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1530. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

» Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.

1531. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

occupation d’oisif heureux !

1532. (1881) Le roman expérimental

Il y a là simplement un reste de courtisanerie, un goût pour la grâce et l’heureux équilibre de la bonne société. […] Quand j’ai admiré en lui l’heureux don de la langue, les procédés et les facilités de la description, je n’ai plus qu’à fermer le livre. […] Alors, commence toute une journée de flânerie heureuse. […] Mais le sujet est si joli, que cette nouvelle est peut-être la plus heureuse du livre. […] Mais j’accepte tout, je suis heureux de tout, parce que j’aime la vie en savant qui la note au jour le jour.

1533. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Les poètes, qui, après tout, ne sont peut-être pas les moins avisés des hommes, ont trouvé un sûr moyen d’être heureux, du moins pendant quelques heures. […] C’est tout d’abord grâce au hasard heureux d’être né dans un pays merveilleusement beau et à moitié sauvage, riche de végétations étranges, sous un ciel éblouissant. […] « Ô Parménon, disait Ménandre, j’appelle un homme heureux et le plus heureux de tous celui qui s’en retourne de bonne heure là d’où il est venu, après avoir contemplé sans chagrin les splendeurs augustes de la nature, le soleil qui se répand partout, les astres, l’eau, les nuages, le feu. […] Les moralistes et les professeurs étaient heureux. […] avec quel plaisir je l’ai serré jadis dans mes bras si heureux !

1534. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Ils sont libres tous les deux, à côté l’un de l’autre, dans les bras l’un de l’autre, et un abîme les sépare, qu’ils mesurent tous les deux à leur manière, — lui par son impuissance à être heureux, elle par son impuissance à le rendre heureux. […] Le dogmatisme est une présomption, car, enfin, si, parmi les meilleurs des hommes qui ont cru tour à tour posséder la vérité, il n’en est pas un qui ait eu complètement raison, comment espérer que l’on sera plus heureux ? […] Il ne connaîtra plus jamais l’amour, l’effusion heureuse et comblée, le mol abandon de l’espérance. […] Un des conseillers s’était permis d’appeler Bouilhet un élève souvent heureux d’Alfred de Musset. […] Ses œuvres, au lieu d’être des moments heureux de sa pensée et les moyens de son perfectionnement intérieur, lui furent des supplices et des mutilations.

1535. (1885) L’Art romantique

Je reconnais bien dans tous ces faits un symptôme heureux. […] Je crois qu’il a voulu prouver qu’à la fin il faut toujours se ranger, et que la vertu est bien heureuse d’accepter les restes de la débauche. […] On me dit que parmi les écrivains de cette école il y a des morceaux heureux, de bons vers et même de la verve. […] D’ailleurs, l’étiquette du crime heureux le trompera, et, les préceptes du maître aidant, il ira s’installer à l’auberge du vice, croyant loger à l’enseigne de la morale. […] Tout ce qui peut lui arriver de plus heureux, c’est que la nature le frappe d’un effrayant rappel à l’ordre.

1536. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

C’était le prince qui avait vraiment l’air heureux de me voir. […] c’est un heureux, il est populaire, et cependant ! […] C’est là, en gros, le résumé de ce récit, charmant de tous points et dont je suis fort heureux de constater le succès. […] Madame Adam est née sous une étoile heureuse qui, entre autres dons précieux, lui a accordé la bonté et la philosophie. […] Est-elle parfaitement heureuse ?

1537. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Ô mes vrais amis, quelle heureuse perte que celle d’un ami de rencontre ! […] — L’heureux homme ! […] Allez le demander à l’heureux grand-père à qui sa petite-fille vient de donner le baiser du matin. […] Heureux ceux qui sont en situation d’être sollicités par un homme doué d’une telle modestie ! […] Et après avoir dit tant de fois : Heureux ceux qui sont morts avant cette guerre !

1538. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

D’autres portions de sa vie domestique ne furent point mieux ménagées ni plus heureuses. […] Il y a tel sujet qui commande tel style : si vous résistez, vous détruisez votre œuvre, trop heureux quand, dans l’ensemble déformé, le hasard produit et conserve de beaux morceaux. […] Avec quel ordre industrieux, pour éviter la confusion des goûts, pour ne pas les mal assortir, pour qu’une saveur suive une saveur relevée par le plus heureux contraste ?  […] Quoique plus faible en force, il reste supérieur en noblesse, puisqu’il préfère l’indépendance souffrante à la servilité heureuse, et qu’il embrasse sa défaite et ses tortures comme une gloire, comme une liberté et comme un bonheur. […] Adieu, champs heureux, —  où la joie pour toujours habite !

1539. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Tourgueneff a su l’éviter, et cela sans beaucoup d’efforts ; il en a été préservé par la nature de son sujet, le paysan russe étant encore essentiellement poétique, et probablement aussi par l’heureuse disposition de son esprit, qui aime avant tout la distinction sans pousser jusqu’à la recherche. […] Sans doute, il existe un petit nombre de seigneurs qui ne rappellent en rien cet odieux et ridicule personnage, et l’auteur en dépeint loyalement plusieurs dans ses récits, mais, ce ne sont là que des accidents heureux, comme on l’a dit du pouvoir. […] Il n’y a certainement pas d’existence plus heureuse que celle des femmes de chambre de ma femme ; c’est une véritable béatitude. […] Enfin, il était arrivé au dernier terme de l’ivresse ; il se trouvait dans cet état heureux qui fait dire aux passants : « Tu es joli, frère !  […] Je viens de parler du printemps, et ce souvenir est venu s’offrir à moi fort à propos : au printemps, on se quitte avec moins de regret ; au printemps, les heureux même se sentent attirés vers les régions lointaines… Adieu, chers lecteurs, je vous souhaite un bonheur inaltérable.

1540. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Qu’on aille plus loin encore, pour ne rien diminuer de leur gloire ; qu’on réduise l’influence de Louis XIV à des ressemblances heureuses entre ses contemporains et lui. […] Il restait à développer la plus touchante des passions, l’amour, soit qu’il s’assujettisse la raison et triomphe du devoir229; soit que, dans sa lutte avec l’une et l’autre, il s’autorise de la fatalité ou essaye du crime pour leur résister230 ; soit que, chaste et innocent, l’issue d’événements plus forts que lui le rende heureux ou malheureux231. […] C’est cette suite de guerres heureuses et glorieuses qui se terminaient par la paix de Nimègue, et qui plaçaient en moins de dix ans la France à la tête de l’Europe. […] Il n’en coûta pourtant rien à Boileau d’avoir dit, dans l’antichambre même du roi, qui faisait, disait-on, chercher partout Arnauld pour le mettre à la Bastille : « Le roi est trop heureux pour trouver M.  […] On parla dans ce temps-là de l’heureuse inspiration du roi, qui, en lui confiant cette tâche, lui avait donné l’occasion de faire un chef-d’œuvre.

1541. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Des éventails ont, contre les poitrines, un battement pâmé, une palpitation mourante, comme l’aile d’un oiseau blessé ; d’autres glissent d’une main amollie dans le creux d’une jupe ; et d’autres rebroussent, avec leurs branches d’ivoire, un vague sourire heureux sur de toutes petites dents blanches. […] Nous ne savons plus tout bêtement et simplement être heureux avec une femme. […] Un moi énorme, un moi à l’instar de l’homme, mais débordant de bonne enfance, mais pétillant d’esprit : « Que voulez-vous, reprend-il, quand on ne fait plus d’argent au théâtre qu’avec des maillots… qui craquent… Oui, ç’a été la fortune d’Hostein… Il avait recommandé à ses danseuses de ne mettre que des maillots qui craquassent… et toujours à la même place… Alors les lorgnettes étaient heureuses… Mais la censure a fini par intervenir… et les marchands de lorgnettes sont aujourd’hui dans le marasme… Une féerie, une féerie ? […] Il y a à quitter une maison, où on a été paresseux et heureux, l’espèce d’effort qu’on éprouve à se lever d’un bon fauteuil ; et puis au fond, on a toujours une certaine terreur de l’inconnu qui est dans la vie devant vous et auquel on va. […] Et malgré tout, nous sommes encore heureux de la voir debout, cette maison !

1542. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Nous sommes presque étonnés de les revoir le matin, posés comme le soir, et nous les trouvons heureux de leur immobilité monotone. […] Il a élevé le vol à la dignité du génie, et ses ruses sont si heureuses, qu’elles arrachent un sourire de complaisance au grave Buffon. […] Il est trop coquet pour être sentimental, et personne ne le reconnaîtrait dans ces vers :     Unis dès leurs plus jeunes ans     D’une amitié fraternelle,     Un lapin, une sarcelle,     Vivaient heureux et contents Le terrier du lapin était sur la lisière     D’un parc bordé d’une rivière.

