Poètes et artistes se battent incessamment les flancs pour satisfaire cet instinct. […] Cet instinct est si accusé et si particulier, que Magnan le déclare un stigmate de dégénérescence et a créé pour lui le nom « d’oniomanie », ou folie d’acheter. […] L’expérience enseigne que l’instinct de conservation est souvent le pire conseiller dans les situations dangereuses. […] Quand des gens de cette espèce ont l’instinct poétique et artistique, ils veulent naturellement exprimer leur propre état d’esprit. […] Il pèche par un instinct irrésistible ; c’est un « impulsif ».
Dans la vie des individus, comme dans celle de l’humanité, il y a des Moyens Âges, des moments où la réflexion se voile, s’obscurcit, et où les instincts reprennent momentanément le dessus. […] Ces instincts étant de la nature humaine, il ne faut pas les blâmer, et le vrai système moral et intellectuel saura leur faire une part : mais cette part ne doit jamais être l’affaissement ni la superstition. […] Mais, notez-le, ceci est essentiel : à moins de croire par instinct, comme les simples, on ne peut plus croire que par scepticisme : désespérer de la philosophie est devenu la première base de la théologie. […] Le besoin de remplir une vie calme et retirée par d’utiles travaux, des goûts studieux, l’instinct de la compilation et des collections peuvent rendre à l’érudition d’immenses services, mais ne constituent pas l’amour pur de la science. […] Une rigoureuse analyse psychologique classerait l’instinct religieux inné chez les femmes dans la même catégorie que l’instinct sexuel.
Il y a naturellement des variétés d’hommes, comme des variétés de taureaux et de chevaux, les unes braves et intelligentes, les autres timides et bornées, les unes capables de conceptions et de créations supérieures, les autres réduites aux idées et aux inventions rudimentaires, quelques-unes appropriées plus particulièrement à certaines œuvres et approvisionnées plus richement de certains instincts, comme on voit des races de chiens mieux douées, les unes pour la course, les autres pour le combat, les autres pour la chasse, les autres enfin pour la garde des maisons ou des troupeaux. […] Un climat et une situation différente amènent chez lui des besoins différents, par suite un système d’actions différentes, par suite encore un système d’habitudes différentes, par suite enfin un système d’aptitudes et d’instincts différents. […] Si le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de la discipline, la sociabilité et l’honneur, vous trouverez comme en France la parfaite organisation militaire, la belle hiérarchie administrative, le manque d’esprit public avec les saccades du patriotisme, la prompte docilité du sujet avec les impatiences du révolutionnaire, les courbettes du courtisan avec les résistances du galant homme, l’agrément délicat de la conversation et du monde avec les tracasseries du foyer et de la famille, l’égalité des époux et l’imperfection du mariage sous la contrainte nécessaire de la loi. Si enfin le sentiment d’obéissance a pour racine l’instinct de subordination et l’idée du devoir, vous apercevrez comme dans les nations germaniques la sécurité et le bonheur du ménage, la solide assiette de la vie domestique, le développement tardif et incomplet de la vie mondaine, la déférence innée pour les dignités établies, la superstition du passé, le maintien des inégalités sociales, le respect naturel et habituel de la loi. […] De même que dans un animal les instincts, les dents, les membres, la charpente osseuse, l’appareil musculaire, sont liés entre eux, de telle façon qu’une variation de l’un d’entre eux détermine dans chacun des autres une variation correspondante, et qu’un naturaliste habile peut sur quelques fragments reconstruire par le raisonnement le corps presque tout entier ; de même dans une civilisation la religion, la philosophie, la forme de famille, la littérature, les arts composent un système où tout changement local entraîne un changement général, en sorte qu’un historien expérimenté qui en étudie quelque portion restreinte aperçoit d’avance et prédit à demi les caractères du reste.
La volonté s’oppose à l’instinct comme l’invention à la routine intellectuelle. […] Et ici l’invention se présente bien comme le produit d’un véritable instinct. […] Seulement en ce cas, la véritable création a été la formation de l’instinct même. […] Et ceci différencie encore de l’instinct le développement de l’invention. […] Je parle bien entendu de l’instinct amené à l’automatisme, de ce qu’il y a de plus et de mieux organisé dans les instincts.
Ajoutons ici que l’âme éprouve le besoin ou l’instinct de s’exprimer, selon la nature de ses sensations, tantôt en paroles, tantôt en chant. L’instinct de chanter est aussi naturel à l’âme, et surtout à l’âme émue, que l’instinct de parler. […] Cet instinct est surtout développé dans tous ces êtres chantants par les circonstances intérieures ou extérieures de leur vie, par l’âge, par les climats, par les saisons. […] Les Marseillaises et les Te Deum sont les deux plus éclatants symptômes de cet instinct lyrique de l’âme humaine, qui la porte à chanter quand elle déborde de sensations et quand la parole devient impuissante à évaporer ce qu’elle sent en elle d’enthousiasme, d’énergie ou de félicité. […] Voilà la première ode que j’entendis ; voilà comment je compris que le besoin de chanter, quand l’âme est émue jusqu’à l’enthousiasme par la joie, est un instinct inné de l’homme chez le paysan comme chez le lettré.
Richepin sans parti pris, vous sentirez certainement, à l’origine de toutes ses inspirations, un très sincère et violent instinct de libre vie animale et de révolte contre tout, qui a sa grandeur ; mais le malheur est que la rhétorique s’en mêle ensuite, et, très visiblement, le goût de la virtuosité pour elle-même, et aussi le désir puéril d’épouvanter les philistins. […] Et j’aime encore ce je ne sais quoi qui les rend beaux, nobles, cet instinct de bête sauvage qui les jette dans l’aventure, mauvaise ou sinistre, soit ! […] Il y a ainsi toute une partie de la Chanson des Gueux où nous entrons sans effort et même avec un singulier plaisir, tout simplement à cause de l’instinct de rébellion qui est en nous, tout au fond — depuis le péché originel, dirait un théologien. […] Là, il me semble bien qu’on ne retrouve même pas l’ombre d’un sentiment sincère, si ce n’est le besoin même d’étonner et de scandaliser, et un puéril instinct de révolte — pour rien, pour le plaisir. […] Et il ne s’aperçoit pas, lui, le pourfendeur des dieux, que, tandis qu’il symbolise aussi malproprement la Nature et lui adresse des discours, il obéit à l’éternel instinct qui a créé les dieux.
Mais, l’instinct, apparemment, c’est un ordre psychique qui a besoin d’être traduit pour avoir son exécution précise. Dans le règne végétal ou chez des animaux inférieurs ou vivant à l’état sauvage, ordre, traduction, exécution sont simultanés, l’instinct se manifeste libre de toute contrainte. […] En aucune manière on ne saurait attribuer ce renversement des valeurs à l’instinct sinon à ce qu’on a appelé improprement l’instinct de destruction qui n’est en vérité qu’une résultante d’un état atrabilaire. […] Vouloir retrouver l’instinct par principe c’est exactement comme si un homme âgé voulait par principe retrouver les premiers jours de sa vie. […] Mais on ne discrédite pas plus l’art qui est la manifestation d’une poussée impérieuse de l’instinct qu’on ne peut discréditer la société des hommes issue elle aussi d’une poussée impérieuse de l’instinct.
Que l’on enlève à un animal, une poule ou un pigeon par exemple, les deux hémisphères cérébraux, l’animal ne meurt pas pour cela : toutes les fonctions de la vie organique continuent à s’exercer ; mais il perd tous ses sens et tous ses instincts, il ne voit plus, il n’entend plus ; il ne sait plus ni se défendre, ni s’abriter, ni fuir, ni manger, et s’il continue de vivre, c’est à la condition que l’on introduise mécaniquement de la nourriture dans son bec. […] En effet, dans les animaux inférieurs, tels que les zoophytes, qui sont privés de cerveau et qui, selon toute apparence, n’ont pas même de système nerveux, nous ne remarquons, suivant Gall, aucun instinct, aucune aptitude industrielle, à peine quelques penchants analogues à ceux des plantes. […] A mesure que le système nerveux se perfectionne (c’est toujours Gall qui parle), lorsque paraît un petit cerveau au-dessus de l’œsophage, paraissent aussi quelques instincts, quelques aptitudes innées. Que le cerveau se perfectionne davantage encore, ainsi que les organes des sens, vous rencontrez les merveilleux instincts des abeilles et des fourmis. […] En effet, tout ce que nous savons des mœurs, des habitudes, des instincts propres aux poissons, nous oblige à regarder ces animaux comme généralement inférieurs aux insectes, et à les placer fort au-dessous des fourmis et des abeilles, tandis que leur système nerveux, comme celui de tous les vertébrés, offre de nombreux caractères qui le rapprochent du système nerveux de l’homme. » De cette considération, Leuret conclut, à l’inverse de Gratiolet, « qu’il ne faut pas attribuer à la forme de la substance encéphalique une très grande importance11. » Sans sortir de l’ordre des mammifères, il est très difficile d’attribuer une valeur absolue à la forme cérébrale, car s’il est vrai que le singe a un type de cerveau tout à fait semblable à celui de l’homme, en revanche, nous dit Lyell, « l’intelligence extraordinaire du chien et de l’éléphant, quoique le type de leur cerveau s’éloigne tant de celui de l’homme, cette intelligence est là pour nous convaincre que nous sommes bien loin de comprendre la nature réelle des relations qui existent entre l’intelligence et la structure du cerveau » 12.
. — Les instincts rudes en Germanie, en Angleterre. […] Vingt fois le vieil instinct farouche reparaît sous la mince croûte du christianisme. […] En toutes choses, dans les instincts rudes et dans les instincts mâles, ils sont des hommes. […] Toute gaieté, tout agrément lui manque ; en dehors du mariage, il n’est qu’un appétit farouche, une secousse de l’instinct bestial. […] » Pareillement ici le vieil instinct guerrier s’enflammait au contact des guerres hébraïques.
Elle est si peu un plaisir : elle nous fait sentir si peu l’harmonie du vers, que l’instinct nous porte à prononcer tout haut les vers que nous ne lisons que pour nous-mêmes, lorsqu’il nous semble que ces vers doivent être nombreux et harmonieux. […] Aussi voïons-nous que tous les poëtes, ou par instinct ou par connoissance de leurs interêts, aiment mieux réciter leurs vers que de les donner à lire, même aux premiers confidens de leurs productions. […] L’instinct naturel nous l’apprend, en nous enseignant que ceux qui nous écoutent parler sans nous voir, ne nous entendent qu’à demi.
