M. de Gourmont ne le nie point, mais il proteste contre le conseil que nous donnons de lire d’abord les auteurs dont on peut tirer un profit immédiat d’assimilation, avant de lire ceux dont les procédés nous échappent. « Donc, dit-il ironiquement, vous ne lirez point Pascal, vous ne lirez point Descartes, vous ne lirez point de Retz. » Nous n’avons jamais dit pareille chose.
Dans ces temps d’une grossièreté simple, on loua les bienfaiteurs de l’humanité, même de leur vivant : l’orgueil n’avait point encore éveillé l’envie : l’homme sauvage admire, et ne calcule point avec art pour échapper à la reconnaissance.
Les recherches des délateurs nous ont ôté jusqu’à la liberté de parler et d’entendre, et nous eussions perdu le souvenir même avec la voix, s’il était aussi facile à l’homme d’oublier que de se taire44. » Il se représente ensuite, au sortir du règne de Domitien, comme échappé aux chaînes et à la mort, survivant aux autres, et, pour ainsi dire, à lui-même, privé de quinze ans de sa vie, qui se sont écoulés dans l’inaction et le silence, mais voulant du moins employer les restes d’un talent faible et d’une voix presque éteinte, à transmettre à la postérité et l’esclavage passé, et la félicité présente de Rome.
Depuis que Tibérius Coruncanius eut commencé à Rome d’enseigner publiquement la science des lois, la jurisprudence jusqu’alors secrète échappa aux nobles, et leur puissance s’en trouva peu à peu affaiblie.
Elle tenta plusieurs fois de s’échapper de Lochleven pour le rejoindre ou pour se réfugier en Angleterre. […] L’ambassadeur d’Élisabeth en Écosse, Drury, raconte ainsi à sa souveraine sa dernière tentative d’évasion : « Vers le 25 du mois dernier (avril 1568), elle faillit s’échapper, grâce à sa coutume de passer toutes les matinées dans son lit. […] Un noble proscrit de la famille des Hamilton, nommé Bothwell-Haugh, dont Murray avait laissé la femme expirer de misère au seuil de sa propre demeure donnée par le dictateur à un de ses partisans, jura de venger sa femme et sa patrie du même coup ; il ramassa une poignée de terre qui recouvrait le cercueil de sa femme, la porta sur lui dans sa ceinture comme une éternelle incitation à sa vengeance, se rendit déguisé dans une petite ville que Murray devait traverser en revenant à Édimbourg ; il y tua Murray d’un coup de feu tiré d’un balcon, et, remontant sur un cheval qui l’attendait sur les derrières de la maison, il échappa, par la rapidité de sa course, aux gardes du dictateur. « Moi seul, s’écria Murray en expirant, je pouvais sauver l’Église, le royaume et l’enfant ; l’anarchie va tout dévorer !
Il mangeait fort peu, à des heures réglées, sans jamais dépasser la quantité qu’il s’était prescrite, ni par des caprices d’appétit, ni par complaisance pour ses amis ; évitant les viandes trop nourrissantes, pour échapper à cette oppression des aliments dont parle Pascal, et préférant aux viandes les racines et les fruits. […] On n’y échappe que par imbécillité d’esprit ou paresse. […] Celui qui croit la garder pour soi ne l’a pas trouvée ; c’en est quelque ombre dont il se leurre, et il n’y a pas de plus grande erreur en critique que de dire d’un écrivain qui n’est pas vrai, qu’il lui était libre de l’être, et qu’ayant dans une main la vérité, et le mensonge dans l’autre, il lui a plu de laisser échapper le mensonge et de retenir la vérité.
Une logique raide peut laisser échapper des replis de l’erreur. Une méthode raide peut laisser échapper des replis de l’ignorance. Une morale raide peut laisser échapper des replis du péché, dont une morale souple au contraire épousera, dénoncera, poursuivra les sinuosités d’échappements.
Des profils qu’on croirait échappés de ce merveilleux album des Caprices où Goya évoque des visions de cauchemar. […] Il n’a donc pas écrit cette page véritablement unique en application directe de son système, mais à côté, presque à rebours, puisque les mobiles intérieurs sur lesquels il prétendait se guider échappaient à l’art musical et qu’il en arrivait, sans s’en apercevoir, à ne plus exprimer qu’un sentiment très banal, qu’une situation très ordinaire. […] Mais tous ces passages me paraissent surpassés par l’émouvant retour d’une phrase tirée de l’Arioso de Fédès : « Ta pauvre mère », etc., dite cette fois en sanglotant par le cor anglais, et planant au-dessus d’un susurrement mystérieux en trémolo des cordes au moment où, vers la fin du second acte, le futur Roi-Prophète s’échappe pour écouter à la porte de la chambrette de sa mère, qui « dans son sommeil murmure une prière pour le fils ingrat ; une perle, fut-elle enfouie dans un fumier, vaut bien la peine qu’on la mette en lumière !
Rappelons-nous d’abord que, si nous n’avions que l’ouïe, sans aucun autre sens, les phénomènes extérieurs ne pourraient pénétrer en nous qu’en tant que phénomènes sonores et la sensation de l’ouïe serait pour nous ce que Protagoras appelait la mesure de toutes choses ; si nous n’avions que des yeux, tout prendrait nécessairement la forme lumineuse, le monde entier ne serait, comme dit Helmholtz, qu’un « phénomène lumineux », une immense aurore boréale, ou il échapperait nécessairement à nos prises91. […] — Soit, dit-on encore ; il y a des cas ou les rapports sont représentés eux-mêmes d’avance avec leurs termes ; mais il y en a d’autres qui échappent à toute représentation de ce genre. […] Le sentiment de la ressemblance est un état de conscience, un mode de sentir et de réagir sans résistance, qui, pour échapper à l’analyse, n’est ni un acte pur, ni une contemplation d’idée pure.
La sève qui s’échappe à flots des plaies profondes, c’est le sang des divins blessés. […] Vous vous enfermez dans votre chambre pour échapper à tant d’horreurs ! […] Un doux regard s’échappe de sa paupière demi-close. […] Arrivée à un certain âge, à un certain degré de complication, la science échappe au poète ; le rythme devient impuissant à enserrer la formule et à appliquer les lois. […] Il ne peut ni échapper à sa passion, ni mentir à son doute.
Je tiens le secret de la bouche même du célèbre Chamfort, qui le laissa échapper devant moi un matin que j’étais allé le voir. […] Pour échapper aux agitations et aux déceptions, Sérénus s’est jeté dans la retraite et dans la solitude. […] Ainsi les a pris le dégoût de la vie et du monde, et alors leur échappe ce cri des voluptueux blasés : “Quoi ! […] Je dompterai les vierges rigides, et j’irai troubler jusque dans leurs déserts ces anachorètes qui pensent échapper à mes enchantements. […] Démodocus l’homéride, un peu trop ingénu tout de même, semble échappé des idylles de Chénier.
C’est que, du poste qu’ils occupent ayant cette réalité tout entière sous les yeux, et n’ayant pas qu’elle, ils aperçoivent les objets dans leurs proportions véritables, et ils échappent à cet hypnotisme qu’engendre parfois une contemplation trop prolongée. […] Parvenu presque au terme, il introduit parmi les données, au même rang qu’elles et à titre de complémentaire, un doute final sur la valeur des données elles-mêmes, et par cette dernière chance qu’il lui laisse de s’échapper il achève de circonvenir son modèle. […] Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d’une fuite éternelle. […] Pas complètement : il était parti pour échapper à un indicible malaise ; quelque chose toujours en survivra en lui, et si je voulais caractériser le don le plus particulier de Schlumberger c’est à ce même mot que j’aurais recours. […] Comme un faux ami, oui ; car à la vie lui jamais ne manqua. « Mais moi je n’estime rien au-dessus de vivre et ce dont d’abord je ne veux rien laisser échapper, c’est de vivreid ».
Mais la réalité humaine est double aux yeux de tout homme qui pense, elle a sa manifestation extérieure et matérielle, elle a aussi son expression morale dont la perception échappe à l’entendement du vulgaire. […] Or Balzac avait la couleur, il avait une toute-puissance d’observation à laquelle rien n’échappait, et nous ne connaissons pas de plus grand poète que Balzac quand il est poète, et il l’est souvent. […] Si vous ne savez pas la saisir et la fixer dans votre œuvre, c’est que le côté interne des choses et des hommes vous échappe ; vous n’êtes réaliste qu’à demi, vous calquez, vous ne peignez pas ; vous êtes un faiseur de procès-verbaux et de croquis, non un jugeur d’hommes et un penseur, vous n’êtes pas l’héritier de Balzac, vous êtes l’élève de Daguerre. […] Quant aux œuvres politiques de l’auteur, nous n’avions pas à nous en occuper ; toutefois nous ne laisserons pas échapper cette occasion de constater l’immense distance qui les sépare de ses œuvres d’imagination. — M. […] — c’est une chose avérée — les crayons de Mangin sont excellents, mais si Mangin n’avait pas eu l’esprit de s’affubler — avant la complainte du sire de Framboisy — de la défroque anachronique de ce Sganarelle féodal, Mangin ne vendrait pas ses crayons. — Cette vérité philosophique a pu échapper à bien des gens, je suis sûr qu’elle n’a pas échappé à M.