1543. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Michel-Ange, qui n’avait encore que vingt-neuf ans, accourut à Rome, heureux d’avoir été choisi pour associer sa propre mémoire dans un monument impérissable à celle d’un souverain de Rome et du pontife de toute la chrétienté. […] L’état heureux des amants n’est pas celui où la jouissance amène la satiété : c’est une souffrance misérable, mais remplie d’espérance. » Reprenons : Celles des poésies de Michel-Ange qui chantent ce premier amour ont un accent de jeunesse et d’espérance vague qui les distinguent seules des vers inspirés par Vittoria Colonna dans une époque plus mûre de sa vie. […] » Une dernière invocation à l’Amour par le souvenir, dans le vingt-quatrième sonnet, se tourne en piété, cet amour impérissable que la mort rapproche de sa possession éternelle : « Ramène-moi au temps heureux, Amour !

1544. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Si dans un jour heureux il n’eût écrit le Cid (et quelques scènes d’Horace et de Polyeucte), quelle âme étrange ! […] Les sept odes enfantines ne prouvent rien : savons-nous s’il avait toujours été si heureux parmi des hommes si graves et si hantés de la pensée du péché originel ? […] On peut se lasser de tout, même du pittoresque, qui change avec le temps, mais le fond du théâtre de Racine est éternel ou, ce qui revient au même, contemporain du génie de notre race dans tout son développement, et la forme est celle qu’a revêtue ce génie à son moment le plus heureux.

1545. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Dans cet état, on perd la triste faculté qu’ont les « heureux » de sentir le malheur en dehors du moment où il les frappe, et de l’allonger par l’appréhension et par le souvenir. […] Si c’est cela, qu’il soit heureux. […] En 1852, mariée, heureuse, semble-t-il (du moins ce jour-là), et guérie de ce que son adolescence avait eu de bizarre et de farouche, elle écrit de Saint-Denis-d’Anjou, où elle était en villégiature, à son frère Hippolyte : « Dans quelques jours, nous serons ensemble, cher frère, et il faut tout le besoin que nous avons de nous voir, pour nous consoler de rentrer dans ce Paris qui nous fait peur.

1546. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ici l’on sent l’effet malencontreux du mot « interminables » placé entre « plages » et « voyages », en revanche j’aime à faire observer l’heureuse disposition, aux derniers vers, des mots âges, arbres, pâles ; celui-ci, dernier écho du son prépondérant de toute la strophe, s’unit par une allitération à la rime, qu’une homophonie annonce elle-même et vient soutenir à la césure. […] Verlaine et Moréas, qui suivaient eux-mêmes la tentative heureuse de Rimbaud, M. Gustave Kahn innova une strophe ondoyante et libre dont les vers appuyés sur des syllabes toniques créaient presqu’en sa perfection la réforme attendue ; — il ne leur manquait qu’un peu de force rythmique à telles places, et une harmonie sonore plus ferme et plus continue que remplaçait d’ailleurs une heureuse harmonie de tons lumineux24.

1547. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Maintenant revient le premier motif des instruments à cordes, avec la puissante expression de l’émotion d’une âme profondément saisie ; tranquillisé et apaisé, il atteint l’extrême sérénité d’une douce et bien heureuse résignation. […] Motif 10 (p. 314, 315, 317, 318, 319, 345). — Motif caressant de reconnaissance ; se présente soit avec Eva, soit à propos d’elle, d’abord dans le quintette, puis quand Walther refuse la chaîne d’or, se trouvant trop heureux de posséder Eva. […] » Il réapparaît enfin une dernière fois quand Sachs, au troisième acte, plein d’une douce mélancolie ne sait pas encore s’il doit renoncer à Eva, tout grisé par l’odeur des fleurs, l’air-si heureux d’un restant d’espoir, que David lui dit qu’il serait volontiers garçon d’honneur, plutôt que son héraut à la fête.

1548. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Nul de nous n’avait été assez heureux pour inspirer à des hommes qui avaient l’honneur de leur Institution à défendre, une confiance qui devait venir dans son temps comme les choses destinées à réussir. […] En histoire, on est plus heureux que dans cette vie éphémère. […] Chose heureuse, même au point de vue humain !

1549. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Les catholiques, violents alliés de l’Espagne, les protestants fanatiques heureux de l’abaissement du trône, la méconnaissaient également. […] Cette malice de Rosny, tout heureux ce jour-là de voir son maître marié et pouvant désormais espérer des héritiers légitimes, ç’avait été de faire verser aux filles de la reine du vin blanc en guise d’eau, ce qui les avait grisées.

1550. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Il avait beau dire du mal des Français ; quand il y avait longtemps qu’il n’en avait vu un, et que le nouveau débarqué à Civitavecchia s’adressait à lui (s’il le trouvait homme d’esprit), combien il était heureux de se dédommager de son abstinence forcée par des conversations sans fin ! […] C’est une idée heureuse que celle de ce jeune Fabrice, enthousiaste de la gloire, qui, à la nouvelle du débarquement de Napoléon en 1815, se sauve de chez son père avec l’agrément de sa mère et de sa tante pour aller combattre en France sons les aigles reparues.

1551. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Qu’il se glisse dans ses calculs la moindre erreur, et les plus heureuses combinaisons de stratégie sont manquées, des foules de braves périssent en pure perte, la patrie même peut devenir victime d’une seule de ses fautes… Et il continue cette définition et ce tableau en l’élevant à toute sa hauteur. […] En reconnaissant des défauts de goût et peut-être de caractère chez Alexandre Duval, il faut pourtant honorer en lui le producteur courageux et fécond qui, au milieu des hasards de sa veine, a trouvé des inspirations heureuses dans des genres différents (Maison à vendre, Édouard en Écosse, Le Tyran domestique, La Fille d’honneur).

1552. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Et pourquoi aussi un genre s’avise-t-il de sortir d’une boutade heureuse ? […] Voltaire, adressant à sa nièce Mme Denis une lettre en vers et en prose qu’on intitule son Voyage à Berlin, disait : « N’allez pas vous imaginer que je veuille égaler Chapelle, qui s’est fait, je ne sais comment, tant de réputation pour avoir été de Paris à Montpellier et en terre papale, et en avoir rendu compte à un gourmand. » Le cadre n’y fait trop rien, et c’est par d’heureux détails que le joli Voyage réussit.

1553. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Il salue et honore en eux ses pareils agrandis, ses pères : heureux qui trouve ainsi à personnifier dans le passé ce à quoi il aspire en idée dans le présent, ce qu’il est déjà en partie, ce qu’il voudrait être ! […] Quand Gardilanne est parvenu à découvrir et à posséder le fameux violon de faïence qu’il avait flairé chez un marchand de vieilleries et qu’il emporte à la barbe de Dalègre, la douleur de celui-ci, son envie surexcitée, son impossibilité de vivre heureux sans le violon unique, achèvent cette description d’un cas de pathologie morale.

1554. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

» Il le redit, non moins excellemment, dans un article sur Ary Scheffer, en faisant remarquer que cet esprit si distingué et si élevé n’a pas assez compris que la pensée pittoresque n’avait rien de commun avec la pensée poétique : « Un effet d’ombre ou de clair, une ligne d’un tour rare, une attitude nouvelle, un type frappant par sa beauté ou sa bizarrerie, un contraste heureux de couleur, voilà des pensées comme en trouvent dans le spectacle des choses les peintres de tempérament, les peintres nés. » Aussi, tout en rendant justice aux sentiments et aux intentions épurées de ce « poète de la peinture » comme il l’appelle, il ne l’a loué en toute sincérité et franchise que pour certains portraits où le sens moral n’a fait qu’aiguiser l’observation et donner plus de vie à la vérité. […] si le critique perd par là en fermeté et autorité, le talent de l’écrivain gagne à ces précautions tout humaines, et l’on en est récompensé en finesses heureuses.

1555. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

s’écriait Saint-Réal dans un transport d’éloquence, à quatorze ans sa parole est un gage inviolable… Vous le savez, ô la plus heureuse des mères ! […] Voici le portrait confidentiel que traçait de lui celle que Saint-Réal avait appelée la meilleure et la plus heureuse des mères : « Pour faire connaître à M. de Louvois, écrivait-elle, la confiance entière que j’ai en lui et en sa discrétion, je vais lui dépeindre l’humeur de Son Altesse Royale, dont il ne rendra compte qu’au roi comme mon protecteur, à qui je me confie très respectueusement, et auquel j’ouvre le plus secret de mon cœur, avec la liberté qu’il m’a permise.