N’essayez donc pas de prétendre, ne vous flattez pas, même dans le passé, qu’il ait pu jamais exister un grand état de société humaine dépouillé de tout instinct d’agitation généreuse, déchu de l’indépendance sous toutes ses formes, s’enfermant avec quiétude et bonheur dans le cercle de la conquête, et n’aspirant qu’au pain du jour, dans l’égalité de l’esclavage. […] L’Asie Mineure est une autre Amérique, à la porte de l’Europe. » Et ce grand esprit, qui n’avait pas dédaigné de tracer le modèle d’un travail de statistique usuel pour Paris, mais qui, dans sa profonde science mathématique, gardait et laissait voir un instinct d’élévation morale, était inépuisable dans ce qu’il disait alors de cette renaissance d’un monde oriental annexé à l’Europe et gouverné par ses arts et son humanité. […] Mais la liberté, qui permet bien des erreurs et bien des abus, a du moins ce salutaire effet de ne point les laisser en repos, de les inquiéter sans cesse par la contradiction et le blâme, de soulever au besoin contre eux la conscience humaine, et, tôt ou tard, de corriger la loi par l’instinct moral. […] Quand un idiome a vieilli sur son sol natal, ou que, défiguré dans son passage sous un ciel nouveau, il a perdu l’instinct délicat de sa forme première, sa grâce ou son énergie ; qu’il n’est plus en rapport avec le monde troublé et nouveau dont il est entouré, il n’importe : l’éclair de l’esprit, l’émotion de l’âme se fait jour par toute voie laissée à l’intelligence ; et le génie de l’architecte brille encore dans l’imperfection des matériaux mutilés ou à peine dégrossis qu’il emploie.
Néanmoins cette difficulté, quoique paraissant insurmontable à notre imagination, ne peut être considérée comme valable, si l’on admet les propositions suivantes : C’est d’abord que les organes et les instincts sont, à un degré si faible que ce soit, variables. C’est ensuite qu’il existe une concurrence vitale universelle ayant pour effet de perpétuer chaque utile déviation de structure ou d’instinct. […] Mais nous voyons tant d’étranges gradations d’organismes dans la nature, que nous ne devons affirmer qu’avec toute réserve qu’un organe, un instinct ou un être complet quelconque n’a pu arriver à son état présent par une suite de changements graduels. […] Si nous considérons les instincts, si merveilleux qu’ils soient, la théorie de sélection naturelle de modifications successives, légères et avantageuses, nous explique aussi aisément leur origine que celles des organes physiques. Nous pouvons ainsi comprendre pourquoi la nature se meut pas à pas, en dotant différents animaux de la même classe de leurs différents instincts.
Mais il n’a pas suffi aux naturalistes d’humilier l’homme, il a fallu encore qu’ils l’avilissent dans ses instincts d’abord, puis dans tout ce qui vient de lui : les institutions, les mœurs, la société tout entière. […] Elle s’efforce de maintenir les peuples au-dessus des bas instincts plus que jamais déchaînés par la concurrence vitale et souvent exaspérés à son insu par la science elle-même. […] Pour cette besogne, nous ferons appel de nouveau et toujours à cet instinct de choix qui est l’instinct classique par excellence : nous ne pouvons plus nous permettre d’innovations verbales, à moins de parler un idiome inintelligible ou intelligible pour nous seuls, oubliant, comme les décadents, que la langue, produit de la collaboration de tous, est le premier lien social. […] Il représente une série de victoires sur les instincts anarchiques qui travaillent à la dissolution de l’individu, en un mot sur toutes les tares de l’hérédité. […] Sa conception toute patriarcale de la famille et de l’État, ses instincts autoritaires, son goût pour la pompe et les magnificences décoratives de l’histoire annoncent le chef de clan et, comme il aimait à s’en flatter, le haut baron féodal.
La nécessité le fixe au sol et un instinct le pousse vers des pays nouveaux. […] Sa marque, comme celle de l’instinct, est la perfection ; mais, soudaine dans l’instinct, elle est souvent progressive dans le génie. […] Leur génie s’exerçait comme s’exerce l’instinct, en ligne droite. […] Chez les insectes, racontés par Fabre, on discerne aisément les instincts primordiaux et les instincts secondaires. […] Elle participe de l’instinct de possession.
Si l’on personnifie, en Voltaire, la Raison critique, indépendante, saine, la logique et l’ironie, l’esprit de réforme contenu dans le culte du goût, de tradition légitime et de nécessité, le respect de la langue, il deviendra facile d’identifier Rousseau à cet esprit de révolte, d’instinct brutal, de mépris pour la forme, de lyrisme hors de propos, d’orgueil maladroit qui semble nous dominer aujourd’hui. […] Pour dominer et réduire l’instinct, c’est-à-dire la Révolution, il fallait revenir à l’école du passé. […] Pour la France, M. de Tourtoulon, Maffre de Baugé et d’autres que nous avons nommés déjà dans une autre partie de cet ouvrage précisèrent la doctrine fédéraliste qui devait présider à l’avènement de la raison latine, victorieuse de l’instinct Révolutionnaire : M.
Le point d’honneur, tel que le fixe la coutume de chaque nation, prend sur la plupart des consciences individuelles un empire souverain et on y voit l’opinion, glus forte que la nature, déformer et façonner ce qu’il y a de plus intime dans un être, ses instincts. […] Il n’est pas téméraire, semble-t-il, de penser que plus d’un de ces morts volontaires que l’on invoque a pour cause une suggestion de la coutume, qui, déplaçant le centre de gravité de l’individu, le contraint à se concevoir très différent de ce qu’il est : il sacrifie alors, de la façon la plus tragique, à cette fausse conception de soi-même sa propre personne et son instinct de conservation le plus fort. […] Ainsi fait, il ne peut supporter la vue de sa faiblesse, c’est pourquoi secrètement son instinct de conservation le plus fidèle s’ingénie à la lui cacher. […] Il ne peut être question pour lui d’acquérir les talents qu’il convoite ; aussi, le sûr instinct qui le guide lui défend-il de tenter des essais où il échouerait et où se briserait le masque de sa supériorité. […] Cela est bien raisonné de sa part : outre qu’à se voir isolé du vulgaire il pourra croire qu’il a pris au-dessus de lui son essor, l’instinct secret de sa faiblesse lui commande d’éviter les contacts.
Avec la même épouvante le même instinct irraisonné et immédiat, Dostoïewski est maître dans l’analyse des dernières tortures spirituelles. […] Le lent et sourd accroissement de l’angoisse morale de Raskolnikoff, le vertige et l’oppression de son projet, qu’il apercevait vague et cependant fatal dans le délabrement de ses forces, son sourd malaise une fois le sang versé, et l’étrange sensation de retranchement qui le prend, le lâche et le tient quand il revoit sa mère et sa sœur, la cruauté de se sentir interdit à leurs caresses et de ne pouvoir leur parler que les yeux détournés vers l’ombre ; puis la terreur croissante et une sorte d’ironique rudesse s’installant dans son âme, qui l’introduisent à revisiter le lieu du crime, et à machiner de singulières mystifications qui le terrifient tout à coup lui-même — ces choses lacèrent son âme et rompent sa volonté ; ainsi abattu et ulcéré, il est amené d’instinct à visiter Sonia, et à s’entretenir avec elle en phrases dures, qu’arrête tout à coup le sanglot de sa pitié pour elle, pour lui et pour tous, en une crise où il sent à la fois l’effondrement de son orgueil et la douceur de n’être plus hostile ; des retours de dureté, la sombre rage de ses premières années de bague, l’angoisse amère d’un cœur vide et murmurant, conduisent à la fin de ce sombre livre, jusqu’à ce qu’en une matinée de printemps, au bord des eaux passantes d’un fleuve, que continue au loin la fuite indécise de la steppe, il sente, avec la force d’eaux jaillissantes, l’amour sourdre en lui, et l’abattre aux pieds de celle qui l’avait soulagé du faix de sa haine. […] Les protagonistes, les acteurs d’Humiliés et offensés, la galerie secondaire de Crime ; cette singulière foule d’êtres infirmes et sains, détraqués, réjouis, aimants, canailles, nobles, subtilement pervers et pauvrement angéliques, les Rogojine, Muichkine, Vastasia, Philippovna de L’Idiot, donnent tous l’impression de cette chose rare dans les livres, la chair, la chair tactile, saignante, molle, rose ou sale, cette chose la plus humaine, couverte de sa peau, traversée de vaisseaux, de nerfs, de glandes, et portant dans le rapide tourbillon des liquides nourriciers, des lymphes et des hématies entre ces cellules épuisées ou turgescentes, tout l’essor des instincts, des ruts, des violences, des désirs et des douleurs, qui, sous la mince surface des phénomènes spirituels conscients, constituent comme les muscles et le squelette de l’âme humaine. […] Comme, au bout du compte, la raison hésite à condamner celui qui, étant mauvais et complaisant sans inquiétude pour tout ce que ses instincts l’incitent à assouvir, sourd, aveugle, insensible, fut triste cependant, puis étonné à de plus hauts appels, sut payer de sa vie sa tentative vaine d’être noblement heureux. […] Elle aperçoit et rend la vie à la façon d’une vision lointaine, vaguement inexplicable et confuse sur l’horreur de laquelle elle se penche et s’apitoie ; elle médite en des hallucinations extériorisées l’infini labyrinthe du raisonnement humain, et perçoit en elle la sourde agitation des instincts, des douleurs, des passions et des rages, de tout ce qui est des nerfs et du sang ; elle est imbue de pitié, débordante d’amour pour tous ces êtres faits de péché et de souffrance, et prise alors entre son épouvante et son amour, il fallait que par un effort et une sorte de folie, pareil au coup de poing d’un exaspéré joueur d’échecs près de perdre, elle brouillât et tranchât tout dans une étrange aberration qui la fait s’incliner devant l’être même que cet acte de foi constitue l’auteur des maux dont il devient le recours.
Paul Bourget, ce n’est qu’un instinct, un instinct très humble et très « peuple ». Mais c’est, dans ces instincts-là que gisent les grandes énergies humaines.
Il a donc peint une nature faible, impuissante à se diriger, tiraillée entre ses instincts, des passions fougueuses, des volontés chancelantes ou abattues. […] Cette façon de juger les forces respectives de l’instinct et de la raison pousse le drame aux dénouements funestes : où la passion domine, le crime et le malheur doivent suivre. […] Car c’est dans les femmes que la faiblesse naturelle paraîtra le plus visiblement : ce sont elles qui sont par excellence des êtres d’instinct, de volonté faible ou nulle, de raison ployable, et réduite au rôle de servante du sentiment qu’elle fournit de sophismes ; ce sont elles que toujours et partout l’affection conduit, jamais l’idée. […] De Racine date l’empire de la femme dans la littérature : et cela correspond au moment où tous les instincts violents, ambitieux, qui jetaient les hommes dans l’action politique et militaire, s’apaisent dans la vie de société, où la femme y devient souveraine sans partage, où d’elle va partir tout honneur, tout mérite et toute joie. […] La raison n’a pas assez de place dans leur vie ; et l’instinct naturel, primitif, les conduit.
Il a dû sentir subconsciemment que la nature serait le vrai cadre de la plupart de ses fables et qu’il pourrait donner, dans ce genre-là, toute liberté à ses instincts de forestier, de villageois, de rustique sincère et impénitent. […] C’est depuis lui que Buffon a dépeint les animaux comme ayant un caractère, et souvent très aimable ; c’est depuis lui que, d’une façon assez fade, je le reconnais, Florian nous montre des animaux solidaires aussi les uns des autres (le Lapin et la Sarcelle, fable à la vérité un peu grise, un peu doucereuse et qui sent la sensibilité un peu frelatée du dix-huitième siècle, je l’avoue, mais enfin, fable qui, pour ce qui est de l’instinct de solidarité des animaux entre eux, se rattache tout à fait à La Fontaine). […] Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quels degrés de l’échelle de l’être Séparent ton instinct de l’âme de ton maître ; Mais seul il sait aussi, par quel secret rapport. […] Ensuite vient l’histoire exacte des castors, des castors qui, non seulement ont l’instinct animal, l’instinct proprement dit animal, mais l’instinct social, qui ont une hiérarchie dans les cités qu’ils édifient. […] Le passage est très curieux : « N’est-ce pas traiter indignement la raison que de la mettre en parallèle avec l’intelligence des animaux, puisqu’on en donne la principale différence, qui consiste en ce que les effets du raisonnement augmentent sans cesse chez nous, au lieu que l’instinct demeure toujours dans un état égal.