Molière, qu’aurait opprimé, je le crois, cette autorité religieuse de plus en plus dominante, et qui mourut à propos pour y échapper, Molière, qui appartient comme Boileau et Racine (bien que plus âgé qu’eux), à la première époque, en est pourtant beaucoup plus indépendant, en même temps qu’il l’a peinte au naturel plus que personne. […] C’est lui qui a pu dire du pauvre qui lui rapportait le louis d’or, cet autre mot si souvent cité, mais si peu compris, ce me semble, dans son acception la plus grave, ce mot échappé à une habitude d’esprit invinciblement philosophique : « Où la vertu va-t-elle se nicher ? […] » A ce cri, qu’il devinait bien être celui du vrai public et de la gloire, à cet universel et sonore applaudissement, Molière sentit, comme le dit Segrais, s’enfler son courage, et il laissa échapper ce mot de noble orgueil, qui marque chez lui l’entrée de la grande carrière : « Je n’ai plus que faire d’étudier Plaute et Térence et d’éplucher les fragments de Ménandre ; je n’ai qu’à étudier le monde. » — Oui, Molière ; le monde s’ouvre à vous, vous vous l’avez découvert et il est vôtre ; vous n’avez désormais qu’à y choisir vos peintures. […] Malgré sa passion pour elle et malgré son génie, il n’échappa point au malheur dont il avait donné de si folâtres peintures. […] D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.
C’est là qu’on aime surtout à le suivre, et c’est là qu’on le rappelle, comme involontairement, quand il s’en échappe pour se reposer sur des sujets moins élevés, sur des fantaisies où il n’atteint la grâce qu’à force d’imagination, l’abandon et le naturel qu’à force d’esprit et d’étude. […] Ainsi, tout ce qui doit vivre a-t-il dû être d’un enfantement long et laborieux, et, comme les exemples ne manquent pas pour prouver que le présent est dur aux hommes qui sont taillés pour l’avenir, ils ne manquent pas non plus pour prouver que l’avenir échappe aux enfants gâtés du présent. […] N’ayez pas peur qu’il lui échappe une concession en faveur des théocraties, ni qu’il ne se commette imprudemment avec le sacerdoce ; il n’y a rien dans son poème qui puisse mal sonner aux oreilles des plus irréligieux. […] Au reste, « description » ne rend pas toute ma pensée ; c’est plutôt une réparation, du genre de celles que les architectes font des vieux temples, d’après les débris qui en ont échappé à la destruction du temps et des hommes. […] Ces-joyeuses maisons qui s’épandent dans la campagne, pour y chercher de la verdure et de l’air, ou peut-être pour échapper à quelques droits d’octroi du temps, ne sont-elles pas charmantes ?
C’est dans ce qui échappe aux sens, c’est dans le monde invisible que l’art trouve le modèle qu’il doit s’attacher à peindre. […] Un premier morcellement dégage l’esprit du corps, la poésie de l’architecture ; ensuite, la poésie religieuse le cède à l’épopée héroïque, en même temps que l’architecture laisse échapper de sa dépendance la statuaire. […] Quant à l’origine de l’hexamètre, elle échappe, comme l’origine des vers en général, à toute investigation historique. […] Le canal n’a pas augmenté la quantité d’eau, mais il lui aide à s’échapper de la terre, d’où elle jaillirait moins abondamment sans cette ouverture. […] Notre intelligence ne peut s’assimiler et retenir que ce qui est conforme à ses propres lois ; tout ce qu’elle rejette d’elle-même ou laisse vite échapper est contraire à son intime constitution.
Mais les dernières paroles que laissa échapper David en résumant ses observations sur l’ouvrage excitèrent l’attention du jeune écolier. […] Il échappe à mes lèvres, et mes lèvres sont purifiées. […] Ce mérité n’échappa aux yeux de personne, et quoique plusieurs de ses camarades et David lui-même signalassent une disposition à l’exagération dans ses études, tout le monde cependant fut frappé de ses grandes dispositions et reconnut même son talent. […] De tous les noms déjà cités, combien peu ont échappé à l’oubli, et qui sait s’ils y surnageront longtemps encore ! […] Échappé à ce danger, et croyant les prévenir tous, j’allai me jeter dans un autre.
Et il s’échappe de ce groupe ; précisément, il s’en échappe : et c’est la preuve qu’il y était. […] Caërdal, qui réprouve les doctrines, s’échappe rarement de ses doctrines, moins changeantes qu’il ne le croit. […] S’il embaume l’armée aux plis de ce linceul, Vigny s’est échappé. […] Il échappe ainsi à nos petites querelles et chicanes, de par son principe. […] « Tout phénomène est le symbole d’une vérité… » À la faveur de ce dédoublement, on s’échappe.
Les unes lui échappent, comme si elles voulaient fuir un homme en disgrâce. […] Je ne sais qu’un moyen d’y échapper, c’est de vivre rez terre. […] Ce qu’il fit pour retenir des gens qui lui échappaient, ce qu’il y dépensa de sourires et de paroles caressantes, je n’y puis penser sans pitié. […] Il m’était même échappé à ce sujet un mot cruel : « Rouher, avais-je dit, était en passe d’être homme d’État ; il a mieux aimé rester avocat ». […] On ressent plutôt quelque confusion à se rappeler qu’on a échappé au malheur commun.
Il est une autre manie à laquelle les universitaires, et je parle des plus distingués, échappent rarement. […] Au reste, ce travers n’échappe pas à Julie. […] Une occasion exceptionnelle permet à Poil de Carotte de « s’expliquer » avec son père ; mais s’ils la laissent échapper, ils ne la retrouveront pas. […] Il échappa de la sorte à la sécheresse et, regardant le monde d’un œil moins prévenu, en comprit mieux la beauté énigmatique et grave. […] Anatole France, pour échapper au scepticisme absolu, mette sa confiance dans la révolution future.
Il aurait pu y mettre en épigraphe cette pensée de lui : « J’ai vu, au sujet des vérités si importantes pour l’homme, qu’il n’y avait rien de si commun que les envies, et rien de si rare que le désir. » Quand on songe que ce dernier ouvrage, L’Homme de désir, paraissait en regard des Ruines de Volney, on sent que le siècle, à ce moment extrême, était en travail, et qu’en même temps qu’il donnait son dernier mot comme négateur et destructeur, il lui échappait une étincelle de vie qui, toute vague qu’elle était, disait que l’idée religieuse ne pouvait mourir. […] C’est là une sorte de danger auquel n’échappent pas ces âmes humbles et douces, lorsqu’elles prétendent agir et marcher toutes seules dans les sentiers du divin, et faire œuvre d’apôtre et de pape en ce monde : il se trouve qu’il y a un énorme Léviathan d’orgueil caché et dormant au fond de leur lac tranquille52. — Et qu’il ne vienne pas nous dire que ce qu’il sent est plus beau que de l’orgueil, ce n’en est que le plus subtil et le plus spécieux déguisement.
Son optimisme ici et cette espèce de béatitude que nous lui avons vue en quelques moments expire ; et avec cela il ne désespère jamais, il n’abdique pas son idée d’avenir et ne laisse pas échapper ce qu’il estime le fil conducteur : J’ai vu la plupart de mes concitoyens très alarmés aux moindres dangers qui à tout moment menacent l’édifice de notre Révolution ; ils ne peuvent se persuader qu’elle soit dirigée par la Providence, et ils ne savent pas que cette Providence laisse aller le cours des accessoires qui servent de voile à son œuvre, mais que quand les obstacles et les désordres arrivent jusqu’auprès de son œuvre, c’est alors qu’elle agit et qu’elle montre à la fois ses intentions et sa puissance ; aussi, malgré les secousses que notre Révolution a subies et qu’elle subira encore, il est bien sûr qu’il y a eu quelque chose en elle qui ne sera jamais renversé. […] D’ailleurs il ne vous laisse pas toujours le temps d’y regarder : il vous entraîne, il garde si bien tous les passages que vous ne pouvez vous échapper de lui.
Vous, mon cher ami, vous êtes onctueux et indulgent. » Cette onction de M. de Meilhan de loin nous échappe, mais les auteurs contemporains ont ainsi, pour les personnes qui les connaissent et qui les aiment, toutes sortes de vertus et de supériorités singulières qui s’évanouissent à distance. […] Mais sur toutes ses prescriptions, et par-dessus toutes les plaintes qui lui échappent, il plane un certain respect des dieux, de la main desquels il convient que l’homme reçoive tout ce qu’ils envoient, les maux comme les biens : « Il ne faut point jurer que telle chose n’arrivera jamais ; car cela irrite les dieux en qui réside tout accomplissement. » Théognis, courbant la tête sous la puissance mystérieuse qui régit le monde, consent à être quelquefois errant et mendiant comme Homère ; il ne porte point à tout propos dans sa bague le poison de Cabanis.
Qu’elle ne craigne jamais que mon intérêt particulier ait la moindre part à mes actions : j’ose dire que je suis né véritable et vertueux. » Villars ici se pavoise trop ; il donne évidemment à ce mot de vertu l’acception toute personnelle qui sied à Villars : mais il n’est que dans le vrai lorsqu’après la victoire d’Hochstett, réclamant son congé du roi et se plaignant de n’être plus écouté, souffrant de tant de fautes, et de celles qu’on fait sous ses yeux et de celles qu’on va faire, il lui échappe ce mot qui trouverait si souvent son emploi : « Heureux, Sire, heureux les indolents ! […] Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène.
Les adversaires s’emparèrent de ce mot échappé à sa plume, pour mettre l’abbé dans son tort ; on supposa malignement qu’en écrivant cela il songeait à Mme Dacier. […] On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs.
Cela nous a fait de la peine, et nous regardions avec plaisir le vieux chêne échappé à cette cruelle éducation. […] Napoléon, voyant se replier ses tirailleurs et irrité que les Prussiens fussent près de lui échapper, fit précipiter le mouvement sur toute la ligne et lança même à la charge ses quatre escadrons d’escorte sous les ordres du général Le Tort, un de ses aides de camp.
