Pasquier, alors ministre, n’avait pas peur de la poésie ni de l’éloquence, à supposer que je vinsse à développer un peu de ces avantages dans la diplomatie ; mais j’avais dès lors, comme par instinct, la conviction du danger qu’il y a en France pour un homme à développer plus d’une faculté à la fois. […] La fortune et la France en ont décidé autrement. Mais la nature en sait plus long que la fortune et la France : l’une est aveugle, l’autre est jalouse. […] XX Je parlerai surtout bientôt d’un autre hasard ou plutôt d’un autre bonheur de génie, dans une rencontre qui nous a donné et qui donnera probablement à l’Angleterre, à la France, à l’Europe, d’étranges étonnements et de vives admirations quand l’heure sera venue. […] Un seul homme en Italie, Mezzofanti, un seul homme en France, le comte de Circourt, ont offert au monde ce phénomène de l’universalité des langues et des connaissances humaines ; mais ces deux hommes étaient deux miracles d’organisation intellectuelle achevés par les années et par les études.
Son mérite le fit successivement abbé de Bellosanne, professeur de l’université de Bourges, précepteur des fils de Henri II, aumônier de Charles IX, grand aumônier de France, et évêque d’Auxerre. […] Lors de la fondation du collège de France, pour une chaire de latin, il y en avait deux de grec. […] On n’avait pas d’ailleurs cessé un seul jour en France d’écrire ou de parler en latin, en sorte que depuis longtemps, par la religion, par l’usage, par ces grands traits de ressemblance avec le peuple romain, nous inclinions du côté où nous poussait le catholicisme, vainqueur de la Réforme. […] Il y a d’ailleurs de frappantes analogies entre les deux époques de grandes choses qui finissent, la religion et la société politique dans l’empire romain, le catholicisme du moyen âge, et la féodalité dans la France du xvie siècle ; de grands bouleversements, des révolutions, le règne de la force, qui détache les esprits méditatifs d’une société où personne n’a protection, et les ramène sur eux-mêmes ; le même doute aux deux époques par des causes différentes ; dans Rome en décadence, parce que les vieilles croyances y sont éteintes et laissent l’homme en proie à lui-même ; dans la France du seizième siècle, parce qu’on est placé entre d’anciennes formes qui disparaissent et un avenir qu’on ignore. […] Outre cette complaisance de l’esprit de doute par laquelle Montaigne se fait tant d’amis, surtout dans notre France, un attrait plus innocent peut-être nous le fait aimer : c’est que chacun de nous s’y reconnaît.
De là des écrits nombreux, des diatribes amères contre Racine, Voltaire et Boileau ; et si, dans votre guerre à nos immortels génies, vous avez épargné Corneille et Molière, les plus classiques de tous nos auteurs, c’est que, par pitié pour la France, vous n’avez pas voulu lui enlever toutes ses gloires. […] Avec vous notre jeune France s’est mise à l’œuvre ; avec vous elle a voulu détruire ces grands monuments littéraires auxquels nous autres auteurs de l’empire avions enchaîné notre gloire et notre fortune. […] Enfin ils ont prouvé, par l’inconséquence de leur conduite, en sacrifiant avec un dévouement empressé aux idées fausses d’une secte impie en littérature, en accueillant avec un enthousiasme féroce les monstruosités qui leur ont été offertes, en mêlant leur voix injurieuse aux détracteurs des immortels auteurs qui avaient fait de leur théâtre le premier de l’Europe, qu’ils voulaient renoncer à l’honneur d’être les dignes interprètes des hommes de génie qui font encore la gloire de la France et l’admiration du monde entier. […] Maret, maintenant duc de Bassano ; et il fut reconnu par les premiers personnages qui gouvernaient l’État, que ma pièce, dont le but était très moral, ne pouvait blesser aucun des partis qui troublaient encore la France. […] En France, ce n’est pas par notre respect pour les noms illustres que nous prouvons notre patriotisme, nous avons sans doute le malheur d’avoir trop de grands hommes.
Des académiciens, des pairs de France, des hommes d’État, tous ceux qui avaient gémi de nos équipées littéraires, battirent des mains et poussèrent des cris d’allégresse. […] Répétons-le en finissant : la France, la France civilisée (et les lettres ne sont-elles pas la civilisation même dans son expression la plus délicate ?) […] Ponsard le comprit si bien, qu’il se tourna vers le moyen âge, vers l’histoire de France, et y transporta, dans toute leur simplicité, ses procédés dramatiques. […] Selon lui, c’est le moment où le génie de la France atteignit à son apogée ; c’est le vrai dix-septième siècle, et le reste n’a été que le siècle de Louis XIV. […] Pour le reste, nous ne le connaissions que par quelques-uns de ces mots qui souvent, en France, sont les seuls survivants de l’histoire.
tous ces passages comme marqués d’un accent shakespearien, ces furieux élans au milieu des audaces fringantes et des sourires, ces éclairs de chaleur et de précoce orage, semblaient promettre à la France un Byron. […] Dans le présent épisode surtout, les Confessions ont retenti des deux parts, et ce serait le cas de dire avec Bossuet, si nous en avions le droit et si nous n’étions pas des leurs, qu’il y en a « qui passent leur vie à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée. » L’univers, il faut en convenir aussi, c’est-à-dire la France, s’y est prêtée en toute bonne grâce ; elle a écouté et accueilli avec un intérêt prononcé, et d’une âme encore très littéraire en ce temps-là, tout ce qui du moins lui paraissait éloquent et sincère. […] Tant qu’il y aura une France et une poésie française, les flammes de Musset vivront comme vivent les flammes de Sapho. — À ces quatre Nuits célèbres, n’oublions pas d’ajouter un Souvenir qui s’y rattache étroitement, un retour à la forêt de Fontainebleau, qui est d’une émouvante et pure beauté, et, ce qui est rare chez lui, d’une grande douceur.
Après la capitulation, et en mettant le pied en France, Friant écrivit au général Bonaparte, premier consul, une lettre où il n’accusait personne, mais où sa réserve seule parlait assez : Vous avez sans doute appris les malheurs de l’armée d’Orient et la perte de la colonie, et vous aurez appris également combien les divisions qui ont régné entre plusieurs de nous y ont contribué. […] allez où l’on tire le canon, vous le trouverez. » L’empereur disait cela le 29 octobre 1813, et, le lendemain 30 à Hanau, Friant et la Garde avaient à rouvrir à travers les Bavarois de De Wrède la route de Francfort, c’est-à-dire, la route de France. Friant fit toute la campagne de France : mais, malade et au lit depuis huit jours, il ne put assister aux adieux de Fontainebleau, où était sa place : c’eût été la touchante contrepartie de Witebsk ; il y fut suppléé par le général Petit, comme on le sait d’après ce tableau devenu populaire.
Au sortir de ce xviie siècle qu’il considère comme le point le plus haut d’où l’on puisse regarder en France les choses de l’esprit (ne serait-ce pas assez de dire, les choses du goût ?), l’auteur, en arbitre et presque en syndic désigné, dresse le bilan de la fortune littéraire de la France ; il établit la balance par profits et pertes, ce sont les termes mêmes qu’il emploie ; il compte devant nous tout ce qui doit entrer dans l’un ou l’autre plateau ; il sait faire rendre à chacun, il en obtient tout ce qu’il exige pour la régularité de son inventaire. […] Il en est de même des peuples célèbres : la plupart ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la nature les eût destinés à en offrir le modèle. — Et c’est ainsi, ajoute-t-il, que la nature produisit dans Voltaire l’homme le plus éminemment doué de toutes les qualités qui caractérisent et honorent sa nation, et le chargea de représenter la France à l’univers. » Et il énumère les qualités nombreuses et les quelques défauts essentiels qui font de lui l’image brillante du Français accompli.
Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] « Je me suis convaincu depuis longtemps », m’écrivait à ce sujet un étranger qui sait à merveille notre littérature, « que, pour presque tout le monde, la vérité dans la critique a quelque chose de fort déplaisant ; elle leur paraît ironique et désobligeante ; on veut une vérité accommodée aux vues et aux passions des partis et des coteries. » Et, pour me consoler, cet étranger, qui est Anglais, ajoutait qu’une telle disposition à se révolter contre une entière vérité et sincérité de critique appliquée à de certains hommes et à de certains noms consacrés, était poussée plus loin encore en Angleterre qu’en France, où l’amour des choses de l’esprit est plus vif et fait pardonner en définitive plus de hardiesse et de nouveauté, quand on y sait mettre quelque façon. […] Il était tendrement attaché à Mme de Beaumont, l’amie de Chateaubriand ; très lié avec M. de Fontanes, avec tout ce qui entourait l’auteur du Génie du christianisme depuis sa rentrée en France.
Employé ensuite à la réforme des statuts anglais et à la confection d’un code unique, puis gouverneur de la Virginie, député de nouveau au Congrès, de là, ministre plénipotentiaire en France à l’origine de notre Révolution, rappelé et nommé par le président Washington secrétaire d’État du nouveau Cabinet, vice-président et ferme à son poste d’opposition à la tête du sénat sous la présidence de John Adams, président enfin lui-même de 1800 à 1808, il remit alors par un bienfait signalé le gouvernement de son pays dans les voies sincèrement démocratiques d’où Washington, vers les derniers temps, l’avait laissé dévier, et d’où John Adams, si respectable d’ailleurs, l’avait de plus en plus éloigné à dessein. […] Jefferson, à cette époque, résidait en France en qualité de ministre plénipotentiaire : on voit dans ses lettres à M. […] John Adams devint le chef avoué de ce parti fédéraliste, aristocratique et anglomane, que l’institution des Cincinnati avait révélé dès l’origine, mais qui désormais allait droit au but, s’armant habilement des excès de la République en France.
Ç’a été tout bonnement le carnaval qui a fait les frais et qui a eu les honneurs de cette quinzaine, mais un vrai et franc carnaval, comme on n’en avait pas encore vu de si gaiement improvisé, de mémoire de jeune France. […] On s’est amusé follement au carnaval de 1833, parce qu’il y avait longtemps qu’on ne s’était amusé, parce qu’il faut toujours en France en revenir aux plaisirs, parce qu’au milieu des soucis qui assombrissent et des vertus sérieuses que, dit-on (et je le crois), nous acquérons, nous sommes l’éternelle nation de la Fronde et de la Régence, le Paris de Rabelais, de Manon Lescaut, du Mariage de Figaro et du Directoire. […] L’équité du verdict d’acquittement s’animait et se colorait d’une émotion généreuse. à partir de ce jour, M. de Chateaubriand est encore reconquis à la France ; mais, qu’il y songe, il n’appartient qu’à elle désormais.
Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux. […] Aujourd’hui il s’agit d’un romancier, d’un conteur, dont le nom, fort en estime dans son pays, n’avait guère encore percé en France. […] Viardot d’être connu en France comme celui d’un homme d’un vrai talent, observateur sagace et inexorable de la nature humaine6.
En France, les personnes distinguées par leur esprit ou par leur rang, avaient, en général, beaucoup de gaieté ; mais la gaieté des premières classes de la société n’est point un signe de bonheur pour la nation. […] Des lois tyranniques, des désirs grossiers, ou des principes corrompus, ont disposé du sort des femmes, soit dans les républiques anciennes, soit en Asie, soit en France. […] Il s’en faut bien qu’elles y trouvent les agréments que la société de France promettait autrefois ; mais ce n’est pas avec le tableau des jouissances de l’amour-propre qu’on fait un roman intéressant, quoique l’histoire de la vie prouve souvent qu’on peut se contenter de ces vaines jouissances.
Elle fut nettement révolutionnaire, mais elle le fut avec entrain et avec bonne humeur ; elle accueillit la chanson, sachant qu’au pays de France la chanson seule consacre et que rien ne dure sans elle. […] La France entière s’est fait ici brillamment représenter. […] Mais que dis-je, la France ?
Telle est aussi la conclusion à laquelle arrive un savant et profond penseur qui vient de nous donner l’intéressant tableau des études philosophiques en France au xixe siècle36. […] Cette opposition a éclaté vivement lors des débats relatifs à l’infaillibilité pontificale ; et malgré l’accord survenu en apparence au moins en France, on sait que la division est plus profonde que jamais. […] La Philosophie en France au dix-neuvième siècle, par M.
En France, nous avons maintenant de ces femmes-là, qui les racontent très bien avec tous les détails de la chose. […] Donc de la Cosaque que je rêvais, et qui aurait pu donner à ce livre, que tous les bas-bleus de France sont capables de confectionner tel que le voilà, un arôme, un piquant, une nouveauté, un inconnu dont j’aurais fait beaucoup plus de cas que d’une vengeance d’écritoire, vous voyez si, même en cherchant, de cette Cosaque on trouve la moindre trace ! […] Il est très commun en France, — plus commun même que les femmes qui y racontent impudiquement leurs amours, quoiqu’elles s’y multiplient beaucoup.
Montesquieu voyagea, quand presque personne en France ne voyageait. […] Quand Montesquieu revint en France, il était Anglais, et il ne se déteignit plus. […] … En cette biographie, Louis Vian s’est montré tout ce qu’il pouvait être, excepté avocat, et je ne crois pas qu’il y en ait, en France, une meilleure de Montesquieu ni de personne.
Résumé par la France, sa tête de colonne, le monde Occidental avait puisé à la double mamelle de ses nourrices, Rome et la Grèce, deux breuvages différents qui devaient troubler sa pensée et qui ne pouvaient pas remplacer le lait maternel de la Tradition. […] Enfin, comment l’homme d’État, s’il y en avait un en Thiers, aurait-il oublié de conclure que l’homme qui avait relevé, en France, la chose nécessaire, était et devait être tout autre chose qu’un accident ? […] Maintenant, un seul mot de conseil : Que ceux-là qui, depuis un siècle, troublent la France, la nouvelle Europe romaine, d’utopies demandées à l’antiquité grecque, lisent l’œuvre de Lerminier.
Seule, la France, ce pays de la furia francese, ne le traduisit pas, et, sur ce point, manqua totalement de furie. […] Mais au xviie siècle, après deux cents ans de protestantisme, de ce protestantisme l’inventeur de cette guerre de textes qui continue, et qui aboutit en France à des Renan et à des Soury, il fallut se remettre en garde contre une légende oubliée que Rhoïdis, ce Soury grec, veut faire passer pour une histoire… et cette légende fut coulée à fond ! […] Et voilà ce qui manquait à la France, avant qu’un traducteur, qui n’a pas voulu courir les risques de sa traduction, l’ait traduit pour elle, mais en se cachant… Était-ce dans la cave de Marat, — de l’athée Marat, qui aurait avec joie trempé son museau dans ces affreuses porcheries ?
En France, depuis Condorcet, cette foi au progrès est connue, quoiqu’on ne la professe tout haut que sous les réserves du bon sens d’un peuple qui n’aime pas qu’on se moque de lui, et en Allemagne, où l’on n’a rien à craindre à cet égard, cette foi a été redoublée par des systèmes philosophiques qui sont du moins de formidables erreurs, les efforts puissants de grands esprits faux. […] Seulement, nulle part, ni en Allemagne, ni en France, les deux pays à idées, — l’Angleterre n’est qu’un pays à intérêts, — les hommes qui s’appellent humanitaires n’accepteront, pour l’explication de leur dogme et le dernier mot de leur foi, la profession de M. […] Mais comme propagande d’idées elle se perdra : en France, par son lyrisme et sa candeur même ; en Allemagne, par son manque de science réelle et de profondeur.