Elle ôtait délicieuse et touchante parce qu’elle était sincère, parce qu’elle était naïvement cynique, parce qu’elle était inconsciemment malpropre, parce qu’elle obéissait à son instinct de fille, — à cet instinct qui s’est si largement développé chez les femmes depuis notre admiration insensée pour cette lâche, immonde et superficielle Manon Lescaut ; car elle est tout cela ! […] Elles ont aussi la sincérité et le vagabondage de leurs instincts. […] Manon Lescaut, ce roman bon pour des portières, disait l’empereur Napoléon à Sainte-Hélène, a produit les Dame aux Camélias, les Bovary, les Fanny, et toutes ces sincères qui suivent tranquillement leur instinct, comme un âne qui trotte suit le sien, et vont naturellement, sans grande fougue, sans combat, sans hésitation, sans scrupule, de l’amant qui leur plaît à l’amant qui les paie, quitte à revenir à l’amant qui leur plaît quand l’autre a payé !
Elle aura beau se discréditer d’abord par ses emportements et sa tyrannie ; atténuée par l’épreuve, elle s’accommodera par degrés à la nature humaine, et, transportée du fanatisme puritain dans la morale laïque, elle gagnera toutes les sympathies publiques parce qu’elle correspond à tous les instincts nationaux. […] Car en même temps que les idées, les événements ont poursuivi leur cours ; les inclinations nationales ont fait leur œuvre dans la société comme dans les lettres, et les instincts anglais ont transformé la constitution et la politique, en même temps que les talents et les esprits. […] Dès ce moment l’Angleterre a trouvé son assiette ; ses deux forces intérieures et héréditaires, l’instinct moral et religieux, l’aptitude pratique et politique ont fait leur œuvre et désormais vont bâtir sans empêchement ni démolition sur les fondements qu’elles ont posés. […] C’est sur d’autres objets que se rejetteront la grande curiosité, les instincts sublimes de l’esprit, le besoin de l’universel et de l’infini, le désir des choses idéales et parfaites. […] Poëmes sérieux et grandioses qui, ouvrant une échappée sur l’infini, laissent entrer un rayon de lumière dans l’obscurité sans limites et contentent les profonds instincts poétiques, le vague besoin de sublimité et de mélancolie que cette race a manifestés dès l’origine et qu’elle a conservés jusqu’au bout.
Il est égoïste : il suit l’instinct qui lui dicte de conserver son être. […] Il a des sensations agréables ou pénibles qui éveillent son activité, et avertissent son instinct. La corruption commence le jour où sur la sensation s’applique la réflexion, où la raison se superpose à l’instinct. […] Exerçons l’instinct ; aidons la réflexion à se dégager des sensations ; attendons, sans la prévenir, que la raison apparaisse. […] Il a fondé toute sa politique, toute sa religion, toute sa morale sur l’instinct et l’émotion.
Mais plus tard, à Lyon, quand pour vivre il ajoute à ses travaux d’humaniste, à sa médecine, à ses almanachs une bouffonne imitation des vieux romans, il y tire sa principale inspiration des profondeurs de son expérience ; le souvenir de ses plus essentiels instincts comprimés et menacés pendant tant d’années met dans l’œuvre comme deux points lumineux : la lettre de Gargantua à Pantagruel, et l’abbaye de Thélème. […] Rabelais aime la vie, non par système et abstraitement, mais d’instinct, par tous ses sens et toute son âme, non une idée de la vie, non certaines formes de la vie, mais la vie concrète et sensible, la vie des vivants, la vie de la chair et la vie de l’esprit, toutes les formes, belles ou laides, tous les actes, nobles ou vulgaires, où s’exprime la vie. […] Car la nature est bonne, et veut ce qu’il faut, quand elle n’est ni déviée ni comprimée : « parce que gens libères, bien nés, bien instruits, conversans en compagnies honnêtes, ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux, et retire de vice ; lequel ils nommaient honneur ». […] Le vice naturel s’évanouit : Rabelais débride les instincts, enlève les péchés. […] De plus, comme il arrive souvent aux constructeurs des morales les moins morales, l’auteur répare par la rectitude de sa nature l’insuffisance de son système : comme il sent en lui la bonne volonté, la chaude sympathie, des formes affectueuses d’égoïsme, il érige son instinct en loi générale de l’humanité, et il se fait d’optimistes illusions sur le penchant inné des hommes à « faire tous ce qu’à un seul voyaient plaire ».
Il l’est aussi par la prédominance de l’instinct artistique : il ne vise qu’à rendre ce qu’il a vu ; il n’a pas d’intention polémique ni d’esprit de propagande. […] La vie va former ce « niais », et rabattre son vol : un peu d’instinct, beaucoup de poltronnerie l’écartent de la grosse malhonnêteté ; il cède à l’occasion, ou à la nécessité, mais, tout compte fait, il aime mieux faire fortune sans risquer les galères ni l’infamie. […] Il voit nombre de coquins, de fripons, de demi-coquins surtout et de fripons mitigés, parmi lesquels surnagent quelques honnêtes gens : il voit partout des instincts brutaux ou des vices raffinés, l’intérêt et le plaisir se disputant le monde, et ne laissant guère de place au désintéressement et à la vertu. […] Marianne est une petite personne, honnête d’instinct, fine d’esprit, sensible, vaniteuse, coquette : un type féminin, mais une femme. […] Manon est une petite fille sans instinct moral, qui ne sait qu’aimer son chevalier.
Alors il y aura encore des sages, poètes et organisateurs, législateurs et prêtres, non plus pour gouverner l’humanité au nom d’un vague instinct, mais pour la conduire rationnellement dans ses voies, qui sont celles de la perfection. […] Un peu de réflexion a pu rendre impossible les créations merveilleuses de l’instinct ; mais la réflexion complète fera revivre les mêmes œuvres avec un degré supérieur de clarté et de détermination. […] C’est un grand malheur que d’avoir découvert en soi les ressorts de l’âme ; on craint toujours d’être dupe de soi-même ; on est en suspicion de ses sentiments, de ses joies, de ses instincts. […] Soit une masse de chanvre homogène, que l’on tire en cordelles distinctes ; la masse représentera le syncrétisme où coexistent confusément tous les instincts ; les cordelles représenteront l’analyse. […] Ce tour, particulier au génie allemand, explique la marche singulière des idées en ce pays depuis un quart de siècle environ, et comment, après les hautes et idéales spéculations de la grande école, l’Allemagne fait maintenant son XVIIIe siècle à la française ; dure, acariâtre, négative, moqueuse, dominée par l’instinct du fini.
C’est que les instincts naturels, — sentiment de la famille, amour de la liberté individuelle, attachement aux biens immédiats et à la vie présente, — formes de l’égoïsme élémentaire, représentants d’une réalité antérieure à la genèse des sociétés humaines et contemporaine des premiers stades de la biologie, c’est que ces instincts réagissent maintenant contre la contrainte que leur imposa la croyance. Cette croyance n’en est pas moins la forme rigide qui, en torturant durant une longue période ces instincts, coordonna des hommes entre eux et composa une réalité sociale, la réalité grecque et la réalité romaine.
Aussi voïons nous que nos comédiens dont plusieurs n’ont d’autre guide que l’instinct et la routine, ne sçavent par où se tirer d’affaire lorsque l’acteur qui recite avec eux ne finit pas sur un ton qui leur permette de debuter par le ton auquel ils se sont preparez, autant par habitude que par reflexion. […] Ainsi dans les choses qui doivent tomber sous notre sentiment, les effets de la nature causent toujours en nous les mêmes sensations agreables ou desagreables, soit que nous observions, soit que nous n’observions pas comment la chose arrive, soit que nous nous embarrassions de remonter jusqu’aux causes de ces effets, soit que nous nous contentions d’en joüir : soit enfin que nous aïons réduit en methode l’art de ménager, suivant des regles certaines, l’action des causes naturelles, soit que nous ne suivions que l’instinct dans l’application que nous faisons de ces causes. […] Ainsi parce que des gens qui auront toûjours declamé sans connoître d’autres regles que l’instinct et la routine désaprouveront l’usage des anciens par un premier mouvement, il ne s’ensuit pas que cet usage fut mauvais.
Le paupérisme, et l’inégalité des biens, la nature du pouvoir royal, l’origine de l’État et des pouvoirs publics, la justice, l’instinct, la nature du mal, l’origine de la société, de la propriété, du mariage, le conflit du clergé séculier et du clergé régulier, des mendiants et de l’Université, l’œuvre de création et de destruction incessantes de la nature, les rapports de la nature et de l’art, la notion de la liberté et son conflit avec le dogme et la prescience divine, l’origine du mal et du péché, l’homme dans la nature, et son désordre dans l’ordre universel, toutes sortes d’observations, de discussions, de démonstrations sur l’arc-en-ciel, les miroirs, les erreurs des sens, les visions, les hallucinations, la sorcellerie et jusque sur certain phénomène de dédoublement de la personnalité, voilà un sommaire aperçu des questions que traite Jean de Meung, outre tous les développements de morale et de satire qui tiennent plus directement à l’action du roman, etje ne sais combien de contes mythologiques extraits d’Ovide ou de Virgile, tels que les amours de Didon et l’histoire de Pygmalion. […] Un manque essentiel de respect, l’instinct de défiance et de médisance contre les puissants, contre les gens en place, contre ceux surtout qui détiennent une part de la richesse publique ou qui ont mission d’administrer la justice, contre ceux aussi, baillis ou prévôts, dont le menu peuple souffre plus parce qu’ils sont plus près de lui, voilà un autre trait de l’humeur bourgeoise ; et par là encore la seconde partie du Roman de la Rose est d’inspiration bourgeoise. […] Que plus sage et plus vertueux est celui qui, en simplicité de cœur, suit l’instinct de la nature ! […] L’instinct, de soi, n’est moralement ni bon ni mauvais : il n’est pas mauvais, car l’acte qui en sort est bon ; il n’est pas bon, car l’acte qui en sort n’est pas volontaire. Mais l’usage de l’instinct crée le mérite et le démérite : l’homme est libre, et, selon sa science, choisit entre les actes que son instinct lui suggère ; s’il suit la nature et l’Évangile, qui en termes différents lui font le même commandement, la nature l’avertissant de travailler pour l’espèce, l’Évangile lui enjoignant de se dévouer au prochain, il se désintéressera ; il éloignera l’ambition, l’avarice, la volupté, l’égoïsme : il sera doux, humble, charitable, et s’efforcera de vaincre par l’amour les misères sociales.