Les œuvres de Villon, pour nous, malgré tant de commentaires, de conjectures érudites et ingénieuses, sont et resteront pleines d’obscurités ; elles ne se lisent pas couramment ni agréablement ; on voit l’inspiration, le motif ; on saisit les contours, mais à tout moment le détail échappe, la ligne se brise, la liaison ne se suit pas et fuit. […] Campaux établit très bien tout cela ; et comme heureux lui-même de cette délivrance : Il était donc échappé une seconde fois à la mort, nous dit-il d’un accent touché, mais dans quel état !
voilà tout ce que j’avais à te dire qui s’échappe ; je ne vois plus que ces pauvres diables. […] C’est à propos d’un de ces tableaux exécutés en Russie, qu’il lui échappe dans une de ses lettres un mot qui est bien caractéristique de sa manière et de son procédé comme peintre.
Vers la fin du XIIe siècle, une nouvelle révolution ou évolution, comme on voudra l’appeler, était en plein cours : la construction échappe aux moines. […] Comment échapper enfin au convenu ?
Son secret lui échappe. […] Enfin, à force de se vanter chacun à qui mieux mieux, les deux rivaux finissent par s’insulter, et le soufflet échappe.
Ils poussèrent enfin vers Séville, en traversant la Sierra Morena à une demi-lieue de Séville, un conflit eut lieu entre le commandant de l’escorte et les guérillas qui sentaient que leur proie allait décidément leur échapper. […] On racontait qu’il faisait rôtir les petits enfants espagnols échappés aux baïonnettes françaises.
Peut-être le savant et le virtuose de guerre se laissa-t-il trop voir, comme lorsqu’il s’échappa à dire à un moment, en apercevant les fautes, les manques d’ensemble et de suite de l’ennemi : « Ah ! […] Mais cela n’empêchait pas que Napoléon pût s’étonner d’être deviné dans ses ordres confidentiels par Jomini, et les explications que celui-ci donna à l’appui d’un premier mot, échappé comme naturellement de ses lèvres, ne durent pas nuire dans l’esprit de l’Empereur à l’idée qu’il se fit dès lors de sa sagacité stratégique.
Toutes ces études convergent à vue d’œil, se croisent et se rejoignent de manière à ne laisser rien échapper. […] Il cherche à venger les Gaulois du reproche d’avoir été des barbares ; il n’insiste nullement sur le caractère gallo-romain de notre langue et sur une filiation qui paraît lui avoir échappé.
Vous m’êtes échappés, secrets d’un autre monde, Merveilles de crainte et d’espoir, Qu’au bout d’un océan d’obscurité profonde, Sur des bords inconnus je croyais entrevoir Tandis que mon œil vous contemple, L’avenir tout à coup a refermé son temple, Et dans la vie enfin je rentre avec effort. […] Avez-vous souvenance, ô mes belles recluses, De ces vers lusitains échappés à mes muses ?
Chaque œuvre, chaque écrivain, en définitive, lorsqu’on les a suffisamment approfondis et retournés, peuvent être qualifiés d’un nom ; il faut que ce nom essentiel échappe au critique, ou du moins que le lecteur arrive de lui-même à l’articuler. […] Une fois d’ailleurs le livre fait et paru, le peu qui a échappé en particularités et en minces détails arrive de toutes parts et rentre le plus souvent dans les cadres déjà exposés.
C’est d’ailleurs le caractère et la qualité de certains esprits que, tout en atteignant à la réputation méritée, ils ne tombent pas dans les grands chemins et sous les jugements courants de la foule ; ils échappent ainsi au lieu-commun de la louange ; ils demeurent des sujets choisis. […] Joinville est simple, naïf, candide ; sa parole lui échappe, colorée de fraîcheur, et sent encore son enfance ; il s’étonne de tout avec une bonne foi parfaite ; les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit.
Cela me rend en même temps opiniâtre dans le travail, car je ne puis me reposer que quand j’atteins ce qui m’échappe. […] la voici ; elle lui échappe à la fin de cette même lettre : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée : achetez et lisez les livres faits par les vieillards qui ont su y mettre l’originalité de leur caractère et de leur âge.
Un cri d’homme arraché par le souvenir de sa jeune femme échappa au mourant. […] Il cherchait à y échapper, pendant les premiers jours de thermidor, par de longues excursions aux environs de Paris.
Ce prince, pour échapper à la jalouse tyrannie de son grand-père, était obligé de faire un mystère de son attachement à Fénelon et de cacher, comme un crime d’État, sa rare correspondance avec son ami. […] Il ne laissa échapper qu’un mot : « Tous mes liens sont rompus… rien ne m’attache plus à la terre !
Il nous en avait pourtant bien avertis, lui qui jugeait de ses vers par l’oreille et croyait les justifier assez en attestant qu’il n’en avait jamais fait de plus « sonores » ; lui qui défendait le mot de lubricité pour le bon son qu’il faisait à la rime ; lui qui tant d’années avant qu’on l’eût inventé, connaissait l’art de la lecture, et qui lisait ou disait les vers en perfection, de façon à transporter les plus froids auditeurs : il les débitait tout simplement en poète, rendant sensibles toute sorte d’effets d’harmonie et de rythme, qui échappent à la lecture des yeux. […] Il s’est échappé à dire que c’étaient là ses meilleurs vers, sans se douter que jamais il ne s’était plus écarté de son vrai génie.
Elle n’échappe pas au galimatias mystique : mais, avec un ferme jugement pratique et moral, elle fixe la limite au libre développement de l’individu. […] On conçoit que, de l’œuvre de Marguerite, l’Heptaméron seul ait vraiment échappé à l’oubli : le xviie siècle s’y retrouvait, mondain, dramatique et moral.
Pour qu’aucune des études par où notre siècle s’est signalé ne lui échappât, il écrivit un jour sur les Contes de Perrault un dialogue exquis où il nous montrait comment sont sortis, des mythes solaires inventés par les anciens hommes, ces récits qui amusent nos petits enfants. […] Fellaire de Sizac, l’homme d’affaires, qu’on dirait échappé de la galerie d’Alphonse Daudet.
Il y a d’abord les beaux ténébreux tels que Maxime Odiot et le commandant d’Eblis ; puis M. de Camors et les sous-Camors tels que Philippe et M. de Vaudricourt ; les jeunes gens élégants et insignifiants comme M. de Bévallans et d’autres dont le nom m’échappe ; les vieux gentilshommes un peu maniaques comme M. des Rameures ou M. de Courteheuse ; les vieilles femmes aimables et charitables comme Mme de Férias ou Mme de Louvercy ; les vieilles femmes évaporées comme Mme de Combaleu ou venimeuses comme Mme de la Roche-Jugan. […] Elles ont toutes ceci de commun, qu’elles procèdent par à-coups, sous l’impulsion subite d’un sentiment ou d’un désir plus fort qu’elles, si bien que leur conduite a presque toujours quelque chose de décousu et d’incohérent, et que souvent le lien échappe entre leurs démarches successives.
Pour l’élégie, dont le genre était si cultivé au dix-huitième siècle, en est-il une seule qui ait échappé à l’oubli ? […] Tous les sentiments y sont purs des deux défauts auxquels nul n’échappe en parlant de soi, l’exagération et la familiarité.
Vigny la conduisit aux hautes solitudes et la voulut retenir dans sa Maison du Berger, mais elle s’échappa, courut les chemins, fit de mauvaises rencontres. […] Ni Jules Laforgue, ni Jean Moréas, ni Gustave Kahn, ni Édouard Dujardin, ni Vielé-Griffin, ni moi-même n’échappâmes à ce reproche.
Car fut sauvé, mais il put se vanter de l’avoir échappé belle. […] « Si je parlais (dit-il à une… vipère qu’il voit pour la première fois), il pourrait m’échapper des traits d’une incivilité qui vous déplairait et que mon respect vous épargne. » Il aime mieux se taire que blasphémer.
La bedaine de Gorgibus pointe jusque sous le gilet brodé de ses raffinés ; ses jeunes filles elles-mêmes s’échappent par moments en propos incongrus qui écorchent l’oreille la moins scrupuleuse. « Il faut rimer sur les roses et mordre dans les pommes », a dit Goethe. […] Sandeau : un Héritage ; un de ces contes d’Allemagne tels que sait les écrire le poète de Marianna et de Mademoiselle de la Seiglière, tendres et plaintives histoires doucement filées, lentement dévidées, semées de mille nuances exquises et légères, et qu’on dirait destinées à ces blondes jeunes filles des pays du Rhin qui, tout en lisant, filent le rouet ou tricotent les bas de Marguerite et veulent se perdre doucement dans les rêves du coeur, sans laisser échapper une maille.
Les traits de Lesage, ce sont de ces mots piquants et vifs qui échappent en courant. […] D’après les deux mots qu’il laisse échapper à regret sur Gil Blas, Voltaire ne paraît pas se douter qu’il sera infiniment plus glorieux bientôt d’avoir fait ce roman-là que le poème de La Henriade.
Toutes les Champmeslé du monde n’avaient point ces tons ravissants qu’elle laissait échapper en déclamant ; et, si sa gaieté naturelle lui eût permis de retrancher certains petits airs un peu coquets que toute son innocence ne pouvait pas justifier, c’eût été une personne accomplie. […] Faut-il peindre Mlle de Fontanges avec sa beauté et son genre de sottise romanesque, et faire sentir comment le roi, même quand elle aurait vécu, ne pouvait l’aimer longtemps, tout cela est dit en deux mots : On s’accoutume à la beauté, mais on ne s’accoutume point à la sottise tournée du côté du faux, surtout lorsqu’on vit en même temps avec des gens de l’esprit et du caractère de Mme de Montespan, à qui les moindres ridicules n’échappaient pas, et qui savait si bien les faire sentir aux autres par ce tour unique à la maison de Mortemart.
