Ne lui demandons point d’ailleurs un idéal qui n’est pas son fait, — ni le véritable idéal qui ennoblit la condition humaine et cherche à lui donner toute la beauté dont on la croit susceptible à de certaines heures, — ni ce faux idéal qui ne s’attache qu’aux apparences et qui se prend aux illusions ou ne songe qu’à s’en décorer. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.
Demandez donc à de telles âmes qui, dès la tendre jeunesse, ont logé en elles un si faux idéal, une si misérable forme de bonheur, d’avoir une grande ambition, de se tourmenter pour un noble but, et eussent-elles reçu de la nature des facultés supérieures et fortes, de les tourner vers de généreux emplois. […] Besenval était donc atteint lui-même autant que personne de ce faux genre et de ce vice d’incurable légèreté.
Un des amis de ce dernier et qui paraît avoir été un homme des plus distingués, bien qu’il n’ait guère laissé de souvenir, le marquis de Saint-Georges, un sage, un homme de goût, un philosophe pratique comme il y en avait alors à Paris, comme il y en a peut-être encore, qui lisait ces lettres de Vauvenargues et les prisait infiniment, y trouvait, disait-il, de l’esprit partout, mais des endroits faux, trop de métaphysique, et ajoutait : « Il parle par théorie, on le voit. » C’est possible ; mais les lettres sont vraies pour nous en ce qu’elles nous peignent celui même qui les écrit, et c’est ce caractère surtout qui nous est intéressant aujourd’hui à connaître. […] Le jeune chevalier, pour le dire en passant, fit bientôt fausse route et perdit son avenir ; il s’amouracha d’une charmante et brillante folle, Mlle Navarre, fille d’un receveur des tailles à Soissons, aimée du maréchal de Saxe, et qui nous est connue par les Mémoires de Marmontel et par ceux de Grosley.
En quelque fâcheuse condition où sa destinée le réduise, vous le verrez également éloigné de la faiblesse et de la fausse fermeté, se possédant sans crainte dans l’état le plus dangereux, mais ne s’opiniâtrant pas dans une affaire ruineuse, par l’aigreur d’un ressentiment, ou par quelque fierté mal entendue. […] M. de Barthélémy, évidemment, se fait de la logique une fausse idée, et, en s’exprimant comme il l’a fait, il a trahi lui-même, une fois de plus, son côté faible, qui est celui de la critique et de la judiciaire.
Prenons une comparaison bien sensible pour nous : en faisant justice des Précieuses ridicules, en faisant main basse sur leur faux jargon avec sa verve la plus vigoureuse, Molière ne laissait pas à ce qu’on appelait les bonnes précieuses la ressource de se distinguer des autres et de leur survivre. […] Florian, dont on parle avec trop de mépris et qui a eu, comme Marmontel, le malheur de donner son nom à un genre faux, contribua du moins à remettre en circulation et en vogue Don Quichotte.
Nous entrons dans une voie pleine d’embûches et de fausses routes. […] Le premier et le plus dangereux de tous est Mirabeau dont je vous ai déjà parlé ; mais son immoralité inspire une telle horreur, et on a fait un tel portrait de lui aux journées des 5 et 6 octobre dont il a été le l’auteur et le meneur, qu’on ne saurait se déterminer à avoir de près ni de loin aucun rapprochement avec cet homme67… » C’était faux.
Il en parle souvent comme d’une chose résolue et presque faite : était-ce de sa part une feinte, comme autrefois les faux semblants de retraite du vieux précepteur Fleury auprès de Louis XV ? […] Nous devons rappeler toutefois qu’à cette date de 1779 l’abbé de Vermond ne fit qu’une fausse sortie : il y eut un prompt retour ; la reine répara envers lui le passé et se fit un honneur de le mieux traiter au vu de tous95 ; on le retrouve à la Cour de Versailles sur un pied de crédit et même de faveur dans les années suivantes, très-mêlé sous main, dit-on, à l’action et aux influences des Brienne et des Breteuil.
Il ne put rien produire chez nous que de faux et de médiocre, hormis quelques pages sincères de Racan. […] Le roi de Hongrit doit épouser la reine de Naples, et l’épousera au dénouement mais pour qu’il en vienne là, il faudra que tout le monde se déguise, le roi de Hongrie en simple gentilhomme, Alcandre, frère du roi, en marchand, son amante Rosélie en paysanne, la reine de Naples en pèlerine, un valet bouffon en Alcandre ; et il faudra encore deux fausses lettres pour brouiller la situation au milieu de la pièce.
. : il montrait combien l’ignorance des sources, le manque de science et de critique, l’inintelligence de la vie du passé, le goût romanesque, la rhétorique, l’esprit philosophique, avaient partout déformé l’histoire : combien froides et fausses étaient toutes ces annales, où avortaient vite quelques bonnes intentions d’exactitude. […] Dès 1820 il avait commencé à appliquer la même méthode à l’histoire de France : il s’était mis à lire la grande collection des historiens de France et des Gaules : et une indignation l’avait saisi en voyant comment les historiens modernes avaient « travesti les faits, dénaturé les caractères, imposé à tout une couleur fausse et indécise », combien de niaises anecdotes, de fables scandaleuses s’étaient substituées à la savoureuse simplicité de la vérité832.
D’autre part, un rêveur me tient ces propos excessifs : — Non, décidément, vrais ou faux, tous ces romans de mœurs mondaines m’exaspèrent. […] Cela est vrai, à des degrés divers, d’Edmée et de Germaine : Edmée, une jeune fille trop savante et trop curieuse — sauvée par sa science précoce et par sa fierté ; Germaine, une jeune femme qui a la coquetterie des sens, « une coquetterie épidermique, animale, d’un caractère étrange, presque monstrueux, féminin quand même », sauvée, celle-là, on ne sait par quoi, par sa froideur foncière, par sa paresse, parce qu’il faut un effort pour franchir le dernier pas… Mais que nous importe que ces fausses honnêtes femmes soient sauvées ?
C’est sans doute ma faute ; et lorsque, ensuite, je l’ai vu si digne dans l’affaire des faux autographes, si décidé à braver le ridicule, à sacrifier sa réputation et toute sa vie à la justice et à la vérité, je n’ai plus eu d’étonnement. […] Daudet, parti d’un fait vrai, l’a rendu totalement invraisemblable et faux parce qu’il en a changé toutes les conditions.
malgré toutes les justes remarques qui peuvent s’opposer à cette fausse vue philosophique qu’on a voulu donner de Fénelon, il y avait un instinct qui ne trompait pas entièrement ceux qui le traitaient avec cette faveur toute particulière ; car si ce n’est pas la doctrine de Fénelon qu’on peut dire tolérante, c’est sa personne et son caractère qui l’était, et il savait mettre en chaque chose un ton, un tour de grâce, une onction qui faisait tout passer, même les prescriptions rigoureuses. […] Chacun fait l’entendu, comme s’il était immortel ; le monde n’est qu’une cohue de gens vivants, faibles, faux et prêts à pourrir ; la plus éclatante fortune n’est qu’un songe flatteur.
En un mot, pour suivre mon image toute physique et anatomique, je dirai : Quand il tient la carotide de son sujet, il l’injecte à fond avec fermeté et vigueur ; mais quand il est à faux, il injecte tout de même et pousse toujours, créant, sans trop s’en apercevoir, des réseaux imaginaires. […] Le sentiment de l’artiste ne doit porter que là-dessus, tout le reste est faux.
Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse. Elle ne paraît point fausse, en effet, dans ses lettres, elle n’est que discrète et un peu serrée.
Il commença par bien des tâtonnements et des faux pas avant d’atteindre au plein exercice de sa vocation véritable. […] Il semblait que l’expérience ne lui eût pas appris « que ce qui nous a paru vrai dans un temps, peut ensuite nous sembler faux dans un autre15 ».
On fit sur leur compte mille histoires vraies ou fausses, et sans doute embellies. […] Et pourtant il y a la race encore de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée.