— l’intérêt et l’instinct de conservation. — IV. […] L’homme est vide absolument : mais, soutenu par l’instinct de conservation qui lui interdit de se prendre, en mépris, il parvient à représenter son personnage de penseur et de politique avec une économie de moyens qui touche au génie. […] Pourtant un mobile réel demeure en ces fantoches : c’est l’instinct de conservation. […] Elle ne tient compte d’aucun de ses instincts véritables, mais elle lui en attribue de fictifs, et c’est à satisfaire ces faux instincts, à assouvir ce moi déguisé, qu’elle emploie toute l’énergie, dont elle est pourvue. […] Quelle influence singulière nous arrache ainsi à nous-mêmes et à l’heure présente, dressant l’idée en face de l’instinct, créant, à côté de nos besoins réels, des besoins imaginaires auxquels nous donnons l’avantage ?
J’y revois ces bruyances de l’instinct, non pas s’anéantir, tristes, mais se vivifier de joie et de gloire dans la fécondité des paroxysmes, — fécondité matérielle, car le monde y alimente son ascension, — fécondité morale, car de ses primes et matérielles manifestations mon âme s’y exalte peu à peu vers les transfigurations de plus en plus belles de l’Amour. Gloire à l’instinct, qui est l’engrais du sentiment ! […] Je viens des entrailles de la terre qui, par tous ses jaillissements printaniers, ouvre des yeux avides vers le ciel, — vers ce ciel que j’augmenterai, que j’enrichirai de toute ma croissance, quand mon instinct sublimé y versera le triomphe de ses effluves42 ». […] « Nous sommes les intellectuels-rois, dites-vous… Le monde de l’instinct, le monde de l’amour, le monde de la terre et de la rue n’oseraient attenter à l’orgueilleuse royauté de notre intelligence. […] Nous nous soulevons contre elle par instinct et par raisonnement.
Athéisme ; instinct ; science. — 3. […] » Instinct, éducation, expérience : voilà qui suffit pour la morale. […] La nature de Diderot l’a sauvé des vices qui avilissent ; pauvre, indépendant généreux, sans convoitise et sans platitude, il est assez honnête homme pour arriver à faire une sorte de morale avec son instinct. […] Mais, avec un instinct étonnant d’art objectif, tout ce qui était sien s’est incorporé à la substance du personnage original dont la vision intérieure guidait sa plume.
Aucune révolution ne la détruira, car aucune révolution ne changera les instincts profonds de l’homme. […] Le soufi et le corybante croyaient, en s’égarant la raison, toucher la divinité ; l’instinct des différents peuples a demandé des révélations à l’état sacré du sommeil. […] Un même instinct, ici normal, là perverti, a inspiré Dante et le marquis de Sade. […] Ce jour-là, il n’y aurait plus de salut que dans les instincts moraux de la nature humaine, lesquels sans doute ne feraient pas défaut.
Cette dernière nature, ou cette nature de la société, est la plus belle : le génie en est l’instinct, et la vertu l’innocence, car le génie et la vertu de l’homme civilisé ne sont que l’instinct et l’innocence perfectionnés du Sauvage. […] Cloître sombre, où l’amour est proscrit par le Ciel, Où l’instinct le plus cher est le plus criminel, Déjà, déjà ton deuil plaît moins à ma pensée.
Spencer, le plaisir de mettre en œuvre des énergies encore inoccupées, des instincts inhérents à la race. […] La civilisation détruit graduellement ces instincts primitifs, qui ont été pourtant, selon MM. […] Que d’instincts ont ainsi disparu ! […] Des faits journaliers nous montrent encore cette influence destructive de la raison sur l’instinct. […] L’instinct du poète ne pourra jamais être remplacé par la raison, comme l’instinct des jeunes mathématiciens dont nous parlions tout à l’heure : ici les rôles de l’instinct et de la raison sont trop divers, ils ne sauraient s’échanger.
Ainsi, il y a quelque part un mot sur les instincts (et on sait la place que les instincts tiennent dans les philosophies matérialistes !)
Mais les Romains ne rencontrant aucun de ces obstacles, marchèrent d’un pas égal, guidés dans cette marche par la Providence qui se sert de l’instinct des peuples pour les conduire. […] S’il est encore des nations barbares dans les parties les plus reculées du nord et du midi, c’est que la nature y favorise peu l’espèce humaine, et que l’instinct naturel de l’humanité y a été longtemps dominé par des religions farouches et bizarres. — Nous voyons d’abord au septentrion le czar de Moscovie qui est à la vérité chrétien, mais qui commande à des hommes d’un esprit lent et paresseux. — Le kan de Tartarie, qui a réuni à son vaste empire celui de la Chine, gouverne un peuple efféminé, tels que le furent les seres des anciens. — Le négus d’Éthiopie, et les rois de Fez et de Maroc règnent sur des peuples faibles et peu nombreux.
Si l’homme n’avait que des instincts comme les animaux, il n’aurait qu’une forme de société immuable ; c’est parce que l’homme est doué de la raison et de la liberté qu’il éprouve, transforme et améliore sans cesse ses gouvernements. […] Cherchons donc ailleurs une littérature politique émanant des instincts primordiaux de l’homme et puisant ses principes dans la nature pour les développer par la raison. […] Vous vous répondrez : C’est celui qui puise toutes ses lois dans le code de la conscience, ce code muet écrit en instincts dans notre âme par Dieu. […] C’est lui qui nous dicte ses lois par nos instincts naturels et qui a mis un juge en nous par la conscience. […] Cette obéissance d’instinct, de reconnaissance et de volonté donnait un caractère de moralité, de vertu, de divinité à la supériorité du père.
Tous les instincts littéraires de M. de Vigny le portent à l’analyse. […] Qu’il lutte contre cet instinct au lieu de lui donner une si libre carrière. […] Le jugement de Béranger sur le 18 Brumaire n’est que l’expression raisonnée de cet instinct. […] Ses instincts républicains condamnent Napoléon ; son admiration l’absout. […] Dans Béranger, le sentiment de la patrie domine tout, même son instinct libéral.
Peut-on montrer, en pénétrant dans la masse encéphalique, quel est l’organe de l’instinct, l’organe de la sensation proprement dite ? […] Où réside au juste l’organe de l’instinct ? […] A l’instinct, au désir, à la raison ?. […] Or nos passions et nos désirs viennent de nos instincts, mus par nos organes. […] L’obstacle à l’exercice du libre arbitre n’est pas dans l’action des idées sur la volonté ; il est dans l’action des instincts et des passions.
Qu’on ne me demande point les raisons physiques de ces convenances, je n’en pourrois alleguer d’autres que l’instinct qui nous les dicte et l’exemple des grands peintres qui les ont observées. […] Ce n’est point par reflexion et en resistant à la tentation qu’un homme à qui il reste encore quelque vertu ne les commet pas, c’est parce qu’il n’est pas en lui de mouvement qui le porte jamais à de pareils excès : il est en lui une horreur d’instinct, et si j’ose dire machinale, contre les actions dénaturées.
Mais de plus, ce n’est pas de soi-même et sans cause que l’instinct de conservation est venu féconder ce premier germe de spécialisation. […] Il est vrai que nous ne sommes pas incapables de nous contraindre nous-mêmes ; nous pouvons contenir nos tendances, nos habitudes, nos instincts même et en arrêter le développement par un acte d’inhibition. […] Même il n’est pas du tout prouvé que la tendance à la sociabilité ait été, dès l’origine, un instinct congénital du genre humain. […] Serait-ce cette sorte d’instinct dont parle Comte et qui pousse l’homme à réaliser de plus en plus sa nature ? […] Mais, tandis que ceux-là ne la concevaient que comme un arrangement conventionnel qu’aucun lien ne rattache à la réalité et qui se tient en l’air, pour ainsi dire, ils lui donnent pour assises les instincts fondamentaux du cœur humain.
Enfin, une fois la coopération parfaitement établie dans la société de cellules, celles-ci fonctionnent d’elles-mêmes sans l’intervention de la volonté centrale : il n’y a plus mémoire consciente, mais instinct. […] La mémoire, selon Spencer, est un instinct en voie de formation : l’instinct est une mémoire complètement organisée, d’abord dans l’individu, puis dans l’espèce : c’est une « mémoire organique » et héréditaire. […] Quant à l’habitude et à l’instinct, ils sont un automatisme façonné peu à peu par la sensibilité même, par l’intelligence, par la volonté, pour les suppléer et accomplir sans effort ou faire accomplir par d’autres le même travail qui avait exigé un effort propre. […] Ribot, par s’organiser si bien et d’une façon si monotone, qu’on ne trouverait plus en lui qu’un automate à peine conscient. » Les esprits bornés ou routiniers, ajoute le même auteur avec finesse, réalisent cette hypothèse en une certaine mesure, et c’est ce que Pascal avait déjà montré : « Pour la plus grande partie de leur vie, la conscience est un superflu. » On ne saurait mieux mettre en lumière la part du mécanisme dans la mémoire et sa tendance à se faire suppléer par un instinct animal. […] En un mot, l’instinct, cette mémoire de l’espèce, aurait remplacé partout la mémoire et la conscience de l’individu.
Et c’est pourquoi afin d’accroître l’autorité de l’idée, et en considération de son utilité, l’instinct du groupe lui attribue bientôt, avec une origine divine ou rationnelle, une valeur universelle. […] Construit par la collectivité à l’époque où son instinct de conservation et de puissance était le plus lucide et le plus florissant, le frein humanitaire a été proportionné à la force d’impulsion de l’énergie du groupe. […] Nietzsche, dans son Antéchrist, a signalé le christianisme comme la manœuvre suprême de la race juive, vaincue en tant qu’état politique et dispersée désormais, pour garantir sa sécurité parmi les différents pays à la vie desquels son destin l’appelait à se mêler, Il s’agit dans cette hypothèse, est-il besoin de le noter, d’un calcul de l’inconscient, dicté par l’instinct de conservation le plus sûr de la race. […] La force des choses et la logique de l’instinct contraignent donc tous les hommes de race israélite à se rallier en toute circonstance autour d’une idée générale qui est pour eux profitable. […] Sous l’empire de cette croyance, un souci tout égoïste et un instinct de prévoyance les contraignirent d’organiser leur vie sociale en vue des nécessités de leur vie posthume.
D’ailleurs, selon nous, l’instinct imitateur et l’instinct novateur se retrouvent encore dans le public même, dans la masse des hommes comme dans les génies, avec cette différenceque l’instinct imitateur domine chez la masse, l’instinct novateur chez les génies. Mais, précisément à cause de cette infériorité de la puissance novatrice dans la masse, tout ce qui satisfait indirectement l’instinct novateur lui plaît. […] L’imitation, avec l’admiration qui en est une forme (car l’admiration est une imitation intérieure), est, avons-nous dit, un phénomène de sympathie, de sociabilité ; le génie artistique lui-même est un instinct sympathique et social porté à l’extrême, qui, après s’être satisfait dans un domaine fictif, provoque par imitation chez autrui une réelle évolution de la sympathie et de la sociabilité générale.
profonde inaptitude politique, en contraste avec des qualités d’intelligence que nous aimons à reconnaître, et qui prouve une fois de plus qu’en matière historique, comme en toutes choses, les connaissances les plus étendues ne peuvent suppléer à l’instinct ! Et, en effet, un écrivain doué de l’instinct politique qui manque à Weiss, et n’ayant, pas plus que lui les passions aveuglantes du sectaire, aurait frappé au cœur même de la question historique qui domine tout son livre, et eût essayé de la résoudre au lieu de la prendre des mains de tout le monde toute résolue, et résolue comme tout le monde résout les questions ! […] L’instinct lui a manqué, non la science.
