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857. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Les éloges commencés par le respect ou par la crainte, continuent par l’habitude, et il se fonde une grande réputation chez la postérité, qui reçoit des siècles précédents l’admiration des noms célèbres, comme elle reçoit son culte et ses lois. […] Ils ont loué ce gouvernement intrépide, qui, en révoltant tout, enchaînait tout ; qui, pour le bonheur éternel de la France, écrasa et fit disparaître ces forces subalternes, qui choquent et arrêtent l’action de la force principale, d’autant plus terribles qu’en combattant le prince, elles pèsent sur le peuple ; qu’étant précaires, elles se hâtent d’abuser ; que nées hors des lois, elles n’ont point de limites qui les bornent. 

858. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Tout citoyen romain était orateur dans la mesure de son esprit et de son talent ; la grande loi, la loi suprême, la loi de la place publique, c’était la parole. […] Sont-ce les lois qui ont borné le châtiment des citoyens coupables ? […] Je demande pourquoi l’homme de bien, qui s’est résolu à souffrir tous les tourments plutôt que de trahir son devoir ou sa conscience, s’est imposé de si dures lois à lui-même lorsqu’il n’avait pour s’immoler ainsi ni motif ni raison. […] Chatham et William Pitt n’élevaient pas leur âme à ces hauteurs sereines de la pensée ; Mirabeau et Vergniaud perdaient la moitié de leur force en descendant des tribunes ; ils n’écrivaient pas du même style sur les lois et sur la Divinité. […] Les Romains étaient très tolérants sur ces matières, pourvu qu’on respectât les cérémonies du culte légal en tant que loi de l’État.

859. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

L’intérêt de l’Etat est de n’avoir qu’un roi, Qui, d’un ordre constant gouvernant ses provinces, Accoutume à ses lois et le peuple et les princes. […] Racine ne vit d’abord dans ces règles que de pures conventions théâtrales, indépendantes des lois qui président aux événements tragiques, et qui les font sortir des passions des hommes par une logique irrésistible. […] Ces règles ne sont donc pas de vaines recettes imaginées pour produire des effets de théâtre ; c’est la loi par laquelle la tragédie se confond avec la vie elle-même. […] Il ne les prenait point pour des lois antérieures à la tragédie, mais pour des effets, pour des degrés de ressemblance avec la réalité, dont les poètes de l’antiquité avaient donné des exemples, et ses critiques la théorie. […] Il les imitait en marchant dans les mêmes voies ; il les surpassait par une obéissance plus stricte à cette loi de la vraisemblance qu’ils ont eu la gloire d’inventer.

860. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Les hommes de génie, qui sont les sages de ce monde, devraient-ils l’être moins que les sociétés elles-mêmes, lesquelles, par un admirable instinct, se défendent sans cesse contre le sens propre, et, pour un article de leurs lois qui le reconnaît ou le tolère, en font mille qui le suspectent, le règlent ou le contiennent ? […] Ce devait être la matière de règlements ultérieurs, compris dans son plan sous ce titre : Lois somptuaires pour toutes les conditions : car comment faire des lois somptuaires sans toucher aux habits ? […] Cette théorie des lois somptuaires, qu’il faut, dit Fénelon dans ce même plan, imiter des Romains, comme si l’expérience de Rome n’en avait pas prouvé l’inefficacité, Mentor en fait l’application la plus étendue au peuple de Salente. […] Il est, si je puis emprunter une comparaison à nos institutions judiciaires, à la fois juge et juré : comme juge, il a le dépôt de la loi et le devoir de l’appliquer ; comme juré, il tient compte des circonstances atténuantes. […] Elle est séduisante comme une nouveauté qui n’engage personne, plutôt qu’imposante comme une loi qui oblige l’esprit humain.

861. (1861) La Fontaine et ses fables « Préface »

Nous observerons ensuite les procédés par lesquels elle bâtit, assemble, varie et emplit ses cellules ; et nous tâcherons d’indiquer les lois chimiques et les règles mathématiques d’après lesquelles les matériaux qu’elle emploie sont fabriqués et équilibrés.

862. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Jollain »

C’est… un mauvais peintre ; c’est un sot qui ne sait pas que celui qui tente la scène de Bélisaire s’impose la loi d’être sublime.

863. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Les lois sur la chasse et le couvre-feu, les dures lois protectrices de la vie des Normands, la tyrannie féodale, furent en quelque sorte les instruments d’agriculture qui façonnèrent le peuple farouche des vaincus. […] Par un singulier bonheur, ses institutions, ses lois, sa religion, se sont trouvées en conformité exacte avec ses instincts. […] Peu s’en faut qu’il ne considère ces trois forces comme fatales et qu’il ne les assimile à des lois naturelles et physiques. […] La vérité, c’est que ses drames sont infidèles, non pas aux lois de l’art et de la poésie, — nul poète ne les a mieux connues, mieux appliquées et plus respectées que Shakespeare, — mais infidèles aux lois particulièrement constitutives du théâtre et du genre dramatique. […] Cette violation ne porte que sur des objets secondaires après tout, et il nous importe peu que Shakespeare ait bouleversé les lois naturelles du drame, puisqu’il a réussi par là à produire des œuvres plus grandes et plus belles qu’il n’aurait pu faire s’il eût observé ces mêmes lois.

864. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Seulement ils l’ont prescrite en l’appliquant, et non, comme Boileau, sous la forme de lois qui ne souffrent point d’infractions. […] Aucun poète de son temps n’en avait reçu le don plus pleinement ; nouvelle preuve qu’une loi préside à la diversité des talents, et les approprie, selon les temps et les lieux, aux besoins de l’esprit humain. […] C’est ainsi que la loi morale, qui m’impose l’honnête, me veut voir plus véritablement libre qu’une certaine philosophie, qui s’en fie à ma sagesse du soin de me conduire, et qui se rend ainsi complice de mes erreurs et de mes défaillances. […] L’Art poétique a été discuté et convenu entre Molière et Racine, La Fontaine et Boileau ; mais celui-là dut le mieux connaître les lois de l’art, qui eut la gloire de les exprimer si bien. […] C’est le moment d’affermir les conquêtes que l’esprit français vient de faire sur le tour d’esprit contemporain, et de donner des lois à la poésie rentrée dans le devoir.

865. (1925) Dissociations

Mais Pierre de Maricourt avait eu sans doute un maître lui aussi : la loi de constance intellectuelle exige qu’il n’y ait pas eu de lacune dans la conception philosophique du monde. […] Tout en s’indignant que la loi ne soit pas mieux respectée, ledit magistrat proposait d’en porter le taux à quarante kilomètres. […] Voyons, monsieur, qu’auriez-vous pensé d’une loi prudente qui, il y a vingt ans, eût enjoint aux voitures de ne pas dépasser deux lieues à l’heure sur les routes et de traverser les villages ou suivre les rues au pas ? […] Tout simplement la dernière forme de l’esclavage, qui est, sous couleur de réglementer la prostitution, l’assujettissement de la femme à diverses lois qui ne sont faites que pour elles et qui souvent disposent de sa liberté. […] Ce serait une immixtion vraiment un peu abusive de la loi dans la vie privée.

866. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Partout où il n’y a ni crainte, ni espérance, ni combats du cœur, ni circonstances attendrissantes, il n’y a point de tragédie : c’est une loi du théâtre qui ne souffre guère d’exception. […] Il ne m’appartient pas de vous donner des lois ; Mais Gusman vous l’ordonne et parle par ma voix. […] Achille nous menace, Achille nous méprise ; Mais ma fille en est-elle à mes lois moins soumise ? […] une telle victime Vaut bien que, confirmant vos rigoureuses lois, Vous me la demandiez une seconde fois. […] Il s’affranchit des lois rigoureuses de la tragédie ; et s’il a quelque égard à l’unité d’intérêt et d’action, il viole sans scrupule les unités de temps et de lieu, les sacrifiant aux charmes de la variété et du merveilleux.

867. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Nous ne faisons qu’exposer ici ce qu’ils pensent, et ce que personne d’entre eux n’ose écrire : mais le train une fois établi a sur eux un pouvoir dont ils ne sauraient s’affranchir ; et, en matière d’usage, ce sont les gens d’esprit qui reçoivent la loi des sots. […] Ils appelaient eloquens celui qui joignait à la qualité de disertus la connaissance de la philosophie et des lois ; ce qui formait, selon eux, le parfait orateur. […] La clarté, qui est la loi fondamentale du discours oratoire, et en général de quelque discours que ce soit, consiste non seulement à se faire entendre, mais à se faire entendre sans peine. […] Telles sont les principales lois de l’élocution oratoire. […] C’est apparemment par ces raisons que les Académies des sciences et des belles-lettres n’imposent point au secrétaire la loi rigoureuse de faire l’éloge de tous les académiciens : il serait pourtant juste, et désirable même, que cette loi fût sévèrement établie ; il en résulterait peut-être qu’on apporterait, dans le choix des sujets, une sévérité plus constante et plus continue : le secrétaire, et sa compagnie par contrecoup, seraient plus intéressés à ne choisir que des hommes louables.

868. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Remarquez-vous ces hasards de l’esprit français qui ressemblent bien à des lois géné* raies et naturelles ? […] C’est la loi, c’est le tort de tout discours préliminaire. […] Je suis soumis à la loi accidentelle de mon sujet. […] De même qu’il établit la loi du couvre-feu, il établit la loi du français. […] Il fut cruel, et fit maintes fois beaucoup de mal à notre loi, et maints dommages à notre nation par son orgueil et sa violence.

869. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Sa touche n’est asservie à aucune loi déterminée. […] Les lois de l’association agissent sur toutes les intelligences, même sur les plus positives. […] Nous comprendrons que ces images ne sont pas la représentation d’un fait particulier, mais d’une loi, d’une loi terrible. […] Dans tout organisme, une loi impérieuse de corrélation règle le développement de toutes les parties. […] Il faut qu’il ait étudié le corps nu, drapé, habillé, en mouvement et en repos ; qu’il en connaisse, non seulement la structure normale, mais la loi de croissance, et aussi la loi d’altération ou de déformation.

870. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Un homme que la loi condamne à mort n’est-il pas toujours dans un danger évident, puisqu’il ne peut vivre que par grâce ? […] L’empire, sous ses lois, n’a connu d’autres barrières que l’Océan ou des fleuves lointains. […] La morale n’est plus qu’un jeu, si on n’y aperçoit que les spéculations creuses des philosophes, ou les lois intéressées des législateurs. […] Félix est bien moins criminel ; il n’est que le ministre d’une loi cruelle qu’il se hâte trop de faire exécuter. […] Les convenances sont une des premières lois du théâtre.

871. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ici tout prend la régularité d’une science positive, d’une analyse exacte et rigoureuse, dominée et couronnée par une logique inexorable ; si l’on observe et si l’on recueille les détails, ce n’est que pour y démêler des lois. […] Taine excelle à situer les auteurs qu’il étudie, dans leur époque et dans leur moment social, à les y encadrer, à les y enfermer, à les en déduire : ce n’est pas seulement chez lui une inclination et une pente, c’est un résultat de méthode et une conséquence qui a force de loi. […] Taine ne craint pas de forcer ses idées en les promulguant : « Selon la coutume des novateurs, a-t-il dit de l’historien philosophe Niebuhr, il pousse la vérité jusqu’à l’erreur : exagérer est la loi et le malheur de l’esprit de l’homme : il faut dépasser le but pour l’atteindre.

872. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

« Ces préparatifs peuvent n’avoir rien d’horrible, lorsque l’homme, altéré par la haine ou le ressentiment, a soif de la vengeance ; mais, lorsque le cœur est sans fiel et que l’imagination n’a pas usé toutes les douces émotions, il faut, pour ne pas s’effrayer de la pensée toujours affreuse d’un duel, toute la force d’un préjugé qui résiste aux lois mêmes qui le condamnent. » Le duel, malgré sa menace, n’a rien ici de fratricide : le pistolet à la main, Émile fait des excuses à Édouard ; un témoin s’en étonne à haute voix plus qu’il ne convient, et c’est lui qu’Émile choisit à l’instant pour adversaire, priant Édouard lui-même de lui servir de témoin. […] Ces deux hommes d’ailleurs, également courageux et sans peur, marchant également tête haute et la poitrine en dehors, aimaient la liberté, mais différemment : l’un, qui n’a pas donné son dernier mot et dont on ne peut que deviner l’entière pensée tranchée avant l’heure, aimait la liberté, mais armée, glorieuse, imposante, et, pour tout dire, la liberté digne d’un consul : — il faut convenir aussi que cette forme a bien de l’éclat et de l’attrait ; — il aimait la liberté réglée par les mœurs, par les lois mêmes, la liberté organisée et peut-être restreinte ; l’autre aimait et voulait la liberté complète, cosmopolite, individuelle au suprême degré dans tous les genres, civile, religieuse, intellectuelle, industrielle, commerciale, à la manière d’un Hollandais, d’un Belge ou d’un citoyen de New-York : le plus Américain des deux n’était pas celui qui croyait l’être. […] C’est l’éternelle loi.

873. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

En général, les figures servent à rendre ce qui échappe à la prise brutale et matérielle des mots : on ne s’étonnera donc pas qu’elles servent surtout à traduire ce qui est sentiment ou passion ; les pures idées intellectuelles et les objets du monde réel sont en général directement touchés par les mots et par l’application littérale des lois communes de la grammaire et de la syntaxe. […] Le poison de la flatterie, le flambeau de la sédition, le torrent de la démocratie, la hache du despotisme, le bandeau de la superstition, les ténèbres de l’ignorance, le glaive de la loi, la balance de la justice, l’hermine du magistrat, l’aigle de Meaux, le cygne de Cambrai, la perfide Albion et la moderne Babylone, l’Athènes de la Champagne ou l’Athènes du Midi, l’esclavage ou la tyrannie des passions, les foudres de l’éloquence ou de la vengeance divine, et les lions, les lauriers, les astres, les trésors métaphoriques qui depuis trois cents ans ont régné, débordé, fleuri dans la littérature ; etc., etc. : autant de vieilleries, dont on ne saurait trop sévèrement s’interdire l’usage. […] Mais pour en quelque sorte obéir à vos lois, Seigneur, pour mes parents je nomme mes exploits ; Ma valeur est ma race, et mon bras est mon père.

874. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

« Il fit faire les plans et les devis d’une mosquée assez grande pour contenir toute l’armée, le jour où elle reconnaîtrait la loi de Mahomet. » Ce n’était qu’un leurre, car « son opinion invariable, dit-il, était que tout homme doit mourir dans sa religion. » Mais de telles démonstrations étaient d’un bon effet. […] Je ne saurais dire combien me paraît intéressant tout ce chapitre par le jour qu’il jette sur le procédé politique de Napoléon, sur le point fixe de sa croyance supérieure (croyance en Dieu), sur son indifférence profonde pour les articles secondaires et sur l’importance extrême qu’il affectait pourtant d’y attacher, en un mot, sur la règle de conduite qu’il regardait évidemment comme la seule loi des chefs d’empire, puisqu’il nous l’expose en termes si nets et si peu voilés. […] Tout cela dit, et tout hommage rendu au grand style du moderne César, à ce style où dominent dans une forme brève la pensée et la volonté (imperatoria brevitas), et où l’imagination se fait jour par éclairs, il me sera permis de ne pas le considérer tout à fait comme le style-modèle qui doive faire loi aujourd’hui.

875. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Faire acte d’impartialité, admettre tous les éléments constitutifs de l’histoire, l’élément royal, aristocratique, communal, ecclésiastique, n’en exclure aucun désormais, à condition de les ranger tous et de les faire marcher sous une loi, voilà son ambition. […] En Angleterre, un tel mot est significatif ; car on y a, avant tout, le respect de la loi. […] Mais ceux d’entre-deux (comme il les appelle) nous gâtent tout ; ils veulent nous mâcher les morceaux : ils se donnent loi de juger, et par conséquent d’incliner l’histoire à leur fantaisie ; car depuis que le jugement pend d’un côté, on ne se peut garder de contourner et tordre la narration à ce biais.

876. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Telle est la loi assez ordinaire dans ces influences réciproques entre le peintre et ses modèles : le romancier commence, il touche le vif, il l’exagère un peu ; la société se pique d’honneur et exécute ; et c’est ainsi que ce qui avait pu paraître d’abord exagéré finit par n’être plus que vraisemblable. […] En Hongrie, en Pologne, en Russie, les romans de M. de Balzac faisaient loi. […] Concevoir, disait-il, c’est jouir, c’est fumer des cigarettes enchantées ; mais sans l’exécution tout s’en va en rêve et en fumée : Le travail constant, a-t-il dit encore, est la loi de l’art comme celle de la vie ; car l’art, c’est la création idéalisée.

877. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il y pose comme devoir et comme règle le respect aux conventions fondamentales de la société, aux lois (même imparfaites), la subordination et le sacrifice de l’intérêt particulier à l’intérêt de tous. […] « Avant d’attaquer un abus, pensait-il, il faut voir si on en peut ruiner les fondements. » C’est à quoi les philosophes du xviiie  siècle songèrent trop peu, et ils ne se demandèrent jamais, comme lui, s’il n’y a pas « des abus inévitables qui sont des lois de la nature ». […] C’eût été un trop grand contraste et une trop grande infraction aux lois d’une époque, qu’un écrivain de cette pureté, de cette hauteur et de cette simplicité, persistant sous des cieux si différents et dans un climat de plus en plus contraire.

878. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

D’Aguesseau, comme Platon, comme Cicéron, croit à une certaine idée naturelle de la justice, qui n’est pas l’intérêt ni l’utilité, mais le droit ; il croit, indépendamment de la révélation positive, au triomphe de cette idée dans les lois des grands législateurs et des grands peuples, à la conscience du genre humain. […] Le christianisme ajoute et confirme : mais, antérieurement au christianisme, selon eux, il y a une vraie et large base à la loi dans l’âme humaine. […] On le voyait rougir et se taire dans le même moment, la partie supérieure de son âme laissant passer ce premier feu sans rien dire, pour rétablir aussitôt le calme et la tranquillité dans la partie sensible, qu’une longue habitude rendait toujours également docile aux lois de la raison et de la religion.

879. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Une loi importante et fondamentale a produit les relations particulières qui existent aujourd’hui entre la sensibilité et l’activité motrice. Cette loi, c’est que la propagation du plaisir et de la peine jusqu’aux centres sensori-moteurs ne s’est établie, ou n’a subsisté par sélection naturelle, que quand elle produisait une réaction utile des muscles volontaires, qui partent du cerveau et sont dirigés par le moi. […] Un être entièrement automatique, dont toute l’existence consisterait, par exemple, en contractions et expansions rythmiques, régulières, n’aurait besoin que des sentiments généraux d’aise ou de malaise ; le reste se ferait par les simples lois de la propagation du choc.

880. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Le vers libre I « Si j’étais encore assez jeune et assez osé, je violerais à dessein toutes lois de fantaisie ; j’userais des allitérations, des assonances, des fausses rimes, et de tout ce qui me semblerait commode… » Gœthe disait cela en 1831203, au moment même où les vieilles lois du vers français n’allongeaient leurs bras que pour mieux étreindre la liberté du poète. […] Le vrai vers libre est conçu comme tel, c’est-à-dire comme fragment musical dessiné sur le modèle de son idée émotive, et non plus déterminé par la loi fixe du nombre .

881. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Dans tous les cas, on comprend qu’au moyen âge et chez les Israélites, les déguisements fussent défendus par la loi. […] Reflet troublé de deux grands prêtres, Lamennais et de Lamartine, toute sa philosophie n’est que l’horreur de la loi salique. […] Seulement, quand la pauvre diablesse d’érudite ne se contenta plus de cette fonction domestique de ramasseuse d’épingles, au service de l’Histoire, et qu’elle voulut aborder l’histoire elle-même et construire une théorie des lois de la monarchie (rien que cela !)

882. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

On sait qu’il y a des lois de la vie psychique. […] Les sociétés sont régies par des lois, et ces lois ne font que perpétuer, en les consacrant, d’odieuses coutumes et des préjugés criminels. Au-dessus des lois il y a la morale, et c’est on son nom que se commettent les pires iniquités. […] Et n’en est-il pas des esprits comme des visages, qui ne changent pas, mais qui se transforment suivant des lois ? […] Il a montré que le travail est la loi universelle et qu’ici-bas tout le monde travaille.

883. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 203-204

Le Prélat eut beau alléguer qu’il s’étoit fait une loi de ne louer jamais de Roturiers, on lui répondit que les Lettres n’admettent d’autre titre que les talens, & que la Roture, plus nombreuse à l’Académie que la Noblesse, pourroit en user de même à son égard & à celui de tous les Nobles aussi peu civils que lui.

884. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Elle frappa les choses, en réorganisant sur un nouveau plan le tribunal révolutionnaire et les comités, en épurant et en réprimant les sociétés populaires, en rapportant la loi des suspects, le décret d’expulsion contre les nobles et les prêtres, en supprimant le maximum, etc., etc. […] Thiers, il n’était pas besoin de tels sacrifices pour satisfaire les mânes du jeune Féraud : il suffisait des honneurs touchants rendus à sa mémoire. » La Convention décréta pour loi une séance funèbre.

885. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Des tragédies grecques C’est surtout dans les pièces de théâtre qu’on aperçoit visiblement quelles sont les mœurs, la religion, et les lois du pays où elles ont été composées et représentées avec succès. […] Leur art dramatique ressemblait à leur peinture, où toutes les couleurs sont vives, où tous les objets sont placés sur le même plan, sans que les lois de la perspective y soient observées.

886. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Richepin est un révolté, un insurgé, un contempteur des bourgeois et même des Aryas en général, un homme qui « a les os fins, un torse d’écuyer et le mépris des lois », bref, un Touranien. […] Cela me désoriente et me scandalise que le poète des Blasphèmes ait eu le front de nous montrer de si braves gens, des âmes si vraiment religieuses et si entièrement soumises à la loi du devoir.

887. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Il serait nécessaire avant tout que nous eussions des lois sur les associations, les fondations et la faculté de tester, analogues à celles que possèdent l’Amérique et l’Angleterre. […] Pour moi, je ne suis jamais plus ferme en ma loi libérale que quand je songe aux miracles de la foi antique, ni plus ardent au travail de l’avenir que quand je suis resté des heures à écouter sonner les cloches de la ville d’Is.

888. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

La maison tient divers articles : on y trouve des aventures enfantines de petits garçons, de petites filles ou de grandes personnes ; on y fournit aussi le roman-pétition contre les lois mal faites (car, pour ces braves gens, il y a des lois qui sont bien faites.)

889. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Faites donc le même reproche à Horace, que vous n’accuserez pas de n’avoir point aimé les vers, et qui a prescrit aux poètes des lois aussi sévères que moi. […] Quant aux tragédies en prose, cette discussion nous mènerait trop loin ; et si j’y entrais avec vous, j’ose croire que vous ne seriez pas mécontente de moi : mais quant à la sévérité des lois poétiques, je n’en voudrais rien relâcher ; et quant à la rime, malgré la monotonie qu’elle cause dans nos vers, je la crois indispensablement nécessaire à notre poésie, qui sans cela ne me paraîtrait plus distinguée de la prose.

890. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Égalitaire battu par les lois mêmes de sa pensée, il ne peut pas les trouver égales devant la loi de son esprit.

891. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Obstinations, taquineries, aigreurs, objurgations de la presse contre le pouvoir et du pouvoir contre la presse, arrestations, duels, convois politiques, émeutes, conspirations et révolutions plus ou moins avortées, toute cette petite pluie de petites choses qu’après les tonnerres de l’Empire il nous a fallu entendre tomber, voilà les événements que Carrel jauge, interprète, éclaire, et sur lesquels il cherche, en tâtonnant, à ajuster la loi de l’avenir. En sa qualité d’homme du fait, il est fort maladroit à dégager cette loi qu’il ne voit pas, et d’ailleurs il s’en soucie peu, quoiqu’il en parle comme un doctrinaire ; car, ne nous y trompons pas !

892. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Depuis longtemps on réagit contre lui, même en Allemagne, selon la loi facile à calculer que les esprits réagissent passionnément contre ce qu’ils aimèrent avant de complètement s’en détacher. […] Venu par la fantaisie, il s’en retournera par la fantaisie, rien ne pouvant vivre en dehors des lois arrêtées et inflexibles du beau, et l’art, après tout, n’étant pas si grand.

893. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Ou bien nous essayons de justifier ces affirmations mêmes en les déduisant des lois les plus générales de l’univers ; nous voulons établir qu’elles sont conformes aux principes directeurs de la nature ou de l’esprit : et alors, aux problèmes moraux se superposent les problèmes métaphysiques de l’égalité. […] Aurions-nous réussi, en comparant analytiquement les circonstances de leur apparition, à découvrir les phénomènes avec lesquels leur rapport est constant, et d’autre part à prouver, en dérivant ce rapport de vérités plus générales, qu’il est autre chose qu’une coïncidence, alors la loi de la production de l’égalitarisme nous serait connue ; il serait pour nous, dès lors, l’objet d’une véritable « science ».

894. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Il y a plus ; et selon la remarque d’un philosophe célèbre qui a analysé le goût comme les lois, ce contraste perpétuel devient symétrie ; et cette opposition, toujours recherchée, se change en uniformité. […] Mais l’homme a plus de monotonie et déréglé, surtout l’homme policé par les lois, et civilisé par l’art de vivre en société.

895. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Fontenelle et La Mothe, en donnant le ton à notre littérature, firent comme tous les législateurs ; ils donnèrent des lois d’après leur caractère. […] Cet esprit, qui discute toujours avant de juger, et qui sans cesse sur ses gardes, parce qu’il craint la surprise du sentiment, fit la loi aux orateurs même.

896. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

On a reproché à Freud, Jules Romains entre autres, une certaine légèreté scientifique, c’est-à-dire une certaine tendance à transformer ses hypothèses en lois sans avoir accumulé la quantité d’expériences et de constatations objectives qui l’y autoriseraient. […] Naturellement il ne faut pas forcer l’analogie au point d’attendre de Proust tout un système de lois fondées sur l’expérimentation et qui permettraient à la limite la prévision mathématique des phénomènes psychologiques. […] Et l’esprit de Proust alors, sans rien perdre de son entêtement objectif, s’assouplit, devient « onduleux » si vous voulez, et ne cherche plus, de cette réalité sensible, qui après tout, il s’en aperçoit, lui est intérieure, qu’à extraire la généralité, ou qu’à exprimer les lois. […] Nous pourrions suivre plus loin son effort vers la vérité, sa recherche des lois. À mesure que le livre avance, on trouve ces lois du cœur humain exprimées sous une forme de plus en plus abstraite, et même de plus en plus didactique.

897. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Cette forme admirable, chef-d’œuvre de convenance et d’harmonie, apparaissait à ce peuple comme la figure de l’esprit, dont elle rendait pour ainsi dire les lois visibles. […] Condamnée à reproduire sans fin des types invariables, où la figure humaine se dégrade en d’étranges associations avec des formes animalesques, elle est l’expression de ce peuple mystérieux, soumis et grave, qui voit dans la vie des animaux une image de la vie divine et un modèle à suivre, afin de participer lui-même, par l’asservissement à une règle imposée, à l’immutabilité sacrée des lois de l’univers. […] Ici l’architecture reçoit la loi du beau, comme la sculpture. « C’est sans doute la raison pour laquelle Vitruve établit entre les proportions du corps humain et les lois de l’architecture une analogie, fausse peut-être au point de vue scientifique, réelle au point de vue esthétique. […] Ils proscrivent du domaine de l’action celui qui excelle dans le domaine de l’intelligence et de la parole ; ils ne veulent pas que Platon fasse des lois réelles, ni que Socrate gouverne une bourgade.

898. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

En effet, l’art comique est là : et la réalité ne peut prendre forme d’art, selon la loi de la comédie, qu’en devenant capable d’exciter le rire. […] Avec les mêmes types et les mêmes sujets, Balzac ferait frissonner ; Molière fait rire : il s’est imposé la loi de trouver le point d’où ces tristes dessous de l’âme et de la vie sont risibles. […] La flamme de vie intérieure, la tendresse mystique, l’austérité surhumaine, l’ascétisme qui rabat et dompte la nature, de très bonne loi il les rejette : ce ne peut être que sottise ou grimace. […] Ainsi les jeunes gens qui suivent la loi naturelle de l’amour ont raison contre les pères et tous ceux qui les entravent : c’est par raison philosophique, et non seulement par tradition comique, que Molière prend vigoureusement leur parti. […] Il est naturel que ceux qui ont eu part au bonheur laissent s’approcher les autres de la table : c’est la loi que les enfants aient leur tour après les parents.

899. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Bossuet n’allègue guère que l’Écriture pour autoriser ses préceptes ; en fait, il tire quelque chose de saint Thomas, dans son De regimine principum ; il s’inspire plus encore d’Aristote et de Hobbes ; souvent il dégage des lois de l’étude des faits, et il utilise les observations qu’il a faites en expliquant au Dauphin l’histoire de France. Sa théorie du pouvoir royal est ce que l’on peut attendre d’un prêtre gallican, de famille parlementaire : les rois sont absolus, mais ils doivent respecter les lois, les droits des divers corps de la nation. Ce qu’ils font contre ces droits et ces lois est essentiellement nul. […] Mais, malgré tout, les chapitres de la Grèce et de Borne sont remarquables : Bossuet a mis en lumière la force de quelques causes morales, amour de la patrie, respect de la loi ; il a saisi le rapport des faits à certaines institutions ou traditions ; il a expliqué la lente et sûre formation de la grandeur romaine par les qualités d’endurance et de discipline de la race, par l’organisation militaire, par l’esprit conservateur du sénat qui, dans la politique étrangère, met la continuité ; la moitié des Considérations de Montesquieu vient de Bossuet. […] Le Discours sur l’Histoire universelle est l’œuvre d’un théologien qui a su avoir quelques-unes des qualités de l’historien, le don des généralisations, l’intuition des lois, le sens philosophique enfin.

900. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

. ; l’octosyllabe, tantôt disposé en quatrains, sizains, dizains ou douzains, tantôt mêlé selon diverses lois au vers de quatre742. […] Les romantiques d’arrière-saison et les parnassiens sont revenus aux formes fixes, unitaires, ou variées selon une loi constante. […] De ce vers qui n’était plus qu’un mécanisme, une simple loi de combinaison des mots pour produire, avec des difficultés en plus, les mêmes effets qu’on cherchait dans la prose, de ce vers atone, les romantiques ont fait une volupté de l’oreille. […] Et cette épuration se fait spontanément en lui, par un instinct, une loi de sa nature : il est la poésie absolue ; ni penseur, ni peintre, ni historien. […] Le Père éternel, le Dieu consolateur, n’est pas : s’il y a un jour du jugement, ce sera le jour où Dieu viendra se justifier devant ceux qu’il a dévoués au mal par la loi de la vie.

901. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Qu’on t’appelle Destin, Nature, Providence,             Inconcevable loi, Qu’on tremble sous ta main, ou bien qu’on la blasphème, Soumis ou révolté, qu’on te craigne ou qu’on t’aime ;             Toujours, c’est toujours toi ! …………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… Si du moins au hasard il décimait les hommes, Ou si sa main tombait sur tous tant que nous sommes             Avec d’égales lois ! […] Parlez-nous de lois d’amour, et chantez-nous les bergeries de la nature et les maternités de la Providence ! […] Quant à moi (toujours toute religion à part), cette condition de la vie physique, cette anthropophagie de toute la nature aurait suffi à elle seule pour me faire rejeter l’existence à un tel prix, et si jamais un doute impie effleura mon âme sur l’existence ou sur la nature du premier principe, c’est en réfléchissant à cette dépravation véritablement surhumaine, à cette méchanceté préméditée et sanguinaire de la nature ; c’est en me demandant avec une horreur éperdue, mais logique : Qui a donc inventé cette loi suprême de destruction ? […] « Non ce second chaos qu’un panthéiste adore « Où dans l’immensité Dieu même s’évapore, « D’éléments confondus pêle-mêle brutal « Où le bien n’est plus bien, où le mal n’est plus mal ; « Mais ce tout, centre-Dieu de l’âme universelle, « Subsistant dans son œuvre et subsistant sans elle : « Beauté, puissance, amour, intelligence et loi, « Et n’enfantant de lui que pour jouir de soi !

902. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Placée d’abord en Abraham elle en descend de grade en grade comme suivant les lois de la pesanteur. […] Mais vous avez raison, Garnier, cette loi de dessaisissement ne fut rien, n’était rien, en comparaison de cette loi du désaisissement universel de la mystique par la politique. […] Les philosophes et les philosophies, ces grossiers, (les théologies et les casuistiques, ces autres grossiers, ces grossiers parallèles, et les scholastiques), les cléricaux de l’une et l’autre loi, ces grossiers ensemble, les docteurs de la loi cléricale et de la loi anticléricale, ces conjoints, les docteurs de la loi (cléricale) laïque et de la loi (laïque) cléricale, ces conjurés, tous ces intellectuels enseignent ensemble, professent qu’il y a des péchés, peccata, des actes que nous commettons, des actes, limités, que nous péchons. […] Agis de telle sorte que l’action de Fouillée puisse être érigée en une loi universelle. […] Hélas combien de nos actions pourront être érigées en une loi universelle.

903. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Goethe a déjà le personnage, un héroïque bandit, en révolte avec toutes les lois, parce que les lois n’atteignent que les humbles et les faibles, et cherchant à corriger l’anarchie par l’anarchie même. […] Pour ce qui touche l’application de la philosophie à l’amour, l’auteur franchit toutes les bornes ; le monde réel n’a plus ni lois ni usages qui le retiennent. […] L’athée rejette l’explication suprême que nous donnons du monde, de ses phénomènes et de ses lois, soit parce qu’elle ne lui semble pas suffisamment prouvée, soit parce qu’elle répugne, selon lui, à la nature de ces lois et de ces phénomènes. […] Comment, à moins de supposer l’intervention d’un être supérieur, dont l’intelligence infinie dirige jusqu’au hasard, et se réserve, au moment qu’il lui plaît, de réparer nos désordres, comment les lois morales, abandonnées à elles-mêmes, auraient-elles, en ce qui touche leur violation, un privilège de discernement que n’ont pas les lois physiques ? […] L’âme sans Dieu est comme ces folles balances qui ne peuvent plus trouver dans aucune situation l’équilibre qui est leur nécessité et leur loi.

904. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVII » pp. 186-187

. ; mais, comme association, comme Ordre, ils n’ont eu que ce qu’ils méritent, car les meilleurs peuvent à l’instant devenir mauvais et funestes par leur loi d’obéissance : c’est toujours le bâton dans la main de l’aveugle.

905. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Foulon de Vaulx, André (1873-1951) »

Gaston Deschamps Le poète des Jeunes Tendresses souffre de cette barbarie de la coutume et de la loi qui condamne le jeune homme à opter entre l’observance d’un vœu quasi monastique et la pente qui mène aux dangereuses flâneries, aux irréparables concessions.

906. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Il voudrait savoir pourquoi le peuple florentin se montre si cruel envers les siens dans toutes ses lois. […] Et ce n’est pas là un des moindres attraits de cette mystérieuse Comédie, où nous voyons en conflit la loi acceptée et le sentiment révolté contre la loi. […] On pouvait hardiment le ranger parmi ces hommes que vante Saint Paul et qui, « n’ayant pas connu la Loi, ont été à eux-mêmes leur loi » ; et puis il était mort pour la liberté, cet idéal des grandes âmes. […] Les magistrats faisaient contre elles des lois somptuaires, mais en vain. […] La société ne paraît pas jusqu’ici disposée à suivre le conseil de Platon, qui voulait aux meilleurs les meilleures ; elle n’obéit pas à la loi de sélection que Darwin croit être la loi de nature.

907. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ce personnage est le résultat d’une observation admirable et résume toute une loi de notre nature morale. […] Mais, tant qu’il y aura des cœurs de vingt-cinq ans assez engagés déjà dans la vie pour comprendre l’importance sacrée des lois sociales et encore assez près de l’adolescence pour ressentir avec une impatience fiévreuse les entraves que ces lois apportent à leur liberté ou à leur passion, leur histoire restera vraie. […] Il a courbé l’orgueil indiscipliné de son moi individuel devant la sagesse des lois générales, ce qui équivaut à la perfection morale. […] L’effet ordinaire du sentiment de la justice est de suspendre en nous le respect et l’amour ; Dante renverse cette loi ordinaire de notre nature. […] Selon lui, les lois qui régissent l’amitié étaient absolument contraires à celles qui gouvernent l’amour.

908. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

C’est lire le Livre et la Loi. […] Et parce que les lois sont généralement dures, on croit que ce qui est dur est forcément une loi. […] Par conséquent il est peut-être une loi. […] Elle paraît être de l’ordre de la loi. […] Car, étant raides, on les prend pour des lois.

909. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La densité de la population a dû faire édicter de telles lois, écrites ou de pure coutume. […] Là encore ce sont les brahmanes qui font la loi. […] Le code égalitaire de Jésus a capitulé devant les lois de Manou. […] Non, il obéit, lui aussi, à la loi universelle qui régit les rapports des choses entre elles. […] Il est bien plus facile de troubler la raison humaine que les lois de la pesanteur.

910. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIV » pp. 95-96

Théodore Burette avait écrit à Eugène Sue une lettre, reproduire en tête de la seconde édition des Mystères de Paris, dans laquelle il disait : « Toutes ces atrocités, toutes ces misères, dont vous vous êtes fait l’historien-poëte, ont frappé nos législateurs ; et si Jean-Jacques Rousseau a mis en baisse le lait des nourrices, vous mettrez en hausse les lois les plus simples de la justice et de l’humanité… Si l’on crée des charges d’avocat du pauvre, à bon droit vous devez être bâtonnier. » — La Démocratie pacifique ajoutait à cette lettre en la reproduisant : « Nous voyons avec plaisir un professeur de l’Université prendre honorablement la défense du livre de M.

911. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IX. Caractères sociaux. — Le Prêtre. »

Enfin, le sacrifice antique n’est pas même banni du sujet chrétien ; car il n’y a rien de plus facile, au moyen d’un épisode, d’une comparaison ou d’un souvenir, de rappeler un sacrifice de l’ancienne loi.

912. (1885) L’Art romantique

La même remarque peut s’appliquer aux professions ; chacune tire sa beauté extérieure des lois morales auxquelles elle est soumise. […] Le dandysme, qui est une institution en dehors des lois, a des lois rigoureuses auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets, quelles que soient d’ailleurs la fougue et l’indépendance de leur caractère. […] gloire à sa loi ! […] La même loi de franchise et de naïveté doit régir les antipathies. […] Non ; mais cependant, si votre roman, si votre drame est bien fait, il ne prendra envie à personne de violer les lois de la nature.

913. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Ni Cujas ni Pothier n’auraient mieux expliqué le sens des lois romaines. […] Sa vigueur se modère, sa facilité se règle, cette tête puissante se courbe sous les lois dont Boileau rédigeait le code dans l’Art poétique. […] La loi même du genre veut que l’orateur fasse valoir les qualités de son héros, qu’il retrace ses grandes actions, et que, loin d’en rabaisser le prix, il en propose l’exemple à l’auditoire. […] A la vérité, il préfère la monarchie héréditaire, absolue, tempérée par des lois fondamentales, subordonnée à la raison. […] L’une regarde les hautes vérités de la métaphysique chrétienne et de la loi morale qui en tire son autorité ; l’autre est tournée du côté de la vie habituelle et des vérités familières du sens commun.

914. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Il parla sur les lois éternelles d’aspiration et de respiration de la terre, sur la possibilité d’un déluge, au cas d’une affirmation d’humidité constante. […] Comme la nature est incommensurable, ses irrégularités sont immenses et il est très difficile d’apercevoir les lois. […] Si cette nourriture donnée ainsi à des êtres étrangers est une loi qui s’étend à toute la nature, mainte énigme est résolue, et on peut dire avec assurance : Dieu a pitié des jeunes corbeaux orphelins qui crient vers lui. — C’est certainement une loi générale, dis-je, car j’ai observé aussi cette charité et cette pitié pour les abandonnés chez des oiseaux à l’état libre. […] XVIII « La loi de l’amour se révèle dans la nature entière.

915. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

C’est la loi du sort ; et cette loi compensatrice est consolante à étudier. […] Méphistophélès triomphe comme un homme qui n’a d’autre loi que la satisfaction des désirs de son patron ; Faust disparaît et arrive trop tard pour secourir celle qu’il a perdue. […] Elles sont pour le naturaliste, non seulement parce qu’elles renferment les grandes lois que Goethe a découvertes, mais aussi et surtout parce qu’il y trouvera la méthode qu’un bon esprit doit suivre pour que la nature lui livre ses secrets. — Ainsi tous les esprits dévoués à la science, à l’art, seront reçus comme hôtes à la table que garnissent richement les œuvres de Goethe, et dans leurs créations se reconnaîtra l’influence de cette source commune de lumière et de vie à laquelle ils auront puisé !  […] Il est évident ici qu’il confond la philosophie et les lois. […] En politique, il commence par suivre son jeune souverain dans sa première campagne de Prusse en Champagne contre Dumouriez ; il soumet ainsi son libéralisme organique aux lois et aux rigueurs de son patriotisme.

916. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Il n’est donné qu’à un petit nombre d’hommes rares de se préserver de cette contagion ; mais il est très singulier que les gens de lettres, faits pour étudier, pour connaître, et pour fixer la langue, soient presque tacitement convenus entre eux de prendre sur ce point la loi des grands, à qui ils devraient la donner. […] Si on eût cru l’offensé, les lois n’avaient pas assez de supplices pour punir l’injure qu’on lui avait faite. […] Quand on oblige d’honnêtes gens, on doit laisser parler en eux la reconnaissance, elle sait s’imposer à elle-même des lois sévères. […] Je parle de liberté non seulement dans leurs personnes, mais aussi dans leurs écrits ; je ne la confonds pas avec cette licence condamnable qui attaque ce qu’elle devrait respecter : le vrai courage est celui qui combat les ridicules et les vices, ménage les personnes, et obéit aux lois. […] Corneille, La Fontaine et beaucoup d’autres ont été sans elles ; et sans elles apparemment Racine aurait fait ses tragédies, et Despréaux son Art Poétique ; sans elles notre siècle a produit la Henriade, l’Esprit des Lois, Hippolyte et Aricie, et plusieurs beaux ouvrages des mêmes auteurs et de quelques autres.

917. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Il ne fut pas donné à une diplomatie d’émigrés de dicter des lois à la nation française. […] comme si la politique était hors la loi de Dieu ! […] L’unité de l’univers dans la servitude est le rêve de l’homme ; la diversité dans l’indépendance est la loi de Dieu. […] L’Europe aventureuse briserait à la fois l’Europe, l’Afrique et l’Asie, si elle écoutait ces publicistes de fantaisie ; qui, déistes à Paris, se proclament chrétiens en Chine, en Cochinchine, en Australie, en Syrie, à Constantinople, à Ispahan, à Calcutta, et qui mettent hors la loi de la diplomatie et de l’indépendance un grand tiers du globe, sous le prétexte d’un christianisme diplomatique qu’ils ne professent que dans leurs protocoles.

918. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Lui qui avait demandé des lois féroces contre la presse (immanis lex), il feignit de se déclarer le défenseur à tout prix de cette puissance terrible, dès qu’il en fut l’arbitre par son talent ; ou il n’en connut pas l’ascendant en France, ou il lui sacrifia la couronne. […] Je l’ai senti sous la République, en 1848 ; j’en ai mesuré exactement, jour par jour, la puissance, l’effet, la durée, laissez la presse totalement en dehors des lois, à Paris, vous aurez un accès de guerre civile tous les mois. […] Mais vous-même, me répondra-t-on, n’avez-vous pas cru, en 1848, que les lois sur la presse étaient abrogées, et qu’en les abrogeant, vous exposiez pour un moment la société républicaine à tous les périls ? […] Fénelon, son disciple et son martyr, chante une philosophie plus humaine ; c’est le poëte des chimères, le genre humain ne subsisterait pas un jour sous les lois qu’il rêve de lui donner.

919. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

La vertu, c’est l’effort de l’être pour réaliser sa loi ; c’est l’effort vers l’ordre. Mais où prendre cette loi ? […] Élève de Rousseau, gagnée par la fièvre romantique, blessée par la dure expérience de son mariage, elle fait l’amour souverain et sacré, sans mesure et sans frein ; elle condamne la société qui opprime la passion par l’intérêt, la raison et la loi. […] Sans doute aussi, dans les deux autres périodes, son optimisme féminin, son besoin d’aimer les gens dont elle disait l’histoire, lui ont fait peupler ses romans d’êtres plus généreux, de passions plus nobles, de plus belles douleurs qu’on n’en rencontre selon la loi commune de l’humanité ; elle forme des idées de pures ou hautes créatures sur qui sa large sympathie puisse se reposer sans regret.

920. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

J’entends qu’ils subissent les mystérieuses lois de la prosodie non formulée, instinctive, mais ayant cependant ses règles inécrites, laquelle a été tout simplement le secret des maîtres. » — Oui, mais cette prosodie inécrite comprend plus de secrets particuliers que de secrets communs à tous les maîtres. […] Trois mois plus tard, un mendiant qui passe sur la route, s’agenouille devant le Christ, lui demande quelle loi rendra, enfin, les hommes meilleurs. […] quand consentirez-vous à la loi d’Amour ? […] Écoutez encore cette mélodie : Nous irons devant nous de prairie en prairie Insoucieux de l’homme injuste et de sa loi.

921. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Or, c’est ce que dit La Fontaine : Je ne veux pour témoins de ces expériences, Que les peuples sans lois, sans arts et sans sciences. […] L’exemple, le conseil et le travail des mains Me pouvaient rendre utile à des troupes de saints… La réflexion à faire, semble-t-il, sur ce petit épisode, c’est que ce n’est donc pas par simple obéissance aux lois du genre que La Fontaine, dans ses fables, met toujours une moralité, car ici, quand il n’est pas forcé d’en mettre une, puisque ce n’est pas une fable qu’il écrit, même quand c’est un épisode d’un poème épique religieux, il y met une moralité. […] Tout ce qui naît de doux en l’amoureux empire, Quand d’une égale ardeur l’un pour l’autre on soupire, Et que, de la contrainte ayant banni les lois, On se peut assurer au silence des bois, Jours devenus moments, moments filés de soie, Agréables soupirs, pleurs enfants de la joie, Vœux, serments et regards, transports, ravissements, Mélange dont se fait le bonheur des amants, Tout par ce couple heureux fut lors mis en usage. […] Elle devrait être composée de plusieurs éléments bien reliés les uns aux autres selon les lois de l’art dramatique.

922. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Conclusions » pp. 178-180

Il est une des manifestations de cette Loi de Progrès incessant qui régit le Monde et qui fait que le moins tend au plus, « l’inconscient au conscient et le conscient au divulgué ».

923. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 337-339

A-t-il jamais dit de quelqu’un, qu’il réclamoit, dans son grenier, La Loi qui prostitue & sa fille & sa femme * ?

924. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Ils s’asseyent, ils s’affermissent, ils se tassent en quelque sorte ; leur vie se réfugie au centre ; ils donnent moins parce qu’ils n’y sont pas excités, mais ils ne donnent rien contre leur désir, ni contre leur secrète loi. […] Que les sages de tous les temps et de tous les lieux, Bouddha, Zoroastre, Confucius, Pythagore, même Jésus, se soient rencontrés dans l’unité de quelques lois métaphysiques, dans l’enseignement de quelques hautes maximes, cela lui suffit pour déterminer son adhésion. […] Notre contemporain a raison de se donner après eux comme un nouvel interprète des maximes de la loi perpétuelle : les vérités, en passant par sa bouche, empruntent une autorité bien persuasive ; on apprécie mieux la suavité de ce baume, connaissant les amertumes anciennes d’où il l’a su tirer ; le solitaire des Rêveries, m’élevant avec lui vers Dieu, me transporte plus puissamment que Necker n’y réussirait tout d’abord.

925. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

On n’avait, en 1743, presque aucun des grands monuments de l’époque, pas encore l’Esprit des Lois (1748), pas encore l’Histoire naturelle (1749), pas l’Encyclopédie (1751), rien de Jean-Jacques ; et Voltaire, déjà si brillant, n’était pas encore arrivé, par les années et par l’exil, à cette sorte de dictature universelle dont ses licences et ses ricanements purent à peine atténuer la majesté. […] Il s’agissait, après des désastres inouïs et des ruines de tout genre, de tout recomposer, de retrouver sous les sanglants décombres la statue de la Loi, la pierre et le calice de l’autel, le trône lui-même avec ses degrés. […] Puis, ce pays-ci, ne l’oublions pas, est très-élastique ; l’opinion, sous sa mobilité, a peut-être ses lois, elle a certainement ses ressorts imprévus.

926. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Tout cela fait à ses livres une figure à part, ce qui est l’essentiel et ce qui suffirait à me les faire goûter, quand même cet homme de loi lettré et ami des champs ne serait point, par-dessus le marché, un poète bien authentique. […]   Un magistrat, un homme dont la profession est de faire respecter la loi et de punir les méchants, doit être très préoccupé de morale et, s’il écrit, en mettre dans ses livres. […] Joignez que la terre, paisible et patiente, régie par des lois éternelles, communique à ses travailleurs quelque chose de sa paix et de sa sérénité.

927. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Connaissez-vous une école qui ait mieux deviné ces jeux de la force, de la passion et du hasard, qu’on a bien tort assurément de vouloir assujettir à des lois ? […] Ce que Pascal a dit de l’esprit de finesse et de l’esprit géométrique reste la loi suprême de ces discussions, où le malentendu est si facile. […] Le premier, c’est le progrès continu de la laïcité, c’est-à-dire de l’État neutre entre les religions, tolérant pour tous les cultes et forçant l’Église à lui obéir en ce point capital ; le second, c’est la confirmation incessante que le ciel scientifique reçoit de toutes les découvertes, sans que le ciel théologique obtienne rien qui en étaye la structure chancelante. » « Je me résigne, ajoute-t-il, aux lois inexorables de la nature… La philosophie positive, qui m’a tant secouru depuis trente ans, et qui, me donnant un idéal, la soif du meilleur, la vue de l’histoire et le souci de l’humanité, m’a préservé d’être un simple négateur, m’accompagne fidèlement en ces dernières épreuves.

928. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Ces préjugés qu’elle méprisait, ces lois sociales qu’elle défiait, se dressent maintenant devant elle, dans toute leur rigueur. […] Les lois sociales qui pèsent sur la femme déchue et qui la repoussent du mariage sont dures peut-être, mais elles sont des lois.

929. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Puisse le travail, puisse l’aisance modérée, l’aisance toujours achetée et toujours surveillée qu’il procure, puisse la moralité qu’il introduit et qu’il entretient dans toutes les classes, devenir de plus en plus l’habitude et la loi de la société nouvelle ! […] Et après avoir proposé un projet de loi assez vague et assez peu intelligible contre la diffamation et contre toute espèce d’imputation ayant un caractère personnel, M. de Talleyrand continuait : Mais, ces lois n’existant point encore, je crois devoir à la mémoire d’un homme dont je fus l’ami, de déclarer qu’il n’a point fait, qu’il était incapable de faire et qu’il aurait eu horreur d’écrire les Mémoires qu’on a osé mettre sous son nom.

930. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

On le voit, on l’entend gardant jusque dans les salons cette voix de gourdin qu’il tenait de sa première hantise dans les cafés ; homme d’esprit d’ailleurs, mais qui n’a point su s’élever au-dessus d’un certain niveau, qui s’est avisé de publier ses Considérations sur les mœurs, un an ou deux après la première édition de L’Esprit des lois, c’est-à-dire « au moment où l’arène était occupée par deux ou trois athlètes de la première vigueur, ou d’une grâce et d’une agilité merveilleuses : il fallait venir cinquante ans plus tôt ». […] Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence. […] Alors il essaye de la poésie didactique et philosophique à la suite de Voltaire ; mais le vent tourne encore, et L’Esprit des lois de Montesquieu vient tenter Helvétius d’entreprendre ce malencontreux livre De l’esprit, qui arrivera lui-même quand le moment de faveur sera passé.

931. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Sans doute, il continue à se soumettre extérieurement aux lois de la société ; il révère les dogmes de la religion ; il se fait une morale provisoire empruntée aux opinions moyennes des mieux sensés : tout cela est de sens commun ; mais c’est la moindre partie de lui-même que Descartes abandonne ainsi. […] Cependant il reconnaît que Bossuet s’est trompé sur deux points : « Il s’est trompé quand il a cru le protestantisme incompatible avec de grandes sociétés réglées et prospères ; il s’est trompé quand il a vu l’idéal des gouvernements dans la royauté absolue tempérée par des lois fondamentales. » Mais ce ne sont pas là deux petites erreurs, à ce qu’il me semble, et je ne crois pas qu’on puisse dire que celui qui les a commises soit toujours tombé sur le vrai. […] Sa dureté à l’égard de Fénelon et de Malebranche pour des opinions toutes spéculatives, son allusion barbare à la mort de Molière, qui mourut, comme on sait, dans un dernier acte de dévouement pour ses pauvres compagnons de scène, le ton perpétuel d’autorité impérieuse avec lequel il décrète et promulgue ses pensées comme des lois et des dogmes, tout cela, dis-je, est-il absolument exempt de tout orgueil humain, et la vérité est-elle si hautaine et si insolente ?

932. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Si vous l’ignorez, lecteur, le voici : « On avait cru jusqu’à ce jour en France, et depuis Gassendi jusqu’à MM. de Fontanes et Villemain, que Lucrèce, esprit rêveur et mélancolique, jeté dans le monde à une époque d’anarchie et de discordes civiles, troublé de doutes et de terreurs philosophiques à la manière de Pascal et de Boulanger, voyant l’État s’abîmer dans les crimes, et ne sachant où la destinée humaine poussait l’homme ; on avait cru que pour échapper au vertige et ne pas glisser misérablement de ces hauteurs où l’avait emporté sa pensée, il s’était jeté en désespoir sur la solution d’Épicure, s’y attachant avec une sorte de frénésie triomphante, et que de là, dans quelques intervalles de fixité et de repos, il avait voulu enseigner à ses contemporains la loi du monde, la raison de la vie, et leur montrer du doigt le sentier de la sagesse. […] Quand Rome s’écroulait sous le fer des tyrans, Que, sortis de son sein, de rebelles enfants Par une guerre impie ensanglantaient leur mère, Et vainqueurs ou vaincus accroissaient sa misère, Un poète parut qui, d’une austère voix, Chantant de l’univers le principe et les loix, Et leur chaîne à jamais bienfaisante, éternelle, Faisait du triumvir rougir la loi cruelle ; De leurs prêtres du moins détrompait les humains ; C’était assez d’un maître aux malheureux Romains ; Et pour les rassurer (?)

933. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Une disposition invincible à narguer et à chansonner les gens de loi, les gens d’église, les puissants, le beau sexe et les maris, devint un des traits persistants du caractère national. […] Et plus loin :  À la frontière où l’oiseau vole, Rien ne lui dit : Suis d’autres lois.

934. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Je leur ferai deux idoles, qui s’appelleront Honneur et Fidélité, et une loi qui s’appellera Obéissance passive.  Et ils adoreront ces idoles, et ils se soumettront à cette loi aveuglément, parce que je séduirai leur esprit, et vous n’aurez plus rien à craindre.

935. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Ils lui accordent bien d’entrer en rapport avec le non-moi par la pensée et l’intelligence ; d’en connaître et d’en réfléchir les lois, d’en posséder la science, quoique encore cela soit impossible, sans que l’activité matérielle s’en môle à un certain degré ; mais dès que le moi désire modifier activement, transformer, embellir ce monde extérieur, ils l’arrêtent, ils l’avertissent comme s’ils n’en avaient que fort précairement le droit et le pouvoir ; de même en effet qu’ils nient la continuité entre le moi et la vie dite de nutrition, de même aussi ils nient la continuité essentielle du moi avec la vie dite de relation ; entre la pensée et l’acte, entre la volonté et l’acte, il y a pour eux un abîme, de même qu’il y en avait un entre la sensation et la pensée. […] Les lois orageuses, et toutes pleines de perturbation, du monde extérieur, ne se réfléchissaient qu’obscurément dans la pensée terne et stagnante de l’homme.

936. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Des lois tyranniques, des désirs grossiers, ou des principes corrompus, ont disposé du sort des femmes, soit dans les républiques anciennes, soit en Asie, soit en France. […] Ce n’est pas le dur lien des lois humaines, ce lien si souvent étranger au choix du cœur, qui forme le nœud de leur vie, c’est l’harmonie elle-même, accordant toutes leurs passions dans le sentiment de l’amour.

937. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Les ouvrages qui appartiennent à la haute littérature ont pour but d’opérer des changements utiles, de hâter des progrès nécessaires, de modifier enfin les institutions et les lois. […] Mais lorsqu’elles ont chargé leurs magistrats de la puissance impassible des lois, elles peuvent se livrer sans danger au libre essor de l’approbation et du blâme ; elles peuvent offrir aux grands hommes le seul prix pour lequel ils veulent se dévouer, l’opinion du temps présent et de l’avenir, l’opinion, seule récompense, seule illusion dont la vertu même n’ait jamais la force de se détacher.

938. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il prend encore « le tour et les lois que jadis les maîtres suivaient eux-mêmes. » Avec leurs règles, il se fait un art. […] Il n’a pas l’air d’un écrivain ; il est à mille lieues des habitudes oratoires qui font loi autour de lui.

939. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Souvent cette analyse sera le développement même que vous cherchez : et par le seul fait que vous aurez substitué le concret, le phénomène ou l’individu, à l’abstrait, à la loi ou au genre, vous aurez touché votre but, vous aurez peint, prouvé, ému. […] Le roi Carlos somme don Ruy Gomez de Silva de livrer son hôte, le bandit mis hors la loi et traqué de toutes parts.

940. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Mais une loi fatale comporte le divorce des foules et des génies au terme des civilisations. […] Ce fut l’apothèse longuement préparée par les dialecticiens scolastiques du moyen âge : les temps do la naïveté avaient été, ceux de la connaissance venaient, et les temps do la connaissance exaltaient les rigides lois d’une logique qui s’empruntait d’Aristote, à travers saint Thomas, pensant établir par les forces mêmes de la raison seulement humaine la vérité de la Révélation.

941. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Une telle loi, cependant, est-elle absolue ? […] La religion d’Athènes, c’était le culte d’Athènes même, de ses fondateurs mythiques, de ses lois, de ses usages.

942. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Habitué à remuer ses souvenirs avec l’inquiétude fébrile d’une âme exaltée, il transforma son maître en voulant le peindre, et parfois il laisse soupçonner (à moins que d’autres mains n’aient altéré son œuvre) qu’une parfaite bonne foi ne fut pas toujours dans la composition de cet écrit singulier sa règle et sa loi. […] Aussi les douaniers étaient-ils abhorrés des zélateurs de la loi.

943. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Je crois l’entendre d’ici me répondre que cette pente où l’on va est une loi fatale pour toute littérature qui a beaucoup duré et qui a eu déjà plusieurs siècles de floraison et de renaissance ; qu'en attendant il faut tirer de chaque âge le meilleur parti possible, lui demander l’œuvre à laquelle il est le plus propre, et que, d’ailleurs, nous n’en serons pas de sitôt pour cela à l’école de Byzance, que nous n’en sommes qu’à celle d’Alexandrie. […] Cousin, au premier abord, paraît échapper à la loi commune ; on dirait vraiment que c’est un personnage du xviie  siècle qui écrit.

944. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Les Grecs ne s’en doutaient pas, et les plus imposants chefs-d’œuvre de la tragédie proprement dite sont nés en dehors de cette prétendue loi. La loi véritable, la voici : tout ouvrage de l’esprit doit naître avec la coupe particulière et les divisions spéciales que lui donne logiquement l’idée qu’il renferme.

945. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

On ne peut contester qu’il n’y ait des cas où le désordre intellectuel a sa cause dans quelque désordre organique en vertu des lois de l’union de l’âme et du corps ; n’y en a-t-il pas d’autres aussi où il semble que le trouble soit exclusivement moral, et où l’organisme n’intervient qu’incidemment et subsidiairement : par exemple, lorsque la folie est causée, ce qui est très-fréquent, par des chagrins domestiques, un amour contrarié, une ambition déçue, des scrupules religieux portés à l’excès. […] Chacun sort de l’autre par la puissance propre de l’âme, et en vertu des lois d’association ou de répulsion qui président au développement des phénomènes moraux.

946. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Il s’ensuivrait que nous parlons à gauche, ce qui est une assertion très singulière, et surtout contraire à cette loi affirmée par tous les physiologistes, à savoir que les deux hémisphères, comme les deux yeux ou les deux oreilles, ont identiquement les mêmes fonctions et se suppléent mutuellement. […] Baillarger pour affaiblir ce qu’il y aurait d’étrange dans la loi de M. 

947. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Sans doute de grands malheurs ont nécessité de grands sacrifices, car la fortune publique est livrée à des parvenus grossiers ; des laquais enrichis foulent aux pieds toutes les lois de l’honneur ; l’honnêteté, la pudeur sont bravées ; la vertu n’est plus qu’un vain mot !!! […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or.

948. (1760) Réflexions sur la poésie

Eu un mot, voici, ce me semble, la loi rigoureuse, mais juste, que notre siècle impose aux poètes ; il ne reconnaît plus pour bon en vers que ce qu’il trouverait excellent en prose. […] Quoi qu’il en soit, moins nous adoucirons la rigueur de nos lois poétiques, plus il y aura de gloire à la surmonter.

949. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

C’est au succès de son Esprit des lois et de sa Grandeur et décadence des Romains que nous devons ces livres qui ont la prétention de planer sur l’histoire pour la mieux voir, et qui ont tous les inconvénients des ballons, d’où l’on ne voit les choses que de haut en bas et qui passent… Je ne connais rien de plus prolifique que le succès, ce générateur de sottises ; mais c’est son expiation — et elle est cruelle ! […] Comme Montesquieu, dans cette partie de son ouvrage, il se rompt et s’émiette en petits chapitres, moins cassés et moins cassants que ceux de Montesquieu dans l’Esprit des lois, et qui n’ont malheureusement pas le fil tranchant et la brièveté piquante que l’épigrammatique Montesquieu, cet esprit aigu, donne aux siens.

950. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

… L’homme qui les a écrites me fait l’effet d’un Montesquieu militaire, qui nous donne axiomatiquement l’Esprit des Lois des armées, comme l’autre nous a donné l’Esprit des Lois des sociétés… Il n’affirme pas, il est vrai, la nécessité des démocraties pour la destruction des armées avec l’aplomb et l’autorité qu’il met à affirmer la discipline pour leur existence et pour leur force ; mais, trempé dans l’atmosphère de son temps, il en admet l’hypothèse.

951. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Dégoûté de tant d’inconsistance, Platon refusa de donner des lois à Cyrène. […] C’est à Lerminier qu’il faudrait appliquer ce mot, écrit par lui de Montesquieu « : Il a la passion de l’impartialité, mais c’est une passion contenue, surveillée, sûre de son désir et de son effort, moins une passion qu’un art réfléchi, calculateur et caché, qui va du rayonnement du Beau jusqu’au rayonnement, plus pur encore, de la Justice, par le fait de cette loi magnifique qui veut que toutes les vérités se rencontrent, à une certaine profondeur. » Nous avons dit qu’après avoir lu cette histoire il n’était plus possible de garder la moindre illusion sur la valeur morale et politique des Grecs, mais, en exprimant une telle opinion, nous n’avons point entendu parler des partis.

952. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

… Ainsi, excepté quelques aperçus tout-puissants d’un grand écrivain oublié, de ce Saint-Évremond tué et enterré par Montesquieu en vertu de la loi cruelle qui veut que le génie tue toujours celui qu’il a pillé, excepté la préface si hardie des Études historiques de Chateaubriand et quelques pages profondes, majestueuses et amères de Bonald dans ses Mélanges de littérature, on n’avait rien de jugé, de satisfaisant, rien de conclu sur Rome par la raison moderne, quand le livre de Champagny parut. […] L’Empire avait des raisons d’être intimes et profondes… Il était le développement définitif, et auquel la République avait travaillé, d’une loi plus haute que les ambitions et plus impérieuse que les volontés humaines, à savoir : que toute victoire pour Rome s’était changée en nécessité de gouverner les peuples conquis, et que cette nécessité de gouverner le monde méditerranéen avait fini, en grandissant les vices de l’élection, par la rendre complètement impossible. — Le travail de Champagny nous semblait digne de cette imposante conclusion.

953. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Dans cette histoire des Pyrénées, dans ce repli, sur ce mamelon, au bas et au haut de ces roches, on n’aperçoit que la Féodalité chrétienne dont nous savons assez l’histoire, — mais dont il nous faudrait la loi. […] C’était elle surtout, et peut-être uniquement elle, dont il devait nous montrer le travail autour de la grande pyramide romaine, en nous expliquant ses alliances, sa loi salique, ses mariages, équivalant à ses conquêtes, et le secret de son immense force quand, de morcelée sur des espaces restreints, comme les plateaux pyrénéens, par exemple, elle se résolut en un ordre organique dans de plus vastes espaces ; sujet superbe, touché et manqué déjà par tant de mains auxquelles on prêtait du génie.

954. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

nous ne réclamons pas aujourd’hui son cadavre, et nous réprouvons, autant que jamais, la tendance générale et le mal absolu de ses Œuvres, mais nous réclamons ce qui appartient au sentiment chrétien dans ses Œuvres, à travers les plus mortelles erreurs… Et que cette réclamation tardive, faite sur sa tombe, soit la punition de sa mémoire ; car le meilleur châtiment du coupable, c’est de montrer, qu’il n’était pas fait pour son crime, et qu’en le commettant il ne transgressait pas seulement la loi divine, mais les plus profonds et les plus nobles instincts de son cœur ! […] Il refusa : « Je ne sais pas faire les lois, — dit-il, — je ne sais rien que les défendre. » C’était le temps du déchaînement des ambitions.

955. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Il ne le fut point à la manière du chaste Newton, ce célibataire sublime, qui n’aima que Dieu et ses lois. […] Mais la loi abstraite, la méthode qui donne tout dans un seul procédé, disons-le hardiment, ne pénétrait pas en cette tête pompeusement éprise de généralités, de différences et de coloris.

956. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Esprits sans hardiesse, moitiés d’athées qui s’arrêtent, d’horreur ou de lâcheté, dans le déisme, comme déjà Bossuet le leur reprochait dans son temps, ils s’imaginent que la lettre d’une loi religieuse, cette lettre qui prescrit et qui fonde, est un voile destiné à tomber devant l’esprit, et pour cette raison ils la rejettent. […] Car après le jugement sur la philosophie de l’écrivain il y a le jugement sur son œuvre, et c’est une loi de l’esprit humain que les chefs-d’œuvre littéraires diminuent d’autant de beautés qu’il s’y trouve de vérités méconnues.

957. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

C’est par loi que la famille est prospère en beaux enfants et en belles moissons, ô déesse ! […] Ils gouvernent par de sages lois leurs villes ornées de belles femmes.

958. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Si Dieu existe, sa loi édictée dans les livres saints donne une règle de justice inattaquable. […] La loi du besoin domine la physiologie. […] L’histoire de la littérature semble attester cette loi de communion entre les illustres faiseurs de vers et leur époque. […] Toujours est-il que ces espèces littéraires, comme les espèces vivantes, restent soumises à la loi de la concurrence. […] Partant de cette idée que la créature humaine n’est qu’un cas particulier d’une loi de psychologie générale, c’est à la mise en lumière de cette loi qu’il s’attache, à travers l’immense détail des documents individuels et particuliers.

959. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XV » pp. 61-63

Si Villemain n’a pas proposé cette année sa loi organique sur l’instruction secondaire, c’est que le roi ne s’en est pas soucié : « Laissons faire, disait-il au ministre, laissons-leur la liberté à tous, moyennant un bon petit article de police qui suffira. » — Le roi est peut-être meilleur politique en disant cela, mais Villemin est meilleur universitaire. — Ces querelles religieuses détournent de la politique active immédiate.

960. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Buloz et le Messager de Paris. »

Quoi qu’il en soit, la presse a de certaines lois et coutumes qui sont assez généralement observées entre ceux de ses organes qui comptent pour quelque chose, et le Messager nous paraît ne pas s’en être douté.

961. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

Aussi fut-elle tout cela, comme l’exigeaient impérieusement la mode et les convenances ; mais quels démentis cruels donnaient à ce parti pris nécessaire son beau front droit, ses grands yeux plus éveillés que les cloches de matines, son petit nez retroussé comme ceux qui changent les lois d’un empire, et l’arc de sa jolie bouche, et son menton rose, et les énormes boucles de cheveux clairs, lumineux, couleur d’or, tombant à profusion sur un buste dont les blanches, éclatantes et superbes richesses chantaient glorieusement à tue-tête la gloire de Rubens, ivre de rose !

962. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghéon, Henri (1875-1944) »

Il a vu le monde avec des yeux ingénus et avertis à la fois ; il sait les transformations des choses, la grande loi des pourritures renaissant en des êtres nouveaux (cf.

963. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Popelin, Claudius (1825-1892) »

Claudius Popelin n’avait pas sur les signes une bien décisive autorité, mais il était poète ; seul, il prouverait le beau sonnet d’une si pure forme classique : La très sévère loi du flux et du reflux S’impose inéluctable, et le lierre s’enroule Aux colonnes…..

964. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Persuadé que les lettres doivent être un supplément de l’expérience personnelle une force active et présente, une discipline qui s’ajoute aux exemples du foyer domestique, à la religion, aux lois de la patrie, j’ai cherché dans nos grands écrivains moins l’habileté de l’artiste que l’autorité du juge des actions et des pensées, moins ce qui en fait des êtres merveilleux, dont la gloire nous peut troubler, que ce qui les met de tous nos conseils et les mêle à notre vie, comme des maîtres aimés et obéis.

965. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Introduction »

Spencer n’a guère d’autre objet que de montrer comment la loi de l’évolution universelle s’applique aux sociétés.

966. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

C’est-à-dire qu’elle a mal agi au jugement de la loi, afin de bien agir à ses propres yeux. […] Mais, si elle n’a point péché en violant la loi, elle a péché d’autre façon. […] Il est évident que, s’il avait su, il aurait mieux aimé mourir que d’être sauvé par un faux, lui qui, à tort ou à raison, a la superstition de la loi écrite, de la loi faite pour tout le monde. […] Il a manqué aux lois de la probité et il se montre bien dur avec Nora. […] La loi russe laisse pourtant à Osip un moyen de délivrer Anna : c’est de se faire moine.

967. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

* *   * Il y a une loi littéraire qu’il finira par être bon d’imposer. […] Balzac aura des continuateurs qui feront ce qu’il n’a pu faire, qui iront plus loin que lui et suivront en cela les lois éternelles du développement indéfini de la pensée humaine. […] Dès qu’il élève la règle du moment à la hauteur d’une loi générale, il se précipite infailliblement dans l’erreur. […] Et il agit ainsi de plein droit ; car si les lois de l’esprit humain n’étaient pas en même temps les lois du monde ; si la raison entière était soumise à l’expérience, il n’y aurait plus d’expérience possible. […] L’harmonie, crient les uns, est la première loi du style, sacrifions tout à l’harmonie !

968. (1896) Écrivains étrangers. Première série

C’est une doctrine suivant laquelle nous pouvons connaître les phénomènes et leurs lois, mais rien d’autre. […] Mais comment espérer que la loi morale conserve son prestige aux yeux d’hommes si bien renseignés sur sa généalogie ?  […] Les lois sont la grande cause du mal dans l’humanité. […] Et en attendant qu’on puisse supprimer les lois, il faut que chacun essaie de s’en passer dans la mesure du possible. […] Ce ne sont point des mesures générales, ni des congrès, ni des lois, qui peuvent assurer le bonheur de l’humanité.

969. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

On raconte une chose admirable d’une mule que cet épicier avait (car les gens de cette condition, en Perse, montent la plupart des mules, comme les docteurs de la loi montent des ânes). […] Car vous savez, dit-il, que les sacrées lois de l’élu de Dieu ne permettent pas qu’une personne à qui cette sorte de disgrâce est arrivée obtienne le souverain commandement sur nous ; après cela, nous serons contraints de recourir à Hamzeh-Mirza ; et de quelle grâce, je vous prie, recevra-t-il notre élection ? […] Il crut qu’il y allait de son devoir d’empêcher ce désordre autant qu’il pourrait ; et qu’encore qu’il n’eût pas de droit de parler en cette assemblée, il lui était permis de violer ce droit, qui n’était que de pure cérémonie, pour remettre dans le bon chemin ceux qui violaient une loi que la nature semblait avoir établie et que la religion favorisait. […] Pensez-vous que les autres grands veuillent passer pour des gens sans loi et approuvent vos suffrages ? […] Hamzeh-Mirza lui-même, pour qui vous avez prostitué vos consciences, ne vous en saura pas de gré un jour ; il vous regardera comme des chiens, qui ne lui auront procuré cet honneur que dans le désir de faire curée, et qui, dans l’espérance de s’engraisser pendant son bas âge, auront laissé Dieu et la loi, le Prophète et le livre, l’explication, la droite raison et la justice.

970. (1864) Le roman contemporain

Ce sont les lois et les mœurs qui créent artificiellement une damnation sociale. […] La loi, c’est la force ; le but de la vie, la jouissance ; il n’y a rien au-delà. […] Vous comprenez que la grande coupable ici, c’est la loi, c’est la magistrature, c’est toujours la société. […] Ici ce n’est ni la loi ni la société qui ont envoyé Jean Valjean aux galères. La loi punit le vol avec effraction, la société demande aux jurés, à la magistrature de la défendre selon les lumières de leur raison et l’inspiration de leur conscience contre ceux qui, en violant la loi, mettent l’ordre social en péril.

971. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

On est comme au café ou au restaurant, et tout caprice du consommateur est tenu pour loi.

972. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

C’est un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand & du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour soutenir le poids d’une grande autorité & d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere & impérieuse qui regle ses désirs & ses actions.

973. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Ampère Le vrai savant, l’inventeur, dans les lois de l’univers et dans les choses naturelles, en venant au monde est doué d’une organisation particulière comme le poëte, le musicien. […] Chercher la cause et la raison des choses, trouver leurs lois, le tente, et là où d’autres passent avec indifférence ou se laissent bercer dans la contemplation par le sentiment, il est poussé à voir au-delà et il pénètre. […] Le jeune homme disait : Parvenu à l’âge où les lois me rendaient maître de moi-même, mon cœur soupirait tout bas de l’être encore. […] Toujours éclairé par la théorie, il lisait à l’Académie des Sciences, peu après sa réception, un mémoire sur la double réfraction, où il donnait la loi qu’elle suit dans les cristaux, avant que l’expérience eût fait connaître qu’il en existe de tels122. […] Nous noterons encore, pour compléter ces indications de travaux, un Mémoire sur la loi de Mariotte, imprimé en 1814 ; un Mémoire sur des propriétés nouvelles des axes de rotation des corps, imprimé dans le Recueil de l’Académie des Sciences ; un autre sur les équations générales du mouvement, dans le Journal de Mathématiques de M. 

974. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Mais, de par l’usage et la loi, il doit « veiller à ce qu’ils reçoivent l’éducation, les secourir dans l’indigence, leur procurer, autant que possible, les moyens de vivre ». […] Moins indépendant et moins âpre, le gouvernement paternel subsiste ailleurs, sinon dans la loi, du moins dans les mœurs. […] Çà et là, dans les Mémoires, on voit passer quelques-unes de ces étranges figures surannées, par exemple, en Bourgogne, « des gentilshommes chasseurs, en guêtres, en souliers ferrés, portant sous le bras une vieille épée rouillée, mourant de faim et refusant de travailler64 » ; ailleurs, « M. de Pérignan, en habit, perruque et figure rousses, faisant travailler à des murs de pierre sèche dans sa terre, et s’enivrant avec le maréchal-ferrant du lieu » ; parent du cardinal Fleury, on fit de lui le premier duc de Fleury  Tout contribue à cette décadence, la loi, les mœurs, et d’abord le droit d’aînesse. […] , 45, 52, 628  Duvergier, Collection des lois, t.  […] Loi du 31 août-18 octobre 1792  Cahier d’un magistrat du Châtelet sur les justices seigneuriales (1789), 29  Legrand, l’Intendance du Hainaut, 110.

975. (1910) Rousseau contre Molière

Les lois et la justice ! […] A se guinder jusqu’à la satire, elle se dénature ; à prendre le rôle de la religion, elle est bien ambitieuse ; et là où seule la loi peut avoir effet, que vient-elle faire ? […] Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. […] Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas, Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ? […] Ce n’est pas ici la loi de l’amour, j’en conviens, mais c’est celle de la nature, antérieure à l’amour même ».

976. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

L’homme tout seul est stérile parce qu’il oublie cette loi primordiale, parce qu’il néglige, de propos délibéré, l’emploi d’une part de son énergie. […] Je me suis donné la mission d’établir un suprême code de lois auquel obéiront, s’ils sont Intellectuels, tous ceux qui pratiquent l’art des vers. […] Pourtant tu triompheras, car tu es aussi l’homme libre, celui qui a compris les lois essentielles de la vie et qui s’y soumet, en les raisonnant. — Ces lois seront la source où ta conscience se retrempera aux instants de fatigue et de doute. […] Combats les fantômes qui assiègent tes frères insurgés contre les lois immuables de l’Être. […] Homais, très rouge, réclame l’application des justes lois.

977. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

La loi qu’ils cherchent le moins à éluder, c’est la loi du travail, du travail pour le gain ou public ou privé. […] Ils ne connaissent plus d’autre loi que celle de la nature. […] Tous se lèvent à la fois contre elle : nécessairement, puisqu’il est dans sa loi de transformer le réel. […] S’ils le déposent à terre pour un moment, qu’ils se remettent à le porter, la loi du poids se remontrera toute seule. […] Leur majesté se borne à l’apparence : elle n’est en définitive que la traduction pittoresque des lois de la pesanteur.

978. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Érostrate, pour être fameux, mit le feu au temple de Diane, et, malgré la loi interdisant aux Éphésiens de prononcer son nom, il a obtenu ce qu’il désirait. […] Il y a dans le génie artistique un élément de liberté et de caprice qui tient à ce qu’il a d’individuel ; le génie scientifique a quelque chose de l’impersonnalité de la nature et de la fatalité de ses lois. […] Ce double mouvement, considéré dans l’histoire, nous apparaît à présent avec la régularité implacable d’une loi. […] La loi de simplification, déjà constatée dans d’autres circonstances79, vient s’appliquer ici avec une rigueur plus précise et plus inexorable que jamais. […] La jurisprudence et les lettres se laissent plus facilement cultiver en province que la physiologie ; cela était vrai surtout vers 1716, et voilà comment Montesquieu est l’auteur de l’Esprit des lois.

979. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

À force d’adresse et de talent, il fit rejeter par le peuple même une loi toute populaire. […] Plusieurs lois défendaient de punir de mort un citoyen romain ; César les fit valoir avec adresse. […] On avait proposé dans le sénat de nouvelles lois somptuaires. […] Ils apportent le jeûne, mais ils laissent de côté la loi écrite. […] Les amis du trône et des lois repoussaient le défenseur fanatique du régicide.

980. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Cette région n’a pas de centre naturel, qui puisse imposer sa loi aux terres environnantes. […] Pour les Wallons, Latins naturels, cette loi se passe de démonstration ; quant aux auteurs de race flamande, ils la confirment brillamment. […] Aussi bien, il commence à se libérer des lois prosodiques qui entravaient la traduction libre de ses sensations désordonnées. […] Dans Le Trésor des Humbles, livre de miséricorde et d’amour, Maeterlinck cherche encore sa loi morale. […] Picard ne pense pas que la science du Droit consiste seulement à étudier les lois dans les livres.

981. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Je n’ai à ma disposition ni lois ni règles, ni principes peut-être ; je n’apporte rien qu’un sentiment esthétique assez violent et quelques notions historiques : voilà ce que je jette au hasard dans la grande cuve où fermente la langue de demain.

982. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Enfin, « ayant été ballotté et roulé trois ans, dit Burns avec sa verve amère, dans le tourbillon de la procédure, il fut sauvé tout juste des horreurs de la prison par une maladie de poitrine qui, après deux ans de promesses, eut l’obligeance d’intervenir1139. » Afin d’arracher quelque chose aux griffes des gens de loi, les deux fils et les deux filles aînés furent obligés de se porter comme créanciers de la succession pour l’arriéré de leurs gages. […] Au diable ceux que la loi protége ! […] Comme autrefois, sous Virgile et Marc-Aurèle, la sensibilité raffinée et les sympathies élargies embrassent des êtres qui semblaient pour toujours relégués hors de la société et de la loi. […] Suis-je juste ou non, et, par-delà les démarches visibles de ma conduite, les mouvements secrets de mon cœur sont-ils conformes à la loi suprême ?  […] Les lois de la vie y sont suspendues ou transformées.

983. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Les lois de l’art qu’il conçoit ne lui permettent point d’estimer M.  […] Je l’ai déjà dit : une langue prend naissance, se développe et meurt selon une marche régulière et des lois établies. Elle est un organisme vivant, soumis à des lois intellectuelles et physiques ; nous devons l’accepter avec ses idiotismes pittoresques, ses tournures familières, et il n’appartient pas à un individu de vouloir la reconstruire selon ses fantaisies. […] La poésie a ses lois comme l’architecture. Léon Dierx, jamais, n’a manqué à ses lois.

984. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Ceux même qui semblent le plus solitaires dans leur vie et dans leur génie, ne sont pas affranchis de cette loi ; ils sont de leur temps ; ils parlent un langage que comprennent les contemporains. […] Dans la politique, notre orgueil refuse de plier sous le joug des lois que nous avons faites ; dans la littérature, nous résistons à l’autorité de la langue, la seule cependant qu’une critique libérale puisse invoquer aujourd’hui, la seule qui ait droit de survivre à la ruine des traditions. […] La légitimité vaincue, la loi maîtresse, l’ordre dans Paris, un ordre admirable sous la protection des baïonnettes de l’insurrection victorieuse ! […] Leur conscience repousse bien plus obstinément toute conversion religieuse que leur foyer domestique ne se ferme à nos lois civiles. […] Les colonies anglo-américaines qui parlaient la même langue que la mère-patrie, qui avaient ses mœurs, sa religion, ses lois, ses usages, se sont affranchies du jour où leur civilisation s’est trouvée l’égale de la civilisation anglaise ; mais si l’Inde échappe jamais à l’Angleterre, ce sera par une guerre de religion.

985. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Sur Montesquieu il est d’un avis assez tranché et a l’air paradoxal, et peut-être n’a-t-il que raison : Montesquieu perdra moins qu’un autre dans cette révolution d’idées et de sentiments, parce que les objets dont il a parlé seront éternellement intéressants, et que sa manière de s’exprimer est simple et piquante ; mais, tout en admirant plusieurs parties de L’Esprit des lois, je crois que cet ouvrage lui donnera moins de droits que les Lettres persanes pour se maintenir au premier rang des hommes de génie. Toutes les idées politiques répandues et dans L’Esprit des lois, et dans l’ouvrage si bien fait, si sagement ordonné, sur la grandeur et la décadence des Romains, sont contenues en germe dans les Lettres Persanes, et le sujet y permet certaines idées qui déparent la dignité d’un ouvrage aussi grave que L’Esprit des lois.

986. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Mais que le suzerain manque à son vassal, rien aussi n’oblige le vassal à garder une loi que le suzerain n’a pas gardée : patriotisme, salut public, aucune raison ne compte, et la guerre civile éclate, même devant l’ennemi, à moins que l’intérêt réciproque des deux adversaires n’amène, ou que l’intérêt commun des autres barons n’impose un accommodement. […] Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale.

987. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Ses dieux se rassérènent, ses marbres se détendent, ses lois se polissent, sa langue s’éclaircit et s’affine. […] Il cherche le Dieu vrai dans la foule des divinités illusoires, une providence dans le désordre apparent des choses, la loi sous la fatalité, la justice à travers les talions barbares. […] C’est lui qui a porté cette loi : la science au prix de la douleur.

988. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Pour la seconde fois, avec un talent redoublé, l’auteur a remis en scène une question scabreuse et pathétique entre toutes, celle de l’enfant naturel renié par son père et abandonné par la loi. […] Il a, de plus, visé la loi qui, dans certains cas, livre l’enfant naturel, comme sur l’estrade d’un encan, aux adjudications du hasard. […] Cette loi qui jette l’enfant, sans nom dans la vie, à qui veut le prendre, est encore réduite à l’absurde par un nouvel incident.

989. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

On avait fait à cet écrivain une réputation toute particulière d’absolutisme ; on le jugeait sur une page mal lue d’un de ses écrits, et on ne l’appelait que le panégyriste du bourreau, parce qu’il avait soutenu que les sociétés qui veulent se maintenir fortes ne peuvent le faire qu’au moyen de lois fortes. […] Présents ou absents, leur moindre désir était pour lui une loi imprescriptible. […] La monarchie, comme il l’entendait, n’était certes pas la monarchie constitutionnelle ni à l’anglaise : pourtant « soyez persuadé, écrivait-il à ce même ami, que, pour fortifier la monarchie, il faut l’asseoir sur les lois, éviter l’arbitraire, les commissions fréquentes, les mutations continuelles d’emplois et les tripots ministériels ».

990. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Il est au jugement ce que l’honneur est à la probité : ses lois sont délicates, mystérieuses et sacrées. […] dira-t-il encore avec un accent bien senti et qui ne se peut méconnaître ; les objections contre l’existence de Dieu sont épuisées, et ses preuves augmentent tous les jours : elles croissent et marchent sur trois ordres : dans l’intérieur des corps, toutes les substances et leurs affinités ; dans les cieux, tous les globes et les lois de l’attraction ; au milieu, la nature, animée de toutes ses pompes. […] Il les montre possédés d’une manie d’analyse qui ne s’arrête et ne recule devant rien, qui porte en toute matière sociale les dissolvants et la décomposition : Dans la physique, ils n’ont trouvé que des objections contre l’Auteur de la nature ; dans la métaphysique, que doute et subtilités ; la morale et la logique ne leur ont fourni que des déclamations contre l’ordre politique, contre les idées religieuses et contre les lois de la propriété ; ils n’ont pas aspiré à moins qu’à la reconstruction du tout, par la révolte contre tout ; et, sans songer qu’ils étaient eux-mêmes dans le monde, ils ont renversé les colonnes du monde… Que dire d’un architecte qui, chargé d’élever un édifice, briserait les pierres, pour y trouver des sels, de l’air et une base terreuse, et qui nous offrirait ainsi une analyse au lieu d’une maison ?

991. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Cette loi s’observe au moral et au physique, c’est la loi des masses au physique c’est la loi des caractères au moral.

992. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

La philosophie elle-même est d’autant plus intéressée à l’observation de cette loi, que les délires de nos Philosophes actuels sont plus propres à tourner à la honte de l’ancienne Philosophie, comme les égaremens des Philosophes anciens peuvent contribuer à faire sentir les abus de la Philosophie dans tous les temps.

993. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

On constata, qu’avec l’aspiration vers la Vérité, l’homme propose à la vie phénoménale un but qui, atteint, irait à supprimer la vie phénoménale, qu’avec cette aspiration, il applique à ce qui est situé dans le devenir et dont l’essence est le mouvement dans la diversité, la loi de ce qui par hypothèse serait immuable et reposerait, inconcevable, dans l’identique.

994. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Plus fière sous l’ancienne alliance, elle ne peignit que des douleurs de monarques et de prophètes ; plus modeste et non moins royale sous la nouvelle loi, ses soupirs conviennent également aux puissants et aux faibles, parce qu’elle a trouvé dans Jésus-Christ l’humilité unie à la grandeur.

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