Le vers libre I « Si j’étais encore assez jeune et assez osé, je violerais à dessein toutes lois de fantaisie ; j’userais des allitérations, des assonances, des fausses rimes, et de tout ce qui me semblerait commode… » Gœthe disait cela en 1831203, au moment même où les vieilles lois du vers français n’allongeaient leurs bras que pour mieux étreindre la liberté du poète. […] Depuis le XVIIe siècle, la plupart des vers français contenant des e muets sont faux.
Avec le tems, par une marche lente et pusillanime, par un long et pénible tâtonnement, par une notion sourde, secrette, d’analogie, acquise par une infinité d’observations successives dont la mémoire s’éteint et dont l’effet reste, la réforme s’est étendue à de moindres parties, de celles-cy à de moindres encore, et de ces dernières aux plus petites, à l’ongle, à la paupière, aux cils, aux cheveux, effaçant sans relâche et avec une circonspection étonante les altérations et difformités de nature viciée, ou dans son origine, ou par les nécessités de sa condition, s’éloignant sans cesse du portrait, de la ligne fausse, pour s’élever au vrai modèle idéal de la beauté, à la ligne vraie ; ligne vraie, modèle idéal de beauté qui n’exista nulle part que dans la tête des Agasias, des Raphaëls, des poussins, des Pugets, des Pigals, des Falconnets ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont les artistes subalternes ne puisent que des notions incorrectes, plus ou moins approchées que dans l’antique ou dans leurs ouvrages ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie que ces grands maîtres ne peuvent inspirer à leurs élèves aussi rigoureusement qu’ils la conçoivent ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie au-dessus de laquelle ils peuvent s’élancer en se jouant, pour produire le chimérique, le sphinx, le centaure, l’hippogriphe, le faune, et toutes les natures mêlées ; au-dessous de laquelle ils peuvent descendre pour produire les différents portraits de la vie, la charge, le monstre, le grotesque, selon la dose de mensonge qu’exige leur composition et l’effet qu’ils ont à produire, en sorte que c’est presque une question vuide de sens que de chercher jusqu’où il faut se tenir approché ou éloigné du modèle idéal de la beauté, de la ligne vraie ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie non traditionelle qui s’évanouit presque avec l’homme de génie, qui forme pendant un tems l’esprit, le caractère, le goût des ouvrages d’un peuple, d’un siècle, d’une école ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie dont l’homme de génie aura la notion la plus correcte selon le climat, le gouvernement, les loix, les circonstances qui l’auront vu naître ; modèle idéal de la beauté, ligne vraie qui se corrompt, qui se perd et qui ne se retrouveroit peut-être parfaitement chez un peuple que par le retour à l’état de Barbarie ; car c’est la seule condition où les hommes convaincus de leur ignorance puissent se résoudre à la lenteur du tâtonnement ; les autres restent médiocres précisément parce qu’ils naissent, pour ainsi dire, scavants. […] Après cette excursion à laquelle, vraie ou fausse, peu d’autres que vous seront tentés de donner toute l’importance qu’elle mérite, parceque peu saisiront la différence d’une notion qu’on fait ou qui se fait d’elle-même je passe au sallon ou aux différentes productions que nos artistes y ont exposées cette année.
Mme Daniel Stern avait-elle spéculé sur l’embarras dans lequel ce mot de « madame » devant un nom, même faux, jette nécessairement le critique, ou n’avait-elle voulu que se révéler, en se cachant, et jouir du privilège du masque, sans en avoir l’inconvénient ? […] L’originalité n’y est pas, l’originalité si rare chez toute femme, même chez Mme de Staël, mais l’aristocratie, une aristocratie native, plus forte que les fausses doctrines et les mauvaises habitudes de société, n’a pu en disparaître.
Il y a comme ailleurs de faux honnêtes gens en histoire, et leur histoire est même à faire, à ces gens-là. […] Saint-Simon fut un de ces faux honnêtes hommes ; Pascal aussi.
— Mais on lit avec goût et avec empressement, par exemple, Hartmann et Schopenhauer, qui ne sont ni beaux ni vrais, mais qui ont le bonheur d’être dans le faux — un faux affreux !
Le Christianisme nous a tellement pénétrés qu’il fausse jusqu’à nos conceptions d’art volontaire dans les esprits les plus énergiques et les plus préoccupés. […] La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégaiements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toute chose se mêle à la science du mot et du rhythme.
Mais quand il voulut échanger l’humble et loyale monnaie contre le faux or littéraire de son temps, ce qu’il tint du siècle ne remplaça pas ce qu’il lui donna. […] Dans ce poème de longue haleine entrepris par une haleine courte, dans ce conte de l’âtre ou du lavoir, qui s’entremêle ou plutôt s’emmêle de légendes, le faux Épique fait perpétuellement tort au Bucolique vrai, et l’on voit trop à travers la chevelure ébouriffée du petit pâtre se dresser la longue et solennelle oreille du Marchangy !
Il sont devenus trop souvent des discours, où avec une fausse éloquence on célèbre des vertus encore plus fausses, et où l’on étale avec pompe des titres que le mort a flétris, des talents qu’il n’a point eus, et des services qu’il n’a pu rendre.
Il sera subtil, éloquent, pathétique même ; il trouvera, pour peindre quelques phénomènes du monde physique, avec de fausses applications, d’admirables couleurs ; il épuisera tour à tour l’énergie et la grâce. […] « Comme le moissonneur, abattant de sa faux les épis serrés sous un ardent soleil, dépouille les blondes campagnes, il abattra de son glaive ennemi les ce corps des Troyens.
Il a voulu exprimer dans Adolphe tout ce qu’il y a de faux, de pénible, de douloureux dans certaines liaisons engagées à la légère, où la société trouve à redire, où le cœur, toujours en désaccord et en peine, ne se satisfait pas, et qui font le tourment de deux êtres enchaînés sans raison et s’acharnant, pour ainsi dire, l’un à l’autre.
Nous tâchons d’en parler comme il est permis au dehors et le dos tourné, sans faux respect comme sans amertume, selon l’occasion, selon même le caprice et l’humeur.
Saint-Marc Girardin a prêchée dans ses cours avec beaucoup de suite et de piquant, c’est la petite morale, comme il l’appelait, celle de tout le monde, celle de la société et du grand chemin, celle de la religion sans doute, mais celle aussi de l’intérêt bien entendu ; il sait la dose juste dans laquelle on peut combiner la générosité et l’utilité sans compromettre celle-ci ; il a constamment raillé, et souvent avec bien de la justesse, les enthousiasmes pompeux, les désintéressements à faux, toute l’exagération lyrique d’alentour.
Quand ce seraient des personnages intéressants et vrais, je crois que les reproduite ainsi est une idée fausse et contraire au mystère qui s’attache toujours au roman.
Ils apprennent à marcher : contentons-nous de ce qu’ils marchent ; n’exigeons pas qu’ils aillent bien droit, et ne nous inquiétons point de quelques faux pas.
L’atmosphère est fausse, craintive. » Au fond, ils se réunissent pour s’ennuyer ensemble.
Dirons-nous que la première a été inutile, que pendant cinquante ans la science a fait fausse route et qu’il n’y a plus qu’à oublier tant d’efforts accumulés qu’une conception vicieuse condamnait d’avance à l’insuccès ?
Le faux système d’après lequel la noblesse dut son origine à un privilège conféré par le roi pour de grands services rendus à la nation, si bien que tout noble est un anobli, ce système est établi comme un dogme dès le XIIIe siècle.
d’Alembert n’auroit pas eu la douleur d’avoir contribué, par un bel Ouvrage, à faire naître de fausses espérances.
Ils ont donné naissance au faux bel-esprit françois.
Le fait est faux, mais c’est une tradition ancienne.
Tandis que son imagination vous ravit, il fait luire une fausse raison qui détruit le merveilleux, rapetisse l’âme et borne la vue.