Écrit vers 1844, il fit brèche contre les philosophies et les politiques de perdition qui tenaient déjà le mondé et qui le lâchèrent un instant, épouvantées de ce qui restait encore d’âme à la France. […] Il s’était réfugié dans la pensée divine… Quand la crise de la France du temps, livrée aux démoralisateurs qui ne la démoralisaient que pour la gouverner et qui maintenant la gouvernent, l’appela, par une voix respectée, au secours de l’enseignement chrétien en péril, il n’était plus qu’un contemplateur à l’écart, avec les bras croisés de la méditation solitaire. […] — tant que ce beau débris de l’histoire du genre humain tout entier ne sera pas rasé de l’âme humaine, de sa conscience et de sa mémoire, et que chez nous il y aura encore autre chose que des bâtards et des institutions qui veulent bâtardiser la France, la Société de tous les temps et de l’Histoire ne sera pas vaincue et l’aveugle et forcené génie de la Révolution n’aura pas dit son dernier mot !!
Génie au bras long, il embrassa tout en France, de Malebranche et de Bossuet à Cousin, et il a ramassé dans le vaste cercle de son axiome toute l’Europe pensante, depuis Berkeley et Spinosa jusqu’à Kant, Fichte et Hégel ! […] Funck Brentano (est-ce par dédain ou par politesse pour la France ?) a choisi l’Angleterre pour y chercher et y trouver des modèles de sophistes contemporains, et il en a pris deux, — les plus gros actuellement de ce pays, — Stuart Mill et Herbert Spencer, — lesquels n’ont pas même la qualité, si commune en Angleterre, de l’originalité, et qui sont venus demander le peu qu’ils ont d’idées à la France.
Ce n’est pas plus un technicien de rhythme qu’un descriptif, qui croit que calquer la nature sans y ajouter rien de l’âme humaine, c’est la peindre… Ce n’est point, enfin, un de ces objectifs, comme ce coucou de Gœthe en a pondu dans le nid de la France, depuis le Victor Hugo des Orientales jusqu’au Théophile Gautier d’Émaux et Camées et à Leconte de Lisle. […] … Les voluptueuses fatigues d’André Chénier lui-même, en ses sensuelles Elégies, ne sont pas des rêveries comme celles que Lamartine apprit à la France… L’auteur d’Armelle dut boire avec délices de cette rosée céleste, et son esprit, qui était fait pour elle, n’a pas cessé, par tous ses pores, de l’exhaler. […] Le critique de la Gazette de France pose, il est vrai, à l’amant d’Armelle, l’alternative de l’épouser, — elle, — ou de se taire, — lui, — ce qui serait, du coup, la suppression du poème ; mais l’âme ne se prend pas si vite et si facilement que cela dans le petit étau d’un dilemme.
très-bien le fossé dans lequel se noyait la France. […] En France, nous aimons, avant tout, tout ce qui est facile, ce qui fait jouer l’esprit au lieu de le faire s’efforcer ; et, nous l’avons dit, l’auteur de Germaine a une qualité dont il doit mourir, la facilité. […] En France, M.
Prosper Mérimée a eu le bonheur de naître à la littérature en cet instant, qui sera probablement unique dans l’histoire du dix-neuvième siècle, où la France, lasse de guerre et de politique, sembla vouloir changer de gloire, et se retourna vers les choses de l’esprit avec cette furie française qui n’a d’égale que les mollesses qui la suivent. […] En France, où l’on est si pressé et où l’on galvaude, en les galopant, toutes les sensations et toutes les idées, la brièveté des compositions de M. […] Une autre raison encore de ce succès chez le peuple de vaudevillistes, que nous avons le bonheur d’être, c’est la simplicité de la donnée de ces petits romans, tout en action extérieure, d’un sentiment brutal ou sinistre, et racontés avec cette impassibilité de roué qui aura toujours, en France, pays de vanité, un immense empire.
C’est ainsi qu’en France le siècle de Richelieu et de Louis XIV connut et posséda cette portion de liberté qui nous a valu une littérature et un théâtre. […] Chez les Grecs, et dans les temps modernes, en France, la comédie est née de l’observation libre, mais attentive, du monde réel, et elle s’est proposé de le traduire sur la scène. […] En France cependant cette alliance fut bientôt rompue. […] La France, pour les adopter, fut contrainte de se resserrer, en quelque sorte, dans un coin de l’existence humaine. […] Cependant l’Angleterre, la France, l’Europe entière demandent au théâtre des plaisirs et des émotions que ne peut plus donner la représentation inanimée d’un monde qui n’est plus.
— Il est honorable en France d’être mauvais sujet. […] En ces passes lugubres, toute la France s’amusa un moment de son hégire à Lausanne. […] Toute la France (qui avait d’ailleurs alors bien autre chose à faire que de penser à moi) n’a donc pu s’amuser, en 1848, de mon hégire à Lausanne. […] Chacun fait ainsi ce qu’il doit, et la France, en honorant le sacrifce de l’un, agréera les travaux de l’autre. (Suivait la pièce de vers de Victor Hugo : À la jeune France.)
Je n’ai connu que le duc d’Orléans, en France, qui représentât si bien l’espérance d’une dynastie ; mais le duc d’Orléans avait trop d’intention dans l’attitude : on voyait qu’il posait involontairement pour un trône populaire. […] Ils venaient d’apprendre que le ministre de France et sa suite avaient été renvoyés comme eux, sans égards, des portes du couvent, et qu’ils cherchaient en vain un toit de berger pour y reposer leur tête. […] Cependant il éprouva le besoin, à la voix de ses amis et de ses protecteurs en France, de venir à Paris étudier son succès afin de le dépasser encore. […] La révolution de 1830 venait d’éclater en France et de triompher en trois jours. À chaque secousse de la liberté en France on sent trembler par sympathie le sol antique de l’Italie indépendante, hélas !
Ce jardin, quoique un peu plus grand, est tout à fait semblable aux petits parterres encaissés de hauts murs, qui sont attenants à chaque cellule de chartreux dans les vastes chartreuses d’Italie ou de France. […] C’était en France que le roman était né ; les troubadours provinciaux, poètes nomades et populaires, avaient donné le nom de leur langue, roman, à ce genre de composition. Ces romans, dans lesquels Arioste allait puiser les fables et les merveilles de ses chants, rappelaient plus encore la Perse et l’Arabie que la France. […] Ce général était allié à ma famille ; il avait amené sa femme en France pendant une de ses campagnes, et il l’avait confiée à l’amitié d’une de mes proches parentes, chez laquelle j’avais eu occasion de la voir souvent quelques années avant mes voyages. Il était naturel qu’elle m’accueillît comme un enfant de la maison, quand mes parents, pour achever mon éducation, m’envoyèrent séjourner dans le pays qu’elle habitait maintenant elle-même ; aussi me reçut-elle avec le plus gracieux accueil à la ville dès que je me fus présenté à elle, à titre d’ancienne connaissance et d’ancienne familiarité en France.
La France est inondée de ce reflux trop naturel d’ennemis que Bonaparte est allé provoquer partout pendant quinze ans. […] Nous demeurions au premier étage de la grande maison qui fait le coin en face du Bœuf-Rouge, près la porte de France. […] » et nous partîmes deux à deux vers la porte de France. […] » Sous la porte de France, les hommes de garde rangés en ligne nous regardèrent défiler, l’arme au bras. […] … Les ennemis sont en France !
Le dix-septième siècle, si curieux investigateur du cœur humain, et si grand peintre de l’homme, avait laissé quelque chose à dire même sur ce sujet en apparence épuisé ; il avait laissé beaucoup à dire sur la société française, sur l’homme tel que la France le fait ; il avait laissé presque tout à dire sur l’homme social, sur l’économie des sociétés humaines. […] C’est plus qu’un homme de génie qui trouve sa voie, et un grand écrivain qui crée sa langue : c’est la France elle-même, qui, après avoir montré dans Descartes tout ce qu’elle a de puissance intellectuelle, dans Pascal tout ce qu’elle a d’âme, dans Bossuet toutes ses grandes qualités à la fois dans leur force native et leur culture la plus achevée, apparaît dans Montesquieu découvrant les vérités premières et créant la langue de la science sociale. […] Il s’est trouvé pourtant en Espagne et, chose moins explicable, en France, des critiques pour restituer l’invention de Gil Blas au chanoine Vincent Espinel, auteur des Aventures de l’écuyer don Marcos de Obregon. […] En France, du moins, le latin passe pour nécessaire, et la maxime qu’on n’apprend finement le français qu’à l’aide du latin, n’est contestée que de ceux qui ne savent ni l’un ni l’autre. […] De ce mélange de maximes empruntées aux anciens ou tirées de son fonds, s’est formé comme le miel de ce doux livre, qui a fait dire à Montesquieu parlant de Rollin : « C’est l’abeille de la France. » Mot charmant et profond, où l’on sent à la fois l’affection et le jugement, vraie saillie de cœur à propos d’un homme dont le cœur est tout le génie.
Les deux hommes modernes qui ont remué le plus d’idées par l’éloquence et le plus d’hommes par la guerre, Mirabeau et Napoléon, sont des Toscans transportés sur la scène de la France. […] Les premières traductions qu’on en donna en France, à la fin du dernier siècle, ne sont que des paraphrases enluminées ou affadies ; il est impossible d’y trouver trace de l’original : ce sont des dentelles sur le corps d’Hercule. […] Il n’en pouvait pas avoir un, selon moi, plus pénétrant, plus consciencieux et plus fidèle que le secrétaire d’ambassade de France à Rome et à Florence. […] Fiorentino a été un bel écho de l’Italie en France. […] Il expira en touchant le rivage de la France.
Tous deux se connurent beaucoup et s’estimèrent ; ils avaient sans s’en douter le même travers, et ils le notaient réciproquement chacun chez l’autre : l’une était à cheval sur son rang de princesse, et sur le qui-vive, de peur qu’on ne lui rendît pas assez ; l’autre était intraitable, on le sait, et comme fanatique sur le chapitre des ducs et pairs : En France et en Angleterre, dit Madame, les ducs et les lords ont un orgueil tellement excessif qu’ils croient être au-dessus de tout ; si on les laissait faire, ils se regarderaient comme supérieurs aux princes du sang, et la plupart d’entre eux ne sont pas même véritablement nobles. […] La vie que Madame menait à la cour de France varia nécessairement un peu durant les cinquante et un ans qu’elle y passa ; elle n’y vivait pas tout à fait à l’âge de vingt-cinq ans comme elle faisait à soixante. […] C’est donc en France qu’elle fit son apprentissage ; sa pétulance le lui rendit assez dangereux ; elle tomba jusqu’à vingt-six fois de cheval, sans s’effrayer pour cela en rien ni se décourager : « Est-il possible que vous n’ayez jamais vu de grandes chasses ? […] Elle parlait beaucoup et parlait bien : elle aimait surtout à parler sa langue naturelle que près de cinquante années de séjour en France n’ont pu lui taire oublier ; ce qui était cause qu’elle était charmée de voir des seigneurs de sa nation et d’entretenir commerce de lettres avec eux.
La traduction de l’Iliade par Mme Dacier, publiée en 1711, amena une des guerres littéraires les plus vives et les plus curieuses qu’on ait vues, et comme il s’en produit quelquefois en France quand les esprits sont reposés et qu’on n’a rien de mieux à faire. […] La Motte en triomphe dans sa réponse : « Heureusement, disait-il en rapportant le passage, heureusement quand je récitai un de mes livres à Mme Dacier, elle ne se souvint pas de ce dernier trait. » La Motte, en effet, répondit et se donna les avantages de la forme, ce qui est si important en France. […] On ajoute « qu’elle était d’une assiduité opiniâtre au travail et ne sortait pas six fois l’an de chez elle, ou du moins de son quartier : mais, après avoir passé toute la matinée à l’étude, elle recevait le soir des visites de tout ce qu’il y avait de gens de lettres en France ». […] [NdA] On lit ce mémoire dans la Bibliothèque française ou Histoire littéraire de la France (1735), t.
Guizot, parlant de Ronsard dans un morceau sur L’État de la poésie en France avant Corneille, et lui tenant compte des services qu’il avait rendus ou voulu rendre, a dit à peu près dans le même sens, et sous forme d’aphorisme politique : « Les hommes qui font les révolutions sont toujours méprisés par ceux qui en profitent. » Maintenant je viens exprès de relire, de parcourir encore une fois tout Ronsard en me demandant si je l’ai bien compris dans mon ancienne lecture, si je ne l’ai pas surfait, et aussi (car Monsieur Gandar m’en avertit, et c’est un avertissement bien agréable et flatteur puisqu’il implique un succès) si je n’ai pas été trop timide, et si je ne suis pas resté en deçà du vrai dans ma réclamation en sa faveur. […] De retour à Paris, il s’enferma dans un collège auprès de Jean Dorat pour maître, et pendant sept ans (1542-1549), avec quelques condisciples de sa trempe et qu’il excitait de sa propre ardeur, il refit de fond en comble son éducation, il lut tous les poètes anciens, surtout les Grecs, chose très neuve alors en France. […] Depuis un siècle on n’avait sur tout cela en France que des romans en prose interminables, affadissants. […] Peu après cette querelle de parti et cette polémique, la seule au reste qu’il eut dorénavant à soutenir, Ronsard publia en 1565 un recueil intitulé : Élégies, mascarades et bergerie ; ce sont pour la plupart des pièces de circonstance, des divertissements de cour qui furent représentés à des fêtes, et qui sont pour nous purement ennuyeux et sans intérêt ; mais j’y trouve en tête, sous le titre d’élégie, un discours en vers à la reine d’Angleterre Élisabeth, nouvellement en paix avec la France.
C’est ainsi qu’on le voit à Bruxelles, puis dans le midi de la France, et bientôt à Madrid, chargé d’une mission secrète pour son prince pendant les années 1632-1633. […] La véritable pièce historique de Voiture est sa lettre écrite en 1636 après son retour en France, à l’occasion de la reprise de Corbie sur les Espagnols, qui s’en étaient emparés quelques mois auparavant ; il y embrasse d’un coup d’œil sensé et supérieur tout l’ensemble de la politique du cardinal de Richelieu, et, se mettant au-dessus des misères et des animosités contemporaines, il en fait à bout portant un jugement tout pareil à celui qu’a confirmé la postérité. […] Mais lorsque, dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront en notre histoire que le cardinal de Richelieu a démoli La Rochelle et abattu l’hérésie, et que, par un seul traité, comme par un coup de rets, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lorsqu’ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglais ont été battus et chassés, Pignerol conquis, Casal secouru, toute la Lorraine jointe à cette couronne, la plus grande partie de l’Alsace mise sous notre pouvoir, les Espagnols défaits à Veillane et à Avein, et qu’ils verront que, tant qu’il a présidé à nos affaires, la France n’a pas un voisin sur lequel elle n’ait gagné des places ou des batailles : s’ils ont quelque goutte de sang français dans les veines, quelque amour pour la gloire de leur pays, pourront-ils lire ces choses sans s’affectionner à lui ? […] Mais si l’on doit regarder les États comme immortels, y considérer les commodités à venir comme présentes, comptons combien cet homme, que l’on a dit qui a ruiné la France, lui a épargné de millions par la seule prise de La Rochelle, laquelle d’ici à deux mille ans, dans toutes les minorités des rois, dans tous les mécontentements des grands et toutes les occasions de révoltes, n’eut pas manqué de se rebeller et nous eût obligés à une éternelle dépense.
Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ? […] L’article lu, je me disais : C’est égal, après tous les grands efforts et tous les grands systèmes en France, il n’est, pour voir clair et juste et remettre tout à sa place, que de se dérider et de se déroidir un peu ; donnez-moi de temps en temps des gens qui sachent rire à propos et égayer le bon sens. […] Quatremère, professeur d’hébreu au Collège de France, il y a cinq ans environ, M. […] Il tient à honneur d’instituer et de restaurer, en France une haute étude que Bossuet a fait proscrire et a étouffée à sa naissance dans la personne de Richard Simom.
