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19. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Le temps est-il beau et fait-il grand soleil ? […] Un clair soleil se répandait jusque sur mon lit. […] Des mariniers dorment à bord sur le dos, au soleil. […] Le soleil s’envole. […] Puis un instant le soleil apparut splendide.

20. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Le soleil vêt de magnificence le ciel bleu pâle. […] Et le soleil semble une hostie de gloire offerte à l’univers. […] Un nuage cache le soleil. […] Le soleil se couche. […] Les Sains rêvent, les yeux perdus vers le soleil.

21. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

C’était dans les dernières années de sa courte vie ; elle resplendissait encore des reflets de son soleil couchant, comme une tête de Vénus grecque effleurée, dans un musée, par un dernier rayon du soir. […] La réverbération du soleil contre les parois de marbre de la vallée incendiait l’air respirable ; nous cherchâmes, vers le milieu du jour, un abri sous un vaste caroubier, espèce d’oranger sauvage et gigantesque qui affecte la régularité immobile de l’oranger taillé par la main de l’homme, qui porte des fèves succulentes pour les chevaux du désert, et qui verse, de son dôme touffu et toujours vert, une ombre imperméable au soleil de midi. […] Les présages sont douteux ; la saison même n’est pas propice, l’heure ne l’est pas davantage ; on reconnaît le soir aux grandes ombres qui traînent sur la terre et aux reflets pâles d’un soleil couchant sur le sommet des édifices. […] Un rayon de soleil sur la plaque du photographe dessine mieux encore que votre crayon, et un arc-en-ciel a plus de couleurs que vos palettes. […] Depuis que nous avons admiré les merveilleux portraits saisis à un éclat de soleil par Adam Salomon, le statuaire du sentiment, qui se délasse à peindre, nous ne disons plus c’est un métier ; c’est un art ; c’est mieux qu’un art, c’est un phénomène solaire où l’artiste collabore avec le soleil !

22. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

On dirait que le soleil a soif. […] Le printemps est un paradis provisoire ; le soleil aide à faire patienter l’homme. […] Qui sait si le soleil n’est pas un aveugle ? […] Mais qu’y a-t-il donc au-dessus du soleil ? […] Ceci coïncida avec un nuage noir qui cacha brusquement le soleil.

23. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

On les voit ensuite se répandre dans leurs petits jardins bordés de sureaux, dont la fleur ressemble à la neige qui n’a pas encore été touchée du soleil ; elles y cueillent des giroflées qu’elles attachent par une épingle à leurs manches, pour les respirer tout le jour en travaillant. […] « Le soleil monte de plus en plus ; il atteint déjà la cime du clocher, dont il fait briller la plus haute pierre comme un charbon ; la cloche, ébranlée par la corde à laquelle se suspendent les petits enfants au signal du sonneur, répond à ce premier rayon de soleil par un tintement de joie qui fait tressaillir et envoler les colombes et les moineaux de tous les toits. […] Elles se rassemblent et s’asseyent sur les troncs d’arbres couchés le long des chemins, adossés au mur échauffé par le soleil levant ; elles y filent leurs longues quenouilles chargées de la laine blanche des agneaux. […] Ils s’endorment après sur la terre qui fume de chaleur, la tête appuyée sur leurs bras recourbés, et ils repuisent leur vigueur dans les rayons brûlants de ce soleil qui sèche leur jeune sueur. […] On apercevait quelquefois, assis au soleil ou à l’ombre sur cette galerie, un homme à cheveux blancs, dans un costume presque sordide, et deux demoiselles d’un âge moins avancé, mais à qui la négligence de leurs vêtements donnait prématurément les apparences de la vieillesse.

24. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Un quart d’heure environ avant le coucher du soleil, au printemps, vous entrez dans un bois, sans chien et le fusil sur l’épaule. […] Le soleil monte rapidement ; le ciel est pur… le temps sera beau ; un troupeau sort lentement d’un village et se dirige de votre côté. […] Le soleil monte toujours ; l’herbe sèche rapidement, et déjà la chaleur commence à se faire sentir. […] Le soleil est toujours éclatant ; on peut encore chasser. […] Le soleil se couche.

25. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 200-202

L’Aurore déployoit l’or de sa tresse blonde, Et semoit de rubis le chemin du Soleil ; Enfin ce Dieu venoit au plus grand appareil Qu’il soit jamais venu pour éclairer le Monde. […] Quintus-Catulus, jeune Romain des derniers temps de la République, ayant rencontré sa Maîtresse au lever du Soleil, lui fit aussi-tôt un Quatrain, qui l’élevoit au dessus de l’Astre qui commençoit à paroître. On le traduisit en François du temps de Balzac & de Voiture, & l’on en trouva la pensée si jolie, que, depuis ce temps, le Soleil est devenu l’objet éternel des comparaisons galantes.

26. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 322-324

Dans une autre circonstance, une de ces Héroïnes de Société, qui ont toujours des Beaux-Esprits à leurs gages, le pressant de faire une comparaison d'elle avec le Soleil ; Théophile qui n'étoit pas aussi souple & aussi respectueux que nos Poëtes d'aujourd'hui, fit ce Quatrain : Que me veut donc cette importune ? Que je la compare au Soleil. […] La bonhommie de ce temps-là permettoit sans doute de se livrer à de pareilles saillies, qui ne seroient pas goûtées par nos modernes Soleils, qui valent bien ceux du temps de Théophile.

27. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Au centre, une sorte de ville perdue environnée de solitude ; puis un peu de verdure, des îlots sablonneux, enfin quelques récifs de calcaires blanchâtres, ou de schistes noirs, au bord d’une étendue qui ressemble à la mer ; dans tout cela, peu de variété, peu d’accidents, peu de nouveautés, sinon le soleil qui se lève sur le désert et va se coucher derrière les collines, toujours calme, dévorant sans rayons ; ou bien des bancs de sable qui ont changé de place et de forme aux derniers vents du sud. […] La première impression qui résulte de ce tableau ardent et inanimé, composé de soleil, d’étendue et de solitude, est poignante et ne saurait être comparée à aucune autre. […] Dans la sensation particulière que le morceau me donne, j’isolerai pourtant de quoi former l’idée générale du désert (assez vide, assez désolé, etc. ; soleil, étendue, solitude). […] Quelques pages de quelques voyageurs, quelques tableaux aperçus dans les musées et les salons, quelques impressions d’enfance, de l’âge où l’on se fait d’immenses solitudes dans un coin de jardin, l’image persistante d’un long ruban de route poudreuse sous le grand soleil d’été, d’un angle de cour enflammé où l’air était suffocant, la lumière intense, tout cela se fondant, s’amalgamant, pourra dicter une page qui ne sera pas banale. […] Tous ces objets tenaient du prodige : l’enfant courut vers un des pigeons et regarda bovine en souriant ; le pigeon secoua ses ailes et brilla au soleil au travers d’une fine poussière de neige, et un parfum de pain chaud se répandit par la fenêtre où apparurent les saïkis.

28. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Quand on est au lit bien malade, on ferait volontiers le sacrifice de son teint ou de ses beaux yeux pour rattraper la santé et jouir du soleil. […] Aujourd’hui que voilà le soleil, je reprends vie et m’épanouis comme la pimprenelle, cette jolie petite fleur qui ne s’ouvre qu’au soleil. […] Je me règle sur le soleil, et nous nous levons ensemble. […] « Beau ciel, beau soleil, beau jour. […] « L’air est doux ce matin, les oiseaux chantent comme au printemps, et un peu de soleil visite ma chambrette.

29. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

On y voit même glisser, comme des ombres indécises et fuyantes, les innombrables truites qui remontent le courant, et qui frissonnent, sous le rayon du soleil, au bruit du filet du pêcheur. […] Elle s’enfonce et disparaît en petites cascades dans les cavités invisibles de son lit, puis elle reparaît en nappe scintillante où tremblent les rayons brisés du soleil à travers les larges feuilles des aunes. […] Il s’arrêtait de temps en temps, sans même s’en apercevoir, pour faire le signe de la croix, après l’antienne, avec une telle componction de visage qu’on voyait sa tête découverte, prématurément chauve, fumer de zèle plus que de sueur au soleil. […] Tandis que vous admirez ce soleil, qui se plonge sous les voûtes de l’occident, un autre observateur le regarde sortir des régions de l’aurore. […] À chaque moment de la journée, le soleil se lève, brille à son zénith et se couche sur le monde ; ou plutôt nos sens nous abusent, et il n’y a ni orient, ni midi, ni occident vrai : tout se réduit à un point fixe d’où le flambeau du jour fait éclater à la fois trois lumières en une seule substance.

30. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

qu’il rêve, au murmure de celle élégante cascade qu’une naïade semble verser de son urne, qu’il y respire le frais à midi, quand les rayons du soleil filtrés par le feuillage, etc. […] De même dans l’ordre purement physique et en présence de la nature des montagnes, il va jusqu’au bout, il ne recule pas devant les sites bouleversés et désolés : mais il est surtout heureux si là où l’on s’y attendrait le moins, et en sortant des horreurs convulsives qui marquent les déchirements du globe, il retrouve tout d’un coup dans le spectacle de l’ensemble, et sous l’effet du soleil, de l’ombre et de la lumière, cette harmonie suprême qui fait le beau grandiose et le sublime. […] Ramond n’excelle pas moins à donner l’impression des diverses heures du jour, celle du soir et du couchant, — soit qu’il en jouisse à la descente, dans une vallée déjà riante, non loin de Bagnères-de-Luchon, près d’une antique chapelle : Je m’arrêtai un moment devant cette chapelle, frappé de la magnificence du paysage qui l’entoure : le soleil voisin de son coucher y répandait ce charme qui naît de l’approche du soir. […] ce ne fut qu’une sorte d’apparition gigantesque et formidable : le soleil ne brillait pas, une brume dérobait le sommet principal, et l’autre cime moindre, qu’on nomme le Cylindre, cette figure de tour tronquée, plus sombre que le nuage, plus menaçante que le Mont-Perdu lui-même, en usurpait l’apparence et devenait l’objet le plus extraordinaire du tableau. […] On croyait avoir vu le Mont-Perdu, on ne le connaissait pas ; on n’avait nulle idée de l’éclat incomparable qu’il recevait d’un beau jour : Aujourd’hui, rien de voilé, dit Ramond, rien que le soleil n’éclairât de sa lumière la plus vive ; le lac complètement dégelé réfléchissait un ciel tout d’azur ; les glaciers étincelaient, et la cime du Mont-Perdu, toute resplendissante de célestes clartés, semblait ne plus appartenir à la terre… Tout était d’accord, l’air, le ciel, la terre et les eaux : tout semblait se recueillir en présence du soleil et recevait son regard dans un immobile respect.

31. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

En vain les télescopes fouillent tous les coins du ciel, en vain ils poursuivent la comète au-delà de notre système, la comète enfin leur échappe ; mais elle n’échappe pas à l’Archange qui la roule à son pôle inconnu, et qui, au siècle marqué, la ramènera par des voies mystérieuses jusque dans le foyer de notre soleil. […] De globes en globes, de soleils en soleils, avec les Séraphins, les Trônes, les Ardeurs, qui gouvernent les mondes, l’imagination fatiguée redescend enfin sur la terre comme un fleuve qui, par une cascade magnifique, épanche ses flots d’or à l’aspect d’un couchant radieux.

32. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Dans le Cosmos, selon l’antique expression d’Aristarque de Samos, qui préludait au système de Copernic, le soleil (avec ses satellites) n’est qu’une des étoiles innombrables qui remplissent les espaces. […] Humboldt, qui la reconnaît et qui l’admire, conjecture qu’elle est le reflet d’astres innombrables et lumineux noyés dans les espaces les plus rapprochés du soleil. […] “Le Seigneur a créé la lune pour mesurer le temps, et le soleil connaît le terme de sa course. […] Le soleil paraît, ils se rassemblent et se réfugient dans leurs cavernes, tandis que l’homme se rend à son travail et fait sa journée jusqu’au soir.” […] À la vie confuse des éléments est opposée l’existence calme et laborieuse de l’homme, depuis le lever du soleil jusqu’au moment où le soir met fin à ses travaux.

33. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Quel livre que celui qui peut passer dans votre main de la vie au néant, du soleil sous la terre, du temps à l’éternité, sans pâlir à vos yeux, et qu’on peut lire des deux côtés de la tombe sans changer de feuillet ! […] Une goutte d’existence évaporée à un rayon de soleil de cet océan de vie ! […] Demandez-le au laboureur qui creuse sous le soleil et sous la pluie le même sillon sur la même colline, pour y déposer, pendant soixante ans, le même grain d’herbe ou la même racine qui contient sa pauvre vie ! […] La lumière elle-même est malade, et l’homme en la regardant ne voit que des ombres ; il y a des taches non plus seulement sur le soleil, il y a des taches sur Dieu ! […] « Est-ce dans mes soleils ?

34. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

L’air vif lui donnait la vigueur, le soleil l’illuminait. […] Mais lorsque janvier met en pièces son linceul de brume, que les lambeaux s’en dispersent emportés par le vent, que le soleil perdu jaillit derrière les Alpes, c’est bataille gagnée. […] Intense alors que le soleil n’a pas encore paru, le bleu s’éclaire au levant, et sur cette zone, d’abord jaune pâle, puis orangée, puis rouge comme le cuivre, les Alpes détachent leur profil. […] C’est un règne absolu, la royauté du soleil… » C’est viril et emporté ; c’est dur comme les objets ; il y a de l’eau-forte dans le procédé. […] Ce qu’ils n’ont pas fait, Mme de Gasparin Pose, et la devise donnée par Victor Hugo est devenue la sienne : la Bible, rien que la Bible d’une part, et de l’autre Dieu dans le soleil, dans la nature et dans ses œuvres.

35. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

La grande-duchesse allait tous les soirs se promener en voiture à l’Ardenza ; cette promenade, la seule qu’il y eût à Livourne, était alors sans ombre, et on ne pouvait y aller qu’au soleil couchant, à l’heure où la brise de mer soufflait la fraîcheur humide des flots sur la plage. […] Tu dis au soleil d’éclore, Et le jour ruisselle encore ! […] En quittant Pise et ses monuments de marbre blanc étincelant sous son ciel bleu, qui font de cette ville un musée en plein soleil, on s’enfonce dans des gorges fertiles, où l’olivier, le figuier, le grenadier, le maïs oriental, le peuplier, l’if poudreux, la vigne grimpante, inondent la campagne de végétation. […] Mon mari taillait les chalumeaux, creusés et percés de dix trous, autant que de doigts dans les mains, avec une embouchure pour le souffle ; il choisissait, pour ces hautbois attachés à l’outre de peau de chevreau, des racines de buis bien saines et bien séchées pendant trois étés au soleil. […] Le bon air fin des collines ne fit que donner plus de force au poison qui était entré dans ses veines avec les rayons du soleil des Maremmes.

36. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

qu’ils sont beaux ces bruits de la nature, ces bruits répandus dans les airs, qui se lèvent avec le soleil et le suivent, qui suivent le soleil comme un grand concert suit un roi ! […] Notre caravane est partie de Nevers lundi à midi, l’heure où il fait bon marcher au soleil d’avril, le plus doux, le plus resplendissant. […] que le soleil a de vie ! […] Tout était vert, frais, doré de soleil, admirable à voir. […] Quatre pas dehors, une course au soleil à travers champs ou dans les bois, me laissait beaucoup à dire.

37. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Le soleil était si ardent, que l’ombre légère de ces arbres sans feuillages faisait déjà du bien. […] — Oui, et un morceau du côté opposé au soleil. […] Quant à l’exposition, il leur faut un endroit tel qu’ils puissent recevoir de tous les côtés lumière, soleil, pluie et vent. […] Les lueurs matinales du soleil d’automne le plus pur rendaient splendide le coup d’œil dont on jouissait à cette place. […] Le soleil resplendissait gaiement tout alentour, et c’était là que, dans les beaux jours d’été, nous improvisions nos farces.

38. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 17, de l’étenduë des climats plus propres aux arts et aux sciences que les autres. Des changemens qui surviennent dans ces climats » pp. 290-294

Memphis, ajoutera-t-on est plus près du soleil que Paris de dix-huit dégrez, et cependant les arts et les sciences ont fleuri dans ces deux villes. […] Depuis un temps les eaux de vie simples et composées, le tabac, le caffé, le chocolat et d’autres denrées qui ne croissent que sous le soleil le plus ardent, sont en usage, même parmi le bas peuple, en Hollande, en Angleterre, en Pologne, en Allemagne et dans le nord. […] L’usage frequent et habituel des denrées des païs chauds rapproche donc, pour ainsi dire, le soleil des païs du nord, et il doit mettre dans le sang et dans l’imagination des habitans de ces païs une vigueur et une délicatesse que n’avoient pas les ayeux, dont la simplicité se contentoit des productions de la terre qui les avoit vû naître.

39. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Le sourire d’une jeune fille parée, un éclair de soleil sur une mer violente ou sur une touffe de roses jette tout d’un coup dans les âmes passionnées ces illuminations subites. […] On le suit parmi les carrefours bruyants, le long du brouillard jaunâtre, sous le soleil morne qui se lève au-dessus de la rivière comme un boulet rouge, et on écoute, le cœur serré, les profonds sanglots, l’agitation insensée d’une âme qui veut et ne peut s’arracher à ses souvenirs. […] Comme elle étincelle, et comme elle regorge de fleurs champêtres lustrées par le soleil ! […] Nous revenons à la maison, et avant d’entrer je regarde la perspective ; décidément ils ont le sentiment de la campagne ; comme on sera bien, à cette grande fenêtre du parloir, pour contempler le soleil couchant et le large treillis d’or qu’il étale à travers la futaie ! […] ce sont elles qui en cet instant ont ramassé dans ce cœur meurtri toutes les magnificences de la nature et de l’histoire pour les faire jaillir en gerbe étincelante et reluire sous le plus ardent soleil de poésie qui fut jamais !

40. (1894) Textes critiques

Desséchés sous le soleil désert, Judas vient d’embrasser le Christ de ses lèvres cuites et noires. […] De tapisserie aussi, un Iker. — Des Ranft ; d’Osbert la déjà connue Femme au Soleil et quatre panneaux derrière la vitre de la rosée. […] Comme en Avant le lever du soleil, « drame social ». […] Des soleils couchants y brûlent d’une mèche neuve. […] La Fileuse soupèse le chanvre de son cœur, sous le dépècement des griffes du soleil.

41. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Ici cinq ou six vers resplendissants de la douce sérénité du premier matin qui éclaira le premier homme quand le soleil monta escorté des étoiles qui l’accompagnèrent, grâce au mouvement imprimé par l’amour divin à ces beaux luminaires. […] ” « Mais ni je ne pleurai, ni je ne répondis pendant toute cette journée et pendant toute la nuit d’après, jusqu’au moment où l’autre soleil se leva de nouveau sur l’horizon. […] « Les trois sages s’étendent pour dormir au coucher du soleil sur les gradins de la montagne. […] Cette fois, c’est Béatrice qui vole devant lui ; elle fixait la lumière des soleils, et lui regardait cette lumière en elle. […] Des soleils y chantent, des roues y argumentent, les chefs des ordres monastiques y défilent devant le poète ; le pape et les cardinaux y sont injuriés comme des déserteurs de cette crèche de Nazareth où l’ange de Dieu replia ses ailes.

42. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

La rosée abondante ou la pluie de la nuit dernière se dissipe bien vite aux rayons ardents d’un soleil qui se lève en plein orient et monte rapidement au zénith. […] La brise de mer, qui s’est levée vers dix heures et qui a fraîchi à mesure que le soleil devenait plus fort, tombe et meurt. […] Tout à coup l’horizon entier se couvre de ténèbres qui montent et finissent par obscurcir le soleil. […] Le soleil luit entre mille nuages, les soldats et les matelots remontent un à un sur le pont. […] Leurs maisons disparaissent derrière les balustrades et l’ombre de cette montagne de pierre qui prend racine à leur pied, sans pour cela leur cacher le soleil.

43. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Leurs jeux et leurs rires sur le seuil de la cabane, les jours de fête, en revenant de la messe des Ermites aux Camaldules du couvent, faisaient la gaieté de la semaine ; les feuilles des bois en tremblaient d’aise, et le soleil en luisait et en chauffait mieux sur l’herbe au pied du châtaignier. […] — A-t-elle les cheveux comme la peau de châtaigne sortant de la coque, avant que le soleil l’ait brunie sur le toit ? […] Les derniers sons de la cloche d’argent des ermites résonnaient encore, comme une gaieté des anges, à travers les branches du châtaignier ; le soleil d’automne éblouissait dans les feuilles jaunes ; les châtaignes, presque mûres, tombaient une à une, avec les feuilles d’or, sur l’herbe court tondue par les brebis ; on entendait la cascade pleuvoir allègrement dans le bassin, et les merles siffler de joie en se frôlant les ailes et en se rappelant dans les lauriers. […] Eh bien, après, nos murs seront nus contre le soleil et la pluie, il n’y aura pas d’ombre sur la porte, les oiseaux et les lézards s’en iront chercher leur plaisir ailleurs. […] Hyeronimo devenait le plus bel adolescent de toute la plaine de Lucques ; quant à Fior d’Aliza, la force de la jeunesse est telle qu’elle florissait d’autant mieux sous nos larmes qu’elle avait plus de peine, comme ces herbes du bord de la cascade, qui sont d’autant plus riches et d’autant plus rouges qu’elles sont plus souvent mouillées par l’écume et resséchées par le rayon de soleil.

44. (1899) Arabesques pp. 1-223

Et, parfois, un peu de soleil descend illuminer le fleuve de bourbe et d’or qui nous emporte. […] Reprends-toi ; retourne vivre au soleil. […] Alors il frémit d’allégresse s’il fait du soleil, il éclate en sanglots si le temps se met à la pluie […] Le soleil semble content d’épandre sa chaleur sur les arbres immobiles et sur la route poudroyante. […] Perdus dans la nuit, ils parlent du soleil qui leur illumine l’âme.

45. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Dieu a dessiné : son soleil colore. […] X Mais alors ces beaux arbres existaient encore ; et, quand le soleil de midi repliait l’ombre perpendiculaire sur leur racine, c’est là que nous nous abritions du soleil pendant les heures brillantes de la journée. […] Laprade, désormais fils et frère de la maison, s’assit avec nous ; et la conversation familière continua, tant que le soleil nous fit rechercher l’ombre, comme si un convive seulement de plus était venu serrer les rangs autour de la table. […] La terre est vierge encor, mais déjà dévoilée, Et sourit au soleil sous la brume envolée. […] Nous retînmes des pages entières, qui résonnent dans notre mémoire comme les marbres de Memphis sous le rayon du soleil d’Égypte.

46. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’est la loi du pays, c’est de ce qu’ils appellent la spécialité : retire-toi de notre soleil, chante quand il faut parler, cache-toi quand il faut combattre, et fais l’amour en cheveux blancs !  […] J’ai été bien souvent témoin, dans les couvées de rossignols ou de fauvettes, de cet apprentissage mélodieux des petits, qui gazouillent à la sourdine le matin ce que les mères chantent à grande voix dans le plein soleil. […] Ils savent que je suis à l’étude avant le soleil : ils cherchent à me voir sans être vus. […] À l’appel du soleil on se lève soudain ; Le corps prend sa fraîcheur, l’âme son innocence, Dans cet air transparent et vierge du jardin. […] Je passai une main dans mes cheveux, soulevés par l’inspiration, pour présenter un front décent à l’étrangère, et je jetai ma plume fatiguée sur le guéridon qui portait, à côté de moi, le monceau de pages écrites à la lampe et au soleil levant depuis cinq heures du matin.

47. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

« Un jour, c’était un dimanche, le soleil luisait avec cet éclat et cette chaleur de printemps qui épanouissent la nature et toutes les âmes vivantes. […] Jusqu’à ce que ce soleil du cœur se lève, tout est ténèbre et par conséquent tout est froid. […] Pourquoi dans les bosquets cette voix qui soupire, Et du soleil d’avril ces rayons caressants ? […] Les physiciens qui sont parvenus aux plus grandes hauteurs de l’atmosphère, rapportent qu’ils ont vu le soleil sans rayons, dépouillé, rouge et fauve, et partout des ténèbres autour d’eux. […] Mettez votre confiance en Dieu ; c’est ce que j’ai fait, moi, poète de cabaret et de mauvais lieux, et un tout petit rayon de soleil est tombé sur mon fumier.

48. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

III Je voudrais rencontrer une brute, un être primitif et sensitif frissonnant aux frissons de la forêt, rêveur à cause du murmure des roseaux frôlés par le vent aux rives des fleuves, illuminé d’un doux rire puéril aux querelles des oiseaux, heureux par la pureté du soleil qui se lève et surtout épris, sans le savoir, de quelque Ève apparue un soir de printemps, au lointain bleu d’une allée, enfuie depuis, Dieu sait vers quels saules. […] Là, si tes geôliers s’aperçoivent, par hasard, de la chanson florale que firent éclore en toi la forêt et les fleuves, les oiseaux et le soleil, et cette femme enfuie, ils te tireront quelquefois des ténèbres ; ils te revêtiront d’oripeaux bariolés et tu chanteras pour les divertir. […] Et ils s’écrient : Le soleil s’est couché derrière l’Institut. […] Sache qu’il est, ce rythme, changeant et multiforme, qu’aujourd’hui il veut chanter la mélopée de la forêt frémissante ou la cantilène des roseaux penchés aux rives des fleuves, que demain il sera l’ode d’amour parce que l’Ève revenue aura noué autour de ton cou ses bras frais comme des fleurs et sinueux comme des serpents ou bien l’hymne reconnaissant quand le pur baiser du soleil naissant lavera ton front des terreurs nocturnes.

49. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Il est impossible que l’idée de soleil n’entre pas dans le nom de la grande fleur jaune appelée tournesol ; elle ressemble exactement aux faces du soleil dans les vieilles gravures et, de plus, elle se tourne sensiblement vers l’astre qu’elle semble suivre avec inquiétude : ses deux noms français, tournesol et soleil 173, traduisent cette double impression. […] Les langues sémitiques ont des expressions pareilles : en arabe chems, soleil, et echchems, tournesol. […] Un dialecte suédois et l’islandais appellent le bouton d’or fleur du soleil (solœga et soley) : c’est encore l’idée d’or ou de couleur jaune. […] En somme, trois fleurs : le souci, la verrucaire, le soleil, pour leur donner les seuls noms qu’elles puissent porter en français. […] Et aussi solblomister (fleur soleil).

50. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

L’aigle de la montagne un jour dit au soleil : « Pourquoi luire plus bas que ce sommet vermeil ? […]  » La mousse imperceptible est indigne de toi…  » — Oiseau, dit le soleil, viens et monte avec moi ! […] dit le soleil, tu vois, oiseau superbe   » Si pour moi la montagne est plus haute que l’herbe. […] Je suis très grand, mes pieds sont sur les nations… J’élève mes regards, votre esprit me visite, La terre alors chancelle et le soleil hésite ; Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux. […] Est lui-même un milieu pour des mondes pareils, Ayant ainsi que nous leur lune et leurs soleils, Et voyant comme nous des firmaments sans terme S’élargir devant Dieu sans que rien le renferme !

51. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Aussi chacun répond-il au voisin : “Il pleut des louis”, en sachant ce qu’un rayon de soleil, ce qu’une pluie opportune lui en apporte. […] La ville de Saumur présuma donc la valeur des économies d’après les revenus des biens au soleil. […] Pour une fille des champs qui dans sa jeunesse n’avait récolté que de mauvais traitements, pour une pauvresse recueillie par charité, le rire équivoque du père Grandet était un vrai rayon de soleil. […] Mille pensées confuses naissaient dans son âme et y croissaient à mesure que croissaient au dehors les rayons du soleil. […] Elle se mit à marcher à pas précipités, en s’étonnant de respirer un air plus pur, de sentir les rayons du soleil plus vivifiants, et d’y puiser une chaleur morale, une vie nouvelle.

52. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Il ronge pendant quelques évolutions de soleil l’épiderme du petit globe auquel il est attaché, puis il y rentre pour féconder cet épiderme de sa poussière. […] « C’est lui que le ciel et la terre, soutenus par son esprit, frémissent du désir de voir, quand le soleil dans sa splendeur surgit à l’orient : à quel autre Dieu offrirons-nous l’holocauste ? […] Les rayons presque horizontaux du soleil glissaient sur mon lit ; les hirondelles entraient avec eux, et battaient joyeusement les vitres de leurs ailes. […] Je me jurai à moi-même de ne jamais retrancher par caprice une heure de soleil à ces hôtes des bois ou à ces oiseaux du ciel qui savourent comme nous la courte joie de la lumière, et la conscience plus ou moins vague de l’existence sous le même rayon. […] Je suis la clarté du soleil, et je suis la pluie.

53. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Voilà la lune qui se baigne déjà à moitié dans la mer de Pise, pour laisser place au soleil ; tu n’as plus qu’une demi-heure de nuit pour monter invisible, à travers les bois, aux Camaldules. […] Nous nous regardions quelquefois ainsi par badinage jusqu’à ce que l’eau du cœur nous montât de fatigue dans les yeux ; mais cette eau était aussi pure que celle de la grotte au soleil. […] à ce que j’allais faire, toute seule ainsi et toute perdue, dans les rues de la grande ville, d’où j’entendais déjà les cloches et les bruits formidables monter dans l’air avec le soleil du matin. […] C’était l’heure de midi : personne ne passait en ce moment sur la route, à cause du grand soleil et de la grande poussière. […] disaient-ils, ça donne envie de pleurer au commencement, et ça fait presque rire à la fin ; c’est un air d’enfants qui ne peuvent pas tenir leur sérieux jusqu’au bout, mais dont le sourire se mêle aux larmes comme le rayon de soleil à la pluie du matin.

54. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

L’homme avait fait descendre le soleil sur la terre, il était maître de la chaleur et de la lumière. […] L’homme le voyait resplendir dans le soleil, darder et serpenter dans l’éclair, éclater dans les éruptions volcaniques et les incendies spontanés des bois ; il le sentait circuler en ondes invisibles dans l’atmosphère des jours brûlants. […] Chez Hésiode, comme dans le Rig-Véda, le Soleil et l’Air, le Feu et l’Eau, la Foudre et les Vents transparaissent sous les noms sacrés qui les désignent, sans les personnifier tout à fait. […] D’après eux, les mortels ne possédaient pas le feu avant le Titan ; c’est lui qui le ravit au soleil et leur en fit don. […] Chaque année pourtant, une fête superbe, — les Lampada-vhories, — réveillait glorieusement sa mémoire, en imitant la fuite du larron sublime, après qu’il eut volé le soleil.

55. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Le soleil s’est montré pour la première fois depuis bien longtemps dans toute sa beauté. […] Ce grand voile sombre et flottant laissait parfois des défauts par où se glissait un rayon de soleil qui descendait comme un éclair dans le sein de la forêt. […] Le 20. — L’hiver s’en va en souriant ; il nous fait ses adieux par un beau soleil resplendissant dans un ciel pur et uni comme une glace de Venise. […] Leurs groupes divers se tiennent immobiles sous le soleil comme les troupeaux de moutons dans les pâturages, quand il fait grand chaud. […] En m’asseyant au soleil pour me pénétrer jusqu’à la moelle du divin printemps, j’ai ressenti quelques-unes de mes impressions d’enfance : un moment, j’ai considéré le ciel avec ses nuages, la terre avec ses bois, ses chants, ses bourdonnements, comme je faisais alors.

56. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Combien de fois, il y a près de quarante ans, ne l’ai-je pas rencontré dans la plaine de Vanves (il passait alors les étés à Issy) tenant un livre à la main et lisant sous le soleil ! […] Promeneur amusé de Munich à Vienne, de Vienne à Venise, de Venise à Milan, et se reprochant les agréments mêmes du séjour, un certain charme de sociabilité qu’il rencontrait d’autant mieux chez les autres qu’il le portait avec lui, il écrivait encore : « Dans le voyage de la vie, il ne faut pas trop s’approcher aux stations de passage où l’on ne peut pas compter de retourner, parce qu’après tout, et avant tout, il faut compter sur le poste final de la famille et des vieux amis, où nous attendent le dernier banc au soleil ou à l’ombre, et nos derniers tisons. » Il a eu son dernier banc au soleil. […] L’année n’a que douze mois, et je vais entendre sonner un lourd decennium (la soixantaine) au revers de quelque montagne, sous les rayons d’un soleil trop ardent pour ma pauvre tête chenue. […] Et il en avait fait lui-même une paraphrase en vers : Passant, quand le soleil brille à ce méridien, Contemple le temps vrai, mais n’en fais point usage ; Le bon sens et la loi suivent le temps moyen.

57. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Si notre soleil, en décrivant son orbite, venait à croiser l’orbite d’une autre étoile, dans l’instant très court où les deux astres s’approcheraient l’un de l’autre, notre terre jouirait momentanément de la chaleur et de la lumière de deux soleils très inégalement distants, ce qui pourrait causer, non pas une diminution de chaleur, mais, au contraire, une augmentation considérable, très passagère. […] Il suppose que des nuages cosmiques ont pu à certaines époques passer entre la terre et le soleil, et intercepter les rayons de cet astre. […] Mais passons et admettons que les évanouissements traditionnels du soleil pendant quelques heures aient un fondement vrai, et que l’interposition d’un nuage cosmique circulant à la façon des comètes entre la terre et le soleil en rendrait compte, ce qui nous paraît loin d’être vrai, mais ce que nous n’avons pas le temps de discuter ici. […] Babinet, pour les besoins de son hypothèse, suppose tournant entre la terre et le soleil devrait y tourner encore avec la même vitesse et dans la même direction. […] A-t-elle été peu à peu absorbée par le soleil ?

58. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

« Y en a-t-il une où les hivers soient plus attiédis, où des vents plus doux ou plus frais tour à tour tempèrent mieux les ardeurs de la canicule et l’âpre morsure du lion, quand il reçoit perpendiculairement les brûlures d’un soleil vertical ? […] Le soleil en naissant regarde d’abord le versant de la droite ; à gauche l’astre fugitif abaisse son char derrière leurs pentes vaporeuses. […] Ces vers sont adressés, par badinage, à son recueil de vers lyriques : « Quand un tiède soleil d’été vous fera lire à loisir, devant un cercle nombreux d’auditeurs, vous direz, ô mon livre ! […] Vous direz de plus, si on vous interroge, que j’étais un homme de petite taille, chauve avant l’âge, très amoureux des rayons du soleil, prompt à m’irriter, plus prompt à m’adoucir ; et si quelqu’un veut savoir mon âge, vous direz que je comptais quatre fois dix ans, surchargés de quatre ans, l’année où Lollius eut pour collègue au consulat Lépide. » « Le soleil n’est pas encore levé, ajoute-t-il dans l’épître à Auguste, que je suis debout, demandant mes tablettes, mes roseaux pour écrire, et mes portefeuilles ! […] Bientôt on arrive à Anxur (aujourd’hui Terracine), assise sur ses rochers éblouissants. » (Ils sont jaunis et dorés aujourd’hui par tant de soleils de plus.)

59. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Ces deux hommes se ressemblaient étonnamment de figure et de caractère ; tous les deux portaient sur une taille haute et mince une tête noble, pâle, gracieuse, pensive, loyale et fine, beaucoup plus grecque de contours et de traits que romaine ou vénitienne ; ils étaient du même âge à l’œil, de cet âge heureux pour les hommes d’État et pour les artistes, où le soleil de la vie n’éclaire plus que le sommet (le front) comme à cette heure de la soirée où le soleil du jour n’éclaire plus que les cimes. […] « Les flèches des cathédrales déchirent les nuages et s’avancent dans l’air au-devant du soleil. […] Tout à coup, à travers une de ces déchirures de la brume, j’aperçus comme au-dessus d’un vaste piédestal de nuées, entre ciel et terre, un édifice carré de marbre blanc sur lequel le soleil de l’Attique se répercutait éblouissant, mais mat comme le soleil d’une autre terre ; il laissait lire sans éblouissement les lignes nettes, pures, rectangles de l’édifice ; on aurait compté les colonnes et recomposé les figures et les groupes des frontons. […] — Qu’est-ce que ce cap de marbre sur lequel viennent écumer et bleuir là-bas les rayons du soleil et l’azur du ciel ? […] Leurs flancs sont dorés de cette croûte de soleil que les siècles étendent sur le marbre ; leurs brisures sont blanches comme l’ivoire travaillé d’hier.

60. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boudias, Gaston »

. — Soleils éteints (1893). […] Charles Fuster Dans ce recueil de débuts (Soleils éteints) « couronné par l’Académie de Bordeaux », nous trouvons des évocations à la Leconte de Lisle, et aussi des morceaux au souffle, à l’accent shakespearien, comme Fortune.

61. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lepelletier, Edmond Adolphe de Bouhelier (1846-1913) »

Lepelletier, Edmond Adolphe de Bouhelier (1846-1913) [Bibliographie] Soleils noirs et Soleils roses (1887).

62. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Les envieux dont parle Brucker, « qui mettent dans le soleil les taches qu’ils ont dans les yeux », mirent leurs taches dans le soleil de Saint-Victor, mais il n’en continua pas moins d’aller son train, dans sa pureté de soleil ! […] Le soleil, rutilant, fourmillant et dardant qu’il a toujours été, dans tous les écrits sortis de sa plume, vient donc de toucher au point culminant de son zénith et il peut s’y maintenir longtemps.

63. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Les hôtes eux-mêmes se réunissaient et se rencontraient peu dans la maison et dans les jardins, excepté à l’heure du dîner et après la sieste, qui se prolongeait jusqu’au penchant du soleil sur l’horizon de l’Adriatique. […] On redescendait alors pour se rencontrer sur les terrasses, et pour commencer nonchalamment une seconde matinée, jusqu’à l’heure où le soleil touchait presque à la mer, où la première rosée du soir mouillait l’herbe, et où l’on annonçait que la calèche était attelée pour la promenade du soir, aussi régulière que le coucher du soleil. […] « Voilà que, tout auprès, elle aperçoit une belle touffe de broussailles, d’épines en fleurs et de vermeils églantiers, qui se mire comme dans un miroir dans cette eau courante, et que des chênes touffus et élevés garantissent des rayons du soleil. […] Un éclair de plaisanterie légère brille encore sans doute à travers ces larmes, comme un rayon de soleil sur la pointe de ces herbes mouillées par l’écume de ce jet d’eau ; mais, toutes brillantes que soient ces gouttes, ce sont des larmes. […] Le soleil baisse, le livre nous a fait oublier l’heure de la promenade en voiture ; notre esprit s’est promené sur des sites et sur des scènes plus enchantés encore que ceux de ces belles collines et de cette belle mer.

64. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un soldat vaincu brise ses javelots. […] Le soleil le sait bien, qu’il n’est sous sa lumière Qu’une immortalité, celle de la matière. […] Ô terre, à ton soleil qui donc t’a fiancée ? […] La plus faible de vous, quand Dieu vous a créées, A voulu traverser les plaines éthérées, Pour chercher le soleil, son immortel amant. […] Quand Rolla sur les toits vit le soleil paraître, Il alla s’appuyer au bord de la fenêtre.

65. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ce n’est pas du côté du soleil que l’éclipse fait l’ombre. […] Ils pensent comme les soleils rayonnent, avec l’abîme autour d’eux pour condition. […] Ils sont Michel-Ange maniant des colosses ; ils sont Rembrandt peignant avec une palette toute barbouillée de rayons de soleil ; ils sont Dante, Rabelais et Shakespeare, excessifs. […] L’aurore elle-même nous semble parfois immodérée ; qui la regarde en face, souffre ; l’œil, à de certains moments, pense beaucoup de mal du soleil. […] un chaud soleil, une ombre tiède et fraîche, une vague exsudation de parfums sur les pelouses, on ne sait quel mois de mai perpétuel blotti dans les précipices.

66. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — I. Takisé, Le taureau de la vieille »

. — Sartyi, répondit la vieille, je veux bien te la donner comme épouse mais que jamais elle ne sorte au « soleil ou ne s’approche du feu, car elle fondrait « aussitôt comme de la graisse. » Le sartyi promit à la vieille que jamais Takisé ne sortirait aux heures de soleil et que jamais non plus elle ne s’occuperait de cuisine. […] Si tu ne nous fais de suite griller « ces graines de sésame, nous allons te tuer « et nous jetterons ton corps dans la fosse « des cabinets. » Takisé, effrayée par cette menace, s’approche du feu pour faire griller les graines de sésame dans un canari, et, à mesure qu’elle en surveillait la torréfaction, son corps fondait comme beurre au soleil et se transformait en une graisse fluide qui donna naissance à un grand fleuve.

67. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  C’était l’heure de midi, l’heure où le Muézin épie le soleil sur la plus haute galerie du minaret, et chante l’heure et la prière à toutes les heures. […] Mes Arabes avaient donné l’orge dans le sac de poil de chèvre à mes chevaux attachés çà et là autour de ma tente ; les pieds enchaînés à des anneaux de fer, ces beaux et doux animaux étaient immobiles ; leur tête penchée et ombragée par leur longue crinière éparse, leur poil gris luisant et fumant sous les rayons d’un soleil de plomb. […] À la fin d’une journée de route pénible et longue, à l’horizon encore éloigné devant nous sur les derniers degrés des montagnes noires de l’Anti-Liban, un groupe immense de ruines jaunes, dorées par le soleil couchant, se détachaient de l’ombre des montagnes et répercutaient les rayons du soir ! […] On n’apercevait que la porte surmontée d’une ogive vide où pendait la cloche, et quelques petites terrasses taillées sous la voûte même du roc où les moines vieux et infirmes venaient respirer l’air et voir un peu de soleil, partout où le pied de l’homme pouvait atteindre. […] Mais bientôt le soleil tomba, les travaux du jour cessèrent, et toutes les figures noires répandues dans la vallée rentrèrent dans les grottes ou dans les monastères.

68. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Dans son jardin, aimé des vents et des arômes, Où mûrissent, au feu des soleils automnaux La figue liquoreuse et les citrons royaux, Béatrice de Manissès vit loin des hommes. […] Paul Hubert (Verbes Mauves, Aux Tournants de la Route), a la vision des garrigues en flamme et des vignobles d’or sous le soleil de midi, sous le poudroiement du crépuscule. […] Et voici qu’en buvant, le soir, nos vins vermeils Nous croirons retrouver les beaux, les vieux soleils Qui luisaient aux coteaux ardents de la jeunesse… — Et nous nous sentirons envahis d’une ivresse Triste et joyeuse au souvenir des vieux soleils ! […] Son fatalisme orgueilleux, l’étrange et mystérieuse sensualité de ses strophes noyées d’ombre et de soleil, saisissent d’une émotion presque physique. […] Là, contre la maison, s’allonge le soleil.

69. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Quels orages Ce soleil chauffait-il derrière les nuages ? […] ………………………………………………… ………………………………………………… De retour à Paris après sept ans, je crois, De soleils de Toscane ou d’ombre sous tes bois. […] Et de là nous viendront tes dernières moissons, Peinture, hymne, lumière immensément versée, Comme un soleil couchant ou comme une Odyssée ! […] Le Poëte y survit, si l’Âme le mérite ; Le Génie au sommet n’entre pas au tombeau, Et son soleil qui penche est encor le plus beau ! […] On conçoit mieux ici la mélancolie de Virgile dans cette atmosphère brumeuse et douce, dans cette campagne monotone, sous ce soleil fréquemment voilé.”

70. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

» 5 juillet À Croissy. — Un oiseau qui chante par intermittences et de petites notes d’harmonie claire tombant, comme goutte à goutte, de son bec ; l’herbe pleine de fleurs et de bourdons au dos doré, et de papillons blancs et de papillons bruns ; — les hautes tiges hochant la tête sous la brise qui les courbe ; — des rayons de soleil allongés et couchés en travers du dessous de bois ; — un lierre qui enserre un chêne, pareil aux ficelles de Lilliput autour de Gulliver, et entre ses feuilles du ciel blanc, que l’on voit comme à travers des piqûres d’épingles ; — cinq coups de cloche, apportant au-dessus du fourré, l’heure des hommes et la laissant tomber sur la terre verte de mousse ; — dans la feuillée bavarde, des cris d’oiseaux, des moucherons volant et sifflant tout autour de moi ; — le bois plein d’une âme murmurante et bourdonnante ; — le ciel mollement éclairé d’un soleil dormant… Et tout cela m’ennuie comme une description. […] 22 juillet Été chez Gavarni qui nous montre de merveilleuses aquarelles, balafrées de clarté, de soleil, de vie, avec des roses, des jaunes, des bleus d’un lavage inimitable, et avec des figures prodigieusement pochées dans leur savante construction, — des dessins sur papier Wathman, auquel il donne un ton de chine, en l’exposant dans une chambre où l’on fume. […] À gauche une grande avenue, et sur les bancs qui touchent à l’avenue et qui sont sur le bord du soleil, des têtes à l’ombre, et des dos ronds faisant le gros dos, que la chaleur réchauffe, que l’ensoleillement frictionne. […] Asselineau s’étirant sous un rayon de soleil qui lui chatouille la figure : — À la campagne, à la campagne, je n’ai pas le sou ! […] Et en ce meurt-de-faim, exténué d’imaginations peureuses : la terreur de la police de l’Empereur qui en veut à son existence, à son talent, à ses amours, qui l’a empêché d’être le mari d’une petite actrice entrevue au soleil des quinquets, et qui a empoisonné son amoureuse avec des mouches cantharides — son poison redouté, — et qui l’a enterré dans son jardin qu’il retourne, sans cesse, pour retrouver son cadavre.

71. (1896) Le livre des masques

Le soleil meurt, la foule imaginaire est morte Mais le monde subsiste en ta seule âme : vois ! […] Au lever du soleil la galère remit à la voile : Pierre Quillard partait pour des pays lointains. […] « C’est après avoir traversé une plaine brûlée du soleil que je les rencontre. […] A lui tout seul il travaille comme une ruche, et au moindre soleil les idées abeilles sortent tumultueuses et se dispersent vers les vastes campagnes de la vie. […] Les cloches de la vallée sonnent la fin d’un sort, Et l’on voit luire des pelles au soleil du matin.

72. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

La poésie, c’est de la sensualité transposée en éréthisme mental : cela devient l’amour de la vie, du soleil, des odeurs, des violences, des douleurs, des joies et des rêves. […] Mais mon rêve est empli d’air, d’ombre, de soleil. […] Son œuvre, où s’exprime jusqu’au délire l’amour de la vie et du soleil, est cette atmosphère lumineuse, elle-même extériorisée, de l’âme du poète. […] Enfin, c’est l’enivrement du soleil d’Afrique, de la vie au grand air. […] Parfois, la prière qu’elle adresse au soleil se fait mystique et semble se souvenir, s’inspirer de réminiscences religieuses.

73. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

le soleil les éclaire encore… Si je cueille à la dérobée un instant de bonheur, il est troublé par la mémoire de ces jours de séduction, d’enchantement et de délire. […] Sa journée avait ses heures et ses stations marquées comme les signes où se pose le Soleil. […] Le soleil se levait plus beau ; il remettait la fleur à sa boutonnière, sortait par la porte de derrière de son enclos, et retrouvait joie, liberté, insouciance, coquetterie, désir de conquête, certitude de vaincre, de une heure jusqu’à six heures du soir. […] Son ennui, son indifférence ont de la grandeur ; son génie se montre encore tout entier dans cet ennui ; il m’a fait l’effet des aigles que je voyais le matin au Jardin des plantes, les yeux fixés sur le soleil, et battant de grandes ailes que leur cage ne peut contenir. En les quittant, je trouvais Chateaubriand assis devant sa fenêtre, regardant le soleil, ne pouvant marcher, et ne se plaignant qu’à peine et doucement de son esclavage… J’ai dit les défauts, je n’ai pas voulu taire le charme.

74. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 178-179

Arrêtez, mon soleil, dit encore un Amant à sa Maîtresse, dans une autre Piece du même Auteur : la Maîtresse répond : Si je suis un Soleil, je dois aller toujours.

75. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Le monument de la cité libre, les pieds dans l’ombre, rayonne en haut d’un soleil qui fait aveuglant l’horloge. […] Et en cette absence de vie humaine, les fleurs éclatantes et les coins de jardins fleuris et tout gais sous le soleil, font un contraste étrange. […] Le soleil d’un dimanche a tout emporté, et Paris, en gaieté et en joie, se presse à toutes ses portes, dans un Longchamps étourdi. […] Et à travers les jours et les manques du travail non fini, dans la trajectoire des obus français, un admirable coucher de soleil. […] La curiosité dépitée se rabat sur le Bourget, éclairé d’un pâle rayon de soleil, sur des feux prussiens, sur un casque allemand, qu’on croit voir luire.

76. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Un rayon de soleil, tombant dans une larme, empêche parfois de voir et fait tout scintiller. […] Mais rien ne nous a plus touché, comme grandeur, élévation et bénédiction au sein de l’amertume, que l’hymne que voici : AU SOLEIL. […] quand l’Italie et son soleil n’auraient valu à la chère famille errante que cette fleur sombre au parfum profond, tant de douleur ne serait pas perdue !

77. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Il répondra qu’il n’en sait rien, que c’est une idée qui lui a pris ; et qui lui a pris d’une façon assez ridicule, l’été passe, en allant voir coucher le soleil. […] Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?

78. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

C’est ainsi que le lotus trahit le précieux trésor que renferme son sein, lorsqu’il l’entrouvre au lever de l’aurore pour recevoir les rayons du soleil. […] Dans son enfance il voulut courir après le soleil, comme un enfant court après une boule pour la saisir ; il prit son élan, tomba, et sa chute le rendit difforme. […] Te souvient-il, ô mon amour, de notre humble et fortunée cabane sur le bord du torrent qui brille là aux rayons du soleil à travers les branches ? […] Comme il arrache les larges feuilles de la plante humide, et l’élève au-dessus de sa tête pour la garantir des ardeurs du soleil !  […] Ô Terre, déesse toute-puissante, et toi, brillant Soleil, dieu de ma race, sages et saints, qui deviez la protéger, cruels, pourquoi avez-vous abandonné Sita à son destin ?

79. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Cette caresse du jour au mélancolique visage du sanctuaire d’antan, cette alliance des pierres vénérables et du soleil toujours vivant, ont captivé tout son être épanoui dans la vision. […] La réalité était là devant lui, en l’absence absolue de toute équivoque : il la vit et l’interpréta. « Le monument, grand témoin du soleil, a écrit M.  […] D’une part, la cathédrale est vue sous l’angle de la Divinité, d’autre part sous l’angle du soleil, car pour l’un, le soleil mystique c’est Dieu, pour l’autre, le dieu réel c’est le soleil, dispensateur de la vie.

80. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Peyrefort, Émile »

Peyrefort peint des couchers du soleil, et surtout des couchers de soleil sur la nier.

81. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Une anxiété sourde et continue travaillait ma pensée ; je n’étais bien à aucune place ; ce ciel serein, ce beau soleil, cette mer éblouissante, ces collines élyséennes, le bruit de vie et de joie perpétuelle de ce peuple d’enfants, d’amoureux, de musiciens, de poètes, fourmillant sur les plages de cette côte, après m’avoir tant charmé autrefois, m’étaient devenus presque fastidieux alors. […] C’était le soir ; le soleil, roulant autour de son disque rouge quelques brumes sanglantes comme les vapeurs de pourpre de ces champs de bataille évaporées dans ses rayons, se précipitait dans la mer étincelante. […] Création, théogonie, histoire, vie et mort, phases primitives, successives et définitives de l’esprit, destinée de tous les êtres animés, de l’âme humaine d’abord, puis de celle de l’insecte, puis de celle des soleils, puis de celle de ces myriades d’esprits invisibles, mais évidents, qui comblent le vide entre Dieu et le néant, qui pullulent dans ses rayons, et qui sont, je n’en doute pas, aussi divers et aussi multipliés que les atomes flottants qui nous apparaissent dans un rayonnement de soleil ; je crus tout comprendre ; et, en effet, je compris tout ce que Dieu permet de comprendre à une de ses plus infimes intelligences. […] Ses dogmes ruisselaient d’onction, comme les soleils d’Orient ruissellent le matin et le soir de rosée. […] Lacordaire, son ami, dans un récit véritablement virgilien de sa mort, il ôta son chapeau pour saluer le soleil et le firmament.

82. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Il sourit dans la barbe du masque Et son pas plus hâtif fait reluire au soleil Les deux antennes d’or qui tremblent sur son casque. […] Il y a d’abord les sonnets de pure description : quelques paysages de Bretagne, le sonnet japonais que je rappelais tout à l’heure, ou encore cet admirable Récif de corail que je ne puis me tenir de citer : Le soleil, sous la mer, mystérieuse aurore, Éclaire la forêt des coraux abyssins Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins, La bête épanouie et la vivante flore. […] Comme ceux qui jadis prirent Constantinople, Il porte en bon croisé, qu’il soit George ou Michel, Le soleil, besant d’or, sur la mer de sinople. […] Alors, formidable, enflammée D’un haut pressentiment, tout entière, l’armée, Brandissant ses drapeaux sur l’occident vermeil, Salua d’un grand cri la chute du Soleil.

83. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

D’autres étendront davantage leurs lumières et leurs ombres ; mais ils retombent sans cesse dans la même distribution, leur soleil est immobile. […] Mais le soleil de l’art n’étant pas le même que le soleil de la nature ; la lumière du peintre, celle du ciel ; la chair de la palette, la mienne ; l’œil d’un artiste, celui d’un autre ; comment n’y aurait-il point de manière dans la couleur ?

84. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Le frêle et délicat Henri Degron y susurrait des airs mièvres avec indolence et semblait un jeune prince annamite, privé de soleil, s’étiolant sous la rigueur de nos climats. […] Son plastron étincelait comme une cuirasse au soleil et ses cheveux, plus calamistrés qu’à l’ordinaire, témoignaient que lui aussi voulait se produire à son avantage. […] Il faut laisser nos instincts rire et s’ébattre au soleil comme une troupe d’enfants rieurs. […] Un coup de soleil allumait les boulevards pavoisés de verdures neuves. […] Le dandysme est une fleur des ruines qui s’engendre de la décomposition des empires et qui s’épanouit à l’heure intermédiaire où l’élite d’hier, dépouillée de ses vertus, garde un reste de prestige comme le ciel, à l’heure où le soleil le quitte, en commémore un dernier reflet.

85. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Il n’y a rien de plus glorieux au soleil et de plus lumineux que cette peinture. […] On la dirait imitée d’une tempête de l’Énéide, et faite de seconde main ; par exemple : Cependant l’horizon se chargeait au loin de vapeurs ardentes et sombres ; le soleil commençait à pâlir ; la surface des eaux, unie et sans mouvement, se couvrait de couleurs lugubres dont les teintes variaient sans cesse, etc. […] Quant à Chateaubriand, le vrai voyageur, arrivé dans les mêmes lieux, il nous dit : Au coucher du soleil, nous entrâmes au port de Sunium : c’est une crique abritée par le rocher qui soutient les ruines du temple. […] Ces monuments, environnés de bois et de rochers, vus dans tous les accidents de la lumière, tantôt au milieu des nuages et de la foudre, tantôt éclairés par la lune, par le soleil couchant, par l’aurore, devaient rendre les côtes de la Grèce d’une incomparable beauté : la terre, ainsi décorée, se présentait aux yeux du nautonier sous les traite de la vieille Cybèle qui, couronnée de tours et assise au bord du rivage, commandait à Neptune, son fils, de répandre ses flots à ses pieds. Et après quelque retour de pensée sur la manière dont le christianisme, lui aussi, savait placer et asseoir ses vrais monuments, ses antiques abbayes, au fond des bois ou sur la cime des montagnes : Je faisais ces réflexions à la vue des débris du temple de Sunium… Je découvrais au loin la mer de l’Archipel avec toutes ses îles ; le soleil couchant rougissait les côtes de Zéa et les quatorze belles colonnes de marbre blanc au pied desquelles je m’étais assis.

86. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Guttinguer a mérité, vers 1830, de son ami Alfred de Musset, ce poétique hommage qui commence magnifiquement ainsi : Ulric, nul œil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots : Le soleil vient briser ses rayons sur leur cime, Comme un guerrier vaincu brise ses javelots ! […] « Par ce soleil d’automne, au bord de ce beau fleuve, Dont l’eau baigne les bois que ma main a plantés, Après les jours d’ivresse, après les jours d’épreuve, Viens, mon Ame, apaisons nos destins agités ; Viens, avant que le temps dont la fuite nous presse Ait dévoré le fruit des dernières saisons, Avant qu’à nos regards la brume qu’il abaisse Ait voilé la blancheur des vastes horizons, Viens, respire, ô mon Ame, et, contemplant ces îles Où le fleuve assoupi ne fait plus que gémir, Cherche en ton cours errant des souvenirs tranquilles Autour desquels aussi ton flot puisse dormir. […] Puis je m’en revenais, solitaire et superbe, Recevant le soleil et l’air par tous mes sens, Cueillant le frais bouton, ramassant le brin d herbe, Et le cœur inondé d’harmonieux accents. […] En les regardant, en les écoutant, je suis arrivé à goûter une indicible joie, rien qu’à voir rayonner ce beau et doux soleil sur un arbre que j’ai planté, et à trouver le strict nécessaire proprement servi sur ma table ; rien qu’à jouir du silence, de la retraite, de la lecture, ou d’une innocente occupation ; et je m’écrie vingt fois le jour, comme les Pères des déserts : « Seigneur, c’est assez ! […] Que le silence de ces bois dépouillés, mais tranquilles sous le soleil d’automne, est pénétrant et instructif !

87. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Né d’un vaillant général de l’Empire et d’une mère vendéenne, élevé dès l’enfance au bruit du canon et des bulletins, dans les places d’armes de l’ennemi vaincu, souvent au soleil d’Espagne, dans l’école militaire de sa jeune noblesse ou parmi les pages de sa cour exotique, Victor Hugo reçut l’éducation la mieux faite pour lui, libre, fière, éclatante. […] La riche variété des tons lyriques élancés de cette jeune âme se rapportait cependant à quelques sources principales : les souvenirs d’enfance et de premier séjour, la passion du soleil, du bruit et de la renommée, bientôt l’amour paternel et ses vives tendresses, partout l’éblouissement prolongé de l’Empire et de l’Empereur. […] ne me condamnez pas à gémir ici, comme dans une serre se flétrit, enfermée entre des verres qui la réchauffent, la plante désormais stérile d’un autre climat. » Cet impérieux souvenir de la patrie, cet amour du soleil rappelait Heredia. […] Elle entra plus avant dans l’Espagne, habita Cadix et Séville, et sentit dans les beaux printemps de l’Andalousie quelque souffle de son climat natal ; elle retrouvait avec le soleil l’enthousiasme et la poésie. […] Le temps a fait un pas, et, sous le coup de ses vicissitudes, qui délivrent aussi promptement qu’elles accablent, déjà un monde n’est plus tributaire d’un autre monde ; mais le soleil des Incas et des Aztèques illumine la colonne immuable du Calvaire.

88. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Les nuages et la nuit couvrent presque tout le ciel ; il n’y a plus qu’à l’occident, à l’endroit où le soleil vient de sombrer dans la mer, une seule porte éclatante, une arche de feu où tout se précipite et va s’engloutir, jour, nuées, aquilons, poussière, écume, et l’âme du poète. […] La vie de campagne, la vie patriarcale de famille dans ces belles provinces qu’arrose la Saône, les hautes herbes qui ploient sous l’aquilon, les bois dont le murmure et l’ombre sont au maître, les entretiens des pâtres autour des feux allumés, ces rayons de soleil couchant sur les fléaux, les socs de charrue et les gerbes des chars, ces ombres allongées des moulins monotones, toutes ces douces géorgiques de notre France ont une beauté forte et reposée qui égale à nos yeux la splendeur blanchissante du Golfe de Gênes et les autres tableaux enchantés que l’Italie a inspirés au poète. […] Il faudrait dire que, dès que le poète commande à sa muse d’enfanter, sa muse répand les vers par mille et ne les compte pas ; qu’il frappe le rocher par tous les points, et que par tous les points le rocher ruisselle ; qu’à défaut de soleils sur sa route et de masses rayonnantes, il sème toujours du moins une poussière d’or, une voie lactée de poésie, une atmosphère éthérée et scintillante : largior hic campos aether et lumine vestit purpureo.

89. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Elle est toute blonde, et restée toute blanche sous le soleil noircisseur de la Brie. […] Jules Lecomte, cet homme dont nous n’avions entrevu dans l’ombre de son cabinet que le regard froid, métallique, mystérieusement intimidant, ne nous semble plus au grand soleil qu’un bourgeois, qui aurait des remords ou une maladie d’estomac. […] La feuille parle à la feuille, et la plus petite poussant la plus grande qui lui cache le soleil, dit : « Range-toi », et cela basso basso, jusqu’à ce que la brise, passant dans la tête du bois, fasse un frémissement longuement s’en allant, qui emporte tous les bruits, dans un remolo de feuilles, ressemblant au doux et effacé murmure d’une eau qui coule au loin. […] Elle monte, la petite côte, hérissée d’échalas flambants, comme des piques au soleil, et au bas desquels, sous l’abri de quelques feuilles recroquevillées et écarlates, des grappillons brillent comme des perles noires. […] Du soleil ou de la pluie, du poisson frais ou du gibier faisandé me font croire ou douter.

90. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Après avoir suivi une longue rue presque déserte sur laquelle s’ouvraient seulement les hautes fenêtres grillées de fer d’un hôpital des pauvres, je passai sous des voûtes de haillons séchant au soleil, que des blanchisseuses suspendent à des cordes tendues d’un côté de la rue à l’autre, et qui flottent au vent comme des voiles déchirées pendent aux vergues après la tempête. […] La joie et la tristesse se fondaient dans son accent ; le site élevé, la touffe de verdure, le son de la clochette, la lueur sereine du soleil sur ce groupe de murailles, attirèrent machinalement mes pas vers le couvent. […] Je me disais qu’après une vie agitée et peut-être avant les orages et les mécomptes de cette vie, il serait doux d’avoir son tombeau sous ces orangers, d’y dormir ou d’y rêver, car l’homme est si essentiellement un être pensant qu’il ne peut croire au sommeil sans rêve, même de la tombe ; j’y écoutais mourir le sourd murmure de la grande ville qui s’assoupissait à mes pieds, semblable au bruit d’une mer qui diminue à mesure qu’on s’élève sur le promontoire ; j’y regardais les derniers rayons du soleil, dorant comme des phares les pans de murailles jaunies du Colisée. […] On conçoit que le pauvre captif, emprisonné soit pour cause d’indiscrétion dans ses amours, soit pour cause d’égarement momentané et partiel de sa raison, servi et soigné par les frères ou par les sœurs de cet hospice, pourvu de livres et de papier, attablé devant cette fenêtre où les rayons de soleil passent à travers les pampres entrelacés aux barreaux et visité par sa belle imagination dans ses heures de calme, ait trouvé quelque consolation dans ce séjour où ses amis et même les étrangers venaient s’entretenir librement avec lui. […] Une haie de lauriers, un bois d’orangers, enserraient, du côté des montagnes de Castellamare, sa maison ouverte au soleil du midi et à la brise embaumée des golfes.

91. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Le flanc de la montagne tourné au couchant ne voit le soleil que plus tard ; cette pente ruisselle, à ces heures de la matinée, de fraîcheur et de rosée ; ce n’est qu’aux extrémités des coudes et des caps élevés, formés par les sinuosités de la rampe, qu’on aperçoit à sa gauche les vagues éclairées du fleuve roulant dans la vallée à travers les brumes roses, les scintillations et les éblouissements du soleil levant. […] VI La calèche s’arrêta au sommet du plateau dans un chemin creux, auprès de deux ou trois pauvres chaumières ; les enfants et les chèvres de ces chaumières jouaient au soleil au bord d’un fleuve encaissé et profond, qui coupait la prairie avec un calme et un silence perfides : c’était le Vellino. […] Les meubles dispersés dans l’asile nocturne, La lampe qui fumait, oubliée au soleil, Étalaient ce désordre, emblème taciturne             D’une nuit sans sommeil. […] Ce boudoir ouvrait sur une terrasse de douze pas de circuit, sur laquelle deux ou trois pots de fleurs souffrantes de leur asphyxie recevaient à midi un rayon de soleil entre deux toits, et où les moineaux d’une écurie voisine piétinaient dans l’eau de pluie. […] Ce ciel n’a point d’hiver, de printemps, ni d’automne ; Rien ne vient altérer sa splendeur monotone… Toujours ce soleil rouge à l’horizon désert, Comme un grand œil sanglant sur vous toujours ouvert.

92. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau. […] Point trop de plaines ni de montagnes ; point trop de soleil ni d’humidité. […] On aime pourtant le joli soleil qui luit doucement entre les ormes, le thym qui parfume les côtes sèches, les abeilles qui bourdonnent au-dessus du sarrasin en fleur : beautés légères qu’une race sobre et fine peut seule goûter. […] Il n’a ni excès ni contrastes ; le soleil n’est pas terrible comme au midi, ni la neige durable comme au nord.

93. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Nice t’a donc prêté le bord de ses corniches Pour te faire au soleil le nid d’algue où tu niches ; C’est donc là que se mêle au bruit des flots dormants Le bruit rêveur et gai de tes gazouillements ! […] Nous avons trop hâlé notre front et nos mains Aux soleils, au roulis des océans humains ; Échappés tous les deux d’un naufrage semblable, Faisons-nous sur la plage un oreiller de sable, Et qu’insensiblement, flot à flot, pli sur pli, La marée en montant nous submerge d’oubli !  […] On dit que d’Albion la vierge au front vermeil, Qui vient comme à Baïa fleurir à ton soleil, Achetant tes primeurs de la rosée écloses, Trouve plus de velours et d’haleine à tes roses ? […] Cicéron, cependant, par ce divin effroi Qui glace la vertu lorsque le vice est roi, De Rome, avant l’arrêt, l’âme déjà bannie, Parcourait en proscrit sa chère Campanie, Tantôt quittant la plage et se fiant aux flots, Tantôt montrant du geste une île aux matelots ; Enfin, las de trembler de retraite en retraite, Il se fit débarquer dans ses bains de Gaëte, Délicieux jardins bordés de mers d’azur Où le soleil reluit sur le cap blanc d’Anxur, Où les flots, s’engouffrant dans ces grottes factices, Lavaient la mosaïque, et, par les interstices, Laissant entrer le jour flottant dans le bassin, Des rayons sur les murs faisaient trembler l’essaim.

94. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Ceci est le paradoxe le plus faux qui ait jamais germé sous le soleil. […] Il faut être de son temps à tout prix et quand même ; si petite que soit notre lanterne, tournons-la en avant pour éclairer l’avenir ; le passé a eu assez d’étoiles pour n’avoir pas besoin de nos soleils. […] Mais rien n’y fit, ni bulles, ni cachots, ni bûchers : la vérité est comme le soleil, il faut qu’elle brille. […] Francœur dit quelque part : « J’ai calculé le poids du soleil, et j’ai découvert que pour le mettre seulement en mouvement, il fallait dix milliards d’attelages, attelés, chacun, de dix milliards de chevaux. […] Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi ; la littérature a soutenu assez de luttes, rendu assez de services, découvert assez de soleils pour mériter, exiger et obtenir son droit de cité.

95. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Voici comme il décrit le Colosse de Rhodes : Que l’Isle où le Soleil chaque jour se récrée, Ne vante plus l’image à ce Dieu consacrée, Ce superbe Colosse en qui l’art des humains Consomma tant de jours, & lassa tant de mains, Dont la tête élevée au delà du tonnerre, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Sembloient, en leur stature épouvantable aux yeux, Joindre ensemble la mer, & la terre & les cieux. […] Dans les bras de ce Dieu, cette Déesse nue Dissipe l’épaisseur d’une profonde nue, Et paroît, à nos yeux, telle que le Soleil, Sur les bords d’Orient, au point de son réveil : Son teint blanc & vermeil montre son innocence ; Les Princes & les Dieux redoutent sa puissance : C’est elle qui confond l’artifice & l’erreur, Qui rend aux bons l’amour, aux méchans la terreur.

96. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Quand l’aube jette aux monts sa rose bandelette, Cet étroit paradis, parfumé de verdeurs, Au devant du soleil, comme une cassolette, Enroule autour des pics la brume violette, Qui, par frais tourbillons, sort de ses profondeurs. […] Mais parlez-moi des Soleils de juin, des Soleils de novembre, nobles essors d’une âme qui sait se retremper aux vraies sources de consolation. […] Ta place est au soleil ; moi, la mienne est dans l’ombre. […] Sais-tu qu’il y a tel sourire de toi qui me montrerait la profondeur de mes maux, comme le rayon de soleil qui éclaire un abîme !

97. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Et toi aussi, Soleil, qui vois tout ! […] Une sorte de contorsion démoniaque défigure les traits de la Terre, et lui imprime une physionomie infernale. — Qu’est-ce que ces champs gorgoniens de Cysthène, sur lesquels pèse un ciel noir, sans soleil ni lune ? […] Io s’enfoncera ensuite dans l’épaisseur du monde noir ; elle parcourra l’Éthiopie d’où sort le Soleil, et elle abordera l’Egypte en longeant le Nil jusqu’aux montagnes de Byblos. […] Il se forme dans les crépuscules, il s’élance des longues bandes d’or que le soleil levant ou couchant trace à l’horizon. […] Du feu qu’il avait ravi au soleil, il a dégagé l’étincelle qui fait courir la parole d’une extrémité de la terre à l’autre, aussi vite que de la langue à l’oreille.

98. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Je ne m’en glorifie pas, puisque les berceaux sont tirés au sort pour ceux qui viennent au monde, mais je ne m’en humilie pas non plus, puisque le premier bonheur de la vie est de naître à une bonne place au soleil et à une bonne place dans le cœur de ses contemporains. […] Ils s’élançaient à perte de vue vers le ciel, afin de voir le soleil et de respirer l’air par-dessus la cime du grand hêtre qui les engloutissait dans son ombre. À travers le rideau léger de leurs troncs à peine festonnés de feuilles basses, on voyait luire au soleil, en bas, l’eau dormante et argentée de l’étang. […] Il trouve Eumée, le gardeur de porcs, assis au soleil dans un endroit où furent bâtis les murs élevés de la cour large et ronde. […] Lui, pendant ce temps-là, privé de nourriture, erre misérablement dans quelques villes lointaines, au milieu de peuples inconnus, si toutefois il respire et jouit encore de la clarté du soleil.

99. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Un ruisseau sinueux, qui va sans flots sur un sable uni et luit au soleil par intervalles, peut seul en donner l’image. […] Tout le côté du sud était couvert par les noms gravés d’hommes fameux, mais le soleil les fondait sans cesse. […] Si fraîche et si fine, c’est une jolie cerise, faite pour mûrir au soleil, et qui, conservée dans un bocal ecclésiastique, s’est sucrée et affadie dans le sirop. […] Les cavaliers cheminent de bonne humeur sous le soleil, dans la large campagne ; ils causent. […] Voir, par exemple, au septième livre, le passage le plus poétique, la description de la couronne du soleil.

100. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Pour votre Josué qui combat les Amorrhéens, et qui commande au soleil, je ne saurais vous dissimuler qu’il est mauvais. […] Pour trouver le geste et la tête d’un homme qui commande au soleil, il faut y rêver longtemps.

101. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Avant que le soleil se lève, il y a une aube et des gazouillements d’oiseaux. […] Ainsi plus charmante est la fleur après qu’elle a déployé ses pétales odorants, et le soleil au milieu du jour luit plus beau qu’au matin, et flamboie. […] Les boutons sont charmants, mais j’aime mieux les fleurs ; Le soleil à midi plus qu’au matin rayonne.

102. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Il nomme naturellement ce qu’il voit, il s’écrie : « Ô toi, soleil, et vous, arbres, forêts, collines, vallées, animaux divers !  […] Et pourquoi Adam s’adresse-t-il au soleil, aux arbres ? « Soleil, arbres, dit-il, savez-vous le nom de celui qui m’a créé ? 

103. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

dépenaillés de physique comme d’intelligence, des faméliques de jouissances ou de renommée en guerre contre l’ordre social ; tous ne sont pas de pauvres enfants cherchant sans la trouver leur place au soleil, des Chattertons d’imitation, plus ou moins énergiques ou lâches, qui se tuent ou se laissent mourir, et dont Hégésippe Moreau ou Gérard de Nerval furent les types douloureux et coupables. Il en est d’autres qui l’ont trouvée, leur place au soleil, et qui savent la garder sous tous les soleils et par toutes les températures.

104. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

Et sa flûte disait : J’ai déterré des cadavres du côté du Levant Et du côté où tombe le soleil. […] Un jour enfin qu’il arrivait près d’un village il entendit un bilakoro174 jouer de la flûte : Et cette flûte disait : J’ai déterré des cadavres vers le Levant Et du côté où tombe le soleil Et nul de ceux-là ne m’a dit « Mère !

105. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Voilà la montagne où notre mère nous menait prier Dieu au coucher du soleil ! […] Le paysage magique du soir semblait entrer tout entier par la fenêtre, dans la chambre, avec les derniers rayons du soleil couchant. […] Elles chantaient en cueillant les grappes avant que le soleil réchauffât l’air du matin. […] La conversation ne finissait pas et le soleil baissait déjà dans le ciel quand nous nous levâmes de table pour demander la route de Saint-Point. […] Les sapins et les hêtres qui croissent à d’immenses profondeurs dans le lit d’un torrent s’élèvent et forment des berceaux sombres dans les airs comme pour chercher le soleil.

106. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Carmen Sylva Ce ne sont que les sommets altiers, couverts de neige, qui jettent des flammes au soleil couchant. […] Ton coucher de soleil semble une aube nouvelle ; On dirait que la loi du monde te révèle Toujours plus de douceur, toujours plus de bonté ! […] Pour moi, je suis de ceux qui admirent simplement toute la marche du soleil et toutes les évolutions du génie. […] Chacune de ces œuvres tragiques semble porter le nom d’un champ de bataille : Hernani a l’aspect d’un combat étincelant sous le soleil de l’Espagne, dans quelque sierra désolée ; Ruy Blas ressemble au choc de deux escadrons farouches plus avides de donner la mort que de trouver la victoire ; les Burgraves ont la grandeur douloureuse et titanique des trilogies d’ […] C’était un souffle nouveau, une bouffée de grand air, un resplendissement de soleil.

107. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Boileau, sur le point de mourir, entend lire une tragédie de Crébillon père et il s’écrie épouvanté : « Les Pradon étaient des soleils auprès de ces gens-là. » Voltaire écrira plus tard, frappé de cette stérilité soudaine : « La nature fatiguée après avoir produit tant de beaux génies sembla vouloir se reposer. » Et ce ne sont pas seulement les œuvres qui sont moins nombreuses, les grands hommes qui sont plus petits ; il y a aussi un changement profond dans l’esprit qui anime les auteurs. […] Dans ce monde enchanté, les hommes abordent les femmes en leur disant : Mon soleil ! […] Et, en notre siècle, est-ce que la littérature française ne doit pas ses peintures les plus éclatantes de la nature dans le pays du soleil et des bengalis à un poète créole, à Leconte de Lisle ? […] Leur popularité a éclaté au grand soleil par des démonstrations d’enthousiasme dont les autres siècles offrent peu d’exemples. […] Ce qui est plus grave, c’est que parfois le commerçant qu’est nécessairement l’éditeur impose ou du moins cherche à imposer certains goûts à l’auteur qui ne peut sans lui atteindre au grand soleil.

108. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Sans doute, je savais bien que si Victor Hugo, l’Olympien du Romantisme, ne bouge pas dans l’Empyrée de son génie, il n’a pas tout à fait la même immobilité de dieu dans ses opinions, et que la statue de Memnon, à la bouche pleine de soleil et à laquelle il s’est comparé autrefois : Napoléon ! soleil dont je suis le Memnon ! n’a pas toujours eu le même soleil dans la bouche : qu’avant Napoléon il y avait eu le soleil de la vieille monarchie française et de sa restauration, qui ne dura qu’une aurore ; et après le soleil de Napoléon, qui l’a toute remplie, celui de la révolution, après lequel il ne pouvait plus guères sortir que la flamme révolutionnaire de cette bouche rotonde et profonde. […] Par un revirement dont Dieu et Hugo ont seuls le secret, le soleil de la monarchie, qui ne lui semblait plus qu’un soleil de petite Provence, bon seulement pour réchauffer de pauvres vieux, est revenu jouer autour des lèvres sonores du Memnon de tous les soleils, et il leur a redonné une harmonie qui, ma foi !

109. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

L’oiseau qui passe, la voile qui blanchit, la mouche heureuse qui scintille dans le soleil, se peignent plus distincts que jamais dans ce lac de l’âme, uni à la surface, et dont les grandes douleurs ont creusé et abîmé le fond. […] Ou plutôt il ignore tout cela ; il ne songe qu’à se plonger dans l’ivresse sereine de ces hauts lieux, à remercier l’Auteur, à bénir sur la montagne pendant le bouleversement de la terre, sur la montagne où sa vallée est pendue au rocher comme un nid, et offerte au soleil comme une corbeille. […] Et le même soleil se lève sur tes jours. […] C’est à cette partie de sa vie que se rapportent les admirables enseignements, si appropriés à l’esprit de son troupeau, la parabole du Nil, des Deux Frères, la leçon d’astronomie aux enfants du village, terminée par le dialogue de l’Aigle et du Soleil. […] …  Mieux vaut remercier une ancienne journée  Pour la joie au soleil librement couronnée, Que d’aigrir son désir contre un présent jaloux.

110. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

I Causons à l’ombre de ce dernier bouquet de chênes de la colline de Saint-Point, puisqu’un véritable soleil d’Athènes luit aujourd’hui sur cette vallée de Gaules, fait grincer la cigale d’Attique dans les joncs desséchés des bords de la Valouze, comme je les ai entendues autrefois dans les lits poudreux du Céphyse, et puisque la lumière ardente du midi répercutée et rejaillissante de ces roches grises, en faisant nager et onduler dans l’éther les cimes dentelées de ces montagnes, me fait songer, autant que ce livre ouvert sur mes genoux, à cette lumière dorée de la Grèce. […] III Il y a, dit Hérodote, dans les oasis et sur les rocs calcinés de la Haute Égypte un oiseau qui ne mange aucun fruit d’arbre, aucun grain d’herbe, qui ne traverse jamais le désert pour aller se désaltérer aux flots du Nil, mais qui boit la rosée et qui se nourrit exclusivement des splendeurs et des rayons vitaux du soleil. […] L’éclat du soleil d’été qui s’y répercute dans sa nappe éblouit la vallée entière d’une fumée de lumière, d’une sorte de brouillard de rayons qui double tout à coup le jour de la surface de la vallée, comme une glace double la clarté dans une chambre obscure ; on ne voit pas encore le lac qu’on voit déjà sa lueur monter dans le ciel comme un incendie des eaux ; on regrette de ne pas pénétrer dans cette gorge éblouissante, qui mène le voyageur par une avenue d’eau et de forêts à Genève ; mais la route de Franche-Comté continue à suivre la rivière d’Ain, et on la côtoie de village en village sur des collines qui s’élèvent insensiblement et par une vallée qui se rétrécit toujours. […] Ces montagnes, comme entassées confusément par la main du Créateur, sont en général arrondies en forme de dômes, les unes noires des forêts de pins qui les tapissent de leurs ombres, les autres vertes des pâturages qui les veloutent ; celles-ci nues et grisâtres parce que leur pente plus rapide en a laissé glisser l’humus, que le soleil du soir en s’y répercutant à nu les fait blanches à l’œil comme des falaises lointaines au bord de la mer ; quelques-unes, derrière les autres, sont tachées au nord de quelques flaques de neige, restes de l’hiver dernier qui attendent un autre hiver ; phares de montagnes que les bergers regardent s’allumer ou s’éteindre selon que le soleil levant les frappe, ou que le soleil couchant leur retire ses derniers rayons en descendant du ciel. […] Il semble que des rayons du pur soleil d’Attique pénètrent de toute part ce style, comme il pénètre, au lever du jour, les marbres translucides du Parthénon pour les faire descendre dans l’œil fasciné du voyageur ignorant comme moi, et pour les faire exclamer d’enthousiasme : Voilà le vrai, voilà le beau, voilà la divinité des lignes, voilà l’habitation des dieux sur la terre !

111. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

« J’admirais tout à l’heure un petit paysage de ma chambrette qu’enluminait le soleil levant. […] L’heureux, c’est le soleil, l’air doux, le chant des oiseaux, bonheurs à moi ; puis une lettre de Mimi, qui est à Gaillac, où elle me parle de Mme Vialar, qui t’a vu, et d’autres choses riantes. […] Je ne voudrais pas que mon âme prît tant de part à l’état de l’air et des saisons, que, comme une fleur, elle s’épanouisse ou se ferme au froid ou au soleil. […] Puis je leur parlerais du bon Dieu avec des mots d’amour ; je leur dirais qu’il les aime encore plus que moi, qu’il me donne tout ce que je leur donne, et, de plus, l’air, le soleil et les fleurs ; qu’il a fait le ciel et tant de belles étoiles. […] vous ne devineriez pas ; de me chauffer au soleil dans un cimetière.

112. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Michelet, qu’admirent MM. de Goncourt, et qui le leur rend, a très-bien dit dans son œuvre récente114 : « Cherchons le cœur du xviiie  siècle, il est double : Voltaire, Diderot. » Pour moi, je ne considérerai la moyenne des esprits comme tout à fait émancipée en France et la raison comme bien assise, même à Paris, que lorsque Voltaire aura sa statue, non pas dans le vestibule ou dans le foyer d’un théâtre, mais en pleine place publique, au soleil. […] Et cependant, c’est grâce à cette méthode, à ce genre de procédé, il faut bien le reconnaître, que j’obtiens en littérature des tableaux et des paysages comme on n’en avait pas auparavant : ainsi, sans sortir de ce volume, cette exacte, rebutante et saisissante description des Petits-Ménages, rue de Sèvres ; — ainsi la vue, l’impression, l’odeur même d’une salle d’hôpital, dans Sœur Philomène ; — ainsi, dans Renée Maupérin, le frais rivage de la Seine à l’île Saint-Ouen, et, dans Germinie Lacerteux, le coucher du soleil à la chaussée de Clignancourt : ce sont des Études sur place, d’après nature, d’un rendu qui défie la réalité. […] Le ciel est bleu pâle, d’un bleu presque vert, comme si une émeraude y était fondue ; là-dessus marchent doucement, d’une marche harmonieuse et lente, des masses de petits nuages balayés, ouateux et déchirés, d’un violet aussi tendre que des fumées dans un soleil qui se couche ; quelques-unes de leurs cimes sont roses, comme des hauts de glacier, d’un rose de lumière. Devant moi, sur la rive en face, des ligues d’arbres, à la verdure jaune et chaude encore de soleil, trempent et baignent dans la chaleur et la poussière des tons du soir, dans ces glacis d’or qui enveloppent la terre avant le crépuscule. […] qui n’a observé que la pluie, qui est comme tenue en suspension dans l’air tant que le soleil est sur l’horizon, se met souvent à tomber vers six heures du soir !

113. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Le soleil et les astres se sont couchés et se sont levés, comme lui. […] Hugo eut vu de ses yeux de poète la terre, non échauffée par le soleil, mais se chauffant au soleil, elle lui parut naturellement frileuse plutôt que froide, et ce dernier mot précisant l’image, la poussa à s’assimiler encore les idées prochaines : Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel, Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel,        Comme des sœurs autour de l’âtre. […] De ces figures les unes contiennent une comparaison : Devant ce grand Dandin l’innocence est hardie : Oui, devant ce Caton de basse Normandie, Ce soleil d’équité qui n’a jamais terni.

114. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Seuls, les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée, Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil : Pacifiques enfants de la terre sacrée, Ils épuisent sans peur la coupe du soleil. […] la nature est vide et le soleil consume : Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux. […] ce soleil te parle en lumières sublimes ; Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ; Et retourne à pas lents vers les cités infimes, Le cœur trempé sept fois dans le néant divin ! […] En voici quelques-uns que j’en détache de préférence, parce qu’ils sont tout simples et naturels, et comme voisins de la source : Dans leurs boutons ouverts, riantes et nouvelles, Par les soleils de mai, Dieu ! […] Mais, ce jour-là, j’allais, des larmes dans les yeux Et sans voir le soleil monter au bord des cieux, Ni, tout humide encor de son bain de rosée, Chaque fleur relever sa tête reposée.

115. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Le Soleil et la Terre échangent des petits vers. […] Ailleurs, La terre est la fiancée Du gentil soleil ; La nouvelle en est criée Par Avril vermeil ; et nous avons tout le détail de la noce. […] Deux pinsons qui vont s’adorer A leurs noces m’ont conviée : Je n’ai pas le temps de pleurer Ou bien le Soleil fait le pitre. […] Le Soleil cependant « prépare sa rentrée ».

116. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Je goûterai tes images tour à tour sublimes & gracieuses, & cette chaîne d’or qui tient l’Univers suspendu devant le maître des Dieux, & la ceinture de la mere des graces, & le sang immortel de Venus qui coule sous la lance du fougueux Diomede, & Junon qui sur le mont Ida enveloppé d’un nuage impénétrable aux rayons du Soleil, désarme dans ses bras le Dieu qui lance la foudre ; tout sera pour moi un tableau de la Nature, tout m’offrira sous d’aimables fictions l’emblême de la vérité. […] Tu me peins le jour pompeux de la création, la terre couronnée de verdure s’échappant des mains du Tout-Puissant ; il allume le Soleil, il déploye l’auguste pavillon du firmament. […] Je les vois tomber dans le gouffre immense de la désolation ; j’entends les portes de l’effroyable abîme se refermer pour jamais, & je te vois un instant près du vainqueur, couronné des rayons de sa gloire, & environné de l’éclat de mille Soleils. […] Ainsi, Fontenelle, ce Nestor, qui illustra deux siécles, calme, tranquille, modéré jusqu’à sa derniere heure, vit fuir le songe de la vie comme un Sage du haut d’une colline élevée voit mourir les derniers rayons du Soleil.

117. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

En France, le nombre est infiniment plus grand qu’on ne croit des ouvrages épuisés, très dignes pourtant d’avoir leur place au soleil des bibliothèques, et dont les Allemands, par exemple, s’ils les avaient dans leur littérature, n’auraient pas manqué de faire des éditions de toute espèce. […] Il eût fallu entrer dans le vif de ce talent, bien plus senti qu’il n’est jugé, caractériser ce prestigieux écrivain, le plus piquant du xviie  siècle, qui, à force de style, s’est fait croire un grand moraliste, quoique son observation aille plus au costume qu’à la personne, à la convention sociale qu’au tréfonds de la nature humaine, — en cela inférieur à La Rochefoucauld, qui n’a pas tout dit non plus, mais qui a vu plus loin que La Bruyère dans la misère constitutive de l’homme, et, comme le Pouilleux de Murillo, a mieux écrasé notre vermine au soleil. […] Cette vérité-là est comme le soleil.

118. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Seuls les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée, Se déroulent au loin ; dédaigneux du sommeil, Pacifiques enfants de la terre sacrée, Ils épuisent sans peur la coupe du soleil ! […] En vain disait-il avec une impuissante magie : Viens, le soleil te parle en lumières sublimes ! […] Or, l’âme est plus grande qu’un soleil.

119. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

L’obscurité de la terre se dissipe sous le dard enflammé du soleil ; et la couleur est rendue aux objets, avec la lumière de l’astre étincelant. […] « Voici venir le soleil enflammé : maintenant, regret, honte, repentir. […] « C’est le prix de nos journées ; c’est l’art dont nous vivons ; c’est notre première œuvre, quand le soleil ranimé se lève. » Les strophes suivantes languissent et deviennent bizarres, dans quelques détails sur la lutte nocturne de Jacob contre un ange.

120. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Il incline vers l’eau morte du souvenir le songe mélancolique de ses yeux ; mais parfois, levant vers les horizons prochains sa jeune tète volontaire, il éperd des mots d’espoir, de matin et de soleil. […] On en est pénétré comme de la bonté du soleil par un après-midi de printemps dans les champs de colzas en fleur.

121. (1897) Aspects pp. -215

Et nous boirons avec lui une coupe de clair soleil. […] Énorme et sanglant le soleil jaillit, couvrit de pourpre la campagne […] Le ciel indigo trempé de soleil éclate comme un brasier. […] Les fenêtres en sont murées afin que le soleil importun n’y entre pas. […] Le soleil c’est notre père.

122. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Il s’ensuit, par exemple, que l’homme du nord a nécessairement un gîte, une vie intérieure et des rapports de famille, tandis que l’homme du midi est bien partout où il y a le soleil, un arbre et un fruit. […] Dans le midi, on vit au jour le jour ; la présence du soleil, des travaux peu pénible et jamais interrompus, des sensations toujours en éveil, ne permettent pas les longues espérances ni les longues inquiétudes : on y jouit précisément de cette liberté d’esprit si propice à l’essor de l’imagination ; c’est là que devaient et que seulement pouvaient naître ces poètes aimables, qui chantaient les douceurs du rien faire, la jouissance du présent et l’oubli du lendemain.

123. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Le conseil infernal étant assemblé, le poète représente Satan au milieu de son sénat : « Ses formes conservaient une partie de leur primitive splendeur ; ce n’était rien moins encore qu’un Archange tombé, une Gloire un peu obscurcie : comme lorsque le soleil levant, dépouillé de ses rayons, jette un regard horizontal à travers les brouillards du matin ; ou tel que dans une éclipse, cet astre, caché derrière la lune, répand sur une moitié des peuples un crépuscule funeste, et tourmente les rois par la frayeur des révolutions. […] « Ô toi qui, couronné d’une gloire immense, laisses, du haut de ta domination solitaire, tomber tes regards comme le Dieu de ce nouvel univers ; toi, devant qui les étoiles cachent leurs têtes humiliées, j’élève une voix vers toi, mais non pas une voix amie ; je ne prononce ton nom, ô soleil !

124. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

C’est des nuages que viennent les teintes sans nombre, les colorations infinies du ciel : sans le prisme de la nuée, que serait un coucher un lever de soleil ? […] Je suis sorti ce soir dans le parc, au soleil couchant ; je marchais dans la neige douce : au-dessus de moi, à droite, à gauche, tous les buissons, toutes les branches des arbres étincelaient de neige, et cette blancheur virginale qui recouvrait tout prenait une teinte rose aux derniers rayons du soleil : c’étaient des scintillements sans fin, une lumière d’une pureté incomparable ; les aubépines semblaient en pleines fleurs, et les pommiers fleurissaient, et les amandiers fleurissaient, et jusqu’aux pêchers qui semblaient roses, et jusqu’aux brins d’herbe : un printemps un peu plus pâle, et sans verdure, resplendissait sur tout. […] Le peintre voit son passé à travers des couleurs et des formes, des couchers de soleil, des aurores, des teintes de verdure. […] Le soleil s’évanouit dans le ciel, et la nuit des enfers se lève. » Tout formidable que soit ce sublime d’Homère, il le cède encore à la vision du livre de Job. […] Le bateau pouvait s’arrêter, ils n’avaient qu’à descendre, et cette chose bien simple n’était pas plus facile, cependant, que de remuer le soleil !

125. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Pour lui, les rayons du soleil couchant, quand il va à Mortefontaine, lui refont son blason perdu, son blason de gueules à trois pals de vair, au chef d’or, et j’aime jusqu’à cette Mortefontaine, harmonie de plus dans cette mort de toute splendeur, qui est maintenant la vie du poète ! M. de Châtillon, comme un vrai poète, se console de tout avec le soleil ! […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !

126. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Mais cet Illuminé intérieur, ce Visionnaire du Paradis perdu, avait voyagé dans sa jeunesse, et il avait remporté dans ses souvenirs le ciel et le soleil de l’Italie pour en éclairer sa cécité et ses vers… Corneille n’avait besoin d’aucun soleil pour être le poète qu’il a été. Son soleil, c’était le cœur de l’homme.

127. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Il n’y a peut-être d’autre poésie à recueillir sur cette immense étendue de choses utiles que la plus inutile de toutes ces choses, le vol soudain et effarouché d’une alouette, fouettée du vent, qui s’élève tout à coup de cet océan d’épis jaunes, pour aller chanter on ne sait quel petit hymne de vie dans le ciel et qui redescend après avoir donné cette joie à l’oreille de ses petits, cachés dans le chaume ; le cri strident du grillon qui cuit au soleil sur la terre aride, ou le bruissement sec et métallique des pailles d’épis frôlées par la brise vague les unes contre les autres, et qui interrompent de temps en temps par un ondoiement de mer le silence mélancolique de l’étendue. […] IX Mais vous approchez des Alpes, les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament profond comme une mer, l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’Océan de l’espace infini ; les ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins, des chaumières isolées et suspendues à des promontoires, comme des nids d’aigles, fument du feu du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où sa femme et ses enfants l’attendent au seuil de sa maison, ses filets y sèchent sur la grève, un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés interrompent par moment le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les foyers brûlent çà et là à travers les vitraux des chaumières, on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames, le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce coin de terre, l’âme la quitte, elle se sent à la hauteur et à la proportion de s’approcher de son Créateur presque visible dans cette transparence du firmament nocturne, elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle, elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit, elle croit parce qu’elle voit, elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther, avec la divinité du spectacle. […] Si une voile dérive par un jour serein du port, on pense aux rivages lointains et inconnus où elle ira aborder après avoir traversé pendant des jours sans nombre ce désert des lames ; ces terres étrangères se lèvent dans l’imagination avec les mystères de climat, de nature, de végétation, d’hommes sauvages ou civilisés qui les habitent, on s’y figure une autre terre, d’autres soleils, d’autres hommes, d’autres destinées […] Si une flotte dont on attend le retour montre au coucher du soleil les étages successifs de ses voiles surgissant une à une, comme un troupeau de moutons qui monte une colline au-dessus de la courbe de l’horizon, on songe aux canons qui ont grondé dans ses bordées, aux vaisseaux qui ont sombré sous les boulets des ennemis, aux morts et aux blessés qui ont jonché ses ponts sous la mitraille, toutes les images de la guerre, de la mort pour la patrie, de la gloire et du deuil assiégent la pensée. — Émotion ! […] Je suis dans le tourbillon au plus fort du courant du fleuve, dans la poussière des vagues soulevées par le vent, à ce milieu de la traversée où l’on ne voit plus le bord de la vie d’où l’on est parti, où l’on ne voit pas encore le bord où l’on doit aborder, si on aborde ; tout est dans la main de celui qui dirige les atomes comme les globes dans leur rotation, et qui a compté d’avance les palpitations du cœur du moucheron et de l’homme comme les circonvolutions des soleils.

128. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Puis, après s’être baignées et imprégnées d’une huile onctueuse, elles prennent leur repas auprès des rives du fleuve, en attendant que l’ardeur du soleil ait séché le linge. […] Le soleil baissait quand ils atteignirent le bois renommé consacré à Minerve. […] J’ai parcouru aussi ces contrées que l’heureuse Grèce stigmatisait du nom de Barbares, dont elle redoutait le voisinage et répudiait le climat, parce que le soleil n’y envoie que des rayons tempérés, et que quelque neige y blanchit la cime des montagnes. […]         Tous les matins à son réveil, Esclave de son cœur, mais libre de ses ailes, Les ouvre comme deux éventails de dentelle         Et les étend à son soleil. […] Il y vécut pendant six semaines, les plus douces peut-être de sa vie, en pleine paix, en plein amour dans la maison, en pleine ombre, en plein soleil dans le jardin, comme ces haltes du voyageur, quand le jour va tomber et qu’il aperçoit déjà les clochers de la ville où le sommeil l’attend, après les lassitudes de la route.

129. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Après le meurtre du faux Smerdis, et selon le pacte étrange conclu entre les sept prétendants, son cheval de guerre hennissant le premier au soleil levant, l’avait sacré et proclamé roi. […] S’emparer de Delphes, pour les Barbares, c’était quelque chose comme piller le Soleil. […] Ce n’est plus que le fantôme pâlissant d’un colosse qui va s’évanouir : on voit un soleil couchant s’éteindre au travers. […] Ne lui apportaient-ils pas leur Ormuzd, le dieu de la lumière, le Soleil vivant ? […] Cela ne peut se comparer qu’au refroidissement du soleil.

130. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Des journées qui ont quelque chose du temps qu’il fait dehors et de ses coups de soleil rapides, dans la monotonie grise du ciel. […] Des reflets de cette étendue immense d’eau, comme des reflets d’un miroir frappé de soleil, la rive, les arbres, la villa, sont tout brillantés des éclairs d’une lumière courante. […] Une journée de course, en plein soleil, après des perdreaux rouges, dans les coteaux de vigne, à la pierraille croulante sous les souliers de chasse. […] Dans l’atelier, je suis seul, désœuvré, et un blanc soleil d’hiver éclaire si joliment toutes les choses qui sont là, qu’il me prend la tentation de les décrire. […] Les deux façades dont l’une regarde Catinat, dont l’autre regarde le parc et Montmorency, sont pour ainsi dire deux grandes baies vitrées, par lesquelles le soleil et la lumière entrent à flot.

131. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« Comme le soleil déclinait au couchant, allongeant sur le sol l’ombre du moindre caillou, Jean Valjean était assis derrière un buisson dans une grande plaine rousse absolument déserte. […] L’enfant tournait le dos au soleil, qui lui mettait des fils d’or dans les cheveux et qui empourprait d’une lueur sanglante la face sauvage de Jean Valjean. […] Sous le bâton, sous la chaîne, au cachot, à la fatigue, sous l’ardent soleil du bagne, sur le lit de planches des forçats, il se replia en sa conscience et réfléchit. […] Il serait presque vrai de dire qu’il n’y avait point pour Jean Valjean de soleil, ni de beaux jours d’été, ni de ciel rayonnant, ni de fraîches aubes d’avril. […] Il était là tout à l’heure, il était de l’équipage, il allait et venait sur le pont avec les autres, il avait sa part de respiration et de soleil, il était un vivant.

132. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Isolé au milieu des bois, auprès d’un champ désert, il reçoit les derniers rayons du soleil couchant. […] Le soir, lorsque j’arrosais mon jardin, elle se promenait quelquefois au soleil couchant, ici, au même endroit où je vous parle, et je voyais son ombre passer et repasser sur mes fleurs. […] Telle était ma situation, lorsque le même jour, vers le coucher du soleil, je vins m’asseoir ici, sur cette pierre où vous êtes assis maintenant. […] L’ombre immobile de ce spectre s’étend sur le rempart lumineux et muet, et s’allonge à mesure que le soleil baisse dans la vallée. […] Isolé sur le bord du bois, auprès d’un champ désert, il reçoit les derniers rayons du soleil couchant, etc., etc. » Et la mort chrétienne et réfléchie de sa sœur !

133. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

La question de savoir si les marées représentent les actions combinées du soleil, de la lune et de l’océan, présuppose celle de savoir en quoi consistent ces actions combinées. […] La conception des états mentaux comme représentations est au fond assez enfantine : à vrai dire, ma sensation du soleil ne représente pas le soleil et n’en est ni la copie ni le portrait ; elle est un moyen de passion et de réaction par rapport au soleil, elle est la conscience d’un effet subi et d’une énergie déployée : la traiter comme une simple ressemblance avec le soleil, ou comme une simple différence, c’est mettre des spéculations de métaphysicien à la place de la vie pratique. […] Le fou qui croit voir le soleil la nuit a une sensation-signe, tout comme celui qui voit réellement le soleil ; seulement, sa sensation signifie et représente directement une perturbation cérébrale, au lieu de représenter directement un fonctionnement normal du cerveau et indirectement la présence actuelle du soleil.

134. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Du haut d’une des terrasses élevées du palais, Spendius et Mâtho (mais celui-ci trop absorbé déjà pour être attentif à autre chose qu’à l’idée fixe de son amour) voient tout à coup l’aube blanchir à l’horizon, et bientôt le soleil émerger et se lever sur Carthage. […] Tout au haut de l’Acropole, dans le bois de cyprès, les chevaux d’Eschmoûn, sentant venir la lumière, posaient leurs sabots sur le parapet de marbre et hennissaient du côté du soleil. » Puis, après l’aube, l’aurore, Carthage s’éveille ; « Tout s’agitait dans une rougeur épandue, car le Dieu, comme se déchirant, versait à pleins rayons sur Carthage la pluie d’or de ses veines. […] On entendait dans le bois de Tanit le tambourin des courtisanes sacrées ; et, à la pointe des Mappales, les fourneaux pour cuire les cercueils d’argile commençaient à fumer. » J’admire la conscience et le pinceau du paysagiste : mais de même que Salammbô m’a rappelé Velléda, je me rappelle inévitablement ici tant de belles descriptions de l’Itinéraire, et particulièrement Athènes contemplée du haut de la citadelle au lever du soleil : « J’ai vu du haut de l’Acropolis le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette… » Le panorama de Carthage vue de la terrasse d’Hamilcar est un paysage historique de la même école, et qui accuse le même procédé ; ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pris également sur nature, du moins en ce qui est des lignes principales.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

. — Je reviens au Raphaël d’aujourd’hui, à celui de M. de Lamartine : S’il eût tenu un pinceau, dit notre auteur, il aurait peint la Vierge de Foligno ; s’il eût manié le ciseau, il aurait sculpté la Psyché de Canova ; s’il eût connu la langue dans laquelle on écrit les sons, il aurait noté les plaintes aériennes du vent de mer dans les fibres des pins d’Italie… S’il eût été poète, il aurait écrit les apostrophes de Job à Jéhovah, les stances d’Herminie du Tasse, la conversation de Roméo et Juliette au clair de lune, de Shakespeare, le portrait d’Haydé de lord Byron… S’il eût vécu dans ces républiques antiques où l’homme se développait tout entier dans la liberté, comme le corps se développe sans ligature dans l’air libre et en plein soleil, il aurait aspiré à tous les sommets comme César, il aurait parlé comme Démosthène, il serait mort comme Caton. […] Mais, après avoir parlé ainsi de Raphaël, M. de Lamartine n’a plus qu’une réponse à faire à ceux qui lui demanderaient si Raphaël ce n’est pas lui-même ; il devra répondre comme faisait Rousseau à ceux qui lui demandaient s’il avait voulu se peindre dans Saint-Preux : « Non, disait-il, Saint-Preux n’est pas ce que j’ai été, mais ce que j’aurais voulu être. » Le roman commence par une description des lieux, du lac et des montagnes qui vont être comme la décoration de cet amour : On ne peut bien comprendre un sentiment que dans les lieux où il fut conçu… Ôtez les falaises de Bretagne à René, les savanes du désert à Atala, les brumes de la Souabe à Werther, les vagues imbibées de soleil et les mornes suants de chaleur à Paul et Virginie, vous ne comprendrez ni Chateaubriand, ni Bernardin de Saint-Pierre, ni Goethe. […] Ainsi, lorsqu’au sortir d’une scène d’orage, où il a secouru et longtemps veillé Julie évanouie, Raphaël nous décrit, au matin, l’abbaye de Hautecombe, avec son architecture vivante de ronces, de lierres flottants, de giroflées suspendues, de plantes grimpantes, avec son luxe de soleil, de parfums, de murmures, de saintes psalmodies des vents, des eaux, des oiseaux, des échos sonores…, quand il s’écrie : « La Nature est le grand prêtre, le grand décorateur, le grand poète sacré et le grand musicien de Dieu » ; il se sent obligé presque aussitôt de nous avertir qu’il n’a songé à tout cela que depuis : « Je n’étais pas, en ce moment, assez maître de mes pensées, dit-il, pour me rendre compte à moi-même de ces vagues réflexions. » Pourquoi donc alors venir nous en rendre compte avec ce double faste de métaphysique et de couleurs ? […] Jamais Elvire, en montrant le soleil couchant à son ami, a-t-elle pu lui dire : « Vois-tu le disque à moitié plongé derrière ces sapins qui ressemblent à des cils de la paupière du ciel ? 

136. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Ouvrir les Chants de la pluie et du soleil, c’est tomber dans une mine où l’on puiserait longtemps sans l’appauvrir. […] Que le soleil brûle ton visage et roussisse tes mains ! […] Ô soleil ! […] Qui racontera Que mourant, les bras écartés, j’ai tenu le soleil sur ma poitrine comme une roue ? […] La première étude de ce genre, son Van Gogh eut un succès inattendu ; elle était excellente, d’ailleurs, disait la vérité sans ménagements pour l’opinion, et vantait le peintre du soleil et des soleils sans ces emballements puérils qui sont la tare de l’enthousiasme.

137. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

A force toutefois de savoir le chemin, Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage Que le premier automne a privé du feuillage, Et qui, timidement laissant les vastes bois, Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ; Si quelque jeune fille, âme compatissante, Lui jette de son pain la miette finissante, Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant, Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ; Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée : Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ; Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ; Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ; Et si, quand février d’un rayon se colore, La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore Essaye un pot de fleurs au soleil exposé. […] Non, rien de tout cela, sinon qu’elle était belle, Belle enfant comme on l’est sous ce climat fidèle, Comme l’est tout beau fruit et tout rameau vermeil Prêt à demain éclore au pays du soleil.

138. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] » pp. 77-79

Le soleil penche à son couchant ; il transforme en autant de diamants les gouttes d’eau qui pendent attachées aux extrémités inégales des pierres. […] Sans doute, ces gouttes d’eau transformées par les rayons du soleil brisés et décomposés, en autant de diamants étincelants et liquides, sont une belle chose.

139. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Cruel parfois à son origine : tant qu’il reste confondu avec le Soleil, il en a les colères soudaines et les caprices meurtriers. […] Et sans cesse les bûchers brûlaient lourds de cadavres. » Mais Phébus-Apollon cède bientôt à Hélios, un dieu subalterne, la personnification physique du Soleil. […] Voyant tout comme le soleil, il comprend tout et il excuse tout. […] Elles se retournent en hurlant de rage, vers le dieu qui l’a délivré ; les « chiennes d’Enfer » aboient au soleil. — « Ah ! […] Que l’ardeur du soleil ne brûle point les germes des plantes et ne dessèche les bourgeons !

140. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Bien avant que ce moment soit arrivé, et au milieu de nos dernières ondées de soleil, un brusque pressentiment l’annonce quelquefois, et les plus gais, les plus rieurs se surprennent à rêver. […] Murillo n’a-t-il donc pas fait d’admirables Vierges, d’un type rayonnant, et dans toute la gloire de leur soleil ? […] Il désira jusqu’à la fin revoir le Midi, dût-il expirer en route ; c’était son idée fixe : « Du soleil ! du soleil ! je ne veux pas mourir ici, je veux mourir au soleil. » Jusqu’à son dernier mot, on put voir qu’Horace n’était pas seulement un talent, mais une nature ; et c’est à ce titre que nous nous sommes fait un plaisir et un devoir sérieux de l’étudier.

141. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

. — On ne peut donc pas assigner de limites à ces renaissances, et l’on est forcé d’accorder à toute sensation, si rapide, si peu importante, si effacée qu’elle soit, une aptitude indéfinie à renaître, sans mutilation ni perte, même à une distance énorme, comme une vibration de l’éther qui, partie du soleil, se transmet à travers des millions de lieues jusqu’à nos appareils d’optique, avec son spectre spécial et ses raies propres, la même au point de départ et au point d’arrivée, intacte et capable, par sa conservation exacte, de manifester à l’instrument qui la reçoit le foyer qui l’émet. […] En effet, si maintenant je retourne en arrière jusqu’à mon arrivée à l’auberge, je revois le vieux chêne à vingt pas de la maison, deux ou trois troncs abattus et une douzaine de polissons qui vaguent ou dorment sous la tiédeur du soleil du soir ; ainsi, en évoquant le point de jonction, c’est-à-dire le commencement de l’image, j’ai fourni à l’image le moyen de renaître tout entière. — C’est qu’à vrai dire il n’y a pas de sensation isolée et séparée ; une sensation est un état qui commence en continuant les précédents et finit en se perdant dans les suivants ; c’est par une coupure arbitraire et pour la commodité du langage que nous la mettons ainsi à part ; son commencement est la terminaison d’une autre, et sa terminaison le commencement d’une autre. […] Quand je décrivais tout à l’heure les traînées scintillantes que le soleil faisait sur l’eau, je les ai comparées à des broderies, à des franges et à des paillettes d’argent ; la portion commune à ces quatre sensations, présente dans la première, a ressuscité coup sur coup les trois autres. […] Il en est de même d’un monument, d’une rue, d’un paysage, aperçus plusieurs fois, à différentes heures de la journée, au soir, au matin, par un temps gris, par la pluie, sous un beau soleil, si on les compare au même monument, au même paysage, à la même rue regardés pendant trois minutes, puis remplacés aussitôt par des objets tout différents. […] Mais ces accompagnements, étant différents, ne peuvent renaître ensemble ; les traits contenus dans l’ovale du même visage ne peuvent être à la fois souriants et sévères ; la façade du même palais ne peut être à la fois d’un noir intense, comme lorsque le soleil se couche par derrière, et d’un rose lumineux, comme lorsque le soleil se lève par devant.

142. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

. — Poésies, 1re série : Le Soleil de minuit, Soirs moroses, Contes épiques, Intermède, Hespérus, Philomela, Sonnets, Panteleïa, Pagode, Sérénades, avec portrait (1876). — Justice, drame en trois actes, en prose (1877). — Le Capitaine Fracasse, opéra-comique en trois actes et six tableaux, d’après le roman de Th.  […] — Isoline-Isolin, contes (1833). — Le Docteur Blanc, mimodrame fantastique (1893). — Le Soleil de Paris, nouvelles (1893). — Nouveaux contes de jadis (1893). — Poésies nouvelles (1893). — Ghéa, poème dramatique de Von Goldschmidt, mis en français par Catulle Mendès (1893). — L’Art d’aimer (1894). — La Maison de la Vieille, roman contemporain (1894). — Verger fleuri, roman (1894). — L’Enfant amoureux, nouvelles (1895). — La Grive des vignes, poésies (1895). — Le Chemin du cœur, contes (1895) […] Catulle Mendès vient de publier un beau volume in-8º, contenant toutes ses œuvres, depuis les premiers vers du poète, au rythme élégant, à la vive allure, légèrement inspiré de Th. de Banville, jusqu’aux Poèmes épiques d’un si fier langage Jusqu’à Hespérus et au Soleil de minuit où l’auteur donne complètement sa note originale. […] C’est avec ce côté héroïque de la poésie du maître que les deux premiers volumes nous font refaire connaissance, et il faut proclamer qu’Hespérus, les Contes épiques, le Soleil de minuit, les Soirs moroses sont de très nobles poèmes, de perfection achevée ; d’imagination flambante et grandiose. […] Hespérus est un mystérieux et si lumineux chef-d’œuvre et le Soleil de minuit votre note peut-être la plus forte avec les Contes épiques.

143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Les comparaisons qui parlent naturellement à l’imagination du poëte appartiennent à la plus jolie et à la plus fraîche nature ; on y voit des chevreuils, des faons timides, qui, les pieds dans le torrent, aspirent les derniers feux du soleil ou boivent la rosée matinale sous le fourré. […] Barbier, au contraire, est bien véritablement un enfant du soleil de Juillet. […] Quel bonheur ineffable et quelle volupté D’être un rayon vivant de la divinité ; De voir du haut du ciel et de ses voûtes rondes Reluire sous ses pieds la poussière des mondes, D’entendre à chaque instant de leurs brillants réveils Chanter comme un oiseau des milliers de soleils !

144. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

pas diminuer la poésie, s’il y en a réellement dans l’Inde, et si ce n’est pas nous qui la créons, pauvres éblouis que nous sommes par les reflets de ces boules d’or tournant au soleil, avec lesquelles, comme de vrais Indiens, nous nous sommes mis à jongler ! […] Seuls, Carey et Marshman avaient achevé la leur dans cette langue anglaise qui, bronzée depuis un siècle au soleil de Lahore et polie par les dialectes auxquels elle a été mêlée, semble mieux faite qu’une autre pour recevoir la pensée indienne sans trop visiblement l’altérer. […] Trouvée là comme une goutte de rosée, oubliée par le soleil, dans les feuilles brûlantes de quelque lotus desséché, cette poésie tranche sur l’esprit indien et s’en sépare tout en s’y unissant.

145. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Le poète du Paradis perdu tient une place trop éclatante dans l’Histoire littéraire de son pays pour ne pas crever les yeux, comme un soleil. […] Les poètes poussent partout, quand ils sont vigoureux, mais aucun poète sous le tournant du soleil ne l’a mieux prouvé que Milton, et on peut l’étudier comme un véritable phénomène de végétation poétique, ce chêne de rocher que rien, rien n’a pu empêcher de devenir, à l’âge où les hommes les plus forts se cassent, le rouvre du Paradis perdu. […] On conçoit presque l’humeur qu’elles prenaient dans le service de sa cécité sourcilleuse, et qu’elles durent plus d’une fois, ces filles d’aveugle, quand elles lui faisaient des lectures dans des livres sans lumière pour elles, envier le guide mendiant de celui du village, sous la haie d’aubépine, au soleil… Sombrement dévoué à Cromwell, l’homme de plume de la république, Milton n’eut, dans sa vie de devoirs et de fonctions arides, pour toute ressource d’imagination, que sa Bible et son orgue ; car il était musicien, ce poète si profondément, si absolument poète que la prose de ses jours ne tua pas la poésie de sa pensée, qu’elle aurait dû dix fois étouffer !

146. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

— D’un autre côté, plus je lis, plus je pénètre sous les voiles qui me cachaient nos grandes gloires, et moins ] j’ose écrire ; je suis frappée de crainte, comme un ver luisant mis au soleil. » Et cette autre lettre encore, qui semble résonner et bruire de tous les carillons de ces jolies villes flamandes à toutes les grandes et moyennes fêtes de l’année : « Le 1er novembre 1840. — Bruxelles. — 10 heures du soir. — Je vous écris, mes chères âmes, au milieu de toutes les cloches battantes de Bruxelles qui se répondent pour les Saints et pour les Morts. […] Là-bas, le soleil se charge de tout, de vous écraser et de vous apporter tous les souvenirs sans bruit, auxquels on n’aurait pas la force de répondre. — Hélas ! ici pour nous la pauvreté pesante fait le métier du soleil d’Italie : elle nous rend immobiles et moines, quelque part que nous soyons renfermés… » Les années pour Brizeux se succédaient de plus en plus âpres et sévères, et quoiqu’une pension accordée ou augmentée sous M.  […] Gustave Planche est bien mille fois pire. — Vois-tu, ces hommes divins ont froid dans leurs affreuses chambres d’auberge ruineuses, et leur soleil les brûle en dedans. […] Brizeux mourut à Montpellier le 3 mai 1858 ; il y était arrivé depuis une quinzaine de jours, presque mourant déjà d’une phthisie pulmonaire, mais confiant dans le climat du Midi et impatient de se réchauffer au soleil.

147. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

De retour à Paris après sept ans, je crois, De soleils de Toscane ou d’ombre sous tes bois, Comptant trop sur l’oubli, comme durant l’absence, Tu retrouvais la gloire avec reconnaissance.  […] comme au fond de l’espace  Tel soleil voyageur qui scintille et qui passe, Quand son premier rayon a jusqu’à nous percé, Et qu’on dit : Le voilà, s’est peut-être éclipsé ! […] Et de là nous viendront tes dernières moissons, Peinture, hymne, lumière immensément versée, Comme un soleil couchant ou comme une Odyssée ! […] Le Poëte y survit, si l’Âme le mérite ; Le Génie au sommet n’entre pas au tombeau, Et son soleil qui penche est encor le plus beau ! […] Il est presque évident, au contraire, qu’à part ce que la volonté impose à l’habitude, les heures instinctives où la voix éclate chez Victor Hugo doivent être celles du milieu du jour, du soleil embrasé, du couchant poudreux, ou encore de l’ombre fantastique et profonde.

148. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Ayant passé depuis lors de longues années à Naples, sur cette terre de soleil et d’oubli, il ne s’était pas douté qu’il devenait, durant ce temps-là, ici, un de nos auteurs les plus connus et les mieux aimés. […] M. de Feletz, aux Débats, s’est poliment moqué, dans le temps, de cette retouche37 ; il y notait, entre autres additions, un certain clair de lune introduit au moment de la mort de la sœur, et dans lequel l’astre des nuits, éclairant une nature immobile, était comparé au soleil éteint. […] Loin du soleil et des zéphyrs, Entre ces voûtes souterraines, Tu voltigeras sur des chaînes Et n’entendras que des soupirs. […] Ainsi, par exemple, quand il nettoie machinalement le portrait, et que son âme, durant ce temps, s’envole au soleil, tout d’un coup elle en est rappelée par la vue de ces cheveux blonds : « Mon âme, depuis le soleil où elle s’était transportée, sentit un léger frémissement de plaisir ;… » en imposer pour imposer ; sortir de sa poche un paquet de papier… Mais c’est assez : je tombais l’autre jour sur une épigramme du spirituel poëte épicurien Lainez, compatriote du gai Froissart et contemporain de Chapelle, qu’il égalait au moins en saillies ; il se réveille un matin en se disant : Je sens que je deviens puriste ; Je plante au cordeau chaque mot ; Je suis les Dangeaux à la piste ; Je pourrais bien n’être qu’un sot.

149. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Sa vie devait être comme ces vallées presque closes, où le soleil ne paraît que lorsqu’il est déjà ardent, et sur les onze heures du matin. […] Mme de Pontivy remarquait par instants ce peu de rayonnement d’un cœur au fond si pénétré, et elle lui en faisait des plaintes tendres qu’apaisaient bientôt de parfaites paroles ou mieux des soupirs brûlants ; et puis, son propre soleil, à elle, couvrait tout. […] Une lettre encore de l’époux arrivait à de certains intervalles, et ramenait, au sein de leur certitude habituelle, une crainte, un point noir à l’horizon, que Mme de Pontivy écartait vite de sa passion, comme un soleil d’été repousse les brouillards, mais que lui, moins ardent quoique aussi sensible, ne perdait jamais entièrement de vue. […] Vous êtes mon soleil ardent, vous le savez ; je ne suis peut-être que l’astre qui s’éclaire de vous, qui s’éteint en vous, et que vous ne revoyez briller que quand vous semblez disparaître. […] ce n’est pas l’automne, c’est un coup de soleil, disait-il ; c’est ce pauvre arbuste des îles qui se dépouille avant l’heure. » Mais, le soir, quand les nuages eurent fui, et qu’il vit vers les collines, sur un horizon transparent et froid, la lune naissante, il comprit que c’était l’automne, venu cette année-là plus tôt, et il en tirait présage, se demandant et demandant à ce croissant, à ce ciel pâli, à la nuit, si c’était déjà aussi l’automne de l’amour.

150. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Mlle Delphine Gay, qui devait être de bonne heure célèbre, est née au plus beau matin du soleil de l’Empire, à Aix-la-Chapelle, où son père était receveur général, et elle a été baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne. […] La jeune fille, aussi blonde que sa mère était brune, n’était pas moins belle, de cette beauté qui apparaît d’abord et qu’on ne s’aviserait pas plus de contester qu’on ne conteste le soleil. […] Représentez-vous à une grande soirée de la duchesse de Duras, ou mieux à une brillante matinée du château de Lormois, chez la duchesse de Maillé, en plein soleil d’été, cette enfant rieuse, avec sa profusion de cheveux blonds et ce luxe de vie qui donne la joie, échappée dans le parc, bondissant et courant, puis rappelée tout à coup, et dans le plus élégant des salons, devant le plus recherché des mondes, récitant des vers d’un air grave, avec un front d’inspirée, un profil légèrement accusé de Muse antique, avec un timbre de voix précis et sonore, récitant ou un chant de Madeleine, ou son élégie (tant de fois refaite) sur Le Bonheur d’être belle, et dites s’il n’y avait pas de quoi rendre les armes et de quoi être ébloui. […] Le Nil, le climat d’Égypte, le soleil d’Afrique, deviennent successivement des thèmes à des tirades plus ou moins magnifiques : mais cette vérité qui sort, qui par endroits éclate d’une époque bien comprise ou de la nature humaine vue dans tous les temps, ne la demandez pas. […] Le grand moment est celui du troisième acte, lorsque Cléopâtre, saisie d’un sentiment de jalousie et de remords à la vue de ce qu’elle croit le bonheur de la chaste Octavie, s’en prend à cette nature de feu qui l’a égarée, et lance son apostrophe au soleil d’Afrique, sa longue invective en l’honneur de la vertu.

151. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Les musiciens de la garnison, tunique bien brossée, boutons reluisants, instruments fourbis comme les boutons, quittent la caserne et se dirigent vers les Allées Neuves : c’est l’heure où le soleil, prenant la promenade en biais, y fait étinceler ces myriades de petits cailloux blancs dont les pointes écorchent le sol. Quel soleil ! un de ces soleils qui mûrissent instantanément les apoplexies ! […] À partir du jour où mai, le mois des roses et des grippes, a donné sa première feuille, jusqu’au jour où septembre donne son dernier soleil, vous entendez le chœur des courriéristes d’été entonner, — comme un seul journaliste, — le grand refrain de la saison : « Tout Paris est aux Eaux !  […] Ils me font revenir en mémoire cette parole d’un ami : « Dieu nous a donné la nature pour nous consoler des petits jeunes gens. » Et, les montrant d’une main, mon ami m’indiquait de l’autre la Maladetta avec ses effets de neige étincelants, ses arêtes aiguës qui prennent sous le soleil des teintes ardoisées, — et ses précipices aussi pittoresques et aussi dangereux que peut les souhaiter un Anglais atteint d’un spleen à son dernier période.

152. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

On est à Venise, et madame Schultz paye à Venise, en petite monnaie, ce qu’on lui doit, quand elle parle du soleil se levant sur les ondes glauques de ses lagunes . On ne pouvait pas moins pour Venise et pour soi-même, que cette petite phrase… C’est à ce soleil vénitien que Philarète Chasles, le grand polyglotte, adresse un discours, comme Manfred. Seulement, dans Manfred, c’est le soleil qui se couche, et dans madame Schultz, c’est Chasles qui va se coucher. […] Chasles déclare à sa nièce, toujours devant le soleil, comme un Guèbre, « que sa misanthropie a foi en elle » ; car s’il est misanthrope, si sa philanthropie, qui va sortir tout à l’heure, n’est pas sortie, il n’est pas misogyne encore. […] » Trait profond et final, flèche de Parthe — car la mort est une fuite et même la fuite des fuites — décochée, en décampant, à ces coquins d’éditeurs, ce qui, je dois l’avouer, me gâte un peu mon Chasles d’autrefois, qui se moquait trop des éditeurs pour s’en défier, comme un grand seigneur qui se soucie bien d’être volé par ses fermiers plus ou moins fripons ; et cela me gâte aussi et son discours, et sa recommandation solaire, et le soleil lui-même devant lequel il parle de ces boutiqueries, et sa nièce, enfin, qui rapporte tout cela comme une belle chose et m’annonce ainsi, avant que j’aie ouvert le livre, ce que, hélas !

153. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Il appelle son œuvre : Ces vers d’un méconnu, ces vers d’un résigné, Ces vers où ma douleur devient de ta lumière, Ces vers où ma tendresse a longuement saigné Comme un soleil couchant dans l’or d’une verrière. […] La poésie, qui évoque si puissamment des idées de flânerie et de vagabondage, s’est présentée devant lui comme ces chemins d’or que font, entre la terre et le ciel, les rayons du soleil couchant.

154. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

. — Au soleil (1883). — La Soupe au caillou (1884). — Messieurs les assassins (1885). — Le règne des champignons (1885). — Roses et chardons (1886). — Le Pot aux roses (1887). — Les Bêtes à bon Dieu (1889). — Neline (1890). — La Maison de l’ogre (1890). […] bien découvert aux extrémités sous une chevelure drue, noire comme l’Érèbe et tondue de près, les yeux non démesurément ouverts, mais lumineux, sagaces, avec une étincelle de flamme et bien abrités sous leurs sourcils presque droits, le nez osseux, torturé, à l’arête large, aux narines coupées très hardiment, et s’enflant un peu au bout comme celui des grands penseurs, les joues solides, halées par le soleil et le vent de la mer, accusaient une énergie invincible, et la bouche ironique, bienveillante, sensuelle, aux lèvres pourprées, éclatait de vie dans une longue barbe ondoyante et tortueuse comme celle de Clément Marot.

155. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

flamboyants évocateurs des seules choses évocables par le pinceau : le soleil et la chair ! — ce soleil et cette chair que la nature refusa toujours aux peintres spiritualistes, comme si elle voulait les punir de la négliger et de la trahir.

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