Mais, dira-t-on, rien n’est moins rare qu’un géomètre qui a l’esprit faux.
Une des moindres est de faire souvent de fausses peintures de l’amour.
Eh bien, Léon Feugère, qui est un homme d’esprit et un homme renseigné, a cependant, pour une raison qu’il sait mieux que nous, affecté, dans sa biographie d’Henri Estienne, une modération qui ressemble beaucoup au faux air de l’indifférence, et il a abandonné, pour les plus minces considérations littéraires, toutes les graves questions que la Renaissance et le xvie siècle ont soulevées et que voilà, après plus de deux siècles, pendantes et menaçantes encore !
— leur défaille contre ce monstre de fausse lumière, à qui rien n’a défailli contre Dieu, et qui fit oublier une fois dans toute sa vie au grand de Maistre, monté ce jour-là à la hauteur d’un courroux de prophète, que le mépris est la colère du gentilhomme.
Malheureusement, malgré les différences de climat, de situation, d’éducation et même de nature, cette petite indienne a un faux air d’Atala, comme Zélislas lui-même a un faux-air de René, et le père Thadée, du père Aubry.
Rousseau lui-même, le maladif Rousseau, avec son âme de domestique humilié qui lui fausse toutes choses, ne peut, dans sa Nouvelle-Héloïse, soutenir la comparaison avec des observateurs d’une franchise, d’une vigueur et d’une santé dans l’observation, comme Fielding, Richardson, Goldsmith.
Pour se tirer des fausses positions où il se trouvait tout à coup, il fallait une comédie nouvelle. […] Il ne fut pas longtemps à s’apercevoir qu’il faisait fausse route, et il s’empressa d’en changer. […] Pouvais-je plus faire pour toi Que de rendre un faux témoignage ? […] Deux amis de ce poëte s’entendirent et se firent annoncer l’un après l’autre chez elle ; mademoiselle de Gournay fut charmante pour le premier faux Racan. […] En 1661, Quinault fit jouer sa tragédie d’Agrippa ou le Faux Tibérius.
Il a autrefois commis un faux. […] — Il a fait des faux. […] Une fausse nouvelle lui apprend que le Gaulois a été tué dans les jeux : elle s’aperçoit qu’elle l’adore. […] Mais que va faire Gérald, après que le Saxon Ragenhart a dénoncé le faux comte Amaury ? […] Il peut y avoir quelque chose d’aussi faux, à sa manière, qu’une berquinade : c’est une becquinade.
Vous tous qui aimez l’illusion dramatique et le clair-obscur ami complaisant de ces fausses jeunesses, de ces fausses beautés, rendez-nous tout simplement, tout bêtement, les chandelles d’autrefois, clartés intermittentes, mêlées d’une fumée sans fin, et soudain vous verrez reparaître ces comédiens qui avaient dix coudées, ces tragédiennes dont la voix évoquait les fantômes d’autrefois, ces belles princesses l’amour de la terre ! […] Il se souvient aussi de Saint-Phal comme d’un très honnête homme, dont la voix était rude et fausse ; Saint-Phal était charmant à voir dans Le Vieux Célibataire. […] — des petites minauderies, des petits grimacements, des chatteries, des miaulements, de la fausse et misérable diction des petites Contat de ce temps-ci. […] Même quand il s’enivre de son propre bruit, son ivresse est belle, et ne ressemble pas à la fausse ivresse des cabarets et des tavernes où se boit à grands traits, le vin frelaté. […] Mais, à cette proposition, le notaire a répondu : — Vous me donneriez dix mille écus, que je ne ferais pas ce faux-là !
Sur la fin de sa vie il se reprochait ces fausses admirations dont il ne s’était servi que pour appuyer ses systèmes. […] La rupture de la cordelle, ou un faux pas de ceux qui la tiraient, auraient fait perdre le canot et tout ce qui était dedans. […] Cet élément des fausses croyances une fois développé, on vit s’ouvrir la vaste carrière des superstitions humaines. […] Page 21 : L’esprit est une faculté ; une faculté est une puissance… Il n’y a point d’idées fausses, mais des appellations fausses , etc. […] Ce qui est faux finit par déplaire : l’homme a en lui-même un principe de droiture que l’on ne choque pas impunément.
Puis tout à coup : « Radiguet vous apporte des vers » et le faux enfant qui m’intriguait, ouvrît la bouche, serra les dents, me tendit quelques papiers. […] Toute sa poésie est faite de faux pas, de naïvetés Une à une, mes chansons mouraient en chemin. […] Le surréalisme pur, comme vous l’entendez, est impossible, la parole même le fausse, et l’écriture. […] Le peintre Berger construit mieux encore son malheur ; persuadé qu’on ne peut le désirer, il est hanté par l’idée de représenter une fausse image. […] N’allez pas en conclure que le canton de Vaud demande à être transformé en un département français, mais sa situation sera toujours fausse.
Et puis il n’y a qu’à examiner une phrase française quelconque, un lambeau de phrase, pour s’apercevoir que cette affirmation est fausse. […] On les sent « délicieusement faux exprès ». […] Même il arrive qu’à force de le désorganiser, il ne lui laisse aucune espèce d’harmonie ; mais souvent il obtient ainsi des vers charmants et du genre de ceux, « délicieusement faux exprès », que louait Verlaine chez Arthur Rimbaud. […] L’attitude lyrique en présence de la réalité est une attitude d’emprunt, dont la fausse et facile élégance choque un esprit délicat, autant qu’elle doit sembler sotte à un esprit philosophique. […] Or, on réagissait contre la fausse clarté superficielle des Parnassiens.
À bout de faux pas, d’expériences avortées, il a fallu revenir à ces routes qu’on trouvait si monotones et si plates ; il a fallu se soumettre à ce joug qui semblait si lourd et si gênant, parce qu’on ne savait pas le porter ; et les règles sont sorties plus claires et plus fermes de ces conflits où on les avait tant maltraitées et tant obscurcies. […] D’autres principes non moins respectables qu’on lui prêtait encore, ne lui appartenaient pas davantage ; et la tradition qui se dénature si vite, sans devenir tout à fait fausse, n’était guère plus fidèle de notre temps qu’elle ne l’avait été dans le moyen âge et la renaissance. […] Mais, je le déclare, si ces travaux, tout admirables qu’ils peuvent être, n’aboutissent qu’à satisfaire une curiosité vaine ; si les doctrines auxquelles ils doivent conduire sont obscures ou fausses ; si en traitant longuement des facultés et des actions de l’âme, on oublie de se prononcer sur ses destinées, la science peut encore applaudir ; mais la philosophie n’obtient pas ce qu’elle demande : elle a manqué le but qu’elle doit poursuivre. […] Soit dédain, soit inattention, il prit une route contraire, et, redisons-le, une route absolument fausse ; nous en avons pour garants, avec Platon et Descartes, les faits eux-mêmes.
Cependant, ils infestent le public d’idées fausses ; ils répandent parmi le peuple une foule de notions erronées sur le monde, qu’ils ne connaissent point ou n’ont jamais étudié, sur la vie, sur le devoir ; ils accumulent avec une douce impunité les plus fabuleuses inepties. […] Il est hors de doute que le roman-feuilleton exerce une action néfaste, parce qu’il est outrageusement faux, et que sans la vérité (vérité humaine dont ne doit pas être dépourvue la plus libre fantaisie poétique), il n’y a pas d’enseignement, pas de morale, il n’y a rien, — même si le vice est puni et la vertu récompensée à la fin. […] Il devrait se surveiller lui-même, s’imposer de bonnes habitudes d’esprit, une scrupuleuse attention à ne pas violer les règles élémentaires de la logique ; il devrait s’interdire le mensonge et la calomnie, présenter ses idées avec clarté, exercer par des discussions lucides et simples le jugement de ses lecteurs, à tout le moins rester fidèle aux grands principes qu’a consacrés la tradition morale de l’humanité, ne jamais glorifier la violation des lois, le faux, l’assassinat. […] Le roman populaire est donc condamné à être faux et irréel, ou il n’aura pas de lecteurs !