À peine si quelques esprits réfléchis songeaient à s’étonner du changement complet de décoration et de rôles. « Tout arrive en France », avait dit un jour La Rochefoucauld à Mazarin ; et Henri IV disait : « En France, on s’accoutume à tout. » On eut, dès ce temps de la Fronde, à y bien regarder, des échantillons de tous les genres de personnages qu’on a vus se produire depuis dans des révolutions plus grandioses et plus sérieuses : Retz, un Mirabeau-Talleyrand ; — un duc d’Orléans spirituel et lâche. […] Les meilleurs moralistes sortis de ces temps révolutionnaires ont été des serviteurs de la France, profitant de leur expérience pour l’appliquer avec une modération constante et un bon sens varié aux diverses situations, tels que nous avons vu par exemple feu le chancelier Pasquier ; la connaissance des hommes les a menés au maniement des hommes avec mesure et indulgence. […] Voir le livre de Sénac de Meilhan, le Gouvernement, les Mœurs et les Conditions en France avant la Révolution, suivi des Portraits des personnages distingués de la fin du xviiie siècle, avec une Introduction par M. de Lescure (1862) ; et voir aussi l’intéressant article de ce dernier dans la Revue germanique du 1er septembre.
Foucault en Béarn Pour être juste, il faut convenir que la mission de Foucault, arrivant en Béarn, était difficile : ce pays, autrefois converti en masse au calvinisme par Jeanne d’Albret, et, depuis sa réunion à la France, reconquis à la religion catholique, moyennant expédition militaire, par Louis XIII et son ministre de Luynes, en 1620, n’avait jamais été régulièrement administré ; le Parlement de Pau avait exercé l’autorité jusqu’à l’année 1682, qu’on y avait envoyé pour la première fois un intendant, Du Bois-Baillet. […] Ce bon sous-prieur fit garde toute la nuit à la porte de la chambre où je couchais, qui était la sienne, et où apparemment il avait son trésor. » Le lendemain, après avoir entendu la messe dans l’église de cette abbaye à la Rabelais, où se voyaient les armes de Roland, on se mit en marche dès sept heures du matin pour rentrer en France ; on prit un autre chemin qu’en allant et où il n’y avait pas de neige : « Tous les soldats étaient chargés de jambons et de barricots de vin, que leurs hôtes leur avaient donnés, car c’est le pays des jambons ; et je ne reçus aucune plainte d’exactions des soldats. » Foucault ne manque pas d’écrire aussitôt à M. de Louvois pour rendre compte de l’expédition et assurer le roi du zèle de ses sujets de par-delà les Pyrénées, et de la bonne volonté des Navarrais espagnols à rentrer sous son obéissance comme étant leur prince légitime, successeur de Charlemagne. […] Il avait charge de convertir les gens bon gré, mal-gré, et de justifier ce mot du roi répondant à M. de Croissy qui le proposait vers ce temps pour l’ambassade de Constantinople : « Il sera plus utile à mon service, dans la conjoncture des affaires de la religion, en France qu’à Constantinople. » II. […] De Haag au tome II de la France protestante.
A vingt-deux ans, il s’était complètement affranchi des croyances ; mais le principe d’exaltation était dans sa famille, et l’un de ses jeunes frères, entré également chez les Jésuites, et juste au moment de leur suppression en France, avait l’imagination si frappée qu’il n’avait cru trouver de salut et d’abri qu’en s’allant jeter de là à La Trappe. […] Il avait quelque appui à Versailles, aux Affaires étrangères : on l’attacha d’abord comme secrétaire particulier à l’ambassadeur de France à Vienne. […] Écoutons Deleyre et sa confession en vue de la mort : « La France où je suis né est tombée de la corruption des mœurs sous le joug du despotisme. […] Tel était au vrai, dans son for intérieur, l’homme de bien, de sensibilité et de tourment que Ducis, à quelques années de là, retrouva en France avec sa famille, toujours inquiet et toujours alarmé, la même âme en peine, et qu’il entreprit de guérir et de consoler.
Que s’était-il passé cependant à la Cour de France ? […] Lorsque Marie Leckzinska arriva en France, l’ancien évêque Fleury, qui eut une si triste influence sur son élève et qui, à l’inverse des bons précepteurs, ne travailla qu’à se rendre toujours nécessaire et indispensable, n’était pas encore cardinal ; mais il s’acheminait tout doucement à l’être, ainsi que premier ministre de fait. […] Elle était arrivée en France dans un temps d’affreuse misère, et avait pu voir de ses yeux l’état lamentable des provinces qu’elle traversait. […] Ce fut un tort à Marie Leckzinska de ne pas comprendre, de ne pas deviner qu’en France il faut être davantage à la française.
. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] Sa santé, atteinte par le climat, le ramena en France en 1773. […] Après trois années environ de séjour en France (1773-1776), Malouet repartit donc, chargé d’une mission de confiance pour la Guyane française. […] Renvoyé immédiatement en France et reçu à Versailles, il fut traité par le roi avec bonté et par les ministres avec toute la considération due à son mérite et à ses services.
Jetant François Ier, après la procession du 29 janvier, dans le catholicisme étroit et persécuteur, elle opère par contre-coup, pour la France, la première séparation des éléments jusque-là confus. […] Il voulait rester en France, et y rester en sûreté, en paix. […] Brunetière a fait remarquer que le plus hardi chapitre, sur l’or de France subtilement tiré par Rome, correspond à un incident précis de la politique religieuse de Henri II. […] Qu’on suive Pantagruel dans son tour de France : on verra comment Rabelais fait ressortir les choses d’un trait bref, avec quelle vigueur il enlève en trois mots une esquisse : au contraire, dans les amples scènes du roman, dans les discours étalés et les larges dialogues, dans la harangue de Janotus, dans les propos des buveurs, dans le marché de Panurge et Dindenaut, dans la défense du clos de l’abbaye ou dans cette étourdissante tempête, on sera confondu de la patience et de la verve tout à la fois avec lesquelles Rabelais suit le dessin de la réalité dans ses plus légers accidents et ses plus baroques caprices.
Avec Marivaux500, le roman fait un grand progrès par cela seul que la Vie de Marianne et le Paysan parvenu se passent en France, à Paris. […] C’est bien l’homme qui a essayé d’acclimater en France le journal moral à l’imitation du Spectateur : Marianne et Jacob sont d’infatigables moralisateurs. […] Les Intrigues amoureuses de la France ; les Mémoires du marquis de Montbrun, et surtout les fameux Mémoires de M. d’Artagnan, d’où sont sortis les Trois mousquetaires. […] Il s’enfuit en 1727 en Hollande, de là en Angleterre, rentre en France en 1733, avec la protection du prince de Conti, dont il devient aumônier.
Ces Riquetti, transplantés de Florence en France au xiiie siècle, intelligents, énergiques, peu maniables, de bon service et d’indépendante humeur, ennemis-nés des commis, des courtisans et des ministres, nous expliquent la monstrueuse nature de leur dernier descendant. […] Or le père et le fils remplirent pendant quinze ans la France du bruit de leurs débats. […] Il est de ceux qui savent voir les faits, et les présentent : s’il raisonne souvent sur la théorie et les principes, c’est la nécessité du temps qui l’y force ; l’assemblée travaille, et il travaille avec elle à établir une constitution en France. […] Chabrier, les Orateurs politiques de la France, Paris, in-12, 1888 ; F.
En dépit de Voltaire qui les tenait pour dûment esclaves, de la politique qui prescrivait, dans l’intérêt des colonies, « de ne pas affaiblir l’état d’humiliation attaché à leur espèce94 », la France, persuadée par Buffon, y reconnaissait des hommes, et, dès la quatrième séance des états généraux, un La Rochefoucauld invitait l’assemblée à prendre en considération la liberté des noirs. […] » On ôterait à Buffon le meilleur de sa gloire si l’on doutait que le grand seigneur libéral, qui porta le premier à la tribune politique de la France la question des noirs, eût lu ce sévère et énergique appel à l’humanité. […] Buffon voulait rendre la science populaire ; il y fallait un peu de mode, et par qui avoir la mode en France, si ce n’est pas les esprits frivoles ? […] Les hypothèses des Époques de la nature ont été corrigées ; leurs vérités subsistent, et telle en est la grandeur et la fécondité, que la science reconnaissante écrit ses réserves, à titre de simples notes, au bas du texte glorieux où la France et l’Europe les ont apprises pour la première fois.
Suivant moi, à part les cours tout à fait supérieurs et savants, tels que je me figure ceux du Collège de France ou des Facultés, les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en grande partie de lectures, d’extraits abondants, faits avec choix, et plus ou moins commentés. […] Ce mode de démonstration appliqué à la littérature suppose tout un art qui se dérobe, et qui n’est au-dessous d’aucune science ni d’aucune supériorité critique, si élevée et si distinguée qu’elle soit ; car il ne s’agit pas ici simplement de se faire petit avec les petits, il faut se faire souple avec les rudes, insinuant avec les robustes, en restant sincère toujours, de cette sincérité qui ne veut que le beau et le bien ; il faut arriver à inoculer une sorte de délicatesse dans le bon sens, en fortifier les parties simples, en rabattre doucement les tendances déclamatoires, plus innées en France qu’on ne le croirait, dégager enfin dans chacun ce je ne sais quoi qui ne demande pas mieux que d’admirer, mais qui n’a jamais trouvé son objet. […] Dans un tel cours, l’histoire universelle, comme on peut penser, serait traitée d’une façon très sommaire, très rapide : l’histoire de France seule devrait être développée. […] Je voudrais qu’en disant nos belles qualités comme peuple, à des hommes qui en sont déjà assez pénétrés, on ajoutât, en le prouvant quelquefois par des exemples, que nous avons aussi quelques défauts ; qu’en France ce qu’on a le plus, c’est l’essor et l’élan, que ce qui manque, c’est la consistance et le caractère ; que cela a manqué à la noblesse autrefois et pourrait bien manquer au peuple aujourd’hui, et qu’il faut se prémunir de ce côté et se tenir sur ses gardes.
« Je dépasse à peine le milieu de la vie, dit-il dans le préambule de son Histoire, et j’ai vécu déjà sous dix dominations, ou sous dix gouvernements différents en France. » Et il énumère tous les gouvernements qui se sont succédés depuis soixante ans, à commencer par Louis XVI. […] En lisant avec soin les premiers volumes de M. de Vaulabelle, on trouverait également l’usage qu’en a fait M. de Lamartine : et, par exemple, en peignant le départ de Louis XVIII de Hartwell pour la France et son entrée solennelle à Londres (t. […] Louis XVIII revoyait la terre de France ; les acclamations de son peuple arrivaient jusqu’à lui. […] M. de Lamartine ne s’en tient pas là, et ne voit dans ce peu de lignes qu’un motif à une composition pittoresque qui occupe chez lui deux ou trois belles pages : Debout sur la proue élevée du vaisseau, appuyé sur les fidèles compagnons de sa proscription, entouré de la France nouvelle qui s’était portée à sa rencontre, il tendait les bras au rivage et les refermait sur son cœur, en élevant ses regards au ciel comme pour embrasser sa patrie.
Ainsi, lorsqu’en 1582 on la rappelle à la cour de France, la tirant d’auprès du roi son mari et de Nérac, où elle avait été pendant trois ou quatre ans, elle y voit un projet de ses ennemis pour la brouiller avec son mari pendant l’absence ; ils espéraient, dit-elle, « que l’éloignement serait comme les ouvertures du bataillon macédonien ». […] Parlant de l’expédition projetée par son frère le duc d’Alençon en Flandre, elle le montre, en termes d’une énergique beauté, représentant au roi : Que c’était l’honneur et l’accroissement de la France ; que ce serait une invention pour empêcher la guerre civile, tous les esprits remuants et désireux de nouveauté ayant moyen d’aller en Flandre passer leur fumée et se saouler de la guerre ; que cette entreprise servirait aussi, comme le Piémont, d’école à la noblesse de France pour s’exercer aux armes, et y faire revivre des Montluc et Brissac, des Terme et des Bellegarde, tels que ces grands maréchaux, qui, s’étant façonnés aux guerres du Piémont, avaient depuis si glorieusement et heureusement servi leur roi et leur patrie. […] [NdA] Édition publiée par la Société de l’histoire de France et donnée par M.
Il n’y a que des chroniqueurs de talent, des hommes du fait, des Américains en littérature, des arrangeurs de panoramas immenses ouverts partout : en France, en Espagne et en Angleterre ; car cette Rolande, qui ne tient à rien qu’à elle-même et à se montrer, ils la font voyager et ils accrochent à la traîne de sa robe, sans beaucoup de peine d’invention, des descriptions comme celles de quelques quartiers de Londres et d’une course de taureaux en Espagne. […] tout le monde l’est, à cette heure, en France, et à tous les jeux, — jeux de bataille, jeux politiques, jeux électoraux ! […] Dans les Chroniques de Bachaumont qu’il a intitulées : Les Femmes du monde, ce sont en effet les femmes, si puissantes en France sur l’opinion, et qui, selon ce qu’elles sont, l’élèvent ou l’abaissent, ce sont les femmes qui sont en jeu, ou plutôt en représentation, dans tous les détails de leur vie mondaine ; — et dans le roman d’Octave Feuillet, ce sont les femmes encore, puisque le sujet du livre est un mariage dans le monde. […] Déjà, en 1832, un romancier, oublié maintenant et qui valait mieux que beaucoup de ceux dont on parle, Horace de Vielcastel, impatienté de voir le faubourg Saint-Germain, dont il était, donner sa démission de l’action politique et se refuser à devenir le parti tory de la France, après en avoir été le parti jacobite, voulut nous en faire une forte peinture dans des romans qui portèrent hardiment ce nom.
En France, Malherbe avant Chapelain, Chapelain avant Corneille ; dans l’ancienne Grèce, Orphée avant Homère, Homère avant Eschyle ; dans le livre primitif, la Genèse avant les Rois, les Rois avant Job ; ou, pour reprendre cette grande échelle de poésie que nous parcourions tout à l’heure, la Bible avant l’Iliade, l’Iliade avant Shakespeare. […] Par exemple, si, dans la série Bible-Iliade-Shakespeare, Shakespeare signifie l’avènement du drame et de la société moderne, comment admettre en bonne logique, pour la France, la série Malherbe-Chapelain-Corneille ? […] À ne prendre que la France, Victor Hugo était-il bien sincère en nous donnant Malherbe comme représentant du lyrisme et La Pucelle de Chapelain comme modèle de l’épopée ? […] En France : le roman de Rabelais, les Essais de Montaigne, Le Prince de Balzac, les Pensées de Pascal, tout Fontenelle, etc.
Mais de fait, il n’y a point en France plus de trente Ecrivains(17) qui suivent habituellement la carrière, & constamment livrés à leur art. […] Il n’y a point de Nation où il y ait plus de critiques & plus de règles qu’en France. […] La Tragédie, en France, a peint l’homme en efforts & non dans ses habitudes, qui révèlent le fond des caractères. […] L’Anglois lui doit sans contredit la supériorité réelle de ses Tragédies sur celles que l’on a faites en France. […] Il est défendu en France, par exemple, d’ouvrir la scène autrement que par une plate & languissante narration.
Marie Tiengou (Gazette de France). » M. […] — me fier à la Gazette de France ? […] On a longtemps, en France, fait de la presse une religion. […] C’est aussi l’une des qualités du critique du Pays et de la France musicale. […] On a de singulières façons de comprendre le théâtre en France.
Pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France !
Le militaire est demeuré en France, malgré de récentes objections, le type même de l’homme d’honneur. […] De Racine à Vigny, la France ne produisit aucun grand poète. […] En France, la vraie religion est la religion des clochers. […] Paris est devenu le cerveau de la France. […] Duboc voyageait en France et en Angleterre.