Nous sommes unis, en France, parce que, depuis l’intellectuel jusqu’au petit paysan, nous avons la claire vision de quelque chose de supérieur à nos petits intérêts personnels et une sorte d’instinct qui nous fait accepter joyeusement le sacrifice actif de nous-mêmes au triomphe de cet idéal. […] C’est cette claire vue et cet instinct qui ont dessiné la France. […] … Je fais mes réserves, moi aussi, telles qu’un instinct du goût nous les suggère, sur ces ententes qui, dans le froid de nos vies quotidiennes, seraient des compromissions ; mais dans la fraternité du sacrifice pour la France et pour la civilisation, nos héros reçoivent spontanément le secours de toutes les prières, l’effusion de toutes les consciences bouleversées par le même sublime.
A quel instinct ou à quel sentiment peuvent donc obéir ceux de nos jeunes artistes auxquels je viens de faire allusion, en fermant leurs yeux au monde pour préserver de contacts impurs le développement de leurs consciences, en se livrant à ces jouissances secrètes, à cette culture intensive et exclusive du « moi », qui les sépare de toute humanité ? […] Le solitaire désire, mais pas assez fortement pour oser satisfaire son instinct de jouissance. Et comme cet instinct de jouissance exige, pour la grandeur de l’individu et du monde, sa nourriture et son expansion, le craintif et douloureux solitaire s’efforce de la satisfaire par des moyens hors nature. […] Tout être vivant qui, plongé dans un milieu d’action et de passion, de haines et de sympathies, de lutte et de liberté, de mille et mille liens entremêlés, d’hommes et de femmes, dans un ensemble de toutes les vies, de toutes les natures, de toutes les jouissances, ne s’élance pas d’un libre instinct dans ce riche univers, pour y satisfaire sa soif infinie du plaisir et lui demander sa part de tout ce qu’il recèle de saveur et de sens, ne sera jamais qu’un rameau desséché sur l’arbre de la grande vie : sans parfum, sans éclat, sans fruit et sans couleur, sans force créatrice. […] Mais après cette modeste remarque, entrons dans la pensée plus intime de l’auteur. « … L’homme est né pour l’idéal, dit un de ses critiques24 en résumant le thème général du livre, il a mission de travailler à l’amélioration de son espèce, et il s’en trouve empêché par ses instincts sexuels, source infinie d’abrutissement et de dégradation. « Il est temps, s’écrie M.
Pour lui, d’autres astres ont présidé à son berceau ; il a grandi sous d’autres influences : « Placé dans la vie civile, dit-il encore, d’autres idées, d’autres instincts m’ont fait chercher ailleurs que dans la prépotence par la guerre la grandeur et la force de mon pays. […] Guizot, dont c’était la pensée bien arrêtée et qui a la faculté de s’isoler des passions et des instincts populaires, nous montre très bien comment ces passions et ce besoin de mouvement, assez vaguement représentés d’abord (à l’état de simple velléité) dans les conseils de la nouvelle monarchie par M. […] Il n’y eut donc, au lendemain de Juillet 1830, que des instincts et des passions dans le peuple et dans la jeunesse, et des déclamateurs à la Chambre parmi les députés de cette couleur. […] On entra par instinct de conservation dans cette voie, où Casimir Perier, le premier, apporta de la force, où M.
III C’est l’instinct politique, en effet, qui a averti Renée de la grandeur de Grégoire VII, et c’est la justesse de cet instinct qui la lui a fait reconnaître. […] Une foi ardente et profonde se mêlait en lui à l’instinct du pouvoir.
Elle vient essayer de se refaire à Paris une existence nouvelle, en dehors de toutes les lois de l’opinion et de tous les instincts de son sexe. […] De là ce qu’elle appela plus tard ses instincts égalitaires et démocratiques, qui ne furent que l’explosion de vieilles rancunes et de souffrances intimes, qui dataient de loin. […] Mais c’était là l’erreur de son jugement, non de ses instincts ; elle restait fidèle d’intention à sa théorie, alors même qu’elle la trahissait. […] Une lumière supérieure avait pénétré à travers le trouble et le tumulte de son cœur qui, jusqu’alors, n’avait eu que des instincts facilement égarés. […] Nul peintre ne l’a pratiquée avec un instinct plus délicat et plus sûr.
Ce sont tous mes instincts poussant des cris d’alarme ; En moi-même se livre un combat sans vainqueur Entre la foi sans preuve et la raison sans charme. […] La conservation du fort y est assurée par son propre égoïsme, et celle du faible par des instincts dérivés de l’égoïsme, qui lient l’intérêt des forts aux siens. — A défaut de bonté, la Nature a de la prudence. Elle ruse en nous et avec nous pour arriver à ses fins ; elle nous trompe nous-mêmes sur la sympathie, sur l’amour, qui au fond ne sont que l’égoïsme ; son art est de jeter sur ces instincts grossiers je ne sais quel voile d’idéal qui en cache la vulgarité. […] La Beauté n’a d’importance que parce que c’est à elle qu’a été confiée l’intégrité du moule de la race. — L’amour maternel n’est qu’un instinct de la chair et du sang dont la Nature a besoin pour faire vivre l’enfant, trop faible pour se nourrir lui-même. […] La science positive triomphe dans les sonnets, mais l’instinct des vieilles croyances réclame avec énergie dans les strophes alternées, qui n’ont ni moins d’éloquence ni moins d’éclat.
D’un tel instinct on peut d’ailleurs se demander s’il a jamais existé ailleurs que dans l’imagination des philosophes, où il a surgi pour des raisons de symétrie. […] Il ne prolonge pas un instinct, il ne dérive pas d’une idée. […] L’instinct était intuitif, l’intelligence réfléchissait et raisonnait. Il est vrai que l’intuition avait dû se dégrader pour devenir instinct, elle s’était hypnotisée sur l’intérêt de l’espèce, et ce qu’elle avait conservé de conscience avait pris la forme somnambulique. Mais de même qu’autour de l’instinct animal subsistait une frange d’intelligence, ainsi l’intelligence humaine était auréolée d’intuition.
Pourtant, par un instinct analogue à celui de quiconque, ayant connu la nouvelle ce matin par les journaux, en cause volontiers cet après-midi avec les amis rencontrés, ne puis-je m’empêcher de dire mon sentiment à des lecteurs familiers. […] Le cerveau de Charles Demailly, le caractère de Renée Mauperin, l’instinct de Manette Salomon, l’âme de Germinie Lacerteux existent.
Nos cœurs vers l’horizon s’élancent, Et nos secrets instincts doivent être obéis. […] Ne commande-t-il pas de respecter les hiérarchies établies, de vaincre ses instincts et ses passions pour s’adapter aux mœurs et aux usages de son époque, sans se révolter ? […] L’instinct, c’est un reliquat de l’anthropoïde que nous ne fûmes jamais. […] Les instincts de l’Inconstante me paraissent des cristallisations d’états de sensibilité très civilisés. Il faudrait s’expliquer, redire que l’instinct est de l’intelligence cristallisée, mais, pour certains, l’instinct et l’intelligence demeureront à tout jamais deux planètes qui gardent leurs distances : l’instinct, imperfectionnable ; l’intelligence, don gratuit d’une divinité.
Mais peut-être direz-vous que, si elle est philosophe dans ses propos, c’est qu’elle reçoit Paul Vence à sa table et qu’elle a de la mémoire ; que c’est un instinct secret qui lui fait trouver plaisir aux rues mal soignées et fortement odorantes où grouille de l’humanité en tas, et qu’enfin son absence de préjugés lui vient de son tempérament et de son hérédité, car elle est la fille d’un rapace. […] J’avais gardé les instincts d’un homme primitif, vous les avez réveillés. […] Parce qu’il n’y a pas dans le sang, dans la chair d’une femme, cette fureur absurde et généreuse de possession, cet antique instinct dont l’homme s’est fait un droit.
Or, notre énergie « intuitive », de vibrations en vibrations en la texture de nos présents et des passés qui nous habitent obscurément, peut énormément rapporter de la certitude de l’Instinct — certitude devenue hautement cérébrale, d’avoir touché tout à coup à quelque point de l’être essentiel des choses… Mais, disions-nous, l’Intuition ne nous peut cependant contenter, ainsi, en ses aperceptions soudaines et espacées. […] Désormais la Matière évolue à prendre connaissance d’elle-même, à travers la sensation, l’instinct, la pensée. […] Nous mesurons ainsi la valeur humaine individuelle : La Matière, la Vie, tendent à se conserver (Instinct de conservation. C’est l’instinct primordial et nécessaire, retrouvé aux phénomènes les plus complexes. […] Cet Altruisme, nous ne le séparons pas de l’Egoïsme, qui n’est qu’un mode de l’instinct de conservation, avons-nous dit, naturel et nécessaire.
On en peut dire autant de la plupart des instincts, dont plusieurs peut-être ne sont que des habitudes héréditaires. […] C’est elle qui, façonnant au dedans l’essentiel agent du progrès, l’activité consciente et libre, lui imprime l’élan qui l’arrache au joug des instincts inférieurs et l’oriente pour ainsi dire vers la perfection. […] Qu’est-ce à dire, sinon que nous apprécions nos instincts, nos désirs, et, par suite, les motifs de nos actes volontaires d’après un modèle inné de perfection ? […] Dès lors on sera disposé à voir, avec Bunsen, dans le sentiment que l’homme a de Dieu la force primordiale et constante qui meut les nations, le souffle toujours vivant qui pousse l’humanité vers le vrai et le juste, l’instinct originel de notre race, instinct qui, se développant graduellement de l’inconscience à la conscience, donne naissance à toute langue, à toute constitution sociale et politique, à toute civilisation. […] De là la sympathie profonde d’Aristote pour les êtres innombrables qui, par la variété de leurs formes et de leurs instincts, sollicitent l’admiration raisonnée du savant.
En effet, indépendamment de la morale qui se fonde sur la raison, il y a celle de l’instinct naturel, celle dont les impressions sont irréfléchies et irrésistibles. […] Si la société qui inspirait cette sorte d’instinct, ce tact rapide, est anéantie, le tact et l’instinct doivent finir avec elle. […] Où prendrait-on le type des vertus, lorsque les femmes elles-mêmes, ces juges indépendants des combats de la vie, auraient laissé flétrir en elles le noble instinct des sentiments élevés ?
L’homme primitif ne fut point un être supérieur, éclairé d’en haut, mais un sauvage grossier, nu, misérable, lent dans sa croissance, tardif dans son progrès, le plus dépourvu et le plus nécessiteux de tous les animaux, à cause de cela sociable, né comme l’abeille et le castor avec l’instinct de vivre en troupe, outre cela imitateur comme le singe, mais plus intelligent, capable de passer par degrés du langage des gestes au langage articulé, ayant commencé par un idiome de monosyllabes, qui peu à peu s’est enrichi, précisé et nuancé340. […] C’est un des ressorts de la nature qui reprend toujours sa force ; c’est lui qui a formé le code des nations, c’est par lui qu’on révère la loi et les ministres de la loi dans le Tunquin et dans l’île Formose comme à Rome. » Ainsi il y a dans l’homme « un principe de raison », c’est-à-dire un « instinct de mécanique » qui lui suggère les idées utiles343, et un instinct de justice qui lui suggère les idées morales. Ces deux instincts font partie de sa constitution ; il les a de naissance, « comme les oiseaux ont leurs plumes, et comme les ours ont leur fourrure ».
