Chagrin sans être triste, misanthrope sans être sauvage, toujours vrai et naturel dans ses différents changements, il plaît par ses propres défauts, et l’on serait bien fâché qu’il fût plus parfait. » Sans être un bel-esprit, comme cela devenait de mode à cette date, le chevalier d’Aydie avait de la lecture et du jugement ; il savait écouter et goûter  ; son suffrage était de ceux qu’on ne négligeait pas. […] Je sais quelqu’un qui a écrit : « Ce qu’était l’abîme qu’on disait que Pascal voyait toujours près de lui, l’ennui l’était à Mme du Deffand ; la crainte de l’ennui était son abîme à elle, que son imagination voyait constamment et contre lequel elle cherchait des préservatifs et, comme elle disait, des parapets dans la présence des personnes qui la pouvaient désennuyer. » Jamais on n’a mieux compris cet effrayant empire de l’ennui sur un esprit bien fait, que le jour où, malgré les plus belles résolutions du monde, l’ennui que lui cause son mari se peint si en plein sur sa figure, — où, sans le brusquer, sans lui faire querelle, elle a un air si naturellement triste et désespéré, que l’ennuyeux lui-même n’y tient pas et prend le parti de déguerpir. […] Enfin les tristes années arrivent, les heures du mal croissant et de la séparation suprême. […] J’ay été dans ce triste estat plus d’un mois entier, d’où je crois que je ne serois pas sorti sans M. l’ambassadeur d’Holande, lequel m’ayant rendu visite et m’ayant trouvé avec ma santé et mon esprit ordinaires, fit tant de bruit du traitement qu’on me faisoit, qu’il me fut permis, après l’attestation que j’eus des médecins du parfait rétablissement de ma santé, d’assembler la nation, laquelle, sollicitée par le sieur Belin, et pour se mettre à couvert du blâme de la première délibération qu’elle avoit signée, ne voulut jamais me reconnoître qu’après m’avoir forcé d’aprouver ladite délibération par un acte que je fus obligé de signer le 1er du mois d’aoust dernier, pour obtenir ma liberté et reprendre les fonctions d’ambassadeur.

783. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

En vain le lion altéré de sang rôde et se précipite sur l’enceinte ; mille dards acérés sont lancés à la fois contre lui par des mains courageuses ; des torches sont allumées, et l’animal, malgré sa rage impétueuse, s’épouvante de leurs lueurs ; enfin, quand le jour commence à se lever, il s’éloigne triste dans son cœur ; tel Ajax, etc. » XXI Achille, cependant, debout sur la poupe d’un de ses vaisseaux, contemple immobile les chances de ces batailles et les périls des Grecs. […] Quoique mort, son corps tout entier laisse admirer sa beauté ; mais lorsque des chiens cruels souillent la barbe blanche, la chevelure et les tristes restes d’un vieillard égorgé, ah ! […] Tout à coup, se levant, il s’en va errer triste sur le rivage de la mer ; l’Aurore l’y retrouve quand elle revient éclairer l’Océan et ses plages. » Le féroce Achille attache à son char le cadavre d’Hector et le traîne trois fois dans la poussière autour du tombeau de Patrocle. […] « Ô mon fils, dit Thétis après avoir caressé de sa main divine la tête de son fils, jusqu’à quand, triste et chagrin, rongeras-tu ton cœur, oubliant la nourriture et le doux sommeil ?

784. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Il y a sans doute de grands et petits fleuves, des bords tristes ou riants, mesquins ou grandioses. […] Tout ce qui était venu des armées du Rhin montrait peu de penchant pour l’expédition d’Égypte ; au contraire les officiers originaires de l’armée d’Italie, quoique fort tristes de se voir si loin de la France, étaient favorables à cette expédition, parce qu’elle était l’œuvre de leur général en chef. […] Toutefois, gardant pour lui seul le secret de ses préférences, feignant d’ignorer les fautes de Kléber, il traita pareillement Kléber et Desaix, et voulut, comme on le verra bientôt, confondre dans les mêmes honneurs deux hommes que la fortune avait confondus dans une même destinée. » Glissons sur la triste capitulation de l’armée d’Égypte, sans chef, sans secours, sans communications avec la mère patrie : leçon terrible, mais leçon perdue pour ces politiques d’aventures qui rêvent des colonies immortelles sans posséder les mers, seules routes et seules garanties de ces colonies. […] Tristes vicissitudes de ce monde !

785. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Nous nous rappelons très-bien, en énonçant cette loi fâcheuse, que Byron, Walter Scott, Chateaubriand, sont ou étaient au nombre des enrichis ou de ceux qui auraient dû l’être ; des sommes immenses, produit de leurs œuvres, leur ont passé par les mains ; mais ces grands exemples même ne font que nous confirmer dans la triste conséquence que nous tirons.

786. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Il voudra vaincre sa passion ; mais il n’y réussira plus ; il la renfermera longtemps, il se taira, il sera triste, mélancolique ; il souffrira ; mais il s’ennuiera de souffrir ; il jettera des mots que vous n’entendrez point, parce qu’ils ne seront pas clairs.

787. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Ce ne sont pas deux caractères, ce sont deux noms, quelques sentiments élémentaires, simples, larges, plus rêvés qu’observés, quelques attitudes gracieuses ou touchantes ; c’est un doux et triste songe d’amour pur, par lequel l’humanité se repose des réalités rudes.

788. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Ce dénouement est triste comme deux lis couchés dans le même vase après un débordement du Rhône dans les jardins de la Crau.

789. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Le 7 juillet, elle lui dit : « Vous ne pouvez assez plaindre ni assez admirer la triste aventure de cette nymphe (Jo) : quand une certaine personne en parle, elle dit ce haillon.

790. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Ni l’or, ni la grandeur ne nous rendent heureux ; Ces deux Divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorans c’est l’éternel asile ; Véritable Vautour, que le fils de Japhet Représente enchaîné sur son triste sommet.

791. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Si vous remontez de la douleur au plaisir, comme dans la scène d’Homère, vous serez plus touchant, plus mélancolique, parce que l’âme ne fait que rêver au passé et se repose dans le présent ; si vous descendez au contraire de la prospérité aux larmes, comme dans la peinture de Milton, vous serez plus triste, plus poignant, parce que le cœur s’arrête à peine dans le présent, et anticipe les maux qui le menacent.

792. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

C’est triste.

793. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique.

794. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

IV Il n’y a point de plus triste spectacle, et peut-être n’y en a-t-il pas de plus désespéré.

795. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Avant d’exposer à nos lecteurs un catalogue et une appréciation des principaux de ces ouvrages, constatons un fait assez curieux qui pourra leur fournir matière à de tristes réflexions.

796. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Dans nos climats d’occident, et surtout dans une grande partie de notre Europe moderne, nous avons commencé presque tous par être des espèces de sauvages, enfermés dans des forêts et sous un ciel triste ; ensuite nous avons été tout à la fois corrompus et barbares par des circonstances singulières et des mélanges de nations ; enfin, nous avons fini par être corrompus et polis.

797. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Ce monstre fut aussi orateur ; et, à ce que nous apprend Tacite18, il avait même une éloquence mâle et forte ; il avait loué Drusus son frère : il prononça l’éloge funèbre d’Auguste son beau-père, et dans la suite il eut le triste courage de faire l’éloge de son fils unique empoisonné par Séjan ; mais ce qui eût passé peut-être pour fermeté dans un autre, ne fut attribué, dans ce cœur sombre, qu’à une dure insensibilité.

798. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Il est triste pour les poètes d’avoir eu, dans tous les siècles, le privilège de flatter sans s’en apercevoir et sans même qu’on s’en étonne ; il faut espérer qu’un jour ils réclameront contre ce droit : mais ce privilège accordé aux vers ne s’est jamais étendu jusqu’à l’histoire.

799. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

« Le Rhin tremble et frémit à ces tristes nouvelles ; « Le feu sort à travers ses humides prunelles. […] La force des armes soutint l’arrivée de ces nautiques explorateurs des contrées qu’ils découvrirent : mais leurs seules découvertes, source de richesses entre les nations, furent l’objet principal de l’épopée et non les guerres qui en devinrent la triste suite. […] de cette triste histoire « Faut-il donc réveiller l’affligeante mémoire ? […] Ce chef-d’œuvre enseigne comment le génie poétique sait voir et revêtir la nudité des choses que dépouilla de leurs ornements la triste orthodoxie des saints et des pères de l’église. […] Si par hasard vous représentez Achille vengé, qu’il se montre actif, emporté, inexorable, violent, qu’il méconnaisse toute loi, qu’il s’arroge tout par les armes : que Médée soit féroce, indomptable ; Ino gémissante, Ixion perfide, Io fugitive, Oreste triste et sombre.

800. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Ils mèneront sans désirs une vie plus triste que la mort. […] Mais d’où vient que vous êtes triste quand je suis gaie ? […] Voilà, madame, d’où vient que je suis triste quand vous êtes gaie. […] Je pense que je ne vous verrai pas aujourd’hui et je suis bien triste. […] Et toute la vie n’est-elle pas un triste roman ?

801. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il est triste, tendre et mélancolique. […] Les Bretons ne sont pas, par exemple, si tristes que l’on a dit. […] Mme Mea, dans le rôle de Cléone, a été pleine de dignité triste et de douceur plaintive. […] Mme Segond-Weber a été souvent admirable de passion violente et désespérée et sa voix profonde et triste faisait merveille dans le rôle d’Eriphile. […] C’est un drame de passion triste et sombre et navrante, fait expressément pour décourager hommes et femmes de toute velléité amoureuse : « Ah !

802. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Les Scènes de la vie conjugale sont un chef-d’œuvre ; mais quel triste chef-d’œuvre ! […] On n’apprend ces tristes vérités que par l’histoire ou le maniement des affaires. […] Là-dessus les lettres de Racine sont extrêmement touchantes ; son ménage est pauvre, triste ; il est souffrant, il a toujours quelque enfant malade ; une de ses filles a des tourments de conscience ; une autre se fait religieuse ; il en a le cœur déchiré, mais il se résigne. […] Quel triste rang pour une pareille âme ! […] Nous sommes en ce moment dans une des plus tristes périodes.

803. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Il y a des tons gais et folâtres, folâtres et tristes, riches et gais, riches et tristes, de communs et d’originaux. […] Mais pour expliquer ce que j’affirmais tout à l’heure, — que Delacroix seul sait faire de la religion, — je ferai remarquer à l’observateur que, si ses tableaux les plus intéressants sont presque toujours ceux dont il choisit les sujets, c’est-à-dire ceux de fantaisie, — néanmoins la tristesse sérieuse de son talent convient parfaitement à notre religion, religion profondément triste, religion de la douleur universelle, et qui, à cause de sa catholicité même, laisse une pleine liberté à l’individu et ne demande pas mieux que d’être célébrée dans le langage de chacun, — s’il connaît la douleur et s’il est peintre. […] « Cependant une voix se fit entendre : « Honorez le sublime poëte ; son ombre, qui était partie, nous revient. » « La voix se tut, et je vis venir à nous quatre grandes ombres ; leur aspect n’était ni triste ni joyeux. […] Boissard, dont les débuts furent brillants aussi et pleins de promesses, est un de ces esprits excellents nourris des anciens maîtres ; sa Madeleine au désert est une peinture d’une bonne et saine couleur, — sauf les tons des chairs un peu tristes. […] Du reste, cette peinture est si malheureuse, si triste, si indécise et si sale, que beaucoup de gens ont pris les tableaux de M. 

804. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Après des années, l’adolescent retrouve la triste marraine et elle avoue « la vérité sur la Fée des Chimères ». […] Lorsque la Fée des Chimères contait poétiquement sa triste vie, « ses paroles avaient un ton si doucement ironique que, parfois, je ne savais si je devais rire ou m’apitoyer. […] Certains vers de Sully-Prudhomme sont jolis et émouvants comme des enfants tristes exilés dans une cour de collège grossièrement tapageuse ; tels vers de Jean Aicard sont alertes comme des petits qui s’amusent. […] Décembre enfin est un mois bien triste. […] Mon sourire était triste quand elle me contait ses tournées, sans esprit, remplaçant la verve par des souvenirs livresques et de banales citations.

805. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Leur âme en est restée songeuse et un peu triste ; cela se voit à leur physionomie douce, modeste et résignée, fort différente de la physionomie tapageuse de l’ancien soldat français. […] La voilà triste comme un ange de lumière qui, après la déroute finale de Lucifer, aurait regretté de ne pas s’être joint à la grande révolte. […] Une triste et tendre lumière boréale éclaire également toutes les parties du drame, et il semble qu’à sa clarté sans chaleur on voie apparaître les sapins et les chênes du Nord. […] Certes, ceux-là ne représentent pas le dégoût de la vie, le désenchantement et le désespoir ; leur expérience n’a rien d’amer, leur sagesse n’a rien de triste. […] J’en doutai un instant ; puis, quand je me rappelai le long et triste regard qu’il m’avait jeté quelques mois auparavant, toute incertitude s’évanouit de mon esprit.

806. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Je mourais de froid, d’ennui et d’isolement entre ces grands murs tristes, où, sous prétexte de me briser à la vie de collège, un immonde chien de cour s’était fait mon bourreau. […] L’heure est triste, le jour descend et la nuit va venir. […] Dimanche, mais il ne le voulut pas, et la France eut ce spectacle triste du poëte vieillissant, courbé depuis l’aube jusqu’au soir sous le joug de la copie productive. […] Triste présage ! […] ce jeune homme si vivace, si robuste en apparence, qui jamais n’avait dit « je souffre », brisé, emporté, disparu, sans qu’on ait eu la triste douceur des adieux éternels !

807. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Toute la fortune de mon aïeul ne dépassait pas cinq mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils emportait les deux tiers, trois mille trois cents livres ; restait mille six cent soixante-six livres pour les trois cadets, sur laquelle somme l’aîné prélevait encore le préciput »  Cette fortune qui s’émiette et s’anéantit, ils ne savent ni ne veulent la refaire par le négoce, l’industrie ou l’administration : ce serait déroger. « Hauts et puissants seigneurs d’un colombier, d’une crapaudière et d’une garenne », plus la substance leur manque, plus ils s’attachent au nom  Joignez à cela le séjour d’hiver à la ville, la représentation, les dépenses que comportent la vanité et le besoin de société, les visites chez le gouverneur et l’intendant : il faut être Allemand ou Anglais pour passer les mois tristes et pluvieux dans son castel ou dans sa ferme, seul, en compagnie de rustres, au risque de devenir aussi emprunté et aussi hétéroclite qu’eux66. […] Le spectacle est plus triste encore lorsque, des terres où les seigneurs résident, on passe aux terres où les seigneurs ne résident pas. […] La campagne est déserte, et si quelque gentilhomme l’habite, c’est dans quelque triste bouge, pour épargner cet argent qu’il vient ensuite jeter dans la capitale. » — « Un coche79, dit M. de Montlosier, partait toutes les semaines des principales villes de province pour Paris, et n’était pas toujours plein : voilà pour le mouvement des affaires.

808. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Il viendra bientôt, dit-il dans une des poésies qu’il écrivit alors, il viendra bientôt après Clément VI un homme triste et pesant ; il engraissera les pâturages romains avec le fumier d’Auvergne. » Ce pape cependant fit quelques avances au poète pour l’attacher à sa cause. […] Ces sonnets sont empreints de cette triste et poignante sérénité des heures du soir de la vie des grands hommes, où, à mesure que leur soleil baisse, leur âme semble grandir avec leur génie. […] ces paroles me résonnent toujours dans le cœur, et il me semble connaître quelqu’un qui peut-être un jour mourra de même en les répétant. » (Ugo Foscolo parlait là de lui-même, et son triste sort a vérifié son pressentiment : il est mort encore jeune à Londres, dans l’exil, dans le travail mercenaire et dans le dénuement.

809. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Dans l’état où il est réduit, il n’a pas même le triste bonheur de s’ignorer ; il faut qu’il se contemple sans cesse, et il ne peut se contempler sans rougir ; sa grandeur même l’humilie, puisque ses lumières, qui l’élèvent jusqu’à l’ange, ne servent qu’à lui montrer dans lui des penchants abominables qui le dégradent jusqu’à la brute. […] Cela est bon, car, sous une aristocratie plus ou moins forte, la souveraineté ne l’est plus assez. » Le sacre des monarques par l’autorité de Dieu, l’extinction de la liberté civile dans le monde, l’administration morale par le sacerdoce, la suppression des schismes par la puissance armée de l’unité dans la main du souverain pontife, de tristes et éloquentes prophéties contre l’indépendance de la Grèce à moins qu’elle ne reconnaisse l’autorité du pape, une adjuration aux protestants pour recomposer l’unité en sacrifiant leur liberté usurpée par la révolte contre Rome, des imprécations contre toute philosophie non orthodoxe, une hymne à Rome, véritable Te Deum d’un autre Ambroise, complètent ce livre. […] S’il doit l’accomplir, je lui souhaite de tout mon cœur la mort, etc., etc. » De telles violences du fidèle des fidèles sont un triste exemple de la révolte de l’esprit contre les maximes du système.

810. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Le pessimisme qu’affirme Bouvard et Pécuchet ne ressort pas plus des tristes dénouements des romans, que des farouches destinées qui s’appesantissent dans Salammbô et des continus effarements avec lesquels saint Antoine contemple l’écroulement de ses erreurs. […] Enfin Flaubert satisfait son amour de l’énergie et de la beauté en concevant les admirables femmes de ses romans, pâles, noires, fines et tristes, Mme Bovary et Mme Arnoux. […] Féré trois listes de mots, les uns d’un sons joyeux, les autres d’un sens triste ; la troisième liste se composait de mots abstraits et rares.

811. (1739) Vie de Molière

Triste exemple de l’instabilité des fortunes de cour. […] Voilà comme ce grand homme fut traité de son vivant ; l’approbation du public éclairé lui donnait une gloire qui le vengeait assez : mais qu’il est humiliant pour une nation, et triste pour les hommes de génie, que le petit nombre leur rende justice, tandis que le grand nombre les néglige ou les persécute ! […] Les satires de Despréaux coûtèrent aussi la vie à l’abbé Cassaigne ; triste effet d’une liberté plus dangereuse qu’utile, et qui flatte plus la malignité humaine, qu’elle n’inspire le bon goût.

812. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Que le roi ait un jour aussi triste que l’auront les autres qui sont là. […] La seconde chanson se rapporte au triste épisode de ce double mariage et à la vengeance qu’il tire de ses lâches et misérables gendres.

813. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Dans les prisons, où l’on trompe souvent l’ennui des heures obscures par des chants en chœur, les prisonniers, interrompant d’ordinaire le coryphée qui leur entonne une gaie chanson, lui demandent autre chose ; ils veulent du triste, une romance, comme ils disent. […] Aujourd’hui donc qu’à la France étonnée Par tant d’efforts la palme enfin gagnée Ne laisse voir qu’un triste et maigre fruit ; Quand le combat recommence à grand bruit ; Toi, sans dégoût, à ton passé fidèle, Sans repentir (car la cause était belle, Elle était sainte, et dut nous enflammer), Toi, désormais, tu sais où te calmer.

814. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Mme Des Houlières, qu’on voit de loin dans un costume couleur de rose, était triste : c’est une des personnes qui, avec le plus de moyens naturels d’être heureuse, eurent aussi le plus à se plaindre de la fortune. […] Dans certaines de ses églogues, la bergère délaissée accuse les bocages de s’être prêtés aux amours infidèles de l’ingrat durant toute une saison, Depuis que les beaux jours, à moi seule funestes, D’un long et triste hiver eurent chassé les restes, Jusqu’à l’heureux débris de vos frêles beautés.

815. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Dans Tacite, Britannicus est un jeune homme de quatorze à quinze ans, doux, spirituel et triste. […] Chez Racine tout ce qui n’est pas Phèdre et sa passion échappe et fuit : la triste Aricie, les Pallantides, les aventures diverses de Thésée, laissent à peine trace dans notre mémoire.

816. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

J’ai la douleur, chaque année, de voir ce triste spectacle devant mes yeux, dans mes visites. […] Je n’y vois qu’une misère effroyable ; ce n’est plus le sentiment triste de la misère, c’est le désespoir qui possède les pauvres habitants : ils ne souhaitent que la mort et évitent de peupler… On compte que par an le quart des journées des journaliers va aux corvées, où il faut qu’ils se nourrissent : et de quoi ?

817. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ne pouvant en même temps se dissimuler l’état d’infirmité où il était lui-même, il les exhortait à ne se plus considérer comme des enfants, mais comme des hommes ; car il prévoyait que les circonstances où ils allaient se trouver les réduiraient bientôt à la nécessité de mettre à l’épreuve leurs talents et leurs moyens personnels. « On attend à toute heure l’arrivée d’un médecin de Milan, leur dit-il ; mais pour moi, c’est en Dieu seul que je mets ma confiance. » Soit que le médecin ne fût pas arrivé, ou que le peu de confiance que Pierre avait dans ses secours fût bien fondé, environ six jours après, le premier jour d’août de l’année 1464, Côme mourut, à l’âge de soixante et quinze ans, profondément regretté du plus grand nombre des citoyens de Florence, qui s’étaient sincèrement attachés à ses intérêts, et qui craignaient que la tranquillité de la ville ne fût troublée par les dissensions qui allaient probablement être la suite de ce triste événement. […] Au milieu de ces illusions délicieuses, Laurent fut obligé de redescendre aux tristes réalités de la vie.

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