Le malheur aigrit le cœur, et le cœur aigri fausse l’esprit. […] X Cependant, ainsi que nous le disions tout à l’heure, le malheur aigrit le cœur, et le cœur aigri fausse l’esprit. […] Avec une affectation inverse des ridicules affectations de fausses noblesses, il répudie l’origine plus illustre que la particule DE, jointe dans ses premières œuvres à son nom de Béranger, donnait à sa naissance. […] « Je n’ai jamais partagé, quant à moi », ajoutait-il, « ces vanités ni ces espérances ; je me suis toujours moqué d’eux quand ils me parlaient de notre noblesse vraie ou fausse ; je n’ai jamais voulu voir leurs titres et leurs parchemins ; mais je sais qu’ils existaient.
Mais tout conspire à encourager l’interprétation fausse : un amour-propre mal placé, un optimisme superficiel, une méconnaissance de la vraie nature du progrès, enfin et surtout une confusion très répandue entre la tendance innée, qui est transmissible en effet du parent à l’enfant, et l’habitude acquise qui s’est souvent greffée sur la tendance naturelle. […] La thèse philosophique indémontrée a pris un faux air d’assurance scientifique en passant par la science, mais elle reste philosophie, et elle est plus loin que jamais d’être démontrée. […] On comprend donc que l’humanité ne soit venue à la démocratie que sur le tard (car ce furent de fausses démocraties que les cités antiques, bâties sur l’esclavage, débarrassées par cette iniquité fondamentale des plus gros et des plus angoissants problèmes). […] Elle n’a pas seulement mis la métaphysique sur une fausse piste ; elle a détourné la science de l’observation de certains faits, ou plutôt elle a empêché de naître certaines sciences, excommuniées par avance au nom de je ne sais quel dogme.
Ce que je veux dire, c’est que Bernis, en ses moments les meilleurs, a une certaine langueur harmonieuse qui a un faux air du premier Lamartine en ses plus faibles moments. […] Tout le monde paraît riche parce que tout le monde a de l’argent ou de la fausse monnaie ; mais peu de jours suffisent pour démêler l’un et l’autre.
La première ode de Malherbe qui le mit en vue fut celle qu’il présenta, étant à Aix en 1600, à Marie de Médicis, la jeune reine qui venait prendre possession du trône : Peuples, qu’on mette sur la tête Tout ce que la terre a de fleurs… André Chénier, commentateur excellent, a remarqué les beautés rares, et à cette date toutes neuves, de cette ode qui aujourd’hui frappe bien plutôt le lecteur par ses côtés exagérés et faux. […] Mais tout cela n’est pas suivi, n’est pas fondu ; un vers gâte l’autre, le vrai se noie aussitôt dans le faux.
Et, en effet, ces faux romans de Cyrus, de Clélie, depuis longtemps tombés et surannés, avaient laissé pourtant dans le goût public je ne sais quelle fadeur galante qui se portait partout autre part que vers les poèmes sévères. […] Par malheur, en touchant si juste dans son attaque contre cette fausse veine, Mme Dacier, préoccupée des idées d’école, donnait à l’instant dans une erreur d’un autre genre ; elle croyait pouvoir offrir dans Homère la perfection et jusqu’à la symétrie du poème épique, tel que le système en avait été autrefois trouvé par Aristote et surtout tel que l’avait récemment présenté dans un traité ad hoc un savant chanoine, le père Le Bossu ; et, par là, elle allait prêter le flanc aux gens d’esprit qui, battus ou repoussés sur une des ailes de leur corps de bataille, prendront leur revanche sur l’autre aile.
Position fausse de Rohan. […] Leur position fausse comme guerriers se trahit par là.
Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse. […] Il ajouta, entre autres propos remarquables, que Frédéric redoutait beaucoup la guerre, et que cette crainte précisément occasionnerait peut-être l’explosion de nouvelles hostilités : Sur quelque fausse alarme, le roi, dit-il, rassemblera des troupes nombreuses vers les frontières ; l’empereur Joseph en fera autant ; et alors la moindre étincelle déterminera la conflagration, sans qu’ancun des deux souverains l’ait préméditée.
Écrivant à M. de Torcy et lui exprimant la situation dans toute sa nudité : « Je parle à un ministre, ajoutait-il, car aux autres je me fais tout blanc de mon épée et de mes farines. » Il était bien obligé de répandre des bruits faux et d’imaginer, ne fut-ce qu’à l’usage de l’ennemi, des arrivées de fonds ou de subsistances qui n’existaient pas : Je me vis donc réduit à payer de hardiesse, je dirais presque d’effronterie, avec cinquante mille hommes de moins que les ennemis, une petite artillerie de campagne mal traînée, mal approvisionnée, contre deux cents bouches à feu bien servies, et la frayeur perpétuelle de manquer de pain chaque jour. […] Mignet, à qui il a dû l’idée et en partie les éléments de son travail, s’est inscrit en faux contre le mot de Napoléon en l’honneur de Villars, et s’est appliqué à montrer que du moment que la paix se faisait avec l’Angleterre, il n’y avait plus de danger réel pour la France.
Et puisque j’en suis sur ce sujet de l’Académie, un des sujets les plus nationaux en France, dont tout le monde parle, qu’il est, ce semble, si aisé de connaître, et dont pourtant on raisonne si souvent à faux, je demande à rappeler quelques faits et à présenter quelques observations sans beaucoup de suite et dans le pêle-mêle où elles me viendront. […] La généalogie des fauteuils continuée jusqu’à nos jours, et qui a été inventée, il y a une trentaine d’années, par je sais bien quel professeur d’histoire qui trouvait que cela faisait bon effet dans un tableau synoptique45, est donc fausse comme beaucoup de généalogies.
Bonhomme a mise à cette Correspondance de Collé et dans les notes dont il l’a assaisonnée, il n’est presque pas une page où il n’y ait fadeur, inutilité, phraséologie amphigourique et prétentieuse, incohérence de sens ; il n’y a presque pas une expression qui ne soit impropre, pas un jugement qui ne soit faux ou à côté. […] … Ailleurs, Collé est un acrobate ; ses vers font le grand écart… Tout autant de faux sens ou de contre-sens. — Et Piron comparé à Collé ; « Piron montait un vaisseau de haut bord armé en guerre avec lequel il affrontait la tempête, et Collé une barque légère… » — Et Panard donc, le gai Panard dont la muse est « un peu prude, un peu pincée !
Nous laissons à ceux qui ont plus de loisir que nous le soin de démêler le vrai du faux, là où un véritable esprit de critique n’a point encore passé. […] L’admiration presque excessive et légendaire qu’on a pour le Catinat final est fondée sur cette idée qui, pour être vulgaire, n’en est pas plus fausse, que d’ordinaire « les honneurs changent les mœurs. ».
Lord Byron, dans cette lettre, rectifie les idées fausses que les biographes français donnaient de ses parents, et il se montre, en homme vraiment délicat, plus attentif à ce qui intéresse la mémoire de son père qu’à sa réputation propre. […] Lui-même il n’écrit pas mal, il n’écrit pas bien non plus ; il semble, à un moment, d’après Cuvier, prêt à abjurer la rhétorique, puis tout aussitôt les fausses fleurs reviennent et abondent sous sa plume.
Malouet eut le tort de ne pas s’y rendre, de ne pas accompagner Mirabeau, et de ne pas prendre sur lui de le piloter : une fausse délicatesse l’en empêcha. […] Si vous voulez savoir ensuite ceux auxquels j’impute le plus de sottises, de fausses vues et de mauvaises actions, ce sont M.M… » « Cette intéressante conversation se serait prolongée jusqu’au jour, si nous ne l’avions vu épuisé de fatigue, couvert de sueur, avec une fièvre assez forte et ne pouvant plus parler. » 92.