Il était l’homme de l’instinct, du génie naturel, des penchants divers et abandonnés ; on le pourrait définir le plus naturel des hommes, et qui n’avait toute sa réflexion que quand il rêvait. […] Voltaire, dans une lettre à Vauvenargues, rapportant le talent de La Fontaine à l’instinct, à condition que ce mot instinct fût synonyme de génie, ajoutait : « Le caractère de ce bonhomme était si simple, que dans la conversation il n’était guère au-dessus des animaux qu’il faisait parler… L’abeille est admirable, mais c’est dans sa ruche ; hors de là l’abeille n’est qu’une mouche. » On vient de voir, au contraire, que La Fontaine voulait qu’on fût abeille, même dans l’entretien. […] Un des caractères propres, en effet, du talent de La Fontaine, c’est de receler d’instinct toutes les variétés et tous les tons, mais de ne les produire que si quelque chose au-dehors l’excite et l’avertit.
Nietzsche ne l’aime pas, sans doute, Nietzsche ne le voit pas comme type du grand poète, lequel est tout instinct et ne doit pas regarder en arrière et ne doit rien regarder du tout ; mais cependant il admet, et il va jusqu’à dire que son extraordinaire puissance de sens critique a, sinon produit, du moins fécondé sa faculté créatrice. […] En dehors même de cette impatience des supériorités dont j’ai parlé plus haut, l’instinct de taquinerie est une des formes de l’instinct querelleur, qui est extrêmement fort dans l’humanité. […] Ensuite, c’est le plaisir d’offenser, de provoquer, c’est l’instinct de lutte.
L’instinct logique et scientifique, qui se ramène à une attente de l’intelligence, n’est que l’anticipation de la réalité même par le désir d’unité dans la multiplicité. Ce désir est divinateur, comme tous les instincts naturels, parce qu’il est, en définitive, la force accumulée par les succès antérieurs de l’intelligence, soit dans l’individu, soit dans la race.
Celles qui ont été préparées d’avance, qui se trouvent d’accord avec les instincts d’un peuple, avec les progrès naturels de la civilisation, finissent toujours par s’identifier dans les esprits, par se manifester dans toutes les formes de la société ; cependant celles-là mêmes ne peuvent parvenir à gouverner les hommes qu’après avoir fait éprouver de grandes douleurs. […] Ainsi la plupart des défections du 20 mars, défections déplorables dont la patrie gémira si longtemps, ne furent chez nos soldats que l’instinct égaré de la gloire.
Il n’avait eu que des instincts : il se bâtit une doctrine. […] Tous ses instincts de luxe et de richesse furent séduits par l’Angleterre industrielle et commerçante. […] Les traits caractéristiques de sa philosophie, qui correspondent aux instincts les plus déterminés de son tempérament, apparaissent déjà épars dans la riche variété de son œuvre littéraire : elle est déjà, avant tout, et hors de toute doctrine positive, une terrible école d’irrespect et d’incroyance. […] Voltaire est d’abord l’héritier de la tradition épicurienne, qui, depuis le xvie siècle, et à travers le xviie , défend l’instinct et la volupté contre le christianisme. […] Voltaire, en effet, avait trouvé dans le sensualisme de Locke, si clair et si superficiel, la doctrine qui satisfaisait ses instincts.
Si nous appelons génie l’instinct que traduit une parole spontanée et nouvelle et talent la faculté d’ordonner, d’harmonier les mots, les images et les sons, on décidera que tout écrivain créateur, s’il veut faire œuvre pérennelle, doit avoir à un égal degré talent et génie, qu’il doit être à la fois artiste et poète, subjectif puisqu’il est trouveur et conscient aussi des masses objectives pour douer sa trouvaille d’une forme aux justes proportions. […] Mais l’instinct parle plus haut en l’auteur des Cygnes, au lieu que les poèmes véritablement spontanés forment l’exception dans l’œuvre de M. de Régnier. […] Avec son vocabulaire opulent et varié d’où surgissent à chaque phrase les mots strictement choisis, avec sa claire vision de paysages fondus, ses images dorées, ses plastiques ondulantes ou sévères, M. de Régnier a le goût qui distingue, élit, compare et dispose ; il a l’instinct souverain de l’ordonnance qui assigne à ses poèmes la solidité du verbe immobilisé comme un marbre. […] Carrière, — mais ce n’est pas elle qui les grandit ; le plus souvent, comme pour les musiciens que j’ai cités, elle indique dans les idées une certaine inquiétude impuissante, en s’unissant pourtant chez Chopin à une distinction mièvre et anémiée, maladive, passionnée par intermittences, — chez Grieg à une compréhension originale et vive du génie populaire et de la légende, à de claires et juvéniles visions, à des trouvailles de cantilènes peu profondes mais douces et qui donnent à songer, — chez Schumann à une organisation musicale brillante et riche, à une sentimentalité très vulgaire mais intense et à un instinct des naïvetés qui, au bout d’une longue avenue de mélancolie laisse entrevoir un merveilleux jardin où sourient des enfants espiègles. […] Mais la suprême Beauté ne suppose point qu’on les sépare : De tout notre instinct et de toute notre énergie nous devons aimer et poursuivre le premier, — admirer le second par tout ce que notre esprit contient de jugement et de lumineuse raison, — mais infrangiblement les unir si nous voulons que notre œuvre soit vivante et sacrée, tressaillante et surnaturelle.
Si j’avais à juger l’école naturaliste française, non dans sa formule, où il entre beaucoup de vérité, non pas même dans l’œuvre de tel ou tel auteur, mais dans l’ensemble des livres qui se réclament du naturalisme, je dirais que son principal défaut littéraire a été de méconnaître la réalité ; je montrerais ce qu’il y a de contraire aux règles de l’observation et de la sincérité, dans le procédé qui consiste à ne peindre de l’homme que les instincts, à supprimer les âmes, à expliquer le monde moral par des causes inégales aux effets, à murer toutes les fenêtres que l’homme, accablé tant qu’on le voudra par la misère, le travail, la maladie, l’influence du milieu, continue et continuera d’ouvrir sur le ciel. […] Je cherche cette fraternité de cœur, cette tendresse dans l’œuvre naturaliste, et je trouve un parti pris de dénigrement, voisin de l’orgueil, une manière dure de parler de la misère, une brutalité de touche dans le portrait des pauvres gens, toujours représentés comme des êtres d’impulsion, esclaves des instincts, des hérédités et des passions, une tendance à considérer l’ouvrier comme une machine à boire et à faire des révolutions, qui dérivent d’un mépris foncier de l’espèce humaine, à moins qu’ils ne révèlent la plus certaine des incompréhensions. […] Qu’on se rappelle le début du premier volume, le vol chez Mgr Myriel et le pardon de l’évêque, la lutte intérieure, chez Jean Valjean, entre l’instinct mauvais et la conscience qui s’éveille : quel est l’ouvrier, l’apprenti enfermé avec son livre, un soir de dimanche, qui ne comprendra pas cela ? […] Et il ajoute, pour que nous continuions d’observer Cosette et d’être heureux avec elle, ce couplet demeuré célèbre : « La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l’enfance féminine. […] Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour.
Regarder une figure qui charme, prendre dans sa main une poignée d’argile humide, pétrir cette argile sous ses doigts et chercher à lui donner les formes de la figure que l’on admire, quoi de plus naturel d’instinct ? […] Ne rougissons pas d’un instinct que nous avons en commun avec Socrate. VI Ce fut cet instinct qui me conduisit, au commencement de ma vie, dans l’atelier de Canova, à Rome ; il me parut le plus idéal, le plus gracieux, le plus virgilien, le plus épris de la beauté des formes de tous les modernes. […] Mais l’instinct de la grandeur, joint au respect de la règle, le culte de la puissance visible et invisible, s’y font sentir comme dans toutes les institutions de ce peuple. […] XLVI À nous, poètes, la beauté évidente et sensible : nous ne sommes pas des êtres d’abstraction, mais des hommes de nature et d’instinct.
Sachons le voir comme il est, avec sa belle énergie et son infatigable activité, son bon sens ferme et fin, ses instincts généreux, humains, bienfaisants. […] Il faut suivre l’instinct, cela est légitime. […] Cependant la nature est égoïste et l’instinct brutal : et le vice d’Harpagon n’est-il pas sa nature, ou l’hypocrisie de Tartufe ? […] La raison, par qui l’homme est homme, fixe à la nature, à l’instinct, leur mesure et leurs bornes. […] On pourrait dire que la limite de la légitimité des instincts résulte de la société humaine, et que la morale de Molière est éminement sociable ou sociale.
La nature y joue aussi son rôle par l’influence extérieure des climats et des situations géographiques, et aussi par le travail interne des causes ethnographiques et économiques, double action qui concourt, avec les causes politiques et morales, à former les instincts, les tempéraments, les mœurs, les aptitudes des races et des nations. […] Pourquoi venir jeter sa destinée individuelle dans le courant de passions, de préjugés, d’instincts, de nécessités, qui doivent tout entraîner ? […] La science, en montrant l’empire de la fatalité dans le développement historique de l’humanité, fait voir aussi le progrès qui tend à substituer de plus en plus l’action des forces vraiment morales, des sentiments et des idées, à l’action de ces forces aveugles qu’on nomme les instincts de la race, les appétits et les besoins de la classe. Tout peuple a commencé par être une société naturelle, dans le sens matériel du mot, pour devenir une société politique, dont les membres fussent de plus en plus de vrais citoyens, ayant des idées et des volontés au lieu d’instincts et de passions. […] Pour le rôle d’un Alexandre, d’un César, d’un Charlemagne, d’un Cromwell, d’un Pierre le Grand, d’un Napoléon, il faut des peuples chez lesquels l’imagination domine l’intelligence, et qui aient plus d’instincts, de besoins, de préjugés que de sentiments et de principes.
Que son idéal social, prêché d’une certaine façon aux intéressés, ne caresse en réalité que leurs instincts et leurs appétits et les pousse à des révoltes qui, même justes à l’origine, se corrompent chemin faisant, leur deviennent rapidement désastreuses et les laissent à la fois moins bons et plus misérables, l’esprit révolutionnaire n’en a point souci. […] Mais je crois que les avantages attachés au rôle de révolutionnaire l’emportent encore : car c’est le rôle qui gêne le moins le pur instinct, tout en lui donnant, assez fréquemment, une apparence d’honorabilité.
La loi morale était posée : s’abandonner à la passion, céder à l’instinct de la nature. […] Prendre pour guide l’instinct, l’instinct seul, c’est là toute la loi. […] Quels instincts d’amour pur, quelles notions de sainte fidélité ont pu résister à ce coup mortel ? […] je vous hais de nature et d’instinct ! […] C’est une haine de nature et d’instinct, la haine du pauvre contre le riche.