Combien de scélérats viennent de m’échapper ! […] Tous ces gens de la noce (excepté Mercier, qui n’échappa à la mort que par l’incarcération), tous périrent de mort violente, y compris les deux époux, et tous du fait de cet autre convive, ce cher M. de Robespierre.
Elle n’avait pu se décider encore pour le choix d’un mari, et, dans son désir d’une couronne, elle laissait échapper ce qui s’offrait et qui était sous sa main, pour se prendre à des impossibilités lointaines. […] Il y avait des jours pourtant où l’on aurait dit qu’il commençait à entendre ; mais il s’échappait toujours à temps « par des manières respectueuses qui étaient pleines d’esprit », et qui achevaient d’enflammer l’innocente princesse.
Je ne ferai que peu de remarques sur ce premier effet que Mirabeau produisit sur les convives, et qui nous est si visiblement rendu ; je ne me permettrai que d’expliquer et de commenter deux ou trois traits, ainsi que l’expression de ridicule qui échappe quelques lignes plus bas, et qui est appliquée à l’extérieur de Mirabeau. […] Mais ce qu’il était surtout en ces jours où il échappait aux autres et à lui-même, c’était un orateur sincère, impétueux, piqué au jeu et entraîné, un orateur qui avait promis d’être sage, et qui tout d’un coup faisait explosion.
Marmontel, échappé du cabinet de l’odieux préfet, se réfugie dans la classe de rhétorique ; il harangue ses camarades, il embrasse l’autel ; il faut lire ce discours, parodie heureuse de ceux que prononçaient les Romains de Tite-Live en se retirant sur le mont Aventin. […] Je le répète, à part un poème qui par sa nature échappe à l’examen et dans lequel on trouverait plus de verve et d’esprit que de poésie même, c’est à la prose seule de Marmontel qu’il faut demander la clarté, l’élégance et la précision facile qui le distinguent.
On peut croire qu’il choisit bien ses points d’attaque ; les vers les plus étranges ne lui échappent pas ; il décrit spirituellement, et avec une verve railleuse assez légère, ce public des premières représentations d’Hernani, dont nous étions nous-même, public fervent, plein d’espérance et de désir, et qui mettait toute sa force en ce moment à tenter une révolution non pas précisément dans l’État, mais dans l’art. […] Il n’éclate que le jour où le ministère Périer est nommé, le 13 mars ; il sent que la question de guerre lui échappe, et, bien qu’il compte encore sur cette guerre inévitable, de laquelle il attend le triomphe de ses espérances et de ses instincts les plus chers, il sent que la royauté n’en veut pas.
On remarquera que Volney ne peut s’empêcher de reconnaître dans le merveilleux rapport de cet animal avec le climat auquel il est destiné une sorte d’intention providentielle et divine ; ce sont de ces aveux qui lui échappent rarement, et que l’exactitude seule lui arrache ici. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence.
Selon Guyau, le moyen, pour l’art, d’échapper à ce qu’il y a de fugitif dans toute convention, c’est la spontanéité du sentiment individuel qui fournit ses inspirations au génie. « Le grand artiste, simple jusqu’en ses profondeurs, est celui qui garde en face du monde une certaine nouveauté de cœur et comme une éternelle fraîcheur de sensation. […] Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ; » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».
On va par là, on se heurte au piédestal, on est bien obligé de lever la tête et de regarder un peu l’inscription, on échappe au livre, on n’échappe pas à la statue.
Ces gens laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu’ils ont de la capacité et des lumières, qu’ils savent juger, trouver bon ce qui est bon, et meilleur ce qui est meilleur. […] Il y a des endroits dans l’Opéra qui laissent en désirer d’autres ; il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spectacle : c’est faute de théâtre, d’action, et de choses qui intéressent.
Sur cette inscription qu’on lit dans le livret, une jeune fille endormie, surprise par son père et par sa mère, on cherche des traces d’un amant qui s’échappe ou qui s’est échappé et l’on n’en trouve point ; on regarde l’impression du père et de la mère pour en tirer quelque indice, et ils n’en révèlent rien.
Ainsi la clarté est l’apanage de notre langue, en ce seul sens qu’un écrivain français ne doit jamais perdre la clarté de vue, comme étant prête à lui échapper sans cesse. […] Mais, quelque peu philosophe qu’une nation puisse être sur ce point, l’orateur qui veut réussir auprès d’elle, doit se conformer aux préjugés qui la dominent, et qu’on peut appeler la philosophie du vulgaire ; le génie même les braverait en vain, surtout chez un peuple léger et frivole, plus frappé du ridicule que sensible au grand, sur qui une expression sublime peut manquer son effet, mais à qui une expression populaire ou triviale n’échappe jamais, et qui à la suite de plusieurs pages de génie, pardonne à peine une ligne de mauvais goût.
Au lieu de le serrer et de l’éteindre, ils s’échappèrent en réformes qui allèrent au loin chercher des abus au fond desquels ne gisaient pas les périls de la situation. […] Il s’est dit qu’à toutes les époques l’histoire des nations a tenu toute, en définitive, dans la conscience et les passions de quelques hommes ; que le dessous de cartes de l’Histoire est une suite de biographies ; qu’il y a beaucoup plus d’influences personnelles dans ce monde que de force des choses ; et ainsi il a effacé, pour sa part, le mot obscur qu’on élève dans l’histoire quand on ne la comprend plus et que le sens des hommes échappe, et renversé autant qu’il l’a pu ce phare de ténèbres qui redouble la grande ombre des événements passés, au lieu de la dissiper.
Amédée Pommier, qui fut toujours un esprit outré, comme disent les esprits modestes, qui ont de bonnes raisons pour l’être, le rappelle en des vers excellents, dans son ancienne manière connue, d’une bonhomie comique et mordante : … Les philistins, les pédants et les cuistres, Qui m’ont en mal déjà noté sur leurs registres Pour avoir cultivé, rimeur émancipé, Le genre mors aux dents ou cheval échappé, Trouvant que de nouveau je prêche et prévarique, Élèveront encore leur voix charivarique, Et se scandalisant de ma ténacité, Crieront au mauvais goût, — à l’excentricité. […] L’auteur des Colifichets, toujours à outrance, toujours aussi mors aux dents et cheval échappé que dans sa jeunesse, a rasé le bord du précipice, et même s’y est penché, car il a, ma foi !
Nous conquîmes des royaumes, et nous polîmes notre langage ; et si le fruit de nos victoires nous échappa, nous sûmes du moins conserver nos lumières. […] C’est là, en effet, que les hommes réunis et opposés s’essaient, s’observent et se jugent ; là, en comparant toutes les manières de juger, on apprend à réformer la sienne ; là, les teintes rudes s’adoucissent, les nuances se distinguent, les esprits se polissent par le frottement, l’âme acquiert par l’habitude une sensibilité prompte ; elle devient un organe délicat, à qui nulle sensation n’échappe, et qui, à force d’être exercée, prévoit, ressent et démêle tous les effets.
Un des caractères éminents de sa gloire, un des privilèges de son inspiration sera d’avoir échappé à la loi du temps, à ce raffinement du goût, à ce travail artificiel qui marque les époques un peu tardives de l’imagination, les retours et les arrière-saisons des lettres. […] Les ondes, éparses en rosée légère sous la violence du coup, remontaient pressées en colonnes qui parfois s’étendaient à toute la largeur de l’abîme et cachaient une part de l’horizon… « Ce qui m’étonna le plus, c’est qu’à l’abord du précipice, les vagues résistent en sens contraire et s’entrechoquent comme pour échapper ‘à l’impulsion qui les précipite, jusqu’au moment où, vaincues, elles s’abattent dans l’abîme avec un tonnerre souterrain, et font jaillir dans les airs d’immenses colonnes de nuées sur lesquelles l’arc d’Iris réfléchit ses plus éblouissantes couleurs. » C’est l’esquisse du voyageur, de l’émigré des Andes accoutumé à la puissante nature du monde américain, et la trouvant dépassée dans ce désert.
Verlaine avait eu de la chance d’échapper, d’assez bonne heure, à ce mécanisme parnassien, grâce auquel on peut fabriquer les vers à la douzaine comme des gaufres dans un gaufrier. […] Rien n’échappe à leurs poids et à leurs mesures. […] Nous sentons trop qu’il nous échappe. […] Paul Bourget n’a pas échappé au soupçon d’aimer en secret les élégances dont il s’indigne ; tandis que les moralités de MM. […] Il s’est échappé, en excursions furtives, vers les étages hauts et même vers de vagues banlieues, parmi des employés en retraite ou des boutiquiers retirés.
La versification proprement dite n’est pas toujours assez strictement observée ; les images en foule sortent d’elles-mêmes à tous les points d’un si riche sujet, et décorent comme en se hâtant une pensée vive, continuelle, qui s’échappe au travers et que rien n’empêche.
En présence de l’Apollon du Belvédère, j’avais vu notre guide, l’excellent sculpteur Fogelberg279, qui le visitait presque chaque jour depuis vingt ans, laisser échapper une larme ; et cette larme de l’artiste m’avait paru, à moi, plus belle que l’Apollon lui-même.
Mais il est évident, quoiqu’il ne se soit pas expliqué fort longuement jusqu’ici sur ce dernier point, qu’il entend parler d’une théorie en partie neuve et d’une vue qui aurait échappé jusqu’ici aux divers organes de la presse quotidienne.
D’estimables journaux et recueils, qui, comme le Semeur ou la Revue européenne, échappent, autant qu’ils le peuvent, à l’empirisme de la critique, n’y parviennent qu’en restreignant souvent par là même, beaucoup plus qu’il ne faudrait, le champ pratique de leur observation.