Seulement on fit l’appel de ceux qui restaient, pour savoir le nom du second qu’on avait perdu : c’était un petit novice très sage, que sa mère, une veuve déjà âgée, était venue recommander au maître avant le départ de France. […] Lui n’oubliera pas Criquette, si bien que revenu en France en 1870, son premier soin sera de la revoir. […] M. Anatole France vient de nous donner le Livre de mon ami. […] M. Anatole France ; il nous initie aux joies, aux douleurs, aux amours d’un enfant, et il groupe autour de son « petit bonhomme » des figures de femmes d’une délicatesse charmante. […] Pour revenir à John Bull, son livre est plein de fines remarques sans prétention, et servira à donner une idée assez juste de ce peuple qui persiste à ne pas vouloir de tunnel avec la France et à nous maintenir à la distance d’un mal de cœur.
C'est le propre de tout ce qui se prolonge en ce pays de France. — Cette loi, au reste, ne pourra être discutée cette année à la Chambre des députés et tout porte à croire qu’elle y sera modifiée. […] Au reste, c’est un trait honorable pour la presse en France, que le ton respectueux et l’absence de critique au sujet de Chateaubriand.
Cet heureux Athénien, après nous avoir restauré plus d’un genre lyrique, l’ode, la chanson, l’épigramme, l’épître, même la satire et surtout l’élégie qu’il a rendue si belle, nous promet une tragédie : la première représentation d’une nouvelle Iphigénie, imitée d’Euripide, dont quelques scènes achevées courent déjà de main en main, verra tous ces instincts classiques, refoulés depuis soixante ans aux veines de la France, prendre enfin leur revanche du désastre de Hernani. […] Nous n’avions jusqu’ici en France aucun exemple de cette poésie.
Ainsi faisaient jadis les historiens politiques qui croyaient écrire l’histoire de la France en faisant uniquement celle de ses rois, de Pharamond à Louis XVI. […] On serait tenté de crier à l’histoire qui prétend leur accorder une attention exclusive le mot qu’Anacharsis Clootz adressait à la France : Guéris-toi des individus !
Tout en admirant la littérature de Louis XIV si bien adaptée à sa monarchie, elle saura bien avoir sa littérature propre, et personnelle, et nationale, cette France actuelle, cette France du dix-neuvième siècle à qui Mirabeau a fait sa liberté et Napoléon sa puissance9. » Qu’on pardonne à l’auteur de ce drame de se citer ici lui-même ; ses paroles ont si peu le don de se graver dans les esprits, qu’il aurait souvent besoin de les rappeler.
Il était alors à Puteaux près de Neuilly, et obligé de perdre une partie de son temps sur les grands chemins : Malgré ma servitude privée, disait-il en finissant, je souhaite, mon cher ami, que vous soyez bientôt aussi libre que moi ; que vous puissiez aussi regarder la Seine couler comme je le fais et vais le faire plus que jamais de mes fenêtres ; enfin que nous puissions grommeler ensemble sur toute l’espèce humaine qui heureusement n’est pas toute la nature, et réaliser une bonne fois à nous deux la grande faction des insociables dont la France a été tant tourmentée depuis deux ans. […] (Journal de Paris, 16 août 1795.) — Dès qu’il a vu la Convention sortie victorieuse des insurrections jacobines de Prairial, il réclame d’elle enfin « un gouvernement énergique, républicain sans populacité, un gouvernement qui ramène tous les royalistes de bonne foi, ceux qui ne veulent que la sûreté des personnes et des propriétés » (26 mai 1795). — Mettant à profit ce qu’il a vu en 1792, et écrivant, comme il le dit, non d’imagination, mais de mémoire, il rappelle les principes auxquels on ne revenait qu’avec lenteur, car les révolutions aussi ont vite leur routine ; il montre le nouveau pouvoir exécutif tel qu’on l’a conçu avec méfiance, incomplet, démembré, mutilé : Il était très bon sans doute d’ôter les forces à un mauvais gouvernement, disait-il, mais il est absurde de n’en pas donner à celui qu’on travaille à rendre bon. — Le Directoire exécutif, tel que le projet l’annonce, est un berceau, qu’on nous passe ce mot, un nid de factions ennemies ; et sa destinée serait de ressembler bientôt à tous les conseils de gouvernement que nous avons vus en France depuis trois ans, où Roland et Pache, Robespierre et Billaud se sont tour à tour arraché la puissance… Je n’entre pas dans le détail des voies et moyens, des remèdes plus ou moins efficaces qu’il proposait ; je ne fais qu’indiquer la ligne générale de Roederer en ces années. Dans un écrit : Des fugitifs français et des émigrés (août 1795), il distinguait entre ceux qui étaient sortis de France quand tout était calme encore ou du moins régulier, et qui en étaient sortis pour combattre, et ceux qui s’étaient seulement échappés par nécessité, pour se dérober à la captivité ou à la mort. Il établissait qu’il était juste, utile, pressant, même pour les finances, de rendre à ces derniers la liberté de rentrer en France et dans leurs biens, réservant pour les autres toutes les sévérités de la loi et les rigueurs non pas tant de la confiscation que de la conquête. […] Elle désire un compte rendu sérieux dans le Journal d’économie publique, mais pour le Journal de Paris elle désire plus et demande tout naïvement à être louée ; elle en a besoin pour ce qui est de sa situation en France : Dans le Journal de Paris il m’importerait extrêmement qu’on saisît cette occasion pour dire une sorte de bien de moi.
On remarque d’abord en France le désir de tout le monde de briller en se distinguant de tout le monde. […] Bonstetten, devenu tout à fait littérateur en ces années et auteur en allemand, pensait à se fixer pour toujours à Copenhague ; il avait obtenu l’indigénat, et invitait même son ami Muller à le venir rejoindre ; car il n’avait que relâché un peu ses liens d’amitié avec l’illustre historien ; en acquérant de nouveaux amis, il ne renonçait pas aux anciens, et il justifiait ce joli mot de lui et qui lui ressemble : « Ce qui est léger n’est pas toujours infidèle. » Dès que l’établissement du Consulat eut procuré une trêve à la Suisse, et qu’elle rentra, à l’exemple de la France, dans la voie des gouvernements réguliers, Bonstetten se sentit rappelé vers elle ; il y revint en 1801, non sans donner au bon pays hospitalier qu’il quittait des larmes sincères. […] C’était une tout autre France ; mais il s’était tenu au courant dans l’intervalle. […] Les hommes y vivent sur les épaules les uns des autres, et non à côté l’un de l’autre, comme dans votre Rome, en France, à Genève, en Allemagne. […] Cependant un nouvel orage avait passé sur la France, et la Suisse en attendait les conséquences avec anxiété.
Il faut connaître l’homme pour bien traiter cette matière-là. » Que l’on rapproche cette parole de Boileau, qui est la sagesse même, de la réponse que fit le duc de Bourgogne aux Comédiens qui venaient lui demander sa protection et la continuation des bontés qu’avait eues pour eux feu Monseigneur son père : « Pour ma protection, non ; mais, comme votre métier est devenu en quelque sorte nécessaire en France, consentez à y a être tolérés. » Après quoi il leur tourna le dos, et, moyennant cette tolérance de mépris, les théâtres furent rouverts. […] Quoi qu’il en soit du degré où il admettait le scepticisme de Bayle, il nous représente mieux que personne le mouvement de ferveur et d’enthousiasme qui signala en France l’apparition de ce fameux Dictionnaire ; car cet ouvrage qu’on se borne aujourd’hui à consulter et à ouvrir par places, se lisait tout entier, se dévorait à sa naissance. […] On n’en permit point la réimpression chez nous, et on en interdit même l’entrée, ce dont Bayle ne fut point trop fâché tant pour Battrait qu’a toujours le fruit défendu que pour des raisons moitié commerciales, moitié politiques : il évitait du même coup la contrefaçon et aussi de paraître en Hollande trop peu protestant et trop favorable à la France. […] Par malheur, cette vignette, gravée par Picard, avait été faite au moment où le Système était florissant : on y voyait, à gauche, la France triste et affligée portant une corne d’abondance vide, d’où sortaient de maigres et secs billets ; mais, à droite, on avait figuré la Banque royale assiégée de la foule, avec une France triomphante et des Génies tenant une corne d’abondance d’où sortaient des espèces en quantité, des flots d’or et d’argent.
Ainsi, à la date du 25 août 1847, il écrit à l’un de ses amis d’Angleterre, qui projette un prochain voyage : « Vous, trouverez la France tranquille et assez prospère mais cependant inquiète. […] Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de cette sorte de confession intellectuelle, la plus curieuse et la plus détaillée que je connaisse : « A cette première manière d’envisager le sujet, poursuis l’auteur, en a succédé dans mon esprit une autre que voici : il ne s’agirait plus d’un long ouvrage, mais d’un livre assez court, un volume peut-être ; je ne ferais plus, à proprement parler, l’histoire de l’Empire, mais un ensemble de réflexions et de jugements sur cette histoire ; j’indiquerais les faits sans doute et j’en suivrais le fil, mais ma principale affaire ne serait pas de les raconter ; j’aurais, surtout, à faire comprendre les principaux, à faire voir les causes diverses qui en sont sorties ; comment l’Empire est venu, comment il a pu s’établir au milieu de la société créée par la Révolution ; quels ont été les moyens dont il s’est servi ; quelle était la nature vraie de l’homme qui l’a fondé ; ce qui a fait son succès, ce qui a fait ses revers ; l’influence passagère et l’influence durable qu’il a exercée sur les destinées du monde, et en particulier sur celles de la France. […] S’il est resté quelque chose de la démocratie en France, dans nos institutions, c’est au gouvernement d’un seul qu’on le doit. […] Ainsi, veut-il dire que son livre de la Démocratie est moins écrit en vue de l’Amérique ou de l’Angleterre que de la France, il dira dans une lettre à M. Henry Reeve : « Cet ouvrage est, en définitive, écrit principalement pour la France ou, si vous aimez mieux, en jargon moderne, au point de vue français… » Je vous demande un peu où est, en cela, le jargon.
Bayle, obligé de sortir de France comme calviniste relaps, réfugié à Rotterdam, où ses écrits de tolérance aliénèrent bientôt de lui le violent Jurieu, persécuté alors et tracassé par les théologiens de sa communion, Bayle mort la plume à la main en les réfutant, a rempli un grand rôle philosophique dont le xviiie siècle interpréta le sens en le forçant un peu, et que M. […] Il quitta donc Coppet pour Rouen dans cette idée de se rapprocher à tout prix du centre des belles-lettres et de la politesse, et du foyer des bibliothèques : « J’ai fait comme toutes les grandes armées qui sont sur pied, pour ou contre la France, elles décampent de partout où elles ne trouvent point de fourrages ni de vivres. » Précepteur à Rouen et mécontent encore, précepteur à Paris enfin, mais sans liberté, sans loisir, introduit aux conférences qui se tenaient chez M. […] De Toulouse à Genève, de Genève à Sedan, de Sedan à Rotterdam, Bayle contourne, en quelque sorte, la France du pur xviie siècle sans y entrer. […] Bayle, âgé de trente-neuf ans, poursuivait ses Nouvelles de la République des Lettres, publiait sa France toute catholique, contre les persécutions de Louis XIV, préparait son Commentaire philosophique, et en même temps, dans une note qu’il rédigeait Nouv. de la Rép. des Lett., mars 1686, sur son écrit anonyme de la France toute catholique, note plus modérée et plus avouable assurément que celle que l’abbé Prévost insérait dans son Pour et Contre sur son chevalier des Grieux, dans cette note parfaitement mesurée et spirituelle, Bayle faisait pressentir que l’auteur, après avoir tancé les catholiques sur l’article des violences, pourrait bientôt toucher cette corde des violences avec les protestants eux-mêmes qui n’en étaient pas exempts, et qu’alors il y aurait lieu à des représailles.
Les pleines gerbées de fables, de traditions, de récits mythiques rassemblées chaque mois par les recueils de folklore prouvent que le génie de la France s’y prête à l’égal du génie germanique. Et en même temps que la légende, interprétée avec simplesse mais illuminée de symboles et grandie par toutes les magies de la langue, je voudrais la chanson enfin, car la chanson parfaite doit naître assurément en France ! […] En France, rien de semblable ; il ne s’est pas trouvé de Pisistrate pour grandir jusqu’à l’œuvre d’art l’épopée magnifique de nos trouvères, et hier encore nul poète investi par l’Harmonie n’avait voulu ordonner en ses vers les chants qui naissent de la terre sous nos pas, les souvenirs qui, au temps de l’enfance, mirent à nos fronts une auréole fée ! […] En France on n’écrit pas selon les croyances et les légendes françaises ; la Tradition Française est d’écrire selon les traditions des autres. […] On a parlé des héros grecs avec le langage de la France, c’était une âme française qui se pliait à imaginer Thésée, Brutus ou Cinna.
, demandait-elle un jour au comte de Saint-Germain, qui avait la prétention d’avoir vécu plusieurs siècles ; c’est un roi que j’aurais aimé. » Mais Louis XV ne pouvait s’accoutumer à l’idée de compter les gens de lettres et d’esprit pour quelque chose, et de les admettre sur aucun pied à la Cour : « Ce n’est pas la mode en France, disait ce monarque de routine, un jour qu’on citait devant lui l’exemple de Frédéric ; et, comme il y a ici un peu plus de beaux-esprits et plus de grands seigneurs qu’en Prusse, il me faudrait une bien grande table pour les réunir tous. » — Et puis il comptait sur ses doigts : « Maupertuis, Fontenelle, La Motte, Voltaire, Piron, Destouches, Montesquieu, le cardinal de Polignac. » — « Votre Majesté oublie, lui dit-on, d’Alembert et Clairaut. » — « Et Crébillon, dit-il, et La Chaussée ! […] C’est alors qu’on vit le système politique de l’Europe bouleversé, les anciennes alliances de la France interverties, et toute une série de grands événements s’engageant à la merci des inclinations, des antipathies et du bon sens trop fragile et trop personnel d’une aimable femme. […] Mon impression pourtant, celle qui résulte aujourd’hui d’une simple vue à cette distance, c’est que les choses pouvaient tourner plus mal, et que Mme de Pompadour, aidée de M. de Choiseul, moyennant la conclusion du Pacte de famille, recouvrit encore de quelque prestige ses propres fautes et l’humiliation de la monarchie et de la France. […] Et après avoir décrit le tableau, il conclut un peu rudement, ce semble : Les Suppliants de Vanloo n’obtinrent rien du Destin, plus favorable à la France qu’aux Arts. […] Les rois et empereurs qui ont succédé depuis lors en France jusqu’à nos jours, ont été ou trop vertueux, ou trop despotiques, ou trop podagres, ou trop repentants, ou trop pères de famille, pour se permettre encore de ces inutilités-là : on en a entrevu au plus quelques vestiges.
Sans doute M. de Tocqueville a raison de dire, après beaucoup d’autres, que les souverains eux-mêmes, dans leur lutte contre la féodalité, ont travaillé à répandre l’égalité parmi les sujets, et à ce point de vue on peut dire que la révolution démocratique a commencé en France avec Philippe-Auguste ; mais n’est-ce pas changer singulièrement le sens des termes que d’appeler démocratie le règne et le progrès de la monarchie absolue ? […] A dire la vérité, la démocratie n’est dans le monde moderne que depuis les révolutions de France et d’Amérique. […] Sans doute, dans toutes les sociétés, il y a certaines institutions qui peuvent être mises à l’abri de la discussion par l’inquiétude jalouse de la société et par l’intérêt de la sécurité publique ; mais, à prendre les choses d’une manière générale et dans leur ensemble, on ne peut nier qu’au xviie siècle il n’y eût plus de liberté de pensée en Hollande qu’en France, qu’il n’y en ait plus aujourd’hui en Amérique qu’en Russie, et dans la France de nos jours que dans celle du moyen âge. […] La France, qui, depuis le xviiie siècle et surtout de nos jours, a les principaux caractères d’une société démocratique, a établi chez elle la liberté religieuse, et c’est une des conquêtes de 89 auxquelles elle est le plus attachée.