Elle se fit par des hommes de même origine que les vaincus et doués des mêmes instincts. […] Toute la vie intellectuelle de l’Angleterre se ressent de cet instinct dominant. […] Par un singulier bonheur, ses institutions, ses lois, sa religion, se sont trouvées en conformité exacte avec ses instincts. […] Taine, mais aller au-delà et saisir cet instinct universel dont l’instinct de race n’est qu’une première diminution et une première altération. […] Ainsi la fatalité de l’instinct de race, comme celle de la nature, n’est après tout qu’une fatalité relative.
Comment concilier cet instinct avec l’idéal de la moralité ? […] Certains jours, « il mâchait d’instinct une petite balle élastique pleine. […] Chez l’être d’instinct l’activité n’est que la brusque détente du ressort. […] L’instinct est toujours semblable à lui-même : il va par les mêmes procédés aux mêmes fins. […] La charité ne pénètre pas pour les illuminer dans les obscures régions de l’instinct.
Deux condiments particuliers entrent dans la cuisine du siècle, et, selon la main qui les emploie, fournissent à tous les mets littéraires un assaisonnement gros ou fin Dans une société épicurienne à qui l’on prêche le retour à la nature et les droits de l’instinct, les images et les idées voluptueuses s’offrent d’elles-mêmes ; c’est la boîte aux épices appétissantes et irritantes. […] Il est d’autant plus vif que, cette fois, la disposition passagère est d’accord avec l’instinct héréditaire, et que le goût de l’époque vient fortifier le goût national. […] On ne peut mettre ainsi en menue monnaie courante la religion, la légende, l’antique poésie populaire, les créations spontanées de l’instinct, les demi-visions des âges primitifs ; elles ne sont pas des sujets de conversation amusante et vive. […] Amuser, s’amuser, « faire passer son âme par tous les modes imaginables », comme un foyer ardent où l’on jette tour à tour les substances les plus diverses pour lui faire rendre toutes les flammes, tous les pétillements et tous les parfums, voilà son premier instinct. « La vie, dit-il encore, est un enfant qu’il faut bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme. » Il n’y eut jamais de créature mortelle plus excitée et plus excitante, plus impropre au silence et plus hostile à l’ennui471, mieux douée pour la conversation, plus visiblement destinée à devenir la reine d’un siècle sociable où, avec six jolis contes, trente bons mots et un peu d’usage, un homme avait son passeport mondain et la certitude d’être bien accueilli partout. […] Quelle disproportion entre notre raison si faible et nos instincts si forts !
L’instinct des voyages dut être l’un des plus anciens de l’homme. […] L’instinct de la patrie qui enchaîne l’homme au sol natal et l’instinct du départ ou de la migration alternaient et se balançaient inégalement selon les peuples et les races. […] La plus noble forme que revêt la vocation des voyages est assurément celle qui réunit l’instinct et la science, qui pousse des hommes jeunes à aller chercher, loin des douceurs aisées de la patrie, les fatigues, les périls de tout genre, non uniquement pour changer et pour voir, et pour raconter ensuite au courant de la plume ce qu’ils ont vu en touristes et en amateurs, mais pour étudier, pour connaître à fond des contrées et des civilisations lointaines, pour les décrire avec rigueur, pour accroître ainsi sur quelques points nouveaux et compléter l’histoire de la planète que nous habitons.
Médiocrité de style ; irrégularité de structure ; instinct dramatique. […] Faguel a pu citer des parties, des situations, des rôles, où l’instinct scénique apparaît, chez Jean de la Taille surtout et chez Garnier. […] Il a été un charpenteur plutôt qu’un écrivain de drames ; mais il a eu le très juste instinct de ce que le théâtre français devait être : des situations faisant saillir des caractères. […] En venant au théâtre, la société polie y avait apporté sa sécheresse d’imagination et son instinct rationaliste.
Il amène des commères, des paysans qui troquent, des tonneliers avec leur langage risqué et leurs instincts de bas étage. […] Nous n’avons pas leur réflexion, leur tristesse ; nous ne savons pas, comme eux, nous imposer une consigne et resserrer nos inclinations entre des limites tracées par nous-mêmes ; nous ne sommes point, comme eux, profondément chrétiens ; notre instinct n’est point moral ; nous n’avons, au lieu de conscience, que l’honneur et la bonté ; nous ne prenons point la vie comme un emploi sérieux, assombri par les alarmes d’un avenir immense, mais comme un divertissement dont il faut jouir sans arrière-pensée et en compagnie. C’est en touchant ces instincts populaires que La Fontaine est devenu populaire.
si la Gaule devint promptement romaine, c’est qu’elle avait compris, avec l’instinct d’une race supérieure, que l’unité Romaine valait mieux pour elle que les diversités dont elle souffrait. Déchirée par des démocraties locales, elle alla, avec les instincts de son magnifique tempérament de peuple, où elle vit une organisation. […] Cet homme, dont l’instinct politique respirait de loin l’Histoire, quand il ne la savait pas, devinait les choses que M.
Il faut les laisser aller à la pente de leur nature, les abandonner à leur instinct, à leur goût naturel. […] J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.
Leurs instincts natifs n’ont été ni apprivoisés, ni muselés, ni amoindris. […] Il n’y a que ces images atroces, et le douloureux fantôme de la chair saignante et souffrante qui puisse dompter la véhémence et contenir les soubresauts de leurs instincts. […] Dans cet universel retour aux sens, et dans cet élan des forces naturelles qui fait la Renaissance, les instincts corporels et les idées qui les consacrent se débrident impétueusement. […] Sous l’effort de cet instinct, toutes les parties accessoires du drame arrivent à la rampe, et s’étalent sous les yeux. […] C’est cet instinct, un antique instinct germanique, que ces grands peintres de l’instinct mettent tous ici en lumière : Penthéa, Dorothea, chez Ford et Greene ; Isabelle et la duchesse de Malfi, chez Webster ; Bianca, Ordella, Aréthusa, Juliane, Euphrasie, Amoret, d’autres encore, chez Beaumont et Fletcher ; il y en a vingt qui, parmi les plus dures épreuves et les plus fortes tentations, manifestent cette admirable puissance d’abandon et de dévouement85.
La vigueur physique, la toute-puissance des individualités, l’outrancière volonté, le farouche instinct primitif de vie, l’exubérance de santé et de brutalité, cette vigueur d’âme, d’instinct, de caractère, que Tacite nota respectueusement, y dominent. […] Mais une révolte formidable de l’instinct barbare noie et emporte ces îlots de romanisme. […] de l’instinct ethnique, le restant d’énergie et d’originalité de la patrie. […] Sur quel instinct ethnique à jamais enseveli ? […] Suivons au moins l’humble exemple, si admirable, des fourmis : suppléons au manque d’instinct par l’intelligence.
J’affirme au contraire : 1° que, si les limites du monde fini sont celles de la science humaine, elles ne sont pas celles de la réalité ; 2° que l’homme porte en lui-même non-seulement des désirs et des ambitions, mais des instincts et des notions qui lui révèlent des réalités au-delà du monde fini, et que, si l’homme ne peut pas avoir la science de ces réalités, il en a la perspective ; 3° que, sous l’impulsion et le légitime empire de cette perspective, l’homme poursuit dans sa vie intellectuelle la connaissance de ces réalités, qu’il ne peut que reconnaître, comme il poursuit dans sa vie pratique la perfection morale, qu’il ne peut atteindre. […] Le monde fini seul est à sa portée, et c’est le seul qu’elle puisse sonder… L’homme porte en lui-même des notions et des ambitions qui s’étendent au-delà ; … mais de cet ordre supérieur il n’a que l’instinct et la perspective, il n’en a pas, il n’en peut pas avoir la science… L’esprit sait qu’il y a des espaces au-delà de celui que les yeux parcourent ; mais les yeux n’y pénètrent pas. » Plus je médite ces belles paroles, moins je vois la différence qui les sépare de la pensée de M. […] Il nous accorde qu’il y a dans l’homme des ambitions, des instincts, des perspectives d’infini. Soit, mais qu’ajoute la philosophie à ces instincts et à ces perspectives ? […] Ce n’est pas pour des raisons spéculatives et en croyant à la médecine comme science que les hommes s’adressent à elle ; c’est par un instinct irrésistible qui, dans les maux de ceux qui nous sont chers et dans les nôtres, nous pousse à chercher des secours.
C’est donc avec les réserves les plus prudentes que j’esquisse quelques étapes : l’homme primitif, loin d’être libre, était totalement asservi aux lois les plus dures de la nature physique, au droit du plus fort ; par l’invention des armes et des outils, première application de son intelligence, il commence son émancipation ; par la religion, il essaie de vaincre les instincts de la bête ; puis il conquiert peu à peu, sous des formes très diverses et toujours relatives, la liberté de la personne, de la conscience, les droits politiques, l’indépendance économique… C’est-à-dire : tandis que les groupes vont grandissant peu à peu dans l’espace, les principes s’en vont à une conception toujours plus vaste de la liberté. […] L’essentiel, c’est d’avoir une méthode pour constater ce rythme ; c’est de savoir que nous ne tournons pas, en esclaves stupides, dans le cercle fermé des instincts bestiaux, mais que nous marchons au contraire de la servitude à la liberté, selon une loi qui est dans notre nature, mieux encore, dans notre volonté. […] La marche de l’humanité, telle que je la constate dans son expression littéraire, n’est pas simplement une évolution ; elle est aussi un progrès, une ascension des ténèbres à la lumière, des instincts à la conscience. […] Instinct dont nous faisons souvent un étrange et décevant abus, mais qui n’en demeure pas moins ce qui nous différencie de la bête. […] Ces œuvres sont les étapes de notre conscience et la source d’une grande espérance : les haines des peuples, les tyrannies sociales, tous les instincts brutaux et toutes les servitudes sont des ténèbres dont nous verrons la fin, puisque d’une étape à l’autre la route monte.
Honorons, dans les vers d’Herréra, cette voix du peuple qui ne trompe pas sur la vraie politique d’un temps, et cet instinct généreux trop lent parfois à renaître et à triompher. […] C’est ce que l’instinct de l’humanité a poursuivi, depuis lors, malgré bien des fautes de spéculation et des mécomptes d’égoïsme ; c’est l’œuvre que notre siècle verra s’accomplir ; c’est l’œuvre que l’occupation des îles Ioniennes depuis 1800, la délivrance de l’Attique et de la Morée, la conquête de l’Algérie, la garantie donnée aux provinces danubiennes, acheminent incessamment vers un terme encore obscur et désavoué. […] Dans la tradition moderne, et entre ses instincts nationaux maintenus à degrés divers, il n’est pas de vérité plus sentie que l’aversion pour la barbarie mahométane, et ce besoin de l’éloigner de l’Europe, partout attesté dans l’histoire. […] L’admiration même nuisait à la liberté du génie ; et l’instinct poétique, au lieu de s’animer par la passion présente, chancelait confondu sous l’amas des souvenirs. […] Plus ambitieux, avec un instinct moins sûr, Ronsard avait été trompé par l’éclat de la Renaissance et par l’éblouissement dont les chefs-d’œuvre antiques frappaient leurs studieux lecteurs.
C’était son critérium ; ou plutôt d’instinct, il allait droit aux antipodes de tous ces gens-là. A tous ses instincts naturels ce penchant donna une forme, un caractère et une énergie particuliers. […] Il faut s’empresser d’ajouter qu’il est plus vrai et satisfait davantage notre instinct logique. […] Un troisième objet de l’analyse dissolvante de Proudhon, c’est l’instinct religieux. […] Il est misonéiste d’instinct.
