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786. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Il en juge comme les contemporains et c’est signe qu’il ne se trompe guère. […] Et qu’on ne s’y trompe pas : la familiarité gracieuse, l’élégante précision, la rusticité noble, toute la manière enfin de ce récit est plus près qu’on ne croit de la beauté antique. […] Je serais bien trompé si ce plumeau ne se retrouvait point ailleurs et n’attestait la profonde antiquité du conte. […] Cette fois, il n’y a pas à s’y tromper ; nous tenons la névrose et nous pouvons, comme Pinel, admirer une belle maladie. […] En un certain sens, l’homme au carrick ne se trompait pas.

787. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il croit que cela peut former un accès plus agréable et plus convaincant à ce monument ; mais à mon avis il se trompe parce qu’on n’a pas, dans cette première partie, assez fortement l’impression d’être en contact avec une expérience irréfutable, invincible, avec celle qui a imposé la théorie. […] Et cela dans le moment même où, si on venait lui annoncer qu’il doit renoncer à ses espoirs ou qu’il est trompé, il se découvrirait peut-être tout près du crime. […] Il nous avertit de la force qui est à l’œuvre en nous pour nous tromper sur nous-mêmes ; il nous enseigne ses ruses et les moyens de les déjouer. […] » tous ses souvenirs du temps où Odette était éprise de lui, et qu’il avait réussi jusqu’à ce jour à maintenir invisibles dans les profondeurs de son être, trompés par ce brusque rayon du temps d’amour qu’ils crurent revenu, s’étaient réveillés, et à tire d’aile, étaient remontés lui chanter éperdument, sans pitié pour son infortune présente, les refrains oubliés du bonheur. […] Il se tourne donc vers le dedans, vers ce royaume des sensations et des sentiments qui du moins peuvent être appréhendés directement et semblent ne pouvoir jamais tromper sur leur essence.

788. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

On se trompe presque toujours en entendant finesse à tout. […] Attila eut beaucoup d’éclat ; mais il n’a point de gloire, parce que l’histoire, qui peut-être se trompe, ne lui donne point de vertus. […] On se trompe moins dans les significations de ce terme au physique. […] Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper. […] L’apparence les trompa comme elle trompe toûjours les hommes ; elle leur fit croire que des temples dédiés à des saints qui avoient été hommes autrefois, des images de ces saints révérées à genoux, des miracles opérés dans ces temples, étoient des preuves invincibles de l’idolâtrie la plus complette ; cependant il n’en est rien.

789. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Dans un fort agréable Précis historique de lui sur la vie de M. de Bonnard 173, on lit : « C’était le moment où presque tous les jeunes talents, et même ceux qui n’étaient plus jeunes, voulaient mériter la gloire par des bagatelles, par des caprices, par des fantaisies, et semblaient croire que, pour se faire un nom immortel, il n’y avait rien de tel que des poésies fugitives : les poëtes n’étaient plus que des petits-maîtres qui parlaient, en vers gais, des femmes qu’ils avaient désolées, des congés qu’ils avaient donnés, et quelquefois même, pour étonner par le merveilleux, de ceux qu’ils avaient reçus ; des maris qu’on trompait pour les rendre heureux, et qu’on priait en grâce d’être un peu plus jaloux que de coutume… » Au nombre des ouvrages qui contribuèrent à ramener la poésie à la nature, Garat met en première ligne les poëmes de Saint-Lambert, de Delille et de Roucher sur la campagne, et les élégies amoureuses des chevaliers de Bertin et de Parny. […] Bonaparte n’eut garde de s’y tromper : il étendit la main à la littérature comme aux autres vices de la société, et ne tarda pas à y ramener la décence, la régularité, et par malheur aussi le mot d’ordre qu’il imposait en toute chose. […] Je noterai aussi le joli tableau intitulé le Réveil d’une mère ; on s’est étonné que ces jouissances pures d’une épouse vertueuse, ces chastes sourires d’un intérieur de famille aient trouvé, cette fois, dans Parny un témoin qui sût aussi bien les traduire et les exprimer ; mais c’est que les torts de Parny, s’il n’en avait eu que contre la pudeur et s’il ne s’était attaqué directement aux endroits les plus sacrés de la conscience humaine, ne seraient guère que ceux de l’époque qu’il avait traversée dès sa jeunesse. « Il ne faudrait pas trop nous juger sur certaines de nos œuvres, me disait un jour un vieillard survivant, avec un accent que j’entends encore : Monsieur, nous avons été trompés par les mœurs de notre temps.

790. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Quant à Mathieu de Montmorency, il trompait l’amour par la dévotion. […] Ce caractère est évidemment celui de sa vie entière ; elle appelait tout, elle trompait tout, excepté l’amitié. […] Après quatre années d’absence j’espérais enfin vous revoir, et votre exil semblait vous fournir un prétexte pour venir en Suisse : vous avez cruellement trompé mon attente.

791. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

— Je me trompe, un seul homme l’a su dans Falstaff. — Mais cet homme était Shakespeare. […] Ce qui lui fait croire qu’il se trompe et qu’il doit réparation à ce brave philanthrope enrichi, c’est l’arrestation inopinée d’un autre forçat, vieux gibier abruti de cour d’assises, un nommé Champmathieu, qui a volé des pommes dans le pays. […] Les mots ont leur odeur ; or voici comment Victor Hugo, trompé lui-même par son enthousiasme pour le neuf, s’égare jusqu’à prendre l’ignoble pour le sublime.

792. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Peut-être s’étaient-ils évadés de quelque corps de garde entrebâillé ; peut-être aux environs, à la barrière d’Enfer, ou sur l’esplanade de l’Observatoire, ou dans le carrefour voisin dominé par le fronton où on lit : Invenerunt parvulum pannis involutum , y avait-il quelque baraque de saltimbanques dont ils s’étaient enfuis ; peut-être avaient-ils, la veille au soir, trompé l’œil des inspecteurs du jardin à l’heure de la clôture, et avaient-ils passé la nuit dans quelqu’une de ces guérites où on lit les journaux. […] Ainsi de certains génies eux-mêmes, de certains Très-Hauts humains, des hommes-astres, pourraient se tromper ? […] Ne trompez pas l’homme, vous le rendriez fou ; et quand, de la folie sacrée de votre idéal, vous le laisseriez retomber sur l’aridité et la nudité de ses misères, vous le rendriez fou furieux.

793. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il faut consulter cette liste, qui ne trompe point. […] De tels changements sont coupables dans un historien qui apprécie les faits et juge les personnes, s’il est vrai que, pour complaire à la vanité de ses contemporains, il ait trompé la postérité et menti par intérêt. […] Ce n’est plus le chroniqueur complaisant qui fait payer innocemment à la vérité historique les frais de l’hospitalité des princes qui l’hébergent, ni l’Indiciaire officiel, qui fait du récit un panégyrique c’est un grave personnage qui juge les choses et les hommes, non sans se tromper, mais sans s’amuser de sa matière, comme Froissart, et sans la travestir, comme Christine de Pisan et les chroniqueurs bourguignons.

794. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Les messieurs de Goncourt se sont trompés de porte, ils ont pris la rue Richelieu pour la rue Montpensier ; c’est à recommencer ! […] Enfin, en faisant tromper ce bon, cet excellent, cet hospitalier M. Maréchal par le jeune Paul de Bréville, j’aurais introduit sur les planches un adultère plus immérité, plus indigne, plus infâme, plus laid que les adultères jusqu’ici mis en scène par mes confrères en adultère au théâtre… comme si nous ne voyions pas journellement les trois quarts des messieurs Maréchal se montrer de vrais saints Vincent de Paul à l’endroit de l’homme qui les trompe.

795. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La sensible Malvina s’empresse d’imiter les hommes politiques ; elle oublie son serment et aime sir Edmond, beau, brave, mélancolique, etc… mais fort libertin ; il trompe sans scrupules plusieurs Malvinas simultanément […] Un farceur ne s’y trompa, il annonça qu’Atala ressuscitée, ramenée à Paris et examinée par des médecins, logeait dans un pavillon au fond du jardin du citoyen Chateaubriand. […] Mais Chactas surgit et soudain la Française se réveille : elle se sent en présence d’un enjôleur ; elle répond à ses propositions de promenades sentimentales dans les bois : « Mon jeune ami, vous avez appris le langage des blancs, et il est bien aisé de tromper une jeune Indienne. » On devine dans cette réponse, sous le badigeon anglais et indien, la délurée grisette parisienne, qui sait que la chair est faible et le doux parler fort à l’ombre des bois de Romainville.

796. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Je me trompe : ils l’apprendront en contemplant un portrait fait par un très grand peintre. […] Ils se trompent ; ils sont à un véritable littérateur ce qu’un maître d’escrime est à un vaillant capitaine. […] Ils se sont trompés ; j’en jure par l’éternel progrès, l’âge d’or est devant nous !

797. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Brunetière, qui du reste se trompait, accusait les romantiques de ne chanter que les sentiments strictement personnels à chacun d’eux. […] Il se trompe une fois de plus. […] D’autres ont été composés pour de magnifiques albums, par exemple, si je ne me trompe, la série des Dentelles (le Miracle du fil) et celle des Péchés capitaux. […] D’Alembert est, si je ne me trompe, le premier qui ait dit que le temps pourrait être considéré comme une quatrième dimension de l’espace. […] Non seulement on vit, mais on voudrait vivre, par curiosité… Sur le fameux réaliser, Gide se trompe.

798. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Je me suis trompé. […] Montaigne s’est trompé sur la valeur respective des écrivains de son temps. […] Ces orgueilleux nous trompent, ou se trompent ; je n’ai jamais admis qu’une analyse fidèle puisse découvrir au fond de leur cœur l’insouciance du jugement des hommes, et je ne me lasse pas, dans ce livre, de leur crier cette vérité. […] On ne se trompe guère sur la médiocrité ; le moindre commerce avec les manuscrits de la jeunesse studieuse la fait reconnaître au premier coup d’œil. […] Le critique reste souverainement libre de se tromper : qu’il se le dise, et qu’il use de sa liberté avec tremblement !

799. (1923) Nouvelles études et autres figures

Dante ne se trompe donc pas absolument sur Mahomet, et il se trompe encore bien moins en lui associant son gendre et cousin Ali qui fut, lui, un engendreur de schisme. […] Qui pensait-il tromper parmi ceux dont c’est le métier de lire et d’étudier ce qu’ils lisent ? […] Mais Moreri n’entend rien aux accords des sons, et il se trompe. […] Le matérialisme, l’athéisme, même le déisme, gardaient leurs positions ; mais ils se donnaient pour ce qu’ils étaient et ne trompaient personne. […] Ils gémirent d’avoir été trompés.

800. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

me suis-je trompé, non seulement sur le fait, tout horrible, tout incroyable qu’il est, mais sur le jour ? […] XIII « Si l’on pense que ma volonté soit changée, ma vertu affaiblie, mon courage épuisé, on se trompe. […] Je suis un grand faiseur aussi de conjectures ; je ne prétends pas ne jamais me tromper, ne jamais me laisser égarer par mes préjugés (car je ne me donne pas pour un sage), et je dirige, pour m’égarer le moins possible dans mes suppositions, mes pensées non du côté de la petite Ourse, ce guide nocturne des Phéniciens au milieu des flots, comme dit Aratus, constellation qui dirige d’autant mieux, selon lui, que dans sa course restreinte elle décrit un orbe plus borné, mais vers la grande Ourse et l’éclatante région du nord, c’est-à-dire vers l’espace plus étendu et où l’esprit est plus au large dans la région des choses probables, ce qui fait que j’erre souvent à l’aventure de mon esprit », etc. […] Nous allons suivre sa plume jusqu’à la dernière ligne de cette grande vie ; elle ne fut qu’un grand travail pour l’immortalité. — Il ne se trompa pas.

801. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Aussi voyez combien d’hommes soi-disant supérieurs, mais en réalité très médiocres, de 1789 à 1863, ont occupé l’attention trompée de leur siècle, et disparu tout entiers sous la poussière de la vogue qui les avait soulevés, — depuis M.  […] Vous vous trompez ; mais c’est ma faute. […] Je ne sais si je me trompe. […] Mais le poète voit de loin ; et en 1830, si M. de Lamartine s’est trompé dans ses prévisions immédiates, ce n’était qu’affaire de temps et de distance ; il anticipait 1848 et 1851 ; il voyait deux ou trois horizons à la fois.

802. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Dans cette situation, le sentiment de la paternité se développa chez Goriot jusqu’à la déraison ; il reporta ses affections trompées par la mort sur ses deux filles, qui, d’abord, satisfirent pleinement tous ses sentiments. […] Trompé par le silence de mes parents, je les attendais en m’exaltant le cœur, je les annonçais à mes camarades ; et quand, à l’arrivée des familles, le pas du vieux portier qui appelait les écoliers retentissait dans les cours, j’éprouvais alors des palpitations maladives. […] Elle demeurait là, mon cœur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d’une lande était son habitation. […] Le public se sentit trompé et m’abandonna.

803. (1879) À propos de « l’Assommoir »

En 1873, le théâtre de la Renaissance monta Thérèse Raquin ce fut un scandale ; ce drame eut, si je ne me trompe, sept représentations ; critiques et reporters tapèrent à l’envi sur l’œuvre nouvelle. […] On se sera trompé. […] Gervaise va la faire reporter et dire qu’on s’est trompé. […] … Si je me trompais !

804. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Si de plus on parle de fait dominateur auquel tous les autres ne feront que se relier, il devient de la plus haute importance de ne se point tromper dans la perspective, de voir d’un peu loin, d’un peu haut surtout. […] Je voudrais avoir des ailes, une une carapace, écorce, souffler de la fumée, porter une trompe, tordre mon corps, me diviser partout, être en tout, m’émaner avec les odeurs, me développer comme les plantes, couler comme l’eau, vibrer comme le son, briller comme la lumière, me blottir sous toutes les formes, pénétrer chaque atome, descendre jusqu’au fond de la nature, — être la matière !  […] Seulement il est des poètes qui aiment à montrer l’illusion nouvelle surgissant tout aussitôt, — car, si nos rêves comme les choses nous trompent et passent, le sentiment, qui avait produit notre attente, demeure ; — mais à notre époque, tout assombrie, tout oppressée de pessimisme, on aime à méditer sur le rêve qui s’est trouvé vide de sens. […] Autre exemple d’attente trompée et d’une mauvaise coordination des idées et images : « Jamais rien que d’ailé n’avait posé le pied là.

805. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Toutes les difficultés, toutes les règles et tous les moyens de classification qui précèdent, s’expliquent, je crois, à moins que je ne me trompe étrangement, en admettant que le système naturel a pour fondement le principe de descendance modifiée ; et que les caractères considérés par les naturalistes comme prouvant des affinités réelles entre deux espèces ou plusieurs, sont ceux qu’elles ont hérités d’un commun parent. […] Parmi les insectes on trouve d’innombrables exemples de pareils faits ; ainsi Linné, trompé par des apparences extérieures, avait classé un insecte Homoptère avec un Papillon. […] Que peut-il y avoir de plus différent en apparence que la longue trompe roulée en spirale du Papillon-Sphinx, celle des Abeilles ou des Hémiptères si singulièrement reployée, et les grandes mâchoires d’un Coléoptère ? […] J’en référerai encore ici aux Cirripèdes dont les larves, à leur première phase de développement, ont trois paires de pattes, un seul œil très simple et une bouche en forme de trompe avec laquelle elles mangent beaucoup, car elles s’accroissent considérablement en taille sous cette forme.

806. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Zéphyre est son doux nom ; sa légère origine, Pure comme l’éther, trompa l’œil de Lucine,         Et n’eut pour témoins que les airs : D’un souffle du Printemps, d’un soupir de l’Aurore, Dans son liquide azur le Ciel le vit éclore         Comme un alcyon sur les mers.

807. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Le docteur Joulin ne veut pas de cette parole jetée en avant tout d’abord : « sans lui adresser un dernier adieu. » Mais si l’on est plein de son objet, si tous les assistants n’ont qu’une seule et unique pensée, personne ne se trompe quand on dit lui de prime abord ; on en aie droit, on en a le besoin.

808. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety, si je ne me trompe, en avait publié un moindre, où le côté de l’amour et l’inspiration gracieuse dominaient.

809. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Plusieurs traits de la vie des anciens philosophes, d’Archimède, de Socrate, de Platon, ont dû même faire croire que l’étude était une passion ; mais si l’on peut s’y tromper par la vivacité de ses plaisirs, la nature de ses peines ne permet pas de s’y méprendre.

810. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Il la regarde et l’interprète selon le besoin de son cœur ; il y réalise son rêve d’ordre, d’harmonie, de bonté universelle, que la société avait trompé.

811. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ces tristesses sublimes du poète, succédant à de longs silences, ont un accent de sincérité qui ne trompe pas.

812. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Vouloir tromper le Ciel, c’est folie à la Terre.

813. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Gustave Kahn ne s’est pas trompé en écrivant que Fécondité plairait beaucoup à la jeunesse naturiste.

814. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Suis-moi, je te conduirai où une ombre vaine ne trompera point tes embrassements, où tu trouveras celui dont tu es l’image ; à toi il sera pour toujours, tu lui donneras une multitude d’enfants semblables à toi-même, et tu seras appelée la Mère du genre humain. » Que pouvais-je faire après ces paroles ?

815. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

J’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que les impressions de mon âme se succédant très-rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouvant pas le même d’un instant à l’autre, sa tâche devienne beaucoup plus difficile qu’il ne la croyait.

816. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens Quant à ces défauts que nous croïons voir dans les poemes des anciens, et que déja nous comptons par nos doigts, il peut bien être vrai que souvent nous nous trompions en plus d’une maniere.

817. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Mme Marie-Alexandre Dumas s’appelle, si je ne me trompe, Mme Peytel, mais elle a mieux aimé signer son livre de son nom de Dumas, et non pas de son nom de Dumas tout simplement, mais de son nom de Marie-Alexandre Dumas, pour qu’on n’en ignore, comme disent les huissiers.

818. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Il souscrit au mot ivre de Valady : « Barbaroux, cet étourdi sublime, qui dans dix ans sera un grand homme. » Sa mort l’empêcha de tromper cette espérance : les dix ans ne seraient jamais venus !

819. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

le fanatisme religieux, le charbon fumant d’une flamme d’amour, inextinguible encore, pour une religion enfoncée par le marteau de quinze siècles dans le cœur, les mœurs et les institutions politiques des peuples, et même de ceux-là qui s’étaient révoltés contre elle… Il ne faut pas s’y tromper !

820. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

III Pour nous, en effet, encore plus que pour lui, toute cette grosse philosophie politique dans laquelle il sonne comme dans une trompe, avec des efforts à se démonter le cerveau, n’est rien de plus qu’une petite question d’histoire, et d’histoire de France.

821. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

IV Et cela serait réellement insupportable s’il n’y avait pas, au fond de cet ennui et de tous ces impuissants efforts pour le tromper, un peu de douleur qui fait plus pour relever le livre que le talent même.

822. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

ils cherchent le bonheur, et ils n’aperçoivent point la loi universelle qui, en les éclairant, les rendrait tout à la fois bons et heureux : mais tous s’écartant du beau et du juste, se précipitent chacun vers l’objet qui l’attire ; ils courent à la renommée, à de vils trésors, à des plaisirs qui, en les séduisant, les trompent.

823. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Soupçonné d’avoir empoisonné son frère, il osa mêler des larmes à son éloge ; mais il révolta les Romains au lieu de les tromper.

824. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans ces temps de crise, où les gouvernements changent, et où les peuples agités passent de la liberté républicaine à une autre constitution, l’homme d’état a besoin de l’homme d’esprit ; Horace, par le genre du sien, était un instrument utile à Octave ; ses chansons voluptueuses adoucissaient des esprits rendus féroces par les guerres de liberté ; ses satires détournaient sur les ridicules, des regards qui auparavant se portaient sur le gouvernement et sur l’État ; sa philosophie, tenant à un esprit moins ardent que sage, prenant le milieu de tout, évitant l’excès de tout, calmait l’impétuosité des caractères et plaçait la sagesse à côté du repos ; enfin ses éloges éternels d’Octave accoutumaient au respect et faisaient illusion sur les crimes ; la génération, qui ne les avait pas vus, était trompée ; celle qui s’en souvenait, doutait presque si elle les avait vus.

825. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

On compare l’empire qu’il a sur la terre avec l’empire éternel que Dieu a sur le monde ; on le peint comme ayant un commerce immédiat avec la divinité, et on l’invite à faire part aux fidèles (quand il en aura le temps) de cette foule infinie d’apparitions, de visions, de songes célestes où Jésus-Christ s’est manifesté à ses regards, et de beaucoup d’autres mystères inconnus à tout le monde, excepté à lui, et qui restent déposés dans sa mémoire impériale comme dans un trésor ; enfin, on le loue, on le trompe, on l’instruit ; et le zèle adroit, mêlant le style de la chaire et celui de la cour, lui prodigue à la fois les flatteries et les leçons.

826. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

C’est cette tradition vulgaire sur la sagesse des anciens qui a trompé Platon, et lui a fait regretter les temps où les philosophes régnaient, où les rois étaient philosophes .

827. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Et, ne vous y trompez pas, — nous prenons la mesure de l’homme, — ce ne fut pas seulement son temps qui empêcha Diderot d’être un grand romancier, ce fut aussi sa propre nature, ce fut le manque de génie, — le manque du génie qu’il eût fallu pour être un romancier. […] Mais il se trompa. […] Seulement, ne nous y trompons pas ! […] Il est ridicule, parce qu’il est inconséquent, et que l’inconséquence est le ridicule de l’intelligence comme elle en est la lâcheté ; — parce qu’il est trompé par ses facultés elles-mêmes comme un tuteur par ses pupilles, des filles perdues ! […] Mais, ne vous y trompez pas !

828. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Car, vous ne penserez pas, ou vous vous tromperez, qu’un poète moins philosophe eût inventé les traits dont M.  […] Mais, comme à tant de prophètes, s’il devait nous arriver un jour de nous être trompé, il resterait du moins qu’en parlant du Bonheur, nous n’avons pu nous empêcher de proposer la question. […] À moins encore que nous ne nous trompions quand nous croyons que Madame Bovary a précédé de cinq ou six ans Germinie Lacerteux ? […] Elle trompe ce brave homme avec son propre frère. […] On ne se trompe pas tant ; et, pour considérables qu’elles soient, les différences n’apparaissent que plus tard, beaucoup plus tard.

829. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Tromper la confiance d’une âme innocente qui s’ouvre à la vie est un des plus grands méfaits au regard d’une certaine conscience qui semble n’avoir pas le sens des proportions, justement parce qu’elle n’emprunte pas à la société son étalon, ses instruments, ses méthodes de mesure. […] Et néanmoins on se tromperait grandement si l’on voulait rapporter à l’instinct une obligation particulière, quelle qu’elle fût. […] Nombreux sont d’ailleurs les cas où l’homme a trompé ainsi la nature, si savante et pourtant si naïve. […] C’est dans un tout autre sens que l’homme trompe la nature quand il prolonge la solidarité sociale en fraternité humaine ; mais il la trompe encore, car les sociétés dont le dessin était préformé dans la structure originelle de l’âme humaine, et dont on peut apercevoir encore le plan dans les tendances innées et fondamentales de l’homme actuel, exigeaient que le groupe fût étroitement uni, mais que de groupe à groupe il y eût hostilité virtuelle : on devait être toujours prêt à attaquer ou à se défendre. […] Mais le philosophe les distinguera, sous peine de se tromper gravement sur le caractère de l’évolution sociale en même temps que sur l’origine du devoir.

830. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Le siècle suivant ne s’y est pas trompé. […] Mais déjà, si je ne me trompe, dans quelques-uns de ces articles mêmes — ou, pour mieux dire, dans le dédain des opinions communes dont la liberté de son choix est une preuve, comme dans la hardiesse des solutions qu’il donne de ces questions qu’il aime, — on voit poindre quelque chose de nouveau. […] Alfred Michiels est seul, si je ne me trompe, à l’avoir signalé dans son Histoire des idées littéraires en France au xixe  siècle. […] Voltaire se trompe, et Voltaire est ingrat ; car enfin c’est l’auteur de Clovis et de Marie-Magdeleine qui lui a conquis à lui-même, l’auteur de la Henriade, le droit d’user en français du « merveilleux chrétien ». […] Mais on se trompait bien ; car aussitôt qu’elle eut établi son séjour à Paris, elle en prit cinq ou six, et, pour se créer des ressources, elle commença de donner à jouer.

831. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Par conséquent, l’idée du moi peut dévier et se trouver monstrueuse ; et, si voisins que nous soyons de nous-mêmes, nous pouvons nous tromper en plusieurs façons à propos de notre moi. […] Cette fois, nous ne nous trompons plus par addition, mais par retranchement ; au lieu d’insérer dans notre série des événements qui ne nous appartiennent pas, nous projetons hors de notre série des événements qui nous appartiennent. — Telle est l’erreur dans laquelle nous tombons à propos des couleurs et des sons ; on en a décrit le mécanisme. […] Nous nous trompons toujours en prenant l’image actuelle pour une sensation distante ; mais, d’ordinaire, la sensation distante s’est produite.

832. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

. — Ajoutez qu’en les affirmant ils sont sincères ; mais je crains qu’ils ne se trompent. […] peut-être n’est-il point nécessaire que nous l’admettions, car, certes, nous ne pourrions admettre, jamais, sans nous tromper, que l’artiste puisse composer quelque œuvre, s’il n’a, en son âme, la plus profonde sérénité. […] Hâtons-nous de dire que la confiance du public n’a pas été trompée et que l’excellent chef d’orchestre s’est surpassé.

833. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

C’est qu’il faut à toute force, et même contre la vraisemblance, que le spectateur ne puisse se tromper sur l’impression qu’on veut lui causer, et quand Gavarni et Grévin manquent à cette règle du grotesque forcé, c’est qu’ils deviennent peintres de mœurs et cessent d’être de véritables caricaturistes. Ceux-ci ont pour premier devoir d’outrer de telle sorte les déformations ridicules qu’ils s’imposent de trouver que le jugement du spectateur ne puisse s’y tromper. […] Quand il lui faudra donc représenter ses semblables, il les décrira par leurs gros côtés, des tics, des grimaces, des paroles, et outrera immanquablement ce par quoi ils l’ont attiré ou repoussé, s’arrangeant d’ailleurs de façon qu’on ne puisse se tromper sur le jugement que l’auteur porte sur eux et qu’ainsi le lecteur s’en forme une opinion aussitôt qu’il les aperçoit.

834. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Changer en fête et en joie cette procession éternelle vers la mort, c’est plus que se tromper ; c’est se moquer de l’humanité. […] XII Mais, dit-on encore, cependant Dieu, qui ne trompe pas, a jeté dans l’homme ce levain, cette invincible aspiration, cette espérance sourde et obstinée du perfectionnement indéfini de son espèce ? […] Quel est l’homme qui ne sait pas le mensonge de cet instinct, et quel est l’homme qui ne s’y laisse pas éternellement tromper ?

835. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Les sens usés au service d’une intelligence immortelle, qui tombent comme l’écorce vermoulue de l’arbre, pour laisser cette intelligence, dégagée de la matière, prendre plus librement les larges proportions de son immatérialité ; les cheveux blancs, ce symbole d’hiver après tant d’étés traversés sans regret sous les cheveux bruns ; les rides, sillons des années, pleines de mystères, de souvenirs, d’expérience, sentiers creusés sur le front par les innombrables impressions qui ont labouré le visage humain ; le front élargi qui contient en science tout ce que les fronts plus jeunes contiennent en illusions ; les tempes creusées par la tension forte de l’organe de la pensée sous les doigts du temps ; les yeux caves, les paupières lourdes qui se referment sur un monde de souvenirs ; les lèvres plissées par la longue habitude de dédaigner ce qui passionne le monde, ou de plaindre avec indulgence ce qui le trompe ; le rire à jamais envolé avec les légèretés et les malignités de la vie qui l’excitent sur les bouches neuves ; les sourires de mélancolie, de bonté ou de tendre pitié qui le remplacent ; le fond de tristesse sereine, mais inconsolée, que les hommes qui ont perdu beaucoup de compagnons sur la longue route rapportent de tant de sépultures et de tant de deuils ; la résignation, cette prière désintéressée qui ne porte au ciel ni espérance, ni désirs, ni vœux, mais qui glorifie dans la douleur une volonté supérieure à notre volonté subalterne, sang de la victime qui monte en fumée et qui plaît au ciel ; la mort prochaine qui jette déjà la gravité et la sainteté de son ombre sur l’espérance immortelle, cette seconde espérance qui se lève déjà derrière les sommets ténébreux de la vie sur tant de jours éteints, comme une pleine lune sur la montagne au commencement d’une claire nuit ; enfin, la seconde vie dont cette première existence accomplie est le gage et qu’on croit voir déjà transpercer à travers la pâleur morbide d’un visage qui n’est plus éclairé que par en haut : voilà la beauté de vieillir, voilà les beautés des trois âges de l’homme ! […] Il me prenait pour un rigoriste qui n’aurait pas daigné s’humaniser avec un enfant du siècle ; il se trompait bien. […] ici l’héroïsme trompé par la fortune !

836. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Je quitterai le fond de cet antre et j’y laisserai la mémoire importune du moment, dit une femme, et elle ajoute : si l’on m’a trompée et que la mélancolie m’y ramène, je m’abandonnerai à toute ma douleur. […] Je me trompe, tu y étais encore, et à mon retour, les hommes verront ma joie, mais ils n’en devineront pas la cause. […] Ce morceau est, ou je suis bien trompé, un des meilleurs de l’artiste.

837. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, a entrepris d’élever ce monument à la mémoire d’un maître respecté : en allant contre son vœu, ni l’un ni l’autre ne se sont trompés dans l’objet de leur piété, lis ont déjà obtenu ce résultat, que tous dorénavant peuvent apprécier et estimer celui dont les œuvres jusqu’ici restaient closes ou éparses, et dont le nom seul était connu hors du cercle des savants. […] Colincamp : « Vous vous trompez, répond-il aux amis qui s’obstinent à le croire capable de mieux, je fais ce que tout le monde devrait faire, je ne m’abuse pas sur moi-même.

838. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Une lettre fort belle, de ce temps, écrite par lui d’Amérique à un jeune homme que travaillait le mal du siècle, le mal de Werther ou de Rem, nous le montre déjà mur et tel qu’à cet égard il sera toute sa vie : « Vous vivez, mon cher ami, si je ne me trompe, dans un monde de chimères : je ne vous en fais pas un crime ; j’y ai vécu longtemps moi-même, et en dépit de tous mes efforts je m’y trouve encore ramené bien des fois. […] Il se trompe.

839. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

L’activité presque fébrile, qui nous caractérisa en tout temps, quitte la politique pour se porter vers le bien-être matériel : ou je me trompe fort, ou nous allons voir d’ici à peu d’années d’immenses progrès dans ce sens. […] En somme, la presque totalité de ces lettres sont étrangères à la poliùque, et la plupart sont, si je ne me trompe, extrêmement remarquables, abstraction faite même des idées et à ne considérer que leur mérite littéraire.

840. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Un petit album où elle notait ses impressions ne nous représente pourtant que des notes brisées ; mais c’est là qu’elle conçut et chanta sa belle invocation au Soleil : Ami de la pâle indigence, Sourire éternel au malheur, D’une intarissable indulgence Aimante et visible chaleur ; Ta flamme, d’orage trempée, Ne s’éteint jamais sans espoir : Toi, tu ne m’as jamais trompée Lorsque tu m’as dit : Au revoir ! […] Te relever, te grandir jour par jour ; — faire rougir ou du moins attendrir ceux qui nous ont dédaignés, les rendre même fiers d’être nos alliés ou nos anciens amis, il y a encore là de quoi bénir la vie. » Aucune des piétés, des fraîcheurs morales les plus délicates ne s’est ni fanée ni ternie un seul instant durant cette vie errante. — Et ceci encore : « Je t’aime bien et te remercie de planter ton nom, comme tu fais, dans l’estime de ce qui t’entoure. — Grain à grain, c’est une moisson qui ne trompe pas.

841. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il ne cherche qu’un passe-temps, et à tromper les heures ennuyeuses. […] Je ne sais si je me trompai mais il me semble que, dans l’ancienne société, telle qu’elle était faite, le champ de l’amitié était plus étendu qu’aujourd’hui : il y avait plus de sujets réservés, plus de choses particulières dont on eût à s’entretenir, même en matière d’idées ; la publicité, comme aujourd’hui, n’avait pas tout pris, tout défloré : il y avait bien plus de place à la confidence et au secret.

842. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

La consacrer à l’espoir toujours trompé du bonheur, c’est la rendre encore plus infortunée. […] Mais il ne faut jamais comparer l’ignorance à la dégradation ; un peuple qui a été civilisé par les lumières, s’il retombe dans l’indifférence pour le talent et la philosophie, devient incapable de toute espèce de sentiment vif ; il lui reste une sorte d’esprit de dénigrement, qui le porte, à tout hasard, à se refuser à l’admiration ; il craint de se tromper dans les louanges, et croit, comme les jeunes gens qui prétendent au bon air, qu’on se fait plus d’honneur en critiquant, même avec injustice, qu’en approuvant trop facilement.

843. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Robespierre ne la maintint que par le glaive ; Platon, que par des rêves qui trompent les hommes en les séduisant ; l’un est un bourreau, l’autre un sophiste ; ni l’un ni l’autre ne fut un homme d’État. […] Politien, remarquez encore que, de tous mes enfants, nul n’a montré une nature égale à celle de Pierre, de telle sorte qu’il me fait augurer et espérer qu’il ne le cédera à aucun de ses ancêtres, à moins que les expériences que j’ai déjà faites de ses talents ne me trompent. » Il m’a donné récemment une preuve de la vérité du jugement et de la prévision de son père, quand nous l’avons vu sans cesse près de lui dans sa maladie, toujours prévenant dans les services les plus intimes et les plus désagréables, supportant le plus patiemment possible les veilles, la privation d’aliments, ne pouvant souffrir qu’on l’arrachât du lit de son père que pour les affaires les plus urgentes de la république, et tout cela avec une merveilleuse piété répandue sur toute sa personne.

844. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Zola, traducteur fidèle : « La vérité a un son auquel j’estime qu’on ne saurait se tromper. […] Il était fatal que Boileau, n’ayant point étudié, et ne pouvant avoir étudié en son temps la littérature dans son rapport avec le génie original et le développement historique des peuples, se trompât souvent dans un sens ou dans l’autre.

845. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

La Fronde précise ses espérances : il combat, il sert, il trompe la cour, les princes ; il tient le Parlement et le duc d’Orléans ; il négocie à Rome, il y jette cent mille écus ; le voilà cardinal ; c’est une nécessité pour un prêtre qui veut être ministre. […] Une enfance sans parents, un mariage sans tendresse, un mari qui la trompe, la ruine, et se fait tuer pour une autre, la laissant veuve en pleine jeunesse, en pleine beauté, avec deux enfants à élever ; ces enfants à peine élevés, les craintes pour le fils qui va à l’armée, le désespoir surtout de perdre la fille qui suit son mari à l’autre bout du royaume, et dès lors de longues séparations qui remplissent tous ses jours d’inquiétude, de brèves réunions où sa tendresse, irritée et froissée à tout instant, envie les tourments de l’absence ; la fortune qui s’en va, l’argent difficile à trouver, le dépouillement, lent et douloureux, pour payer les fredaines du fils, l’établir, le marier, mais surtout pour jeter incessamment dans le gouffre ouvert par l’orgueil des Grignan ; une petite-fille à élever, tant de veilles, de soins, d’appréhensions, pour voir la pauvre Marie Blanche, ses petites entrailles, disparaître à cinq ans dans un triste couvent ; la vieillesse, enfin, triste avec les rhumatismes et la gêne : telle est la vie de Mme de Sévigné359.

846. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Même quand il s’agit de ces aventures cléricales où il est trop prompt à prendre parti, si par hasard on lui fait voir qu’il a été trompé, avec quelle bonhomie il reconnaît son erreur, quitte à recommencer le lendemain ! […] Il ne se tient pas de joie quand un dramaturge le « met dedans », ne s’apercevant pas que l’expression même qu’il emploie rend l’éloge douteux. « Sophocle nous trompe, il nous met dedans.

847. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Les Pères de l’Église ne s’y étaient pas trompés, eux qui, dans les premiers siècles de l’Église, sur tous les points du monde romain, partout où il y avait des hommes vivant en société, c’est-à-dire de la matière pour l’extrême bien comme pour l’extrême mal, avaient si profondément médité sur la nature humaine. […] Oserai-je dire que ce qui importe, ce n’est pas de compter les fautes de Montesquieu, mais de rechercher par quelle cause générale il se trompe ?

848. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

C’est une tactique déloyale de rappeler aux gouvernants ce qu’ils ont dit et promis durant leur période d’opposition, et de les mettre en contradiction avec eux-mêmes ; car cette contradiction est nécessaire, et ceux qui déclarent si fermement qu’ils feraient autrement s’ils étaient au pouvoir mentent ou se trompent. […] Quand les socialistes disent : le but de la société est le bonheur de tous ; quand leurs adversaires disent : le but de la société est le bonheur de quelques-uns, tous se trompent ; mais les premiers moins que les seconds.

849. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

D’ailleurs, je vous l’ai dit, mon ami, telle est ma position intellectuelle, que je puis paraître telle chose à celui-ci, telle chose à celui-là, sans rien feindre, sans que l’un ni l’autre se trompe, grâce au joug de la contradiction dont je me suis débarrassé pour un temps. […] Les gens qui ne me connaîtront pas me classeront parmi ceux avec qui je sympathise le moins ; tant pis, ils se tromperont.

850. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

A l’entendre, la Religion n’est qu’un masque dont se couvre l’hypocrite pour tromper plus adroitement ceux dont la crédulité peut leur être utile Le Militaire Philos. pag. 84. […] Ce tour de Pirate a trompé peu de gens, & la Suite prétendue des Trois Siecles est restée chez le Libraire.

851. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

La raison commune s’est donc soumise dans tous les temps à une raison qu’elle reconnoissoit supérieure & préférable à elle-même ; &, en matiere de Religion, l’Homme, si souvent trompé par ses semblables, balotté depuis si longtemps par tant de systêmes plus absurdes les uns que les autres, refuseroit de s’attacher à une regle invariable, de s’en rapporter à son Dieu ! […] Il est aisé de tromper l’autorité & la force, parce qu’elles sont sans pouvoir sur l’esprit & sur le cœur : il faut un ressort qui agisse sur l’ame, car c’est dans l’ame, où réside le principe de tous les désordres extérieurs ; or la Religion seule peut procurer ce ressort & son efficacité.

852. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

l’Oracle va resplendir au grand jour ; il ne regardera plus à travers des voiles, comme une jeune épousée. » — Le souvenir de sa jeunesse évoque en elle celui d’Apollon, de son amour qu’elle a trompé, qu’elle regrette peut-être : passage rapide où glisse l’apparition lumineuse de l’amant céleste poursuivant la jeune fille dans un sentier de l’Ida. « — Autrefois la pudeur eût retenu mon aveu. […] » — Elle répond rougissante : — « Je promis, mais je le trompai… Personne ne me croit plus depuis que j’ai ainsi menti. » Ce court dialogue n’est qu’une pause entre deux accès.

853. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

On se tromperait si l’on croyait que nous rejetons purement et simplement ces hommes. […] Mourawieff se trompe s’il croit être quelqu’un.

854. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Quoique Tocqueville soit peut-être un des publicistes qui se sont le moins trompés, je pense cependant que sa doctrine pourrait gagner en étendue et en solidité. […] Or il y a, si je ne me trompe, un abîme entre la souveraineté de la raison et la souveraineté des plus raisonnables.

855. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Quelques auteurs pourtant peuvent se tromper avec une sorte de sincérité et croire qu’il n’y a nul inconvénient à présenter hardiment les scènes d’un monde mélangé et corrompu, en ayant pour guide et pour conducteur quelque sentiment pur, quelque passion plus élevée, représentée dans un des personnages, et en visant à une conclusion satisfaisante pour les cœurs honnêtes ou pour les convenances sociales.

856. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

avaient-ils pris un masque pour tromper la proscription ?

857. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Il ne recevait pas assez puissamment la secousse de ce sol enflammé, qu’il faut être de la patrie pour sentir, de cette mère-terre qui ne trompait pas Mirabeau et lui répondait sourdement, comme à Antée.

858. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

S’il nous juge un peuple malin et dénigrant plutôt qu’admiratif, il se trompe ; nulle part on ne croit à la gloire comme chez nous.

859. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Krishaber et le malade guéri de l’observation 38 vont même plus loin : ils pensent que le malade ne se trompe pas en croyant qu’il est un autre.

860. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

L’ordre est ce qu’il y a de plus rare dans les opérations de l’esprit : quand l’ordre, la justesse, la force et la véhémence se trouvent réunis, le discours est parfait. » Ceux qui penseraient que le mérite de bien placer chaque pensée est un mérite purement négatif, se tromperaient.

861. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Son instinct d’artiste trompe ses sympathies d’honnête homme et jusqu’à ses opinions de duc et pair.

862. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Et les personnages, se figurait-on, vivraient d’une vie différente de celle des autres hommes : leur extase dissiperait nos pauvres, mais si passionnantes psychologies ; et même au théâtre on rêvait un poème brûlant où éclaterait seul le génie du poète des Villes tentaculaires reprenant ses lointaines évocations de Moines… On se trompait.

863. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Monsieur Crozat a extrait des registres de l’abbaïe de saint Jean de Parme plusieurs preuves, qui font voir que Vasari se trompe dans l’idée qu’il donne de la fortune du Correge, et sur tout dans le récit qu’il fait des circonstances de sa mort.

864. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Il est vrai que Monsieur Dacier n’est pas le seul qui se soit mépris sur cette matiere là, ses dévanciers s’étoient trompez comme lui.

865. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Maintenant il ne faut pas s’y tromper, l’émancipation des colonies doit suivre la règle de l’émancipation des enfants.

866. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Mais le ton, — je ne sais pas si je me trompe, séduit par ce bonheur d’expression du livre et par le charme de Frédéric Masson, — je le trouve bien près d’être exquis… Cette histoire, faite de détails familiers et intimes, est une histoire domestique du marquis de Grignan ; mais cette histoire, au fond très touchante, si on veut bien y réfléchir, est, comme je l’ai dit, l’histoire, sous le nom de Grignan, de toute la malheureuse noblesse de France, descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas.

867. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Eh bien, nous l’écrivons avec le sentiment du regret, notre espérance a été trompée !

868. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Je me trompe.

869. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Jourdain, ne nous y trompons pas, est de naissance comme d’état un philosophe.

870. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Mais on se trompait.

871. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Il nous a expliqué un titre sur lequel l’imagination rêve pour se tromper ; car ce titre ne dit pas nettement ce qu’il veut dire, contrairement au devoir d’un titre, qui est tenu d’être transparent comme un cristal.

872. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Mon espoir n’a pas été trahi ; mais il a été trompé.

873. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Telle est la raison pour laquelle, sans doute, on lui pardonna cette aristocratie ; car tout talent est une aristocratie, et de toutes, ne vous y trompez pas !

874. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Kerguen ne peut s’y tromper : c’est bien d’amour qu’il aime son enfant d’adoption. […] Ses pressentiments ne le trompent pas. […] Perdre ses illusions, les regretter, se consoler avec l’art immortel qui ne trompe pas ; qu’y a-t-il de plus commun ? […] Ne vous y trompez pas, cela n’est point le fait du premier venu. […] Il donnait au lecteur l’illusion de l’histoire, il le trompait en ayant l’air de l’instruire.

875. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

On dut vite reconnaître que l’on s’était trompé. […] … — C’est ce qui vous trompe ! […] En quoi il se trompe, car M.  […] Il y eut des démentis, qui furent poliment enregistrés, mais ne trompèrent personne, et cela ajouta encore au comique — déjà si savoureux — de certaines figures. […] Le succès sait ce qu’il fait, et à qui il s’adresse… Il ne se trompe jamais… Et tenez… j’ai horreur de ce que vous appelez les idées… Pas d’idées chez moi !

876. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Continuellement Lamartine se trompe sur son âge. […] Sainte-Beuve lui-même n’a point dédaigné de s’y amuser deux ou trois fois et, si je ne me trompe, jusque dans les Nouveaux Lundis… Comme La Harpe, comme l’abbé Batteux ou comme M. de Féletz, M.  […] Il est sûr que Jocelyn se trompait sur lui-même ; d’un geste infaillible, il ramène ce prédestiné dans le chemin du renoncement, qui est son vrai chemin. […] « Il se trompe », dis-tu ? […] Se trompe-t-il le sein qui bat pour respirer, L’air qui veut s’élever, le poids qui veut descendre, Le feu qui veut brûler tant que tout n’est pas cendre, Et l’esprit que Dieu fit sans bornes pour comprendre Et sans bornes pour espérer ?

877. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il a pu se tromper sur ses forces, non sur ses goûts, sur la direction instinctive de son esprit. […] On pourrait s’y tromper au début : Henry est timide comme Frédéric, la jeune femme semble honnête. […] Anatole France considère qu’il s’est lourdement trompé et admet, avec Michelet, qu’elle a été une église. […] D’ailleurs, un grand poète ne se trompe jamais tout à fait. […] Peuple, on te trompe !

878. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Les copistes qui ne se trompent jamais et qui n’ont jamais de distractions sont rares, même parmi les érudits. b. […] Ce qu’un auteur exprime n’est pas forcément ce qu’il croyait, car il peut avoir menti ; ce qu’il a cru n’est pas forcément ce qui existait, car il peut s’être trompé. […] L’auteur s’est-il trouvé dans une des conditions qui entraînent un homme à se tromper ? […] Mais pour nous ils sont instructifs et ils sont sûrs, car l’auteur n’a pas cherché à nous tromper. […] On n’a pas logiquement le droit de les déclarer certains, car on voit des hommes qui se trompent même sur des faits grossiers, ou qui mentent même sur des faits indifférents.

879. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Si quelqu’un se trompe en cette affaire, n’est-il pas raisonnable de supposer que c’est lui. […] Vous voyez bien que l’historien ne peut suivre la même méthode pour apprécier les deux pays, et qu’autant il se tromperait s’il attribuait une trop grande importance à la race en parlant de la France, autant il se tromperait s’il ne lui en attribuait pas une énorme en parlant de l’Angleterre. […] Quelle est la beauté terrestre qui n’a pas trompé notre amour en se flétrissant et en se jouant de nous ? […] Lorsque Othello se croit trompé par Desdémone, le sentiment de l’honneur outragé n’est pas moins fort en lui que la jalousie qui le déchire. […] Ceux qui accusent Sterne à outrance et ceux qui l’excusent tout à fait se trompent également.

880. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

bien, qui aime la littérature ne se laisse pas tromper : il la devine et il la sent. […] Mais, quant à la distribution des parties, elle est (si je ne me trompe) de qualité musicale. […] Ou je me trompe, ou la question n’est point ailleurs : elle est là. […] C’est ainsi qu’ou je me trompe ou le roman nuit à la thèse de M.  […] Si l’on prétendait y trouver les croyances d’Homère ou de son époque, on se tromperait, — dit M. 

881. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il y a un accent de vérité qui ne saurait tromper dans les livres dont je parle. […] Ce sont alors, afin de combler ou de tromper ce vide, de furieuses recherches des excitants. […] Trompés par le malin génie de la nature, nous nous efforçons vers la mort en croyant nous efforcer vers le progrès. […] Il a pu se tromper souvent, mais toujours sans aucune arrière-pensée d’aucun genre. […] Les vagues et vaporeuses formules se solidifient sous sa main de Français perspicace et que les mots ne trompent point.

882. (1894) Critique de combat

Je me trompe : il cite une fois le Germinal de Zola, et c’est tout. […] Mais quand on emploie ses forces et son talent à défendre, à consoler, à relever les faibles, les déshérités, les opprimés, on a le droit d’avoir la conscience tranquille ; on peut être trompé par le succès : on ne se trompe pas. […] Je ne me trompe pas. […] Impossible de se tromper avec plus d’énergie. […] Les contemporains ne s’y sont pas trompés, la postérité non plus.

883. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Je veux croire qu’il s’est trompé innocemment. […] Ne vous y trompez pas, réalistes et naturalistes, mes amis ! […] Avant de se savoir trompé, il a aimé, non pas comme vous et moi, mais comme un poète qu’il était. […] Quelques minutes, pas plus ; et les chères petites ne voudraient nullement vous tromper, d’ailleurs. […] Furtivement, car elle a l’opinion du monde à tromper aussi.

884. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Elle le trompa sans pudeur. […] Elle l’a trompé, dit-on, avec un nègre. […] Ce conquérant, exalté par la lecture de Rousseau, se trompait en matière de sentiment, comme tous ceux qui ont appris l’amour dans les livres. […] Quelques-uns le trompaient grossièrement sur l’état de leurs effectifs, sur le chiffre des morts. […] La France a essayé de tromper son ennui en se figurant qu’elle s’amusait.

885. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Quant aux allusions d’Esther, ceux-là sans doute se trompaient, qui voulurent reconnaître dans « l’altière Vasty » Mme de Montespan ; Louvois dans Aman ; dans Assuérus signant, par trop de crédulité, l’édit de persécution contre les Juifs, Louis XIV révoquant l’édit de Nantes233. Mais Mme de Sévigné ne se trompait pas lorsque, se ravisant sur Esther, qu’elle s’était d’abord défendue d’admirer, elle y trouvait « mille choses si justes, si bien placées, si impartantes à dire à un roi 234. » Racine ne pensait pas plus à rechercher le succès des allusions qu’à éviter, de peur que le public ou le roi n’y vissent des allusions, les vérités de son sujet et les vérités du cœur humain. […] Historiographe du roi, il lisait à Louis XIV un récit de guerre ou parlant d’une marche en arrière, commandée par ce prince pour tromper l’ennemi, il se servait du mot rebrousser. […] Il ne lui convenait pas qu’un lecteur pût s’y tromper, et que, du fait du roi, des troupes françaises parussent, même par feinte, avoir reculé.

886. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il trompa souvent aussi sa nostalgie de l’idéal par le voyage, par l’envolée vers un ailleurs toujours cherché, et toujours fuyant, jusqu’au jour où son âme, arrivant à voir le monde sub specie æterni, trouva enfin le repos dans la contemplation des vérités intelligibles. […] À défaut d’actions étonnantes, il a besoin de voyager dans des pays étranges et lointains pour tromper son goût d’aventures. […] Trompées par certaines apparences extérieures, quelques personnes superficielles n’ont voulu voir dans cette œuvre qu’un prolongement suprême du romantisme pittoresque. […] « On se trompe toujours sur la vitesse du mouvement », a dit Auguste Comte.

887. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Les adversaires du nouvel Empire ne s’y trompèrent pas : ils allèrent tout d’abord s’attaquer à cette tentative grandiose, et avortée en 1815, d’un empire pacifique et libéral.

888. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Elles ont été trompées une ou deux fois ; elles se sont heurtées en leur premier élan contre l’égoïsme et la fatuité vulgaire : les unes se veulent guérir en trompant désormais à leur tour ; les autres gardent en leur sein la cendre et dévorent leurs pleurs.

889. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Ils se trompent, comme les hommes qui prennent encore le mot peuple dans le sens d’autrefois.

890. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Puis, en se développant, il voit beaucoup de choses lui échapper, beaucoup de ses espérances trompées, de ses besoins non satisfaits ; il souffre, il se plaint, c’est l’âge des déceptions, des désenchantements.

891. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

cet auteur, si suspect aux religieux observateurs du mariage, n’a pas craint de mettre là en scène un mari à demi trompé, qui n’a rien de ridicule ni de paterne, mais plein de sérieux, et s’élevant à une éloquence parfois qui a gagné le public, quelque peu surpris.

892. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Elle a commencé par se la faire à elle seule, puisqu’on ne l’y aidait pas, et puis elle a vu qu’elle avait fait une œuvre qui trompe, et, comme un bon esprit qu’elle était, elle a cherché sa part ailleurs, d’un air un peu triste et sombre, comme une personne fatiguée qui a beaucoup et inutilement travaillé.

893. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Ne nous y trompons point : si le succès de M. 

894. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Les suivantes au minois éveillé, les Francisquine et les Zerbinette firent face aux valets, et les aidèrent à tromper et à exploiter les vieillards.

895. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Il eût alors évité deux inconvéniens, celui de se tromper, & celui d’ennuyer le Lecteur.

896. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Kuranosuké fit mieux pour tromper Kotsuké.

897. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Du Marsais prouve qu’attribuer les oracles au malins esprits, n’est pas une vérité fondée sur la tradition ; que les prêtres, pour tromper le peuple, se servoient de statues creuses ; que ce n’est point affoiblir, mais confirmer la gloire de Jésus-Christ, que de réduire les oracles à des causes naturelles ; que les permissions particulières accordées au démons, suivant le témoignage de l’écriture, ne donnent pas droit d’en supposer d’autres ; que ce prodige n’étoit pas nécessaire à l’établissement du christianisme ; qu’admettre de faux miracles, ce seroit, s’il étoit possible, rendre suspects les véritables.

898. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Ne nous y trompons pas, ceci est plus que de la littérature.

899. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Il connaît trop l’Asie pour s’y tromper.

900. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Puis, encore, ç’a été les Mémoires de Metternich, qui ont trompé si misérablement l’espoir de l’intérêt immense qui s’attachait à ce grand nom de Metternich.

901. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Je me trompe : Livet l’aurait su ; il l’aurait dit.

902. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Mais cette attente aimable fut trompée.

903. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Il n’enfonce point et ne pose pas dans la psychologie le point de départ de son Histoire de la Satire, et voilà pourquoi il pousse tout droit devant lui, dès les premières pages, ce petit trot historique qui fait son bonheur sans danger, à travers les causes secondes et troisièmes sur lesquelles il a chance encore de se tromper.

904. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Me trompé-je ?

905. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Un homme plus savant sur la Grèce que Debay, malgré son séjour dans le Péloponèse, et dont le talent a pour caractère distinctif une sagacité redoutable, Prosper Mérimée, a regretté quelque part, avec le sentiment d’une curiosité indigente et trompée, cette absence de mémoires, qui nous enlève d’un seul coup la moitié du monde grec sans espoir de la retrouver, et précisément la moitié dans laquelle se produisaient, en se variant, l’influence et l’action des courtisanes.

906. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Femme d’un grand sens, que la religion éclairait de ses lumières surnaturelles, elle ne s’y trompait pas ; et, d’ailleurs, si elle avait pu l’oublier, un souvenir cruel l’aurait avertie.

907. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

C’est un moraliste aussi, je le sais, et je le montrerai ; mais c’est un moraliste qui, si je ne me trompe pas, a commencé d’étudier son latin de moraliste à l’École des Chartes.

908. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Femme d’un grand sens, que la religion éclairait de ses lumières surnaturelles, elle ne s’y trompait pas ; et d’ailleurs, si elle avait pu l’oublier, un souvenir cruel l’aurait avertie.

909. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Mais il n’a ni la colère, ni les dépits, ni les ressentiments des esprits absolus trompés, ni aucune des passions plus ou moins impuissantes, mais aussi plus ou moins éloquentes, des hommes de parti, vaincus par la sottise humaine ou la force des événements.

910. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Mais la finesse de Ranke, s’il y a finesse, s’il n’est pas lui-même la dupe innocente de son système, ne trompera personne.

911. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Chantonnay (le frère de Granvelle) disait de lui : « Il n’avait d’autre résolution que de ne pas en avoir. » Mais il se trompait, il en avait une, et c’était de vouloir toujours, silencieusement, la même chose… Une espèce d’homme comme il n’y en a plus.

912. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Saisset, professeur et, si je ne me trompe, suppléant de M. 

913. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Jules Simon était autrefois, si je ne me trompe, le suppléant de M. 

914. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Nul concurrent ne pouvait ou n’aurait osé s’y tromper… Des hommes si profondément littéraires, connaissaient trop l’histoire pour supposer que l’esprit de parti ou de secte la violât dans un travail qu’ils devaient juger et couronner.

915. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

entre l’esprit monarchique et l’esprit révolutionnaire, dans laquelle il serait stipulé qu’il prend la France avec tout son inventaire révolutionnaire d’indépendances et de libertés, qui, d’ailleurs, ne trompent plus personne, tant elles nous ont de plus en plus précipités !

916. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Mais ce n’en est pas moins le danseur qui a jugé le mathématicien, et qui lui a prouvé, d’un seul rond de jambe, qu’il s’est trompé dans ses calculs.

917. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Vous rappelez-vous cette page inouïe de Jean-Paul, dont le sublime transportait madame de Staël, quand, au Jugement dernier, il peint le désespoir des âmes qui auront vécu en Jésus-Christ sur la terre et compté sur le ciel pour prix des plus cruelles vertus, lorsqu’elles entendront une voix sortant des profondeurs de l’Infini, qui criera par tout Josaphat : Vous vous êtes trompés !

918. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Il est des gens qui s’y tromperont sans doute, qui prendront le mur plein d’ombre pour l’homme qui s’y appuie, la matière qui se montre, en ces poésies, pour l’âme qui s’y cache, et le dessus pour le dessous.

919. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

III Cette espérance ne fut point trompée.

920. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Qu’il grandisse ou qu’il rapetisse les hommes et les choses, qu’il se trompe ou qu’il ait raison, Heine est poète comme on respire ; il est poète, et poète idéal… Je l’aime, mais je sais le juger.

921. (1890) Dramaturges et romanciers

Je crois qu’il se trompe. […] On ne se trompe pas plus en admettant l’impuissance du mal qu’on ne se trompe en admettant le pervertissement absolu de l’âme, et certainement les anges et les démons sont les seuls êtres qui aient une opinion vraie et profonde sur la nature humaine. […] Je crois qu’il s’est trompé ; l’imagination est une faculté épicurienne, qui ne demande pas mieux que de tirer un plaisir — même de la terreur, même des larmes. […] On pourrait aisément s’y tromper. […] Ne vous y trompez pas, ce type, c’est l’image même de l’auteur dramatique nouveau qui va se révéler, une fois ses années de poésie expirées, et il n’a été à ce point le favori de M. 

922. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Ou nous sommes bien trompés, ou tous les traits que nous avons cités de ce prologue du vieux drame anglais sont autant de traces du Hamlet de Shakespeare, et contribuent à lui assigner pour date l’année 1589. […] Je pense au contraire que l’art admirable de Shakespeare consiste, dans cette pièce, à conserver au principal personnage toute sa supériorité, même lorsqu’il se trompe, et à la faire ressortir par ce fait même qu’il se trompe et que néanmoins on lui défère, que la raison des autres cède avec confiance à l’erreur de Brutus. […] Du reste, Shakspeare se trompait lorsqu’en prodiguant les réflexions, les images et les paroles, il croyait imiter l’Italie et ses poëtes. […] Doll Tear-Sheet abusait encore au moins son imagination ; avec elle il se croyait libertin ; ici il n’y songe même plus ; c’est à se procurer de l’argent qu’il veut faire servir l’insolence de sa galanterie ; c’est sur les moyens d’obtenir cette argent que le trompe encore sa vanité. […] Il trompe à la fois pour réussir et pour tromper, pour s’assujettir les hommes et pour se donner le plaisir de les mépriser ; il se moque de ses dupes et des moyens qu’il a employés pour les duper ; et à la satisfaction qu’il ressent de les voir vaincus, s’allie celle d’avoir acquis la preuve de leur faiblesse.

/ 1946