1556. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Le premier Lauzun, si insolent et si dur avec Mademoiselle, avait fini par épouser une femme jeune, parfaite, dont lui-même, à certains moments de sincérité, se reconnaissait indigne : Bonneval de même, le futur pacha, avait une divine jeune femme qui avait fait de lui son idole chevaleresque et qui s’estimait heureuse pour des années quand elle l’avait entrevu au passage. […] Le duc Pompée a donc rompu avec Paris ; il y a fait un vide en disparaissant subitement après une dernière soirée de triomphe et de fête ; l’éclipse a été aussi brusque que complète, nul n’a suivi sa trace : pour lui, il a trouvé bientôt dans sa vie nouvelle un rajeunissement inespéré ; il s’est épris d’une idéale et sensible Allemande, mademoiselle de Blümenthal et l’a épousée ; il est heureux, il se croit converti, il est père d’un charmant petit Georges.

1557. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Mais le merveilleux enfant avait pris de lui, en le lisant, une si haute et si chère idée, qu’il obtint de quelques amis qu’on le menât dans le café que fréquentait Dryden, et il revint tout heureux de l’avoir vu. […] Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge.

1558. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le poète critique attribue même un peu trop à Homère quand, se souvenant à son sujet d’un mot d’Horace pour le réfuter, il dit que là où nous voyons une faute et une négligence, il n’y a peut-être qu’une ruse et un stratagème de l’art : « Ce n’est point Homère qui s’endort, comme on le croit, c’est nous qui rêvons. » Le beau rôle du vrai critique, Pope l’a défini et retracé en divers endroits pleins de noblesse et de feu, et que je rougis de n’offrir ici que dépolis et dévernis en quelque sorte, dépouillés de leur nette et juste élégance : « Un juge parfait lira chaque œuvre de talent avec le même esprit dans lequel l’auteur l’a composée : il embrassera le tout et ne cherchera pas à trouver de légères fautes là où la nature s’émeut, où le cœur est ravi et transporté : il ne perdra point, pour la sotte jouissance de dénigrer, le généreux plaisir d’être charmé par l’esprit. » Et ce beau portrait, l’idéal du genre, et que chaque critique de profession devrait avoir encadré dans son cabinet : « Mais où est-il Celui qui peut donner un conseil, toujours heureux d’instruire et jamais enorgueilli de son savoir ; que n’influencent ni la faveur ni la rancune ; qui ne se laisse point sottement prévenir, et ne va point tout droit en aveugle ; savant à la fois et bien élevé, et quoique bien, élevé, sincère ; modeste jusque dans sa hardiesse, et humainement sévère ; qui est capable de montrer librement à un ami ses fautes, et de louer avec plaisir le mérite d’un ennemi ; doué d’un goût exact et large à la fois, de la double connaissance des livres et des hommes ; d’un généreux commerce ; une âme exempte d’orgueil, et qui se plaît à louer, avec la raison de son côté ?  […] Le critique philosophe, ayant porté toutes ses forces sur les parties difficiles et comme sur les hauts plateaux, descend un peu vite ces pentes agréables, si riches toutefois en accidents heureux et en replis ; il dédaigne de s’y arrêter, oubliant trop que c’eût été pour nous, lecteurs français, la partie la plus accessible et une suite d’étapes des plus intéressantes par le rapprochement continuel avec nos propres points de vue.

1559. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Pour mon compte, je respecte la tradition, et j’aime aussi la nouveauté : je ne suis jamais plus heureux que quand je parviens à les accorder et réconcilier ensemble. […] Ces détails semblent minutieux ; ne les négligeons point pourtant ; il est heureux qu’on les ait.

1560. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

La nature n’est point avare ; il est des âges heureux et féconds, favorisés par elle, et où il règne dans l’air des courants généraux de poésie. […] Il est heureux pour lui qu’il sache tant de choses ; car, du train dont il y va, un fonds médiocre serait épuisé en une demi-heure. » — Qu’on mette en regard ce profil de Villoison avec la figure de Wolf, le maître éminent, le grand professeur, dont chaque parole porte et pénètre, et qui dispose d’une érudition « toujours vraie, sobre et forte », ainsi que l’a définie M. 

1561. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Comme il a l’image heureuse, familière et juste ! […] Il va plus loin, il jette le câble électrique, il établit la chaîne : « Qui nous dit que ces mondes et leurs humanités ne forment pas dans leur ensemble une série, une unité hiérarchique, depuis les mondes où la somme des conditions heureuses d’habitabilité est la plus petite jusqu’à ceux où la nature entière brille à l’apogée de sa splendeur et de sa gloire ?

1562. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Il est heureux pour Louis XV qu’il n’ait pas eu le sang plus chaud ni plus vif : à une telle nouvelle il aurait rougi comme d’un affront, il aurait bondi et serait entré dans une sainte et royale colère. […] On cite de lui quelques mots piquants, des reparties heureuses ; mais en général, dans la conversation, il répétait à satiété les mêmes histoires, il ennuyait son monde, et de bonne heure on put dire qu’il rabâchait.

1563. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Le siècle de Louis XIV et le roi tout le premier, je le maintiens, sont heureux d’avoir eu en définitive leur Saint-Simon. […] Il ne dirait même pas, en parlant de lui, comme Voltaire : L’heureux Villars, fanfaron plein de cœur !

1564. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Les jugements successifs que l’ancien précepteur transmettait sur le compte de la princesse sont, nous devons le dire, fort judicieux dans leur modération, et nous semblent même d’une expression assez heureuse : « Mme la dauphine (1773) a beaucoup changé à son avantage depuis deux ans ; elle changera encore sur des articles importants : elle a l’esprit naturellement juste ; il serait à désirer qu’elle en fût plus persuadée. […] Si pour lors le temps et l’absence avaient éteint chez M. le dauphin une prévention aussi affligeante que peu méritée, si Mme la dauphine se rappelait le plus ancien et le plus dévoué de ses serviteurs, elle me rendrait le plus heureux des hommes.

1565. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

On ne se figure pas l’effet heureux que produit dans une description toute physique, au milieu des couleurs qui viennent du dehors, quelques-uns de ces reflets sentis qui partent du dedans. […] Que de raffinements pour être heureux !

1566. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

En un mot, il y aurait eu, il y aurait pour un esprit qui, dans sa jeunesse, aurait aimé de passion Chénier, et qui arriverait ensuite aux Anciens, à démontrer de plus en plus ce rejeton imprévu, le dernier et non pas le moins désirable des Alexandrins, ou encore, si l’on veut, un délicieux poëte qui a su marier le xviiie  siècle de la Grèce au xviiie  siècle de notre France, et qui a trouvé en cette greffe savante de singuliers et d’heureux effets de rajeunissement. […] De ce mélange heureux l’insensible douceur Donne à mes fruits nouveaux une antique saveur.

1567. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Un tel historien corrompt plus la moralité de son siècle que tous les crimes heureux ne la corrompent : car on se défie des criminels, on ne se défie pas de l’historien. […] « Outre ces nombreuses vicissitudes des choses humaines, des prodiges effrayants dans le ciel et sur la terre, les avertissements de la foudre, les présages des événements futurs, présages heureux, sinistres, ambigus, évidents tour à tour.

1568. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

La vogue du poème de l’Arioste engagea Garnier à écrire sa Bradamanle, qu’il nomma tragi-comédie : œuvre hybride, à dénoûment heureux, mêlée de tragique et de comique, dénuée de chœurs, plus alerte et plus directe en son développement que les autres pièces du poète, mais nouveauté dangereuse, en somme, parce qu’elle tendait à dévier la poésie dramatique vers la bigarrure de l’action extérieure et romanesque. […] Au milieu de ces divertissements tout populaires, la tragi-comédie étale ses inventions surprenantes et stériles : nous pouvons prendre pour spécimen l’Heureuse Constance de Rotrou (1631).

1569. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Il y a beaucoup de lieux communs et, ça et là, quelques traits heureux dans cette mercuriale qui ne conclut pas. […] Ils seront heureux, et ils n’auront jamais d’enfants.

1570. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Ce qui n’est que concis et ferme paraît grand ; ce qui, chez un autre, ne serait qu’un trait heureux, devient ici un éclair sublime. […] Henri IV avait eu des traits d’esprit, des saillies heureuses que répétaient Crillon et les gentilshommes ; mais, ici, il fallait une éloquence à la hauteur nouvelle des grandes opérations, à la mesure de ces armées sorties du peuple, la harangue brève, grave, familière, monumentale.