Mais, en général, un certain genre de position fausse n’était pas assez insupportable à Benjamin Constant ; on en retrouverait trace, avec plus ou moins de variantes, en d’autres circonstances de sa vie, et le contre-coup de cette mauvaise habitude se fit bien péniblement sentir à l’extrémité de sa carrière, lorsque, dans ses derniers jours, il subit l’inconvénient, lui, homme d’opposition, de ne pas se trouver en règle avec un personnage auguste encore plus obligeant que M.de Charrière, et qui ne lui demandait pas de billet. — Puisque M.de Loménie a contesté si fort notre premier comme ntaire sur le Qu’est-ce que la dignité ? […] Pendant que je me moque d’elle avec vous, je lui écris, de temps en temps, par honnêteté, de tendres ou pompeux galimatias, et, si quelqu’un comparait mes lettres à elle avec mes lettres sur elle, on me regarderait avec raison comme un fou méchant et faux.
C’est le poète-auteur, sachant converser et vivre5, mais véridique, irascible à l’idée du faux, prenant feu pour le juste, et arrivant quelquefois par sentiment d’équité littéraire à une sorte d’attendrissement moral et de rayonnement lumineux, comme dans son Épître à Racine6. […] cela est dit en quatre vers, que je veux bien vous écrire ici, afin que vous me mandiez si vous les approuvez : Mais aujourd’hui qu’enfin la vieillesse venue, Sous mes faux cheveux blonds déjà toute chenue, A jeté sur ma tête avec ses doigts pesants Onze lustres complets surchargés de deux ans.
Une tête décharnée, un squelette, peuvent être regardés comme des symboles naturels ; mais le squelette armé de la faux est une figure allégorique : la faux est ici un emblème et suppose connue la métaphore « faucher les vies ».
Il y règne cette pauvreté, grimée en faux luxe, qui ferait paraître belles la tente de l’Arabe et la maison du berger. […] A son nom bourgeois, elle a cousu un oripeau de noblesse, « Huguet de Champsableu », et elle se croit parée avec ce blason de hasard, qui luit faux à cent pas.
Le monde, si facile à médire des situations fausses, n’a jamais douté que M. de Simerose n’ait eu tous les torts. […] Mais combien les filles séduites du drame ordinaire, avec leur désespoir factice et leurs invectives, paraîtraient fausses auprès de cette pécheresse sans le savoir, qui ne joue point la passion et ne feint pas le remords !
On aura beau faire et dire, le faux bonhomme en lui est démasqué, il ne s’en relèvera pas. […] Grimm, tel qu’il ressort pour moi du témoignage de ses amis (les seuls qui soient en droit de l’apprécier, disait Mme d’Épinay, car il n’est lui qu’avec eux), Grimm est un homme judicieux, droit, sûr, ferme, formé de bonne heure au monde, estimant peu les hommes en général, les jugeant, n’ayant rien des fausses vues et des illusions philanthropiques du temps.
Comme lui-même, dans sa première jeunesse, il n’était pas dirigé, il se trompa plus d’une fois sur les objets de son émulation, et se prit au faux honneur. […] Il fut trop pressé et fit fausse route.
Cette série de bonnes fortunes racontées sur le même ton, et où l’inconstance essaie parfois à faux des notes de la sensibilité, finit par ennuyer, par dégoûter même ; le cœur en est affadi. […] La vie de Lauzun est remplie de cette chevalerie appliquée à faux.
À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même.
C’est sur cette doctrine, chez lui fondamentale, et qui est le résultat du raisonnement comme la donnée de la foi, qu’il va discourir jusqu’au dernier jour, dire, redire sans cesse et répéter (car s’il est l’homme qui varie le moins, il est celui qui se répète le plus), et enchaîner toutes sortes de pensées élevées, fines ou fortes, souvent malsonnantes et tout à fait fausses, mais le plus souvent vraies encore d’une vérité historique relative au passé. […] Une conduite déréglée aiguise l’esprit et fausse le jugement.
Mallet n’était point ainsi : il appartenait à l’école historique et morale qui est exacte et sévère, et qui n’entre point dans ces compositions, dans ces mélanges où l’imagination et une fausse sensibilité, sous de beaux prétextes, se mettent au service des peurs, des lâchetés et des intérêts : Les contemporains et la postérité, disait-il en exposant ses principes et sa méthode de rédaction, doivent sans doute juger une Assemblée législative sur ses actes, et non sur ses discours : ils imitent en cela l’histoire et la loi, qui se borne à prononcer sur les actions des hommes. […] — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain.
À ces peintures un peu partiales, mais non point fausses, d’Anne d’Autriche, il faut pourtant mettre toujours et sous-entendre la petite voix aigre qu’elle avait dans sa colère, et dont Retz nous a si bien rendu l’accent. […] Cette parole, infectés de l’amour du bien public, a souvent été citée ; mais il n’y faudrait pas voir une naïveté de Mme de Motteville : elle savait ce qu’elle disait en parlant ainsi, et en qualifiant de maladie et de peste le faux amour dont cette population séditieuse était éprise en ce moment.
Michaud est élégant, jamais éloquent ; il n’a rien du faux brillant de l’école académique ; il n’a rien du hasardé ni du tranchant de l’école moderne. […] Michaud, apostrophé assez rudement par Mme Suard sur ses anciennes vivacités de plume, se tira de sa position fausse en disant : « Que voulez-vous, madame ?
Pendant que Grimm s’élevait contre l’ennui et la fausse méthode de l’opéra français, les acteurs italiens vinrent à Paris en 1752 et donnèrent des représentations à l’Opéra même. […] Il connaissait à fond cette âme malade, jointe à un si prestigieux talent ; il redressait à chaque instant les fausses vues indulgentes où retombait sa gracieuse et trop prompte amie : « Je suis persuadée, disait de Rousseau Mme d’Épinay, qu’il n’y a que façon de prendre cet homme pour le rendre heureux : c’est de feindre de ne pas prendre garde à lui, et de s’en occuper sans cesse. » Grimm se mettait à rire et lui disait : « Que vous connaissez mal votre Rousseau !
Zola veut dire, par contre, que le cerveau est un organe comme un autre, que la pensée ne joue pas dans la caractérisation d’un individu un rôle plus considérable que son estomac ou son fiel, cela est simplement faux. […] Dans ce roman, l’étude du milieu artistique est déplorable, fausse et incomplète.
Le titre de ce livre délicieux devient presque faux, quand il s’agit de le préciser. […] C’est ici que l’auteur des Horizons prochains va gagner en s’élevant une originalité relative ; elle est un Michelet assaini, essuyé, clarifié, brillant d’une pureté que rien ne ternit et qui par ce côté écrase l’écrivain qu’elle rappelle et lui eût fait honte à lui, dont les dons étaient si beaux et qui en a tant abusé, s’il avait pu se regarder tel qu’il aurait pu être, dans ce miroir, tout ensemble faux et fidèle, taillé dans le diamant qu’il n’avait plus !
Ils sont tous chimériques, hypothétiques et faux, et il a sur eux l’avantage d’écrire même assez brillamment en français… Du reste, l’Essai qu’on publie aujourd’hui n’entamera en aucune façon son amour-propre ou sa personne, car dans ce Mémoire d’académie, long de 247 pages, M. […] … »« L’intelligence la plus claire et la plus pénétrante, ajoute-t-il ailleurs, fut le partage de l’homme au commencement », ce qui est vrai pour nous qui croyons à la Chute, ce qui est faux pour lui qui n’y croit pas et qui invente aujourd’hui un progrès abécédaire où rien n’est acquis ; où, plus on recule, plus on avance, et où il faut remonter à l’origine de tout pour avoir seulement quelque chose !
Entre deux facultés vivantes, dont l’union intime engendre seule le juste équilibre, on a créé une fausse opposition. […] Je le demande, car il ne faut pas se contenter de l’opinion courante, toujours fausse, puisqu’elle prend racine dans le passé : il faut se mettre, pour juger, au point de vue de l’ensemble, si peu étendu que soit le champ de notre vision mentale.
