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46. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

Il fallut que des Littérateurs éclairés, M. le Duc d’Orléans lui-même, encourageassent sa timidité, & le fissent consentir à ne plus soustraire au Public ce qu’on avoit si fort goûté dans le particulier. […] Collé y a joint tout l’art dont le sujet étoit susceptible, celui de bien amener les incidens, de mettre du jeu & de la variété dans ses personnages, de développer l’ame de son Héros, de faire ressortir, pour ainsi dire, de chaque Scène un intérêt qui lui est particulier & contribue à l’effet général, de joindre enfin à l’énergie du sentiment, l’aisance & le bon ton du Dialogue, en conservant la naïveté & le costume des mœurs du siecle d’Hénri IV. Quoique ces deux Pieces soient bien éloignées de ressembler à nos Drames langoureux & romanesques, les sentimens particuliers que ce Poëte a fait connoître en plusieurs occasions, doivent le rendre sensible au reproche d’avoir contribué, par ses talens, à accréditer un genre que ses lumieres réprouvent.

47. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

L’esprit est occupé des charmes particuliers qui l’ont frappé ; & il met ces charmes au rang des charmes puissans, dont on ne sauroit se garantir. […] Ainsi nous croyons que l’on doit conserver ces anciennes dénominations, pourvû que l’on explique les différens usages particuliers de chaque cas. […] Que cette réforme n’est pas l’ouvrage d’un particulier. […] Il n’y a en ce monde que des êtres particuliers, le soleil, la lune, cette pierre, ce diamant, ce cheval, ce chien. […] Mon esprit est occupé de deux substantifs ; 1. de la tabatiere, 2. de l’or particulier dont elle a été faite.

48. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

De toutes ces fiches, vous constituez l’idée générale que vous vous faites de l’auteur et les idées particulières que vous avez sur lui et vous n’avez plus qu’à rattacher logiquement ou vraisemblablement ces idées particulières à cette idée générale, pour faire, sinon un bon article, du moins un article qui se tienne. […] Or lire en critique n’est pas un plaisir ou du moins est un plaisir très particulier, mêlé de beaucoup de sécheresse.

49. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Il n’a guère que des idées particulières et locales, qu’il exprime pour un moment dans une langue qui change tous les jours. […] Enfin, à une certaine époque unique éclatent dans le même peuple la perfection du génie particulier de ce peuple, et la perfection de l’esprit humain. […] C’est tantôt le tour de l’imagination, tantôt celui de la sensibilité, de faire prédominer l’individu sur l’homme, le particulier sur l’universel. […] Dans ce jugement sur ce que les littératures du Midi ont de particulier, il ne faut comprendre la littérature italienne qu’avec des restrictions méritées. […] Or, c’est par l’accent et l’inversion, ce semble, que se marque, dans une langue, le tempérament particulier d’une nation ; c’en est le caractère le plus local.

50. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

C’est dans ces expériences particulières uniquement que réside la réalité de l’idée, en sorte qu’elle n’est elle-même une réalité que pour le groupe d’hommes déterminé à qui ces expériences réussirent, ou pour un groupe pareil. […] Aucune de ces idées n’aurait pu être formulée, si elle ne s’était exprimée tout d’abord en des actes et en des croyances, comme l’effet de la sensibilité de quelque collectivité humaine particulière. […] Les formes catholique, arienne, nestorienne, grecque et protestante témoignent de l’action secrète de physiologies sociales distinctes s’assimilant l’idée selon des procédés différents, selon des quantités variables et appropriées à leurs besoins particuliers. […] L’idéal humanitaire et cosmopolite est donc bien une attitude d’utilité propre au groupe des nouveau-venus dans tout état organisé : c’est bien dans cet intérêt positif et particulier qu’il puise sa réalité, qu’il cache et nourrit ses racines pour ne montrer que sa fleur idéologique. […] Ce fut, nous dit Fustel de Coulanges, une conception particulière que les hommes de cette race avaient alors formée sur le destin de l’âme après la mort.

51. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

La cathédrale parfaite s’élève ainsi comme un immense symbole ; on peut dire aussi que, par sa particulière nostalgie, elle suggère la Vérité (Dieu, ici) à travers la Beauté. […] Mais il appartient au tact de l’artiste de dessiner sa pensée jusqu’à la rendre aisément perceptible en ses lignes générales sans la restreindre à une idée particulière. L’idée particulière n’embrasse que le relatif, ce qui est éternel lui échappe ; elle ne peut s’envelopper de songe, elle ne nous conduit pas au-delà de nous-mêmes et rapetisse l’œuvre d’art à une réalité immédiate et tangible, lorsque la fonction même de cette œuvre est de nous suggérer l’infini. […] Si le Poète, sans exprimer encore directement son idée, veut que son œuvre la délimite avec précision, malgré lui il en fait une idée particulière, car ses vers ne pourront donner jamais qu’un aspect particulier d’une idée générale, ce qui équivaut à une idée particulière. […] Le Porcher, la Chevauchée d’Yeldis sont des exemples singulièrement nets de cette méthode que je crois particulière à M. 

52. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Loin donc de nous dépasser nous-mêmes, nous sommes enfermés en nous et ne pouvons-nous figurer l’universel que sur le type de notre expérience particulière en des relations supposées identiques. […] L’idée de l’existence, si on l’analyse, renferme d’abord l’image confuse de ce qu’il y a de plus général dans nos états de conscience ; et cette image, en s’associant à une perception donnée, particulière, la classe dans le genre des perceptions mêmes, l’assimile à toutes les autres perceptions, la reconnaît comme reproduction d’un état dont on a eu l’expérience, lui enlève ainsi déjà quelque chose de sa particularité pour lui donner une valeur générique et générale. — Mais cette association d’une vague image avec une perception particulière n’est toujours qu’un état momentané de notre conscience individuelle. — Sans doute ; mais en cet état momentané il y a le retentissement de toute l’existence passée, de toutes les perceptions passées : c’est une perspective ouverte. […] Il est donc inutile, pour l’idée du parfait comme pour celle d’infini, d’admettre en nous une faculté particulière qui en serait l’origine. […] L’objet n’est jamais pour nous aussi intelligible que notre pensée est intelligente ; il y a donc en nous une puissance qui dépasse ses actes particuliers et peut recommencer toujours l’opération. […] Or, il est clair que le mouvement et la matière, objets particuliers d’expérience, en un mot de sensation et de représentation, ont en eux-mêmes quelque chose d’emprunté à notre sensation et à notre représentation.

53. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Et comme la fin de chaque être particulier est un élément de la fin absolue, le bien de chaque être particulier est un élément du bien absolu ; il est donc sacré et obligatoire. […] Jouffroy l’a employé sans le résoudre en exemples, et sans revenir aux faits particuliers d’où il est tiré. […] Conservons précieusement le sens exact que les exemples particuliers ont attribué au mot destinée ; par ce moyen, tout s’éclaire. […] Il suffit, pour les découvrir et les enchaîner, d’appliquer la méthode qui ramène les idées à leur origine, et les formules générales aux cas particuliers. […] Or, le jugement universel surpasse en grandeur le jugement particulier ; donc le sentiment et le motif poduits par le jugement universel surpasseront en grandeur le sentiment et le motif produits par le jugement particulier.

54. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Il semble même que la providence n’ait voulu rendre certains talens et certaines inclinations plus communes parmi un certain peuple que parmi d’autres peuples, qu’afin de mettre entre les nations la dépendance réciproque qu’elle a pris tant de soin d’établir entre les particuliers. Les besoins qui engagent les particuliers d’entrer en societé les uns avec les autres, engagent aussi les nations à lier entr’elles une societé. La providence a donc voulu que les nations fussent obligées de faire les unes avec les autres, un échange de talens et d’industrie, comme elles font échange des fruits differens de leurs païs, afin qu’elles se recherchassent réciproquement, par le même motif qui fait que les particuliers se joignent ensemble pour composer un même peuple : le desir d’être bien, ou l’envie d’être mieux. […] Demandez-le, dit le même philosophe, au génie d’un chacun, qui peut seul vous en rendre compte : chaque particulier a le sien qui ne ressemble pas à celui des autres ; il en est même qui sont aussi differens que le blanc et le noir.

55. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Préface Les essais qui forment ce livre sont consacrés à six écrivains de nationalités diverses, introduits, accueillis et devenus célèbres en France pendant ces cinquante dernières années et qui marquent ainsi un des traits particuliers de l’histoire de notre littérature : l’influence qu’y ont exercée des auteurs étrangers de race, de langue, de tournure d’esprit à tout ce que l’on considère comme le propre du génie gallo-latin. […] Il faut donc admettre qu’une cause particulière détermine le succès de ces livres, le succès des révolutions littéraires qu’ils ont provoquées. […] Considérant ensuite l’œuvre de chacun d’eux comme compréhensible et admirable seulement pour des esprits dont elle exprime les penchants et qui se trouvent être ainsi dans une certaine mesure, les pareils moralement de son auteur, nous saurons à la fois et ce qu’ont de particulier les écrivains que nous sommes allés adopter à l’étranger, et ce que signifient les adhésions qu’ils ont recueillies eux et les artistes qui les imitent en France ou qui leur ressemblent.

56. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Je dois une reconnaissance particulière à Joseph Bédier : l’ouvrage qu’il publie sur l’épopée française me débarrasse d’une grosse difficulté, ainsi qu’on le verra plus loin ; d’autre part, si ma thèse est juste, elle apporte à celle de M.  […] Tout individu, je le répète, peut connaître l’une après l’autre chacune de ces trois étapes ; la société les connaît nécessairement ; de là le caractère particulier d’une époque, qui s’impose à la majorité ; et de là, éventuellement, le conflit d’une étape individuelle (attardés ou précurseurs) avec l’étape sociale. […] Dès qu’on conçoit ainsi ces trois modes essentiels, il est clair que les « genres intermédiaires », innombrables autant que légitimes, sont des cas particuliers ; il faut se garder de créer pour eux des catégories nouvelles ; il faut respecter leur individualité, en expliquant leur genèse par la combinaison d’éléments divers. […] On pourrait même remarquer que chaque nation paraît avoir une aptitude spéciale pour l’un ou l’autre de ces genres, qui répond le mieux à son génie particulier et qui fleurit chez elle avec le plus d’intensité et le plus de durée. […] Une dernière remarque : je donne ici, non pas une histoire de la littérature, mais une esquisse en traits sommaires ; avec pourtant la discussion de quelques cas particuliers qu’il était impossible de passer sous silence.

57. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

L’explication des faits, réduite alors à ses termes réels, n’est plus désormais que la liaison établie entre les divers phénomènes particuliers et quelques faits généraux dont les progrès de la science tendent de plus en plus à diminuer le nombre. […] De même, le dernier terme du système métaphysique consiste à concevoir, au lieu de différentes entités particulières, une seule grande entité générale, la nature, envisagée comme la source unique de tous les phénomènes. […] Ce dernier ordre de conceptions, qui se rapporte aux phénomènes les plus particuliers, les plus compliqués et les plus dépendants de tous les autres a dû nécessairement, par cela seul, se perfectionner plus lentement que tous les précédents. […] La plupart se bornent déjà entièrement à la considération isolée d’une section plus ou moins étendue d’une science déterminée, sans s’occuper beaucoup de la relation de ces travaux particuliers avec le système général des connaissances positives. […] Une classe distincte, incessamment contrôlée par toutes les autres, ayant pour fonction propre et permanente de lier chaque nouvelle découverte particulière au système général, on n’aura plus à craindre qu’une trop grande attention donnée aux détails empêche jamais d’apercevoir l’ensemble.

58. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Axiomes particuliers 23-28. […] Autre passage remarquable de la Politique d’Aristote : Les anciennes républiques n’avaient point de lois pour punir les offenses et redresser les torts particuliers ; ce défaut de lois est commun à tous les peuples barbares. […] Les barbares, n’ayant que des idées particulières, s’en tiennent naturellement à cette certitude, et sont satisfaits, pourvu que les termes de la loi soient appliqués avec précision. […] Cet axiome placé ici à cause de son rapport particulier avec le droit des gens, s’applique généralement tous les objets dont nous avons à parler. Il aurait dû être rangé parmi les axiomes généraux ; si nous l’avons mis en cet endroit, c’est qu’on voit mieux dans le droit des gens que dans toute autre matière particulière, combien il est conforme à la vérité, et important dans l’application (Vico).

59. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Le principe d’individuation fait apparaître à un moment donné dans le groupe social une personnalité artistique ou agissante douée d’une constitution mentale et probablement cérébrale, particulière, manifestée par des œuvres, des actes, des paroles. […] Mais l’émotion esthétique, tout en étant fin en soi et en ne produisant pas sur le coup d’effets pratiques, en provoque cependant à la longue d’importants, et par le fait de sa nature générale et par le fait de la nature particulière qu’elle peut présenter. […] Au contraire, les données principales sur lesquelles se base l’esthopsychologie ont ceci de particulier, qu’elles sont nécessairement et pour ainsi dire automatiquement véridiques. […] La seconde partie de l’analyse critique se rapporte également à la psychologie générale, avec cet indice particulier qu’elle aboutit non pas à des connaissances sur le mécanisme mental humain moyen, mais bien sur l’âme d’êtres humains individuels, ayant réellement existé, observés par le dehors sur leurs manifestations, et intéressants à connaître, en leur qualité d’êtres supérieurs. […] Ce rapport dépend, selon nous, du principe de l’imitation entre organismes psychiques semblables, qui est une variété particulière du fait de la répétition, et qui semble être la forme de ce fait, propre à la société humaine, beaucoup plus que l’hérédité.

60. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Le nombre des chaumières et des autres édifices particuliers étant à celui des palais dans le rapport de dix mille à un, il y a dix mille à parier contre un que le génie, les talents et la vertu sortiront plutôt d’une chaumière que d’un palais. […] Mais des lois propres à la généralité des esprits ne peuvent être des lois particulières ; utiles au grand nombre, il faut nécessairement que quelques individus en soient lésés. […] On entre ignorant à l’école, on en sort écolier ; on se fait maître soi-même en portant toute sa capacité naturelle et toute son application sur un objet particulier. […] Que, comme je l’ai insinué plus haut, la chose qui va bien dans la spéculation, va mal dans la pratique, et que l’ordre de l’enseignement prescrit par l’âge, par l’utilité plus ou moins générale des élèves, le seul qui soit praticable dans une éducation publique, est aussi le seul qui s’accorde avec l’intérêt général et particulier. […] Ces trois dernières facultés ayant pour objet des sciences et des professions particulières, c’est dans la première, la faculté des arts, que se trouve compris l’ensemble des études applicables à la généralité de ceux qui étudient.

61. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Les leçons sur les sciences suffisent lorsqu’elles ont indiqué au talent naturel l’objet particulier qui deviendra l’étude et l’exercice particulier du reste de la vie. […] (La morale particulière, ou le droit naturel et celui des gens.) […] Et puis feuilleter la nuée des moralistes tels que Montaigne, Nicole et d’autres qui ont ressassé nos devoirs particuliers, pour en tirer ce qu’ils ont dit de plus sensé.

62. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Chaque fait particulier est comme étranger à ceux qui le précèdent comme à ceux qui le suivent et tout ce que l’esprit peut faire, c’est d’apercevoir et de retenir l’ordre extérieur dans lequel ils se succèdent le plus généralement. […] Mais alors, qu’est-ce que le particulier, le complexe ? […] De là l’éloignement de ces penseurs pour le sensible, le fait particulier, et la médiocre estime où ils tiennent les procédés qui, seuls, permettent de l’atteindre : l’observation et l’expérimentation. […] Enfin et surtout il a eu le très grand mérite d’appliquer ces idées générales à un ordre particulier de phénomènes, je veux dire aux phénomènes psychologiques.

63. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

D’abord, et si fort que soit ce paradoxe apparent, il faut un caractère général pour constituer un individu, une chose particulière qui dure. […] Mais il n’est attaché d’une façon particulière à aucune d’elles ; indifféremment, il les évoque toutes ; indifféremment, il est évoqué par toutes. […] Lieber, montra dans sa première enfance une tendance particulière à former de nouveaux mots. […] Ce sont des choses sensibles et particulières, mais qui remplacent des limites tout à fait abstraites et générales, de même que tout à l’heure en arithmétique des cailloux et des doigts remplaçaient de pures unités. […] En reculant par la pensée la surface du tableau noir, nous voyons naître tout le tableau solide. — De cette construction générale, passons aux particulières.

64. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Il sait que chaque illustration est une preuve à l’appui de quelque forme particulière de l’association des idées ; au-dessus des faits, il voit les lois partielles ; au-dessus des lois partielles, il voit la loi générale, fondamentale, cette propriété irréductible de l’intelligence, en vertu de laquelle nos idées s’attirent et s’enchaînent. […] Bain n’ait pas essayé de montrer en détail comment son explication peut remplacer la théorie ordinaire des facultés, et comment chacune de celles-ci se ramène à un mode particulier d’association. […] Le sens de l’extériorité est donc la conscience d’énergies et d’activités particulières qui nous sont propres. […] Bain adopte, sans restriction, la doctrine de Stuart Mill, que tout raisonnement va du particulier au particulier. […] On se demande, sans doute, pourquoi l’auteur n’a point reconnu un mode particulier d’association par contraste ?

65. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Comme le mouvement libéré par la dépense nerveuse préexistait sous une autre forme dans la force de tension, ainsi l’acte particulier et le sentiment particulier sont la suite de l’activité préexistante. […] Il n’y aura encore aucune sélection, aucun triage de mouvements, car pourquoi tel mouvement particulier se détacherait-il d’un ensemble qui, étant agréable, tend comme tel à continuer sous la même forme confuse et non différenciée ? […] C’est pour cette raison que l’existence même de cette activité a pu être niée ; mais l’impossibilité de représenter sous la forme d’un état particulier ce qui est le fond commun de tous nos états, ne prouve nullement que l’activité n’existe point et même n’ait pas conscience de son existence. […] De même pour l’activité primitive qui le constitue ; le sujet est présent à lui-même, mais non représenté à lui-même ; il a conscience, mais il n’a pas conscience de soi comme d’un changement particulier, ni comme d’un état particulier, quoiqu’il n’acquière la conscience distincte et claire de soi que dans des changements et des états offrant eux-mêmes distinction et clarté.

66. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Le cerveau est à l’état de tension et agit toujours dans sa totalité ; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela même une suite indéfinie d’autres décharges dans une direction déterminée75. […] Aussi est-il juste de comparer, avec William James, le mécanisme de la pensée au phénomène électrique qu’on appelle l’aurore boréale, où l’équilibre entre l’électricité terrestre et celle des particules glacées de l’atmosphère est sans cesse rompu et rétabli, où les inductions électriques sont perpétuelles, de manière à produire des irradiations sur des points continuellement changeants : les rayons lumineux qui jaillissent successivement, l’un ici, l’autre là, sont associés entre eux comme le sont nos idées, c’est-à-dire qu’en réalité ils ne se produisent pas l’un l’autre, mais sont produits l’un après l’autre par une cause commune, la tension générale, et par les conditions particulières qui la font se décharger successivement ici et là ; chaque idée est comme une irradiation sur un point particulier, révélant à la fois la tension générale et la décharge particulière du magnétisme intérieur. […] Qu’une image particulière de la vue, comme celle de la couleur rouge, ébranle le centre visuel, cet ébranlement se répandra par diffusion dans le centre visuel tout entier ; il tendra à susciter l’image plus ou moins précise d’autres couleurs similaires, ou encore celle de la couleur en général, puis, par une sélection nouvelle, celle de l’étendue, et ainsi de suite. […] Le tort de Spencer est d’avoir immédiatement identifié cet emboîtement des images similaires avec la conscience de leur similarité, qui a besoin d’une explication particulière, et avec la reconnaissance de la similitude entre le passé et le présent, opération encore plus compliquée dont nous parlerons plus loin78. […] Du côté physiologique, leur lien est leur rapport à l’unité de la tension cérébrale, chaque décharge particulière étant, comme nous l’avons vu, fonction de l’énergie totale.

67. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

. ― Comment passer des faits particuliers à des vérités générales ? […] On le voit, soit par une comparaison directe des œuvres littéraires entre elles, ce qui est le moyen le plus sûr et le plus fécond en résultats, soit par une application de lois générales ou universelles déjà découvertes, ce qui exige beaucoup de tact et de prudence —. c’est-à-dire le plus souvent par la méthode inductive et quelquefois par la méthode déductive — on peut obtenir quantité de vérités démontrables, qui contiennent et résument une multitude de faits particuliers. […] § 2. — De même que la comparaison d’un grand nombre de faits particuliers permet d’aboutir à des faits généraux, de même le rapprochement de plusieurs causes individuelles amène à constater des causes générales. […] C’est par des procédés tout à fait semblables qu’en rapprochant plusieurs effets particuliers on constate des effets généraux.

68. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

L’affirmation que tout est d’une même couleur dans le monde, qu’il n’y a pas de surnaturel particulier ni de révélation momentanée, s’imposa d’une façon absolue à notre esprit. […] Une ou deux leçons particulières me permettaient de ne pas toucher aux douze cents francs de ma soeur. […] Une des choses les plus recommandées au séminaire était d’éviter « les amitiés particulières ». […] Dès qu’un peu de chaleur commence à naître, mon principe sulpicien : « Pas d’amitiés particulières », vient comme un glaçon troubler le jeu de toutes les affinités. […] Ma philosophie, selon laquelle le monde dans son ensemble est plein d’un souffle divin, n’admet pas les volontés particulières dans le gouvernement de l’univers.

69. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Chacun des mots, chacune des locutions de notre langage usuel est en nous une habitude positive ; toutes ces habitudes particulières sont spécifiquement distinctes, mais en même temps analogues les unes aux autres, et une habitude positive totale est la synthèse de ces habitudes élémentaires. […] Ainsi la parole intérieure, considérée comme puissance, est à son acte ce qu’une majeure générale est à une conclusion particulière ; c’est une puissance imparfaitement déterminée, dont l’acte n’est pas à l’avance rigoureusement fixé, mais seulement préparé dans ses lignes générales et, par là, rendu facile à l’imagination. […] La parole intérieure réunit ces deux qualités, en apparence incompatibles, par ce fait qu’elle se compose d’habitudes élémentaires à la fois particulières et positives, tandis qu’elle-même reste générale, c’est-à-dire indifférente à l’ordre des actes particuliers qui la réalisent. Mais elle est devenue, par son incessante réalisation, si proche de l’acte que, tout en conservant la généralité, c’est-à-dire l’indifférence à la nature particulière de l’acte complexe qui la manifeste, elle ne peut plus se passer de le produire ; elle se réalise encore sans besoin, d’une manière, pour ainsi dire, automatique, dans le silence de la pensée. […] La loi de causalité, dans le système de Stuart Mill, serait une habitude générale ; elle passe à l’acte sous la forme de lois particulières.

70. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Les haines des particuliers servent à l’aggrandissement de la république *. Afin d’observer quelque méthode dans cet ouvrage, il est divisé en plusieurs articles : Querelles particulières, ou Querelles d’auteur à auteur ; Querelles générales, ou Querelles sur de grands sujets ; Querelles de différens corps. […] On peut comparer les Querelles particulières aux combats singuliers ; les Querelles générales aux guerres réglées de nation à nation ; les Querelles de différens corps à ces combats où l’on appelloit des seconds, & où l’on combattoit parti contre parti.

71. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Il y a un sentiment particulier de processus interne comme il y a un sentiment particulier de chute. […] Il en est de même pour cette sorte particulière d’attente qu’on nomme l’attention. […] Quand il s’agit d’une peine passée, il y a un sentiment de délivrance particulier, qui suppose encore une simple idéalité par opposition à la réalité. […] Il y a là un fait nouveau qui réclame une explication particulière. […] Nous avons ici un exemple d’adaptation particulière à l’avenir.

72. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Mais cette expression n’est ici qu’un aveu de l’ignorance où nous sommes des causes de chaque variation particulière. […] Elle pourrait s’appliquer seulement à quelque espèce particulière de Chauves-Souris ayant des ailes remarquablement développées par rapport aux autres espèces du même genre. […] Je puis ajouter ici que, durant le cours de mes travaux sur les animaux de cet ordre, j’ai mis une attention toute particulière à vérifier la remarque que M.  […] Comme les oiseaux dans une même contrée ne varient que dans de très étroites limites, je leur ai prêté une attention particulière, et j’ai trouvé que la même règle s’étendait à toute cette classe. […] C’est que ces caractères particuliers sont ceux qui fixent actuellement l’attention des amateurs anglais.

73. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Avant de laisser enfanter son imagination, de prêter à sa puissance verbale de beaux thèmes à phrases magnifiques, Flaubert avait rempli sa mémoire de l’infinité de faits que réclamait son style particulier, disconnexe et concis, et que son réalisme le poussait à rechercher aussi véridiques que peuvent les fournir les livres. […] En cette œuvre se reflète toute l’âme de Flaubert, cet esprit contradictoire et déchiré, que le réel sollicitait et repoussait, que la beauté attirait mais qui ne parvint à l’imaginer qu’antique et documentaire, qui sentit la séduction du mystère et fut le plus explicite des stylistes, qui conçut la synthèse du particulier dans le général et cependant disséqua des âmes particulières, écrivit en phrases analytiques et discrètes, et s’abstint de toute généralisation. Dans ces alliances adverses, dans ces idéaux contradictoires, semble résider le génie, l’originalité, le caractère, l’indice psychologique particulier de Flaubert, qui n’eut dans toute sa carrière, que cette chose chez lui primordiale et terme commun, le style. […] — Ces derniers passages sont extrêmement significatifs ; ils semblent indiquer en Flaubert le sentiment qu’entre ses idées et la phrase particulière dont il veut les revêtir une lutte existe, dans laquelle la forme l’emporte sur le fond et exclut celles des pensées qu’elle ne peut figurer. […] Au réveil du sujet, aucune des trois listes ne détermina chez lui soit un courant particulier, d’idées, soit une modification de langage qui le forçât à exprimer des pensées habituellement étrangères.

74. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Mais, on l’a vu, Boileau n’a jamais pris dans son tempérament particulier la règle de l’art. […] Mais alors que doit penser Boileau de sa propre poésie, dont la caractéristique est précisément d’exprimer avec vigueur des choses particulières dans leur particularité même ? […] Il estimait sans doute que, quand par la probité absolue de son expression, l’artiste impose le sentiment de la réalité de l’objet qu’il exprime, si particulier que soit cet objet, la copie prend une valeur universelle et constante. […] Les passions générales ne vivent que dans des formes particulières, déterminées à chaque siècle et en chaque homme par un concours unique de causes. […] D’autres fois, à force d’étudier les Grecs et les Latins, il se familiarise avec les formes particulières que certaines circonstances et le caractère de la civilisation antique ont données aux sentiments de l’âme et à leur expression littéraire.

75. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Isolé par goût, sans autre ambition que celle des lettres, des « saintes lettres », comme il les appelle, n’aspirant à rien tant qu’à les voir se retremper aux grandes sources et se régénérer, ne désespérant point d’y aider pour sa part en un siècle dont il appréciait les germes de vie et aussi la corruption et la décadence, il n’entra jamais dans la politique qu’à la façon d’un particulier généreux qui vient remplir son devoir envers la cause commune, dire tout haut ce qu’il pense, applaudir ou s’indigner énergiquement. […] Quand quelque pièce se démanche, on peut l’étayer ; on peut s’opposer à ce que l’altération et corruption naturelle à toutes choses ne nous éloigne trop de nos commencements et principes ; mais d’entreprendre de refondre une si grande masse et de changer les fondements d’un si grand bâtiment, c’est à faire à ceux qui, pour décrasser, effacent, qui veulent amender les défauts particuliers par une confusion universelle, et guérir les maladies par la mort. […] Et, sans m’arrêter à demander de quel droit des particuliers qui donnent une fête à leurs amis s’avisent de voiler les monuments publics, je dirai que si, en effet, cette misérable orgie a lieu, ce ne sont point les images des despotes qui doivent être couvertes d’un crêpe funèbre, c’est le visage de tous les hommes de bien, de tous les Français soumis aux lois, insultés par les succès de soldats qui s’arment contre les décrets et pillent leur caisse militaire. […] Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière. […] En vertu d’une ordre du comité de sûreté générale du quatorze vantose qu’il nous a présenté le dix-sept de la même anée dont le citoyen Guenot est porteur de laditte ordre, apprest avoir requis le membre du comité révolution et de surveillance de laditte commune de Passy les Paris nous ayant donné connaissance dudit ordre dont les ci-dessus étoit porteurs, nous nous sommes transportés, maison quaucupe la citoyene Piscatory ou nous avons trouvé un particulier à qui nous avons mandé quil il était et le sujest quil l’avoit conduit dans cette maison11 il nous à exibée sa carte de la section de Brutus en nous disant qu’il retournaist apparis, et qu’il étoit Bon citoyent et que cetoit la première foy quil renoit dans cette maison, quil étoit a compagnier d’une citoyene de Versaille dont il devoit la conduire audit Versaille apprest avoir pris une voiture au bureaux du cauche il nous a fait cette de claration à dix heure moins un quard du soir à la porte du bois de Boulogne en face du ci-devant chateaux de Lamuette et apprest lui avoir fait la demande de sa démarche nous ayant pas répondu positivement nous avons décidé quil seroit en arestation dans laditte maison jusqua que ledit ordre qui nous a été communiquié par le citoyent Genot ne soit remplie mais ne trouvant pas la personne dénomé dans ledit ordre, nous lavons gardé jusqua ce jourdhuy dix huit.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

De tels résultats ne s’obtenaient pas sans bien des soins, de l’application, et sans une nature particulière de génie. […] Villars, durant ces années de campagne en Flandre, fit vers lui bien des avances ; Fénelon, tout en les accueillant d’un air de bonne grâce, réservait son jugement, et dans sa correspondance particulière avec le duc de Chevreuse, dans les mémoires et instructions confidentielles à l’usage du duc de Bourgogne, on voit qu’il n’estimait point Villars à sa valeur. […] Louis XIV écrivit à Villars (20 septembre) une lettre d’une entière et magnanime satisfaction : Mon cousin, vous m’avez rendu de si grands et de si importants services depuis plusieurs années, et j’ai de si grands sujets d’être content de tout ce que vous avez fait dans le cours de la présente campagne, en arrêtant par vos sages dispositions les vastes projets que les ennemis avaient formés, et vous m’avez donné des marques si essentielles de votre zèle et particulièrement dans la bataille du 11 de ce mois, dans laquelle mes troupes, encouragées par votre bon exemple, ont remporté le principal avantage (Louis XIV, on le voit, accepte la version de Villars) sur nos ennemis, que j’ai cru devoir vous témoigner la satisfaction que j’en ai en vous accordant la dignité de pair de France ; vous avez bien mérité cet honneur, et je suis bien aise de vous donner cette distinction comme une marque particulière de l’estime particulière que je fais de vous. […] Et on en a la preuve assez particulière : lorsqu’en 1744 Viliars fut nommé de l’Académie française et qu’il fit son discours de réception, il eut l’idée de l’orner de ces paroles généreuses de Louis XIV, à lui adressées avant la campagne de Denain, et qui l’y avaient enhardi. […] L’année suivante, 1713, l’empereur hésitant encore à signer sa paix particulière, Villars fut envoyé à l’armée d’Allemagne, et, poussant sa veine, il n’y eut que des succès.

77. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Le jour où elle paraît dans une nation comme une des branches de sa littérature, ce jour-là l’esprit particulier de cette nation commence à soupçonner qu’il est l’esprit humain. […] faut seulement distinguer, parmi ces vérités, celles qui sont d’une pratique constante et universelle, de celles dont l’application est plus particulière à certaines sociétés ; les vérités qui nous servent d’armes offensives et défensives dans la conduite de la vie, de celles qui demeurent au fond de notre intelligence à l’état de notions spéculatives, et qui nous aident à juger les hommes et les choses. […] Enfin, il est des vérités métaphysiques dont les éléments ne sont ni des faits généraux ou particuliers, ni des motifs de conduite ; celles-là ne sont comprises que par les esprits à la fois élevés et rigoureux. […] La première édition, la plus rapprochée de la Fronde, contient beaucoup plus de traits particuliers : les maximes s’y personnifient sous la forme de portraits, comme dans La Bruyère. […] Malgré le désintéressement qui lui fit retrancher toutes les maximes trop particulières, et toutes les généralités hasardées, le malaise de sa vie à cette époque, ses froissements personnels, ses luttes, sa passion pour Mme de Longueville, à laquelle il eût sacrifié l’Etat, lui avaient fait un fond d’humeur qui s’épancha dans ses pensées et attrista sa raison d’une manière irréparable.

78. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Sa vivacité et sa simplicité d’expressions, de tons, d’attitudes, lui donnent un pouvoir particulier d’exciter en nous la sympathie. […] C’est en se fondant sur ces apparences que des philosophes, même éminents, ont pensé qu’un sens particulier était nécessaire pour expliquer leur existence. […] Donnez-lui les associations que les imaginations cultivées joignent à ces sons, et il en sentira infailliblement la beauté56. » III Quand l’idée d’une action émanant de nous (cause) s’associe à l’idée d’un plaisir (effet), il se produit un état d’esprit particulier, caractérisé par la tendance à l’action et qu’on appelle proprement motif. Un motif c’est l’idée d’un plaisir qu’on peut atteindre ; un motif particulier c’est l’idée d’un plaisir particulier qu’on peut atteindre (Fragm. on Mac-Kintosh, note 49).

79. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il y a cependant encore une Académie royale de musique et une de peinture établies par lettres-patentes, et gouvernées chacune par des directeurs particuliers. […] Ce défaut est particulier aux traductions. […] Les racines philosophiques étant ainsi trouvées, il sera bon de les marquer dans le dictionnaire par un caractère particulier. […] Il faudrait, dans le mot temps, un accent particulier au lieu de l’s ; dans le mot tend, un autre accent particulier au lieu du d ; dans le mot tant, un autre accent particulier au lieu du t, etc. : il faudrait savoir que le premier accent indique une s, et se prononce comme un z ; que le second indique un d, et se prononce comme un t ; que le troisième indique un t et se prononce de même, etc. […] Ainsi, je suppose qu’on se servît d’un caractère particulier pour marquer la voyelle ou, car ce son est une voyelle, puisque c’est un son simple, on pourrait joindre aux syllabes ou, u, w, etc., ce caractère particulier, que toutes les langues feraient bien d’adopter.

80. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 12

Lacroix n’ait jamais quitté la Province, où l’on a souvent à lutter, principalement dans la sienne, contre l’habitude d’un idiome particulier, qui influe souvent sur la maniere d’écrire. On a encore de cet Auteur plusieurs petits Ouvrages qui ont un rapport plus particulier avec les Belles-Lettres, & qui ne font pas moins honneur à sa plume.

81. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — set » pp. 178-179

Signe particulier : A des principes. […] Signe particulier : Fait courir le bruit qu’il a « des intérêts dans le théâtre ».

82. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Il ne faut pas croire non plus que la destruction accidentelle des individus de couleur particulière ne puisse produire que peu d’effet sur une race. […] Mais dans des cas fréquents la victoire dépend moins de la vigueur générale de l’individu que des armes spéciales qu’il possède et qui sont le plus souvent particulières au sexe mâle. […] Ce ne serait du reste qu’une application particulière de la loi générale selon laquelle le croisement entre des individus distincts de la même espèce est propice à sa multiplication. […] Or, l’accumulation de variations accidentelles, tendant à localiser les organes chacun pour des fonctions particulières, est donc du ressort de la sélection naturelle. […] La sélection sexuelle agit en ce cas surtout pour donner aux mâles seuls les caractères particuliers qui leur sont utiles dans leurs luttes contres d’autres mâles.

83. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

L’homme de génie est celui qui voit plus clair que les autres, qui aperçoit une plus grande part de vérité, qui peut relier un plus grand nombre de faits particuliers sous une idée générale, qui enchaîne toutes les parties d’un tout sous une loi commune, qui, lors même qu’il crée, comme dans la poésie, ne fait que réaliser, par le moyen de l’imagination, l’idée que son entendement a conçue. […] Que prouveraient d’ailleurs quelques faits particuliers dans une question si délicate et si complexe ? […] Sur ce premier point, je fais observer d’abord que, parmi les faits cités, il en est qui n’ont absolument rien de particulier : « Montesquieu, dit-on, jetait les bases de l’Esprit des lois au fond d’une chaise de poste. » Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? […] Il faudrait établir que les hommes ordinaires n’en ont pas ; autrement, il n’y a rien là qui soit particulier aux hommes supérieurs. […] J’ajoute que, sans être de son avis, sur le fond de la question, je crois qu’il a rencontré, chemin faisant, beaucoup de vérités particulières, qui sont plus instructives et plus intéressantes que la thèse chimérique qu’il prétend établir.

84. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Il faut que tous mettent leurs intérêts particuliers au-dessous de l’intérêt général, que tous se sacrifient à tous, que tous soient patriotes, à quoi il faut beaucoup de vertu. […] Ne me dites pas que, supprimés ces organismes sociaux, la volonté générale sera encore plus une somme de volontés particulières, absolument particulières. […] « C’est un paralogisme de dire [en ce dernier cas] que le bien particulier doit céder au bien public. […] Les familles particulières peuvent s’augmenter ; il faut donc que leurs biens puissent croître aussi. […] Les détails où entre ensuite Rousseau sont particuliers à la Pologne, à qui il parle, et n’ont pas d’intérêt général.

85. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Passons aux rapports particuliers. […] Les premières ou idées abstraites particulières ne se composent que de l’idée d’une chose particulière à un individu. […] Le plaisir que nous cause le beau est d’un genre particulier. […] Qu’est-ce qui autorise cette extension du particulier à l’universel ? […] Voilà ce qui nous permet de généraliser le particulier.

86. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Qu’ils se suivent les uns les autres d’une manière particulière, l’existence même de l’intelligence en est un témoignage. […] Enfin, aux modes de raisonnement qualitatif imparfait (celui qui va du général au particulier, et celui qui va du particulier au général), il faut ajouter, un troisième mode, « celui que M. Mill a appelé le raisonnement du particulier au particulier », qui est propre aux enfants et aux animaux supérieurs. […] Et ce n’est pas seulement dans tout acte particulier de la pensée, que cette loi se manifeste ; elle se retrouve aussi dans le progrès général de la pensée. […] Car ce culte implique l’hypothèse qu’en donnant à la conscience une forme particulière, on lui donne un pouvoir indépendant de celui qui lui appartient intrinsèquement.

87. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Les tours négatifs sont particuliers à Virgile, et l’on peut remarquer, en général, qu’ils sont fort multipliés chez les écrivains d’un génie mélancolique. […] Peut-être faut-il encore ajouter à cela des accidents particuliers. Nos défauts moraux ou physiques influent beaucoup sur notre humeur, et sont souvent la cause du tour particulier que prend notre caractère.

88. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Ce n’est que le fruit de son étude particulière. […] Je ne connais aucun traité élémentaire sur ces objets particuliers, mais il n’y a guère d’auteur de mécanique qui n’en ait fait les préliminaires de son ouvrage. […] Les éléments de la logique et de la critique conduisent à l’étude de l’histoire et des belles-lettres ; et la grammaire générale raisonnée est l’introduction à l’étude de toutes les langues particulières. […] Si l’on jugeait à propos de reléguer la grammaire générale raisonnée après l’étude des grammaires et des langues particulières, ou du moins jusqu’au moment où les élèves posséderaient une langue étrangère ancienne ou moderne, avec laquelle ils pourraient comparer la syntaxe de la leur, je ne m’y opposerais pas ; la méthode qui remonte des faits particuliers aux premiers principes, est peut-être à préférer ici à la méthode qui descend des premiers principes aux cas particuliers. […] Voici les raisons de ceux qui s’obstinent à placer l’étude du grec et du latin à la tête de toute éducation publique ou particulière.

89. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 138-139

La morale des Princes, comme celle des Particuliers, ne sauroit être vraiment respectable & solidement utile, qu’autant qu’elle est fondée sur l’équité. […] Son Histoire de Venise est très-propre à faire connoître le Gouvernement de cette République ; mais ses Mémoires par ordre alphabétique sont remplis d’une quantité d’anecdotes, dont la plupart sont fausses, & les autres si communes, que ce n’étoit pas la peine d’en faire un Livre particulier.

90. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Il n’est obscur que parce que ses phrases sont générales : remplacez-les par des exemples particuliers. […] « Chacun peut observer en lui-même que les perceptions directes des sens externes, comme les images ou intuitions du sens interne, et les idées mêmes, produits élaborés de l’intelligence, venant à être réfléchies ou contemplées successivement par le moi sous des modifications sensitives diverses, ou avec un sentiment variable de l’existence, triste ou pénible, agréable ou facile, etc., se proportionnent jusqu’à un certain point à ces variations, quant aux degrés de clarté ou d’obscurité, de mobilité ou de persistance, de confiance ou de doute, qui impriment à ces idées un caractère particulier et comme une physionomie propre. » Cette période effaroucherait Hegel ou Duns Scot lui-même. […] Son style indique à chaque ligne la haine des faits particuliers et précis, l’amour de l’abstraction, l’habitude invincible de considérer uniquement et perpétuellement les qualités générales. […] Partout ailleurs nous ne faisons que deviner la force : ici nous apercevons la force ; partout ailleurs, quand deux faits s’accompagnent, nous n’observons que les deux faits et leur concours ; ici, par une exception merveilleuse, nous découvrons encore « ce je ne sais quoi qui s’applique aux corps, pour les mouvoir, les pousser, « les attirer20 », élément ou ingrédient particulier, vraiment « inexplicable ou ineffable, lorsqu’on veut chercher des exemples et des moyens d’explications hors du fait même de la conscience. » Il n’y a point d’autre vue semblable ; et quand vous concevez d’autres forces, c’est d’après la vôtre et sur ce modèle que vous en formez la notion. […] Quoi qu’ils découvrent, ils ne font que passer du phénomène particulier au phénomène général.

91. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

« Ne penses-tu pas que la connaissance ou le pressentiment du merveilleux est accordé à quelques-uns comme un sens particulier ? […] Voyez, il semble avoir quelque chose de tout particulier dans l’esprit, à en juger par la manière dont il regarde le bleu du ciel. » C’est là Hoffmann, et lui-même nous a donné la clef de son génie. En un temps où on est las de toutes les sensations et où il semble qu’on ait épuisé les manières les plus ordinaires de peindre et d’émouvoir, en un temps où les larges sentiers de la nature et de la vie sont battus, et où les troupeaux d’imitateurs qui se précipitent sur les traces des maîtres ne savent que soulever des flots de poussière suffocante, lorsqu’on avait tout lieu de croire que le tour du monde était achevé dans l’art, et qu’il restait beaucoup à transformer et à remanier sans doute, mais rien de bien nouveau à découvrir, Hoffmann s’en est venu qui, aux limites des choses visibles et sur la lisière de l’univers réel, a trouvé je ne sais quel coin obscur, mystérieux et jusque-là inaperçu, dans lequel il nous a appris à discerner des reflets particuliers de la lumière d’ici-bas, des ombres étranges projetées et des rouages subtils, et tout un revers imprévu des perspectives naturelles et des destinées humaines auxquelles nous étions le plus accoutumés.

92. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Il ne sera pas inutile pourtant d’ajouter ici quelques conseils particuliers sur certaines catégories de sujets, qui peuvent être souvent proposés à des élèves, et qui se ramènent volontiers à certaines formes et à certaines proportions. […] C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires. […] Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] Sauf toujours le besoin des cas particuliers, cela en soi n’a rien d’intéressant et est en dehors de l’art : cela seul a droit d’entrer dans le récit, qui est expressif, qui contribue à peindre les caractères ou à faire avancer l’action.

93. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

On a soutenu aussi que la liberté est simplement une coloration particulière et un caractère spécifique des actions portant la « marque du moi ». […] Les diverses sciences sont ici analogues ; aucune ne peut épuiser la totalité des raisons d’un fait particulier quelconque, et aucune n’a le droit d’en conclure que les raisons cessent là où nous ne les apercevons pas. […] Il en résulte que l’analyse objective ne saurait jamais épuiser toutes les raisons d’une volition particulière. […] Dans ce dernier cas, nous choisissons encore, en réalité, de prendre au hasard, pour montrer que nous ne sommes point sous la dépendance d’aucune orange particulière. […] Mais, pour me porter ensuite à telle action déterminée, il faudra quelque raison positive et particulière.

94. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Du général on passe au particulier, parce que le particulier est contenu dans le général. […] Ma proposition générale n’a de valeur que par les faits particuliers qu’elle résume […] Ils raisonnent et nous raisonnons aussi, non du général au particulier, mais du particulier au particulier. « L’esprit ne va jamais que des cas observés aux cas non observés, avec ou sans formules commémoratives. […] C’est cette proposition abstraite qui est probante ; ce n’est ni la proposition particulière, ni la proposition générale. […] Le syllogisme ne va pas du particulier au particulier, comme dit Mill, ni du général au particulier, comme disent les logiciens ordinaires, mais de l’abstrait au concret, c’est-à-dire de la cause à l’effet.

95. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Une proposition générale concernant tous les hommes qui aboutit à une proposition particulière concernant un certain homme. […] Du général on passe au particulier, parce que le particulier est contenu dans le général. […] Ma proposition générale n’a de valeur que par les faits particuliers qu’elle résume. […] Ils raisonnent et nous raisonnons aussi, non du général au particulier, mais du particulier au particulier. […] Le syllogisme ne va pas du particulier au particulier, comme dit Mill, ni du général au particulier, comme disent les logiciens ordinaires, mais de l’abstrait au concret, c’est-à-dire de la cause à l’effet.

96. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Je tâcherai, en parlant cette fois, devant tout le monde, d’un livre qui a rang parmi nos classiques, d’oublier ce que j’en ai écrit de trop particulier, et de me borner à ce qui peut intéresser la généralité des lecteurs. […] Havet, sur un seul point, et montrer comment, malgré tous les changements survenus dans le monde et dans les idées, malgré la répugnance que causent de plus en plus certaines vues particulières à l’auteur des Pensées, nous sommes aujourd’hui dans une meilleure position pour sympathiser avec Pascal qu’on ne l’était du temps de Voltaire ; comment ce qui scandalisait Voltaire dans Pascal nous scandalise moins que les belles et cordiales parties, qui sont tout à côté, ne nous touchent et ne nous ravissent. […] La manière émue dont ce grand esprit souffrant et en prière nous parle de ce qu’il y a de plus particulier dans la religion, de Jésus-Christ en personne, est faite pour gagner tous les cœurs, pour leur inspirer je ne sais quoi de profond et leur imprimer à jamais un respect attendri. […] Quelques curieux et quelques érudits continueront d’étudier à fond tout Pascal ; mais le résultat qui paraît aujourd’hui bon et utile pour les esprits simplement sérieux et pour les cœurs droits, le conseil que je viens leur donner d’après une lecture faite dans cette dernière édition des Pensées, c’est de ne pas prétendre trop pénétrer dans le Pascal particulier et janséniste, de se contenter de le deviner par ce côté et de l’entendre en quelques articles essentiels, mais de se tenir avec lui au spectacle de la lutte morale, de l’orage et de cette passion qu’il ressent pour le bien et pour un digne bonheur. […] Havet a constamment visé à maintenir cette impression élevée, et à la débarrasser des questions de secte où la doctrine particulière de Pascal pouvait engager.

97. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

C’est l’intendant qui gouverne ; « le gouverneur en titre ne peut remplir aucune fonction sans lettres particulières de commandement » ; il n’est là que pour donner à dîner ; encore lui faut-il pour cela une permission, « la permission d’aller résider dans son gouvernement ». Mais la place est fructueuse : le gouvernement général du Berry vaut 35 000 livres de rente, celui de la Guyenne 120 000, celui du Languedoc 160 000 ; un petit gouvernement particulier, comme celui du Havre, rapporte 35 000 livres, outre les accessoires ; une médiocre lieutenance générale, comme celle du Roussillon, 13 000 à 14 000 livres ; un gouvernement particulier, de 12 000 à 18 000 livres ; et notez que, dans la seule Ile-de-France, il y en a trente-quatre, à Vervins, Senlis, Melun, Fontainebleau, Dourdan, Sens, Limours, Etampes, Dreux, Houdan et autres villes aussi médiocres que pacifiques ; c’est l’état-major des Valois qui depuis Richelieu a cessé de servir, mais que le Trésor paye toujours  Considérez ces sinécures dans une seule province, en Languedoc, pays d’États, où il semble que la bourse du contribuable doive être mieux défendue. […] En ce temps-là il semblait aussi étrange de s’ingérer dans les affaires du roi que dans celles d’un particulier. […] Que dirait-on d’un particulier qui aurait 477 000 livres de rente, et qui, une fois dans sa vie, donnerait à sa femme pour 7 000 ou 8 000 livres de diamants ? […] Toute requête, dans laquelle les intérêts d’une province ou ceux de la nation entière sont stipulés, est regardée comme une témérité punissable si elle est signée d’un seul particulier, et comme une association illicite si elle est signée de plusieurs. » (Malesherbes, ibid.

98. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Pourquoi Montaigne a-t-il un goût particulier pour certains écrivains de la décadence latine. — § VI. […] Cette servitude et le peu de consistance des idées particulières retardaient d’ailleurs et gênaient le travail de la langue, si difficile à fixer, et qui ne peut recevoir sa perfection que des idées générales. […] Comme moraliste, que de vues sur les passions en général, sur les traits communs et sur les diversités des caractères et quelle abondance de fait publics et particuliers à l’appui de ses jugements ! […] Chaque écrivain regarde le vrai comme une vue particulière de son esprit ; il le traite comme son bien propre ; il n’en a pas le respect, qui est le goût, sous sa forme la plus sévère. […] Puis il compare, sur chaque point particulier, le présent avec le passé, les opinions que d’autres en ont eues avec celle qu’il en a lui même, les actions qui s’y rattachent avec sa conduite personnelle.

99. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Chacune de ses créatures éclairée de mille lueurs diverses, reprise de tous côtés en ces mêmes manifestations, reste par la complexité même et le minutieux de l’analyse qui la montre, une créature individuelle et rare, qui, mérite extrêmement peu fréquent, est un être particulier, non un type, une généralisation. […] Ce qui agite et accable Roudine, c’est cette atrophie particulière de la volonté, qui provient d’une intelligence trop exclusivement développée, trop nourrie d’idées purement abstraites et par là incapables de se transformer en mobiles d’action. […] Il sait les hommes particuliers, chaque homme parmi ceux qu’il a notés, et à force d’observations individuelles, faites sans préjugés, il est parvenu à voir le microcosme de demi-vertus et de fractions de défauts, de petitesses, de médiocrités, les transfigurations momentanées, les rechutes, les abandons et les élans qui font de toute âme un alliage bizarre et unique. […] Herbert Spencer, en général, le détachement de tous les livres de haute science, procèdent de vues générales qui dépassent et expliquent le spectacle contradictoire des cas particuliers.

100. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Madame, il n’est pas permis de vendre les choses saintes… » Il fait comprendre que les distinctions si particulières dont il a été l’objet et qui, dans le plus gracieux des accueils, se sont adressées en lui à l’homme, à la personne, ont été et sont sa plus digne récompense, et qu’elles n’en permettent plus d’autre. […] J’ai un regret ; c’est que depuis des années (et il y a trente ans que cela devrait être fait) le fonds de papiers et de manuscrits que possède la Bibliothèque de Neuchâtel, joint aux autres fonds particuliers, tels que celui de la famille Moultou qui se produit aujourd’hui, n’ait pas été l’objet d’un dépouillement régulier et méthodique, de manière à fournir une couple de tomes, complément indispensable de toutes les éditions de Jean-Jacques. […] Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort.

101. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose. […] L’étude détaillée de cette « écriture » et de sa particulière beauté sera plus à sa place dans notre prochaine étude. […] Brieux, quoique — et peut-être parce que — traitant un sujet plus médical encore102, les a délibérément proscrits, ces mots dangereux et, « bien que fort renseigné sur le sujet dont il parle, n’a pas adopté absolument les termes spéciaux, le style particulier du traité de pathologie » 103 ; délibérément, disons-nous, et nous récusons la suite du commentaire : « on dirait presque que c’est à son insu et qu’il les aurait employés s’ils lui étaient venus sous la plume » 104.

102. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Célèbres, au même titre que la plupart des gens, grâce au hasard qui les fit naître assistés d’une riche écuelle, ils voisinent avec les notabilités de la science, des lettres, des arts, du barreau, de la finance, de la noblesse et des cabinets particuliers. […] Voici ce que les snobs de 1897 estiment façonné à leur usage particulier : « Savoir parler de Nietzche, Ibsen, Darwin, Schopenhauer. […] Les poètes eussent dû se montrer reconnaissants vis-à-vis de ces deux bienfaitrices et les tenir en particulière estime, mais on se piquait alors de « rosserie » et la « goujaterie » était assez bien portée.

103. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

Conclusions des livres spéciaux aux catégories spéciales Pour les poèmes : Prédominance particulière des moyens de vocabulaire, de composition par répétition et par antithèse, de ton tendu et enthousiaste, de métaphores, d’époques, lieux, moments caractéristiques, de sujets nuls (avec mélange de grandiose), de vague idéalisme optimiste, d’effets de redondance et de simplification, avec les extrêmes du grandiose et du mystère. […] Pour les drames : prédominance particulière ; (moyens) des époques et des lieux caractéristiques, des personnages préférés, versatilité des sujets ; (effets) de l’effet exaltant, de la grandiosité amplifiante, de la redondance, du vide, de l’irréalisme. […] Pour les romans : prédominance ; (moyens) vocabulaire et syntaxe particulières, composition, ton, procédés de description, lieux, moments, personnages, sujets grandioses, humanitarisme le moins vague ; (effets) exaltant, grandiosité, mystère, irréalisme moindre, suspens et surprise, réalisme momentané.

104. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

En premier lieu le public se trompe rarement quand il définit en general les personnes qu’on vient de citer comme un exemple de ses injustices, quoiqu’il les louë ou qu’il les blâme à tort quelquefois, sur un évenement particulier. […] Ma seconde réponse à l’objection proposée contre la justesse des jugemens du public est de dire : qu’on auroit encore tort de conclure que le public peut se tromper sur un poëme ou sur un tableau, parce que souvent il louë ou blâme à tort les ministres et les generaux sur des évenemens particuliers. […] On peut dire la même chose du public quand il loüe ou quand il blâme le ministre, le magistrat, et même le médecin sur un évenement particulier.

105. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

La grandeur de cet intérêt particulier leur en faisait sacrifier sans peine d’autres moins importants. […] Dans les monarchies, les sujets sont obligés de s’occuper exclusivement de leurs intérêts particuliers, en laissant au prince le soin de l’intérêt public. […] Voilà pourquoi les hommes d’aujourd’hui sont portés naturellement à considérer les choses d’après les circonstances les plus particulières qui peuvent rapprocher les intérêts privés d’une justice égale ; c’est l’æquum bonum, l’intérêt égal, que cherche la troisième espèce de raison, la raison naturelle, æquitas naturalis chez les jurisconsultes.

106. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Né Protestant, ses lumieres lui firent bientôt démêler la fausseté des dogmes particuliers à sa Secte ; mais il n’abandonna le Protestantisme, que pour s’engager dans une illusion plus dangereuse encore, le Scepticisme. […] Ils consistent dans une Histoire de la Vie & des Ouvrages de Fénélon ; Histoire qui ne se borne pas, comme les autres, à raconter des faits particuliers, mais où la sagacité, l’art de l’analyse, l’heureuse faculté de tout voir & de tout saisir, le talent de penser & celui d’écrire avec solidité, ne permettent pas de méconnoître le Littérateur éclairé, l’habile Observateur, & le bon Juge : dans un Discours sur le Poëme épique, qui n’a pu être que le fruit de la lecture la plus réfléchie des Ouvrages des Anciens, & d’une connoissance raisonnée des regles de la Poésie héroïque : dans un Discours sur la Mythologie, où il seroit impossible de réunir plus de raison, plus de goût, & plus d’élégance.

107. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Introduction »

Un heureux concours de circonstances, au premier rang desquelles il est juste de mettre l’acte d’initiative qui a créé en notre faveur un cours régulier de sociologie à la Faculté des lettres de Bordeaux, nous ayant permis de nous consacrer de bonne heure à l’étude de la science sociale et d’en faire même la matière de nos occupations professionnelles, nous avons pu sortir de ces questions trop générales et aborder un certain nombre de problèmes particuliers. Nous avons donc été amené, par la force même des choses, à nous faire une méthode plus définie, croyons-nous, plus exactement adaptée à la nature particulière des phénomènes sociaux.

108. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Il faut, son problème particulier étant bien défini, qu’elle possède les moyens spéciaux d’en poursuivre l’étude. […] Ce sont là des exemples de destructions accomplies dans des circonstances particulières ou dans le cours de l’existence d’êtres particuliers. […] Qu’y a-t-il de particulier dans le mécanisme de la putréfaction ? […] Ce sont autant de machines particulières dans la machine générale qui constitue l’individu. […] Que signifie cette force vitale qui fabrique des produits chimiques particuliers ?

109. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé s’établit une sympathie particulière qu’on appelle le rapport magnétique. […] Il montrera en son absence un malaise particulier. […] Au-dessus des images particulières, une sorte d’image générale se forme, but de toutes les autres, centre de leur commune orientation. […] Ordinairement, chaque personnage a un nom particulier, auquel il répond. […] En réalité, ce sont des mémoires alternantes, qui tendent chacune à prendre la forme d’une personnalité particulière.

110. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Quand la jeune princesse fut devenue Madame et l’ornement le plus animé de la cour, Mme de La Fayette, bien que de dix ans son aînée, garda l’ancienne familiarité avec elle, eut toujours ses entrées particulières et put passer pour sa favorite. […] La nouveauté particulière à Mme de La Fayette consiste dans l’extrême finesse d’analyse ; les sentiments tendres y sont démêlés dans toute leur subtilité et leur confusion. […] Elle le voyait et le rencontrait depuis déjà longtemps sans doute, mais c’est de la liaison particulière que j’entends parler. […] Homme de la conversation particulière, un ton de plus ne lui allait pas. […] Elle voyait Fontenelle, elle comptait pour amis particuliers des hommes comme Segrais, Huet, qui avaient des antipathies et même des haines121 contre ces deux poëtes régnants.

111. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Nous n’avons de sens particuliers que pour les influences extérieures qui peuvent être favorables ou défavorables à notre existence, et seulement dans la proportion des nécessités ou des appétits do notre espèce. […] Si les partisans de la chimie mentale n’ont point le droit d’admettre une entière identité de composition entre l’excitation physiologique et la sensation psychologique, les adversaires de la chimie mentale, eux, n’ont pas le droit d’admettre qu’à des conditions complexes d’excitation réponde une sensation simple, sous prétexte que cette sensation est particulière et spécifique, car il n’y a rien de plus original et de plus spécifique qu’un composé très complexe. […] Il y a là une impression particulière qui tient à ce que les deux sensations sont deux portions du continuum d’un même sens. Au contraire, quand il s’agit, 3° de différences entre deux sensations de différentes classes, comme la vue et l’ouïe, la différence des impressions ne constitue pas elle-même une représentation distincte et particulière de différence. […] L’acte de pensée primitif est celui qui fixe la marque particulière de la sensation.

112. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

On a constaté que des circonstances peu importantes en apparence, telles qu’une quantité d’eau plus ou moins grande à quelque époque particulière de la croissance, peuvent déterminer la stérilité ou la fécondité d’une plante. […] Néanmoins on peut, je pense, attribuer quelque légère somme de variation à l’action directe des conditions extérieures ; tel est, en quelques cas, l’accroissement de la taille provenant d’une augmentation de nourriture, la couleur, d’aliments particuliers, et peut-être l’épaisseur de la fourrure, du climat. […] Lorsque nous nous rappelons que l’Angleterre possède à peine aujourd’hui un mammifère qui lui soit particulier, que la France en a peu qui soient distincts de ceux de l’Allemagne et réciproquement, qu’il en est de même de la Hongrie, de l’Espagne, etc. ; mais qu’en revanche chacun de ces États possède plusieurs races particulières de Bœufs, de Moutons, etc., il nous faut admettre que de nombreuses races domestiques se sont produites en Europe ; car, d’où pourrions-nous les croire descendues, puisque les diverses contrées qu’elle renferme ne possèdent pas un nombre égal d’espèces sauvages particulières qu’on puisse considérer comme leurs types originels ? […] Quelques-uns de ces faits ne se rapportent pas d’une manière explicite au principe de sélection ; mais ils montrent que l’élevage des animaux a été l’objet de soins très particuliers dès les temps les plus reculés, et qu’il est encore maintenant un sujet d’attention pour les peuples les plus sauvages. […] Mais ils n’ont pas encore un nom particulier, et n’étant pas évalués un haut prix, leur histoire est négligée.

113. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Ce sont des formes, sous lesquelles l’esprit groupe des intuitions particulières offrant entre elles des analogies, des formes par l’entremise desquelles l’esprit met en relation, selon des rapports variés de conjonction ou d’opposition, les intuitions particulières, afin de bâtir la trame de la pensée. […] Il arrive fréquemment que l’esprit comprenne par avance, sous un concept général, une intuition particulière qui n’en dépend que dans un cas particulier, une intuition qui, absolument ou dans nombre de cas, relève d’un autre concept. […] Les auteurs comiques présentent toujours leurs personnages au public sous ce double jour : chacun de ceux-ci subsume sous un concept général, représentatif de la qualité et de la quantité d’une énergie déterminée, — une énergie particulière, la sienne propre, qui ne relève jamais de ce concept. […] V À côté de cet état, commun à tous les hommes, où la tendance à se concevoir autre témoigne d’une sensibilité si grande, voici deux autres cas plus particuliers, qui peuvent s’opposer l’un à l’autre.

114. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Dans En Ménage, le début, où, par une nuit nuageuse, André et Cyprien, parcourent lentement une rue endormie, l’aspect particulier du pavé, le marchand de vin fermant sa boutique à l’approche silencieuse de deux sergents de ville, tandis qu’un fiacre cahote et butte sur le pavé, est assurément le récit détaillé de la série d’impressions que procure une rentrée tardive. […] Il a acquis à cette connaissance de la vie, la dose de véracité qui est indispensable au roman moderne, la force, la précision, la richesse et le pittoresque du style, les moyens, en somme, l’outil lui permettant d’élaborer et de ; réaliser sa conception particulière de l’âme et de la destinée humaine. II C’est, en effet, par une psychologie particulière des personnages, par la façon dont M.  […] Huysmans a conçu un type de phrase particulier, où par une accumulation d’incidentes, par un mouvement pour ainsi dire spiraloïde, il est arrivé à enclore et à sertir en une période, toute la complexité d’une vision, à grouper toutes les parties d’un tableau autour de son impression d’ensemble, à rendre une sensation dans son intégrité et dans la subordination de ses parties : « Sur le trottoir des couples marchaient dans les feux jaunes et verts qui avaient sauté des bocaux d’un pharmacien, puis l’omnibus de Plaisance vint, coupant ce grouillis-grouillos, éclaboussant de ses deux flammes cerise, la croupe blanche des chevaux, et les groupes se reformèrent, troués çà et là par une colonne de foule se précipitant du théâtre Montparnasse, s’élargissant en un large éventail qui se repliait autour d’une voiture que charroyait en hurlant un marchant d’oranges ». […] Et passant de cas particuliers à l’ensemble général, les personnages de M. 

115. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

La mentalité des groupes n’est pas celle des particuliers ; elle a ses lois propres. […] Pour comprendre la manière dont la société se représente elle-même et le monde qui l’entoure, c’est la nature de la société, et non celle des particuliers, qu’il faut considérer. […] Mais la pensée collective tout entière, dans sa forme comme dans sa matière, doit être étudiée en elle-même, pour elle-même, avec le sentiment de ce qu’elle a de spécial, et il faut laisser à l’avenir le soin de rechercher dans quelle mesure elle ressemble à la pensée des particuliers. […] Nous les faisons consister en des manières de faire ou de penser, reconnaissables à cette particularité qu’elles sont susceptibles d’exercer sur les consciences particulières une influence coercitive. — Une confusion s’est produite à ce sujet qui mérite d’être notée. […] Et comme cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous (puisqu’il y entre une pluralité de consciences), elle a nécessairement pour effet de fixer, d’instituer hors de nous de certaines façons d’agir et de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté particulière prise à part.

116. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

En effet c’est une propriété innée de l’âme humaine d’aimer l’uniformité ; lorsqu’elle est encore incapable de trouver par l’abstraction des expressions générales, elle y supplée par l’imagination ; elle choisit certaines images, certains modèles, auxquels elle rapporte toutes les espèces particulières qui appartiennent à chaque genre ; ce sont pour emprunter le langage de l’école, des universaux poétiques. […] Les langues vulgaires se composent de paroles qui sont comme des genres relativement aux expressions particulières dont se composaient les langues héroïques97.

117. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il n’eût pas mieux demandé que de continuer de faire, comme un simple particulier, le cours d’économie politique qu’il avait repris à l’Athénée (1800-1801). […] Ces missions sont d’une nature trop particulière pour être exposées soit en entier, soit incomplètement. […] Amené à parler de la guerre, « de cet art immense qui comprend tous les autres », des qualités nombreuses qu’elle requiert, qui sont tout autres que le courage personnel, et qu’on ne se donne pas à volonté : Militaire, je le suis, moi, s’écriait Napoléon, parce que c’est le don particulier que j’ai reçu en naissant ; c’est mon existence, c’est mon habitude. […] On y trouve des observations très vraies et très bien vues sur le caractère particulier de la Révolution en France, sur la part qu’y eut, plus que l’intérêt même, un amour-propre légitime, et sur ce que cette Révolution est restée chère aux Français, moins encore comme utile que comme honorable. […] On ne saurait se dissimuler qu’il a une façon dépenser particulière, une tournure métaphysique portée dans les choses, un goût de paradoxe ingénieux : ç’a été la forme de son esprit.

118. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

L’abus violent qu’on a fait de certains dons, la volonté ambitieuse et bruyante qu’ont marquée certains esprits de conquérir, d’afficher du moins ce qu’ils n’avaient pas naturellement, la perturbation qui s’en est suivie dans les genres les plus graves, bien des circonstances contribuent aujourd’hui à donner un prix tout nouveau et comme un attrait particulier à ces physionomies d’écrivains calmes, modérées, ingénieuses, à ceux qui ont uni l’élévation ou la distinction de l’idée à la discrétion du tour, qui, en innovant quelque peu à leur moment, n’ont détruit ni bouleversé les grandeurs et les vérités existantes, qui se sont mûris à leur tour dans des applications diverses, et ont su imprimer à l’ensemble de leur vie et de leur œuvre la règle souveraine de la bienséance et une noble unité. […] Prosper de Barante apportait là des prédispositions toutes particulières, une jeunesse pure et sérieuse, une éducation diverse, un peu inégale, rectifiée par une réflexion précoce, surtout rien de scolaire, rien de cet enthousiasme purement littéraire qui sent sa rhétorique et qui la prolonge au delà du moment. […] Il en est d’autres qui ajouteraient dans quelques points aux informations particulières sur les dissidences des chefs entre eux. […] De plus, dans le cas présent, un mobile particulier l’animait : né au sein de la Suisse romande, pour laquelle ses aïeux combattaient en chevaliers, il s’est senti sollicité à en rechercher le rôle dans ces guerres et à s’y intéresser en patriote non moins qu’en curieux. […] Vuillemin et Monnard donnent des suites développées qui s’étendront jusqu’à nos jours, mériterait un examen tout particulier, qui rappellerait utilement l’attention sur ces hauts mérites et ces originales beautés, si austères à la fois et si cordiales de Jean de Muller.

119. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Elle a ses méthodes et ses moyens particuliers. […] Sa modulation particulière est éparse à tous les échos. […] Mais ce qui fut plus important encore en Mallarmé que son œuvre particulière, c’est son esthétique générale. […] Pour cela, il usait de toutes les ressources du discours, tant oratoires qu’imaginées, en y ajoutant celles, particulières en son cas, du rythme et de la rime. […] Le Vers, tel qu’il existe en français, a ceci d’assez particulier qu’on peut dire qu’il préexiste, en quelque sorte, à la pensée qu’il doit exprimer.

120. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Au panorama des sensations et représentations se joint un ton général de la sensibilité, un bien-être ou un malaise d’ensemble, sur lequel se détachent des plaisirs et des déplaisirs particuliers qui, cependant, ne sont jamais séparés du reste. […] En outre, par opposition au tout de la conscience sensorielle, le tout continu de la conscience motrice n’admet aucun mouvement venu de nous qui ne nous apparaisse, clairement ou obscurément, comme lié à notre réaction d’ensemble et résultant de son application à quelque objet particulier. […] Si cette liberté est chimérique, il n’est nullement chimérique de dire que nos actions sont des mouvements ayant leurs principaux antécédents dans notre moi, dans la réaction nerveuse et cérébrale de notre organisme entier, manifestée sur un point particulier. […] Les actions particulières — comme lever le bras, mouvoir les jambes, prononcer telles ou telles paroles — ne sont en effet que des spécifications, des concentrations de notre conscience motrice continue. […] Il faut, en conséquence, que nos membres aient d’abord été mis en mouvement par une simple diffusion spontanée et irréfléchie du courant nerveux, pour que nous puissions faire connaissance avec tel mode particulier de mouvement et, en nous représentant notre état général à ce moment, ainsi que nos sensations afférentes, reproduire volontairement la même motion.

121. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Sur les deux ailes et sur le fond, ce sont des combats particuliers, des actions moins ramassées, plus éteintes, et fesant valoir la masse principale. […] De droite et de gauche, des mêlées séparées, des corps particuliers de troupes engagés, s’éteignant, s’étendant sur le fond, perdant insensiblement de la grandeur et de la lumière, s’isolant de la masse principale, et la chassant en devant. […] Des particuliers, jaloux de la durée de l’art parmi nous, avaient projetté une souscription, une loterie. […] Ainsi il n’y avait d’autre juge que le gagnant ; tant pis pour lui et tant mieux pour celui qui choisissait après lui, si négligeant le jugement des artistes et du public, il s’en tenait à son goût particulier. […] Dans la bataille sur terre, son morceau de réception, le coup de canon, ou plutôt ce ciel, cette fumée teinte d’un feu rougeâtre, est bien ; le cheval blanc dessiné à ravir, belle croupe, tête pleine de vie ; l’animal et le cavalier vont tomber : le cavalier se renverse en arrière ; il a abandonné ses armes ; son cheval est sur la croupe ; les armes sont faites avec précision, et il y a là un tact tout particulier.

122. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Une conscience collective et impersonnelle existerait alors en dehors des consciences personnelles et particulières : comme elles, et indépendamment d’elles, « l’âme de la cité » le « Volksgeist », l’« esprit du temps » aurait ses pensées propres. […] Pour l’égalité devant la loi — l’isonomie — il est trop évident qu’elle est la première œuvre des États modernes et qu’ils inaugurent, plus ou moins lentement, l’ère démocratique par la destruction des lois particulières. […] En fait, les institutions que nous avons comparées pour, deviner l’état d’esprit qu’elles supposaient, étaient bien, quoique orientées dans un même sens, des institutions particulières, faites pour des sociétés séparées. […] L’ancien régime était assis sur ces « lois particulières » qu’ébranle le nouveau. […] La cité romaine s’étend à l’humanité ; les règles universelles prévalent sur les usages particuliers ; le « Droit naturel » s’élabore29.

123. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Tout revient à décider si l’infini est une modification du fini, le nécessaire du contingent, l’universel du particulier. […] Or, cette idée n’est pas contenue dans le fait particulier qui est devant mes yeux. […] Retranchez dans le fini et le contingent les éléments particuliers, il reste l’infini et le nécessaire. […] Dans celle-là, le général n’est que la somme des faits particuliers, et l’abstrait qu’une partie ou un point de vue de ces mêmes faits. […] Vacherot le passage de l’infini au fini, de l’universel au particulier, enfin de Dieu au monde, est un mystère, tout comme pour nous.

124. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Ils ont composé quelques pastorales, sous la forme de romans, qui datent du temps où les Grecs cherchaient à occuper les loisirs de la servitude ; mais avant que les femmes eussent créé des intérêts dans la vie privée, les aventures particulières captivaient peu la curiosité des hommes ; ils étaient absorbés par les occupations politiques. […] C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme. […] Les principes reconnus par les philosophes modernes contribuent beaucoup plus au bonheur particulier que ceux des anciens.

125. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Dès que la musique embrassoit un sujet aussi vaste, il étoit naturel qu’elle renfermât plusieurs arts dont chacun eût son objet particulier. […] Dès que Porphyre a dit qu’il prenoit l’art poetique dans sa plus grande étendue comme il prend soin de le dire, il a dû ne point parler de la melopée, ou de l’art de composer la melopée comme d’un art musical particulier, parce que ce dernier art étoit renfermé dans l’art poetique, pris dans toute son étendue. […] C’est par la même raison que Porphyre n’a point ainsi qu’Aristides, fait de l’art du chant un art musical particulier.

126. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

M. de Hartmann a eu raison de dire : « Si je considère un triangle rectangle sans avoir un intérêt particulier à l’étude de la question, toutes les idées possibles peuvent s’associer dans mon esprit à la pensée de ce triangle. […] Chez un même peuple, d’une contrée à l’autre, l’esprit change notablement, et, malgré cela, cet esprit particulier à une contrée n’est pas toujours reconnaissable. […] Une littérature, un art national, se composent d’une suite d’œuvres, signes à la fois de l’organisation générale des masses qui les ont admirées, et de l’organisation particulière des hommes qui les ont produites. […] On pourrait conclure de là que, chez un grand nombre d’hommes, le caractère particulier de leurs jouissances artistiques renseigne seulement sur des facultés secondaires et superflues, parfois sur de simples aspirations, non sur leurs facultés essentielles. […] C’est un phénomène analogue aux faits astronomiques d’attraction qui créent au sein d’un grand système un système particulier, un centre nouveau de gravitation.

127. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Le bon sens indique qu’il faut aller du simple au composé, du particulier au général, et, par conséquent, qu’il faut déterminer tout d’abord les procédés d’étude qu’il convient d’appliquer à une œuvre littéraire, prise isolément. […] Ces faits me paraissent pouvoir être rangés sous trois chefs différents : 1° Les caractères de cette œuvre, les traits particuliers qui la ; distinguent ; 2° Quelques-unes des causes qui ont contribué à la rendre, telle qu’elle est ; 3° Quelques-uns des effets qu’elle a produits, soit sur les contemporains, soit sur la postérité.

128. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

D’ailleurs, il n’y a rien dans la société que des consciences particulières ; c’est donc dans ces dernières que se trouve la source de toute l’évolution sociale. […] Ce principe n’est pas seulement à la base de ces grandes doctrines de sociologie générale ; il inspire également un très grand nombre de théories particulières. […] Sans doute, il ne peut rien se produire de collectif si des consciences particulières ne sont pas données ; mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. […] Ce que nous venons de dire du milieu général de la société peut se répéter des milieux spéciaux à chacun des groupes particuliers qu’elle renferme. […] Toutefois, l’action de ces milieux particuliers ne saurait avoir l’importance du milieu général ; car ils sont soumis eux-mêmes à l’influence de ce dernier.

129. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Quelquefois on l’aperçoit dans telle ou telle circonstance particulière. […] C’est, il est vrai, dans le fait particulier d’une cause particulière produisant un événement particulier que nous est donné le principe universel des causes ; mais ce principe est bien plus étendu que le fait, car il s’applique non seulement à ce fait-là, mais à mille autres. […] L’idée de l’infini ne peut venir ni d’aucun être particulier ni de l’ensemble des êtres. […] De là les règles générales communes à tous, et les règles particulières à chacun d’eux. […] Les saintes femmes, placées sur le premier plan, ont chacune leur douleur particulière.

130. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

À ces causes s’en joignait une autre encore plus pressante, c’était l’émulation établie entre les sexes par leur mélange dans les sociétés particulières, depuis que Louis XII et Anne de Bretagne avaient relevé les femmes de cette infériorité qui subsiste encore en Angleterre et en Allemagne ; émulation de mérite et de vertu pour les nobles héritières des traditions d’Anne de Bretagne ; émulation de galanterie pour les élèves de l’école de François trop bien soutenue par ses successeurs. […] Bientôt aussi le talent de converser devînt le but d’une émulation vive et générale : on en vint plus tard à mettre par écrit les conversations des sociétés particulières, on les livra à l’impression : on envoya ses conversations à ses amis et à ses connaissances13. […] Cependant, toutes les femmes célèbres du même temps étaient connues et célébrées sous un nom particulier. […] C’est comme s’il avait dit : Les particuliers le savent bien.

131. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Ainsi se dessinent dans votre esprit les idées les plus générales de votre penseur, celles qu’il a eues avant toutes les autres et dont toutes les autres ont découlé ; — ou celles qu’il a eues tout à la fin, comme conséquences et comme synthèse d’une foule d’idées particulières ; — ou (plus souvent) celles qu’il a eues au milieu de sa carrière intellectuelle et qui étaient le résumé d’un grand nombre d’idées particulières et qui à leur tour ont produit, ont créé des idées particulières en très grand nombre. […] J’ai parlé d’idées générales dont l’auteur est parti et qui ont fait naître des idées particulières.

132. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action Un poëme épique étant l’ouvrage le plus difficile que la poësie françoise puisse entreprendre, à cause des raisons que nous exposerons en parlant du genie de notre langue et de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au poëte qui oseroit en composer un, de choisir un sujet où l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt particulier. […] Ce seroit un inconvenient, mais il en épargneroit un plus grand, le défaut d’interêt particulier.

133. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Nous reconnaîtrons qu’elle se caractérisait par l’allure particulière que prenait notre pensée. […] Voici encore une difficulté particulière à l’expression poétique. […] Ils leur ont trouvé un charme particulier. […] La poésie en effet n’est pas chose essentielle au vers, et qui explique son attrait particulier. […] C’est ce sentiment particulier que M. 

134. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Les poètes, lorsqu’on fait d’eux des critiques (car, on ne saurait se le dissimuler, la poésie de nos jours, c’est le luxe et l’ornement ; la critique, c’est le gagne-pain), les poètes ont une difficulté particulière à vaincre : ils ont un goût personnel très-prononcé. […] Il fallait, à cet effet, une double faculté qui n’en fait qu’une chez lui : avoir un coin particulier dans l’organe de la vision, et y joindre un don, particulier aussi et correspondant, pour l’expression des choses de la vision. […] Un vrai couplet à mettre en musique par Mozart. — Théophile Gautier a dû à Grenade et à son ciel enchanté des heures de mélancolie, — « d’une mélancolie sereine bien différente de celle du nord. » Le poète plastique, tout occupé de « donner une fête à ses yeux », et leur recommandant de bien saisir chaque forme, chaque contour des tableaux qui se développaient devant eux et qu’ils ne reverraient peut-être plus, s’y révèle avec une vivacité de sentiment et d’émotion qui témoigne d’une organisation particulière. […] » Je n’oserais assurer pourtant qu’il alla dans son regret jusqu’au repentir ; mais je tiens à bien marquer cette disposition particulière qu’il a à entrer pour ainsi dire dans chaque climat, à s’y incorporer et à s’y soumettre.

135. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

. — Mais il n’y réussit pas suffisamment, dira-t-on ; il a beau décrire à merveille la race dans ses traits généraux et ses lignes fondamentales, il a beau caractériser et mettre en relief dans ses peintures puissantes les révolutions des temps et l’atmosphère morale qui règne à de certaines saisons historiques, il a beau démêler avec adresse la complication d’événements et d’aventures particulières dans lesquelles la vie d’un individu est engagée et comme engrenée, il lui échappe encore quelque chose, il lui échappe le plus vif de l’homme, ce qui fait que de vingt hommes ou de cent, ou de mille, soumis en apparence presque aux mêmes conditions intrinsèques ou extérieures, pas un ne se ressemble14, et qu’il en est un seul entre tous qui excelle avec originalité. […] Tout compte fait, toute part faite aux éléments généraux ou particuliers et aux circonstances, il reste encore assez de place et d’espace autour des hommes de talent pour qu’ils aient toute liberté de se mouvoir et de se retourner. […] Taine, quand on a le plaisir de le connaître personnellement après l’avoir lu, a un charme à lui, particulier, qui le distingue entre ces jeunes stoïciens de l’étude et de la pensée : à toutes ses maturités précoces, il a su joindre une vraie candeur de cœur, une certaine innocence morale conservée. […] Et en général, il n’est qu’une âme, une forme particulière d’esprit pour faire tel ou tel chef-d’œuvre. […] Émile Deschanel, sous le titre de Physiologie des Écrivains et des Artistes , ou Essai de Critique naturelle (1 vol. in-18, librairie Hachette) ; il mérite un examen tout particulier.

136. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Le Play, averti par lui et sentant qu’on ne pouvait de soi-même chercher et trouver dans bon grand in-folio les mille inductions éparses qui résultaient de cet ensemble d’observations particulières, a pris le soin de résumer les idées, d’élever les points de vue, de grouper et de serrer les comparaisons, de les développer en même temps et de les mettre dans leur vrai jour, d’en tirer les conclusions plus ou moins pratiques, plus ou moins immédiates, mais toutes fondées sur une connaissance exacte des sociétés et des peuples. […] Dans sa théorie, il attribuait aux. immenses biens du Clergé une efficacité particulière pour la prospérité des sociétés et la guérison ou l’adoucissement des plaies inévitables. […] Toutefois il a vu des plaies, il les a sondées, il a cru découvrir des dangers pour l’avenir et, à certains égards, des principes de décadence, si l’on n’y avisait et si l’on n’y portait remède ; et non seulement en bon citoyen il pousse un cri d’alarme, non seulement il avertit, mais en savant, en homme pratique, muni de toutes les lumières de son temps et de tous les matériaux particuliers qu’il a rassemblés, au fait de tous les ingrédients et les mobiles sociaux, sachant tous les rouages et tous les ressorts, il propose des moyens précis de se corriger et de s’arrêter à temps. […] Dans des matières aussi complexes, il y a danger toujours qu’on ne voie qu’un point et qu’on se presse de conclure du particulier au général. […] Ce mot de La Fontaine : Notre ennemi, c’est notre maître, mot terrible et décisif s’il était réversible sur tout l’ancien régime de la France, lui a paru un cri particulier à la Champagne, et qui s’expliquait, selon lui, par les circonstances propres à cette province.

137. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Il y en a dans la philosophie du dix-huitième siècle, et d’espèce étrange autant que puissante : car, non seulement il est l’œuvre d’une longue élaboration historique, l’extrait définitif et condensé auquel aboutit toute la pensée du siècle ; mais encore ses deux principaux ingrédients ont cela de particulier qu’étant séparés ils sont salutaires et qu’étant combinés ils font un composé vénéneux. […] Mais, outre le ressort principal, il y en a d’autres qui, agissant sur lui ou combinant leur action avec la sienne, impriment à chaque horloge un tour propre et une marche particulière. […] La vie du végétal ou de l’animal ne paraît être que le résultat des actions de toutes les petites vies particulières de chacune des molécules actives dont la vie est primitive. » — Cf.  […] J’ai posé les principes et j’ai vu les cas particuliers s’y plier comme d’eux-mêmes, les histoires de toutes les nations n’en être que les suites, et chaque loi particulière liée à une autre loi ou dépendre d’une autre plus générale. » 346.

138. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Tous les phénomènes affectifs ne peuvent-ils pas se ramener à une loi dernière, comme les phénomènes intellectuels se ramènent à un mode particulier d’association ? […] En admettant que cette réponse ne souffre aucune objection, il faut admettre pourtant qu’elle entame à peine le problème, puisque la vraie difficulté est celle-ci : Pourquoi quand nous éprouvons un vif plaisir, quand nous sommes frappés d’un contraste inattendu entre des idées, se produit-il une contraction particulière des muscles de la face et de certains muscles de la poitrine et de l’abdomen ? […] Supposer un vrai ou un bien indépendant des jugements individuels, c’est ressembler à l’homme qui, entendant chanter en chœur, supposerait une voix abstraite universelle, distincte et indépendante des voix particulières. […] D’abord une objection se présente tout naturellement : Comment se fait-il que la conscience individuelle se fait souvent une loi particulière, en désaccord avec les lois générales ou du moins en dehors d’elles. […] L’histoire nous apprend que toute législation nouvelle ou bien est d’accord avec les vœux et les tendances des consciences particulières, et alors elle est acceptée par la majorité et s’impose peu à peu aux opposants ; ou bien elle est l’œuvre d’un caprice, et alors elle n’a ni durée, ni stabilité.

139. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Pour lui, rien n’était isolé, tout fait particulier s’animait, parlait, prenait une physionomie et un sens. […] « Il ne restait plus qu’à choisir, disait-il, entre des maux inévitables ; la question n’était pas de savoir si l’on pouvait obtenir l’aristocratie ouladémocratie, mais si l’on aurait une société démocratique sans poésie et sans grandeur, mais avec ordre et moralité, ou une société démocratique désordonnée et dépravée, livrée à des fureurs frénétiques ou courbée sous un joug plus lourd que tous ceux qui ont pesé sur les hommes depuis la chute de l’empire romain. » Au reste, M. de Tocqueville, quand il propose et indique les remèdes qui lui paraissent nécessaires, se contente des indications les plus générales et n’entre pas dans les détails particuliers. […] Rien n’est moins instructif que ces politiques qui ont des expédients particuliers pour toutes les affaires, ne vous permettant pas d’en imaginer d’autres que ceux qu’ils ont conçus. Sans doute, lorsqu’une question particulière est soulevée, le publiciste doit lui donner une solution pratique et proposer des moyens proportionnés aux conjonctures ; mais dans la science il doit se borner aux principes : c’est à cette condition qu’il peut espérer de vivre au-delà d’un temps et d’un pays particulier.

140. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« Il est donc évidemment préférable que la propriété soit particulière et que l’usage seul la rende commune. […] et encore, le nombre de ceux qui peuvent avoir de ces querelles dans les associations est-il bien faible comparativement à celui des possesseurs de propriétés particulières. […] Pour les laboureurs, par exemple, la propriété sera-t-elle particulière, ou sera-t-elle commune ? […] Les gouvernements corrompus emploient ces moyens-là dans un intérêt particulier ; mais on ne les emploie pas moins dans les gouvernements d’intérêt général. […] « Pour les gouvernements corrompus, l’ostracisme en servant un intérêt particulier est aussi par cela même évidemment juste ; mais il est tout aussi évident qu’il n’est point d’une justice absolue.

141. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Cependant, une longue liste de tels faits pourrait seule amoindrir les objections auxquelles donnent lieu certains cas particuliers, tels que celui de la Chauve-Souris dont je viens de parler. […] Pourquoi toutes les parties de l’organisation chez tant d’êtres indépendants, et supposés créés chacun séparément pour occuper sa place particulière dans la nature, seraient-elles si communément reliées les unes aux autres par des transitions graduelles ? […] Il serait même possible de répandre quelque lumière sur l’origine de ces différences, principalement dues à une application particulière du principe de sélection sexuelle ; mais, à moins d’entrer dans d’énormes détails, mes assertions sembleraient frivoles. […] Le bec résistant, corné, d’un groupe particulier de poissons déjà demi-aériens, a pu former la souche du bec des oiseaux en général ; et le bec membraneux d’un autre a pu produire quelque chose d’approchant du bec du canard ou de la gueule des reptiles. […] Chez cet insecte, la phosphorescence est localisée, comme la puissance électrique chez les poissons, et semble liée à la présence d’un organe particulier, sécrétant une substance sui generis, douée d’une odeur particulière, mais elle ne cesse pas pour cela d’être un phénomène d’ordre général. « L’exemple d’une substance organique qui brûle à l’air n’est pas nouveau, observe Matteucci, c’est le cas du bois en putréfaction, du coton graissé, du charbon très divisé et de tant d’autres combustions spontanées.

142. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Par-delà ces applications particulières des croyances en lesquelles s’objectiva tour à tour la vérité, que l’on prête l’oreille aux déclamations ferventes en lesquelles éclate, avec quelle ardeur religieuse ! […] Il convient de noter que si quelque état particulier du réel se constitue par l’intervention de cette croyance en une vérité fixe, c’est une croyance, pareille en son principe, qui restitue à la substance phénoménale le mouvement dont elle avait été privée par la première croyance. […] Que l’on mette en cause une conception de l’ordre moral, politique, social ou religieux, il ne s’agit plus de la comparer avec un modèle idéologique d’une valeur présumée absolue, dont on sait maintenant l’origine arbitraire, avec une idée divinisée de vérité ou de justice, dont on connaît qu’elle n’exprime autre chose qu’un état de sensibilité particulier et propre à un temps donné.

143. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Ce professeur remplira ses leçons de l’histoire naturelle de chaque drogue ; il décrira les caractères particuliers qui la constituent dans son état le plus parfait, dans son état de médiocrité et dans son état défectueux. […] Il indiquera les différentes préparations, manipulations qu’on lui fait subir avant de l’employer aux usages médicinaux ; les effets sensibles qu’elle a coutume de produire ; les cas particuliers où elle produit les effets les plus salutaires ; enfin les différentes préparations pharmaceutiques, officinales dans lesquelles on la fait entrer. […] Ensuite, ils expliqueront la nature et le traitement des maladies particulières aux femmes et aux enfants.

144. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Il y a dans ce tableau, chose curieuse, des qualités particulières et une multiplicité d’intentions qui rappellent, dans un autre système d’exécution, les très-bonnes toiles de M.  […] Dans la seconde Odalisque, cette recherche est excessive, et, malgré leur multiplicité, ils sont tous doués d’une distinction particulière. — Il est entendu aussi que M.  […] Ingres des recherches d’un goût particulier, des finesses extrêmes, dues peut-être à des moyens singuliers.

145. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième cours d’études. Une classe de perspective et de dessin. » pp. 495-496

Chacune de ces facultés demandant un ordre d’enseignement particulier, je vais m’en occuper. […] « Nous ne le suivrons pas davantage dans les détails où il entre sur les trois facultés de médecine, de jurisprudence et de théologie, et qui, s’appliquant à des professions particulières, n’ont point assez de rapport aux idées générales de l’éducation, pour que ce soit ici le lieu d’exposer et de discuter les opinions plus ou moins justes, les réflexions plus ou moins piquantes de l’auteur sur ces différents sujets.

146. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

À chacun de ces caractères les peuples grecs attachèrent toutes les idées particulières qu’on pouvait y rapporter, en considérant chaque caractère comme un genre. […] Ils attribuèrent à ces deux caractères les actions particulières dont la célébrité pouvait assez frapper l’attention d’un peuple encore stupide, pour qu’il les rangeât dans l’un ou dans l’autre genre.

147. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Quelque terne que soit le signalement qu’il donne, quelque bizarre et hors nature le type qu’il entend représenter, d’une phrase, d’un monologue, d’un récit rapporté et interjeté, la nature morale particulière qu’il veut montrer apparaît dans tous les détails de sa configuration individuelle. […] Quand ses héros ne sont pas comiques ou n’étonnent pas le lecteur par une perfidie tellement marquée qu’elle force l’attention et, dans une certaine mesure, l’intérêt, Dickens faiblit et échoue dans l’emploi de son art particulier de délinéation conversationnelle. […] Dickens est incontestablement un réaliste, d’une espèce particulière, il est vrai, et bien qu’il s’emploie davantage à déformer la réalité qu’à la reproduire. […] Le caricaturiste est un créateur et un déformateur particulier de personnages et de scènes. […] Il est donc évident, si l’on passe à un ordre de sentiments plus complexes, qu’un écrivain qui aura ressenti, pour quelque personnage de son imagination, une disposition particulière, n’en changera pas ; car il n’y aura aucune raison pour qu’elle cesse ou qu’elle se transforme tant que la conception du personnage restera la même, et, en soi, une disposition est un état d’âme un, peu susceptible de nuances ; tant que l’on déteste une personne c’est de la même façon, et tant qu’on en chérit une autre c’est de la même façon aussi.

148. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

La bonne foi n’autorise jamais la ruse, mais elle admet la réserve ; et la réserve a cela de particulier, c’est qu’elle ajoute à la confiance. […] Tout était très particulier chez lui et le séparait du commun de l’humanité. […] Il touchait deux pensions : l’une de 100,000 francs, l’autre de 16,000, je ne sais à quel titre particulier. […] N’est-ce point plutôt à une autre amie particulière, à une correspondante habituellement résidante à Paris (telle que la princesse de Vaudemont, par exemple), que la lettre était adressée ? […] Ce sont les circonstances atténuantes, naïvement exposées et déduites : « Il dépensait beaucoup ; sa main était libéralement ouverte pour ses anciens amis ; sa maison princière était peu tenue, et sa fortune particulière très peu considérable.

149. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

L’histoire d’une langue n’est que l’histoire de déformations successives, presque toujours monstrueuses, si on les juge d’après la logique de la raison ; — mais la faculté du langage est réglée par une logique particulière : c’est-à-dire par une logique qui oublie constamment, dès qu’elle a pris son parti, les termes mêmes du problème qui lui était posé. […] Tout art est déformateur et toute science est déformatrice, puisque l’art tend à rendre le particulier tellement particulier qu’il devienne incomparable, et puisque la science tend à rendre la règle tellement universelle qu’elle se confonde avec l’absolu. […] A vrai dire, nous ne connaissons que des déformations ; nous ne connaissons que la forme particulière de nos esprits particuliers . […] Peut-être même assignait-il à ces œils une étymologie particulière ; ainsi le plus répandu des petits dictionnaires manuels a soin de spécifier que écaille vient du latin squama, ce qui est absurde132. […] J’ai entendu cette phrase : « Vous avez agi d’une façon cruche. » Le substantif qui implique une idée de qualité, de manière d’être, tend naturellement à devenir un adjectif ; c’est le passage du particulier au général.

150. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Viennent alors deux chapitres généraux : l’homme, les jugements ; la mode nous ramène aux travers particuliers du siècle ; l’étude de quelques usages découvre les abus radicaux de la société. […] Voilà par où vivent les personnages de La Bruyère : on les voit si nettement, ils sont si particuliers dans leur air et leur action, qu’on a peine à croire que l’artiste les ait composés, et non pas copiés. […] Parfois ce peintre si sagace et si exact s’emporte, et, par une sorte d’enivrement d’imagination, dépasse son observation ; la description réaliste s’achève alors en fantaisie copieuse, et l’on a une sorte de bouffonnerie très particulière, pittoresque et chargée, qui peut être de fort mauvais goût, mais qui a une saveur originale : elle consiste éminemment à noter l’hypothèse impossible par une collection de petits faits précis et sensibles, tout analogues à ceux par lesquels la réalité visible se note. […] Cette partie de l’œuvre de Fénelon est identique, en son fond, au Génie du Christianisme : mais Fénelon n’a pas la langue pittoresque, les impressions particulières qui ont fait la puissance de Chateaubriand460. […] Le point particulier qui le passionne, lui cache tout le reste.

151. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On lit en effet dans le journal de l’avocat Barbier, à la date de mercredi 29 mai (1720) : « Je le vis passer (Law) dans la rue de Richelieu dans un carrosse magnifique ; il fut insulté par un particulier, en sortant de la Banque (qui était alors dans un des bâtiments où est actuellement la Bibliothèque). […] Besenval n’a pas été un simple courtisan homme d’esprit, il a eu son côté sérieux et a rendu des services militaires, notamment sous M. de Choiseul, dont il était l’ami particulier. […] Brave, aimant son métier, embrassant avec ensemble et précision ce qui concernait son corps particulier de troupes, il n’avait pas cette avidité à s’instruire dans toutes les branches qui dénote une nature de général proprement dit, l’homme destiné à de grands commandements. […] Il aimait à railler ; il avait son genre d’impertinence à lui et son cachet particulier de persiflage. […] [NdA] C’est là une opinion particulière à Besenval, et dont il faut lui laisser la responsabilité.

152. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Les gens d’une bonne trempe, en fouillant dans leur propre fonds, y trouveront toujours du neuf et quelque chose de particulier qui leur fera plus d’honneur que de se parer des plumes d’autrui. […] Rien n’était si flatteur qu’un si prompt succès, et il me paraissait qu’il n’y avait point de présomption à en espérer un plus grand, quand je considérais que, sans avoir ni cabale pour m’annoncer ni famille qui s’intéressât à me ménager des auditeurs, ni parti pour m’en attirer, j’avais été assez heureux pour me faire distinguer parmi tant de prédicateurs qu’il y avait alors dans le Clergé séculier et dans les Ordres religieux. » Quand je l’ai appelé un rhétoricien, on voit quel correctif il convient d’apporter à ce mot en parlant de lui : c’est devant le public, c’est dans l’action extérieure qu’il est rhéteur ou avocat ; mais, hors de là et dans le particulier, il ne se drape nullement, et il nous livre avec une sorte de naïveté, sans en faire mystère, ses raisons d’agir et ses mobiles. […] L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta. […] En même temps qu’il savait les affaires et qu’il était en mesure de parler et de répondre sur toutes avec un à-propos et une pertinence suprême, il apportait dans ce haut emploi de président un tact, un talent particulier à manier les esprits, à ménager les amours-propres, à prévenir et à conjurer les conflits de toute espèce, et il obtenait par la douceur et par la persuasion ce qui eût semblé impossible à un autre. […] Il plaisait visiblement au monarque, qui, dès qu’il l’eut placé au siège de Paris, lui accorda, le vendredi de chaque semaine, une et quelquefois deux heures d’entretien particulier dans son cabinet.

153. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Il tient dans son livre les propos dont on s’exaltait dans la Cité, quand son bisaïeul et son aïeul, l’apothicaire et le lieutenant particulier, faisaient rage d’éloquence populaire autour de Saint-Barthélemy et de Saint-Christophe. […] Ce que Boileau disait en confidence ce jour-là à Racine, M. de Valincour, l’ami particulier de tous deux, va nous le répéter ; c’est là l’endroit piquant, neuf, et la trouvaille de M.  […] Vous avez pour instrument particulier une pince très-fine qui va saisir son objet souvent très-loin et très-avant : pourquoi faut-il que la pince le tortille parfois en le retirant ? […] Voici le portrait que trace de M. de Valincour Saint-Simon qui, d’ordinaire, ne flatte guère son monde : « C’était un homme d’infiniment d’esprit, et qui savait extraordinairement ; d’ailleurs, un répertoire d’anecdotes de Cour où il avait passé sa vie dans l’intrinsèque, et parmi la compagnie la plus illustre et la plus choisie ; solidement vertueux et modeste, toujours dans sa place, et jamais gâté par les confiances les plus importantes et les plus flatteuses : d’ailleurs très-difficile à se montrer, hors avec ses amis particuliers, et peu à peu, très-longtemps, devenu grand homme de bien. C’était un homme doux, gai, salé, sans vouloir l’être, et qui répandait naturellement les grâces dans la conversation ; très-sûr et extrêmement aimable… » Quand on a le bonheur d’avoir quelques lignes tout à fait particulières de la main d’un tel homme, et qui nous rendent le fond de son jugement, comment se plaire à le déprimer ?

154. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il jugeait bien des historiens, qui étaient proprement sa matière d’étude et de méditation : pourtant, quand on le voit prodiguer le titre de Thucydide à Rollin ou même à Voltaire, on est forcé d’avouer qu’il ne paraît pas se douter de la forme particulière qui constitue l’originalité de ce grand historien. […] « Il n’est pas donné à tout le monde, lui disait-il, de faire rire l’esprit. » On ne saurait mieux rendre cette espèce d’attrait, de don lumineux et jaillissant particulier à Voltaire. […] Ce n’était pas seulement un goût naturel qui portait Frédéric vers d’Alembert : « Nous autres princes, nous avons tous l’âme intéressée, disait Frédéric, et nous ne faisons jamais de connaissances que nous n’ayons quelques vues particulières, et qui regardent directement notre profit. » Frédéric avait songé de bonne heure à attirer d’Alembert à Berlin pour le faire président de son Académie. […] Avec Frédéric il n’y a point d’étiquette, et tout se passe comme avec un particulier, homme de génie. […] Revenu en France, d’Alembert continua de correspondre avec Frédéric ; et (si l’on oublie l’épigramme qui ne fut jamais connue) cette correspondance atteste des deux parts bien de la raison, de la philosophie véritable, et même de l’amitié, autant qu’il en pouvait exister alors entre un particulier et un monarque.

155. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

« Jugements de valeur et jugements de réalité » En soumettant au Congrès ce thème de discussion, je me suis proposé un double but : d’abord, montrer sur un exemple particulier comment la sociologie peut aider à résoudre un problème philosophique ; ensuite, dissiper certains préjugés dont la sociologie, dite positive, est trop souvent l’objet. […] Car l’opinion publique tient de ses origines une autorité morale en vertu de laquelle elle s’impose aux particuliers. […] De même, le nombre des adultères, des divorces, des séparations de corps exprime la force relative avec laquelle l’idéal conjugal s’impose aux consciences particulières. […] Elle se distingue d’abord, de celle que mène l’individu solitaire, par sa particulière intensité. […] On le conçoit planant, impersonnel, par-dessus les volontés particulières qu’il meut.

156. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’abbé Le Dieu était un ecclésiastique estimable, laborieux, auteur par lui-même de quelques ouvrages sur des matières théologiques ; il fut attaché à Bossuet à partir de l’année 1684, et resta auprès de lui près de vingt ans, les vingt dernières années de la vie du grand prélat, en qualité de secrétaire particulier et avec le titre de chanoine de son église cathédrale ; mais il ne faut point voir en lui auprès de Bossuet ce qu’était l’abbé de Langeron pour Fénelon : ce n’était point un ami, mais un domestique dévoué et fidèle. […] Ces discours si loués des contemporains et qu’ils s’accoutumaient à personnifier dans le mot du texte toujours heureusement choisi, ce Depositum custodi, prêché devant la reine mère, ce Surrexit Paulus de l’abbé Bossuet, comme on les appelait, nous deviennent présents et distincts, chacun avec sa physionomie particulière. […] On l’y voit relisant Virgile et lisant Homère avec un enthousiasme tout particulier. […] Bossuet, en toute sa vie, marche à visage découvert, et rien de lui, rien de ses actions ni de sa pensée n’est dans l’ombre ; il fut en tout le contraire des opinions et des méthodes particulières ; il fut l’homme public des grandes institutions et de l’ordre établi, tantôt l’organe, tantôt l’inspirateur, tantôt le censeur accepté de tous, ou le conciliateur et l’arbitre.

157. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Son opinion reste longtemps particulière. […] Floquet, on a tout ce qui se peut souhaiter de plus particulier sur Bossuet : c’est définitif. […] Il ne s’y arrêta dans aucun temps aux difficultés particulières qu’il rencontrait, il en respirait l’esprit général, il en suivait les nombreux courants et les torrents. […] L’important, avec Bossuet, est de bien saisir la forme particulière à son esprit, à cette intelligence si vaste d’ailleurs et si complète pour l’ordonnance et pour l’expression ; je voudrais me la représenter mieux que par des aperçus, et la réfléchir dans son plein.

158. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

On représente un poëte comme un être tout particulier, dont la démence peut vivement frapper l’imagination des autres, & tourner les têtes. […] « La poësie, dit-il, demande un génie particulier, qui ne s’accommode pas trop avec le bon-sens. Elle est tantôt celui des foux ; rarement celui d’un honnête-homme. » Si l’on remonte des particuliers aux princes, on verra que bien des souverains ont pensé de même ; qu’ils n’ont rien eu tant à cœur que de tenir la poësie éloignée de leurs états, comme un de ces maux contagieux qui portent la désolation & la mort partout où ils se glissent. […] Il prétend que les premiers philosophes hermétiques, c’est-à-dire, ceux qui travaillèrent au grand-œuvre & à faire de l’or, sont les pères de la mythologie ; qu’elle leur étoit un langage particulier ; qu’ils l’avoient imaginé, pour dérober au public la connoissance de leurs secrets ; que la poësie représentoit la théorie de leur art ; qu’il leur servoit à parler énigmatiquement pour les autres, & très-intelligiblement pour les adeptes, à peu près comme les francs-maçons, qui se reconnoissent à certains mots & à certains signes.

159. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Ne serait-ce pas qu’il y a une damnation particulière sur la vie du satirique ? […] Furetière, d’ailleurs, ne s’est pas toujours borné, ainsi qu’on a voulu le faire croire, à critiquer les vices et les ridicules particuliers à son temps : le Tarif des partis sortables en mariage, l’Inventaire de Mytophilacte et la Somme dédicatoire, où se trouve formulée l’idée de l’association des gens de lettres telle que nous l’avons aujourd’hui, sont de la satire générale et éternelle. […] D’autant mieux qu’outre l’obligation indispensable de prier Dieu pour vos ennemis, vous vous êtes fait une loi particulière de prier pour vos confrères. » 13. Regnier-Desmarets, qui tint la plume pour l’Académie pendant tout le temps de la querelle, prétend, au contraire, que les décisions d’un particulier sur la langue ne peuvent jamais être si sûres ni d’une si grande autorité que celles d’une compagnie instituée pour la perfectionner.

160. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

La voûte de la gallerie n’est pas un berceau continu, mais ce berceau est partagé en autant de voussures quarrées, qu’il y a de fenêtres à la gallerie, et les voussures ont chacune leur ceintre particulier. […] Cette expression laisse encore voir les traits du caractere particulier de Jules II. […] Comme Quinault étoit l’auteur et l’inventeur de ce stile particulier aux opera ; il montre que Quinault n’étoit pas sans genie ; mais ceux qui ne peuvent faire autre chose que de les repeter, en manquent.

161. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Les duels durent être chez les nations barbares une espèce de jugements divins, qui commencèrent sous les gouvernements divins et furent longtemps en usage sous les gouvernements héroïques ; on se rappelle ce passage de la Politique d’Aristote (cité dans les axiomes) où il dit que les républiques héroïques n’avaient point de lois qui punissent l’injustice et réprimassent les violences particulières 99. […] Aux temps de la seconde barbarie (celle du moyen âge), les représailles particulières durèrent jusqu’au temps de Barthole. […] D’ailleurs deux traditions fameuses de l’antiquité grecque et latine prouvent que les peuples commençaient souvent les guerres (duella chez les anciens Latins), en décidant par un duel la querelle particulière des principaux intéressés ; je parle du combat de Ménélas contre Pâris, et des trois Horaces contre les trois Curiaces (Voy.

162. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il n’a pas une forme particulière, un procédé. […] Composés dans un dessein secret, particulier, leur effet seul les trahissait. […] Le principe de Fénelon, c’est le particulier, et, s’il y a tradition, c’est tout au plus une tradition d’hier ; c’est l’expérience personnelle, le moi. […] De là vient l’attrait tout particulier de ses écrits. […] Je reconnais là les formes qu’affecte le sens propre, et je les note dans Fénelon, parce qu’elles sont communes à toutes les opinions particulières.

163. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol en vient à l’appréciation littéraire, et le coup d’œil qu’il jette sur la composition d’une seule églogue le mène aux considérations les plus intéressantes sur ce genre même de poésie, sur ce qu’étaient sa forme distincte et son rhythme particulier chez les Grecs, sur ce qu’il devint, chez les Romains, déjà moins délicats d’oreille, et qui se contentèrent d’un à peu près d’harmonie. […] Rossignol, que depuis la majestueuse épopée jusqu’à la vive épigramme aiguisée en un simple distique, chaque poëme eut son style et son harmonie, ses mots, ses locutions, son dialecte propre, son rhythme particulier ; et quoique la limite qui séparait deux genres fût quelquefois légère et peu sensible, il n’en fallait pas moins la respecter, sous peine d’encourir l’anathème d’un goût difficile et ombrageux. » L’auteur donne ici de piquants exemples tirés de la métrique des anciens ; le déplacement d’un seul pied suffisait pour changer tout à fait le caractère et l’effet d’un chant. […] Le pur où sa modestie lui permettra de sortir des questions trop particulières et de se porter avec toutes les ressources de son investigation et de sa science sur des sujets d’un intérêt plus ouvert, il est fait pour marquer avec nouveauté son rang dans la critique et pour se classer en vue de tous.

164. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Tout porte l’esprit aux idées générales plutôt qu’aux observations particulières ; mais lorsque les sociétés brillantes de la cour et de la ville ont un grand crédit politique, le besoin de les observer pour y réussir développe un grand nombre de pensées fines ; et si, d’un côté, il y a moins de philosophie pratique dans un tel pays, de l’autre, les esprits sont nécessairement plus capables de pénétration et de sagacité. […] Le patriotisme qui règne en Angleterre, inspire une sorte d’intérêt de famille pour les questions d’une utilité générale ; on peut en entretenir les Anglais aussi longuement que de leurs affaires particulières ; et les auteurs, confiants dans cette disposition, abusent souvent de la liberté qu’elle accorde. […] L’importance politique de chaque citoyen est telle dans un pays libre, qu’il attache plus de prix à ce qui lui revient du bonheur public, qu’à tous les avantages particuliers qui ne serviraient pas à la force commune.

165. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Qu’on nous permette donc de passer, sans nous appesantir autrement sur la transition, des idées générales que nous venons de poser, et qui, selon nous, toutes les conditions de l’idéal étant maintenues du reste, régissent l’art tout entier, à quelques-unes des idées particulières que ce drame, Ruy Blas, peut soulever dans les esprits attentifs. […] Chacun se fait, sans pitié pour le pays, une petite fortune particulière dans un coin de la grande infortune publique. […] C’est l’impression particulière que pourrait laisser ce drame, s’il valait la peine d’être étudié, à l’esprit grave et consciencieux qui l’examinerait, par exemple, du point de vue de la philosophie de l’histoire.

166. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Or cette attention generale aux plaisirs, suppose une suite de plusieurs années exemptes des inquiétudes et des craintes qu’amenent les guerres, du moins celles qui peuvent faire perdre aux particuliers leur état, parce qu’elles mettent en danger la constitution de la societé, dont nous sommes des membres. […] Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, n’étoient point de ces guerres destructives de la societé, où le particulier est chassé de ses foïers et fait esclave par un ennemi étranger, telles que furent les guerres que ces conquerans brutaux, sortis de dessous les neiges du Nord, firent quelquefois à l’empire romain. […] Enfin, les ouvrages des grands maîtres n’étoient point regardez, dans le temps dont je parle, comme des meubles ordinaires destinez pour embellir les appartemens d’un particulier.

167. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

En effet, Barthélemy Saint-Hilaire, au lieu d’écrire l’histoire de Mahomet pour son compte particulier et pour le nôtre, ne nous fait que l’Histoire des Histoires qui ont été publiées sur Mahomet, en ces derniers temps. […] Dans l’impossibilité de comprendre la croyance parce qu’ils étaient incrédules, ils s’en tiraient en disant qu’on mentait, et ce n’était pas particulier à Mahomet, le mensonge qu’ils inventaient, mais c’était particulier à tout homme qui tombait à genoux devant Dieu !

168. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Les travailleurs ordinaires, eux, ne recueillent et ne classent que les matériaux utiles pour leurs études particulières. […] Il est probable que quelques-unes ont agi sur chacune de ses opérations particulières. […] Tout mensonge, petit ou grand, a pour cause l’intention particulière de l’auteur de produire sur son lecteur une impression particulière. […] Dans la pratique on commence par la proposition particulière, le fait historique : Salamine porte un nom phénicien. […] Les formules descriptives donnent le caractère particulier de chacun des petits groupes de faits.

169. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Les raisons qui furent données dans cette occasion, et celles, en général, qui se produisirent dans d’autres discussions particulières, Pellisson nous les déduit d’ordinaire en de petits discours indirects imités de ceux de Tite-Live, et qui n’en semblent pas moins à leur place. […] L’histoire de l’Académie, telle que je la conçois aujourd’hui, en tant qu’histoire du corps, est assez difficile à faire, faute de documents particuliers suffisants ; je ne la crois pourtant pas impossible. […] Mais ce que Richelieu voulait décidément, ce qu’il a fait voir tout d’abord en demandant à l’Académie ses sentiments publics sur Le Cid, c’était (et indépendamment, je le crois, de la passion personnelle qu’il apportait dans cette question particulière du Cid) —, c’était de la faire juge des œuvres d’éclat qui paraîtraient ; de la constituer haut jury, comme nous dirions, haut tribunal littéraire tenu de donner son avis sur les productions actuelles les plus considérables qui partageraient le public. […] La Monnoye était un homme de lettres spirituel, instruit, médiocre pour le talent (excepté quand il fredonnait dans le patois bourguignon), mais universellement goûté et estimé de sa personne, un lauréat blanchi dans les concours ; toutes ces heureuses médiocrités se complétèrent et firent de lui un candidat sans pareil ; il fut reçu à l’unanimité, et Louis XIV, qu’il avait célébré tant de fois, en témoigna une satisfaction toute particulière. […] Pour les curieux et ceux qui tiennent à savoir par le menu ce qu’il y a de réel dans une métaphore, je dirai même que dans nos séances particulières il n’y a pas de fauteuils, mais seulement de bons sièges.

170. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Je commence par le président Hénault, qui vivait dans sa société particulière, et qui nous le montre sous son vrai jour : — ah ! […] Mais enfin ses succès l’ont encouragé, et il n’y a pas de particulier plus aimable. […] Il ne parut jamais plus capable de réussir à tout que quand il ne fut plus rien que le premier et le plus aimable des particuliers. […] Hume, avec son air un peu lourd et son allure de paysan, avait fait fureur dans le beau monde de Paris et à la Cour ; se trouvant au mois de juillet 1764 à Compiègne où étaient le roi et la fleur de la noblesse, il ne se prodiguait pas plus qu’il ne fallait, et il se ménageait dans la journée des heures de recueillement : « Nous vivons, écrivait-il à Mme de Boufflers, dans une sorte de solitude et d’isolement à Compiègne, moi du moins, qui n’ayant qu’un petit nombre de connaissances, et assez peu particulières, à la Cour, et ne me souciant pas d’en faire d’autres, me suis donné presque entièrement à l’étude et à la retraite. […] Jal prépare, à l’aide de tous ces éléments, un grand travail biographique et historique qui est fort attendu et désiré. — Je dirai bientôt quelles obligations particulières j’ai à un autre investigateur curieux et érudit, M. 

171. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Cette mise de vieille, si exquise en modestie et en simplicité, lui était particulière, et rappelle l’art tout pareil de Mme de Maintenon. […] Les princes y venaient en simples particuliers ; les ambassadeurs n’en bougeaient dès qu’ils y avaient pied. […] Elle ne soupçonne pas le mal. » Ici, au contraire, cette bienfaisance mondaine et sociale cherche son plaisir, son goût particulier et sa satisfaction propre, et il s’y mêle de plus un peu de malice et d’ironie. […] Marmontel, en lui écrivant, avait paru croire que ces attentions dont une simple particulière était l’objet de la part des monarques, allaient faire une révolution dans les idées ; Mme Geoffrin le remet au vrai point de vue : Non, mon voisin, lui répond-elle (voisin, parce que Marmontel logeait dans sa maison), non, pas un mot de tout cela : il n’arrivera rien de tout ce que vous pensez. […] Tout ce que j’ai vu depuis que j’ai quitté mes pénates me fera remercier Dieu d’être née Française et particulière.

172. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Nombre de lettres particulières, se rapportant à toutes les époques du règne, y sont jointes. […] Louis XIV, dès son enfance, était remarquable par des traits particuliers et des grâces sérieuses qui le distinguaient de tous ceux de son âge. […] Il était aimable de sa personne, honnête et de facile accès à tout le monde, mais avec un air grand et sérieux qui imprimait le respect et la crainte dans le public, et empêchait ceux qu’il considérait le plus de s’émanciper, même dans le particulier, quoiqu’il fût familier et enjoué avec les dames. […] Quand il se sent une passion principale et dominante, si noble qu’elle soit, Louis XIV cherche à ne pas écouter qu’elle seule, mais à la contrebalancer par d’autres qui soient également en vue de l’État : « Il faut de la variété dans la gloire comme partout ailleurs, et en celle des princes plus qu’en celle des particuliers ; car qui dit un grand roi, dit presque tous les talents ensemble de ses plus excellents sujets. » Il est des talents où il ne pense point qu’un roi doive trop exceller ; il lui est bon et honorable d’y être surpassé par les autres ; mais il doit les apprécier dans tous. […] Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps.

173. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Parallèlement, les traits particuliers de la structure psychique doivent s’expliquer par la fonction radicale qui constitue la vie psychique elle-même : désirer, vouloir. […] Pour cela, il faut d’abord que les phénomènes, par la proportion de leurs ressemblances et de leurs différences, rentrent dans des classes ou genres, et qu’on puisse ensuite passer par le raisonnement du général au particulier ou du particulier au général. […] L’association indissoluble de ces deux idées n’est pas accidentelle, comme celle de tel phénomène particulier avec tel autre ; elle est la forme générale de toute conscience vivante, forme qui ne s’évanouit qu’avec la conscience même et avec le vouloir. […] Selon les partisans de Hume, en effet, l’uniformité n’est qu’un fait particulier d’observation objective, analogue aux autres faits d’observation, qui demanderait comme eux à être expliqué, mais ne peut qu’être constaté. […] De tous ces faits de conscience qui font notre réalité propre nous abstrayons les caractères trop particuliers, et nous ne conservons que l’idée d’action en général, ou de causation.

174. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Toutefois il ne faudrait pas croire qu’il y ait là une propriété merveilleuse particulière au curare. […] C’est là le caractère particulier de la mort par le curare. […] Les cristaux comme les êtres vivants ont leurs formes, leur plan particulier, et ils sont susceptibles d’éprouver les actions perturbatrices du milieu ambiant. […] En effet, la genèse vitale comprend des phénomènes de synthèse chimique arrangés, développés suivant un ordre particulier qui constitue leur évolution. […] On pourrait, dire de même pour les phénomènes de désorganisation que les ferments sont aussi des agents particuliers aux êtres vivants.

175. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Récapitulation des faits généraux et particuliers qui lui sont favorables. — III. […] Récapitulation des faits généraux et particuliers qui lui sont favorables. […] Outre ces différences, tous les naturalistes ont admis aussi l’existence de variétés, qu’ils ont trouvées suffisamment distinctes pour mériter une mention particulière dans leurs ouvrages systématiques. […] L’hypothèse des migrations, suivies de modifications, nous explique pourquoi des îles océaniques doivent être peuplées de rares espèces et comment la plupart d’entre elles leur sont particulières. […] La présence de ces espèces particulières de Chauves-Souris et l’absence d’autres mammifères sur les îles océaniques sont deux faits entièrement inexplicables d’après la théorie des actes de création indépendants.

176. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

On dira que ce n’est pas l’honnêteté d’Alceste qui est comique, mais la forme particulière que l’honnêteté prend chez lui et, en somme, un certain travers qui nous la gâte. […] Maintenant, cette logique est-elle particulière à Don Quichotte ? […] Il n’est pas rare qu’on observe dans le rêve un crescendo particulier, une bizarrerie qui s’accentue à mesure qu’on avance. […] L’un de nous deux portait un signe particulier, un énorme grain de beauté au revers de la main gauche ; et celui-là, c’était moi. […] Une moyenne de justice pourra apparaître dans le résultat d’ensemble, mais non pas dans le détail des cas particuliers.

177. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Les miracles, il commence par là ; naturellement et nécessairement il est tout entier croyant, et de toutes ses forces, au surnaturel et au divin dans les prodiges opérés ; mais il en distingue le caractère particulier et nouveau, qui est tout humain : « Ce ne sont point, dit-il, des signes dans le ciel, tels que les Juifs les demandaient : il les fait presque tous sur les hommes mêmes et pour guérir leurs infirmités. […] Ceux qui ont étudié Bossuet savent combien, dès ses premiers sermons prêchés à Metz, il était préoccupé de cette destruction de Jérusalem et des scènes particulières d’horreur qu’elle présente ; il y insiste de nouveau dans ce Discours, il les étale et les commente, y voyant l’image anticipée du Jugement dernier. […] Bossuet y rentre dans les voies humaines et dans les explications par les causes particulières et secondes ; il a quelque peine à s’y remettre et à se dégager de cette vision des prophéties dont il nous a environnés, poursuivis si longtemps, et dont il était, tout le premier, ébloui. […] Toute la magnificence des Romains, dans le bon temps, était publique : l’épargne ne régnait que dans les maisons des particuliers.

178. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ? […] Cela fait, il s’empressa de quitter ce point éloigné de l’action sans veiller à l’exécution ultérieure d’une Convention ainsi bâclée, et il se rapprocha des opérations du centre, « courant, comme on dit, deux lièvres à la fois et devant les manquer tous deux. » C’est alors que M. de Soubise, que ses amis de cour avaient porté à la tête d’un corps particulier d’armée, et que le maréchal de Richelieu avait dû renforcer d’un détachement de vingt mille hommes, essuya la fatale déroute de Rosbach. […] Par malheur encore, il eut pour conseil plus particulier et pour régent M. de Mortaigne, personnage opiniâtre et qui ne justifia en rien cette confiance. […] Cette figure intéressante du comte de Gisors, l’honneur de l’armée et « l’un des meilleurs sujets du royaume », est devenue l’objet d’une étude historique particulière sous la plume de M. 

179. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice ne saurait se citer auprès de ces cinq productions hors de pair ; elle ne soutiendrait même pas le parallèle avec les autres pièces relativement secondaires, telles que Mithridate et Bajazet, et pourtant elle a sa grâce bien particulière, son cachet racinien. […] Il ne faudrait pas que de telles faiblesses, si gracieuses qu’elles semblent par exception, revinssent trop souvent ; elles affecteraient l’œuvre entière d’une teinte trop particulière et qui aurait sa monotonie, sa fadeur. […] Mais indépendamment des circonstances particulières qui favorisèrent le premier succès, et sur lesquelles nous reviendrons, il faut reconnaître que Racine a su tirer d’un sujet si simple une pièce d’un intérêt durable, puisque toutes les fois, dit Voltaire, qu’il s’est rencontré un acteur et une actrice dignes de ces rôles de Titus et de Bérénice, le public a retrouvé les applaudissements et les larmes. […] Geoffroy remarque avec raison que Titus serait sifflé, s’il agissait ainsi au théâtre, « et Rousseau, ajoute-t-il, mérite de l’être pour avoir consigné cette opinion dans un livre de philosophie. » Tout se tient en morale : c’est pour n’avoir pas senti cette délicatesse particulière, cette religion de dignité et d’honneur qui enchaîne Titus, que Jean-Jacques a gâté certaines de ses plus belles pages par je ne sais quoi de choquant et de vulgaire qui se retrouve dans sa vie, et que l’amant de madame de Warens, le mari de Thérèse, n’a pas résisté à nous retracer complaisamment des situations dignes d’oubli.

180. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Dans la seconde partie, on a d’abord décrit le mécanisme et l’effet général de leur assemblage, puis, appliquant la loi trouvée, on a examiné les éléments, la formation, la certitude et la portée de nos principales sortes de connaissances, depuis celle des choses individuelles jusqu’à celle des choses générales, depuis les perceptions, prévisions et souvenirs les plus particuliers jusqu’aux jugements et axiomes les plus universels. […] Par le même procédé, au-delà de ces premiers couples, nous en isolons d’autres, plus simples, qui, semblables à la formule d’une courbe, concentrent en une loi générale une multitude indéfinie de lois particulières. […] Admettons que ces organes soient, comme il est probable, les cellules de la substance grise ; en ce cas, dans les centres sensitifs comparés à l’écorce cérébrale, et dans les diverses régions de l’écorce cérébrale comparées entre elles, certaines cellules ou certains groupes de cellules devront présenter le même type ; il y en aura peut-être un pour celles de la vue, un autre pour celles de l’odorat, un autre pour celles de l’ouïe ; toutes celles du même type devront communiquer entre elles d’une façon particulière ; on reconnaîtra un centre sensitif et ses répétiteurs à leur similitude et à leurs connexions. […] Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.

181. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Or cette diversité d’expression imite merveilleusement la nature qui, nonobstant son uniformité, est toujours marquée dans chaque sujet à un coin particulier. […] Le peintre ne trouve donc aucune opposition du côté de la mécanique de son art à mettre dans chaque expression un caractere particulier. […] sumite materiam vestris, qui scribitis, aequam viribus. soit que vous vouliez peindre, soit que vous vouliez composer des vers, aïez autant d’attention à choisir un sujet qui convienne au pinceau, si vous voulez faire un tableau, et qui convienne, pour ainsi dire, à la plume si vous êtes poëte, qu’à le choisir convenable aux forces de votre genie particulier et proportionné avec vos talens personnels. […] Je ne sçais que dom Quichotte, heros d’un genre particulier, dont les prouesses soïent aussi connuës des étrangers que des compatriotes de l’ingenieux espagnol qui lui a donné l’être.

182. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Il pense à la morale, mais comme il pense à la chimie ; la morale, comme la chimie, n’est qu’une science particulière ; il ne s’y attache que parce qu’elle est une partie de l’encyclopédie qu’il construit, ou une application de la méthode qu’il découvre ; il ne lui soumet pas les autres sciences ; il ne fait pas d’elle le but de ses recherches, ou la pierre de touche de ses doctrines. […] Selon les matérialistes, il n’y a pas de bluet idéal, il n’y a que des bluets particuliers. Selon les déistes, il n’y a pas de bluet idéal, mais un ouvrier intelligent et puissant, qui fabrique tous les bluets particuliers. Selon les positivistes, on ne peut connaître que les bluets particuliers, il ne faut pas s’occuper du bluet idéal.

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