1571. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Le soir, on éteignait la lumière de bonne heure par économie, et le pauvre écolier devenait ce qu’il pouvait, heureux lorsque la lune favorisait par un éclat plus vif la prolongation de sa veillée. […] Je n’ai réussi que bien imparfaitement à rendre cette physionomie singulière, originale, attrayante, si peu gallicane et si française, qui plaît jusque dans ses hasards, où le naturel se dégage en jets heureux de quelques bizarreries de goût, où l’audace ne compromet pas de réelles beautés ; cet orateur au vêtement blanc, à l’air jeune, à la parole vibrante, aux prunelles de feu, et dont les lèvres, faites pour s’ouvrir et laisser courir la parole, expriment à la fois l’ardeur et la bonté.

1572. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Au premier rayon de l’aurore, Roustem prit un onyx qu’il portait au bras, et qui était célèbre dans le monde entier ; il le donna à Tehmimeh en disant : Garde ce joyau, et si le ciel veut que tu mettes au monde une fille, prends cet onyx et attache-le aux boucles de ses cheveux sous une bonne étoile et sous d’heureux auspices ; mais si les astres t’accordent un fils, attache-le à son bras, comme l’a porté son père… Là-dessus Roustem part au matin, monté sur son cheval Raksch ; il s’en retourne vers l’Iran, et, durant des années, il n’a plus que de vagues nouvelles de la belle Tehmimeh et du fils qui lui est né ; car c’est un fils et non une fille. […] Je suis venu comme la foudre, je m’en vais comme le vent ; peut-être que je te retrouverai heureux dans le ciel !

1573. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

La première partie des Mémoires, celle qui offre la peinture des jours d’enfance et d’adolescence, se rapporte pourtant, par la date de composition, à la plus heureuse époque de la maturité de M. de Chateaubriand, à cette année 1811 dans laquelle il publia l’Itinéraire. […] Ginguené, et plus d’une fois il m’a fait passer d’heureux moments, lorsqu’il consentait, avec une petite société choisie, à accepter un souper dans ma famille.

1574. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

J’ai tout dit sur ces détails en quelque sorte extérieurs, et j’en viens au grand homme qu’on est heureux de pouvoir enfin étudier de près et avec certitude dans la suite de ses actes et de ses écrits. […] Si cette grande entreprise avait manqué, le roi aurait passé pour un prince inconsidéré, qui avait entrepris au-delà de ses forces : le succès le fit regarder comme habile autant qu’heureux.

1575. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Son rare bon sens corrigea ce que cette première éducation pouvait avoir d’un peu trop idéal et de trop poétique ; il n’en garda que cette habitude heureuse de tout faire et de tout dire avec fraîcheur et gaieté. […]  » Lui, il ne faisait pas ainsi, il n’étalait rien ; il ménageait le plus doucement qu’il pouvait les esprits et les affaires ; il usait utilement pour tous de ce don d’ouverture et de conciliation, de cet attrait personnel dont la nature l’avait pourvu, et qui est d’une si heureuse et si générale influence dans le maniement des hommes.

1576. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là. […] Heureux par cette humeur sagement inconstante, C’est la facilité qui m’invite et me tente… C’est vers ce temps que Rulhière fut nominé, sans l’avoir sollicité, secrétaire de Monsieur, frère de Louis XVI (depuis Louis XVIII).

1577. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Les Fables de Lachambeaudie, publiées dans un magnifique volume (1851), nous avertissent que l’auteur est poète, homme de talent, doué de facilité naturelle, et sachant trouver des moralités heureuses quand il ne les assujettit point à des systèmes. […] Des livres, une femme, heureuse et jeune épouse, Avec deux beaux enfants jouant sur la pelouse ; Et, fermant de mes jours le cercle fortuné, Le bonheur de mourir aux lieux où je suis né !

1578. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Liottier, elle débuta dans le monde sous le Directoire ; elle a rendu à ravir l’impression de cette époque première dans plusieurs de ses romans, mais nulle part plus naturellement que dans Les Malheurs d’un amant heureux. […] En 1818, Mme Gay publia le premier volume d’un roman intitulé : Les Malheurs d’un amant heureux, et dont elle donna les deux volumes suivants en 1823.

1579. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Mais, après avoir ainsi conclu en un trait qui rappelle Shakespeare et qu’aurait envié Schiller, il prolonge sa pensée, et il l’aurait gâtée si elle pouvait l’être : « On connut bientôt après, ajoute-t-il, qu’un mort ne mord point, et que l’affection des hommes ne regarde point ce qui n’est plus. » Ainsi donc, il faut en prendre son parti avec Richelieu et s’attendre à du mauvais goût, à des longueurs, à des métaphores souvent heureuses et grandes, souvent aussi hasardées et désagréables. […] À la fin de ce portrait de Luynes, l’écrivain a, je ne sais comment, une fraîcheur et une légèreté d’expression qui ne lui est point ordinaire, et qui montre que cette âme n’était point destinée si absolument à la sécheresse et à l’austérité : Sa mort fut heureuse, dit-il, en ce qu’elle le prit au milieu de sa prospérité, contre laquelle se formaient de grands orages qui n’eussent pas été sans péril pour lui à l’avenir ; mais elle lui sembla d’autant plus rude, qu’outre qu’elle est amère, comme dit le Sage, à ceux qui sont dans la bonne fortune, il prenait plaisir à savourer les douceurs de la vie, et jouissait avec volupté de ses contentements.

1580. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Le livre de saint François de Sales, en paraissant, fit une révolution heureuse : il réconcilia la dévotion avec le monde, la piété avec la politesse et avec une certaine humanité ; il remplit, assure-t-on, un vœu de Henri IV lui-même, lequel, causant avec Deshayes, cet ami intime du saint évêque, avait exprimé le désir que l’on composât un tel ouvrage qui remit à la Cour la religion en honneur et ne la présentât aux laïques ni comme vaine, ni comme farouche. […] Tous deux, d’ailleurs, ont le don heureux des comparaisons : Franklin l’a plutôt à la manière d’Ésope ; il excelle dans l’apologue.

1581. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Aujourd’hui, pendant la messe de mort de Mme X…, je pensais à la beauté jolie de ses vingt-huit ans, au rosé de fleur de sa peau, à la grâce molle de sa taille, et je me revoyais, de quatorze à dix-sept ans, enfantinement amoureux d’elle, et tout heureux de me frotter à ses robes de mousseline blanche, de me trouver dans l’air où elle vivait. […] La vie est vraiment bien habilement arrangée, pour que personne ne soit heureux.

1582. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

C’est un retour très heureux à la poésie orale. […] En tous il y a une grande richesse d’images, la preuve d’une réelle force de création, des variations heureuses sur des thèmes variés, et le souci de rendre sa pensée poétique à la fois comme spectacle et comme musique ; les images chantent et les musiques se dessinent.

1583. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Gustave Kahn, dit-il, innova une strophe ondoyante et libre dont les vers, appuyés sur des syllabes toniques, créaient jusqu’en sa perfection la réforme attendue ; il ne leur manquait qu’un peu de force rythmique, à telles places, et une harmonie sonore plus ferme, et plus continue que remplaçait d’ailleurs une heureuse harmonie de tons lumineux. […] Il est vrai que Banville possédait une façon féerique et charmante de dire les choses, qui enlève de la rigueur à ses axiomes, surtout quand il les formule si net et si court ; quand il est certain d’avoir enclos une loi scientifique dans la brièveté d’un verset de décalogue, c’est le plus souvent un trait heureux qu’il nous a donné.

1584. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Rappelant sa vie toute de labeur et d’intimes affections, il disait aux siens : « Nous avons été bien heureux ensemble, et nous le serons encore, si la santé le permet. » La santé ne l’a pas permis, hélas ! […] » Et lorsque l’on construisit l’église de Croissy, qui coûta deux cent mille francs, Augier tint à apporter son obole et m’envoya cinq cents francs… Il n’allait pas à la messe, il est vrai ; mais que de fois, il a donné le pain bénit… Un jour même, je m’en souviens, il blâma Victor Hugo de n’avoir pas voulu recevoir de prêtre à son lit de mort… » Aussi je suis persuadé que, s’il eût gardé sa connaissance, il eût été heureux de recevoir mes encouragements et mes exhortations au moment où il était rappelé vers un monde meilleur… » Les funérailles aux frais de l’État Les paroles si conciliantes et si prudentes du vénérable curé de Croissy, le souci que montra naguère l’illustre mort de s’opposer à la reprise du Fils de Giboyer, pour ne pas paraître s’allier au gouvernement républicain dans sa lutte contre le sentiment chrétien, cette vie de travail, de gloire et de probité, doivent, dans un journal catholique, épargner un blâme, si discret soit-il, à l’homme de génie qui meurt sans que les siens lui aient permis, dans un but que nous n’avons pas à juger, de mettre son âme en règle vis-à-vis de Celui dont émane tout génie.