Ou plutôt idées, souvenirs, émotions, impressions, ce dont il se soucie le moins, c’est de les relier ; il les laisse se relier au hasard ou peut-être au gré d’on ne sait quelles associations très subtiles et qui échappent.
autour de M. de Pourceaugnac, avaient auparavant persécuté Arlequin, lequel leur échappait, comme le gentilhomme de Limoges, en se déguisant en femme.
Mais, si cessant de considérer l’individu isolé, on porte la vue sur le groupe qui le contient, on s’aperçoit que ce groupe lui-même, considéré à son tour comme une entité distincte, n’échappe pas non plus à la possibilité et au danger de se concevoir différent de lui-même.
Il comprit qu’un succès politique à propos de Charles X tombé, permis à tout autre, lui était défendu à lui ; qu’il ne lui convenait pas d’être un des soupiraux par où s’échapperait la colère publique ; qu’en présence de cette enivrante révolution de juillet, sa voix pouvait se mêler à celles qui applaudissaient le peuple, non à celles qui maudissaient le roi.
L’hypothèse des esprits animaux consistait à supposer que les nerfs sont de petits tubes creux remplis d’une sorte de vapeur composée des partie les plus subtiles du sang et sécrétée par le cerveau ce sont de petits corpuscules ronds qui, par leu extrême ténuité, échappent aux sens, et par leu extrême mobilité sont susceptibles des situation les plus variées.
Encore de la mauvaise morale : on peut trop louer sa maîtresse, et tout éloge qui n’a pas l’air d’échapper à un sentiment vrai, ou d’être une galanterie aimable d’un esprit facile, déplaît souvent même à celle qui en est l’objet.
Or, l’air qui doit avoir un si grand pouvoir sur notre machine, est un corps mixte composé de l’air élementaire et des émanations qui s’échappent de tous les corps qu’il enserre ou que son action continuelle peut en détacher.
Or, ces canaux ne sont pas si avant sous terre, que la chaleur qui est très-grande à Rome durant la canicule, n’en éleve des exhalaisons empestées, qui s’échappent d’autant plus librement que les crévasses des voûtes ne sont bouchées qu’avec des décombres et des gravas qui font un tamis bien moins serré que celui d’un terrain naturel ou d’un sol ordinaire.
… En d’autres termes, si le peintre est dans ces Réfractaires, le peintre amer, âpre et féroce, qui nous les a faits si cruellement ressemblants, pourquoi le moraliste n’y est-il pas, le moraliste qui jugerait en dernier ressort tous ces Bohèmes de l’orgueil et de la paresse, tous ces Échappés de la Loi Sociale, et qui les internerait au bagne du Mépris, à perpétuité, pour leur peine d’avoir lâchement refusé de prendre leur part des travaux forcés de la vie ?
Mais l’intérieur de ces vieilles poitrines de grimpeurs de montagnes ou du cœur de rose de cette fillette, mais la manière de concevoir et de sentir la vie de ce mâle et pauvre curé qui, son bréviaire récité, sa messe dite, se rappelant qu’il est un robuste fils des Alpes, s’en va faire la guerre aux oiseaux du ciel pour nourrir les pauvres de la terre, voilà ce que l’on voudrait voir, voilà ce que Topffer ne nous montre pas avec assez de détails et ce qui n’aurait pas échappé à Sterne, par exemple, ce grand moraliste qui sait aussi fixer en trois hachures un paysage d’un ineffaçable fusain, grand comme l’ongle, mais infini d’expression, et qui reste à jamais, dès qu’on l’a vu, dans la mémoire, comme une pattefiche dans un mur !
Chère toujours à la race sans idées et sans cœur des païens de la fantaisie, cette école, qui a trouvé sa colonne d’Hercule dans le dernier livre (Émaux et Camées) de Gautier, — le seul de ses enfants posthumes dont le vieux Ronsard se sentirait de l’orgueil, — cette école pourrait réclamer Gramont comme un des poètes de sa pléiade, mais, tout esclave qu’il en est par le plus large côté de ses œuvres, il lui échappe cependant, et, en résumé, il vaut mieux qu’elle.
Nous échappons à l’ennui et à nous-mêmes ; nous volons au-devant du temps ; nous vivons où nous ne sommes pas.
Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.
L’aveu lui en échappe à la lettre suivante qui est de sept semaines ou deux mois tout au plus après : « 9 juin 1788. […] Pourtant le cœur a des contradictions tellement inexplicables, qu’elle put amèrement souffrir de voir s’échapper sans retour ce qu’elle n’avait jamais ni espéré ni réclamé de lui. […] À vingt ans, Benjamin Constant se considérait déjà comme bien blasé, bien vieux, et il lui échappait quelquefois de dire : Quand j’avais seize ans , reportant à cet âge premier ce qu’on est convenu d’appeler la jeunesse. […] Benjamin Constant a bien de la peine à persuader à ses amis qu’il les aime ; ceux-ci pressentent qu’il lui sera impossible de ne pas leur échapper bientôt. […] L’épigramme s’échappe malgré lui, et il donne un petit coup de griffe à la femme auteur.
Ces petites chéries n’échappèrent point à la contagion du modernisme et inventèrent la poésie pure, laquelle finissait, pour les rajeunir, en prière, c’est-à-dire en queue de têtard. […] Les fins logiques, par contre, nous échappent. […] Sous la peau brune, dès la rotule, montaient des muscles de fantassins, ombragés, juste, au sommet des cuisses, par des petits jupons de couleurs tendres, eux-mêmes, échappés de cuirasses dont le métal moulait pectoraux torses et hanches, mais s’échancrait, avec on ne peut plus de complaisance, pour dégager les épaules, le cou. […] Le petit jeune homme échappe à leur poursuite glapissante. […] Dali, de qui émane cette proposition, constate : Tous les médecins sont d’accord pour reconnaître la vitesse de l’inconcevable subtilité fréquente chez le paranoïaque, lequel se prévalant de motifs et de faits d’une finesse telle qu’ils échappent aux gens normaux, atteint à des conclusions souvent impossibles à contredire et qui, en tout cas, défient presque toujours l’analyse.
Et de là vient aussi que le terme où notre activité se reposera est seul représenté explicitement à notre esprit : les mouvements constitutifs de l’action même ou échappent à notre conscience ou ne lui arrivent que confusément. […] La philosophie antique ne pouvait échapper à cette conclusion. […] Elle composera donc le réel avec des Formes définies ou éléments immuables, d’une part, et, d’autre part, un principe de mobilité qui, étant la négation de la forme, échappera par hypothèse à toute définition et sera l’indéterminé pur. […] C’est dire que le temps réel, envisagé comme un flux ou, en d’autres termes, comme la mobilité même de l’être, échappe ici aux prises de la connaissance scientifique. […] Il semble donc que, parallèlement à cette physique, eût dû se constituer un second genre de connaissance, lequel aurait retenu ce que la physique laissait échapper.
Il est triste et mélancolique, parce qu’il connaît le secret de la destinée qui pèse sur lui, et que, le voulût-il, il ne pourrait pas échapper à l’instinct du meurtre pour lequel il a été créé. […] Feuillet a une certaine tendance à prendre parti pour ses personnages, à intervenir pour louer ceux qu’il aime ou pour médire de ceux qu’il méprise ; dans Dalila, il a échappé à ce penchant dangereux. […] Or, pendant qu’il était ambassadeur d’Angleterre à la cour de Louis XIII, il fut très vivement attaqué par un confesseur de Marie de Médicis, dont le nom échappe en cet instant à ma mémoire. […] Un souffle à la fois doux, soutenu et puissant fait circuler un air vivifiant à travers ces pages d’où sentiments, images, descriptions, sortent et s’échappent de tous côtés comme les jaillissements d’une sève abondante à l’excès. […] On dirait vraiment qu’elle n’a pas confiance en sa valeur, car il lui échappe trop fréquemment des paroles d’où l’on peut induire que le prix dont elle s’estime n’a rien de fort élevé.
Il n’en est pas ainsi quand on emploie de plus grandes flèches sur des animaux qui fuient ; néanmoins la paralysie due à l’action du poison arrive assez vite pour que l’animal s’arrête et n’échappe jamais au chasseur. […] En effet, la vie pour le physiologiste ne saurait être autre chose que la cause première créatrice de l’organisme qui nous échappera toujours, comme toutes les causes premières. […] La cavité abdominale avait été ouverte par une énorme plaie contuse, et l’estomac, largement perforé, laissait échapper les aliments du dernier repas. […] Le système nerveux périphérique, la moelle épinière et le cerveau, qui servent à la manifestation des phénomènes de l’innervation et de l’intelligence, n’échappent pas non plus à cette loi, ainsi que nous allons le voir. […] Les causes premières nous échappent partout, et partout également nous ne pouvons atteindre que les causes immédiates des phénomènes.
Soumise, bien qu’à un moindre degré que les plantes et les animaux, aux circonstances du sol et aux conditions météorologiques de l’atmosphère, par l’activité de l’esprit, par le progrès de l’intelligence qui s’élève peu à peu, aussi bien que par cette merveilleuse flexibilité d’organisation qui se plie à tous les climats, notre espèce échappe plus aisément aux puissances de la nature ; mais elle n’en participe pas moins d’une manière essentielle à la vie qui anime notre globe tout entier. […] On sépare ce qui semble former les extrêmes de la figure et de la couleur, sans s’inquiéter des familles de peuples qui échappent à ces grandes classes et que l’on a nommées, tantôt races scythiques, tantôt races allophyliques. […] Je combats contre la douleur autant que je le puis, mais la lutte est encore au-dessus de mes forces. » Plusieurs critiques ont cru retrouver par avance dans ces lettres, ainsi que dans celles de Pline, l’accent de la sentimentalité moderne ; je n’y vois, pour moi, que l’accent d’une sensibilité profonde, qui, dans tous les temps et chez tous les peuples, s’échappe des cœurs douloureusement émus.