Si cela est, je suis trompé, je les ai confondus en un seul ; j’ai attribué à l’un ce qui n’est vrai que de l’autre ; mon raisonnement est faux. […] Jouffroy rend les premières fausses ; or, les dernières dépendent des premières ; de sorte que tout croule, et qu’il n’y a plus rien debout.
À peine la langue italienne, sortant toute vive des ruines de l’idiome romain, fut-elle balbutiée par des chanteurs vulgaires, que toutes les affectations de la pensée, toutes les fadeurs de la fausse passion, vinrent gâter l’art des vers : il semblait que la scolastique pesât même sur l’amour. […] C’est là, surtout, l’infériorité du moyen âge devant le monde antique : il raisonne trop, et le faux goût de la décadence a devancé pour lui l’éveil du génie.
La poésie de madame Colet, c’est en effet un je ne sais quoi qui est parfois le simulacre du bien, qui a un faux air de beau.
Il se complaît à nous rappeler cette fausse position, comme si elle n’éclatait pas assez d’ailleurs.
Quand on entend les hommes renommés par l’étendue de leur savoir et de leur esprit épuiser les sophismes de la logique et mille fausses lueurs détournées de l’histoire, au service d’une négation cynique de tout progrès social, il y a plaisir à contempler un esprit ardent qui, l’œil sur un but magnifique et lointain, ne ménage aucune étude, aucune indication empruntée aux philosophies et aux révolutions du passé, pour diminuer l’intervalle qui reste à franchir, pour tenter d’ajouter une arche de plus à ce pont majestueux où l’humanité s’avance.
Mais c’est le seul moyen de ne pas construire à faux après avoir raisonné à vide, et je me promis que, pour moi du moins, si j’entreprenais un jour de chercher une opinion politique, ce ne serait qu’après avoir étudié la France.
Aussi Pascal, dont la vive imagination saisissait avec force tous les rapports et toutes les oppositions des idées, et qui excellait à les rendre sensibles par des rapports et des oppositions pareilles de mots, comparait les vaines antithèses faites pour arrondir les phrases aux fausses fenêtres qu’on peint sur les murs pour la symétrie.
Sa phrase, large, grave, va d’un mouvement régulier et majestueux, sans faux ornements, ni prétention, ni pompe.
. — Ce succès à faux, quoique mérité, ne tourmente que les désireux de vente, inquiets de voir la clientèle riche se dépenser en volumineuses acquisitions.
Je n’en éprouve pas moins une sorte de stupeur à feuilleter les journaux du temps, pleins de futiles commérages, de faux scandales, de potins d’alcôves et de coulisses comme je le fais en ce moment, dans l’angoisse de l’invasion, tandis que le monde s’écroule, que la grosse Bertha fait rage et que de quart d’heure en quart d’heure, toutes mes vitres tremblent au bruit des détonations.
L’impression profondément triste que produit l’entrée dans une bibliothèque vient en grande partie de la pensée que les neuf dixièmes des livres qui sont là entassés ont porté à faux, et, soit par la faute de l’auteur, soit par celle des circonstances, n’ont eu et n’auront jamais aucune action directe sur la marche de l’humanité.
Ceci est une injure contre les précieuses dans l’intention du personnage ; mais elle porte à faux, parce que ce n’est pas le défaut d’une précieuse d’être ingénue.
L’Auteur y enseigne ce qui peut rendre l’esprit actif, juste, & véritablement éclairé ; il y fait connoître les écueils qui peuvent le détruire, y expose les fausses notions capables de l’égarer, & y indique les moyens de se garantir des torts qui l’avilissent ou le rendent coupable.
Ces histoires, vraies ou fausses, composeroient un assez gros volume : mais il ne faut pas croire légèrement toutes ces petites anecdotes qu’on repère tous les jours, & qu’on n’a jamais bien prouvées.
M. de Voltaire lui a fait voir combien cette invective est fausse, ridicule & déplacée.
Félix propose à Polyeucte de sacrifier aux faux dieux ; Polyeucte le refuse.
Sans le renversement des faux Dieux et l’établissement du vrai culte, l’homme aurait vieilli dans une enfance interminable ; car, étant toujours dans l’erreur, par rapport au premier principe, ses autres notions se fussent plus ou moins ressenties du vice fondamental.
Plus à son fiancé, et elle n’eût pas été assez décente ; plus à sa mère ou à son père, et elle eût été fausse.
Sur un plan plus enfoncé, et correspondant au persécuteur terrassé, vu de face, un soldat sur son cheval ; le cheval tranquille est plus brave que l’homme qui est fort effrayé, mais à la vérité d’un faux effroi, d’un effroi de théâtre ; ce gros soldat joue la parade.
L’ignorant peut donc dire que l’ouvrage est bon ou qu’il ne vaut rien, et même il est faux qu’il ne rende pas raison de son jugement.
Il y en a de criantes, celle-ci entre autres : « Un Buffon, dit-il, un Chateaubriand, un Flaubert n’eurent d’autres maîtres qu’eux-mêmes, ne subirent d’enseignement que celui de leur génie », Rien n’est plus faux.
Faux à son tour, mais d’une autre fausseté que celui de Feuillet, le roman polémique de madame George Sand, entrepris pour prouver que le catholicisme doit être définitivement vaincu et enfoncé sur toute la ligne, n’est, d’exécution, qu’un livre mou et déclamatoire.
Elles substitueraient au faux évolutionnisme de Spencer, — qui consiste à découper la réalité actuelle, déjà évoluée, en petits morceaux non moins évolués, puis à la recomposer avec ces fragments, et à se donner ainsi, par avance, tout ce qu’il s’agit d’expliquer, un évolutionnisme vrai, où la réalité serait suivie dans sa génération et sa croissance.
En prononçant, avec les ménagements convenables, ces noms toujours un peu suspects et malsonnants, que ce nous soit une occasion d’ajouter qu’un des traits les plus marquants de l’esprit de Mlle de Meulan à ses débuts et dans les feuilletons du Publiciste où nous allons la voir, ç’a été de n’avoir aucune pruderie fausse, aucune délicatesse rechignée. […] Entre un feuilleton sur la Princesse de Clèves et un autre sur Eugène de Rothelin, elle abordait franchement le roman de Louvet, et, sans grosse indignation, sans se voiler, elle le persiflait comme prétendu tableau de mœurs, le convainquait de faux, et le renvoyait aux couturières, marchandes de mode, garçons perruquiers et clercs de procureurs d’avant la Révolution, pour lesquels il avait été fait sans doute. […] Aucun faux scrupule, aucune tradition superstitieuse ne gêne sa raison sagace dans ce délicat examen.
Si elles avaient paru dix ans plus tard, en 95 ou 96, les Études eussent trouvé la nouvelle science déjà constatée et régnante, l’analyse victorieuse de l’hypothèse ; en 84 elles purent obtenir, même par leur côté le plus faux, un succès de surprise et les honneurs d’une vive controverse. […] Mais, scientifiquement parlant, son point de vue n’était qu’un aperçu heureux, instantané, un ensemble mêlé de lueurs vraies et de jours faux, et d’où il ne pouvait sortir autre chose que la peinture même qu’il en offrait, et l’impression enthousiaste, affectueuse, qu’elle ferait naître. […] Un contemporain de Bernardin de Saint-Pierre, spiritualiste comme lui, et protestant également contre les fausses sciences et leurs conclusions négatives, Saint-Martin, a bien autrement de profondeur.
Malheur à Louis XIV, malgré sa grandeur, n’avoir pas su les maintenir coexistants, quand le temps les pacifiait de jour en jour, et d’avoir rallumé la persécution par faux zèle et ignorance ! […] Il est faux qu’il se soit mis sous le patronage de personne, et encore moins sous celui de tels ou tels élèves. […] C’est par là que bien des idées vagues ou fausses s’éclaircissent ou se rectifient ; que dans un temps prochain et futur bien des questions futiles ou dangereuses te trouveront graduellement et insensiblement diminuées, et, qui sait ?
