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789. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Nous regretterions que les Paroles d’un Croyant n’y fussent pas acceptées ou tolérées, comme une de ces paroles libres de prêtre, qui ont toujours eu le droit de s’élever en sens contradictoire dans les crises sociales et politiques aux diverses époques. […] Cela sera sensible dans son développement philosophique, comme cela l’est déjà dans sa prédication politique. […] M. de Lamartine a publié, il y a deux ans à peu près, une brochure sur la Politique rationnelle, dans laquelle des perspectives approchantes sont assignées à l’âge futur de l’humanité, et, bien qu’il semble y apporter, pour le détail, une moins impatiente ardeur, ce n’est que dans le plus ou moins de hâte, et non dans le but, que ce noble esprit diffère d’avec M. de La Mennais.

790. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Les grands poëtes contemporains, ainsi que les grands politiques et les grands capitaines, se laissent malaisément suivre, juger et admirer par les mêmes hommes dans toute l’étendue de leur carrière. […] Celle-ci nous offre le développement prévu et l’application au monde moral de cette magnifique langue de poésie, qui, à partir de la première manière, quelquefois roide et abstraite, des Odes politiques, a été se nourrissant, se colorant sans cesse, et se teignant par degrés à travers les Ballades jusqu’à l’éclat éblouissant des Orientales. […] Pour qui a lu avec soin les livres IV et V des Odes, les pièces intitulées l’Âme, Épitaphe, et tout ce charmant poëme qui commence au Premier Soupir et qui finit par Actions de Grâces, il est clair que le poëte, sur ces cordes de la lyre, s’était arrêté à son premier mode, mode suave et simple, bien plus parfait que celui des Odes politiques qui y correspond, mais peu en rapport avec l’harmonie et l’abondance des compositions qui ont succédé.

791. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

La philosophie du dix-huitième siècle, malgré la reprise catholique de 1803, semblait fermement assise : cette philosophie qui avait parcouru toutes ses phases et pénétré toutes les sphères, évincée du monde politique par l’Empire, irritée bien plutôt qu’effrayée du rétablissement des autels, restait maîtresse en théorie. […] Non, la statue de la Liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples… » Ainsi la liberté politique était invoquée en aide de la liberté morale par une sorte d’association et d’alliance naturelle qui n’était pas une confusion. […] Celui qui est trempé pour la politique, pour les combats de tribune, juge volontiers qu’une grande époque de luttes est arrivée, et il le prend sur ce ton ; ainsi plus ou moins de tous.

792. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Il y a cinquante ans, Paris n’avait guère qu’une dizaine de journaux, que se partageaient la politique et la littérature. […] Admirable journal d’ailleurs, à l’affût de tout ce qui surgit un moment sur l’horizon de Paris ; le journal-barnum, le mieux informé des journaux, c’est-à-dire rempli jusqu’aux bords de choses superflues ; souple et accommodant comme l’aimable valet de comédie dont il porte le nom ; étalant en première page les opinions politiques du comte Almaviva et entr’ouvrant la quatrième aux menues industries du mari de Rosine. […] Si le choix m’en avait été laissé, j’aurais choisi d’abord d’être un grand saint, puis une femme très belle, puis un grand conquérant ou un grand politique, enfin un écrivain ou un artiste de génie.

793. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Défenseurs de l’ancien esprit démocratique, ennemis des riches, opposés à toute organisation politique et à ce qui eût engagé Israël dans les voies des autres nations, ils furent les vrais instruments de la primauté religieuse du peuple juif. […] Peu soucieux de dynastie nationale ou d’indépendance politique, il accepte tous les gouvernements qui le laissent pratiquer librement son culte et suivre ses usages. […] On sent d’avance que les résultats qui en sortiront seront d’ordre social, et non d’ordre politique, que l’œuvre à laquelle ce peuple travaille est un royaume de Dieu, non une république civile, une institution universelle, non une nationalité ou une patrie.

794. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Est-il bien certain que nos droits politiques ne se régleront désormais que par le registre des impositions ? […] Quoique l’Évangile soit une loi indépendante de toute institution politique, une loi qui admette toute espèce de gouvernement, néanmoins on peut dire que nous n’avons point eu de législateur depuis Jésus-Christ, et que les empires chrétiens ne peuvent point en avoir d’autre. […] Les souverains de l’Europe doivent savoir à présent une chose qu’ils ont trop ignorée ; ils doivent savoir qu’il ne s’agit plus ni de la force des armes, ni des limites de territoires, ni de la balance politique entre les différents états.

795. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Au commencement du xixe  siècle, une femme, il est vrai, certainement supérieure, par le but et la portée de ses travaux, à Mlle Clarisse Bader, — et supérieure aussi par la sagacité, quoique cette sagacité ait été bien trompée, — Mlle de La Lézardière eut l’ambition de continuer Montesquieu et publia la Théorie des lois politiques de la monarchie française. […] Elle se met derrière Aristote, — non pas comme Sganarelle dans son chapitre des Chapeaux, mais dans sa Politique, quand elle dit que c’est chez les peuples guerriers que la femme a le plus d’influence, parce que plus on est fort, moins on est jaloux de son autorité. […] Élisabeth (le bas-bleu royal avant l’apparition des bas-bleus dans son royaume d’Angleterre) est doublée de Burleigh, et Catherine, de Pierre le Grand, dont elle répète la politique qui la pousse du côté de Constantinople, aidée par Souwaroff.

796. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

 » Nous aurions voulu, enfin, que les historiens apologistes de ce pavs ainsi incriminé, ainsi accusé, et dans son histoire, et dans ses mœurs, et dans son esprit, et dans tout son être, eussent pénétré partout où l’accusation a enfoncé son atteinte, et qu’ils nous l’eussent montré non seulement dans son histoire politique, mais qu’ils fussent descendus au fond des mœurs pour les laver et qu’ils eussent tâté de leurs savantes mains ce crâne arrondi de la race jaune, rasé par les conquérants tartares, pour nous dire au juste ce que, dans cette boîte osseuse, si déformée par la corruption et par l’esclavage. […] … Comme histoire politique, ils nous racontent, sans pénétrer le sens des événements, des batailles, — et quelles batailles encore ! […] Comme mœurs politiques et sociales, nos deux historiens nous développent, sans trop savoir ce que prouve contre les peuples l’empire de telles dominations, l’effroyable et perpétuelle domination des Eunuques et les formes de cette polygamie, de cette lèpre dont la famille est rongée ; car, quoique mutilée, abaissée, la famille, dont l’esprit peut tout sauver et tout éterniser, subsiste, en Chine, dans le respect porté aux ancêtres, — et voilà, sans nul doute, ce qui a empêché cet empire de laque de complètement se dissoudre.

797. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Crétineau-Joly, l’auteur de l’Histoire de lα Compagnie de Jésus, de la Vendée militaire, de l’Histoire de la Révolution et de l’Église, du Pontificat de Clément XIV, l’éditeur et le dépositaire des Mémoires de Consalvi, ne peut pas sortir et disparaître entièrement de l’histoire religieuse, politique et littéraire du xixe  siècle. […] Le chantage, par exemple, cette réputation qui plane sur toute la vie de Crétineau, dit l’abbé Maynard, et qui est le sort commun, fait par les ennemis, de tous ceux qui mettent la main dans la boue de la politique ; le chantage, cette revanche du fumier d’Augias qui se venge d’Hercule ! […] Une biographie de Crétineau-Joly — l’historien religieux et politique — ne peut pas être les Mémoires de l’amitié de Maynard pour Crétineau.

798. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

En réalité, je n’affirmerais pas qu’il le fût avec la sécurité que j’ai, par exemple, quand j’affirme que Bonaparte est le premier, lui, dans l’ordre politique et militaire, et Byron dans l’ordre poétique ; mais il ne s’agit pas ici de réalité, il s’agit de l’opinion et de l’empire qu’un nom a sur elle. […] à son ami de Bonpland), Alexandre de Humboldt, fils de chambellan et grand seigneur dans un de ces pays qui ont une noblesse politique encore, ayant enfin toutes les fortunes en attendant celle de la gloire, qui lui fut facile, abondante, prodiguée comme éternellement lui furent toutes choses, depuis la faveur très lucide, comme on sait, des princes, jusqu’à l’admiration aveugle des femmes, Humboldt, qui n’avait pas le goût du cabinet de Buffon, — le grand Sédentaire, — se dit de bonne heure que son cabinet à lui serait l’univers, et il se fit voyageur et il se lança dans l’espace ! […] Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique et son Examen critique de l’histoire de la géographie du nouveau continent aux xve et xvie  siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxiales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la Nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire s’il n’avait pas voyagé, et pensé s’il n’avait pas vu ?

799. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Charles de Mouy dans sa Notice, sans curiosité du genre de la mienne, et beaucoup plus historique et politique qu’intime. […] Madame Geoffrin fut de celles-là… Le don de séduction qui était en Poniatowski, ce séducteur d’impératrice, ne rencontra pas d’obstacle à sa toute-puissance dans la raison de cette femme dont le mâle esprit, inaccessible aux engouements de son époque, toisait, toute petite bourgeoise qu’elle fût, et le grand Frédéric, et Catherine-le-Grand, et Voltaire, avec une toise d’une telle précision que les plus forts de ce temps-ci (Joseph de Maistre, par exemple, sur le grand Prussien Frédéric de Prusse), n’ont eu besoin ni de la raccourcirai de l’allonger… Stanislas Poniatowski n’était pas, en effet, un séducteur des temps corrompus où il vivait et dont Madame Geoffrin aurait pu dire, comme de la politique de ces temps : « Ce sont les profondeurs de Satan !  […] V Le portrait gravé par Rajon à la tête du volume, et qui représente ce Roi de beauté créé Roi politique par une femme, nous le montre avec son cou nu de taureau adouci découvert jusqu’à la poitrine, et ses magnifiques épaules pleines de promesses viriles et nonobstant d’une grâce tombante d’épaules de femme.

800. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

En réalité, je n’affirmerais pas qu’il le fût avec la sécurité que j’ai, par exemple, quand j’affirme que Bonaparte est le premier, lui, dans l’ordre politique et militaire, et Byron dans l’ordre poétique, mais il ne s’agit pas ici de réalité, il s’agit de l’opinion et de l’empire qu’un nom a sur elle. […] à son ami de Bonpland), Alexandre de Humboldt, fils de chambellan, et grand seigneur dans un de ces pays qui ont une noblesse politique encore, ayant enfin toutes les fortunes en attendant celle de la gloire, qui lui fut facile, abondante, prodiguée comme éternellement lui furent toutes choses depuis la faveur, très lucide, comme on sait, des princes, jusqu’à l’admiration aveugle des femmes, Humboldt, qui n’avait pas le goût du cabinet de Buffon, — le grand Sédentaire, — se dit de bonne heure que son cabinet à lui serait l’univers, et il se fit voyageur, et il se lança dans l’espace ! […] Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique, et son Examen critique de l’histoire de la géographie du Nouveau continent aux quinzième et seizième siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire, s’il n’avait pas voyagé, et pensé, s’il n’avait pas vu ?

801. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Tous les gens d’esprit et de talent que nous avons vus s’éparpiller dans toutes les directions, depuis ce temps-là, ont été couvés dans la veste brodée du Figaro : de La Touche, Becquet ; l’Érigone politique du Journal des Débats, M.  […] En 1832, plus révolutionnaire que jamais en morale comme en politique, M.  […] Pendant sept ans, toutes les semaines, il fit un cours de catholicisme à l’Athénée, à propos de toutes les questions philosophiques, politiques, sociales.

802. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Alfred Fabre-Luce ne fait pas de politique. […] L’historien certes, l’homme politique également. […] Politique ou grandes affaires, rien ne distraira Fabre-Luce de la réflexion. […] Lamartine est pris par le côté politique. […] En politique aussi bien que dans le domaine des poètes, l’avidité, l’activité de M. 

803. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

La vie intime, militaire et politique du duc de Montebello y est suivie pour ainsi dire pas à pas, étape par étape. […] Il ne réussira à rien, ni en politique, ni en littérature. […] Ainsi mourut un homme que la mauvaise foi politique a défiguré et dont un de ses serviteurs dévoués vient de nous rendre le portrait exact. […] À ce point de vue l’école de la politique expérimentale peut le compter au nombre de ses adeptes. […] Saint-Marc Girardin fut un homme de grand sens politique.

804. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Les uns ont été plus poètes, les autres aussi éloquents, quelques-uns aussi politiques, ceux-ci aussi philosophes, ceux-là aussi écrivains ; mais nul, sans en excepter Voltaire, n’a été, dans tous les exercices de la pensée, de la parole ou de la plume, aussi vaste, aussi divers, aussi élevé, aussi universel, aussi complet que Cicéron. […] Nous ne défendrons plus à un philosophe d’être un politique, à un magistrat d’être un héros, à un orateur d’être un soldat, à un poète d’être un sage ou un citoyen. […] La guerre donne la gloire ; la gloire donne la popularité ; la popularité donne aux ambitieux la puissance politique. […] Il se prépara à la tribune politique et aux charges de la république par l’exercice du barreau, noviciat des jeunes Romains qui aspiraient ainsi à l’estime et à la reconnaissance du peuple avant de briguer ses suffrages pour les magistratures. […] Voilà Cicéron orateur politique.

805. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Plût à Dieu que je n’eusse jamais touché comme Musset à ce fer chaud de la politique qui brûle la main des orateurs et des hommes d’État ! […] Une seule fois, je lus jusqu’au bout, parce que la page était politique et parce que j’avais chanté moi-même une ode patriotique sur le même sujet. […] Allez-y, etc…………………………………… ………………………………………………… Ces vers que je relis aujourd’hui avec plus de satisfaction d’artiste qu’aucun des vers politiques que j’aie écrits, pâlirent complètement devant le petit verre et le petit vin blanc des strophes de Musset. […] Je jetai ces vers ébauchés dans un tiroir de ma table pour les achever le lendemain ; mais il n’y eut point de lendemain ; un événement politique inattendu me rappela soudainement à Paris ; le courant des affaires et des discussions de tribune emporta ces pensées avec mille autres ; les beaux vers d’Alfred de Musset restèrent sans réponse et s’effacèrent de ma mémoire. […] puisque tu n’avais pas la foi politique, qui pourrait t’accuser de n’avoir pas eu le zèle ?

806. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Les Observations faites dans les Pyrénées, en paraissant en 1789, portaient bien d’ailleurs l’empreinte de cette date ; c’est un livre jeune, en ce sens que l’auteur y déborde encore et exprime volontiers, chemin faisant, ses opinions sur tout sujet civil ou politique, philosophique ou philanthropique. […] Je parlerai peu de sa vie politique et de sa carrière législative, bien qu’elle ait été honorable et même, à certaines heures, assez brillante. […] En 1800, Ramond rentra dans la vie politique : nommé au Corps législatif pour y représenter le département des Hautes-Pyrénées, il y prit la place qui était due à son caractère et à ses talents, et fut vice-président de cette assemblée. […] Dacier, beau-père de Ramond et secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, ayant à prononcer, cinq semaines après, l’éloge historique de Lanjuinais (25 juillet 1828), en prit occasion de faire au début quelques réflexions générales à l’adresse de Cuvier ; il trouvait qu’il y avait de l’inconvénient, et même de l’inconvenance, à entremêler dans une notice académique ce qui appartenait à l’homme politique et ce qui se rapportait au savant.

807. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Il y a des moments de réconciliation et d’accord où il semble que tout soit effacé ; Henri, qui a besoin de consolation et de douceur en ses peines politiques, voudrait croire à la durée de ces bons instants : Mon cœur, je suis plus homme de bien que ne pensez. […] Il se représente à nous comme ayant donné à son roi les meilleurs conseils dans un sens aussi politique que généreux, ce que la comtesse ne lui pardonna jamais. […] Un Octave qui est un politique tout fait dès vingt ans, et qui sait dès cet âge tout ce qu’il faut penser des hommes en certaines époques, jusqu’où on peut les pousser et comment oser les conduire, court risque par moments d’être un prodige ou même un monstre. […] On aime à voir, dans le politique consommé qu’il devint, l’homme qui a hérité de ses divers âges, et qui a gardé de sa jeunesse, jusque dans l’expérience finale, un fonds d’indulgence, de bonne humeur et de bonté.

808. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Mais les plus importantes de ces lettres sont adressées à des amis religieux et politiques, au comte de Senfft, diplomate autrichien, pieux et même mystique, et à sa femme ; au marquis de Coriolis, royaliste et littérateur, homme d’esprit et poète, et qui en avait les prétentions, disciple de Delille, assez singulièrement raccroché à ce tourbillon de Lamennais et ne s’en tirant pas trop mal : il a, pour nous, le mérite de donner la réplique à son célèbre interlocuteur, et de l’attaquer de questions. […] « C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques. […] Il a, dans tous les cas, de bien grandes et fortes paroles sur le silence dont là-bas on l’accueille, sur le sentiment de cette immobilité invincible, de ce peu de réponse et d’écho, de cette neutralité si prolongée qui était sans doute une sagesse relative, mais qui différait tant de la grande sagesse et de la haute politique d’autrefois : « Combien de temps Dieu permettra-t-il encore qu’on se taise là ? […] Lamennais était un apôtre et un prophète égaré, dépaysé : un apôtre, après tout, n’est pas un homme politique ; un prophète n’est pas un conseiller d’État de salon ou de canapé.

809. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Tantôt c’est une beauté non moins éblouissante, mais d’une ambition plus variée, qui sait unir les plaisirs à la politique, le jeu des cabinets et des cours aux intrigues d’éclat, qui mène de front la galanterie et les affaires, et, sur le pied déjà de souveraine, attire à soi les plus graves philosophes politiques ou impose le respect aux plus grandes dames de Paris : qui les a rencontrés une seule fois ne saurait jamais les oublier, ces deux yeux d’une clarté d’enfer et qui faisaient lumière dans la nuit. Tantôt c’est la femme politique toute pure, sans la galanterie ou sans rien du moins qui y ressemble par la grâce, la femme politique âpre, active, ardente, desséchée comme la joueuse qui a passé des nuits autour du tapis vert, ayant besoin de tenir les cartes à tout prix et de jouer la partie de l’Europe pour ne pas mourir comme d’inanition, pour ne pas hurler d’ennui.

810. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Mais en revanche je suis juge comme tout le monde du degré d’invraisemblance en ce qui est de la politique et du moral. […] le côté politique, le caractère des personnages, le génie du peuple, les aspects par lesquels l’histoire particulière de ce peuple navigateur, et civilisateur à sa manière, regarde l’histoire générale et intéresse le grand courant de la civilisation, sont sacrifiés ici ou entièrement subordonnés au côté descriptif exorbitant, à un dilettantisme qui, ne trouvant à s’appliquer qu’à de rares débris, est forcé de les exagérer. […] J’aime mieux, après tout, connaître la politique de Carthage que toutes les mosaïques et les verroteries de Carthage. […] L’amour de la vieille Carthage, puisqu’amour il y avait, y aurait trouvé son compte : on en aurait refait l’histoire, en indiquant les lacunes, en restituant, à l’aide des fragments et du parti raisonnable qu’on en peut tirer, la religion, la politique, le caractère, les mœurs.

811. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Cet esprit ferme, qui n’a jamais connu la défaillance et que l’âge a respecté dans l’intégrité de sa nature, ne peut supporter l’idée que sa ligne morale, politique, historique, religieuse, reste entamée et rompue sans qu’il y ait de sa part réponse et riposte, réparation à la brèche ou même une dernière sortie vigoureuse. En même temps qu’il vaque à l’achèvement de ses Mémoires, à son apologie politique et à la défense de la cause moyenne et restreinte qu’il a si éloquemment soutenue, il revient sur les points essentiels de son dogme en religion, en morale, et les voyant ébranlés par des attaques nouvelles, multipliées, audacieuses ou masquées, ouvertes ou sourdes, il y remet la main pour en raffermir l’idée et la certitude dans les esprits. […] Guizot a recueilli et reconquis, on le sent, toute cette piété filiale et maternelle avec les années ; mais de plus, et en dehors du sentiment pur, sa raison et sa prudence interviennent à tout instant pour compléter son principe de foi, pour l’appuyer et le corroborer par de puissantes considérations politiques et sociales : « Y a-t-on bien pensé ? […] Il n’est ni pour la grande Église catholique hiérarchique, ni pour l’émancipation absolue et l’Église libre universelle, de même qu’en politique il n’était ni pour la forme monarchique ou aristocratique pure, ni pour la liberté démocratique et le suffrage universel.

812. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

En histoire, en psychologie, en morale, en politique, les penseurs du siècle précédent, Pascal, Bossuet, Descartes, Fénelon, Malebranche, La Bruyère, partaient encore du dogme ; pour quiconque sait les lire, il est clair que d’avance leur siège était fait. […] Tel est d’abord le climat, c’est-à-dire le degré du chaud et du froid, du sec et de l’humide, avec ses conséquences infinies sur le physique et sur le moral de l’homme, par suite sur la servitude ou la liberté politique, civile et domestique. […] C’est ainsi qu’il faut procéder dans toutes les sciences, et notamment dans les sciences morales et politiques. […] Sans doute encore, si ces conditions ne sont qu’à demi remplies, l’opération ne donne que des produits incomplets ou d’aloi douteux, des ébauches de sciences, les rudiments de la pédagogie avec Rousseau, de l’économie politique avec Quesnay, Smith et Turgot, de la linguistique avec le président de Brosses, de l’arithmétique morale et de la législation pénale avec Bentham.

813. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Louis XIV, avec son principe de monarchie absolue asiatique, y est jugé sans illusion ; les diverses fautes de sa politique sont marquées avec un rare bon sens. […] Il peint avec énergie la jeunesse du Grand Siècle, celle qui ne sait plus plaisanter avec esprit, qui joue tout le jour avec fureur et qui s’enivre ouvertement ; il indique et assigne en moraliste et en politique les causes de ce changement général à la Cour. […] La Fare, à cause du caractère sérieux et tout à fait politique de ses Mémoires, qui fait si fortement contraste avec sa vie dernière, prêterait encore mieux que Chaulieu à une telle étude. […] Et le malheur du xviiie  siècle en politique, depuis Philippe d’Orléans régent jusqu’à Mirabeau, fut de ne pouvoir se débarrasser jamais de ces mœurs-là.

814. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Cette liaison fraternelle et politique, ainsi nouée avec le duc d’Anjou, ne tint point. […] Quelque habileté et quelque finesse qu’ait pu montrer la reine Marguerite dans plusieurs circonstances politiques de sa vie, nous l’entrevoyons assez déjà, ce n’était point une femme politique : elle était trop complètement de son sexe pour cela. […] La plupart des femmes mêlées aux intrigues de la politique y apportent et y confondent leurs intrigues de cœur et de sens.

815. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques et Bachaumont, les derniers venus et les plus jeunes de cette génération qui a descendu le Journalisme de ses grands chevaux et qui l’a déboulonné sans cérémonie, ce vieux boutonné jusqu’au menton, cette vieille valise politique ! […] L’ancien Journalisme, ce vieux myope hautain, au lorgnon d’écaille, ne regardait la société qu’à son étage politique, dont les rideaux, pour lui, restaient le plus souvent baissés. […] tout le monde l’est, à cette heure, en France, et à tous les jeux, — jeux de bataille, jeux politiques, jeux électoraux ! […] Déjà, en 1832, un romancier, oublié maintenant et qui valait mieux que beaucoup de ceux dont on parle, Horace de Vielcastel, impatienté de voir le faubourg Saint-Germain, dont il était, donner sa démission de l’action politique et se refuser à devenir le parti tory de la France, après en avoir été le parti jacobite, voulut nous en faire une forte peinture dans des romans qui portèrent hardiment ce nom.

816. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Les drames et les romans devinrent des manuels de science ; on représenta, par des personnages, des moments de l’humanité, des époques de l’histoire, des réformes de politique, des thèses de législation pénale, « des questions d’organisation politique et sociale. » Nul poète ne daigna être simplement poète. […] Et lorsqu’à tant de variations utiles on ajoute l’alliance d’un parti politique, le crédit prêté par la rénovation de l’histoire, le talent des maîtres, le silence des adversaires, et par-dessus tout l’irrésistible sympathie de l’esprit poétique et nuageux du siècle, on comprend la nécessité de cette longue fortune et de cette solide domination. […] Si on lit un de ses maîtres, c’est pour son grand cœur, son beau style, son éloquence vraie, son enthousiasme, sa noble conduite, et les protestations politiques que sa philosophie couvre et ne cache pas100.

817. (1908) Après le naturalisme

Bien des fortunes politiques et monétaires se fondèrent là, à la faveur des troubles de toutes sortes. […] Tout ce qui sortit de bon de la Révolution politique vient directement d’eux. […] Le romantisme n’arbore pas de doctrine sociale, morale ni politique. […] La politique l’a dit. Mais la politique ne la voit pas, et pour cause, et c’est la politique qu’ont suivie les pauvres littérateurs.

818. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Quoique libéral, il n’appartenait pas au parti des agitateurs et des révolutionnaires, et ne s’occupait nullement de politique. […] De Saint-Pétersbourg, où elles étudiaient la médecine, on les avait envoyées dans la Russie centrale, pour cause de suspicion politique. […] Un homme politique, engagé dans la politique, ne montre fatalement qu’une des faces de sa personnalité, la plus laide, ses appétits. […] Car nous ne valons pas mieux que les autres peuples, et nos institutions politiques ne sont point d’une essence supérieure à celles du vôtre. […] — dans le gâchis de notre firmament politique !

819. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Ses grandes odes politiques sont admirables. […] Benda se figure-t-il que Shelley n’a pas eu d’opinions politiques ? […] Maurras sacrifie parfois la vérité objective à ses manœuvres politiques. […] Le procès de Socrate fut surtout politique. […] Sa politique m’étonna doublement.

820. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

C’est un analyste qui examine l’organe et qui dit : « Étant donné l’ensemble, il est tout naturel, il est nécessaire que la partie ait ce vice ; l’animal en pourra crever, mais nous aurons compris la nécessité de sa fâcheuse aventure. » Taine n’est pas parfait, mais il a une intelligence indépendante ; ses enfants tiennent directement de son tempérament et non point d’une politique adoptée pour obtenir soit la popularité, soit les faveurs du pouvoir. […] ∾ « Commune, Département, Église, École, ce sont-là, dans une nation, à côté de l’État, les principales sociétés qui peuvent grouper des hommes autour d’un intérêt commun et les conduire vers un but marqué : d’après ces quatre exemples, on voit déjà de quelle façon, à la fin du xviiie  siècle et à la fin du xixe , nos politiques et nos législateurs ont compris l’association humaine.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

N’oublions jamais que Rome était déjà arrivée, par son énergie et son habileté, au pouvoir politique le plus étendu et à la maturité d’un grand État, après la seconde guerre punique, sans posséder encore rien qui ressemblât à une littérature proprement dite digne de ce nom ; il lui fallut conquérir la Grèce pour être prise, en la personne de ses généraux et de ses chefs illustres, pour être touchée de ce beau feu qui devait doubler et perpétuer sa gloire. […] C’est l’âme légère de la Grèce qui, passant en elle et se combinant avec le sens ferme et judicieux de ces politiques et de ces vainqueurs, a produit, à la seconde ou à la troisième génération, ce groupe de génies, de talents accomplis, qui composent le bel âge d’Auguste. […] Leur parlant déjà comme à un peuple-roi, leur prouvant que, du moment qu’ils l’ont été une fois, ils ne peuvent reculer et sont condamnés à l’être toujours ou à ne plus être du tout, à n’espérer plus même, s’ils tombent, la condition ordinaire des cités sujettes, il professe, à leur usage, les plus fermes maximes publiques et politiques : « Être haï, être odieux dans le présent, ç’a été le lot de tous ceux qui ont aspiré à l’empire sur les autres ; mais quiconque encourt cet odieux pour de grandes choses, il prend le bon parti et il n’a pas à s’en repentir. » Et certes, si l’on entendait toujours le Périclès de Thucydide, ce Démosthènes non seulement en parole, mais en action, on ne permettrait plus aux Romains de se vanter, comme ils l’ont fait, d’avoir ajouté de la solidité au génie charmant des Grecs. Mais les Athéniens n’ont su remplir qu’une moitié de son vœu, et cette œuvre rêvée, — et mieux que rêvée, proposée par Périclès —, œuvre de constance, d’énergie durable et d’empire politique universel, ce sont les Romains qui se sont chargés de l’accomplir dans des proportions tout autrement vastes, et non plus sur mer, mais sur terre ; et en même temps que les Grecs déchus, privés de l’exercice des vertus publiques, devenaient (sauf de rares exceptions) plus légers, plus volubiles, plus sophistiques, plus flatteurs, plus fabuleux qu’ils n’avaient jamais été, les vainqueurs se saisirent du précieux élément divin, d’une part de ce feu de Prométhée, et en animèrent leur vigueur pratique et leur sens solide, dans un tempérament qui unit la vivacité et la consistance. […] On est arrivé de la sorte à pénétrer le secret de bien des affaires et le sens intime de bien des personnages, à savoir en détail et presque jour par jour les motifs de son admiration pour Henri IV, pour Richelieu, pour Louis XIV, à dénombrer les ressorts de leur administration, et à suivre tous les mouvements de leur politique à l’étranger.

822. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

L’aspect des lieux, la nature, les institutions, les mœurs, les hommes, les principaux acteurs politiques, les personnages les plus considérables, tout y est attaqué à la fois et de front par une plume jeune, dégagée, hardie. […] La vie politique s’y passe à discuter s’il faut raccommoder un chemin ou bâtir un pont. […] Il est, dans la sphère humaine, dans le domaine de la pensée comme dans l’ordre social, des couches profondes, des cercles extrêmes qu’il faut avoir visités et traversés, qu’il faut sans cesse oser pénétrer du regard, sans quoi l’on n’est jamais un philosophe achevé ni même un parfait et consommé politique. […] On pourrait, au contraire, en choisissant les matières,, ne présenter que des sujets qui eussent des rapports plus ou moins directs avec notre état social et politique. […] Il n’avait cessé de songer à cette idée principale et maîtresse dont il pourrait se faire le chef auprès des générations nouvelles, et qu’il pourrait inscrire sur son drapeau : « Mon plus beau rêve en entrant dans la vie politique, écrivait-il à son frère, homme monarchique et catholique, était de contribuer à la réconciliation de l’esprit de liberté et de l’esprit de religion, de la société nouvelle et du Clergé. » Mais cette réconciliation s’en alla en fumée avant qu’il eût pu en rallier les éléments et en formuler la doctrine.

823. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

C’est pourtant du point de vue ecclésiastique exclusivement que La Mennais juge les affaires, et il est douteux que, si ses idées eussent été suivies, le régime politique d’alors s’en fût mieux trouvé : il n’eût excité qu’un peu plus d’animadversion et de colères. […] Les événements politiques ouvraient un vaste champ aux imaginations religieuses et mystiques. Si l’on a remarqué avec raison que les grandes crises révolutionnaires et les tempêtes politiques ont pour effet de ramener en foule les naufragés et les vaincus au pied des autels, cela n’est pas moins vrai des intelligences supérieures que l’imagination ou que la sensibilité domine, et qui sont tentées dans ces terribles catastrophes de voir et de discerner comme deux plans et deux sphères, l’inférieure où les lutteurs humains se combattent, la supérieure qui en est comme la transfiguration et où se déroulent dans leur harmonie les causes providentielles. […] Pour juger des événements, il faut aujourd’hui recourir à d’autres règles, à d’autres principes que ceux d’une politique mondaine. Tout est surnaturel dans ce que nous voyons, et les maux comme les remèdes dérivent immédiatement d’un ordre supérieur de causes, aussi élevé qu’impénétrable à la vue de l’homme, dont la sagesse ne fut jamais mieux convaincue de folie. » N’allez pas, à un homme qui prophétise de la sorte, venir parler avec quelque estime de la politique pratique qu’essayèrent en ces années, — qu’essayeront bientôt des ministres patriotiques et sages, les Richelieu, les De Serre, les Decazes, les Gouvion Saint-Cyr, les Dessolle ; allons donc !

824. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Après ces journées de Leipsick, lui, l’homme de l’art, il pouvait bien se répéter au sens militaire le mot célèbre que le chancelier Oxenstiern avait dit autrefois au sens politique : « Avec combien peu d’habileté et de sagesse sont donc conduites ces grandes armées qui demeurent pourtant victorieuses et qui changent la face du monde !  […] Après Leipsick, Jomini crut devoir se retirer du quartier général des Alliés ; il en demanda, dès Weimar, l’autorisation à l’empereur Alexandre, alléguant « que rien n’arrêterait plus les armées alliées jusqu’au Rhin ; que de deux choses l’une : ou que l’on ferait la paix, si l’on se contentait d’avoir assuré l’indépendance des puissances européennes ; ou que, si l’on continuait la guerre, on marcherait vers Paris ; que dans ce dernier cas il lui paraissait contre sa conscience d’assister à l’invasion d’un pays qu’il servait encore peu de mois auparavant. » Jomini estimait, à la fin de 1813, que l’invasion de la France serait pour les Alliés une beaucoup plus grosse affaire qu’elle ne le fut réellement : « J’avoue, écrivait-il en 1815, qu’aussitôt qu’il a été question d’attaquer le territoire français mon jugement politique et militaire n’a pas été exempt de prévention, et que j’ai cru qu’il existait un peu plus d’esprit national en France… Est-il besoin, ajoutait-il pour ceux qui lui en faisaient un reproche, de se justifier d’un sentiment de respect pour un Empire que l’on a bien servi et auquel on a vu faire de si grandes choses ?  […] Monnard, « l’opinion de ce prince s’était fortifiée encore dans des entretiens avec un Vaudois, toujours patriote loin de sa patrie, son aide de camp, le baron de Jomini dont il appréciait non seulement le génie militaire, mais aussi la haute intelligence politique et le franc-parler. » — Nous avons eu, de ce franc-parler, assez de preuves en toute rencontre pour n’en pas douter. […] Dans la Vie politique et militaire de Napoléon, l’historien rentre dans le vrai et le vraisemblable : « Ney, est-il dit, attachant trop d’importance au mouvement sur Berlin, était prêt (à un moment) à s’y porter de sa personne. » Là eût été la faute, et c’est en cela que Jomini le combattit par toutes sortes d’objections que les renseignements et les ordres ultérieurs vinrent tout à fait confirmer. […] Je crois la trouver dans ce passage de la Vie politique et militaire de Napoléon (tome IV, page 424) ; c’est l’Empereur qui est censé parler : « Ney n’avait d’illumination qu’au milieu des boulets et dans le tumulte du combat : là son coup d’œil, son sang-froid et sa vigueur étaient incomparables ; mais il ne savait pas si bien préparer ses opérations dans le silence du cabinet en étudiant la carte.

825. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Il s’approcha des hommes politiques, de M. […] Et ce n’était pas l’esprit politique, la passion agressive de Carrel qui l’attirait, c’était l’excellence de l’écrivain, le bon sens qui persistait si juste et si sain au fond de l’humeur belliqueuse et à travers cette noble bile (splendida, mascula bilis) : en fait de bon sens, celui de M. […] Nisard d’ailleurs n’avait pas de tradition politique directe et fixe, point de passion léguée. […] Nisard, que l’absence de passion enthousiaste et d’initiative, soit en politique, soit en art, avait tenu un peu en dehors et au second rang, dans ce premier âge où il est si difficile de ne pas faire de fausse pointe, en avait pourtant fait une petite fausse, à ce qu’il lui semblait, en louant d’abord, plus que sa raison modifiée ne l’admettait, certaines œuvres ou de M. […] Nous dirons, pour ceux qui l’ignorent, que ce qu’on appelle le premier Paris dans les journaux politiques est l’article du commencement non signé, et dans lequel, quand le journal est au pouvoir, l’écrivain anonyme parle tout naturellement au nom de la pensée d’Etat. — Ce ne serait que justice d’ajouter, pourtant, que, parmi ceux qui ont écrit ou qui écrivent le premier Paris aux Débats, une exception est à faire, depuis déjà longtemps, pour un publiciste modeste des plus consommés et des plus sensés dans sa cause : n’est-ce pas nommer M. de Sacy ?

826. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Jusque dans les premières années du seizième siècle, la conscience des rois, des princes, des hommes politiques est d’une souplesse infinie. […] Quand le chemin du paradis commence à être le chemin des honneurs terrestres, quand Bossuet et Bourdaloue sont dans tout l’éclat de leur puissance, quand le roi Louis XIV prépare la révocation de l’Édit de Nantes, quand les controverses religieuses entre protestants et catholiques, entre jansénistes et jésuites passionnent le public autant que les querelles politiques et sociales le font de nos jours, quel sera le vice régnant ? […] Si l’on admet que l’art doive être « fainéant », comme dit Victor Hugo, si l’on veut qu’il ressemble aux lys des champs, qui ne travaillent ni ne filent et sont pourtant velus de splendeur, si l’on exige qu’il plane, indifférent et superbe, au-dessus des vils intérêts humains, sans avoir ni patrie, ni religion, ni préférence politique ou philosophique, on supprime, on retranche de la littérature plusieurs genres qui comptent pourtant plus d’un chef-d’œuvre. Adieu sermons, pamphlets, satires, discours politiques ! […] Tel discours politique a renouvelé ces miracles de l’éloquence ; telle proclamation affichée, en un jour de crise et de danger public, a mis en fermentation tout un peuple.

827. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Rapprochant les doctrines politiques et philosophiques longtemps professées par ce grand homme de bien, des réformes sociales qui se sont réalisées depuis, il en a tiré des vues justes et neuves. […] Presque tous ceux qui ont joué un rôle dans les affaires publiques n’aiment point à voir écrire sur la politique, le commerce, la législation. […] En politique, il ne visait qu’à la réforme et la voulait autant que possible selon les principes de l’antique droit, de l’antique liberté à laquelle il croyait trop peut-être, de même qu’il se confiait trop aussi au bon sens moderne. […] Cette remarque de Malesherbes lui est applicable à lui-même en tant que ministre et politique. Un grand et vrai politique ne doit pas être bon comme un particulier ; il doit agir et gouverner en vue des bons et des honnêtes gens, voilà sa morale ; mais, pour cela, il doit croire au mal et aux méchants, y croire beaucoup et s’en défier sans relâche.

828. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Ces quelques hommes sont cependant les premiers citoyens, aujourd’hui solitaires et cachés, d’une démocratie dont nulle politique n’a encore deviné l’orientation. […] C’est un point plus spécial qu’étudie notre troisième texte ; mais il évoque à vrai dire l’unique problème de la vie politique. […] Dans la vie journalière comme dans la vie politique, partout où nous la trouvons en face de nous, nous la combattons en lui disant ce qu’elle représente désormais pour nous : un hideux cauchemar, une odieuse tromperie de l’existence. […] De l’autorité politique à l’autorité divine, nous trouverons le même changement radical, la même révolution dans la pensée — dans la pensée, hélas ! […] Et cette Solidarité des Élites n’est que l’image, la lointaine projection d’une solidarité à laquelle l’homme le plus humble de la rue, l’homme le plus fruste des champs prendra sa part aussi bien que l’homme de science ou le politique.

829. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

L’histoire dans son sens large, l’esthétique, la science du langage, la jurisprudenceμ l’économie politique même, pourraient en réclamer leur part. […] Mais l’économie politique s’en tient aux faits, et quoiqu’elle supposé des principes philosophiques, elle ne les discute pas. […] Physiologie, linguistique, histoire religieuse, littéraire, artistique, politique : tout dépose en faveur du développement. […] La science des caractères constituerait une psychologie pratique, ou appliquée, dont l’utilité pour l’éducation, la conduite de la vie, la politique même, est évidente. […] Ferrier, professeur de morale et d’économie politique à l’Université de Saint-André, a publié des Institutes of Metaphysics en trente-trois propositions : « l’un des plus remarquables livres de notre temps », dit M. 

830. (1914) Boulevard et coulisses

Ils dépendent des salons, de la politique, des journaux, des dispositions du public. […] Nous aimions à flétrir les hommes politiques et, en général, l’ensemble de la société. […] Henry Simond, est un des maîtres de la presse actuelle et a fait de l’Écho de Paris, fondé par son père, un des plus importants journaux politiques. […] J’y insiste, parce que c’est une des caractéristiques de toute cette génération d’écrivains, d’hommes politiques, d’artistes. […] Ce seraient les salons, la politique, toute l’intrigue mondaine et littéraire ; ce seraient les mœurs et les coutumes engendrées précisément par la liberté.

831. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Il a donc lutté, il est mort à la peine, mais l’avenir lui a donné raison, et sa politique a triomphé en définitive à Waterloo. […] Thiers : le courant des idées est si changé en France, et les esprits sont tellement tournés à une admiration presque sans réserve pour la force et pour l’organisation, qu’on remarque à peine la sévérité que montre l’historien contre la résistance politique du Tribunat.

832. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Mais, en fait, s’il n’y a plus de classes politiques, il y a toujours des classes ou des compartiments sociaux, et les riches et les pauvres sont peut-être plus profondément séparés aujourd’hui par les mœurs qu’ils ne l’étaient autrefois par les institutions. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

833. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

La politique ne le passionnait point. […] « La politique, comme le dit fort bien M.  […] Albert Glatigny a écrit un assez grand nombre de satires, de parodies, d’épigrammes politiques, dont quelques-unes appartiennent à la poésie par le bon sens éternel et par la belle humeur ; on sait que dans un autre camp politique, un habile rimeur, M.  […] Un condamné politique avait été guillotiné sous le second empire. […] Guizot ; le sceptique et le politique, l’artiste et l’homme d’action ont trop de côtés qui s’opposent.

834. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Ici, la politique n’a rien à voir. […] Rien qui, de près ou de loin, tienne à la politique. […] Les personnages politiques passeront, dédaigneux, en disant : « Bah ! […] Toutefois, ils sont à peu près d’accord sur la politique. […] Protégée par un vieux droitier et maîtresse d’Elzéar, elle a un salon politique.

835. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

De quinze personnes, il n’en est pas deux qui aient les mêmes opinions sur la littérature, sur la politique, sur la religion. […] C’est, dans l’ordre politique, César ; dans l’ordre de la peinture, Léonard ; dans l’ordre des lettres, Gœthe. […] Pareillement cette faculté a déterminé sa conception de la politique. […] D’Idéal politique, il n’est plus question. […] Il me semble que la morale politique de M. 

836. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Dans les faiblesses politiques des Polonais, je voyais des arguments pour, plutôt que contre, la supériorité de leur race. […] C’est par le même motif que peut s’expliquer toute la politique de Walt Whitman. […] Je ne crois pas qu’il ait exprimé jamais une opinion politique. […] Robertson fait profession d’athéisme en philosophie, de radicalisme en politique : le livre de M.  […] Couperus a conçu l’importance politique de son jeune héros.

837. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Aussi n’est-il point interdit aux peuples18… de se donner telle forme politique qui s’adaptera mieux ou à leur génie propre, ou à leurs traditions et à leurs coutumes. […] Exiger une somme de travail qui, en émoussant toutes les facultés de l’âme, écrase le corps et en consume les forces jusqu’à l’épuisement, c’est une conduite que ne peuvent tolérer ni la justice ni l’humanité… La violence des révolutions politiques a divisé le corps social en deux classes et creusé entre elles un abîme immense. […] Combien, me disais-je, le catholicisme n’a-t-il pas été sage, et politique même, en refusant toujours de livrer l’Écriture aux interprétations du sens individuel ! […] Car alors on ne demanderait pas quelles étaient ses « idées sur la guerre » ; on connaîtrait la Politique tirée de l’Écriture Sainte; et y aurait vu, dans le chapitre intitulé : Que Dieu n’aime pas la guerre, les paroles suivantes : « Dieu refuse à David son agrément (pour bâtir le temple) en haine du sang dont il voit ses mains toutes trempées. […] Pendant que le docteur Clémenceau faisait ou défaisait des ministères, nous prenions la peine d’étudier les questions que nous voulions traiter un jour, et à la discussion desquelles ne l’ont peut-être suffisamment préparé ni sa carrière politique ni ses études médicales.

838. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Béranger mériterait littérairement, par ses chansons non politiques, toute la célébrité que lui a faite l’esprit de parti, le plus bête de tous les esprits. […] Il en est dans les arts comme en politique ; malheur à qui se laisse arriérer. […] La poésie, repoussée des salons, va encore se briser, comme sur un écueil, contre le stoïcisme des têtes exclusivement philosophiques ou politiques. […] Et qu’on ne dise pas que dans un siècle comme le nôtre, où les sciences politiques et les études philosophiques sont portées à un si haut degré de perfection, les poètes ne peuvent plus acquérir la prépondérance qu’ils avaient dans les âges moins éclairés ; les hautes renommées de Goethe au milieu de la philosophique Allemagne, et de Byron dans le pays natal de la politique, sont là pour démentir ce préjugé trop répandu. […] Nous nous sommes expliqué franchement sur toutes les questions ; nous avons proclamé nos admirations avec une grande probité littéraire, sans aucune influence d’amitié ou d’opinion ; pourquoi ne pas apporter en littérature cette indépendance de principes, cette conscience passionnée qui seule réussit maintenant en politique ?

839. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Telle cérémonie nuptiale, purement symbolique à ce qu’il semble, comme l’enlèvement de la fiancée, se retrouve exactement partout où existe un certain type familial, lié lui-même à toute une organisation politique. […] D’ailleurs, cette action que le corps social exerce sur ses membres ne peut rien avoir de spécifique, puisque les fins politiques ne sont rien en elles-mêmes, mais une simple expression résumée des fins individuelles73. […] On comprend bien que les progrès réalisés à une époque déterminée dans l’ordre juridique, économique, politique, etc., rendent possibles de nouveaux progrès, mais en quoi les prédéterminent-ils ? […] L’homme est naturellement enclin à la vie politique, domestique, religieuse, aux échanges, etc., et c’est de ces penchants naturels que dérive l’organisation sociale. […]  « La société existe pour le profit de ses membres, les membres n’existent pas pour le profit de la société… : les droits du corps politique ne sont rien en eux-mêmes, ils ne deviennent quelque chose qu’à condition d’incarner les droits des individus qui le composent. » (Op. cit.

840. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

L’économie politique de Sully ressemble à bien des égards à celle de Caton l’Ancien. […] À un certain moment, il a une idée politique assez grande et qui est à lui, d’attaquer l’Espagne par le cœur et les entrailles, c’est-à-dire par les Indes, qui sont sa force ; mais en même temps il n’est pas d’avis que la France profite de la dépouille en colonisant ; il estime ces sortes d’entreprises lointaines disproportionnées au naturel des Français, « qui ne portent ordinairement leur vigueur, leur esprit et leur courage qu’à la conservation de ce qui les touche de près ». […] La suite du discours de Henri IV concernant Sillery et Villeroi est belle et montre bien la supériorité politique de celui qui parle, qui contrôle l’un par l’autre, et qui met chacun à son juste emploi ; mais c’est assez de nous tenir à Sully. […] Il a des combinaisons politiques, vastes et non chimériques, auxquelles son cœur ne fait pas défaut et dont aucune considération personnelle et privée ne le détourne.

841. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Non, ce qu’on veut de Casaubon, c’est de l’amener sur le terrain de la théologie, qui est alors le terrain de la passion brûlante, de l’intérêt en jeu, de la politique ; ce que lui veut le cardinal du Perron dans ces fréquents entretiens qu’il a avec lui et pour lesquels il le mande sans cesse, ce n’est pas de causer avec désintéressement des belles choses inutiles, d’un sens de Virgile ou d’Homère, ou d’un usage transmis par Athénée, de ces doux riens qui occupent pendant des journées les âmes innocentes : ce qu’il veut, c’est de l’ébranler, de le convaincre à l’aide de passages des Pères, et, s’il se peut, de le convertir. […] Le second jour qu’il le vit, l’entretien tomba sur Tacite, Plutarque et Commynes : Le roi ayant dit que c’est se tromper que de faire de Tacite le maître unique de la prudence civile, l’historien politique par excellence, je m’empressai de remarquer (c’est Casaubon qui parle) qu’il n’y avait pas un an que j’avais porté le même jugement dans ma préface du Polybe ; et le docte monarque me témoigna qu’il était charmé de cette rencontre de sentiments. […] Mais, si odieuse que lui paraisse la tyrannie pontificale, il dit ailleurs que s’il lui fallait absolument choisir, il la trouverait encore préférable à la licence effrénée qui innove sans cesse dans le dogme, et à l’horrible anarchie qui en est la suite. — Casaubon, dans sa haine et sa peur des excès, était en religion ce que bien des honnêtes gêna de notre connaissance sont en politique. […] [NdA] Ce mot de Henri IV, de ce roi vraiment tutélaire et qui sentait à quel point il l’était, rappelle les belles paroles de Richelieu, en son testament politique, sur la vigilance nécessaire au chef d’un État et sur la gravité de la charge dont il porte le poids à toute heure, la ressentant d’autant plus qu’il est plus habile : « Il faut dormir comme le lion, sans fermer les yeux… Une administration publique occupe tellement les meilleurs esprits, que les perpétuelles méditations qu’ils sont contraints de faire pour prévoir et prévenir les maux qui peuvent arriver les privent de repos et de contentement, hors de celui qu’ils peuvent recevoir voyant beaucoup de gens dormir sans crainte à l’ombre de leurs veilles et vivre heureux par leur misère. »

842. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Duveyrier avait, en vue et avec qui il devait s’efforcer de nouer des relations politiques et commerciales dans l’intérêt de notre colonie algérienne. […] La géographie physique des lieux parcourus, la géologie, la météorologie, les productions minérales, la flore, si l’on ose parler ainsi, la faune, sont la matière d’autant de chapitres et de tableaux ; puis l’on passe au moral des peuples qui se meuvent dans ce cadre inflexible et sous ce climat impérieux : les centres commerciaux, les centres religieux, puis les mœurs des Touareg en particulier, leurs origines probables, leur histoire (si histoire il y a), leur constitution, leur vie politique et intérieure, tout vient par ordre et en son lieu. […] Les nobles sont seuls en possession des droits politiques dans la confédération, et seuls ils exercent le pouvoir dans chaque tribu. […] Les marabouts, très respectés parmi eux, sont des nobles qui ont abdiqué tout rôle politique dans la gestion des affaires pour conquérir une plus grande autorité religieuse, et pour exercer une sorte de magistrature libre dans l’ordre de la justice et de l’instruction publique.

843. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ainsi, dans ce style de couleur exacte et simple, le château de la Wartbourg ne devrait jamais être désigné, ce me semble, comme le centre du mouvement politique et administratif du pays : je n’aime pas non plus voir sainte Élisabeth jeter les bases de la vénération dont ces beaux lieux sont entourés. […] Phanor a toujours été disciple de quelqu’un ; il l’a été de La Mennais pour son catholicisme politique, de Hugo pour ses cathédrales. […] Les véhémences et les splendeurs de ce talent, il les a autant que jamais et au même degré ; son théâtre oratoire lui manquant, il les a retrouvés et ressaisis par sa plume ; il les applique diversement et avec une vigueur égale dans ses grands morceaux de considérations politiques et dans ses livres. […] Ses livres peuvent attirer et forcer l’admiration pendant quelques pages, mais bientôt leur monotonie fatigue ; car ils sont le contraire de ces écrits chers à Montaigne, pleins de suc et de moelle intérieure, pétris d’expérience et d’indulgence, qui gagnent à être exprimés et pressés, et qui de tout temps ont fait les délices des hommes de sens, des hommes de goût, des hommes vraiment humains… Au résumé, c’est un militant ; il l’est en tout et partout ; comme tel, il laissera dans l’histoire des guerres politiques et religieuses de ce temps une trace lumineuse : Lacordaire et lui, deux lieutenants de La Mennais, et qui ont continué de tenir brillamment la campagne après que leur général avait passé à l’ennemi.

844. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Grandi par l’exil, déifié par la passion politique, il gagne bien sa gloire, qu’il sait administrer : c’est un robuste ouvrier aux forces intactes, et dans les huit années qui suivent le coup d’État, il donne trois grands recueils de poèmes, définitive expression de son talent. […] Parce qu’il donna à cette passion des expressions parfois bizarres et déraisonnables872, parce que surtout elle servit fortement à son apothéose et qu’il l’exploita certainement pour sa popularité, il ne faut pas méconnaître le vif sentiment de pitié sociale qui est antérieur en lui à sa conversion politique. […] Ses idées philosophiques, politiques, sociales, son déisme, son républicanisme, son « démocratisme », sont des idées moyennes, sans originalité, tout à fait imprécises et médiocrement cohérentes. […] Il n’y a pas là de critique méthodique du programme politique et social de l’empire : et c’est tant mieux.

845. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rousseau, qui se sépare des encyclopédistes par certaines croyances et par une affiche de moralité plus stricte, ne se sépare pas moins de Voltaire en ce qu’il vise à une réforme politique profonde par le moyen du peuple, et en s’adressant à la logique commune, au sentiment universel. Voltaire, tout aristocratique au contraire, ne s’adresse qu’à quelques-uns, et la réforme qu’il prêche aux rois, aux grands et aux esprits d’élite, est plutôt civile et religieuse que politique. […] Dans l’état d’études plus avancées où l’on est aujourd’hui sur le xviie  siècle, on est amené à reconnaître que cette fatale révocation, dont la dévotion finale de Louis XIV fut le moyen et l’occasion, préexistait depuis longtemps, ou du moins flottait dans l’esprit de ce prince à l’état de projet politique, et qu’il ne fit en dernier lieu que réaliser un vœu ancien, dans lequel il fut insensiblement assisté et comme encouragé par une complicité presque universelle. […] En un mot, Rulhière conçoit et exécute son histoire bien plus en homme de lettres et en peintre qu’en homme d’État et en homme politique.

846. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Ceux qui l’ont suivi de près dans cette période ont pu remarquer qu’au milieu des armes toutes spirituelles qu’il emploie, il entendait très bien aussi certains ménagements politiques, et qu’il faisait à propos intervenir le prince. Ces âmes fines, qui ont reçu en don le maniement des cœurs, auraient peu à faire pour devenir de parfaits instruments de politique ; ce qu’on peut leur demander, c’est de ne jamais se servir de leur science qu’à bonne fin, et c’est ce que fit saint François de Sales en toute sa vie. […] Le duc de Savoie (Charles-Emmanuel), politique habile et rusé, lui sut toujours mauvais gré de ces liaisons intimes qu’il avait contractées à la cour de France, et des distinctions singulières dont il avait été l’objet ; il en conçut de la méfiance contre celui qui n’avait pourtant aucune vue d’ambition mondaine, et qui disait en son gracieux langage : « Je suis en visite bien avant parmi nos montagnes, en espérance de me retirer pour l’hiver dans mon petit Annecy où j’ai appris à me plaire, puisque c’est la barque dans laquelle il faut que je vogue pour passer de cette vie à l’autre. » Henri IV, de son côté, ne cessa d’avoir l’œil sur l’évêque de Genève. […] Converti d’abord par politique, il paraît qu’il le fut ensuite plus sérieusement et plus sincèrement avec les années, et que les raisons de conscience finirent par se joindre en lui aux autres considérations du personnage public et du roi.

847. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Son exposé, où la prévention se cachait mal sous un air d’impartialité, fut, pendant quelque temps, l’objet d’une controverse que fit taire bientôt le fracas des événements et des intérêts politiques. […] Qu’ils y arrivent, et il sera temps alors pour nous de les combattre, de leur démontrer que ces règles contre lesquelles on se mutine, sont pourtant les seules bases sur lesquelles puisse être assis le système dramatique d’un peuple éclairé, et qu’elles sont elles-mêmes fondées sur les résultats de l’expérience, lentement convertis en axiomes ; qu’elles ne sont pas, comme on a l’air de le croire, des lois imposées à l’imagination par le caprice d’un vieux philosophe grec du temps d’Alexandre, et que l’auteur de la Poétique n’a pas plus inventé les unités, que l’auteur de la Logique n’a créé les syllogismes ; que ces lois, établies pour les intérêts de tous, font seules du théâtre un art, et de cet art une source d’illusions ravissantes pour le spectateur et de succès glorieux pour le poète ; qu’elles ont le double avantage d’élever un obstacle contre lequel le génie lutte avec effort pour en triompher avec honneur, et une barrière qui arrête l’invasion toujours menaçante de la médiocrité aventureuse ; qu’on peut quelquefois essayer de reculer les limites de l’art, et quelquefois même, comme a dit Boileau, tenter de les franchir, mais qu’il ne faut jamais les renverser ; et qu’enfin, il en peut être de la littérature comme de la politique, où quelques concessions habilement faites à la nécessité des temps, préservent l’édifice de sa ruine, et le rajeunissent, tandis qu’une révolution complète, renversant tout ce qu’elle rencontre, bouleversant tout ce qu’elle ne détruit pas, plaçant le crime au-dessus de la vertu, et la sottise au-dessus du génie, engloutit dans un même gouffre la gloire du passé, le bonheur, du présent, et les espérances de l’avenir. […] Les partisans de ce genre s’appuient sur une haute considération morale et politique. […] Dans cet état moral et politique de notre société reconstituée, il est d’une conséquence nécessaire que la littérature réponde aux besoins des âmes et des esprits.

848. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Ils n’avaient pas cet amour fraternel et ce respect de la vie humaine qui peuvent seuls édifier une œuvre de justice, soit en littérature, soit en politique. […] Dans l’autre, qui comprend le Midi, la presse locale a une tout autre diffusion, et surtout une importance incomparablement plus grande, l’esprit est plus régionaliste, les conversations n’obéissent plus servilement à la direction parisienne, et, par exemple, s’il nous était donné d’entendre les propos échangés entre les convives d’un grand propriétaire de Montpellier ou de Béziers, nous constaterions qu’il n’est pas pour eux de question politique, littéraire ou mondaine qui puisse retenir longuement les esprits, tandis qu’on discutera à perte de vue celle des vendanges dernières, du plâtrage, du sucrage et des cours du vin rouge. […] Il n’y a guère de jeune mère qui n’entre en huitième avec son fils aîné, qui ne sache « rosa, la rose », qui ne s’intéresse à l’alphabet grec pour faire réciter les leçons du collégien, qui ne s’applique surtout à corriger et même à rédiger les « rédactions » de mademoiselle Henriette, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Marthe qui suit des cours de littérature, de sciences, d’histoire, d’économie, — non domestique, mais politique, — et qui doit être la première, puisqu’elle lutte contre mademoiselle Marie, c’est-à-dire contre la mère de mademoiselle Marie, laquelle a toujours passé pour moins intelligente que la mère de mademoiselle Marthe, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Henriette. […] Ils pensent encore que le calme, la possession plus complète de soi-même, la vue prochaine et facile des campagnes véritables, non enjolivées, et non bâties, ne sont pas des compensations sans valeur à l’éloignement des théâtres et des sources immédiates de l’information politique ou mondaine.

849. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Ainsi dominé, jusque dans sa fougue, le talent appartient moins à l’art qu’à la politique et demeure un symptôme du temps plutôt qu’une distinction originale. […] La grandeur politique de l’Angleterre, son génie voyageur, son ambition cosmopolite, devaient, même dans un temps de déclin pour les arts, ouvrir à ses enfants plus d’une source poétique. […] Ni la grandeur ni la politique du pouvoir ‘anglais dans l’Inde ne permettaient qu’il y eût un péril de martyre pour l’évêque, dont le zèle curieux parcourut même les contrées les moins soumises encore de ce vaste empire ; mais le sacrifice était dans cet effort même, dans les tristesses et l’activité dévorante de ce zèle trop faible encore pour tant de misères humaines. […] » Ce pieux élan et bien d’autres affections du même cœur n’étaient pas, comme on l’a dit quelquefois, le langage d’un politique servant de ses vertus la domination anglaise dans l’Inde.

850. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

La révolution politique de 1830 a donné le signal naturel à ce revirement littéraire. […] D’abord ce duc, qui a eu deux ancêtres ministres sous Louis XV, qui a puisé dans sa famille une pensée politique suivie et des traditions ambitieuses ; ce duc, aujourd’hui démocrate et socialiste avec arrière-pensée, quel est-il ? On cherche son nom, car il est notablement désigné ; mais on ne le trouve pas ; il n’y a pas en France de telles familles, de telles traditions politiques transmises, suivies et transformées ; cela sent plutôt les grandes famille whigs.

851. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Dans les monarchies absolues, les grands crimes politiques ne peuvent être commis que par la volonté des rois ; et ces crimes, il n’est pas permis de les représenter devant leurs successeurs45. […] Les mœurs d’Angleterre, par rapport à l’existence des femmes, n’étaient point encore formées du temps de Shakespeare ; les troubles politiques avaient empêché toutes les habitudes sociales. […] Les Anglais cependant se soumettront le plus tard possible au bon goût général ; leur liberté étant fondée sur l’orgueil national plus encore que sur les idées philosophiques, ils repoussent tout ce qui leur vient des étrangers, en littérature comme en politique.

852. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Ceux-là pensent que les libertés d’un peuple résultent de ses droits, et non point des concessions des princes, non plus que d’états antérieurs ; ils pensent que l’homme fait une sorte d’acte libre en entrant dans une association politique, et qu’à cet instant, qui est une fiction convenue, il cède une partie de ses droits, pour jouir de certains avantages qu’il n’aurait pas sans la société, comme, par exemple, celui de la propriété. […] Je voudrais que l’on secouât enfin le joug des Helvétius politiques. […] Dans l’ordre politique nous sentons encore les bienfaits de la parole, car c’est elle qui a organisé primitivement la société ; et même l’ordre intellectuel, d’où elle est bannie, n’est riche que des idées qui y ont été apportées par elle.

853. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

En restant dans l’ordre purement humain de la logique, cette biographie est évidemment une promesse, et qui ne sera suivie d’aucune surprise, car, avant d’être Léon XIII, celui qui porte maintenant ce nom a, toute sa longue vie, montré l’aptitude la plus haute, la plus appliquée et la plus soutenue au gouvernement moral et politique des hommes. […] C’était un de ces hommes politiques dont les facultés prudentes et flexibles s’ajustaient exactement à ce genre de gouvernement qu’on appelle « constitutionnel ». […] Ce serait ou la fin de la papauté, source religieuse de tous les pouvoirs politiques du monde, ou la fin du monde chrétien, c’est-à-dire du monde civilisé, qui disparaîtrait dans une incommensurable anarchie, pire que la Barbarie, car la Barbarie était disciplinée, et l’anarchie, c’est le chaos !

854. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Ils se sont enquis du régime politique auquel était soumis le peuple, dont ils étaient les hôtes. […] La conversion, commencée par le zèle évangélique de l’apôtre, continuée par une habile politique, s’acheva décidément le 6 octobre 1598. […] … J’irais me noyer dans les torrents de la salive politique, me confondre dans la tourbe de ces bavards et de ces imposteurs ! […] André Theuriet a peur des « tortueux sentiers de la politique » et prie qu’on le laisse « cultiver son jardin ». […] La politique l’y aida.

855. (1924) Critiques et romanciers

Du reste, la politique le dégoûte : il le dit, et plus d’une fois. […] Mais il ne s’agit point de politique, au sens malheureux qu’on donne à ce mot. […] Qu’est-ce que la politique ? […] Cela fait, par le temps qui court, une politique. […] Il ne s’embrouille pas de politique.

856. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Désormais, en effet, la question révolutionnaire était nettement posée par le 2 juin : de politique, elle était devenue simplement militaire ; de la sphère des discussions et des principes, elle était transportée sur les champs de bataille et n’avait plus qu’une solution possible, la victoire. […] Robespierre, ou plutôt le Comité de saint publie dont il était devenu membre, ne croyait pas encore la France sauvée, et, par politique autant que par habitude, voulait la continuation pure et simple du régime révolutionnaire.

857. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

858. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Il siège « au plafond » de la Chambre des députés, ce qui ne l’empêche pas d’être un politique très clairvoyant et très informé, en même temps qu’un merveilleux orateur. […] Et, puisqu’on veut que le rôle politique de l’auteur des Châtiments entre en ligne de compte dans le bilan de sa gloire, j’espère que l’avenir, s’il compare les vers de Hugo et ceux de Lamartine, comparera aussi leurs vies et leurs âmes.

859. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

L’investigation historique, en effet, remet en lumière les faits de violence qui se sont passés à l’origine de toutes les formations politiques, même de celles dont les conséquences ont été le plus bienfaisantes. […] La politique turque de la séparation des nationalités d’après la religion eu de bien plus graves conséquences : elle a causé la ruine de l’Orient.

860. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Cette page unique et exhilarante, qui embarrassera peut-être les professeurs d’Athénée de l’avenir, si dans les athénées ou les cours publics les bons vivants ne remplacent pas les gens graves, s’appellera « les Dîners littéraires du xixe  siècle » ; et elle formera, dans l’histoire des lettres de ce temps, la contrepartie de la page célèbre des banquets dans l’histoire politique, moins pourtant une révolution. […] Une autre différence encore qu’il faut noter entre ces dîners, dont probablement un 1858 ne sortira pas, et les banquets dont 1848 est sorti, c’est que les dîneurs intellectuels d’aujourd’hui ont sur les orateurs politiques d’autrefois l’avantage d’être beaucoup moins longs, puisqu’ils ne sont tenus qu’à un mot.

861. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Tel est le sujet de la comédie politique, diplomatique et un peu physiologique, qui aurait pu être un excellent conte drolatique sous la plume rabelaisienne de Balzac, mais qui n’est point un conte, et dont le très peu drolatique Baschet nous fait le détail, — Armand Baschet, un Capefigue correct, cravaté, tiré à quatre épingles, curieux peut-être ici comme le garçon d’honneur d’une noce, mais solennel comme un notaire et impassible comme un chambellan : Se gardant bien de rire en ce grave sujet ! […] Quand il s’agit de la grande question politique d’intéresser les sens d’un roi, au fond bien moins niais que transi, il n’est ni grossièreté ni impudeur, présumables ou possibles.

862. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Il est nécessaire, sans doute, et l’ordre de la société, fondé sur la politique et sur les lois, demande que ces distinctions subsistent pendant la vie ; mais des cendres renfermées dans des tombeaux, deviennent égales. […] Il aurait pu ajouter que parmi les grands talents même, ou politiques, ou militaires, il y en a beaucoup qui, après eux, ne laissent point de traces ; au lieu que les monuments des arts restent.

863. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ce qu’annonçait la venue de Henri VII, c’était l’accomplissement de son idéal politique. […] Dante, en théologie, n’est, à proprement parler, ni dominicain ni franciscain, de même qu’en politique il n’est ni gibelin ni guelfe. […] Il me semble que c’est un idéal analogue que poursuit aujourd’hui encore, sous une autre forme, toute une école politique qui revendique pour la nation française l’honneur d’être, depuis la révolution de 89, la nation initiatrice du droit et de la morale politique. […] La politique a opposé les deux nations, mais leur instinct, dès qu’il se sent libre, les rapproche. […] Dante, ne l’oublions pas, appartient à la plus grande race politique des temps anciens et modernes.

864. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Il est bien remarquable que cette saison productive du peuple romain en littérature se trouve précisément placée au moment de son histoire où la liberté tombe, où la tyrannie s’élève ; on dirait que la décadence politique coïncide exactement avec l’éclosion du génie littéraire. […] Ce moment se rencontre précisément à la fin de César et au commencement du règne d’Auguste : plus tôt l’énergie de l’esprit romain était distraite par la lutte entre la république et l’usurpation ; plus tard il n’y avait plus d’énergie ; la servitude prolongée avait tout nivelé et tout énervé, dans les lettres comme dans la politique. […] C’est à ces rancunes politiques du jeune tribun des soldats de Brutus contre ses vainqueurs qu’il faut attribuer le goût d’Horace pour la satire personnelle au début de sa vie poétique, car la nature de son tempérament, de son âge et de son génie, le portait plutôt à la poésie gracieuse et anacréontique. […] Horace, qui avait contre Mécène les préventions d’un ennemi politique, mais qui était las de son opposition sans espérance, finit par se laisser séduire. […] Je sais que prudemment le politique Octave Payait l’encens flatteur d’un plus adroit esclave ; Frédéric exigeait des soins moins complaisants.

865. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

VI Son disciple, Platon, était un homme d’une tout autre nature : beaucoup plus lettré, beaucoup moins inspiré que son maître ; élégant, éloquent, poétique, épilogueur, rêveur, dissertateur, nuageux en philosophie, utopiste en politique ; espèce de J. […] Ce peuple, oisif toutes les fois qu’il n’était pas occupé à se défendre contre les Perses ou à se déchirer lui-même par ses factions, aimait à se passionner à froid, pour ou contre ses sophistes ; ces sophistes, consommés dans le métier de l’éloquence, étaient aux philosophes et aux politiques ce que les comédiens sont aux héros. […] Un jeune homme d’Athènes, plus politique que religieux, nommé Mélitus, qui voulait se faire un nom populaire en se posant en vengeur des dieux chers à l’ignorance et au fanatisme du bas peuple, porte l’accusation contre Socrate ; il l’accuse de corrompre la jeunesse par des doctrines qui sapent le ciel. […] Socrate paraissait au peuple coupable, sinon de faveur pour le gouvernement aristocratique, au moins d’indifférence politique. […] Mais nous allons encore lire ensemble la Politique de Platon, pour convaincre l’esprit humain de sa vanité et de son inconséquence, une fois qu’il veut appliquer au gouvernement des sociétés les chimères de ses sophismes.

866. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

VIII Mais, en France, est-il vrai que le niveau de l’esprit humain, politique, scientifique, poétique, oratoire, littéraire, ait baissé dans cette première moitié du siècle ? […] Nous l’avons dit dans ces vers qui nous ont été assez reprochés, et que nous ne désavouons pas, dans un temps où une mesquine politique voulait nous agacer contre l’Allemagne et nous ameuter contre l’Angleterre : Et pourquoi nous haïr, et mettre entre les races Ces bornes de nos cœurs qu’abhorre l’œil de Dieu ? […] C’est par là que la France est plus policée, c’est par là qu’elle est moins originale ; c’est par là qu’en politique elle a Montesquieu et qu’elle n’a pas Machiavel ; c’est par là qu’en poésie elle a Racine et qu’elle n’a pas Shakespeare ; c’est par là qu’en philosophie elle a Voltaire et qu’elle n’a pas Bacon, Newton ou Leibnitz. […] Cette naïveté originale de ce style gaulois aurait produit sans doute des chefs-d’œuvre de grâce, de finesse, de câlinerie de langue, si l’on peut se servir de ce mot ; mais cette langue et ce style seraient restés entachés et comme noués d’une certaine puérilité irrémédiable, qui aurait enlevé au génie français la maturité, la majesté, la force dont ce génie avait besoin pour parler plus tard à l’univers, soit dans sa chaire sacrée, soit dans ses tribunes politiques, soit sur son théâtre, soit dans ses poèmes. […] Or le français était destiné à devenir aussi un jour la langue de la science, de l’industrie et de l’économie politique, et à tout abréger en formulant tout.

867. (1888) Portraits de maîtres

Pourrait-il trouver dans la politique un remède à ses ennuis ? […] Ainsi les Oracles nous paraissent une boutade assez mal venue de rancune politique contre des vaincus. […] Que d’études faussées de 1850 à 1857 par sa connivence avec la politique impériale ! […] Et pourtant il ne se faisait pas trop d’illusions sur ses amis politiques. […] La vie politique le prit à la littérature et à l’enseignement, et il y transporta ses nobles habitudes de pensée et d’action.

868. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

» s’écriait dernièrement un littérateur politique. […] Bardoux nous a montré le grand ministre de Louis-Philippe comme homme privé et comme homme politique, historien, orateur politique, publiciste et critique littéraire. […] Il a pour titre : De la liberté politique dans l’État moderne. […] Mais allez donc raisonner avec les passions politiques qui travestissent l’Histoire et pervertissent l’opinion ! […] On le voyait se renfermer en lui-même, s’efforçant de se convaincre que la nécessité politique l’absolvait ; que, à l’exception des formes, au fond tout le reste était de son côté ; ce qui était faux.

869. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Elle l’y incline encore, indirectement, par le genre d’association politique auquel elle le conduit et le restreint. […] Aristophane l’amuse avec la caricature de sa politique et de ses magistrats. […] En Grèce, l’orchestrique intervient dans la religion et dans la politique, pendant la paix et pendant la guerre, pour honorer les morts et célébrer les vainqueurs. […] Mais le culte fournissait encore plus de matière à l’orchestrique que la politique et la guerre. […] Aristote, Politique, VIII, 3 et 4.

870. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Le consulat de Cicéron est la grande époque de sa vie politique. […] La politique de Cicéron fut ici tout entière dans son éloquence. […] Mécène n’était pas moins corrupteur de l’éloquence par son style, qu’il en était ennemi par sa politique. […] Le puritanisme religieux et politique en avait fait un objet perpétuel d’allusions. […] L’auteur y traduit, par fragments, les traités politiques de Milton, qu’il propose à l’admiration.

871. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Mme Valmore, qui, en dehors de toute question politique, ne voyait en lui qu’un bienfaiteur du peuple et un martyr humanitaire, ne cessa de le suivre de sa pensée et de ses vœux dans l’exil et le bannissement. […] En reprenant les lettres par elle écrites à son frère de Douai à la date où je les ai laissées, nous retrouvons les gênes obscures, les humbles misères consolées, et tout d’abord cette modique pension qu’elle touchait auparavant avec une sorte de pudeur, mais qu’elle appelle maintenant comme un bienfait : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse. […] Juge s’il est dans ce silence profond des haines politiques et littéraires. […] Les préoccupations politiques et sociales ne vous empêchent pas de vous intéresser à une âme vibrante que la pauvreté et les misères de la vie ne purent abattre. — Il fallait également pouvoir faire entrer dans un journal une étude d’un relief si fin. […] Il est vrai que nul autre que vous n’eût été capable d’une telle analyse… » — L’auteur de la lettre touche ici à un point d’une délicatesse extrême, où il trouverait des contradicteurs, dont la confidence est venue un instant embarrasser et presque intimider l’éditeur de ces articles et de ces notes : voulant tenir compte de toutes les opinions sérieuses, il n’a pu répondre à des objections d’un esprit sensé et lettré, — d’un très honorable et très respecté professeur de l’Université, — que cette publication continue de la biographie par lettres de Mme Valmore n’avait précisément pas paru intéresser dans un journal politique quotidien, — qu’en montrant à son sage et prudent avertisseur et interlocuteur le grand nombre d’adhésions que M. 

872. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Mais, en attendant encore, l’auteur fait une digression politique de quelques centaines de pages, très éloquentes, mais très oiseuses, sur la révolution de 1830, sur Louis-Philippe d’Orléans, roi de rechange, sur la Fayette qui voudrait aller plus loin, mais qui n’ose pas, sur les jeunes étudiants, enfants de Béranger, qui voudraient chanter la Marseillaise, mais à qui Casimir Delavigne a mis dans la bouche la Parisienne. […] Chez Victor Hugo, l’idéal marche avant tout ; voilà pourquoi nous sommes, en politique, moins hardi et moins poète que lui. […] La détresse du peuple, les travailleurs sans pain, le dernier des Condés disparu dans les ténèbres, Bruxelles chassant les Nassau comme Paris les Bourbons, la Belgique s’offrant à un prince français et donnée à un prince anglais, la haine russe de Nicolas, derrière nous deux démons du midi, Ferdinand en Espagne, Miguel en Portugal, la terre tremblant en Italie, Metternich étendant la main sur Bologne, la France brusquant l’Autriche à Ancône, au nord on ne sait quel sinistre bruit de marteau reclouant la Pologne dans son cercueil, dans toute l’Europe des regards irrités guettant la France ; l’Angleterre, alliée suspecte, prête à pousser ce qui pencherait et à se jeter sur ce qui tomberait ; la pairie s’abritant derrière Beccaria pour refuser quatre têtes à la loi, les fleurs de lis raturées sur la voiture du roi, la croix arrachée de Notre-Dame, la Fayette amoindri, Laffitte ruiné, Benjamin Constant mort dans l’indigence, Casimir Périer mort dans l’épuisement du pouvoir ; la maladie politique et la maladie sociale se déclarant à la fois dans les deux capitales du royaume, l’une la ville de la pensée, l’autre la ville du travail ; à Paris la guerre civile, à Lyon la guerre servile ; dans les deux cités la même lueur de fournaise ; une pourpre de cratère au front du peuple ; le midi fanatisé, l’ouest troublé, la duchesse de Berry dans la Vendée, les complots, les conspirations, les soulèvements, le choléra, ajoutaient à la sombre rumeur des idées le sombre tumulte des événements. » VIII Tout cela mène à ce que l’auteur nomme l’Épopée de la rue Saint-Denis, c’est-à-dire aux barricades. […] Nous surtout, qui voulons supprimer la peine irréparable de mort en matière civile, et qui avons eu l’audace de la supprimer même en politique, nous n’aimons pas la peine corruptrice des bagnes, et nous avons, dans nos nombreux discours sur ce sujet, réclamé un pénitentiaire colonial avec une législation spéciale, et des prisons lointaines et graduées, pour donner la sécurité à la société innocente, contre les bêtes féroces de la ménagerie humaine ; mais, la prison pénitentiaire coloniale n’existant pas encore, il faut bien reconnaître à la société le droit sacré de se défendre en attendant et de se séparer de ce qui la menace en la souillant. […] Une aspiration suffit au cœur ; mais à l’économie politique, cette astronomie des forces humaines, il faut le chiffre.

873. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

C’est évidemment l’intérêt public qui exige ces réticences ; et nous comprenons bien, qu’on a dû, par égard pour quiconque n’est pas français, empêcher Inès de dire à son époux : Contre les étrangers ton père nous défend1, Mais si les saines doctrines politiques doivent ajouter tant d’entraves à celles qu’impose Aristote, comment désormais faire une tragédie ? […] si l’imprudent public composait le répertoire, il y placerait Tibère, Fénelon, Charles IX, Clovis, Charles VI, Julien dans les Gaules ; il voudrait puiser dans l’histoire nationale de grandes leçons de morale et de politique. […] Reste à savoir aussi comment les spectateurs s’accommoderaient de ce nouveau système ; car enfin les révolutions littéraires et même politiques ne s’accomplissent parfaitement en France, que lorsqu’elles sont ou secondées ou tolérées par la multitude ; et les étrangers même ne réussissent pas toujours à les consommer. […] Il a fallu aux classiques comme aux romantiques une longue expérience pour reconnaître que l’amour, dès qu’on l’admet sur la scène, doit l’envahir toute entière, et subordonner tous les intérêts aux siens ; qu’il ne souffre autour de lui l’ambition et la politique que pour les employer à le servir. […] Les passions politiques que l’histoire nous montre si énergiques chez les anciens, si dégradées et si perfides au moyen âge, si actives et si profondes dans les temps modernes, sont le principal ressort de plusieurs pièces romantiques.

874. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

De même que dans l’histoire politique il y a des hommes de second ordre, sans lesquels certaines choses nécessaires et qui subsistent pouvaient ou ne pas s’accomplir sitôt, ou ne pas s’accomplir du tout ; de même, dans l’histoire de la littérature, il y a tels écrivains qui, pour n’avoir pas eu le don du génie, ont néanmoins senti les premiers, à certaines époques, le progrès qui se préparait, et ont en quelque sorte dégrossi le public pour les hommes de génie. […] L’histoire politique ne doit omettre que ceux qui ont subi les événements sans les comprendre, et qui ont ignoré et leur temps et eux-mêmes ; l’histoire de la littérature n’est fermée qu’aux écrivains qui n’ont fait que suivre, et qui ont porté la livrée soit d’un homme supérieur, soit de quelque mode littéraire aussi passagère qu’une mode d’habits. […] Quant aux moyens d’enrichir la langue, outre les mots d’origine grecque ou latine, la technologie des métiers, celle des exercices et des amusements de la noblesse, il avait fait appel à tous les patois pour former la langue française, à peu près comme un politique qui eût ressuscité toutes les souverainetés féodales pour en former la monarchie absolue. […] Tous s’étudiaient à emprunter à l’antiquité ce qui y est plus particulièrement le fruit des mœurs des formes de la société civile et politique, des religions, du sol, tout ce qui la fait différer essentiellement des temps modernes, et en particulier de la France. […] Malherbe voulut l’unité de langue dans un pays qui avait conquis l’unité politique ; plus conséquent que Ronsard, il ne songeait pas à conserver la féodalité dans le langage, quand il se félicitait de la voir disparaître dans l’État.

875. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Le gros homme politique devient, en ces jours, la bête curieuse que se disputent les salons. […] Burty joue le rôle de la bonne de l’homme politique, et quand je m’en vais, je ne puis m’empêcher de lui crier : « Vous ne venez pas avec moi, hein ! […] Et la politique, qui n’avait fait que siffloter le matin, se met à hurler… Mardi 10 octobre Aujourd’hui je suis mordu par mon roman de l’Actrice « La Faustin ». […] * * * — Saint-Simon jugé par Mme du Deffand : « Le style est abominable, les portraits mal faits, l’auteur n’était point un homme d’esprit. » Jeudi 11 octobre Il y a chez moi une aversion telle de la politique, qu’aujourd’hui, où c’est vraiment un devoir de voter, je m’abstiens… J’aurais passé toute ma vie, sans voter une seule fois ! […] Mardi 18 décembre Dans ce dîner de l’ancien Magny, aujourd’hui tout plein de ministres et de victorieux de l’heure présente, en la grosse et exultante joie de leur triomphe politique, je me sens un vaincu, l’homme d’une France qui est morte à tout jamais.

876. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

L’empire des Turcs était encore dans le cours impétueux de sa croissance, et sous l’élan de cette politique atroce qui semblait la condition de sa grandeur. […] Selon les défiances de la politique vénitienne, aucun de ces sujets de la république n’avait de commandement maritime ni de grade militaire ; mais ils combattirent avec courage sous ce drapeau, que teignirent de leur sang quinze capitaines vénitiens et leur premier amiral. […] La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. […] Honorons, dans les vers d’Herréra, cette voix du peuple qui ne trompe pas sur la vraie politique d’un temps, et cet instinct généreux trop lent parfois à renaître et à triompher. […] Ce que la religion seule avait d’abord réclamé, ce que toute grande politique devait ambitionner, la civilisation, le bon sens, la nécessité, l’accompliront dans un terme prévu ; et le poëte illustre qui, de nos jours, avait des premiers invoqué et promis cette délivrance, malgré sa rétractation qui nous afflige, aura été, nous l’espérons, non pas rêveur, mais prophète.

877. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Elles seront à l’histoire littéraire de notre époque ce que sont les Mémoires du temps à l’histoire sociale et politique. […] Il fallait un jeune homme aimable et doux, capable de ne point s’occuper de politique. […] Jean Moréas, qui je pense n’énonça jamais la moindre opinion politique, et s’éloigne de toute question sociale de toute la vitesse de sa trirème. […] Moréas, d’esprit classique, redevenait classique, Adam reprenait, après une course dans la politique, ses ambitions balzaciennes. […] Mais, objectera-t-on, son rôle et ses visées politiques ne sont point contestables, il y a Germania !

878. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Il y mit moins de passion que Bossuet peut-être, mais parce qu’il y mit plus de politique. […] Mais si la religion, par hasard, avant d’être une politique, était une discipline de mœurs ? […] S’il en eut plus qu’il ne voulait, c’est que la politique a de ces mécomptes. […] On peut se proposer de limiter l’exercice de cette liberté ; c’est une autre question ; elle est de l’ordre politique. […] Ou il n’y a rien de démontré en politique, ou il l’est que l’exportation est une folie.

879. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

On n’a qu’à le laisser faire, et la construction politique s’écroule. […] Et ici apparaît un trait caractéristique de l’« animal politique » qu’est l’homme. […] On était entre « civilisés », mais l’instinct politique originel avait fait sauter la civilisation pour laisser passer la nature. Des hommes qui se croiraient tenus de proportionner le châtiment à l’offense, s’ils avaient affaire à un coupable, vont tout de suite jusqu’à la mise à mort de l’innocent quand la politique a parlé. […] De toutes les conceptions politiques c’est en effet la plus éloignée de la nature, la seule qui transcende, en intention au moins, les conditions de la « société close ».

880. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

En fille pieuse, elle obéit, mais elle ne put s’empêcher de dire : « Je suis donc l’agneau politique qui vais être sacrifié pour le pays. » L’agneau, quand on la connaît, peut paraître un terme singulièrement choisi pour une si forte victime ; mais la comparaison reste juste, tant le cœur chez elle était tendre et était bon. […] Ainsi donc, dans ce mariage si brillant en apparence qu’elle contracta avec le frère de Louis XIV, Madame ne songeait qu’à une chose, servir et protéger son pays allemand auprès de la politique française ; et ce seul côté par où la politique, à laquelle elle resta d’ailleurs toujours étrangère, la touchait au cœur, elle eut le regret de le manquer. […] Elle aurait volontiers emprunté de l’illustre philosophe son idée d’un rapprochement et d’une fusion, d’une réconciliation entre les principales communions chrétiennes ; elle traduisait cela un peu brusquement à sa manière lorsqu’elle disait : « Si l’on suivait mon avis, tous les souverains donneraient ordre que parmi tous les chrétiens, sans distinction de religion, on eût à s’abstenir d’expressions injurieuses, et que chacun croirait et pratiquerait selon sa volonté… » Au milieu de cette cour de Louis XIV, qui allait être si unanime sur la révocation de l’édit de Nantes, elle apportait et elle conserva d’inviolables idées de tolérance : « C’est ne se montrer nullement, chrétien, disait-elle, que de tourmenter les gens pour des motifs de religion, et je trouve cela affreux ; mais lorsqu’on examine la chose au fond, on trouve que la religion n’est là que comme un prétexte ; tout se fait par politique et par intérêt.

881. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Daru en 1814, il commença sa vie d’homme d’esprit et de cosmopolite, ou plutôt d’homme du Midi qui revient à Paris de temps en temps : « À la chute de Napoléon, dit Beyle en tête de sa Vie de Rossini, l’écrivain des pages suivantes, qui trouvait de la duperie à passer sa jeunesse dans les haines politiques, se mit à courir le monde. » Malgré le soin qu’il prit quelquefois pour le dissimuler, ses quatorze ans de vie sous le Consulat et sous l’Empire avaient donné à Beyle une empreinte ; il resta marqué au coin de cette grande époque, et c’est en quoi il se distingue de la génération des novateurs avec lesquels il allait se mêler en les devançant pour la plupart. […] En parlant de Vienne, de Venise, il y montre la politique interdite, une douce volupté s’emparant des cœurs, et la musique, le plus délicat des plaisirs sensuels, venant remplir et charmer les loisirs que nulle inquiétude ne corrompt et que les passions seules animent. […] Le fond de son goût et de sa sensibilité est tel qu’on le peut attendre d’un épicurien délicat : Quelle folie, écrit-il à un ami de Paris en 1814, à la fin de ses Lettres sur Mozart, quelle folie de s’indigner, de blâmer, de se rendre haïssant, de s’occuper de ces grands intérêts de politique qui ne nous intéressent point ! […] En littérature comme en politique, on est généralement redevenu prudent et sage ; c’est qu’on a eu beaucoup de mécomptes.

882. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Ces deux événements, ces deux succès, très-sensibles parce qu’ils ont éclaté au théâtre, et dans les circonstances les plus propres à les faire ressortir, ne sont au reste qu’une indication de ce qui se passe ailleurs et à côté dans toute l’étendue d’une certaine couche sociale : en religion, politique, arts, modes et costumes, réaction sur toute la ligne. […] Mais de nos jours, au milieu des respects et des hommages individuels et publics volontiers décernés à la religion, après le triomphe encore plus complet qu’espéré d’une politique conservatrice, venir réagir au delà dans le même sens et en passant outre, pousser par système et par mode à l’aristocratie, au despotisme, à l’ultramontanisme, c’est ne prouver autre chose que l’ennui de l’âme qui s’agite à vide et la vanité de l’esprit qui se monte à froid. […] Une des premières sources du mal, nous l’avons plus d’une fois signalé, ç’a été, à un certain moment, la retraite brusque et en masse de toute la portion la plus distinguée et la plus solide des générations déjà mûries, des chefs de l’école critique, qui ont déserté la littérature pour la politique pratique et les affaires. Les services que ces hommes éclairés ont rendus en politique peuvent être reconnus, mais sont incontestablement moindres que ceux qu’ils auraient rendus à la société en restant maîtres du poste des idées, et en y ralliant par la presse ceux qui survenaient à l’aventure.

883. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

La vie politique et publique de Saint-Simon est assez simple, et mériterait à peine une mention, s’il n’avait pas été observateur et historien. […] Je le crois bien : il y a un degré d’incisif dans l’observation, de révolte dans l’impression morale, et de fougue dans le talent, qui exclut l’adresse et le ménagement politique. […] Puis en avant, après les valets, venaient les courtisans de toute espèce : « Le plus grand nombre, c’est-à-dire les sots, tiraient des soupirs de leurs talons, et avec des yeux égarés et secs louaient Monseigneur, mais toujours de la même louange, c’est-à-dire de bonté… » Puis, après les sots, on a les plus fins ; on en a même quelques-uns sincèrement affligés ou frappés ; on a les politiques et les méditatifs qui réfléchissent dans des coins aux suites d’un tel événement. […] Si Saint-Simon n’a pu faire rendre si tard à la noblesse française une influence politique et aristocratique qui n’était point sans doute dans les conditions de notre génie national et dans nos destinées, il a fait pour elle tout ce qu’il y a de mieux après l’action, il lui a donné, en sa propre personne, le plus grand écrivain qu’elle ait jamais porté, la plume la plus fière, la plus libre, la plus honnête, la plus vigoureusement trempée et la plus éblouissante, et ce duc et pair dont on souriait alors se trouve être aujourd’hui, entre Molière et Bossuet (un peu au-dessous, je le sais, mais entre les deux certainement), une des premières gloires de la France27.

884. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Mais, je le répète, par suite de cet esprit d’intolérance que la philosophie (surtout dans les temps modernes) a toujours pratiqué à l’égard d’elle-même, bien des choses excellentes sont toujours menacées par les révolutions des systèmes, de même que les bonnes lois, indépendantes des systèmes politiques, sont cependant entraînées souvent par les révolutions des États. […] En poursuivant une recherche semblable sur tous les problèmes de la philosophie, on voit combien la conciliation des systèmes est une œuvre difficile ; en réalité, cette conciliation ne consiste presque jamais qu’à juxtaposer des principes, à peu près comme en politique on fait des ministères de transaction en réunissant les hommes les plus voisins des partis contraires ; mais autre est la théorie, autre est la pratique. […] En politique, on fait comme on peut ; en philosophie, on ne devrait concilier qu’en expliquant, c’est-à-dire en liant les vérités l’une à l’autre par degrés intermédiaires. […] Il est donc ouvert à toutes les vérités, de quelque part qu’elles viennent, comme un peuple éclairé qui juge sagement dans ses comices les systèmes politiques qu’on lui propose, et qu’il n’eût pas trouvés tout seul.

885. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux. […] Il n’est pas jusqu’à l’abbé de Gondi qui ne quitte trop souvent sa soutane pour se battre en duel, aller à la brèche, au bal, ou se déguiser en menuisier ; et l’on souffre en voyant le sensé De Thou si enfoncé dans l’étude qu’au moment de la conspiration il ignore tout ce qui s’est passé en politique depuis trois mois, et qui pourtant se pique d’être au fait par amour-propre : ce ridicule est digne du Dominus de Guy-Mannering.

886. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Non pas, sans doute, qu’une même tête d’homme, une même classe d’individus, suffise à un si vaste accomplissement ; les individus s’usent vite en révolution : mais les divers partis qui se succèdent y suppléent ; le développement se transmet de l’un à l’autre, et ne s’achève qu’à la dernière de ces générations politiques, rapides et pressées, qui s’entre-dévorent. […] Disons néanmoins, et avec regret, que cette pitié pour les innocents n’est pas égalée par son indignation contre les bourreaux ; l’idée que ceux-ci, quels qu’ils aient pu être, ont sauvé la France de l’invasion, a trop arrêté sa plume prête à les flétrir ; il s’est trop répété que le plus énergique alors était aussi le plus digne du pouvoir ; et je souffre qu’il ait dit, en déplorant la mort des Girondins : « On ne pourrait mettre au-dessus d’eux que celui des Montagnards qui se serait décidé pour les moyens révolutionnaires par politique seule et non par l’entraînement de la haine. » Non, nul Montagnard, fût-il tel qu’on le veut, un Carnot ou tout autre pareil, ne pourrait être mis au-dessus des proscrits du 2 juin ; l’assassin n’est jamais plus noble que l’assassiné.

887. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

La génération surtout qui était venue trop tard pour participer à l’effervescence politique et s’embraser à l’illusion révolutionnaire évanouie vers 1824 ; cette génération étouffée, qui était au collège durant la plus belle ardeur de la Charbonnerie ; qui manquait la classe, le jour où l’on chassait Manuel, et qui, à son premier pas dans le monde, trouvant tout obstrué, allait se ronger dans la solitude ou se rétrécir dans les coteries ; cette génération cadette, dont Bories et ses compagnons furent les aînés, intelligente, ouverte, passionnée sans but, amoureuse indifféremment de Napoléon et de la République, de madame de Staël et de madame Roland, folle de René et des lettres de Mirabeau à Sophie, emportant sous le bras Diderot à la classe de rhétorique et Béranger à la classe de philosophie ; noble et chaleureuse jeunesse, qui se consuma trop longtemps dans des idées sans suite, dans des causeries sans résultat, dans d’interminables analyses ; dont les plus pressés s’affadirent si vite aux tièdes clartés des bougies, et s’énervèrent chaque soir dans l’embrasure de quelque fenêtre d’un salon doctrinaire ; cette génération-là surtout a souffert profondément, et a ressenti jusque dans la moelle de ses os la consomption de l’ennui et le mal rêveur. […] En politique, bien que passionné pour la liberté et pour la France, il était tombé dans une sorte d’apathie ; on avait tant répété autour de lui et dans les deux ou trois journaux qu’il lisait sous les arcades de l’Odéon tous les matins, que l’abîme des révolutions était fermé, qu’à la fin il l’avait cru et en avait pris son parti, bien qu’un peu à contre-cœur.

888. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

La philosophie est l’amour sincère et la recherche acharnée de la vérité, et Cousin, le professeur, l’homme à effet, le théâtral, qui a trouvé sa véritable voie en devenant, après 1830, un homme politique, n’a pas et n’a jamais eu l’indépendance vis-à-vis des autres et de lui-même, la force d’impersonnalité et l’amour désintéressé du vrai qui constituent le philosophe. […] Il a fait rentrer l’histoire de France, de cette monarchie fondée par des évêques — disait Gibbon — et cultivée et civilisée par des saints, dans sa vérité historique, qui est catholique autant que politique et militaire.

889. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Quant aux lettrés de Vouziers, ils prennent un ton réservé, disant : Taine n’est pas venu à nous ; il ne nous a pas connus ; il ne rentrait à Vouziers que de loin en loin, descendait à l’hôtel et ne voyait que ses hommes d’affaires. »‌ La supériorité de la vie contemplative sur la politique, c’est qu’il n’est pas besoin de délégation pour la représenter ; que le Rethelois, que l’Argonne, que nos régions de l’Est autorisent ou non Taine, elles s’expriment par son génie. […] Nous admettons avec lui le danger de la méthode logique dans la politique.

890. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Elle avait treize ans (1632) quand son oncle Montmorency fut immolé à Toulouse aux vengeances et à la politique du Cardinal ; cette jeune nièce, frappée dans sa fierté comme dans sa tendresse d’un coup si sensible, eût volontiers imité l’auguste veuve, et voué dès lors son deuil à la perpétuité monastique. […] A cette époque et avant que la politique s’en mêlât, elle et son frère, et cette jeune cabale, déjà décidée à l’être, ne songeaient encore, est-il dit158, qu’à faire briller leur esprit dans des conversations galantes et enjouées, qu’à commenter et raffiner à perte de vue sur les délicatesses du cœur. […] plus on considère la politique de Mme de Longueville, et plus elle se confond avec son caprice amoureux ; mais, si l’on serre de près cet amour lui-même (et plus tard elle nous l’avouera), il semble que ce n’est plus que de l’ambition travestie, un désir de briller encore. […] Comme sa passion l’obligea à ne mettre la politique qu’en second dans sa conduite, d’héroïne d’un grand parti elle en devint l’aventurière. […] C’est M. de La Rochefoucauld dont la politique et la vengeance ont concerté cette revanche trois fois ulcérante pour Mme de Longueville.

891. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Mais la politique passionnée est étrangère à M.  […] Tantôt nous avons affaire à un ironiste plein de détachement caustique qui transcrit, en les colorant au gré de ses préférences mentales, les mouvements de l’histoire politique instantanée : c’est l’œuvre de M.  […] L’histoire politique a incontestablement dominé la pensée sociale et philosophique de M.  […] Ce n’est point par des raisons de sentiment ou par l’effet de ses tendances politiques, que l’auteur de l’Étape et du Divorce y est arrivé. […] Il a mis une passion et une vibration d’autant plus frémissantes dans ses tableaux, qu’il a été lui-même mêlé de fort près aux événements dont il parle, qu’il a été témoin et acteur dans ces batailles politiques et qu’il a pu les observer en annaliste journalier.

892. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Mais ses amis religieux et politiques, direz-vous, pourquoi ne parlent-ils pas ? […] Il reporte jalousement au compte du catholicisme ce massacre, dont quelques-uns ont voulu faire une action purement politique. […] Car le catholicisme est ; pour l’auteur, en même temps que l’unique religion vraie, l’unique dépositaire des vérités politiques. […] Sa doctrine (politique comme religieuse) est, on le voit, très purement catholique. […] » vous signifiant ainsi d’avoir à taire devant l’Olympe les choses basses de la politique.

893. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Par d’autres chemins que les siens on semblait tendre à cette unité, ou, pour dire quelque chose de plus, à cette homogénéité qui était le principal ou l’unique objet de sa politique intérieure. […] Mais, en attendant, la comédie de Molière n’en est pas moins et dès lors menacée, ou déjà même entamée, comme la politique de Bossuet, comme l’esthétique de Boileau, et toutes les trois par le même patient, presque invisible, et subtil ennemi. […] Prétentions politiques de Corneille ; — mots que l’on cite à ce sujet, de Condé après Sertorius : « Où donc Corneille a-t-il appris la guerre ?  […] II et III ; — Victor Cousin, Jacqueline Pascal, 1844 ; — Lélut, L’Amulette de Pascal, 1846 ; Gazier, « Le roman de Pascal », dans la Revue politique et littéraire du 24 novembre 1877 ; — J.  […] I et II, Paris, 1867]. — Les Maximes sur la comédie, 1693. — L’affaire du quiétisme. — Comment Bossuet s’y est trouvé mêlé sans y avoir songé. — Importance de la question, et comment elle s’est compliquée d’une question politique [Cf. 

894. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Le charme de cette idylle l’avait à peu près éloigné de la politique. […] M. de Gelder, en apprenant la politique, put exercer à loisir ses précoces facultés de moraliste et d’observateur. […] À vingt-quatre ans, je les ai abandonnées pour la politique. » Ce sage de Hollande, si vite guéri de ses passions, trouva, dans la politique, un objet moins digne d’enthousiasme et d’amour. […] Vous devez être très sceptique en politique et très habile en affaires. […] de leur politique ? 

895. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Lundi 7 avril 1862, Il y eut pour le grand-duc, dans les années qui précédèrent son avènement au trône (1745-1762), deux périodes distinctes : celle où il prenait sa femme pour confidente, où il la consultait et se laissait assez volonvtiers diriger par elle dans les affaires qui touchaient à la politique ; et un second temps durant lequel il s’émancipa, sîirrita et devint plus ennemi et plus menaçant de jour en jour : mais en fait de ridicule et de puérilité gnotesque et grossière, ilne varia jamais. […] Elle lui donnait les meilleurs conseils pour son Holstein ; c’est même par là qu’elle fit son premier apprentissage en politique, traitant les affaires de ce petit État avec l’ambassadeur de Vienne qui était à Pétersbourg et qui disait au grand-duc : « Votre femme a raison ; vous feriez bien de l’écouter. » Il suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. […] Vers ce même temps (1755), arriva à Pétersbourg, en qualité d’ambassadeur d’Angleterre, sir Charles Hanbury Williams, amenant à sa suite le jeune Poniatowsky : cet Anglais, homme d’esprit et de hardiesse, d’une conversation amusante, encouragea la grande-duchesse dans son esprit d’émancipation, et elle noua même avec lui, à ce début de la guerre de Sept Ans, une intrigue politique dans le sens de l’Angleterre et aussi de la Prusse contre la France.

896. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Parlant de l’évêque politique en Bossuet, et des considérations de cabinet qui influèrent si fort sur sa conduite, sur ses discours officiels en toute circonstance, cet homme d’esprit disait il y a plus de trente ans : « Après tout, c’est un conseiller d’État. » Tout récemment, et se reportant à ce trésor de beaux lieux communs qui sont le fonds inépuisable de son éloquence, il l’appelait encore « le sublime orateur des idées communes ». […] Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi. […] Aussi, dès que Louis XIV et lui se furent trouvés en présence et reconnus, ils sentirent, l’un qu’il avait trouvé son monarque, le roi selon son cœur ; l’autre son évêque, son prélat à la fois pieux et politique, non pas seulement son orateur sacré, solennel et autorisé, mais son conseiller d’État ecclésiastique.

897. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Il ne peut jamais s’abandonner à aucun de ses mouvements, car il est rare que la nature soit un bon guide dans la route de la politique ; et par un contraste cruel, cette passion, assez violente pour vaincre tous les obstacles, condamne à la réserve continuelle qu’exige la contrainte de soi-même ; il faut qu’elle agisse avec une égale force pour exciter et pour retenir. […] Si ces considérations générales suffisent pour éclairer sur la juste influence de l’ambition sur le bonheur, les auteurs, les témoins, les contemporains de la révolution de France, doivent trouver au fond de leur cœur de nouveaux motifs d’éloignement pour toutes les passions politiques ? […] Quel que soit le parti qu’on ait embrassé, la faction est démagogue dans son essence, elle est composée d’hommes qui ne veulent pas obéir, qui se sentent nécessaires, et ne se croient point liés à ceux qui les commandent ; elle est composée d’hommes prêts à choisir de nouveaux chefs chaque jour, parce qu’il n’est question que de leur intérêt, et non d’une subordination antérieure, naturelle ou politique : il importe plus aux chefs de n’être pas suspects à leurs soldats, que redoutables à leurs ennemis.

898. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Le journalisme politique surtout est, dans son ensemble, admirable d’inutilité et parfois de niaiserie. […] En somme, il y a trois vies dignes d’être vécues (en dehors de celle du parfait bouddhiste, qui ne demande rien) : la vie de l’homme qui domine les autres hommes par la sainteté ou par le génie politique et militaire (François d’Assise ou Napoléon) ; la vie du grand poète qui donne, de la réalité, des représentations plus belles que la réalité même et aussi intéressantes (Shakespeare ou Balzac), et la vie de l’homme qui dompte et asservit toutes les femmes qui se trouvent sur son chemin (Richelieu ou don Juan). […] Je laisse le critique littéraire (très classique, ainsi qu’il sied à un Marseillais), l’observateur des mœurs contemporaines, le politique militant, le peintre de portraits (voyez ceux de Gambetta, de Rouher, de Lepère, de M. 

899. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Plus d’une fois l’individu qui ne cherche dans ses attaques contre la société qu’une satisfaction de ses désirs antisociaux se persuade à lui-même qu’il obéit à une préoccupation de justice sociale, qu’il poursuit un idéal de sociabilité supérieure, et par contre, tel autre qui prétend ou qui croit même poursuivre un but social, un idéal politique et moral supérieur, ne recherche au fond qu’une occasion de renverser ce qui existe et jouit surtout du plaisir de la destruction. […] L’individualisme uniciste revêt d’ailleurs autant d’aspects particuliers qu’il y a de modes possibles de différenciation pour les individus. — Un homme ne peut voir le monde, un homme ne peut penser exactement comme un autre homme ; de là un individualisme intellectuel. — Un homme ne peut sentir exactement comme un autre ; de là un individualisme sentimental. — Un homme ne peut avoir exactement les mêmes raisons d’agir qu’un autre ; de là un individualisme moral. — Un homme ne peut avoir exactement la même manière de sentir la beauté qu’un autre ; de là un individualisme esthétique. — Un homme ne peut avoir exactement les mêmes intérêts qu’un autre ; de là un individualisme économique. — Un homme ne peut avoir exactement la même puissance, ni par conséquent le même droit qu’un autre ; de là un individualisme juridique ou antijuridique, comme on voudra. — Ainsi dans les différents ordres de pensée et d’activité, l’individualisme uniciste nie tout idéal collectif : idéal intellectuel, sentimental, moral, esthétique, économique, juridique, politique. […] Il représente, dans l’ordre intellectuel, un effort vers la plus grande science, dans l’ordre esthétique, un effort vers la plus grande beauté, dans l’ordre économique un effort vers la plus grande richesse considérée elle-même comme un moyen pour la plus grande puissance ; dans l’ordre politique, un effort vers la plus grande initiative et la plus grande responsabilité chez les maîtres et les créateurs de valeurs ; dans l’ordre moral, un effort vers une affirmation plus intense de la vie, de la grandeur humaine et de l’orgueil humain.

900. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Le sacerdoce officiel, les yeux tournés vers le pouvoir politique et intimement lié avec lui, ne comprenait rien à ces mouvements enthousiastes. […] Un des plus constants efforts des pharisiens était d’attirer Jésus sur le terrain des questions politiques et de le compromettre dans le parti de Judas le Gaulonite. […] Un jour, un groupe de pharisiens et de ces politiques qu’on nommait « Hérodiens » (probablement des Boëthusim), s’approcha de lui, et sous apparence de zèle pieux : « Maître, lui dirent-ils, nous savons que tu es véridique et que tu enseignes la voie de Dieu sans égard pour qui que ce soit.

901. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Pourtant, parce qu’un homme tel que M. de Lamartine a trouvé convenable de ne pas clore l’année 1848 sans donner au public ses confessions de jeunesse et sans couronner sa politique par des idylles, faut-il que la critique hésite à le suivre et à dire ce qu’elle pense de son livre, faisant preuve d’une discrétion et d’une pudeur dont personne (et l’auteur moins que personne) ne se soucie ? Je prendrai donc le livre en lui-même ; je l’isolerai tant que je pourrai de la politique ; en oubliant le Lamartine de ces dernières années, je tâcherai de ne me souvenir que de celui d’avant les Girondins. […] Une noble dame qui accueille M. de Lamartine réfugié en Suisse pendant les Cent-Jours, la baronne de Vincy, lui explique qu’elle ne voit point Mme de Staël, que la politique les sépare, et qu’elle a le regret de ne pouvoir le présenter à Coppet : « Elle est fille de la Révolution par M. 

902. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Pour être vrai, il faut reconnaître que ce n’est point par la métaphysique, c’est par la philosophie sociale et politique que le principe de la personnalité est entré dans la pensée moderne. […] C’est ce que firent à la fois en Allemagne et en France deux grands penseurs, Fichte et Biran, le premier plus porté au spéculatif suivant le goût et le génie de sa nation, le second plus psychologue, plus observateur, — le premier liant la métaphysique à la politique, passionné pour les idées du xviiie  siècle et de la révolution, le second royaliste dans la pratique, assez indifférent pour ces sortes de recherches et occupé d’une manière tout abstraite à l’étude de la vie intérieure, — tous deux enfin, par une rencontre singulière et selon toute apparence par des raisons analogues, ayant terminé leur carrière par le mysticisme, mais le premier par un mysticisme inclinant au panthéisme, le second par le mysticisme chrétien. […] Hors de là il nous paraît impossible de fonder une vraie morale et une vraie politique, car si la personne n’est, comme la chose elle-même, qu’une collection d’atomes, comment lui attribuez-vous d’autres titres et d’autres droits qu’à la chose ?

903. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Mais qui sçait observer la marche de l’esprit humain, voit qu’insensiblement tous les genres d’écrire s’appliquent à la morale politique. […] Cependant lorsque quelqu’un a fait un livre de Politique ou de Morale, sur le champ on lui répète le refrein accoutumé : Travaux impuissans ! […] Tu as adopté la sorcellerie, la magie, l’astrologie judiciaire ; & tes erreurs politiques, non moins monstrueuses, ont fait gémir de pitié sur ton aveuglement. […] Ces sots Auteurs s’imaginent être moralistes & politiques. […] L’origine de tous les maux politiques doit s’attribuer à ces fortunes immenses accumulées sur quelques têtes.

904. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

. —  Songez enfin (ceci entre nous) qu’en politique comme en religion, depuis mille ans, ils sont très-gouvernés, trop gouvernés ; que lorsqu’on est gêné, on a envie de ne plus l’être, qu’un habit trop étroit craque aux coudes et ailleurs. […] Swift décrit la contrée des chevaux parlants, la politique de Lilliput, les inventeurs de l’Île-Volante, avec des détails aussi précis et aussi concordants qu’un voyageur expérimenté, explorateur exact des mœurs et du pays. […] un lacet lui a serré le cou) un fidèle sectateur en politique de la vieille école turque. […] Devant ce tableau frappant de vérité et de génie, on a besoin de se rappeler que cette inégalité blessante est la cause d’une liberté salutaire, que l’iniquité sociale produit la prospérité politique, qu’une classe de grands héréditaires est une classe d’hommes d’État héréditaires, qu’en un siècle et demi l’Angleterre a eu cent cinquante ans de bon gouvernement, qu’en un siècle et demi la France a eu cent vingt ans de mauvais gouvernement, que tout se paye et qu’on peut payer cher des chefs capables, une politique suivie, des élections libres, et la surveillance du gouvernement par la nation. […] Ce père de famille si humain est un politique imbécile.

905. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

De l’utopie dans les écrits politiques de Jean-Jacques Rousseau. — § IV. […] De l’utopie dans les écrits politiques de Jean-Jacques Rousseau. Dans la politique, Rousseau s’est fait tout d’abord un idéal de ce qu’il appelle l’état de nature. […] C’est là proprement la part de Rousseau dans le mal que nous a fait la philosophie politique du dernier siècle. […] C’était d’ailleurs de mode et de bonne politique de le dire en 1791.

906. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Charles Maurras : « Politique d’abord !  […] Les intrigues politiques se mêlent aux aventures d’amour, qui constituent l’essentiel du récit. […] Plus politique peut-être, M.  […] Faguet me paraît avoir jugé assez équitablement l’influence tant politique que littéraire de Jean-Jacques. […] Voilà, pour moi, la clef du système politique de Rousseau.

907. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Comme c’est du véritable La Boétie, déjà homme fait, que je veux m’occuper ici, j’ai hâte de me débarrasser de ce premier traité soi-disant politique, qui est comme sa tragédie de collège, La Servitude volontaire ou Le Contr’un, œuvre déclamatoire, toute grecque et romaine, contre les tyrans, et qui provoque à l’aveugle le poignard des Brutus. […] Les nobles et généreuses natures, lorsqu’elles entrent dans la vie, et qu’elles ne connaissent point encore les hommes, ni l’étoffe dont nous sommes en majeure partie formés, passent volontiers par une période politique ardente et austère, par une passion stoïque, spartiate, tribunitienne, dans laquelle, selon les temps divers, on invoque les Harmodius, les Caton, les Thraséas, et où de loin les Gracques et les Girondins se confondent. […] Ne dirait-on pas, dans cette idée anticipée de l’Amérique, qu’il devançait le cours des révolutions et des âges, et ne croirait-on pas entendre en 1793 ou en 1795, et dans les années suivantes, un Volney, un Dupont de Nemours ou quelque autre fugitif des orages politiques et de l’anarchie, s’en allant demander aux États-Unis un asile qu’ils y trouveront en passant ? […] Cet homme-là n’était pas fait pour l’état d’inflammation politique violente auquel se complaisent ceux qui l’ont depuis si bruyamment adopté.

908. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

La misanthropie et l’orgueil qui venaient à la traverse, les perpétuelles discussions qui entrecoupent ses rêveries, le recours aux hypothèses hasardées, et, pour parler juste, un génie politique et logique, qui ne se pouvait contraindre, firent de lui autre chose qu’un poëte qui charme, inonde et apaise. […] Son royalisme pourtant se conciliait déjà avec des idées libérales et constitutionnelles : il avait même composé une brochure politique dans ce sens, qui ne fut pas publiée, faute de libraire. […] Lamartine a peu écrit en prose : pourtant son discours de réception à l’Académie française, sa brochure de la Politique rationnelle, un charmant morceau sur les Devoirs civils du Curé, un discours à l’Académie de Mâcon, indiquent assez son aisance parfaite en ce genre, et avec quelle simplicité de bon sens jointe à la grâce et à l’inséparable mélodie sa pensée se déroule sous une forme à la fois plus libre et plus sévère. La brochure politique, ou plutôt philosophique, qu’il a publiée sur l’état présent de la société, indépendamment de ce vif désir du bien qui respire à chaque ligne, révèle en lui un coup d’œil bien ferme et bien serein au milieu des ruines récentes d’où tant de vaincus et de vainqueurs ne se sont pas relevés.

909. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Mélesville, il revint à la charge vers le Théâtre-Français, et s’attaqua hardiment au vice politique, ce nouveau ridicule tout récemment démasqué. […] Scribe n’avait guère de passion politique, et son couplet libéral très-léger, ses guerriers et ses lauriers, n’étaient çà et là que l’indispensable pour panacher ses pièces. […] Scribe, en mettant à la scène les grands effets en politique produits par les petites causes, avait à lutter tout à côté contre une concurrence presque pareille, contre les grandes causes produisant avec éclat de bien petits effets. […] Dans le drame politique qui se joue presque en regard du Verre d’eau, il y a de ces conditions réunies de tristesse et de contradictions en grand dont je parlais tout à l’heure, et qui seraient capables d’éclipser même la haute comédie.

910. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Le malheureux ne peut écrire que sur l’économie politique ou sur l’histoire diplomatique ou militaire, et là encore il n’a jamais ses coudées franches. […] Et de là, si l’on a un peu de bonheur, on peut monter, traverser tous les mondes ou même y séjourner successivement, connaître les bourgeois, les marchands, les bohèmes, les artistes, les politiques et ceux qu’on appelle les gens du monde. […] S’il s’agit du Condé de la Ligue ou du grand Condé, à la bonne heure ; ils sont assez considérables pour servir de centre à une histoire politique et militaire de leur temps. […] Il fait l’histoire non pas, comme le politique ou l’écrivain, par des préparations et influences éloignées ; il fait l’histoire directement, sur place ; il y met la main, sans métaphore.

911. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

La science politique et sociale dans Montesquieu, l’histoire dans Voltaire, l’exposition éloquente des découvertes scientifiques dans Buffon, sont comme autant de facultés nouvelles de l’esprit français. […] Oui, nous voulons bien en convenir avec les admirateurs de la Henriade, le poème, pour parler comme Frédéric II, est conduit « avec toute la sagesse imaginable » ; les épisodes y sont dans leur lieu ; le songe de Henri IV, au septième chant, « est plus vraisemblable qu’une descente aux enfers imitée d’Homère et de Virgile » ; la Politique, l’Amour, la Vraie Religion, les Vertus et les Vices « sont des allégories nouvelles » ; nous accordons à Marmontel que les personnages sont amenés avec art, soutenus avec sagesse, qu’ils ne se démentent pas plus que ceux du Clovis de Desmarets ; que la Henriade n’a pas l’enflure de la Pharsale ; que toutes les règles y sont observées, et, sur ce point, nous donnerons volontiers acte à Voltaire d’avoir respecté l’épopée plus qu’aucune autre autorité au monde. […] Faire la différence dès ce temps-là, dans l’ivresse des espérances et la fumée des illusions ; prévoir et prédire que la politique des girondins, qui menait au 10 août, mènerait, par le 10 août, au 21 janvier, était d’un grand esprit ; laisser la lyre pour prendre la plume à la fois vengeresse et prophétique, était d’un grand cœur. […] Après ces deux années d’une douce vie passée en compagnie de deux amis dignes de lui, c’est-à-dire en compagnie plus intime avec lui-même, il revint à Paris, la tête débordant de poèmes, de plans, d’esquisses, où sont mêlées la science, la politique, la Bible, l’Amérique ; ambitieux de tout sentir et de tout rendre, de faire de la poésie l’organe inspiré de toutes les idées modernes, l’écho du passé et du présent, la voix prophétique de l’avenir.

912. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] cessons d’admirer les anciens qui nous ont peu appris en morale et rien en économie politique, seuls résultats vraiment utiles de l’histoire. » Il définit le gouvernement « une banque d’assurance, à la conservation de laquelle chacun est intéressé, en raison des actions qu’il y possède, et que ceux qui n’y en ont aucune peuvent désirer naturellement de briser ». […] triste et sombre vue mécanique à laquelle il reviendra plus d’une fois, qui sera sa doctrine politique finale, et qui peut servir à nous faire mesurer le chemin qu’avait parcouru en deux années l’auteur des Ruines. […] À l’époque où Volney publia cette première partie, restée la seule, il était malade, découragé, et il aurait eu peu de liberté pour discuter les questions politiques qui devaient fournir la seconde partie du tableau.

913. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Quelques-uns essayent d’arrêter cette progression aux questions métaphysiques et spéculatives, comme ils les appellent, et voudraient sauver la morale ; mais c’est une contradiction, et d’après l’échelle précédente on sera forcé de dire que celui qui nie la morale est plus libre penseur que celui qui l’affirme ; par la même raison, celui qui nie tout principe en politique sera plus libre penseur que celui qui en reconnaît quelques-uns, par exemple la liberté et la justice. […] De même qu’en politique le vrai libéral veut la liberté non-seulement pour lui-même, mais encore pour ses adversaires, de même dans l’ordre de la pensée et de la foi on ne peut être assuré de posséder la vérité qu’à la condition de lui avoir fait subir toutes les épreuves de la critique. […] C’est ainsi que l’anarchie des opinions a envahi la société, amenant à sa suite l’anarchie civile et politique, la ruine de toutes les grandes traditions, le renversement de toutes les autorités. […] En philosophie comme en politique, la liberté réclamée n’est souvent qu’un ingénieux moyen de devenir le maître.

914. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

L’intérêt pour les lettres étrangères se confirme avec l’article de Pol Michels sur l’expressionnisme allemand suivi de poèmes et d’un article du yougoslave Boško Tokin sur le futurisme, tandis que l’article de Follin rappelle l’ancrage politique de la revue. […] En 1912, Ludwig Rûbiner lance dans « Die Aktion » son fameux manifeste : « Le poète prend parti dans la politiquesac » Politique à ici la belle signification d’action spirituelle qui détruira un jour la néfaste mentalité officielle. […] Malgré la modération de ses positions politiques, il est salué comme un symbole par les écrivains pacifistes. […] Il appartient au cercle de Die Aktion et se considère comme un poète politique.

915. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Nous y avons gagné un Attila presque bourgeois, asiatique d’instinct, car il met la politique au-dessus de la guerre, ce qui est aussi le caractère européen de ces derniers temps, « créant des prétextes, entamant des négociations à tout propos, les enchevêtrant les unes dans les autres comme les mailles d’un filet où son adversaire finissait toujours par se prendre », spirituel, railleur, spéculant sur ses mariages, comme la maison d’Autriche, ses mariages dont il avait peu la dignité, aimant ses enfants à la manière des patriarches de la Bible, et leur tirant paternellement le joues, comme Napoléon tirait l’oreille à ses soldats enfin un Attila très pittoresque, très inattendu et très savoureux pour ceux qui cherchent dans l’histoire de sensations neuves. […] Il est infiniment moins politique que ne l’a fait M.  […] J’y vois aussi la même hauteur relative dans les jugements généraux, les mêmes tendances politiques, la même gravité, et s’il y a une différence de fond entre ces deux intelligences dont l’effigie si ressemblante qu’elle soit n’a pourtant pas été frappée d’un seul et même coup de balancier, elle serait toute à l’avantage de l’auteur des Récits de l’histoire romaine qui a le sentiment chrétien que son frère ne connaissait pas. […] Augustin Thierry, nature de juste milieu, qui le fut en politique comme il le fut en facultés, comme il le fut en toutes choses, exprima, avec la discrétion d’un homme de goût qui craint l’asphyxie, le suc de ces fleurs d’un temps naïf et barbare, dont il sentait pourtant et a nous donné quelques-unes des âpres saveurs.

916. (1927) Des romantiques à nous

Il l’a portée dans l’amour et la politique. […] Ils se fussent gardés de leur demander des manifestes sur les questions religieuses et politiques qui pouvaient préoccuper les esprits. […] Au point de vue politique et administratif, il n’y a qu’une France. […] En Russie, la politique n’y fut pour rien. […] Il avait des opinions politiques ardentes.

917. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Je suis toujours étonné, en ma qualité d’académicien, lorsque je suis amené à me prononcer sur ces questions compliquées et délicates, et que l’invasion hardie de quelqu’un de mes illustres confrères sur ce terrain brûlant de la politique me met, pour ainsi dire, au pied du mur. […] Guizot sur cette politique conservatrice, telle qu’elle était alors et telle qu’elle consentirait peut-être à être aujourd’hui.

918. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants. Nous recommandons plus particulièrement à ceux que la pensée politique préoccupe, et qui aiment à voir le talent des artistes s’en faire l’auxiliaire et l’organe, cette troisième partie où sous le nom de Salvator, le génie mécontent, sinistre et découragé, est repris, remontré par l’homme du peuple en ces termes magnanimes : Du peuple il faut toujours, poëte, qu’on espère, Car le peuple, après tout, c’est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour ; C’est ce sillon doré qui fume au point du jour, Et qui, empli do séve et fort de toute chose, Enfante incessamment et jamais ne repose.

919. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié. […] Ainsi donc, il y a peu de distinction entre vous et nous, sinon que nous vous accordons d’être les braves des braves, l’avant-garde des grandes Thermopyles ; mais vous et nous, d’ailleurs, c’est le même peuple et la même cause. » Il y avait peut-être, dans cet ordre plus expansif de sentiments, une inspiration poétique et une vérité politique qui n’auraient pas nui, d’ailleurs, à tout ce que M. 

920. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

L’Italie avait été un trop actif agent de notre Renaissance, pour ne pas avoir imprimé fortement sa marque jusque sur notre langage ; l’Espagne à la fin du siècle regagne du côté de l’influence intellectuelle ce qu’elle perd en influence politique ; elle nous insinue de ses manières et de ses façons de parler. […] Le grec fournit toute sorte de termes d’art, de science, de philosophie, de politique, comme ce mot de police au sens étymologique de gouvernement, comme économie, pour ménage, ou bien encore squelette, etc.

921. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

On y trouve peu de controverses politiques ou religieuses. […] « Il en est en politique comme en arithmétique, où les zéros ne prennent de valeur qu’en se plaçant à droite.

922. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Cette surabondante énergie dont nous sommes aujourd’hui si oppressés, si fiévreux, si brûlants, comment pourrions-nous la mettre en valeur quand la politique n’en nécessite plus ? […] On conçoit que la politique ne prête à un homme de talent qu’un emploi sans beauté, d’ailleurs tout à fait provisoire.

923. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

C’est ce que fut cette appellation de citoyen dont on fit un terme égalitaire : une conception politique qui devait aboutir à substituer, plus fortement que ne l’avait fait le pouvoir royal, l’état à la cité, était mal venue à relever ce titre de citoyen, d’origine si particulariste, inventé naguère pour consacrer une distinction et un privilège. […] Cette mode eut tant de faveur que Bonaparte, soit qu’il en ait subi l’engouement, soit qu’il ait jugé politique de l’exploiter pour sa gloire, revêtit le jour du sacre la pourpre des Césars et que les yeux n’en furent point, étonnés.

924. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Que Sa Majesté Impériale ne s’effarouche pas du mot économique ; il ne s’agit point ici des visions politiques de cette classe d’honnêtes gens qui s’est élevée parmi nous, et qui nous fera beaucoup de bien ou beaucoup de mal. […] Il faudrait resserrer et analyser le système social et la politique naturelle.

925. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Il n’a invoqué à la décharge de Marmont ni la collision des devoirs, ni le coup d’œil de l’homme politique éclairant l’homme de guerre, ni le salut du pays, ni l’économie des quelques gouttes d’un sang précieux, versé inutilement sur une terre qui en avait déjà tant bu. […] Malgré une absence de composition que le sujet litigieux choisi par l’auteur explique et suffisamment justifie, c’est aussi une histoire où le sens politique se révèle autant que le sens moral, et monte aussi haut.

926. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Malgré ces quelques livres cependant, auxquels la Critique d’un journal, qui s’écrit toujours un peu debout, devait de s’asseoir pour en parler plus à l’aise, comme dit Montesquieu d’Alexandre, malgré ces productions trop clairsemées et plus distinguées que les autres, tous ceux qui suivent le mouvement littéraire contemporain ont pu s’assurer que la littérature n’a point encore reçu des événements politiques qui ont changé la face de notre pays, et l’ont pénétré de meilleures influences, ce qu’ils se permettaient d’espérer. […] C’est ainsi qu’en baissant dans leur moralité les peuples baissent dans leur intelligence… Nous le disions récemment, à propos de cette immense mystification que des nigauds appellent, avec un sérieux bouffon : « la science de l’économie politique », tout pour l’homme est dans les questions morales, même le secret de son talent et de son génie quand il en a.

927. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Attaquons les choses de haut : disons ce que les autres n’osent dire ; interrogeons la majesté royale, inviolable en matière politique, mais responsable en matière d’art. […] Buloz a reçu mission d’arrêter l’essor de la littérature moderne, inquiétante pour le pouvoir, à cause des idées sociales et politiques qu’elle remue incessamment. […] Il fallait qu’en filant du monde littéraire dans le monde politique, la pauvre étoile jetât un dernier reflet. […] J’en étais donc là, me reposant sur ma bonne action, quand j’appris que la pauvre Revue de Paris avait revêtu le cilice politique. […] Hugo s’est toujours donné pour un homme d’une étude profonde et encyclopédique ; ses découvertes en histoire littéraire ne sont pas moins surprenantes que ses découvertes en histoire politique.

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