Une science toute humaine, cultivée d’abord par les philosophes, un peu au hasard, mais dont importance ne leur a jamais échappé, c’est la science du langage. […] C’est la région des vérités abstraites, des lois, des formules, accessible seulement à l’esprit pur, le domaine mystérieux de l’impalpable et de l’invisible où règnent les principes de toutes choses comme les Mères du second Faust « qui trônent dans l’infini, éternellement solitaires, la tête ceinte des images de la vie, actives, mais sans vie. » Tous deux créateurs à leur manière : l’un parce qu’il sait manier les couleurs, les mots, les formés pittoresques qui donnent aux idées le vêtement et la vie ; l’autre parce qu’il croit avoir saisi les ressorts cachés qui font mouvoir le monde, les formules fécondes qui traduisent les lois de l’univers et d’où le flot des phénomènes s’échappe comme d’une source indéfectible. […] Sans rechercher ici si nous avons une connaissance quelconque des choses en soi, au moins faut-il accorder qu’elle est très vague, puisque personne ne s’accorde sur ce point, et qu’elle n’est point scientifique, puisqu’elle échappe à toute vérification.
« À cet ordre terrible elle s’arrête, remplie de frayeur, et jette encore sur moi, moi si cruel, un regard suppliant troublé par les flots de larmes qui s’échappaient de ses yeux… Ah ! […] Là nous ne sentions plus, tant nous étions heureux, que le temps nous échappait… » Des tableaux tragiques représentant les dangers dont Rama a sauvé son amante Sita s’offrent ici à leurs yeux, réveillent leurs souvenirs, font couler leurs larmes rendues délicieuses par le contraste avec le bonheur présent. […] Des soldats accourent pour disputer aux enfants un cheval échappé, destiné au sacrifice.
Dans la foule d’écrits que je vous ai fait connoître sur l’histoire de notre Poésie dramatique, je ne sçais comment l’Histoire du Théatre François par M. de Fontenelle, a pu m’échapper. […] “Un écolier à peine échappé à la férule, dit M. […] Ce qui est échappé à M.
L’action est voulue, en tout cas consciente ; le geste échappe, il est automatique. […] L’individualité des choses et des êtres nous échappe toutes les fois qu’il ne nous est pas matériellement utile de l’apercevoir. […] Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe.
Rien ne lui échappait de ce qui était beau18. […] Il avait beau faire : le poète, vainement réprimé, renaissait en lui, s’échappait vers les chimères fantasques ou les visions douloureuses. […] Elle avait un diadème en diamants et un peigne en diamants d’où s’échappait un chignon à la grecque. […] On le voit aussi, las de ces besognes forcées, avide de repos et d’oubli, achevant de vivre et tâchant d’échapper au supplice de penser. […] En un temps où plusieurs généraux ne surent pas toujours échapper aux pièges de la politique, celui-ci avait fait son possible pour s’en affranchir, pour s’en dépêtrer.
En ce risible conflit, rien n’est plus amusant que les peines de Lysistrate à retenir ses jeunes complices qui, bientôt lasses de leur vœu, lui échappent de tous cotés et sous mille prétextes. […] La coutume de décerner des prix, dans les fêtes des Panathénées et des Dionysiales, aux tragédies et aux comédies qui concouraient solennellement en présence des commissaires publics et des spectateurs, avait des inconvénients funestes qui ne lui échappèrent pas. […] Si quelquefois sa satire vengeresse ose citer le crime à son gai tribunal, ce n’est que celui qui échapperait aux lois civiles et sur lequel peut mordre sa malice lorsqu’il prête le flanc au mépris dérisoire par quelque honteuse attitude. […] Supposons que les caractères neufs se fussent plus rarement offerts à lui, leurs formes changées avec le siècle, et leurs bizarreries autrement tournées, n’eussent pas échappé à son pinceau. […] Démée tient le fils qui lui reste dans un esclavage si étroit que ce jeune homme, ne pouvant satisfaire aux passions de son adolescence, échappe à sa tyrannie par la ruse, et par le secours de son frère et de ses valets.
Enfin, le Soleil, infaillible témoin à qui rien n’échappe, révèle le nom du roi des Enfers. […] La signification précise de ces rites échappe aux recherches de la pensée moderne. […] On échappe à la doctrine orale, immémoriale, évanouie avec les hommes qui jadis la représentaient sur la terre ; mais la tradition embaumée, empaillée, palpable, simulant la vie, comment la braver ? […] Les villes brûlaient, les hommes tombaient par gerbes, les peuples fuyaient jusque dans la mer, pour lui échapper. […] Les Juifs qui restèrent se firent chrétiens pour échapper à la flamme, mais la loi des suspects pesait sur les.
Mais ils étaient tous là, mes fidèles auditeurs, si appropriés aux choses dont j’allais les entretenir, si munis pour m’y approprier moi-même par toute la curiosité intelligente qui s’échappait de leurs physionomies ! […] Mais on étendra le cercle de ses admirations ; on en jouira avec plus de vivacité et plus à la française ; rien n’échappera comme lorsqu’on suit d’un pas trop fidèle, la tradition scolaire. […] Ils nous offriront à la lecture une autre espèce d’intérêt qui nous échapperait au théâtre où nous songeons trop à chercher un divertissement, pour faire l’effort de nous instruire. […] Ces vicissitudes individuelles échappent à M. […] Comme le malheureux Géronte n’échappe à l’impudent caquet de Lisette que pour devenir la proie de M.
Quelquefois c’est une romance plaintive qui s’échappe, ou bien quelque élégie inspirée par le sentiment, et qui me rappelle sans trop d’infériorité la belle pièce de Parny sur l’ absence . […] On rendrait mal cet oubli de toutes choses et de soi-même où elle jette un instant celui qui s’y livre, cette rêverie, ce trouble, cet abandon où l’âme, uniquement préoccupée d’une image, d’un sentiment, d’une sensation même, perd un moment le souvenir et la prévoyance, et se berce elle-même du chant qui lui échappe. […] Dans le grand nombre des nécessités politiques qu’impose le temps où nous vivons, il n’y en a guère qui aient échappé à sa pénétration, hors la nécessité d’être juste. […] Mérimée publia son théâtre de Clara Gazul, il n’avait pas encore vu l’Espagne, et je crois qu’il lui est depuis échappé de dire que s’il l’avait vue auparavant, il n’aurait pas imprimé son ouvrage.
Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante : tel narre avec une abondance qui entraîne ; tel autre narre sans suite, va par saillies et par bonds, mais, en passant, trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] Le monde ne pouvait échapper à une telle supériorité, servie par la fortune et par l’infériorité de tous les hommes avec lesquels il avait à se mesurer ; car il faut remarquer que Bonaparte, à l’intérieur, n’avait à se mesurer qu’avec des hommes généralement médiocres, lassés et usés par la Révolution ; l’échafaud, la mort naturelle, les proscriptions avaient fauché la France. […] Ces considérations n’échappent pas toutes à M. […] Chaque progrès de sa fortune ajoutait des apparences à son bonheur et des chagrins à sa vie, et, si elle parvenait à échapper à ses peines cuisantes, c’était par une légèreté de caractère qui la sauvait des préoccupations prolongées.
Montesquiou me dit qu’il a rassemblé beaucoup de notes et de renseignements sur Whistler, qu’un jour il veut écrire une étude sur lui, laissant échapper de l’admiration pour cet homme qui, dit-il, a réglé sa vie, de manière à obtenir de son vivant des victoires, qui sont pour les autres, la plupart du temps, des victoires posthumes. […] Alors, on s’était imaginé d’enduire les ceps de vigne du bord de la route de vert-de-gris, et quand la vigne avait été malade, on avait remarqué que ces ceps avaient échappé à la maladie, et le procédé avait été généralisé pour toute la vigne. […] Il m’apprenait que l’affirmation absolue chez les Japonais, leur paraît une impolitesse, qu’ils éludent autant qu’ils le peuvent le oui et le non, en sorte que si vous demandez à un Japonais votre chemin, ou n’importe quoi, s’il ne vous répond pas, c’est qu’il ne trouve pas un faux-fuyant, pour échapper à l’affirmation. […] Un dîner fin, délicat, où la maîtresse de la maison ne boit que d’une boisson, dont le nom anglais m’échappe, et qui est faite avec du vin de Bordeaux, de jus d’orange, d’ananas, de menthe.
Dans ces conditions, ne peut-on pas invoquer des présomptions en faveur de l’hypothèse d’une force consciente ou volonté libre, qui, soumise à l’action du temps et emmagasinant la durée, échapperait par là même à la loi de conservation de l’énergie ? […] Sous ces apparences trompeuses une psychologie plus attentive nous révèle parfois des effets qui précèdent leurs causes, et des phénomènes d’attraction psychique qui échappent aux lois connues de l’association des idées. — Mais le moment est venu de se demander si le point de vue même où l’associationnisme se place n’implique pas une conception défectueuse du moi, et de la multiplicité des états de conscience. […] Mais le déterministe, sentant bien que cette position lui échappe, se réfugie dans le passé ou dans l’avenir. […] A vrai dire, les états profonds de notre âme, ceux qui se traduisent par des actes libres, expriment et résument l’ensemble de notre histoire passée : si Paul connaît toutes les conditions où Pierre agit, c’est vraisemblablement qu’aucun détail de la vie de Pierre ne lui échappe, et que son imagination reconstruit et revit même cette histoire.