Fabre, sont soulignés par lui au crayon, et d’une main brusque il a écrit à la marge : “C’est faux.” […] Le Misogallo est un recueil de toutes les injures à la France, qui n’a pas même daigné s’en apercevoir ; caprice de haine et d’envie aussi faux que son amour ! […] Il n’avait de sève que dans ses prétentions tout à fait fausses pour sa robe de citoyen romain et de tragique italien moderne.
Il se jugeait lui-même comme il eût fait d’un autre ; aimant ses qualités jusqu’à les admirer, comme s’il n’y avait eu aucun mérite ; critiquant ses défauts sans les grossir par fausse modestie, ni les atténuer par vanité. […] Les circonstances extérieures y aidèrent ; mais le mal venait d’une fausse vue, et sous ce rapport Corneille est un grand exemple de ce que dit Descartes, qu’un homme est moins supérieur aux autres hommes par l’esprit que par l’emploi qu’il en fait. […] Corneille tombait dans ce double défaut, bien plus par l’effet de cette vue fausse sur le théâtre, que pressé par la pauvreté dont il n’est que trop vrai qu’il sentit les atteintes.
La plupart sonnaient creux ou faux. […] Mais il y a bien de la grâce et quelque chose de touchant dans ces aveux, ces plaintes, cette fausse résignation. […] Il me suffit que mon semblant de théorie soit vrai d’une façon générale, c’est-à-dire se trouve être plus souvent vrai que faux. […] Il a contre lui les faux érudits et les érudits trop entêtés d’érudition. […] Il n’y a pas de lois pour cela : celui qui en édicte est un faux prophète.
Ce n’est pas moi qui m’inscrirai en faux. […] Eh bien, le portrait le plus manqué qu’on puisse faire de George Sand, c’est un portrait où elle ait un faux air, et plus qu’un faux air, de Mme Louise Colet. […] Le mot est si faux qu’on ne sait par quelle lubie Volney a pu le prononcer. […] Parce qu’elle est fausse ? […] N’avez-vous jamais dit de faux témoignage, jamais calomnié, jamais médit, jamais menti ?
c’est ce faux Schopenhauer surtout que nous étudierons, parce que c’est en lui que s’est incarné tout un courant d’idées. […] Fausse idée qu’elle se fait de la science. […] Tiens pour assuré que les idées sont fausses par un point, si subtiles te semblent-elles, soutenues par les plus beaux noms, parées de la magie des plus beaux talents. […] C’est qu’elle sait que l’homme progresse par la tête, malgré ses faux pas, malgré ses chutes. […] A quoi sert de posséder la vérité, si on la cache pour persévérer dans la voie fausse où l’on a jusqu’à présent erré ?
» Rien de plus faux, et c’est un des points que M. […] Ces idées sont-elles justes ou fausses ? […] Cette conception n’est pas seulement incomplète, elle est fausse. […] Ces savants ont fait école : ils ont vu aussitôt accourir à eux la foule des demi-savants et des faux savants. […] Cette image peut d’ailleurs être fausse, et elle est nécessairement inexacte ; peu importe, c’est elle qui frappe et qui émeut.
Il suffit que nous en appliquions à autrui les mérites pour que ces faux biens et ces vaines jouissances deviennent une réalité concrète et tangible. […] Nous sommes à peine engagés sur une piste, nous reconnaissons que c’est une fausse piste. […] Le retour à une fausse dévotion se produit dans le même temps où on médit de l’amour et on en désespère. […] Il va ainsi, suivant de fausses destinées, poursuivant de faux Liens, oublieux de soi. […] Et c’est bien par là aussi que sa théorie me semble fausse.
La plupart des erreurs relatives au beau naissent de la fausse conception du xviiie siècle relative à la morale. […] Faux amour, faux serments ! […] Les vraies sympathies sont excellentes, car elles sont deux en un — les fausses sont détestables, car elles ne font qu’un, moins l’indifférence primitive, qui vaut mieux que la haine, suite nécessaire de la duperie et du désillusionnement. […] Voilà un art faux, me dis-je. […] Je me rappelle avoir entendu dire à un artiste farceur qui avait reçu une pièce de monnaie fausse : Je la garde pour un pauvre.
Vous mettez une date et une date fausse, là où il ne faudrait aucune date, ni fausse ni vraie. […] On voit comme il serait faux de jouer les pièces de Corneille et de Racine dans le costume du dix-septième siècle, costume dans lequel elles n’ont jamais été jouées. […] Le lecteur aura soin de m’attribuer toutes celles qu’il trouvera fausses. […] C’est une raison fausse. […] Elle m’a semblé aussi fausse, aussi méchante, aussi méprisable que les deux autres.
Il étoit naturel que je songeasse à défendre contre de fausses critiques ce que je puis avoir fait d’heureux : mais j’avoüe aussi mes fautes, même celles qu’on n’a pas reprises, dès que je les reconnois, ou seulement que je les soupçonne. […] Un honnête homme n’est-il pas bien surpris d’avoir été amené jusqu’à cet air de mauvaise foi par l’intérêt mal entendu de soûtenir une fausse critique ? […] Despreaux m’a dit lui-même qu’il avoit été vingt ans à corriger une fausse rime. […] Mais vous, monsieur, au lieu de rendre justice à ma franchise, vous abusez de ma pensée ; et elle devient fausse entre vos mains. […] Voilà deux méprises tout à la fois : l’une de m’imputer ce que je n’ai pas dit ; et l’autre, de faire vous-même une proposition fausse.
Ainsi, deux écoles, dont l’une était sans discipline, et dont l’autre suivait une discipline fausse, Ronsard continué et Malherbe mal compris, tel était l’état de la poésie dans la première moitié du dix-septième siècle. […] Aussi en dépit du nouvel esprit qui allait chasser de notre poésie toutes ces fausses grâces, la société polie résista-t-elle longtemps. […] L’anecdote, vraie ou fausse, fut crue et répétée, parce qu’elle était vraisemblable. […] Il est vrai que nous ne le croyons pas d’abord ; nous goûtons plus les doctrines qui flattent cette autre liberté fausse, qui vient de l’humeur et des sens, et qui nous trompe sur ce que nous sommes. […] A défaut d’apologies écrites dans le style des Satires. ils publient contre Boileau des libelles diffamatoires, calomnient sa vie, sèment de faux bruits sur sa personne.
Mais, dès que Louis XI est né, on tire son horoscope, et l’abbé Le Grand nous raconte ce qu’on lui prédit : On prédit qu’il vivrait soixante et dix ans, et qu’il passerait les mers, ce qui s’est trouvé faux. […] Qui ne voit (sans compter le hanap qu’il oublie) qu’il y a presque un faux sens dans ce mot négligemment jeté : quelques pierreries ?
Villonner signifiait, il est vrai, une vilaine chose, duper, tromper, friponner, payer en fausse monnaie. Mais ne frappe pas de cette fausse monnaie dans la langue, ne la met pas en circulation, qui veut.
Je continue de donner idée de l’homme sans fausse révérence et dans le ton qui peut nous le rendre le plus au vrai. […] Esprit de lignée purement française, s’il se trouvait ainsi privé parfois de quelques rapprochements curieux et utiles, il se préserva mieux encore des fausses ressemblances et des confusions dangereuses.
Tout d’abord Du Bellay a sur l’origine des langues une idée fausse, abstraite, rationnelle : « Les langues, dit-il, ne sont nées d’elles-mêmes en façon d’herbes, racines et arbres, les unes infirmes et débiles en leurs espèces, les autres saines et robustes, et plus aptes à porter le faix des conceptions humaines ; mais toute leur vertu est née au monde du vouloir et arbitre des mortels. » On voit l’erreur ; c’est déjà la doctrine du rationalisme appliquée aux langues. […] Mais quel malheur, j’en conviens, que l’on n’ait pu alors, par un retour hardi et une percée vers le Moyen Âge, rompre, écarter ce faux horizon du Roman de la Rose et renouer une tradition saine, simple, glorieuse, patriotique, bien française !