1585. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Plus heureux qu’Edgar Poe, qui mourut du delirium tremens causé par l’opium. […] Quincey fut plus heureux que Poe, mais il fut un homme de moindre organisation, de moindre passion, de moindre intensité.

1586. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Heureux s’ils peuvent dire leur messe (et c’est rare), saisissant l’occasion d’assister un malade, un blessé, mais n’ayant pour ce faire ni titre, ni facilités.‌ […] Mais cette survie ne sera heureuse que s’il devient un homme de devoir, que s’il dompte l’instinct le plus fort qu’il y ait chez nous tous, l’égoïsme.

1587. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

— Êtes-vous heureux, diront-ils ; vous avez la paix, une vue délicieuse, des excursions, une liberté, une vie à bon marché ! […] On le consultait parce qu’il était l’expérience heureuse ; on ne le détestait point à cause de sa richesse, parce que ni son train ni son revenu ne dépassaient l’ambition commune et permise à chacun.

1588. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Mon lac est le premier ; c’est sur ses bords heureux Qu’habite des humains la déesse éternelle, L’âme des grands travaux, l’objet des nobles vœux, La Liberté. […] s’élèvent resplendissantes au-dessus de la bleuâtre obscurité de la mer ; mais il n’y eut jamais cœurs si contents et si heureux qu’il s’en rencontrera bientôt dans tes murs. » Ne reconnaissez-vous pas, sinon l’évêque, du moins le chrétien dans le poëte ?

1589. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

L’influence d’André Chénier fut grande et, selon moi, presque toujours heureuse.

1590. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir.

1591. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Les phénomènes singuliers et subtils dans lesquels se complaît le génie d’Hoffmann, lorsqu’il ne les tire pas d’un concours plus ou moins romanesque d’événements tout extérieurs, et lorsque la nature humaine et l’âme sont sur le premier plan, se rapportent plus particulièrement, comme on peut le penser, à ces âmes sensibles et maladives, à ces natures fébriles et souffrantes, qui peuvent en général se comprendre sous le nom d’artistes : ce sont elles qui font le sujet le plus fréquent et le plus heureux de ses expériences.

1592. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Je ne prends donc plus à cet égard ombre de détermination, surtout négative ; je laisse ma série ouverte, heureux d’y ajouter à chaque propos (toujours avec soin), le plus qu’il me sera possible, et de ces Portraits, puisque la veine s’y mêle, je ne dis même plus : Je n’en ferai que cent25.

1593. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Janin, dans les très spirituels feuilletons qui récidivent depuis quelque temps sous sa plume de plus en plus heureuse, c’est lui qui a intenté et soutenu l’accusation.

1594. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Le ministre de l’instruction publique a, par une fondation heureuse, réuni depuis quelques années, les travaux des diverses Sociétés provinciales et les a fait en quelque sorte comparaître à son ministère pour être, après examen en commission et rapport, analysés ou mentionnés dans la Revue des Sociétés savantes : une solennité annuelle rassemble à Paris sous sa présidence et met en contact, dans une sorte de congrès, les membres de ces Sociétés qui correspondent utilement avec son ministère.

1595. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Il est parfaitement heureux.

1596. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Je crois vraiment que quelques-uns des événements les plus heureux de notre littérature, et par exemple l’épuration et l’affinement de la langue dans la première moitié du dix-septième siècle, l’entrée des sciences politiques et naturelles dans le domaine littéraire au dix-huitième, le mouvement sentimental et naturiste provoqué par Jean-Jacques, et l’évolution romantique suivie de l’évolution réaliste qu’a suivie la réaction idéaliste, un peu trouble, à laquelle nous assistons, ne se seraient point accomplis aussi vite sans les snobs.

1597. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Stuart Merrill ; la dernière altitude idéale qu’il a gravie et où il veut se maintenir : J’irai, heureux de croire à mon âme, Sous le signe céleste de ténèbres et de flammes, Qui annonce la vie ou la mort aux veilleurs, Détruire, pour les rebâtir, les remparts trop vieux, Où se déferleront, demain, les étendards de Dieu.

1598. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Œuvre touffue, ardente, éloquente, lumineuse, tragique, la Dame à la Faulx, plutôt poème dramatique que drame, vaut par une langue d’un rythme heureux se mesurant bien aux épisodes.

1599. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ?

1600. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

En notre temps notoirement pratique, où, si peu de chose se créent, du moins aucune ne se perd, le jeune homme qui sait tourner avec une égale aisance, et au gré du jury, une « lettre de Varius à Virgile pour lui faire compliment des Géorgiques », ou un « billet de Maucroix à La Fontaine pour le féliciter de ses Fables », le jeune bachelier songe à ne pas laisser inexploité l’heureux produit d’un naturel de choix et d’une éducation de luxe.

1601. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

J’ai coutume de dire : « Heureux les jeunes !

1602. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Bonne ou mauvaise, il l’a acceptée et en a été heureux.

1603. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Le dépit de Virgile lui suggère une idée heureuse ; c’est de mettre au bas du distique ce commencement de vers, Sic vos non vobis , répété quatre fois.

1604. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

Ce poëte, dit Despréaux : Règlant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode ; Et toutefois long-temps eut un heureux destin.

1605. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

On peut le mettre au rang de ces génies heureux qui n’ont point eu d’enfance.

1606. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

C’est Phèdre qui a substitué le geai à la corneille, et La Fontaine a suivi ce changement, qui ne me paraît pas heureux.

1607. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Un autre poëte les trouve des sujets heureux, parce que son genie est d’un caractere different du genie de l’autre.

1608. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Jamais Iphigenie en Aulide immolée n’a coûté tant de pleurs à la Grece assemblée, que dans l’heureux spectacle à nos yeux étalé, en a fait sous son nom verser la chanmeslé.

1609. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Le temps de l’histoire est venu, et celui qui fut le dominateur du monde n’est plus ni un soldat heureux, ni un aventurier.

1610. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Les dîners pour le réveil de l’esprit français seront-ils moins heureux que les dîners du Caveau, qui ne réveillèrent pas non plus la gaîté française, mais qui, du moins, produisirent par mois leur ration de chansons lugubres ; car nous ne savons rien de plus triste que ces flons-flons païens, bachiques et grivois, enfantés par des têtes maniaques dans l’ivresse.

1611. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Et cela, non pas une nuit, mais des années, se faisant prier par tout le monde pour être heureux, comme un mulet obstiné qui se ferait tirer sur la bride pour passer un petit fossé de rien du tout.

1612. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

il est bien heureux d’être peintre.

1613. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

C’est la vie rationnée ; chacun-se serre le ventre et attend en grognant un peu. » Quant aux petites villes, il en donne son opinion : « On s’imagine que tout est calme, heureux.

1614. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

La plupart des citoyens vivent la vie, parfaitement heureuse, des ignorants et des satisfaits. […] Ils sont heureux, n’ayant de besoin que l’obéissance à des ordres incompréhensibles, qu’on a, pendant leur fabrication, mis en eux. […] Dans leurs sombres boutiques, que la clientèle délaisse d’année en année, ils vivent, craignant Dieu et ignorant le monde ; heureux s’ils ont vendu un meuble, car ils pourront ainsi en racheter un plus beau ; heureux s’ils ne l’ont point vendu, car ils eussent souffert à s’en séparer. […] Et lui seul a eu l’heureuse faiblesse de « mettre ces préceptes en un beau langage ». […] Trop heureux les collégiens si, à force de les pratiquer, ils pouvaient s’accoutumer à écrire comme eux !

1615. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Avez-vous eu l’heureuse candeur de faire le voyage ? […] Si donc tu es heureux, ne le dis à personne, pas même à Dieu ! […] J’étais heureux, je ne pensais à rien. […] Même, au bout de cinq minutes, j’étais parfaitement heureux. […] M. de Lovenjoul est heureux, vous ai-je dit.