Encore le passé où nous remontons ainsi est-il glissant, toujours sur le point de nous échapper, comme si cette mémoire régressive était contrariée par l’autre mémoire, plus naturelle, dont le mouvement en avant nous porte à agir et à vivre. […] La vérité paraît être intermédiaire entre ces deux hypothèses : il y a, dans ces divers phénomènes, plus que des actions absolument mécaniques, mais moins qu’un appel à la mémoire volontaire ; ils témoignent d’une tendance des impressions verbales auditives à se prolonger en mouvements d’articulation, tendance qui n’échappe sûrement pas au contrôle habituel de notre volonté, qui implique même peut-être un discernement rudimentaire, et qui se traduit, à l’état normal, par une répétition intérieure des traits saillants de la parole entendue. […] Alors les verbes, dont l’essence est d’exprimer des actions imitables, sont précisément les mots qu’un effort corporel nous permettra de ressaisir quand la fonction du langage sera près de nous échapper : au contraire les noms propres, étant, de tous les mots, les plus éloignés de ces actions impersonnelles que notre corps peut esquisser, sont ceux qu’un affaiblissement de la fonction atteindrait d’abord. […] Mais d’autre part la pathologie est là, qui nous avertit que la totalité des souvenirs d’un certain genre peut nous échapper alors que la faculté correspondante de percevoir demeure intacte.
N’ayant pu s’absorber, les conjointes, de tout points semblables à leur orbe générateur, s’enhardirent à s’échapper de la sphère directrice, à voguer, splendide pour son compte, au ciel de la pensée. […] Ce serait comme un visage derrière une vitre : si nous passons rapides il échappe, mais dès que l’attention fixe notre regard sur les ténèbres, la figure bientôt sort de l’ombre et nous parle. […] Le trop plein de ses sentiments il le laisse se répandre sans l’endiguer ; les accords incessants échappés de son moi superficiel au contact des choses, il ne les écoute pas. […] Le monde est de l’esprit précipité et l’essence volatile s’en échappe incessamment à l’état de pensée libre.
La puanteur des morts s’en échappe, des sanies coulent. […] Les jeunes gens bien doués échapperont tôt ou tard à ces déviations. […] Le soulèvement réduit, il parvient à s’échapper et se réfugie en Allemagne. […] Et ce rôle même lui échappe ; le dictionnaire de M. […] La fortune lui échappe parce qu’il ne voulut pas mentir pour sauvegarder des intérêts politiques.
Eh bien, c’est le secret du cœur qui échappe en cela à la plume de l’écrivain ; il ne fait que traduire naïvement dans ses récits romanesques les vœux, les espérances, les illusions de plus d’un grand homme en herbe et de plus d’un millionnaire en fumée.
Pour reconnaître, sans en laisser échapper aucune, toutes les imitations d’André Chénier, il a dû commencer par lire tous les poëtes grecs et la plupart des poëtes latins : savez-vous que le chemin vaut bien le but ?
L’idée était si juste et si opportune qu’elle a aussitôt porté fruit et porté coup ; elle a eu l’honneur, dès le premier jour, de soulever les colères de ceux qui possédaient autrefois et dominaient l’entier domaine de l’intelligence humaine et qui, jusque dans leur décadence, quand presque tout leur échappe, voudraient tout garder.
Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns.
Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher.
Ils ont eu leur comique (qui nous échappe la plupart du temps) : ils n’ont pas eu la « blague ».
On établit ainsi, à des points de vue aussi divers que possible, des groupes sympathiques et l’on aboutit, pourvu qu’on procède avec toute la prudence que réclame la logique, à des constatations dont l’intérêt ne saurait échapper à personne.
. — Dans ce cas, tu es perdu : tu deviendras l’amuseur du Prêtre et du Mage, du Roi et de la Reine, du Capitaine des Gardes et du Trésorier, du Grand Juge et du Propriétaire… c’est-à-dire la chose du Menteur et du Niais, du Soudard et du Voleur, du Prévaricateur et du Satisfait « Si par ta propre Volonté — car tu possèdes la volonté — tu échappes à la cave et à l’Éducation, tu te réfugieras dans le monde des poètes.
Une observation qui a échappé aux Critiques, c’est que, dans tous les siecles littéraires, la marche de l’esprit humain a toujours été la même dans tous les genres.
Quiconque lira l’Évangile avec un peu d’attention y découvrira à tous moments des choses admirables, et qui échappent d’abord à cause de leur extrême simplicité.
On dit qu’un vainqueur féroce ayant fait égorger les bardes ennemis, un seul échappé au glaive monta sur une haute montagne, chanta la défaite de ses malheureux compatriotes, chargea d’imprécations leur barbare vainqueur, lui prédit les malheurs qui l’attendaient, le dévoua lui et les siens à l’oubli, et se précipita du rocher.
Suite des Réflexions sur la poésie, et sur l’ode en particulier La pièce qui a mérité le prix, et les fragments que le public vient d’entendre de plusieurs autres, ont échappé avec honneur au naufrage d’environ soixante autres odes que l’académie a vu périr avec regret, sans pouvoir en sauver les débris.
Il n’échappa au lieu commun de la mort du temps qu’en s’engageant dans la marine, et l’ironie qui gouverne le monde fit du professeur de beau langage, du doux Ionien de la rhétorique que nous avons connu, un matelot à bord du Brûle-Gueule… Je n’oserai jamais dire un rude matelot !
La Ligue même, qui n’eut de bon que ce fanatisme religieux méconnu si profondément par Forneron, la Ligue, qui, pour nous, fut à l’origine, l’explosion de la conscience révoltée d’un peuple, n’a pas échappé à cette loi des Démocraties.
Cette constitution du pays a entièrement échappé à l’auteur de l’Individu et l’État.
Eh bien, exceptez du roman deux ou trois places où Des Esseintes se contente d’être tout à fait abominable, — par exemple quand il paye trois mois de lupanar à un tout jeune homme pour se donner plus tard le divertissement d’en faire un assassin, — le reste du temps, les moyens qu’il emploie pour échapper aux vulgarités de la vie font pitié.
Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières.
Des Romains, dans ce panégyrique, ont l’air d’esclaves à peine échappés de leurs fers, qui s’étonnent eux-mêmes de leur liberté, qui tiennent compte à leur maître de ce qu’il veut bien ne les pas écraser, et daigne les compter au rang des hommes ; mais c’est bien plus la faute du temps que de l’orateur.
Des familles composées de serviteurs, antérieures à l’existence des cités, et sans lesquelles cette existence était impossible Au bout d’un laps de temps considérable, plusieurs des géants impies qui étaient restés dans la communauté des femmes et des biens, et dans les querelles qu’elle produisait, les hommes simples et débonnaires, dans le langage de Grotius, les abandonnés de Dieu dans celui de Pufendorf, furent contraints, pour échapper aux violents de Hobbes, de se réfugier aux autels des forts.
Les vers trop aisément s’échappaient de sa veine.
Cousin, à qui cette élite de jeunes esprits était également dévouée, impatient peut-être de ce partage et pour couper court à ce qui lui semblait un engouement, leur avait dit un jour que l’auteur d’Oberman, avec sa mélancolie stérile, ne pouvait être qu’un « mauvais cœur. » Ce mot d’un maître, et qui lui était échappé un peu à l’aventure, étonna et troubla profondément les adeptes, mais sans toutefois les désenchanter. […] Sa déclaration était faite, l’aveu lui était échappé : il avait proféré, sans le vouloir, la parole sacrée sur laquelle il ne revint pas. […] On raconte que, le lendemain de son arrivée à Paris, déjeunant en tête-à-tête avec son père, qui le regardait fixement et en silence, tout à coup le naïf savant s’échappa à dire : « C’est drôle, Jean-Jacques, j’aurais cru que ça m’aurait fait plus de plaisir de te revoir. » Un verre d’eau fraîche, jeté brusquement au visage, ne ferait pas, convenons-en, un autre effet. […] Il ne tarda pas à nous échapper. […] Je ne viens point faire une réclamation tardive contre une publication dont le but était évidemment de montrer sous un jour nouveau le grand homme que l’Allemagne et l’Europe révèrent en faisant surprendre, pour ainsi dire, à travers l’abandon d’une lettre particulière la bonhomie et le charme de son intimité ; je me contenterai de remarquer que de pareilles publications ont toujours leurs inconvénients : mille mots échappent dans la rapidité d’une correspondance privée qui n’expriment pas fidèlement la pensée de celui qui écrit, mais seulement la disposition plus ou moins fugitive dans laquelle il se trouve en écrivant.
Pourtant ces fonds de causerie spirituelle, de connaissance du monde et d’expérience en apparence consommée, eussent pu sembler en train d’échapper par un bout à l’uniforme prétention du rôle extérieur, si, plus au fond encore, et sur un troisième plan, pour ainsi dire, ne s’était levée, d’accord avec l’apparence première, la conviction inexpugnable, comme une muraille formée par la nature sur le rocher (arx animi). […] Il observe et il médite ; sa pensée franchit les espaces, et va se choisir, par-delà les mers, une patrie. « A la première connaissance de cette querelle (anglo-américaine), mon cœur, dit-il, fut enrôlé, et je ne songeai plus qu’à joindre mes drapeaux. » Il n’a pas vingt ans, il s’échappe sur un vaisseau qu’il frète, à travers toutes sortes d’aventures. […] jusqu’alors vainement attendu, s’échappa. […] Il a beau faire, il a beau en justifier la mesure et les bases, analyser et qualifier à merveille les divers partis qui s’y opposent et les hommes qui figurent pour et contre, toujours l’un des deux éléments essentiels à son ordre de choses lui échappe : toujours, d’un côté, la cour conspire et ne veut pas se rallier ; toujours d’un autre côté, la foule et les factions ne peuvent pas avoir confiance et ne veulent pas s’arrêter. […] La Fayette, en 1799, écrivait à merveille sur les périls du dehors qu’on exagérait : « Dans tout ce qui regarde l’opposition aux étrangers, il y a toujours un moment où notre nation semble rebondir et dérange toutes les espérances de la politique. » Il avait pu oublier en 1830, au lendemain des trois jours, cette maxime inverse et qui n’est pas moins vraie, que, dans tout ce qui concerne la pratique intérieure et l’organisation sérieuse des garanties, il y a toujours un moment où notre nation, si près qu’elle en soit, échappe et déconcerte toutes les espérances du patriotisme.