Ce fut le Lord Sommers & le Docteur Atterbury, depuis Evêque de Rochester & mort en France, qui voulurent enfin que l’Angleterre eût un Poëme épique. […] Mais en France ce Poëme singulier ne commença à être connu que par la traduction françoise qu’en donna M. […] Ce Poëte, le premier qui ait réuni en Angleterre la force du style à l’élégance des expressions, est aussi célébre en France que dans sa patrie. […] Les Saisons de Thompson ont autant réussi en France qu’en Angleterre. […] Les Poëtes comiques d’Angleterre sont Vicherlei qui connoissoit parfaitement les vices & les ridicules du grand monde, & qui les peignoit du pinceau le plus vrai & le plus ferme ; le Chevalier Vambrug qui a fait des Comédies encore plus plaisantes, mais moins ingénieuses ; Congreve qui n’a fait que peu de piéces, mais toutes excellentes ; le Chevalier Steele un des auteurs du spectateur ; Cibber moins connu en France, mais estimé en Angleterre, &c.
Mais la France, quel éclatant démenti n’a-t-elle pas donné aux expériences de l’histoire ! […] Il y a une chose que l’on désire avant tout, en France : c’est de n’être pas muet, et de pouvoir, comme on dit, placer son mot. […] Dans notre France, pays du bon sens, on prise par-dessus tout ce qui est fini. […] Napoléon redevient un grand homme, et reprend sa place dans les histoires de France. […] La louange a rendu la critique presque impossible en France.
écrasez cette philosophie destructive qui a ravagé la France, qui ravagerait le monde entier, si l’on n’arrêtait enfin ses progrès. […] Et enfin, ce qui est, non pas le plus grave, mais le plus frappant, et qui fera peut-être le plus réfléchir les prêtres catholiques : ainsi liée au gouvernement de la France, l’Église de France suit sa fortune. […] Elle était en France bourgeoise, irréligieuse et voltairienne. […] En 1830, il ne voit pas que la France est en République. […] Reste donc que la France devienne protestante ?
Nous, en France, dans la patrie de Diderot, nous en sommes réduits au volume de « Monsieur Naigeon ». […] L’une des raisons qui, certainement, en France, ont contribué le plus à discréditer l’éloquence du barreau, ç’a été sa prétention d’être de l’éloquence ! […] M. Anatole France ; c’est celle enfin où s’est rangé dans la dernière et magnifique édition qu’il a donnée du poète dont son nom ne se séparera plus, M. […] « On dit qu’il y a aujourd’hui trois poètes en France, écrivait M. […] Mais on ne saurait guère prétendre que Carlyle soit plus intéressant que Cromwell, Michelet que Napoléon, ni même tous les quatre ensemble que la France et que l’Angleterre.
Beaucoup plus que nous ne le voulons, beaucoup plus que nous ne le croyons, beaucoup plus que nous ne le disons tous formés par des habitudes scolaires, tous dressés par des disciplines scolaires, tous limités par des limitations et des commodités scolaires, nous croyons tous plus ou moins obscurément que l’humanité commence au monde moderne, que l’intelligence de l’humanité commence aux méthodes modernes ; heureux quand nous ne croyons pas, avec tous les laïques, avec tous les primaires, que la France commence exactement le premier janvier dix-sept cent quatre-vingt-neuf, à six heures du matin. […] Vous êtes entré dans la véritable France, celle qui a conquis et façonné le reste. […] Il ne faut pas trop se hasarder en conjectures, mais enfin c’est parce qu’il y a une France, ce me semble, qu’il y a eu un La Fontaine et des Français. » Mon Dieu oui ; seulement il y a une France pour tout le monde, la France luit pour tout le monde, et tous les Français, s’ils seront toujours français, ne sont pas La Fontaine ; je n’insiste pas sur toutes ces difficultés, sur toutes ces contrariétés ; je m’en tiens pour aujourd’hui à la forme même du connaissement ; la méthode ne se révèle pas dans toutes les œuvres modernes partout avec une aussi haute audace ; elle ne fait pas dans toutes les œuvres modernes partout l’objet d’une aussi manifeste déclaration que dans cet éminent La Fontaine ; elle est ailleurs plus ou moins dissimulée, plus ou moins implicite ; mais c’est essentiellement, éminemment, la méthode historique moderne, obtenue par le transport, par le transfert direct, en bloc, des méthodes scientifiques modernes dans le domaine de l’histoire ; l’auteur, en bon compagnon, commence par faire son tour de France ; il ferait son tour du monde, s’il était meilleur compagnon ; et quand il a fini son tour du pays, il commence l’autre tour, afin de ne point tomber par mégarde au cœur de son sujet, il commence le tour le plus cher à tout historien bien né, le tour des livres et des bibliothèques ; avec ce tour commencera le paragraphe deux. […] Car c’est un avantage capital de Taine, et que nul de ses ennemis ne songerait à lui contester, qu’il est net ; il ne masque point ses ambitions ; il ne dissimule point ses prétentions ; brutal et dur, souvent grossier, et mesurant les grandeurs les plus subtiles par des unités qui ne sont point du même ordre, il a au moins les vertus de ses vices, les avantages de ses défauts, les bonnes qualités de ses mauvaises ; et quand il se trompe, il se trompe nettement, comme un honnête homme, sans fourberie, sans fausseté, sans fluidité ; lui-même il permet de mesurer ce que nous nommons ses erreurs, et par ses erreurs les erreurs du monde moderne ; et dans les erreurs qui, étant les erreurs de tout le monde moderne, lui sont communes avec Renan, il nous permet des mesures nettes que Renan ne nous permettait pas ; nous lui devons la formule et le plus éclatant exemple du circuit antérieur ; je ne puis m’empêcher de considérer le circuit antérieur, le voyage du La Fontaine, comme un magnifique exemple, comme un magnifique symbole de toute la méthode historique moderne, un symbole au seul sens que nous puissions donner à ce mot, c’est-à-dire une partie de la réalité, homogène et homothétique à un ensemble de réalité, et représentant soudain, par un agrandissement d’art et de réalité, tout cet immense ensemble de réalité ; je ne puis m’empêcher de considérer ce magnifique circuit du La Fontaine comme un grand exemple, comme un éminent cas particulier, comme un grand symbole honnête, si magnifiquement et si honnêtement composé que si quelqu’un d’autre que Taine avait voulu le faire exprès, pour la commodité de la critique et pour l’émerveillement des historiens, il n’y eût certes pas à beaucoup près aussi bien réussi ; je tiens ce tour de France pour un symbole unique ; oui c’est bien là le voyage antérieur que nous faisons tous, avant toute étude, avant tout travail, nous tous les héritiers, les tenants, la monnaie de la pensée moderne ; tous nous le faisons toujours, ce tour de France-là ; et combien de vies perdues à faire le tour des bibliothèques ; et pareillement nous devons à Taine, en ce même La Fontaine, un exemple éminent de multipartition effectuée à l’intérieur du sujet même ; et nous allons lui devoir un exemple éminent d’accomplissement final ; car ces théories qui empoignent si brutalement les ailes froissées du pauvre génie reviennent, elles aussi, elles enfin, à supposer un épuisement du détail indéfini, infini ; elles reviennent exactement à saisir, ou à la prétention de saisir, dans toute l’indéfinité, dans toute l’infinité de leur détail, toutes les opérations du génie même ; chacune de ces théories, d’apparence doctes, modestes et scolaires, en réalité recouvre une anticipation métaphysique, une usurpation théologique ; la plus humble de ces théories suppose, humble d’apparence, que l’auteur a pénétré le secret du génie, qu’il sait comment ça se fabrique, lui-même qu’il en fabriquerait, qu’il a pénétré le secret de la nature et de l’homme, c’est-à-dire, en définitive, qu’avant épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail antérieur, toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail intérieur, en outre il a épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail de la création même ; la plus humble de ces théories n’est rien si elle n’est pas, en prétention, la saisie, par l’historien, par l’auteur, en pleine vie, en pleine élaboration, du génie vivant ; et pour saisir le génie, la saisie de tout un peuple, de toute une race, de tout un pays, de tout un monde. […] Ainsi sont nés La Fontaine en France au dix-septième siècle, Shakespeare en Angleterre pendant la Renaissance, Goethe en Allemagne de nos jours.
RODOLPHE TÖPFFER106 1841 Il est de Genève, mais il écrit en français, en français de bonne souche et de très-légitime lignée, il peut être dit un romancier de la France. […] Genève est le pays qui a envoyé et comme prêté au monde le plus d’esprits distingués, sérieux et influents : De Lolme à l’Angleterre, Le Fort à la Russie, Necker à la France, Jean-Jacques à tout un siècle, et Tronchin, Étienne Dumont, et tant d’autres, en même temps qu’elle en a recueilli et fixé chez elle un grand nombre d’éminents de toutes les contrées aux divers temps. […] Le grand historien helvétique, un des plus grands historiens modernes, le vrai peintre et comme le poëte épique des vieux âges, Jean de Muller, est de cette autre Suisse qui n’a point, entre l’Allemagne et elle, les mêmes barrières de croyances et de purisme que la Suisse française se sent à l’égard de la France. […] nous autres Français qui, en France et chez nous, distinguons si parfaitement les Gascons et croyons leur fixer leur part, une fois à l’étranger, nous faisons tous un peu l’effet de l’être. […] La plupart des hommes célèbres en France, s’ils n’y prennent garde, meurent au moral, dans un véritable état de dilapidation, j’allais dire pis.
Ce ne serait que Henri IV qui, descendu de Robert de France, sixième fils de Louis IX, aurait enfin fait rentrer la couronne dans la lignée directe du saint roi. » Le fait est qu’une quarantaine d’années après la mort ou la prétendue mort de ce petit roi Jean, parut en France un aventurier qui se donna pour lui, qui raconta toute une histoire romanesque à laquelle plusieurs puissances et personnages politiques d’alors ajoutèrent foi, notamment Rienzi. […] Il a emprunté (pour ne pas dire plus) à Hoffmann, alors peu connu en France, un conte qu’il a intitulé Olivier Brousson, sans dire d’où il l’avait pris.
Enfin Malherbe vint ; &, le premier en France, Fit sentir dans les vers une juste cadence, D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Et réduisit la muse aux règles du devoir, &c. […] Son compatriote, & son admirateur Ségrais, fit exécuter, en pierre, sa statue plus grande que le naturel, & graver sous un marbre noir ces quatre vers : Malherbe, de la France éternel ornement, Pour rendre hommage à ta mémoire, Ségrais, enchanté de ta gloire, Te consacre ce monument.
Si, pour Marie-Thérèse et pour le chancelier de France, ce ne sont plus les mouvements des premiers éloges, les idées du panégyriste sont-elles prises dans un cercle moins large, dans une nature moins profonde ? […] … ou bien était-ce comme un travail de la France, prête à enfanter le règne miraculeux de Louis196 ?
Ces quatre causeries n’ont jamais été publiées en France. […] Il était au ton de la France. […] Et voilà de quelle façon l’esthétique de Shakespeare s’installe en France. […] Moins français qu’européen, et moins européen qu’universel, il fait d’autant plus honneur à la France. […] Mais il y a encore beaucoup de catholiques en France, — et un fond catholique permanent.
On a supposé — et non pour la France seulement — que des cantilènes lyrico-épiques plus brèves et de rythme plus rapide avaient précédé les vastes narrations épiques, et par une application du système de Wolff qui longtemps a été en faveur pour les poèmes homériques, on a soutenu que les chansons de geste n’étaient que des cantilènes cousues ensemble. […] Mais si nous regardons la France du xie siècle, tout est vrai : les armes, les costumes, les mœurs, les sentiments. […] Mais dans sa grossièreté, notre France féodale et chrétienne a un principe de grandeur morale que la Grèce artiste et mythologue n’a pas connu. […] Ce ne sont que rixes et meurtres, chevauchées, combats, sièges, massacres, pillages, fausse paix et traîtresses attaques : toute la France, des Landes jusqu’en Lorraine et de Lyon à Cambrai, est remuée, divisée, dévastée par la rivalité qui anime les familles de Hardré le Bordelais et Hervis le Lorrain. […] Paris, 1833-36 ; 3e vol., 1846. — À consulter (sur la geste des Lorrains) : Histoire littéraire de la France, t.
Cette maison était occupée par l’ambassadeur de France et ensuite par le résident. […] Le résident de France, homme rempli de toutes sortes de connaissances, est parti d’ici avec bien du regret de ne vous pas connaître. […] Hennin, Résident de France à Vienne. […] Je laisse d’excellents amis derrière moi ; j’en ai quelques-uns à Vienne, quelques autres en France. […] Au Port-Louis de l’île de France, ce 6 décembre 1768.
Lorsque Bourdaloue parut dans la chaire (1670), un grand événement excitait au plus haut degré l’intérêt dans l’Église de France : les querelles envenimées entre ceux qu’on appelait jansénistes et le pouvoir temporel et spirituel, l’espèce de proscription qui avait mis quelques-uns des principaux chefs du parti à la Bastille, et qui avait dispersé les autres en tous sens, venaient tout d’un coup de s’apaiser ; Rome elle-même avait donné le signal de cette indulgence ; il y avait la paix de l’Église, qui ne devait être qu’une trêve. […] Mme de Termes disait plus tard des portraits de Bourdaloue : « Pour ses portraits, il est inimitable, et les prédicateurs qui l’ont voulu copier sur cela n’ont fait que des marmousets. » — Tout est mode en France, a dit l’abbé d’Olivet : les Caractères de La Bruyère n’eurent pas plus tôt paru que chacun se mêla d’en faire ; et je me souviens que, dans ma jeunesse, c’était la fureur des prédicateurs, mauvaises copies du père Bourdaloue. […] Le théologien et futur évêque anglican Burnet, qui était venu en France peu de temps auparavant (1683), et qui y avait vu les hommes les plus distingués en doctrine et en piété (sans oublier M. de Tréville qui venait de reparaître dans le monde), n’avait pas manqué de chercher Bourdaloue : Je fus mené par un évêque, dit-il, aux Jésuites de la rue Saint-Antoine ; j’y vis le père Bourdaloue, estimé le plus grand prédicateur de son temps et l’ornement de son ordre. […] [NdA] On m’indique dans la Revue d’Édimbourg (décembre 1826) un article sur « L’éloquence de la chaire », qui paraît être de lord Brougham : Bourdaloue y est mis fort au-dessus de Bossuet par une suite de raisons qui, toutes bien déduites qu’elles sont, prouvent seulement le genre de goût et de préférence de la nation et du juge : en France, c’est le sentiment immédiat qui nous décide, et dans le cas présent il n’hésite pas.
Il écrivait beaucoup, et les papiers qu’on a de lui sont considérables ; entre autres ouvrages, il a laissé un livre de Considérations sur le gouvernement de la France, qui a circulé longtemps et a été lu en manuscrit avant d’être imprimé. […] Présent à la victoire de Fontenoy, il en écrivit une relation à Voltaire, qui avait pour lors titre et fonction d’historiographe de France, et qui était son ancien ami de collège. […] Ceux de ses écrits qui ont été publiés après sa mort n’ont pu que confirmer cette idée ; les Considérations sur le gouvernement de la France, qui parurent en 1764 dans, une édition très fautive, et dont on refit en 1784 une édition qui passe pour meilleure, justifièrent aux yeux du public les éloges de Rousseau et de Voltaire, et montrèrent M. d’Argenson comme le partisan éclairé et prudent d’une réforme au sein de la monarchie et par la monarchie, d’une réforme sans révolution. […] Ce fut un marché, dont plus tard la France paya les frais : Cela fut bientôt conclu.