1616. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Et je vous rappelle que le thème de l’Andante de la Sonate de Vinteuil auquel il va être fait allusion a servi comme de devise à l’amour de Swann et d’Odette pendant toute la période où cet amour fut réciproque et heureux. […] On peut rapprocher de ce passage celui que je vous ai lu tout à l’heure, où Swann, par la vertu de la petite phrase, se trouve remis brusquement en possession de son moi ancien, de son moi heureux, et le passage d’Une matinée au Trocadéro, ce fragment de la Prisonnière qu’a publié le numéro spécial de la Nouvelle Revue française, ce passage où par la lecture du Figaro le moi jaloux vient brusquement remplacer, chez le narrateur, le moi paisible et confiant. […] Je l’ouvris distraitement puisqu’elle ne pouvait pas porter la seule signature qui m’eût rendu heureux, celle de Gilberte avec qui je n’avais pas de relations en dehors des Champs-Élysées. […] Je vais vous lire un passage capital où se décèle merveilleusement l’opération habituelle à Proust et cette espèce de tranquille et cruelle inférence à laquelle il se livrait instinctivement et dans tous les cas : N’importe, j’étais bien heureux l’après-midi finissant que ne tardât pas l’heure où j’allais pouvoir demander à la présence d’Albertine l’apaisement dont j’avais besoin. […] Et encore ceci : On n’arrive pas à être heureux, mais on fait des remarques sur les raisons qui empêchent de l’être et qui nous fussent restées invisibles sans ces brusques percées de la déception 47.

1617. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Legrelle, a présentée à la Faculté des lettres sur Holberg, un poète danois, qui a été précisément un des plus heureux imitateurs du maître. […] vous êtes plus heureux que moi. […] Vous êtes un homme considéré, bien en cour, d’une remarquable égalité d’humeur, tout fait pour rendre une femme heureuse. […] C’est Corneille qui allait prendre la parole, et le vieux tragique ne devait pas être moins heureux. […] Elle jouait Finette ; elle a le visage éveillé et fripon d’une soubrette de l’ancien répertoire ; la diction est nette, juste et vive : c’est un très heureux début.

1618. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

je ne nie pas l’importance, la bonne foi, les heureuses trouvailles des jeunes littérateurs ; toutes leurs recherches sont intéressantes, mais. voyons ! […] Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. […] les rives enchantées d’une « saine » et « vraie » Arabie heureuse — du moins il aura gardé les éblouissements ; nous en aurons, du reste, bientôt la preuve dans une tragédie (Iphigénie) dont il ciselle les derniers vers et qu’il va bientôt faire paraître. […] Vielé-Griffin veut bien nous gratifier d’un petit poème inédit, point banal d’ailleurs et que nous sommes fort heureux de publier après sa lettre : ce sera la fine praline après l’amertume des tisanes ! […] Aussi suis-je heureux au possible de collaborer avec Zola, avec qui je suis tendrement lié, pour qui je professe la plus haute admiration, la plus profonde amitié.

1619. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Cervantès, au chapitre vi de son Don Quichotte, n’en a condamné que les vers et les enchantements, en en louant au contraire la prose et l’heureuse invention. […] Morel-Fatio, nous en serions heureux. Nous serions plus heureux encore si M.  […] Ainsi s’est écoulée la jeunesse de Molière : trop heureux quand le dédain de ces provinciaux, qu’il divertissait pour un petit écu, n’allait pas jusqu’à l’outrage ! […] Heureux en éditeurs, et heureux en biographes, car depuis Condorcet jusqu’à M. 

1620. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Je pensais vous être encore inconnu ; et, lorsque j’essayai de vous intéresser à mes séances, je ne risquais pas de mettre en péril un heureux crédit, fruit de vos approbations honorables. […] Son génie fut moins heureux dès qu’il en borna l’usage à des objets particuliers, et qu’il s’abandonna sans frein à ses naturelles animosités. […] Le bourgeois Chrémyle ne croit plus qu’il faille s’écarter du sentier de l’honneur pour devenir riche ; il le pensait, n’ayant vu dans la misère que les vertus et la science, tandis que les fourbes, les menteurs, les débauchés, et les intrigants, étaient seuls heureux et fortunés. […] Le dénouement s’accomplit par un de ces traits saillants du génie de Molière : Allons, dit le beau-père, déchargé du soin de sa fille, nous réjouir et célébrer cet heureux mariage. […] Heureux qui sait esquiver le mot et la chose, le plus vite et le mieux possible !

1621. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Maurice Barrès trouva par un heureux hasard, à la bibliothèque de Nancy, un lot de manuscrits des Baillard. […] Et peut-être alors n’était-il guère capable d’être heureux. […] Voilà des circonstances bien fâcheuses, et il est encore heureux que M.  […] Mais on est heureux d’avoir une occasion de lire ou de relire ces opuscules, depuis longtemps épuisés. […] Ils s’aiment, ils sont heureux presque tout l’été, et se séparent à l’automne.

1622. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Enfin, la comédie elle-même, dont le métier est d’être gaie, mais qui ne sait plus son métier, fait des dénouements avec des coups de pistolet et incruste, dans des dialogues sans chaleur et sans verve, des mots cherchés et travaillés pendant trois mois… Aussi, lorsque l’on en est là, il faut bien convenir que c’est un événement heureux que l’arrivée d’un livre gai, d’un éclat de frais et bon rire, d’une manière frisque, pétulante et légère, qui fait l’effet d’un flacon de sels anglais au cerveau, et, dans le néant littéraire où tout tombe, nous ragaillardit et nous ravigote l’esprit et le cœur ! […] Le chevalier de Kéramour, un Breton du temps de Louis XV, ruiné de mère en fille par la plus singulière des combinaisons, s’en va chercher fortune loin de son pays, et, après des complications diverses et des péripéties de toute espèce, il finit par épouser sa petite femme d’enfance, — sa cousine Vivette, — avec laquelle il est heureux et à qui il fait deux enfants, garçon et fille : le souhait du Roi ! […] Il y a bien encore çà et là, à quelques touches (dans la Madeleine, la gouvernante de Jean, par exemple), du Paul Féval d’autrefois, de cet esprit charmant que j’ai tant loué dans Le Chevalier de Kéramour ; mais la Grâce l’a pris et a trempé le rieur aux sources de ces larmes qui rendent si heureux ceux qui les répandent que, dit-on, à cette marque on reconnaît les Saints. […] Quant à l’histoire qu’il vient d’écrire, cette heureuse infidélité aux habitudes de toute sa vie et à l’emploi de ses facultés qui lui a si bien réussi, nous avons dit notre opinion sur le talent inattendu qu’il révèle, et que le livre Jésuites !

1623. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

S’étant mis ainsi dans l’heureuse nécessité d’exposer toutes ses idées, il ne tarda pas à publier deux essais intitulés : Unité de principe du droit universel, 1720 ; — Harmonie de la science du jurisconsulte (De constantiâ jurisprudentis), c’est-à-dire, accord de la philosophie et de la philologie, 1721. […] Frappé de l’heureux instinct qui guida les premiers hommes, on s’est exagéré leurs lumières, et on leur a fait honneur d’une sagesse qui était celle de Dieu. […] Cependant on peut insister : en supposant qu’un peuple entier ait été poète, comment put-il inventer les artifices du style, ces épisodes, ces tours heureux, ce nombre poétique.... […] Comme Aristote et Platon tirent souvent leurs preuves des mathématiques, il étudia la géométrie pour les mieux entendre ; mais il ne poussa pas loin cette étude, pensant qu’il suffisait de connaître la méthode des géomètres ; « pourquoi mettre dans de pareilles entraves un esprit habitué à parcourir le champ sans bornes des généralités, et à chercher d’heureux rapprochements dans la lecture des orateurs, des historiens et des poètes ? 

1624. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Tel qu’on vient de le connaître et de l’entrevoir, Tanneguy Le Fèvre, régent de troisième à l’académie de Saumur, n’était pas à sa place et ne se trouvait point heureux. J’ai lu les lettres que lui adressait Chapelain, avec qui il était en correspondance ; il est question dans presque toutes du désir bien plutôt que des moyens qu’on aurait de le tirer de cette position inférieure, où il avait rencontré encore des envieux et des rivaux : Ne serons-nous jamais assez heureux, lui écrivait en mai 1665 Chapelain, ce premier commis des grâces de Colbert, pour faire rendre justice à votre mérite, et faut-il qu’il languisse toujours dans des emplois sans doute fort honnêtes, mais sans doute aussi fort au-dessous de lui ?

1625. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

J’y vis même je ne sais quel air de l’heureux génie de feu M. de Voiture. […] C’était, pour lui Costar, un heureux prétexte de s’étendre, de déployer toutes ses connaissances et d’étaler avec lenteur ses épices les plus raffinées.

1626. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

La plupart de ses débuts d’articles sont heureux ; sa plume a de l’entrain. […] On lui apprend le secret et l’embarras de son existence ; et quant au mariage avec Jules Daruel qui l’aime, qu’elle aime, et à qui elle serait heureuse d’apporter, dans les épreuves de la vie, les trésors de son cœur et de ses affections, on lui signifie nettement qu’il y faut renoncer : « Vous voulez être, lui dit M. 