La flatterie même échappe à la bassesse par la mythologie du compliment. […] On publie dans le moment en Allemagne une nouvelle édition des œuvres de Sébastien Bach : sur quinze cents souscriptions, il y en a dix en France. » Le soir, en dînant, on cause des donations au clergé, de la main à la main, et qui échappent à la loi. […] laisse échapper Sainte-Beuve, en se penchant vers moi : il faut avoir fait le tour de tout et ne croire à rien. […] Louis XV, un homme d’esprit, mais un néant, un néant… Les grandes choses de ce temps-ci saisissent moins, elles échappent… On ne voit pas l’isthme de Suez, on ne voit pas le percement des Alpes… Un chemin de fer, on n’aperçoit qu’une locomotive qui passe, un peu de fumée… et ce chemin de cent lieues ? […] Tout votre côté plastique lui échappe.
Il nous dit encore que son grand malheur, et le malheur de tous les maîtres actuels, c’est de ne pas avoir vécu dans un temps héroïque de peinture, en un temps, où on savait peindre le grand morceau, et il s’échappe de lui le regret de n’avoir pas eu la tradition, de n’être pas un aide, un rapin sorti de l’atelier d’un Van der Meulen. […] Je ne sais quoi de tragique, de funèbre et de touchant s’échappe de la désolation passionnée de ce vieillard, qui semble ne plus vouloir avoir la force de vivre, et que le délaissement frappe au cœur comme avec une épée. […] Je ne sais quoi de blessant pour les gens bonnement constitués, s’échappe de cette sèche et méchante ironie, travaillée pour étonner et dominer la femme et les faibles. […] Il lui est échappé de dire à Aubert « qu’il ne connaissait pas dans le monde un homme dans une position plus terrible que la sienne » ! […] Le lever du rideau, les trois coups ; ces choses solennelles que nous attendions avec un battement de cœur, nous ont totalement échappé.
Étant nus, ils échappent aux caducités de la mode ; et, comme ils sont faits d’une matière incorruptible, leur nudité ne se fane pas. […] Je ne suis pas heureux non plus, depuis le jour où il m’est échappé de dire, avec un luxe d’arguments bien inutile, que M. […] Le premier est le forçat Pugnol, qui vient de s’échapper du bagne de Toulon ; l’autre, un batelier du port, le petit père Mathieu. […] Mais ils n’en tiendront pas moins l’humble humanité dans leur main, et la ressaisiront au premier mouvement qu’elle fera pour leur échapper. […] Vous concevez après cela que les mystères de la poésie parnassienne lui échappent. « Mon Dieu !
Si vous aviez la tête faible, vous vous tueriez pour échapper au supplice de cette incertitude morale. […] Son mari laisse échapper un « hélas ! […] — et cet imbécile de « campagnard » qui laisse échapper le dix cors pour courre un jeune cerf et qui l’abat d’un coup de pistolet d’arçon. « A-t-on jamais parlé de pistolets, bon Dieu ! […] Tout cela n’a point échappé aux contemporains. […] Il ne vous a pas échappé que les trois premiers actes sont une espèce d’exposition, — un peu longue.
Mme Claës, au lit de mort, laisse échapper des allusions physiologiques et des axiomes métaphysiques dont heureusement elle était incapable. […] Mais c’est un sens ; vous ne devez pas le nier parce qu’il vous échappe. […] La vraie noblesse lui manque ; les choses délicates lui échappent ; ses mains d’anatomiste souillent les créatures pudiques ; il enlaidit la laideur. […] C’est dire que presque toujours il échappe à Balzac. […] C’est pourquoi par la suppression radicale de cette attache nous pouvons rompre la barrière de la destinée universelle, échapper à la renaissance, atteindre la délivrance finale.
Le jeune Néron, relégué dans l’île de Ponce, y périt de faim, ou se donna la mort pour échapper aux tortures étalées devant lui. […] M’échappe-t-il aucun mot dont je doive rougir ? […] Alors lui échappent quelques expressions amères, bien différentes de la parure poétique habituelle à ses sonnets. […] Quelques amis s’avancèrent pour recevoir la jeune dame, qui laissa échapper quelques cruelles paroles sur son étonnement que Pope vécut encore. […] Uniquement occupé de vers et de style, il tenait note d’un mot, d’une expression : il mettait en réserve le moindre trait heureux qui lui échappait, il ne perdait rien de son temps ni de son esprit.
Toute une part de leurs réalisations nous échappe : la musique, la danse. […] Mais, la chose accordée, il convient aussi d’affirmer que le drame a son verbe propre qui n’est ni celui du poème, ni celui du roman ; s’il n’échappe à l’écrit, il est sans vie et sans vertu. […] Or, à travers ce fin réseau, le personnage divisé s’échappe, l’être de chair s’efface et se dissout. […] La comédie n’échappe pas à la loi commune ; elle accuse et grossit les traits ; elle fait entrer dans un rythme le langage quotidien et le comportement naturel de l’individu. […] L’une et l’autre oublient que la vérité au théâtre s’inscrit dans une convention à laquelle n’échappe, en fait, que l’âme du comédien possédé par son personnage.
C’est une raison pour qu’il vous échappe assurément bien des choses. […] De son outil s’échappe une poussière blonde qui s’envole dans un rayon de soleil. […] Il y a des délicatesses qui lui échappent, quelque laborieux et consciencieux effort qu’il fasse pour les saisir ; et elles lui échappent, comme à Flaubert, faute de cette sympathie que nous définissions tout à l’heure : parce qu’ils ne les comprennent pas. […] Sans doute, nous pouvons quelquefois échapper à l’engrenage de nos actes, mais il est plus fréquent que nous y soyons entraînés. […] Il peut y avoir des sentiments si déliés, si profonds, si mystérieusement dissimulés dans les replis de l’inconscience qu’ils échappent aux prises du langage ordinaire.
Le premier, d’exprimer son dégoût de la réalité vulgaire ; le second, d’y échapper en se créant au-dessus d’elle un monde fictif où elle se modifie et se transfigure. […] Dans l’âpre et malveillante révision que certains critiques, ont entreprise, en ces dernières années, du romantisme, Gérard a échappé au dénigrement systématique qu’eurent à subir ses contemporains. […] De dessous son chapeau s’échappaient en arrière des mèches flottantes de cheveux blancs. […] Quelques-uns même de nos plus grands écrivains n’échappent pas à ce reproche d’obscurité. […] On raconte qu’il y logeait sous le nom de M. de Breugnol, pour échapper à ses créanciers.
Il domine la nature, qui n’est ni la force immense qui échappe à nos prises et reste indifférente à nos malheurs, ni l’être universel dans lequel l’individu veut se dissoudre. […] Mais ils ne sont pas allés jusqu’à la sensibilité pure, comme on dirait aujourd’hui ; encore moins jusqu’aux sensations primitives qui échappent à la conscience claire. […] … Est-ce à cette intensité, trop forte pour un cœur humain, que de tels poètes durent d’échapper si tôt à la vie ? […] Le meilleur représentant du genre, qui est sans doute Pierre Dupont, n’échappe pas à ce reproche général. […] Des mouvements de fibres, des changements de figures, mais si déliés qu’ils nous échappent.
» échappe aux lèvres du père, qui, brisé par ce coup, s’affaisse et ne tarde point à expirer doucement. […] Il le fallait pour que Titus échappât à l’odieux. […] Cela échappait au grand Arnauld. […] Et vous serait il échappé que Créon est un jacobin, au même titre que Robespierre et Louis XIV ? […] Cependant Livie a pu échapper aux gardes et se jeter dans la mer du haut de la terrasse.
Il résolut de s’échapper, sollicita et obtint une mission en Égypte. […] L’horizon est fermé d’un côté par les forêts du Liban ; de l’autre, il s’échappe en des étendues de mer bleue et frissonnante. […] Ludo Garel, domestique du comte de Quinquiz, vit de ses yeux, lorsque trépassa son maître, l’âme s’échapper des lèvres du moribond sous la forme d’une souris blanche. […] Les sorciers, les mages, les « occultistes », tous les « sârs » de ce temps-là, s’efforçaient, comme chez nous, d’échapper au ridicule à force de piquer la curiosité. […] Ce qui m’est encore possible me trouve dégoûté, et tout ce que j’aurais désiré m’échappe et m’échappera toujours.
Le jour et le mois m’échappent en ce moment ; mais, enfin, c’est la troisième année de la 77e olympiade, c’est-à-dire 470 ans avant notre ère, que naquit Socrate. […] Reste à connaître l’ordre de ces pièces ; sans quoi le jeu de la machine échappe. […] À une seule : c’est d’échapper vous-mêmes à toute préoccupation exclusive, c’est d’embrasser tous les éléments de la pensée, et de reconstruire ainsi en vous l’humanité tout entière. […] La jeune Amérique n’a pas échappé non plus à ses regards ; il a fouillé ses parties les plus barbares pour y découvrir des vestiges philosophiques. […] Je demande si, quand de toutes parts tout est mixte, complexe, mélangé, quand tous les contraires vivent et vivent très bien ensemble, il est possible à la philosophie d’échapper à l’