De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Il confondait dans sa pensée cette gloire personnelle et celle de la France. […] qui oserait soutenir que d’avoir donné à la France une suite de frontières où Douai, Lille, Cambrai, Valenciennes, Saint-Omer, n’étaient plus à l’ennemi, où Besançon et la Franche-Comté nous étaient acquis, où Strasbourg nous couvrait vers le Rhin, où la Lorraine dans un avenir prochain nous était assurée, qui oserait dire que d’avoir obtenu ce résultat, d’avoir extirpé du sein du royaume toutes ces enclaves étrangères, ces bras de polypes qui essayaient en vingt endroits d’y pénétrer, d’avoir fait, selon l’expression de Vauban, son pré carré , et d’avoir pu désormais tenir son quartier de terre des deux mains, ce ne soit pas avoir compris les conditions essentielles du salut et de l’intégrité de la noble patrie française ? […] La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais, en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère, si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur. » Honneur et vertu !
» Il y a une seule chose en France dont on ne paraît pas près de se déshabituer et de se lasser, c’est d’entendre dire du bien de Molière. […] Désormais on est en France pour Molière comme les Anglais pour Shakespeare. […] Pour comble d’à-propos, la France, participant tout entière à cette ébullition fantasque (la Fronde) qui avait commencé à Paris, s’étalait palpitante sous le regard curieux qui l’étudiait. […] Enfin, tant aimer Racine, c’est risquer d’avoir trop de ce qu’on appelle en France le goût et qui rend si dégoûtés.
On ne peut apprécier ce maître par ce que nous avons en France. […] Il hanta la taverne ; il étudia sur place et chez eux les voleurs, si différents de ceux de France, les filous (pick pockets) à figures si aiguës, si tranchées, les boxeurs au type animal et féroce : l’un d’eux, le fameux boxeur Smith, flatté de tant d’attention, lui offrit son amitié. […] Malgré le grand nombre de dessins envoyés par lui à l’Illustration et la série des Anglais chez eux, on ne connaît que très imparfaitement en France cette branche exotique de l’œuvre de Gavarni. […] Quand il revint en France, sur la fin de l’été de 1851, il était riche d’observations, plein de sujets, plus que jamais rompu à la science du dessinateur, capable d’oser et d’entreprendre en dehors même du champ aimable et si varié qu’on lui avait reconnu jusque là pour son domaine.
Au moment le plus beau et le moins endommagé encore de son règne, Louis XVI, pénétré de la lecture des Voyages de Cook et jaloux pour la France de cette gloire des conquêtes géographiques, voulut donner lui-même à Laperouse, en le chargeant d’une expédition lointaine, des instructions en quelque sorte morales, et, dans sa sollicitude de philanthrope, il les rédigeait ainsi : « Si des circonstances impérieuses, qu’il est de la prudence de prévoir, obligeaient jamais le sieur de La Peyrouse à faire usage de la supériorité de ses armes sur celles des peuples sauvages, pour se procurer, malgré leur opposition, les objets nécessaires à la vie, telles que des subsistances, du bois, de l’eau, il n’userait de la force qu’avec la plus grande modération et punirait avec une extrême rigueur ceux de ses gens qui auraient outrepassé ses ordres. […] que son frère Joseph vînt en France, qu’il accablât de questions les époux, qu’il morigénât son royal beau-frère, pour qu’un tel état de choses cessât. […] On veut agir, mais non comme il le voudrait et selon la devise : Tout par la France et rien qu’avec la France ; non en faisant de la Révolution et de la restauration même du pouvoir royal une vaste querelle domestique, patriotique, sans intervention d’aucun voisin : au contraire, on ne cesse d’avoir son arrière-pensée, on fait toujours entrer l’étranger, sa menace du moins et sa pression, pour une part essentielle dans les projets d’avenir.
Quelque idée qu’en aient pu donner en France ceux qui l’ont vue ici, on sera surpris du ton de bonté, d’affabilité, de gaîté qui est peint sur cette charmante figure. […] J’ai commencé l’histoire de France, mais je ne m’en suis servi que comme d’un canevas sur lequel je pouvais broder tous les objets dont la connaissance est nécessaire dans le cours ordinaire de la vie. […] Comme la question de l’écriture est devenue assez importante à cause des correspondances précoces qu’on a supposées de sa part, voici ce que l’abbé de Vermond disait dans la même lettre, quelques mois avant le départ de la jeune dauphine pour la France : « Mme l’archiduchesse parle aisément et assez passablement français. […] Il est au fond assez naturel que cette princesse qui, étant arrivée si jeune en France, a pris tout à fait le ton et les goûts de la nation, cherche et trouve du plaisir à la fréquentation de ce qu’on appelle dans ce pays-là bonne compagnie.
L’Europe, au sortir des troubles religieux et à travers les phases de la guerre de Trente ans, enfantait laborieusement un ordre politique nouveau ; la France à l’intérieur épuisait son reste de discordes civiles. […] On sent que, par tournure d’esprit comme par position, ils sont bien plus voisins de la France d’avant Louis XIV, de la vieille langue et du vieil esprit français ; qu’ils y ont été bien plus mêlés par leur éducation et leurs lectures, et que, s’ils sont moins appréciés des étrangers que certains écrivains postérieurs, ils le doivent précisément à ce qu’il y a de plus intime, de plus indéfinissable et de plus charmant pour nous dans leur accent et leur manière. […] Mlle de Sévigné figurait, dès 1663, dans les brillants ballets de Versailles, et le poëte officiel, qui tenait alors à la cour la place que Racine et Boileau prirent à partir de 1672, Benserade, fit plus d’un madrigal en l’honneur de cette bergère et de cette nymphe qu’une mère idolâtre appelait la plus jolie fille de France. […] Depuis que ces pages sont écrites, j’ai eu souvent l’occasion de remarquer tout bas avec bien du plaisir qu’on exagérait un peu cette ruine de l’esprit de conversation en France : sans doute l’ensemble de la société n’est plus là, mais il y a de beaux restes, des coins d’arrière-saison.
Quant à lui, qui probablement eût fait de même s’il se fût trouvé avec eux, il se vit, en débarquant en Catalogne, jeté dans un groupe tout différent ; il y rencontra des militaires la plupart étrangers, bien qu’ayant fait partie autrefois des armées de l’Empire, des Italiens, des Polonais, qui n’étaient liés par aucun scrupule envers la France du drapeau blanc. […] Dans un des articles sur la guerre d’Espagne que Carrel inséra en 1828 à la Revue française, il a raconté avec intérêt et vivacité l’épisode de ce petit corps étranger dont il faisait partie, ses combats, ses vicissitudes, et sa presque extermination devant Figuières ; les quelques débris survivants n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés (16 septembre 1823) : « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant général espère l’obtenir. » Rentré en France à la suite de cette capitulation avec l’épée et l’uniforme, Carrel se vit arrêté à Perpignan et traduit devant un conseil de guerre. […] Il est évident, dès les premières lignes, que c’est une leçon à l’usage de la France que l’historien a voulu donner. […] Cette phrase, qui mettait la pensée trop à découvert, et qui indiquait trop nettement pour la France la solution d’Orléans comme le dénouement naturel de la lutte engagée, était d’abord dans l’introduction de l’ouvrage ; elle fut supprimée, et on fit un carton dans lequel elle ne se retrouve pas.
Jordan, né à Berlin en 1700, avait douze ans de plus que le roi ; sa grande passion était pour les livres et pour les miscellanées littéraires, pour ce genre d’érudition ou de critique qui était une continuation et comme un débris du xvie siècle, et qui, remplacé chez nous par une culture plus brillante au début du règne de Louis XIV, ne subsistait plus dans tout son honneur que hors de France, en Hollande, à Genève, à Berlin. […] D’une santé délicate, d’un cœur aimant, ayant perdu une épouse qui lui était chère, et au retour d’un voyage de consolation et d’étude qu’il avait fait en France, en Angleterre et en Hollande, il attira l’attention de Frédéric, alors prince royal, qui se l’attacha. […] Il explique assez au long à Jordan les raisons qu’il a eues de faire sa paix séparément de la France, et il lui donne la clef de sa morale de souverain : chez un souverain, c’est l’avantage de la nation qui fait la règle et qui constitue le devoir : « pour y parvenir, il doit se sacrifier lui-même, à plus forte raison ses engagements, lorsqu’ils commencent à devenir contraires au bien-être de ses peuples ». […] L’impératrice de Russie meurt, et le nouvel empereur se déclare pour lui ; cela fait péripétie dans la situation : « Je me reviens, dit-il, comme un mauvais auteur qui, ayant fait une tragédie embrouillée, a recours à un dieu de machine pour trouver un dénouement… ; — trop heureux, après sept actes, de trouver la fin d’une mauvaise pièce dont j’ai été acteur malgré moi. » Une place pas la gloire plus haut ; il ne monte pas au Capitole plus fièrement que cela : — « Je soupire bien après la paix, mon cher Milord ; ballotté par la fortune, vieux et décrépit comme je le suis, il n’y a plus qu’à cultiver mon jardin. » — Jean-Jacques Rousseau, sur ces entrefaites, poursuivi en France pour l’Émile, s’était réfugié dans la principauté de Neuchâtel.
M. Anatole France a dit quelque part (en substance) que les poètes trouvaient leurs rythmes, et se forgeaient leur langue, assez inconsciemment, et qu’ils étaient disgracieux, s’essoufflant à démonter les rouages de leur strophe ; c’est fort possible, et il faut émettre en principe qu’on fait d’abord ses vers, et qu’on s’en précise ensuite la rythmique. […] Je sais bien qu’en France il fut longtemps plus difficile de discuter le sonnet que la loi de la gravitation universelle, d’attenter aux Trois Unités qu’à la liberté politique ; mais les temps viennent toujours. […] La publication de ces vers fut immédiatement suivie, en Belgique et en France, de poèmes conçus selon des formes voisines. […] M. Anatole France et M.
Édelestand du Méril, l’auteur très connu en Allemagne, à peu près inconnu en France, de la Poésie scandinave, des Essais philosophiques sur les formes et sur le principe de la versification en Europe et sur la formation de la langue française, et d’une foule d’ouvrages philologiques d’une érudition très vaste et très sûre, est un des plus acharnés travailleurs de ce siècle, qui se vante de ses travailleurs ! […] En France, l’a-t-elle seulement fait membre de cette Académie des Inscriptions qui donne aux philologues les Invalides, mais qui ne les donne que quand on l’est, et du Méril, certes ! […] En France, pays de l’action, où les idées sont toujours des hommes, qui n’est pas personnel n’est pas Français. Il ne me surprend pas que la réputation d’Édelestand du Méril soit plus grande en Allemagne qu’elle n’est en France.
Il les écrivit de 1794 à 1796, la date à peu près de ces Considérations sur la France, à l’explosion tardive, et qui mirent, comme le canon et plus que le canon, un intervalle entre leur lumière et leur bruit. […] IV On lira donc ce volume attardé après les chefs-d’œuvre des Soirées de Saint-Pétersbourg, du Pape, de l’Examen de la philosophie de Bacon, des Considérations sur la France, et on n’éprouvera nullement l’affadissement que causent les livres faibles après les livres forts. […] Soit qu’elles s’appellent : Fragment sur la France, Bienfaits de la Révolution, Études sur la Souveraineté, L’Inégalité des conditions, Du Protestantisme et de la Souveraineté encore, c’est toujours le même problème, posé dès qu’il a pensé, je crois, et que de Maistre a passé sa vie à retourner sur toutes les faces. […] Ses Discours sur Tite-Live, à lui, furent les Considérations sur la France, et cette méditation éternelle de la Révolution française à laquelle il retombait toujours, de toutes les pentes de la métaphysique, qu’il aimait à monter appuyé sur l’Histoire.
Les deux premiers volumes de La Démocratie en Amérique (1835), qui, d’emblée, obtinrent à leur auteur tous les suffrages non seulement en France, mais dans les deux mondes avaient le mérite de faire très bien connaître la constitution américaine et l’esprit de ce peuple, de cette société neuve, en même temps que d’y joindre de fortes réflexions, de fines remarques à l’adresse des sociétés modernes et de la France en particulier. […] L’Amérique, depuis près de dix ans qu’il l’a quittée, n’est plus qu’un prétexte pour l’auteur ; elle n’est qu’un prête-nom, et c’est aux sociétés modernes en général, et à la France autant qu’à l’Amérique, qu’il s’adresse.
Jeune, jolie, irréprochable, la comtesse de Boigne, rentrée en France, tenait avec distinction le salon de son père, et les étrangers qui visitaient Paris vers 1809 parlaient déjà d’elle comme d’une des personnes les plus sérieuses jusque dans son amabilité. Au commencement de la Restauration, elle accompagna son père, ambassadeur à Turin et à Londres ; elle présidait avec goût au cercle diplomatique et politique qui se formait naturellement chez l’ambassadeur de France ; elle ne permettait même pas qu’on s’aperçût, vers la fin, de la fatigue de l’âge chez le marquis d’Osmond, tant elle s’entendait avec discrétion aux grandes affaires. Revenue en France, son salon fut des plus brillants, des mieux informés toujours.
Vers la fin du xviiie siècle, en France, et à ne considérer que l’ensemble de la littérature régnante, l’étude de l’antiquité avait singulièrement baissé. […] oissonade cette fine parole du Comique ancien : « Non, tu ne me persuaderas pas, non, quand même tu me persuaderais. » L’interruption des études causée en France par la Révolution y ramena une sorte de renaissance ; l’antiquité un moment refoulée et comme anéantie reparut avec un éclat et une autorité qu’elle n’avait pas eus à la veille de la catastrophe. […] Cependant, au milieu de ces développements pleins d’éclat et de cette restitution opérée dans les dehors de la littérature, il restait beaucoup à faire au dedans pour les études positives, et chez un grand nombre d’esprits, comme il arrive si souvent en France, le sentiment allait plus vite que la connaissance et le labeur.
. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] Vous êtes entré dans la véritable France, celle qui a conquis et façonné le reste. […] Il ne faut pas trop se hasarder en conjectures, mais enfin c’est parce qu’il y a une France, ce me semble, qu’il y a eu un La Fontaine et des Français.
Il faudrait admettre que Bossuet, s’il était né en Chine, aurait composé les mêmes sermons qu’en France à la cour du grand roi. […] Sans insister sur les précautions qu’il convient de prendre, disons que la formule cherchée, pour être complète et féconde, doit répondre à cette définition 16 : « L’analyse d’un caractère, si elle est bien faite, donne un air de nécessité à tous les actes d’un homme. » § 3. — On inaugure en ce moment en France un troisième procédé d’étude qui consiste à déterminer directement les facultés, les habitudes, les particularités d’un individu. […] En considérant la vie de Jean-Jacques, par exemple, quand nous le voyons balbutier et rougir de timidité, souffrir atrocement pendant son séjour aux Charmettes d’une maladie à demi imaginaire, embrasser la terre au moment où, chassé de France, il franchit la frontière suisse, fondre en larmes à tout propos, nous avons une preuve de plus qu’une de ses facultés dominantes et probablement sa faculté maîtresse était bien, comme ses ouvrages nous l’avaient déjà révélé, une sensibilité excessive, et nous redisons sans hésiter le mot que lui adressait le marquis de Mirabeau : « Vous avez l’âme écorchée. » — Tantôt, au contraire, nous découvrons une contradiction entre ce qu’un homme a fait et ce qu’il a dit ou écrit.
Il est bien remarquable, en effet, que tandis qu’en France nos plus volumineuses physiologies278 se bornent généralement à réimprimer sur ces questions quelques phrases de Condillac, les physiologistes anglais sont au courant des plus récents travaux psychologiques et y contribuent pour leur part. […] On ignore généralement en France que depuis environ quinze ans, il s’est produit en Allemagne des travaux remarquables sur la psychologie, considérée als Naturwissenschaft285. […] Elle suffit à montrer combien les études psychologiques sont plus vigoureuses et plus variées en Angleterre qu’en France.