1627. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Ses manières aimables et engageantes étaient comme un charme qui calmait ou qui suspendait les fureurs des partis contraires, et jamais homme n’a mieux su se faire tout à tous pour les gagner tous : heureux si c’eût été à la religion qu’il eût voulu les attacher plutôt qu’à sa personne ! […] Je n’ai point connu d’homme qui l’eût si heureuse.

1628. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Il dessine et colore avec son pinceau ; il voudrait colorer aussi dans sa prose, mais avec des mots abstraits si l’on peut dire, et en demandant des nuances, quand il le faut, non plus à la sensation seule, mais à la sensibilité elle-même : de l’école directe en cela de Bernardin de Saint-Pierre, de laquelle nous avons vu récemment un autre aimable et heureux exemple dans Maurice de Guérin. […] Nous, nous ne pouvons tout au plus que résumer ; heureux quand nous le savons faire !

1629. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

… » C’est à elle de parler, de raconter tout ce voyage avec les impressions qu’elle y mêle et avec cette vivacité, ce mouvement de jeune fille qui était alors une des grâces et l’un des enchantements de sa personne : « Les grandes scènes ont commencé au Rhin ; on m’a conduite dans une île où j’aurais été bien heureuse d’être un peu seule comme Robinson pour me recueillir, mais on ne m’en a pas laissé la liberté ; on m’a comme emportée dans une maisonnette dont un côté était censé l’Allemagne, l’autre la France ; à peine m’a-t-on laissé le temps de faire une prière et de penser à notre bonne chère maman et à vous tous, mes bien-aimés du petit cabinet ; les femmes se sont emparées de moi, — m’ont changée des pieds à la tête. — Après cela, sans me laisser respirer, on a passé dans une grande salle, on a ouvert le côté de France, et l’on a lu des papiers : c’était le moment où mes pauvres dames devaient se retirer ; elles m’ont baisé les mains et ont disparu en pleurant. […] ma chère sœur, écrivait Marie-Antoinette à Marie-Christine, que nous étions plus heureuses auprès de notre bonne mère !

1630. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle ! […] Pour lui, heureux d’avoir fait son devoir et contenté son maître, il se félicita presque de n’avoir plus à suivre pour le reste de la campagne que les ordres de Versailles.

1631. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

À propos d’une visite qu’elle fait à leur ami commun, M. de Jouy, condamné à un mois de prison pour un article biographique sur les frères Faucher, je note cet agréable passage (3 mai 1823) : « Encore tout heureuse de votre lettre, j’ai été la montrer à notre ami prisonnier ; il se porte à merveille et reçoit plus de visites qu’un ministre en crédit. […] Coulmann parle aussi très bien d’Alexandre de Humboldt, et il fait remarquer avec raison « qu’on n’a jamais vu un Allemand ni un Prussien plus jaloux et plus ambitieux que lui de la légèreté parisienne ; sa médisance tenait certainement plus du désir d’être amusant et agréable que de l’envie et de la malignité. » Ce sont là des traits heureux et justes.

1632. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Comprendre une situation, recueillir les influences éparses autour de lui et les diriger vers un point auquel il était de leur intérêt d’arriver, c’était là son talent particulier, Mais soutenir une lutte longue et prolongée, intimider et dominer les partis en lutte, cela dépassait la mesure de ses facultés, ou plutôt de son tempérament calme et froid31. » Il fut heureux d’échapper le plus tôt possible aux ennuis de sa situation à l’intérieur en prenant en main le jeu diplomatique et en allant représenter la France au congrès de Vienne. […] Lorsque la tempête des trois Glorieuses éclata sur Paris, trop heureux de quitter la France, Talleyrand s’en vint en Angleterre.

1633. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Lié d’abord avec les poëtes de la seconde période, avec ce groupe qu’on a désigné un peu mystiquement sous le nom de Cénacle, il lançait au sein de ce cercle favorable ses premières études de poésie, quelques pastiches d’André Chénier, des chansons espagnoles d’une heureuse turbulence de page, mais visiblement chauffées au large soleil couchant des Orientales. […] Dans les vers déjà cités plus haut : …… à l’entour des sinistres apprêts, Les prieurs, s’agitant comme de noirs cyprès… Ailleurs, dans Mardoche : Heureux un amoureux ! 

1634. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

. — Le fait est que Boileau, de bonne heure en possession du sceptre, passa la très-grande moitié de sa vie à converser et à tenir tête à tout venant : « Il est heureux comme un roi (écrivait Racine, 1698), dans sa solitude ou plutôt son hôtellerie d’Auteuil. […] Il est heureux de s’accommoder ainsi de tout le monde ; pour moi, j’aurois cent fois vendu la maison. » Ce qui pourtant explique qu’à la fin Boileau, devenu morose, l’ait vendue.

1635. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

La vie s’écoule, pour ainsi dire, inaperçue des hommes heureux ; mais lorsque l’âme est en souffrance, la pensée se multiplie pour chercher un espoir, ou pour découvrir un motif de regret, pour approfondir le passé, pour deviner l’avenir, et cette faculté d’observation, qui, dans le calme et le bonheur, se porte presque entièrement sur les objets extérieurs, ne s’exerce dans l’infortune que sur nos propres impressions. […] En effet, l’homme supérieur ou l’homme sensible se soumet avec effort aux lois de la vie, et l’imagination mélancolique rend heureux un moment, en faisant rêver l’infini.

1636. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

190 Ces heureuses antithèses font l’éloge de l’écrivain. […] Il est heureux que La Fontaine ait négligé les avis de Patru et mérité les reproches de Lessing.

1637. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

I Le bruit de ses heureuses dispositions parvint jusqu’à son oncle, Antoine de Fénelon qui, arrivé au premier grade de l’armée, appela son neveu auprès de lui à Paris. […] Je ne t’oublierai pas, ô île consacrée par les visions du disciple bien-aimé, heureuse Pathmos !

1638. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Peut-être serons-nous plus heureux, sachant nous élever au-dessus de l’idéal objectif des Barberous de théâtre. […] Mais nous ajouterons : c’est heureux, car le théâtre ne saurait plus être artistique, et ces œuvres sont des œuvres d’art, d’art littéraire, bien que de forme dramatique.

1639. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Peut-être serons-nous plus heureux, sachant nous élever au-dessus de l’idéal objectif des Barberous de théâtre. […] Mais nous ajouterons : c’est heureux, car le théâtre ne saurait plus être artistique et ces œuvres sont des œuvres d’art, d’art littéraire, bien que de forme dramatique.

1640. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Que vous êtes heureux, Monsieur, de toucher ainsi, par votre art, aux sources mêmes de la vie ! […] Heureux celui qui est assez grand pour que les petits l’admirent !

1641. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Mais Jane, heureuse de son retour, se garde bien de le détromper. […] Elle l’a fait fatalement, et naturellement : elle n’a le droit d’accuser personne, Un enfant est né de sa faute, et elle a été heureuse d’être mère.

1642. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

On n’en peut lire une page sans avoir à en retenir quelque observation heureuse. […] Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie.

1643. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Et plût à Dieu que je fusse assez heureuse, quand je finirai mes jours, pour pouvoir être inhumée dans cette terre !  […] Ces juges, tout occupés de convaincre d’idolâtrie cette simple fille, l’interrogeaient à satiété sur son étendard, sur l’image qu’elle y avait fait peindre : si elle ne croyait pas que des étendards tout pareils à celui-là étaient plus heureux que d’autres à la guerre.

1644. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

On a dit de lui qu’il était singulièrement heureux en deux points, « en ce qu’il n’avait jamais rencontré ni un méchant homme, ni un mauvais livre ». […] Dans les petits morceaux faits exprès, tels que l’Éloge de Richardson ou les Regrets sur ma vieille robe de chambre, il a bien de la grâce, des pensées heureuses, des expressions trouvées ; mais l’emphatique revient et perce par endroits, l’apostrophe me gâte le naturel.