Il y a lieu de les noter à l’instant, de signaler les fausses routes, les pentes ruineuses ; ce n’est pas toujours en vain. […] Les différentes formes du mauvais goût, les modes bigarrées, les bruyantes écoles, y ont passé ; les fausses couleurs y ont fait torrent.
Le point de départ de l’Art poétique est celui du Discours de la méthode : la raison, départie à tous, est en nous la faculté supérieure, dominatrice et directrice des âmes, douée spécialement de la propriété de discerner le vrai du faux. […] On lui a reproché d’étouffer l’imagination par des règles sévères : rien de plus indiscret et déplus faux.
Il suppléait à toutes les lacunes de l’érudition : il allait chercher à travers les siècles et les races de quoi compléter ses textes, cueillant ici un trait du Sémite biblique, et là faisant concourir sainte Thérèse à la détermination du type extatique de Salammbô. « Je me moque de l’archéologie, écrivait-il ; si la couleur n’est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages, et les architectures au climat, s’il n’y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux. Sinon, non906. » Il n’était pas dans le faux.
Deux causes nous en dérobaient depuis longtemps la vue : l’ignorance qui avait perdu le sens de ses monuments, et la scolastique, qui obstruait de sa fausse science la source même de la vraie science, c’est-à-dire les livres où elle est consignée. […] Elle lui suggéra l’idée de certains contes qui ne sont pas les moins piquants de l’Heptaméron, où elle poursuit de traits perçants la débauche des moines, leur orgueil, leurs vices, sans oublier leurs faux miracles.
Sa cuiller à la main, nullement intimidée par l’importance des faux cols et le relief des bijouteries, elle désignait un siège et retournait à son bouillon ou à ses ravaudages. […] Nous avions même imaginé d’imprimer du faux Rimbaud, mais cela devait nous perdre.
Il n’excelle que là où il faut surtout de l’esprit : ailleurs, là où il faudrait de l’élévation continue, il a des élans, de l’effort, même des traits sublimes, mais aussi des entorses et des faux pas. […] Un homme d’un autre parti dirait aussi bien d’un de ses chefs : « Tout était royal en lui. » On dirait d’un Bayard : « Tout était chevaleresque en lui. » Et ce ne serait ni plus faux ni plus juste.
Diderot nous a conservé dans ses lettres à Mlle Volland quelques-uns des bons contes de l’abbé, celui du porco sacro, l’apologue du grand et gros moine en malle-poste, le conte de l’archevêque contrefaisant une duchesse au lit devant un cardinal qui la visite, et les coliques de la fausse duchesse et ce qui s’ensuit, enfin mille folies intraduisibles, et qui, sous la plume de Diderot lui-même, sont restées à l’état de simple canevas : cela se parle, cela se joue et s’improvise, mais cela ne s’écrit pas. […] Il fait des réductions, des suspensions, et cause la banqueroute du savoir, du plaisir et de l’esprit humain. » En philosophie, le vrai système de l’abbé Galiani est celui-ci : il croit que l’homme, quand il n’a point l’esprit alambiqué par la métaphysique et par le trop de réflexion, vit dans l’illusion et est fait pour y vivre : « L’homme, nous dit-il, est fait pour jouir des effets sans pouvoir deviner les causes ; l’homme a cinq organes bâtis exprès pour lui indiquer le plaisir et la douleur ; il n’en a pas un seul pour lui marquer le vrai et le faux d’aucune chose. » Galiani ne croit donc pas à la vérité absolue pour l’homme, à la vérité digne de ce nom : la vérité relative, qui n’est qu’une illusion d’optique, est la seule, selon lui, que l’homme doive chercher.
André Chénier avait publié, en août 1790, un Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, dans lequel il essayait, avec la modération et la fermeté qui distinguent sa noble plume, de tracer la ligne de séparation entre le vrai patriotisme et la fausse exaltation qui poussait aux abîmes. Il avait dit : « L’Assemblée nationale a fait des fautes parce qu’elle est composée d’hommes… ; mais elle est la dernière ancre qui nous soutienne et nous empêche d’aller nous briser. » Il avait flétri, sans nommer personne, mais en traits énergiques et brûlants, ces faux amis du peuple qui, sous des titres fastueux et avec des démonstrations convulsives, captaient sa confiance pour le pousser ensuite à tout briser ; « gens pour qui toute loi est onéreuse, tout frein insupportable, tout gouvernement odieux ; gens pour qui l’honnêteté est de tous les jougs le plus pénible.
Mademoiselle, durant la Fronde, fut éprise d’une fausse grandeur, elle poursuivit une fausse gloire : elle resta désintéressée du moins, généreuse, et n’imprima aucune tache à son nom.
Necker était usé, que sa prévoyance était à courte échéance et s’était toujours bornée à la révolution de chaque mois ; qu’il n’avait aucune vue d’avenir ; qu’il n’y avait de ressource que dans un ministère véritablement capable et agissant, dans un ministère de première force ; et alors, avec cette conscience de lui-même qu’il était en droit d’avoir, mettant sous le pied toute fausse modestie, Mirabeau se présentait avec cordialité et franchise. […] Il y avait position fausse et bientôt insoutenable pour un talent de cette fougue et de cette franchise.
Il serait injuste de ne pas reconnaître aussi tout à côté ce qui est naturel chez elle, et par où elle se distingue des autres femmes en ce siècle de corruption et de fausse sensibilité. […] Entrée dans la société de Paris avec le ferme propos d’être femme d’esprit et en rapport avec les beaux esprits, elle a su préserver sa conscience morale, protester contre les fausses doctrines qui la débordaient de toutes parts, prêcher d’exemple, se retirer dans les devoirs au sein du grand monde, et, en compensation de quelques idées trop subtiles et de quelques locutions affectées, laisser après elle des monuments de bienfaisance, une mémoire sans tache, et même quelques pages éloquentes.
Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Celui qui avait eu pour guide l’honneur, un faux honneur trop souvent, mais enfin qui avait tenu à l’opinion et à l’estime de ses semblables, ne trouvait pas son compte sous ce turban de quatre livres qui lui pesait, et qu’il n’avait pris que comme un bonnet de nuit ; il avait beau plaisanter, un fonds de remords et de regret lui disait qu’il avait mal usé de si beaux dons naturels et que sa vie avait, totalement échoué.
Beaumarchais avait sur la musique dramatique des idées fausses : il croyait qu’on ne pourrait commencer à l’employer sérieusement au théâtre que « quand on sentirait bien qu’on ne doit y chanter que pour parler ». […] La pièce pour moi se gâte du moment que la Marceline, en étant reconnue la mère de celui qu’elle prétend épouser, introduit dans la comédie un faux élément de drame et de sentiment : cette Marceline et ce Bartholo père et mère me salissent les fraîches sensualités du début.
Je lui ai d’ailleurs envoyé une consultation de neuf avocats, qui tous concluaient que je pouvais l’arguer de dol à son propre parlement (faux). Il a eu un procédé bien vilain avec moi, et j’ai encore la lettre dans laquelle il m’écrit en mots couverts que, si je le poursuis, il pourra me dénoncer comme auteur d’ouvrages suspects que je n’ai certainement point faits (faux).
En tentant d’améliorer et de rénover ces vues, et sous l’empire de la réaction libérale à laquelle cédaient les esprits éminents dans la première moitié de ce siècle, on est allé aune conception opposée et plus fausse. […] Il serait difficile de trouver une conception plus fausse et plus facilement admise que celle de la séparation des deux éléments qui contribuent à tout événement historique, — les chefs et la masseeh, — et de la prépondérance du second sur le premier.