C’est ainsi que M. de Montalembert, devenu à l’improviste pair de France tout à la veille de l’abolition de l’hérédité, fit ses débuts d’orateur à la barre de la noble Chambre en septembre 1831, à l’âge de vingt et un ans, et en qualité d’accusé. […] Jusque-là, en France, tout homme qui ne disait pas : Je ne suis point catholique, était censé l’être. […] En répétant sans cesse : Nous autres catholiques, au lieu de dire : Nous tous catholiques, comme on faisait auparavant ; en se représentant lui et les siens comme dans un état d’oppression criante et d’isolement, il donna à penser que le catholicisme en France pourrait n’être bientôt plus qu’un grand parti, une grande secte.
C’est pourquoi il faut, en France, traduire Shakespeare. […] En France surtout, nous l’avons dit, la littérature tendait à faire caste. […] Nous nous rappelons avoir entendu dire en pleine académie, à un académicien mort aujourd’hui, qu’on n’avait parlé français en France qu’au dix-septième siècle, et cela pendant douze années ; nous ne savons plus lesquelles.
On y voit rapprochées, dans la plus étonnante confusion, les sociétés les plus disparates, les Grecs homériques mis à côté des fiefs du xe siècle et au-dessous des Bechuanas, des Zoulous et des Fidjiens, la confédération athénienne à côté des fiefs de la France du xiiie siècle et au-dessous des Iroquois et des Araucaniens. […] La France, depuis ses origines, a passé par des formes de civilisation très différentes ; elle a commencé par être agricole, pour passer ensuite à l’industrie des métiers et au petit commerce, puis à la manufacture et enfin à la grande industrie. […] Le Japon pourra nous emprunter nos arts, notre industrie, même notre organisation politique ; il ne laissera pas d’appartenir à une autre espèce sociale que la France et l’Allemagne.
Ne répondez pas Allemagne — quand on vous parle France. La France, elle, c’est bien une nation, une unité — longtemps déjà avant la Révolution. […] Il fut un temps où la France aussi était féodale, et tout entière — esprit de localité.
Dans tous les pays, mais principalement en France, les mots ont chacun, pour ainsi dire, leur histoire particulière ; telle circonstance frappante a pu les ennoblir, telle autre les dégrader. […] De nos jours, si le pouvoir absolu d’un seul s’établissait en France, il nous manquerait ce recours à des idées majestueuses, à des idées qui, planant sur l’espèce humaine entière, consolaient des hasards du sort ; et la raison philosophique opposerait moins de digues à la tyrannie, que l’indomptable croyance, l’intrépide dévouement de l’enthousiasme religieux.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois. […] « C’est précisément ce que je vous dis : c’est au nom de la philosophie, de l’humanité, de la liberté, c’est sous le règne de la raison qu’il vous arrivera de finir ainsi ; et ce sera bien le règne de la raison, car elle aura des temples, et même il n’y aura plus dans toute la France, en ce temps-là, que des temples de la raison… Vous, monsieur de Chamfort, vous vous couperez les veines de vingt-deux coups de rasoir, et pourtant vous n’en mourrez que quelques mois après.
Il ne cachait point sa haine de la France et des choses françaises ; il proscrivait de sa table les mets et les vins de notre pays et pourchassait notre langue jusque dans les menus de ses dîners. […] Et, ce qui est tout à fait remarquable, c’est que, cherchant les moyens de remplir sa mission de chef absolu d’un grand peuple, l’Empereur a appelé à ses conseils des républicains de France, dont un jacobin et un anarchiste.
C’est que son éducation, formée à toutes les universelles beautés, s’est compliquée, dans l’adoration, à Bayreuth, de Wagner ; en Allemagne et en Italie, des très merveilleux primitifs ; à Londres, des préraphaélites ; et, en France, de la lecture approfondie de Verlaine, de Villiers, de Dierx, de Hugo, de Baudelaire. […] Van Bever Disciple fervent de la Beauté, il le fut non moins de la Justice, et pendant que ses vers, en France, faisaient le charme d’une élite, il organisait les groupes socialistes américains à New York.
Quelque disposé que l’on soit à bien penser de son siècle et de son pays, que voulez-vous pourtant qu’on augure de la vitalité intellectuelle de la France au xixe siècle en face de ces publications, dont les unes, comme ces nombreux traités de chimie, de physique, d’agriculture, d’hydraulique, de droit élémentaire, etc., etc., qui encombrent les catalogues de librairie, ne sont que de grossières spéculations faites sur l’ignorance qui veut se décrasser, et dont les autres… de quel nom les nommer, si ce n’est du leur, pour caractériser leur abjecte médiocrité ? […] Àpeine un livre grave, au moins d’intention, comme Du pouvoir en France, par Wallon, ou Des forces productives de la Russie, par Tegoborski Le reste n’est que vocabulaires, annuaires, réimpressions prétentieuses d’articles de journaux qui n’ont pas la pudeur spirituelle de rester oubliés.
Il faut du courage, en France, pour dire ce qu’on a vu île bien hors de nos frontières. […] Le bourgeois de France se marie tard. […] M. Anatole France. […] Encore est-il dangereux, surtout en France, d’aller directement à l’encontre de la raison. […] Henri Lechat, qui, le premier en France, souhaita la bienvenue à ces poupées exotiques.
Poujoulat, rédacteur à la Gazette de France. […] Elle avait contre elle l’Europe, et elle n’avait pas toute la France pour elle… Eh bien, ils verront ! […] Mais il s’agit de la France, de son existence, de ses destinées. […] Et quel est « le nom écrit par la France sur le seuil de deux mers » ? […] La France était puissante encore ; son hégémonie intellectuelle était incontestée dans toute l’Europe.
M. Anatole France, M. […] M. Anatole France et Renan lui-même. […] Elle est même de tradition en France. […] Récemment encore, dans un fascicule de son Histoire de France, M. […] Il exprime cette philosophie saine et modérée, traditionnelle en France.
Je puis fixer à mon gré le jour de mon départ, ma route en France et en Italie, et même, ce que je n’aurais pas osé demander, le jour de mon arrivée. […] Nombre de lettres à sa mère, à ses amis de France, sont datées de là et nous rendent fidèlement ses impressions. […] L’Université, cette autre famille, conservera sa mémoire : oui, tant qu’il y aura une Université en France, on y citera avec honneur le nom de Gandar. […] Siben nommé précédemment, un enfant de Metz : après avoir été ingénieur des ponts et chaussées en France, il a construit le chemin de fer de Florence à Bologne ; il est aujourd’hui à Gênes à titre de directeur des chemins de fer liguriens. […] Letronne, érudit et archéologue, faisait un bon cours au Collège de France.
Je parle à Carrière de la dépopulation de la France. […] » Vendredi 17 février Dire — c’est indéniable — que pendant près de vingt ans, les trois maîtres absolus de la France ont été Reinach, Cornélius Hertz, Arton, et que la France, éclairée sur ces trois personnages, garde pour se gouverner, le personnel de leurs administrations, de leurs bureaux ! […] Et ce n’est pas l’Exposition qu’il va voir, il va surprendre Hayashi, et lui enlever tout le dessus du panier des impressions japonaises, qu’il doit rapporter en France, après l’Exposition. […] Il signalait la dépression morale, qu’à la longue amenait l’état du condamné, disant qu’il était arrivé à ne plus parler, et qu’à sa rentrée en France, il était resté, pendant des années, silencieux, muet. […] Il n’a pas encore trouvé pour le livre, un éditeur en France, mais il ne doute pas d’en trouver en Amérique.
Avant 89, il y avait en France un très-réel commencement de romantisme, une veine assez grossissante dont on est tout surpris à l’examiner de près : les drames de Diderot, de Mercier, les traductions et les préfaces de Le Tourneur, celles de Bonneville. […] L’abandon des provinces illyriennes le ramena en France, à Paris, ce centre final d’où jusque-là il avait toujours été repoussé. […] Nodier, revenu en France, avait trente ans passés ; il doit être mûr ; le voilà au centre ; une nouvelle vie mieux assise et plus en vue de l’avenir pourrait-elle commencer ? […] En somme, il m’est évident que Nodier se trouve originellement en France de cette famille poétique d’Hoffmann et des autres, et que s’il répond si vite sur ce ton au moindre appel, c’est qu’il a l’accent en lui. […] Taylor, par les descriptions de provinces auxquelles il prit une part effective au moins au début, il poussait à l’intelligence du gothique, au respect des monuments de la vieille France.
Ce fut une époque de grands désastres généralement pour tous, à cause de la révolution sans pareille qui éclata en France vers la moitié de cette année, et qui se répandit comme un vaste incendie dans l’Europe entière et même au-delà. […] Le gouvernement romain ne s’opposa point à sa marche ; Consalvi est arrêté, Pie VI est emmené à Sienne ; de là à la Chartreuse de Florence, puis à Briançon, en France. […] « Je renonce à rapporter ici le gracieux accueil qu’il me fit, la manière dont il agréa mon attachement à sa personne sacrée, et ce qu’il me dit de Rome, de Naples, de Vienne, de la France, et de la conduite tenue par ceux qu’il devait regarder comme les plus attachés et les plus fidèles de ses serviteurs. […] Mais alors le plénipotentiaire de France demanda expressément au premier ministre du grand-duc de me renvoyer sans retard. […] Elle arriva le 29 août 1799 à Valence, en France, où le Directoire l’avait fait traîner sans avoir égard à sa décrépitude et à ses incommodités si graves.
Elle passa inaperçue en France. […] Achevé hier le 3e vol. de l’Histoire de France, de Michelet. […] Histoire de France 4e, 5e et 6e volumes. […] La religion, en France, était entourée d’un grand respect. […] Ailleurs la religion, le catholicisme même, peut s’humaniser sans se compromettre ; en France une barrière sacrée séparera toujours, dans tous les genres, le sérieux du familier ; ils se mêlent ailleurs, en France ils s’excluent.
N’est-ce point un phénomène de ce genre qui s’est produit en France depuis vingt-cinq ou trente ans ? […] Quelqu’un l’a dit spirituellement : en France, rien ne réussit comme le succès. […] Mais en France, quand les grandes fortunes territoriales ont à peu près disparu, moins encore sous la main violente des révolutions que sous l’action insensible des mœurs et des lois ; en France, où la terre se morcelle incessamment et s’en va chaque jour en poussière ; en France, où le tiers-état, la bourgeoisie, c’est-à-dire la masse de la nation, s’est élevée et enrichie par son travail et son intelligence ; — dire de telles choses en France, n’est-ce pas insulter à l’histoire et calomnier son propre pays ? […] Plus tard, René et Obermann traduisaient en France, sous une forme plus précise encore, les mêmes sentiments et les mêmes pensées. […] « Ô France, disait éloquemment Mme de Staël il y a déjà un demi-siècle, ô France, terre de gloire et d’amour !
On sait ce qui arriva aussi en France et ce qui s’ensuivit. […] Toussenel prétend que ce sont les nez rouges qui ont sauvé la France. Et sauver la France, c’est sauver le monde. […] Nous n’avons pas idée en France des dimensions de la publicité à laquelle un livre sympathique peut arriver en Allemagne. […] Qu’on juge par là combien est artificielle et à la surface, la vie artistique et littéraire dans notre pauvre France.
Le 13 mars 1820, c’est la poésie lyrique qui venait de naître en France. […] Il voyage en Orient, il a frété un vaisseau à ses frais, et les populations de là-bas, éblouies, en le voyant passer, disent que c’est le grand pacha de France. […] Nous aimons beaucoup l’esprit en France — on l’aime partout, — et il faut bien dire que les romantiques avaient manqué d’esprit. […] La poésie épique, la France, depuis le xvie siècle, essayait de la retrouver. […] J’ai essayé, comme vous l’avez vu, de vous donner une vue d’ensemble de la poésie lyrique en France, au xixe siècle.
Au seizième siècle, c’est l’Italie qui agit sur la France, par une sorte de greffe ou d’inoculation. […] La France dans Voltaire, dans Molière, dans La Fontaine et dans Mme de Sévigné ? […] C’est que, chez ces peuples, toutes les classes privilégiées consomment les vins de France. […] En France même, sitôt qu’il règne, comme on a mal aux nerfs ! […] il y a en effet aussi, en France, nombre de gens qui parlent faux.
, Goethe docteur en droit, beau, noble, aimable, après de fortes et libres études commencées à Leipzig, continuées à Strasbourg, et ayant su résister dans cette dernière ville à l’attraction vers la France, est rappelé à Francfort sa cité natale, et de là il est envoyé par son père à Wetzlar en Hesse pour se perfectionner dans le droit et y étudier la procédure du tribunal de l’Empire ; mais en réalité, et sans négliger absolument cette application secondaire, il est surtout occupé de lire Homère, Shakespeare, ou de se porter vers tout autre sujet « selon que son imagination et son cœur le lui inspireront ». […] J’ignore s’il les obtint toutes ; il faudrait pour cela comparer entre elles les diverses éditions de Werther, comme nous le faisons aujourd’hui en France pour nos Manon Lescaut et nos La Bruyère. […] Poley, anciennement attachée à la légation de Prusse, qui appartient à l’Allemagne par la langue et à la France par un long séjour, à traduit cette correspondance comme il est à souhaiter qu’on fasse toujours pour ces sortes d’ouvrages : ce qui importe en effet, c’est bien moins d’éviter quelques incorrections de style que de conserver la parfaite exactitude et le caractère de l’original : et c’est à quoi M. […] [NdA] En France, nous n’avons longtemps connu Werther que par ce côté exagéré et faux. […] Émile Montégut, pourqu’on arrivât en France à une interprétation si intime, si complète dans le meilleur sens, et à la fois si exempte de danger.
Sur ces échanges, on voit, à Nantes, à Bordeaux, se fonder des maisons colossales. « Je tiens Bordeaux, écrit Arthur Young, pour plus riche et plus commerçante qu’aucune ville d’Angleterre, excepté Londres… Dans ces derniers temps, les progrès du commerce maritime ont été plus rapides en France qu’en Angleterre même. » Selon un administrateur du temps, si les taxes de consommation rapportent tous les jours davantage, c’est que depuis 1774 les divers genres d’industrie se développent tous les jours davantage562. […] Et qu’est-ce que la cour, sinon la tête de cette immense aristocratie qui couvre toutes les parties de la France, qui, par ses membres, atteint à tout, et exerce partout ce qu’il y a d’essentiel dans toutes les parties de la puissance publique ? […] Il est si doux, si enivrant, pour l’homme qui, de toute antiquité, a subi des maîtres, de se mettre à leur place, de les mettre à sa place, de se dire qu’ils sont ses mandataires, de se croire membre du souverain, roi de France pour sa quote-part, seul auteur légitime de tout droit et de tout pouvoir Conformément aux doctrines de Rousseau, les cahiers du Tiers déclarent à l’unanimité qu’il faut donner une constitution à la France ; elle n’en a pas, ou, du moins, celle qu’elle a n’est pas valable. […] À quoi bon les études sur l’ancienne France ? […] Geffroy, Gustave III et la cour de France, « Paris, avec son esprit républicain, applaudit ordinairement ce qui est tombé à Fontainebleau. » (Lettre de Mme de Staël, du 17 septembre 1786.)
Reste à savoir aussi comment les spectateurs s’accommoderaient de ce nouveau système ; car enfin les révolutions littéraires et même politiques ne s’accomplissent parfaitement en France, que lorsqu’elles sont ou secondées ou tolérées par la multitude ; et les étrangers même ne réussissent pas toujours à les consommer. […] Dans leur état plus naturel, c’est-à-dire plus ressemblant, personne en France n’eût été curieux de les voir. […] La France elle-même en possède un depuis près d’un demi-siècle. […] Quoi qu’il en soit, distinguons en Angleterre, comme en France, divers ordres de spectateurs, qui viennent chercher au théâtre différentes espèces de jouissances. […] Après qu’on a vu se reproduire en Allemagne, en Écosse, en France, les doctrines et la philosophie transcendantale des platoniciens d’Alexandrie, on ne doit pas s’étonner de l’altération des théories littéraires· En littérature comme en philosophie, il n’y a que deux routes ouvertes à l’esprit humain, celle de l’observation et celle de l’extase.