1645. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Je citerai une partie de cette lettre peu connue, et qui ne se trouve point dans les Œuvres de Saint-Évremond19 : N’en déplaise à ce vieux rêveur (Solon) qui ne trouvait personne heureux devant la mort, je vous tiens, lui écrit-il, en pleine vie comme vous êtes, la plus heureuse créature qui fut jamais.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Un tel homme est sans doute l’être le plus heureux de la nature. […] « Je me trouvai heureux, dit Gibbon en ses Mémoires, de faire la connaissance de M. de Buffon, qui unissait à un sublime génie la plus aimable simplicité d’esprit et de manières. » — « Ce grand et aimable homme », dit-il encore de lui dans la dernière page de ces mêmes Mémoires.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Grâce aux Mémoires qui vont paraître dans quelques jours et que nous sommes heureux d’annoncer au public, chacun désormais va le connaître, lui rendre la justice qui lui est due, et le voir au rang estimable qu’il mérite d’occuper. […] Dès le début, on sent l’homme désabusé qu’un devoir ramène sur la scène bien plus que l’illusion ou l’espérance : Lorsqu’on a atteint quarante ans, et qu’on n’est pas absolument dépourvu de jugement, on ne croit pas plus à l’empire de l’expérience qu’à celui de la raison : leurs instructions sont perdues pour les gouvernements comme pour les peuples ; et l’on est heureux de compter cent hommes sur une génération à qui les vicissitudes humaines apprennent quelque chose.

1648. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Il n’avait, au lieu de cela, qu’à dire, ce qui est très vrai, que le grand maître avait eu la faiblesse de faire des aveux, soit par crainte, soit par l’espoir de sauver son ordre, et nous le représenter ensuite rendu au sentiment de l’honneur, par un retour heureux de courage et de vertu, et rétractant ses premiers aveux à l’aspect même du bûcher qui l’attend. […] Je ne sais s’il y eut beaucoup de calcul ou encore plus de bonheur dans cette première tragédie représentée de Raynouard, mais il est impossible de prodiguer moins qu’il ne l’a fait les moyens nouveaux, et de tirer un plus heureux parti des quatre ou cinq mots ou hémistiches qui décidèrent du triomphe de sa pièce.

1649. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Les paisibles habitants de Remusberg ne sont pas si belliqueux ; je me fais une plus grande affaire de défricher des terres que de faire massacrer des hommes, et je me trouve mille fois plus heureux de mériter une couronne civique que le triomphe. […] Rendre quelqu’un heureux est une grande satisfaction ; mais faire le bonheur d’une personne qui nous est chère, c’est le plus haut point où puisse atteindre la félicité humaine.

1650. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Sans doute aussi parce que c’était la première maison à louer qu’ils avaient rencontrée, et parce que les exilés n’ont pas la main heureuse. […] En 1591, pendant que le roi catholique rêvait, sur le plan du marquis d’Astorga, une seconde Armada, plus heureuse que la première en ce qu’elle ne fut jamais mise à flot, il fit Henri VI.

1651. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard quelques-unes des pages les plus heureuses et les plus fortes que l’on ait écrites sur ce grand sujet. […] Que Louis XIV et sa cour aient pu avoir quelque action heureuse sur le goût, je ne me refuse pas à l’admettre.

1652. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Heureux ceux qui ont reçu cette grâce, quelle que soit la rançon qui la paye ! […] Heureux encore ceux qui, ne l’ayant pas reçue, ne cherchent ni à se tromper eux-mêmes, ni à tromper les autres en se faisant passer pour inspirés !

1653. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Je dois ajouter que les heureux effets de croisements fréquents et les effets fâcheux des fécondations entre individus proches parents jouent aussi leur rôle en pareil cas ; mais je ne veux pas m’étendre ici sur cette difficile question. […] La pensée de ce combat universel est triste ; mais, pour nous consoler, nous avons la certitude que la guerre naturelle n’est pas incessante, que la peur y est inconnue, que la mort est généralement prompte et que ce sont les êtres les plus vigoureux, les plus sains et les plus heureux qui survivent et qui se multiplient.

1654. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Il est resté le caméléon singulier qui prend toutes nos couleurs et nous les renvoie, mais qui a parfois l’heureux privilège de les concentrer, de les épurer, de les faire plus belles, en nous les renvoyant ! […] Elle en a la couleur, elle en a l’organisme de la phrase si svelte et si souple ; le tour, l’harmonie, la chute heureuse, la résonnance du dernier mot.

1655. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

… Quoique j’aie cherché, sans le trouver, dans les deux trop petits volumes de M. de Lescure, l’écrivain oublié des Actes des Apôtres, de ces Apôtres moins heureux que ceux de Jésus-Christ, qui fondèrent le Christianisme, tandis qu’eux, ces nouveaux pauvres diables d’Apôtres, n’ont pu empêcher la royauté très chrétienne de s’en aller en quatre morceaux, j’y ai trouvé pourtant assez de journaliste et même, disons le mot, assez d’homme d’État dans Rivarol pour appuyer aujourd’hui sur ce qu’il fut comme journaliste, malgré le flot du temps qui remporta et qui, comme journaliste, devait l’emporter, et sur ce qu’il aurait pu être comme homme d’État, sans la faiblesse aveugle d’une Royauté vouée à toutes les fautes, et dont l’imbécillité fut le bourreau, avant le bourreau… VII Oui, le journaliste, — et, à travers le journaliste,, l’homme d’État que le journaliste, comme on sait, n’implique pas toujours, voilà ce qu’est et ce qu’apparaît presque exclusivement Rivarol dans cette publication nouvelle de M. de Lescure. […] Et j’ajoutai : nous aurons quelque soldat heureux, car les révolutions finissent toujours par le sabre : Sylla, César, Cromwell… Si, après la Ligue, nous n’avions pas eu un maître, c’en était fait de la Maison de Bourbon.

1656. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Cousin, nous allons le transporter dans un autre siècle ; nous gardons l’homme, nous refaisons les circonstances ; et l’homme, aidé par les circonstances, devient plus heureux et plus grand. […] Ces beaux objets communiquaient leur calme à son âme, et ses premières pensées s’éveillèrent, non dans un malaise secret, mais dans un heureux recueillement.

1657. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ici viennent à nous encore, comme des précurseurs du Dante, ou du moins comme des initiateurs de la langue qu’allait parler son génie, ces poëtes franciscains dont un rare talent de nos jours, un éloquent érudit, a retrouvé d’heureux échos. […] Heureuses femmes !

1658. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

La Commission, dans son regret de n’avoir pas trouvé à en appliquer toutes les dispositions particulières, s’estimerait du moins heureuse d’avoir été, une première fois, l’interprète et l’organe fidèle de cette utile pensée.

1659. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

(Celui de Thiers, par exemple, est légèreté, présomption, imprudence, nonobstant toutes les autres heureuses qualités.)

1660. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

M. de Vigny aurait pu réussir de même sans doute ; le choix de l’événement est heureux ; les documents sont nombreux, faciles, et il montre assez qu’il les connaît parfaitement ; enfin son talent n’est pas vulgaire : qu’a-t-il donc fait pour gâter tant d’avantages ?

1661. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir.

1662. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Ces conditions favorables du milieu ambiant et des propriétés de la masse sur laquelle on opère, qu’avaient un peu trop négligées les Constituants, et auxquelles, dans toute leur prévoyance, ils n’auraient pu suppléer, nous les réunissons aujourd’hui : nous devons en profiter ; jamais en aucun siècle ni en aucun pays la disposition de la société n’a été aussi heureuse, et n’a permis une application aussi féconde des principes éternels de la raison humaine.

1663. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation.

1664. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Swift, dans Gulliver et Le Conte du Tonneau, de même que Voltaire dans ses écrits philosophiques, tire des plaisanteries très heureuses de l’opposition qui existe entre l’erreur reçue et la vérité proscrite, entre les institutions et la nature des choses.

1665. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Il faut de la solitude à ce genre d’occupation ; et s’il est vrai que la solitude est un moyen de jouissance pour le philosophe, c’est lui qui est l’homme heureux.

1666. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Si d’autres peuples ont été plus heureux, si, à l’étranger, plusieurs habitations politiques sont solides et subsistent indéfiniment, c’est qu’elles ont été construites d’une façon particulière, autour d’un noyau primitif et massif, en s’appuyant sur quelque vieil édifice central plusieurs fois raccommodé, mais toujours conservé, élargi par degrés, approprié par tâtonnements et rallonges aux besoins des habitants.

1667. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Les joueurs aiment à appeler une partie du nom de bataille, ils livrent combat au hasard ; un coup heureux est une victoire ; un coup malheureux est une défaite, et quand ils ont tenu longtemps, quand ils se sont obstinément, stupidement acharnés à se ruiner, ils se donnent le mérite d’une héroïque résistance et ne sont pas bien sûrs de n’avoir pas déployé la même espèce de courage que Wellington à Waterloo : s’ils nommaient les choses par les mots propres, peut-être auraient-ils moins de complaisance pour leur passion ; du moins elle ne se colorerait pas à leurs yeux d’une telle beauté ; ils céderaient peut-être autant, ils s’en feraient moins honneur.

1668. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Un autre mot, tout proche, c’est celui de fécondité, d’abondance heureuse.

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