Unique dans son genre, en France comme en Europe, il n’a point excité de disputes. […] Il avait eu des devanciers en grand nombre en Europe, et particulièrement en France, où nous voyons la fable fleurir à l’origine de notre littérature et dans sa maturité glorieuse. […] Partisan de la révocation de l’édit de Nantes, comme Racine et Boileau, par une erreur commune aux meilleurs Français de ce temps-là, il disait du roi : Il veut vaincre l’erreur : cet ouvrage s’avance ; Il est fait ; et le fruit de ses succès divers Est que la vérité règne en toute la France, Et la France en tout l’univers75 . […] Toutes les générations qui ont passé sur le sol de la France ont parlé quelque chose de cette langue.
en France, pays si vite blasé, après l’engouement et les furies il n’est pas très sûr de répéter une sensation ou une idée, si on n’est pas de force à y ajouter. […] Il n’y a pas dans ce Cours une idée de plus que celles qui circulent dans l’Histoire de France des dernières années ; car, il ne faut pas l’oublier, il y a deux temps dans l’esprit de Michelet : le temps où toujours magicien, du talent le plus adorable et le plus exécrable tour à tour, il écrit l’Histoire avec la magie de la vérité, et le temps où il l’invente avec la magie du mensonge… Or, s’il n’y a pas dans ce Cours un Michelet nouveau, il y a un Michelet intégral et concentré. […] il s’agit de la vérité absolue ; il s’agit de la vie ou de la mort de la France ! […] — des théâtres du Moyen Âge, qui exaltaient l’amour des choses saintes et resserraient l’union du peuple dans la communauté d’une même foi, et il n’a oublié qu’une seule chose : c’est que le théâtre, au Moyen Âge, avec ses Mystères et ses Légendes, n’était que la conséquence d’un état de sentiments et de mœurs qu’aujourd’hui il faudrait créer pour sauver la France et pour laquelle ni lui, Michelet, ni personne parmi ceux qui se targuent de la régénérer, n’apporte un moyen de salut nouveau, absolu, infaillible, et dont la Libre Pensée puisse dire : « Ceci est à moi, car je l’ai trouvé ! […] Et guenille de païen, ne l’est-il pas encore, quand il affirme que la régénération d’un peuple est attachée impérieusement à l’imitation du théâtre des glorieuses Sociétés antiques, et que, pour remoraliser la France, il faut que nous nous mettions tous à jouer la comédie ?
. — Érudition et réveil poétique de la France. — Faux lyrisme de Ronsard. — Quelques heureux préludes de grâce et d’harmonie. […] L’entendez-vous, dans son langage devenu lyrique, invoquer une croisade, en appelant à son aide la puissance de l’empereur d’Allemagne et le zèle des évêques de France ? […] La France est brisée de discordes ; et, en Espagne, l’affreuse mort menace quiconque honore les bannières du croissant. […] En France, où le zèle nouveau de l’antiquité n’était pas moins puissant et comptait des prosélytes passionnés dans tous les rangs, Pindare était commenté, admiré, depuis les ateliers d’Henri Étienne jusqu’aux doctes chambres du parlement de Paris. […] Désormais la poésie lyrique était possible en France.
L’Académie des sciences, la Sorbonne, le Collège de France, le Muséum tinrent à honneur de le posséder. […] Mais, avant tout, je rappellerai rapidement les grandes évolutions du théâtre en France. […] Jamais je n’ai mieux pénétré le charme de l’esprit littéraire, tel que le cultivait la vieille France. […] Ils publient trop ; le chiffre des volumes parus chaque année en France est de plusieurs milliers. […] En quoi la France a-t-elle besoin d’écrivains médiocres ?
Leur opposition a été dangereuse, leur indignation impolitique ; ils ont compromis la révolution, la liberté, la France ; ils ont compromis même la modération en la défendant avec aigreur, et, en mourant, ils ont entraîné dans leur chute ce qu’il y avait de plus généreux et de plus éclairé en France. […] La France, au comble de la puissance, était maîtresse de tout le sol qui s’étend du Rhin aux Pyrénées, de la mer aux Alpes. […] Le National mit dès son premier numéro la Restauration en état de siége, avant qu’elle nous y mît elle-même en juillet ; c’est qu’elle nous y avait déjà mis in petto dès le premier jour de ce ministère de surprise qui, le 8 août 1829, consterna la France. […] Thiers conseillait, au contraire, le rejet pur et simple du budget ; « ne pas affaiblir le gouvernement, le changer de mains. » La théorie que soutint constamment le National était celle-ci : « Il n’y a plus de révolution possible en France, la révolution est passée ; il n’y a plus qu’un accident. […] Des vertus simples, modestes, solides, qu’une bonne éducation peut toujours assurer chez l’héritier du trône, qu’un pouvoir limité ne saurait gâter, voilà ce qu’il faut à la France !
Un dernier service politique que le prince Henri rendit à son frère, ce fut de venir en France, et, en y réussissant de sa personne, d’y corriger, d’y neutraliser un peu l’influence autrichienne auprès du cabinet de Versailles. […] Frédéric vit le bon côté, le côté sérieux de ce succès de son frère dans l’opinion : Le public en France, lui écrivait-il (13 septembre 1784), suit ce droit bon sens naturel qui voit les objets sans déguisement ; mais les ministres ont bien d’autres réflexions à faire, dont la principale roule sur leur conservation… Mais j’ose me flatter que votre séjour disposera les esprits en notre faveur, et que si la France voit enfin qu’elle est obligée de revirer de système, elle nous choisira comme son pis-aller. […] Le prince Henri, de retour à Rheinsberg, après son premier voyage de France, eut l’occasion d’y recevoir un Français des plus distingués, qu’il avait déjà vu à Paris, le marquis de Bouillé.
Dès ce premier entretien le prince lui fit plusieurs questions sur les raisons qu’il pouvait avoir eues, lui Français, de renoncer à la France pour s’attacher à l’Angleterre comme à une patrie. Dutens lui représenta qu’étant né en France de parents protestants qui l’avaient élevé dans leur religion, il n’avait pu regarder ce pays comme sa patrie, puisque le gouvernement même du royaume avait pour maxime que l’on ne connaissait point de protestants en France (et c’est ce qu’un ministre des Affaires intérieures lui dit un jour à lui-même). […] Le prince en particulier dont il s’agit est, à tous les points de vue, si éminent qu’il doit quelque compte de sa conduite à l’Europe en général, à la France, et à sa famille, la plus illustre qui soit au monde.
Au milieu de toutes leurs prévenances pour leurs nouveaux hôtes (car elle avait quelques amis de France avec elle), les Anglais faisaient leurs observations sur ce qu’on appelait la légèreté, la vivacité française, et ils ne la trouvaient pas tout à fait à la hauteur de sa réputation. […] Malgré ces galanteries, Horace Walpole, surtout après son voyage en France et depuis sa liaison avec Mme du Deffand, fut un juge bien plus sévère qu’indulgent pour Mme de Boufflers. […] Elle était avec sa belle-fille à Spa, vers le temps de la prise de la Bastille ; là se trouvaient aussi les Laval, les Luxembourg, les Montmorency, la fleur de la noblesse, « dansant de tout leur cœur pendant que l’on pillait et bridait leurs châteaux en France. » Ces dames de Boufflers, au lieu de rentrer à Paris, passèrent en Angleterre, et y vivant sur le pied d’émigrées, elles y demeurèrent jusque bien après le mois de juin 1791, après l’arrestation de Louis XVI à Varennes : elles ne revinrent probablement que sous la menace pressante des confiscations. […] Était-elle rentrée en France ?
Voulait-il donc émanciper le Clergé national dont il était comme le chef, et se faire Patriarche en France ? […] Nous sommes dans les lazzis, dans les lardons, dans ce qui est éternel en France contre tout pouvoir qui y donne prise, Mazarinades, Satyre Mènippèe, Nain jaune. […] Vingt-quatre ans de domination sont un long règne, et il y avait ce temps que l’archevêque conduisait l’Église de France en véritable primat. […] Cette dame, à un moment, crut ou fit semblant de croire que son royal amant la redemandait, et elle retourna en Angleterre (juillet 1678) ; mais Charles II la renvoya en disant qu’il était fort surpris qu’elle eût quitté la France où elle avait de si bons amis, et il nomma le chevalier de Cluitillon et l’archevêque de Paris.
La France a cette singulière puissance et ce singulier privilège de battre monnaie, même avec l’argent d’autrui. […] En France, dans la tragédie (je parle comme si l’on y était encore), on ne voit pas les choses si en réalité et en couleur ; on est plus ou moins de l’école de Descartes : Je pense, donc je suis. […] Cela eût été impossible à laisser même entrevoir en France et eût tout compromis. […] On l’a dit avec vérité : tout ce qui passe par la France, à une certaine heure, va vite en célébrité et en influence.
Il est mieux de passer sans transition d’un récit à l’autre ; ce sont des changements à vue, et le lecteur y reçoit presque la même impression au vif qu’un témoin et un contemporain : « Il m’écrivit de Berlin, nous dit Malouet, qu’il avait grande envie de passer du nord de l’Allemagne au midi de la France, et que probablement il viendrait à Toulon, où il arriva un mois après. […] L’abbé, après m’avoir embrassé, vit là un auditoire intéressant : il attaqua l’amiral sur l’ouverture de l’Escaut, qui était la grande querelle du moment entre l’Autriche et la Hollande ; il nous fit un résumé des droits, des prétentions respectives, des traités et contre-traités, et conclut juste, à son ordinaire, que la France avait intérêt à soutenir la Hollande dans cette contestation. […] Ce fut surtout en ces années passées chez Malouet que ses opinions se modifièrent, et que la peur le prit sérieusement de voir la France mettre en pratique les doctrines de ses livres. […] On parle toujours de l’Angleterre à tort et à travers pour l’opposer à la France.
Le mari lui obtint le passage sur un bâtiment qui partait pour la France. […] Il y a de l’esprit de reste en France, mais la vraie sensibilité y est beaucoup plus rare, et c’est là un de vos domaines. […] « Délie ou plutôt Délia (mon père ne peut retrouver le nom de famille) était fille d’un consul de France à Smyrne ou à Constantinople. […] D’autres jeunes gens se sont amusés à faire arrêter la voiture d’un pair de France, et ils l’ont tourmenté pour lui faire crier : Vive la liberté !
Ma sœur, qu’ils étaient beaux, les jours De France ! […] Il quitta Paris et s’achemina vers Rome, laissant madame de Beaumont en France ; mais elle devait le rejoindre bientôt à Rome. […] Il visita à loisir les choses et les hommes du midi de la France. Il écouta les vers de Reboul, que j’ai depuis admirés moi-même ; excellent homme, que je désignai en 1848 au choix éclairé de son pays pour représentant de la République, que nous tentions de fonder ; les exagérés le dégoûtèrent comme ils dégoûtèrent la France, et il se retira sans combat.
Bien qu’il ne soit pas malaisé de montrer, dans les drames religieux de l’Inde ancienne, l’image d’une vie tout intérieure mais que des cultes pieux faisaient sociale ; dans les tragi-comédies du moyen âge espagnol, la double expression du mélange trouble, d’un obscurantisme fanatique et d’une nature lumineuse ; dans les licencieuses fantaisies du théâtre italien plus moderne, la mise en scène d’une société brillante et dissolue ; — mieux vaut rappeler, pour convaincre par des exemples tout à fait décisifs, les deux peuples dont la vie sociale fut le plus harmonieuse, et la vie théâtrale le plus artistique, la Grèce et la France. […] Même parallélisme, en France, des courbes de l’histoire de la société et de l’histoire du théâtre. […] Jamais plus, après Louis XIV, la France ne recouvra cet éclat de vie publique. […] Seule, la fumisterie du prince Napoléon, exploitant la France pour un bail de six-douze-dix-huit, fit jouir aux Tuileries, à Compiègne, à Paris, cette société trépidante, dont la fermentation putride mais mousseuse fut symbolisée par des librettistes vraiment artistes, dans ces folies étourdissantes, dans cet Orphée, dans cette Vie Parisienne aux quadrilles enragés, rhythmant la bacchanale d’une société qui se détraque, le grand écart d’un monde qui se disloque.
Bien qu’il ne soit pas malaisé de montrer, dans les drames religieux de l’Inde ancienne, l’image d’une vie tout intérieure, mais que des cultes pieux faisaient sociale ; dans les tragi-comédies du moyen âge espagnol, la double expression du mélange trouble, d’un obscurantisme fanatique et d’une nature lumineuse ; dans les licencieuses fantaisies du théâtre italien plus moderne, la mise en scène d’une société brillante et dissolue ; — mieux vaut rappeler, pour convaincre par des exemples tout à fait décisifs, les deux peuples dont la vie sociale fut le plus harmonieuse, et la vie théâtrale le plus artistique, la Grèce et la France. […] Même parallélisme, en France, des courbes de l’histoire de la société et de l’histoire du théâtre. […] Jamais plus, après Louis XIV, la France ne recouvra cet éclat de vie publique. […] Seule, la fumisterie du prince Napoléon, exploitant la France pour un bail de six-douze-dix-huit, fit jouir aux Tuileries, à Compiègne, à Paris, cette société trépidante, dont la fermentation putride mais mousseuse fut symbolisée par des librettistes vraiment artistes, dans ces folies étourdissantes, dans cet Orphée, dans cette Vie parisienne aux quadrilles enragés, rhythmant la bacchanale d’une société qui se détraque, le grand écart d’un monde qui se disloque.
Elle est la première actrice en France qui ait eu à la fois de l’éclat sur la scène et de la considération dans la société. […] Mais la grande passion de Mlle Le Couvreur, celle qui mit fin aux hasards de sa première vie, ce fut son amour pour le comte de Saxe, lequel vint pour la première fois en France en 1720, et s’y fixa en 1722, sauf les fréquentes excursions et les aventures. […] Elle fut la première à conquérir en France, pour les actrices, la position de Ninon, c’est-à-dire d’une femme honnête homme, recevant la meilleure compagnie en hommes et même en femmes, pour peu que celles-ci eussent de la curiosité et un peu de courage. […] Vers le mois de juillet 1729, un petit abbé bossu et peintre en miniature, l’abbé Bouret, fils d’un trésorier de France à Metz, se présenta deux fois chez Mlle Le Couvreur, et, ne l’ayant pas trouvée, il laissa pour elle une lettre dans laquelle il lui disait qu’il avait des choses importantes à lui révéler, et que, si elle en voulait être informée, elle n’avait qu’à venir le lendemain dans une allée solitaire du Luxembourg qu’il lui désigna ; que là, à trois coups qu’il frapperait sur son chapeau, elle le reconnaîtrait et pourrait tout apprendre de lui.
Le marquis de Mora était le gendre du comte d’Aranda, ce ministre célèbre qui avait chassé les Jésuites d’Espagne ; il était fils du comte de Fuentes, ambassadeur d’Espagne à la Cour de France. […] J’en dis de même sur la mort de M. de Mora. » M. de Mora était venu en France vers 1766 ; c’est alors que Mlle de Lespinasse l’avait connu et l’avait aimé. […] Il est très rare en France de rencontrer, poussé à ce degré, le genre de passion et de mal sacré dont Mlle de Lespinasse fut la victime. […] Un moraliste du xviiie siècle, qui savait son monde, M. de Meilhan, a dit : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » M. de Mora ne trouvait pas même que les femmes espagnoles pussent entrer en comparaison avec son amie : « Oh !