Cet article pourrait se dire assez justement un article-ministre ; l’instinct s’y montre, la vocation y perce, le pronostic aurait pu dès lors se tirer. […] Guizot, dont les instincts parlementaires et d’homme d’État, d’orateur d’État, se déclaraient hautement d’avance et dans le choix des sujets et dans l’esprit suivant lequel il les traitait. […] Son ambition au début, son instinct naturel n’est pas de retrouver, de produire l’histoire épique ou pittoresque (comme on y a si heureusement réussi, mais un peu après coup), et il ne vise nullement à faire œuvre littéraire. […] Il dit en riant qu’il a le fanatisme de la simplicité ; mais, bien mieux, il en a le don et l’instinct irrésistible. […] Mais n’admirez-vous pas cette activité en tous sens, et comment cet esprit curieux, entraîné, se portant d’instinct aux grands sujets comme à son niveau, jette tout son feu d’universalité avant d’entrer dans l’œuvre pratique ?
Voulant étudier l’ancien régime et y pénétrer jusqu’au cœur pendant les deux siècles qui ont précédé la Révolution française, un homme éminent et regrettable à tant de titres, M. de Tocqueville disait : « Pour y parvenir, je n’ai pas seulement relu les livres célèbres que le xviiie siècle a produits ; j’ai voulu étudier beaucoup d’ouvrages moins connus et moins dignes de l’être, mais qui, composés avec peu d’art, trahissent encore mieux peut-être les vrais instincts du temps. » Le Journal de d’Argenson est un de ces ouvrages que devait rechercher M. de Tocqueville ; l’art y est aussi absent qu’on peut le désirer, l’instinct y respire. Les contemporains appelaient le marquis d’Argenson (pour le distinguer de son frère plus fin et plus poli) d’Argenson la bête : on conçoit, quand on a lu et vu le marquis en déshabillé avec toutes ses rudesses et ses grossièretés de nature, que des gens du monde, surtout sensibles à la forme, lui aient donné ce surnom-là ; mais il faut convenir que la bête avait de terribles instincts, et qu’elle devinait plus juste bien souvent que les soi-disant spirituels. […] D’Argenson, mort depuis tant d’années, eût mérité d’être de ces hommes ; il en était par l’esprit, par l’instinct, et des plus précoces ; c’est son principal titre d’honneur aujourd’hui.
Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence.
Les grands instincts scientifiques se développent presque toujours chez des jeunes gens instruits, mais pauvres. […] Il faudrait qu’en embrassant la carrière scientifique on fût assuré de rester pauvre toute sa vie, mais aussi d’y trouver le strict nécessaire ; il n’y aurait alors que les belles âmes, poussées par un instinct puissant et irrésistible, qui s’y consacreraient, et la tourbe des intrigants porterait ailleurs ses prétentions.
Bien que les bonnes mœurs soient la plus sûre garantie du bon goût, cependant le bon goût a ses lois à part ; elles procèdent d’un instinct qui se développe dans la société avec la politesse des esprits, avec la délicatesse des âmes, avec l’élégance des manières, et s’exalte dans les douceurs des communications habituelles des esprits. Cet instinct c’est la pudeur.
qui est descendu plus avant dans les profondeurs de la politique ; a mieux tiré de grands résultats des plus petits événements ; a mieux fait à chaque ligne, dans l’histoire d’un homme, l’histoire de l’esprit humain et de tous les siècles ; a mieux surpris la bassesse qui se cache et s’enveloppe ; a mieux démêlé tous les genres de crainte, tous les genres de courage, tous les secrets des passions, tous les motifs des discours, tous les contrastes entre les sentiments et les actions, tous les mouvements que l’âme se dissimule ; a mieux tracé le mélange bizarre des vertus et des vices, l’assemblage des qualités différentes et quelquefois contraires ; la férocité froide et sombre dans Tibère, la férocité ardente dans Caligula, la férocité imbécile dans Claude, la férocité sans frein comme sans honte dans Néron, la férocité hypocrite et timide dans Domitien, les crimes de la domination et ceux de l’esclavage, la fierté qui sert d’un côté pour commander de l’autre, la corruption tranquille et lente, et la corruption impétueuse et hardie, le caractère et l’esprit des révolutions, les vues opposées des chefs, l’instinct féroce et avide du soldat, l’instinct tumultueux et faible de la multitude, et dans Rome la stupidité d’un grand peuple à qui le vaincu, le vainqueur, sont également indifférents, et qui sans choix, sans regret, sans désir, assis aux spectacles, attend froidement qu’on lui annonce son maître ; prêt à battre des mains au hasard à celui qui viendra, et qu’il aurait foulé aux pieds si un autre eût vaincu ?
Par un sûr et prophétique instinct de leur destinée, ils tremblaient qu’elle ne ressuscitât dans le monde avec la liberté ; ils en jetaient au vent les moindres racines à mesure qu’il en germait sous leurs pas, dans leurs écoles, dans leurs lycées, dans leurs gymnases, surtout dans leurs noviciats militaires et polytechniques. […] Par je ne sais quel instinct de leur nature, ils pressentaient un vengeur dans cet homme qui les charmait malgré eux. […] C’est l’homme même, c’est l’instinct de toutes ses époques, c’est l’écho intérieur de toutes ses impressions humaines, c’est la voix de l’humanité pensant et sentant, résumée et modulée par certains hommes, plus hommes que le vulgaire, mens divinior, et qui plane sur ce bruit tumultueux et confus des générations et dure après elles, et qui rend témoignage à la postérité de leurs gémissements ou de leurs joies, de leurs faits ou de leurs idées. […] L’acropolis, ou la colline artificielle qui porte tous les grands monuments d’Héliopolis, nous apparaissait çà et là entre les rameaux et au-dessus de la tête des grands arbres ; enfin nous la découvrîmes tout entière, et toute la caravane s’arrêta comme par un instinct électrique. […] Mais quelle qu’ait été, quelle que puisse être encore la diversité de ces impressions jetées par la nature dans mon âme, et par mon âme dans mes vers, le fond en fut toujours un profond instinct de la divinité dans toutes choses ; une vive évidence, une intuition plus ou moins éclatante de l’existence et de l’action de Dieu dans la création matérielle et dans l’humanité pensante ; une conviction ferme et inébranlable que Dieu était le dernier mot de tout !
On fait l’éducation de la volonté : cela consiste à endiguer, canaliser, diriger nos instincts, non pas à les supprimer. […] Sous l’influence de Balzac et de Stendhal, Taine avait admiré sans réserve la violence de l’instinct débridé. […] Nous avons d’abord un instinct d’imitation, qui est en rapport avec nos instincts de sympathie et de sociabilité ; cet instinct, dont M. […] Cette personne morale ne subsiste, elle n’a été créée que par la domination de la volonté sur l’instinct. […] Tout jeune, il avait éprouvé quelque velléité de se faire soldat ; mais la prudence de sa famille contraria ses instincts belliqueux.
Le public naïf, sans prétentions, franc dans ses sensations, a un instinct très puissant, très spontané. […] L’instinct du public indique les situations, les faits qui seraient pour lui la source du plus grand intérêt, s’ils étaient rendus complètement. […] Le public sent cela d’instinct. […] La littérature ne s’adresse qu’à la raison ; elle a pour objet l’étude de l’homme, de ses instincts et de ses besoins ; la première qualité de l’écrivain est l’observation. […] Dans telle ou telle circonstance, un homme ne peut agir que d’une manière ; il prend une détermination d’après les forces relatives de sa raison, de ses instincts, de ses préjugés.
L’instinct s’émeut dangereusement dans cette race trop forte et trop nourrie. […] Ils attaquent les prêtres par le même instinct qu’ils rossent le guet. […] Jadis l’instinct le soutenait ; à présent l’opinion le consacre, et c’est la même force secrète qui, par un travail insensible, ajoute maintenant l’autorité de l’opinion à la pression de l’instinct. […] L’orgueil ici s’ajoute à l’instinct pour défendre le droit. […] Atheism is against not only our reason but our instincts.
Ainsi, ces conceptions primordiales ne pouvaient, évidemment, résulter que d’une philosophie dispensée, par sa nature, de toute longue préparation, et susceptible en un mot, de surgir spontanément, sous la seule impulsion d’un instinct direct, quelque chimériques que dussent être d’ailleurs des spéculations ainsi dépourvues de tout fondement réel. […] Semblablement, quel que soit l’instinct anti-rétrograde de l’école métaphysique, elle n’a plus aujourd’hui toute la force logique qu’exigerait son simple office révolutionnaire, parce que son inconséquence caractéristique l’oblige à admettre les principes essentiels de ce même système dont elle attaque sans cesse les vraies conditions d’existence. […] Notre respectueuse admiration sera toujours bien due assurément à la prudence sacerdotale qui, sous l’heureuse impulsion d’un instinct public, a su retirer longtemps une haute utilité pratique d’une si imparfaite philosophie. […] En effet, son judicieux instinct y sentira bientôt un puissant motif nouveau de diriger surtout la pratique sociale vers la sage amélioration continue de sa propre condition générale. […] L’instinct de progrès qui caractérisait, il y a un demi-siècle, le génie révolutionnaire, avait confusément senti ces dangers essentiels, de manière à déterminer la suppression directe de ces compagnies arriérées, qui, ne convenant qu’à l’élaboration préliminaire de l’esprit positif, devenaient de plus en plus hostiles à sa systématisation finale.
Rosny s’inquiétaient de l’humanité tout entière, avec ses instincts et ses gestes inutiles. […] Nulle œuvre ne saurait mieux exalter notre patriotisme : car c’est une des formes les plus belles du génie français que cet instinct colonisateur qui fut toujours chez nous une qualité non seulement essentielle, mais primordiale. […] Le fatalisme, qui plane sur les Sortilèges, ne traduit que l’instinct même du Chinois, du Malgache, du Cafre ou de l’Indien, qui se replient sur eux-mêmes en présence des races étrangères. […] Dès lors, nous devinerons leurs instincts, et leurs gestes nous avertiront de leurs pensées. […] Les mauvais instincts seuls font agir les hommes.
Une cité est ici, comme en Orient, un amas d’hommes livrés eux-mêmes pour grouiller dans leurs taudis et se débattre avec leurs instincts. […] Les instincts et les plaisirs de l’étranger qui s’initie ne sont plus tenus en bride par la suprématie d’un monde choisi. […] Il ne faut pas chercher bien loin leur demeure : elle est où la tradition l’a mise ; l’instinct des premiers croyants a presque toujours bien choisi. […] Il a cessé de considérer la vertu comme un fruit de l’instinct libre, et d’allier les délicatesses de l’âme à la santé du corps. […] Homme de goût par excellence, sensible à toute beauté en tout objet, il n’était point tiré tout d’un côté par un instinct dominateur et créateur.
Savez-vous d’où vient l’instinct de justice ? De l’instinct de vengeance, tout simplement. […] Est-ce l’instinct d’imitation qui fonde l’altruisme ou de l’altruisme que l’instinct d’imitation procède ? […] L’homme a l’instinct de l’imitation aussi fort, et plus fort, je crois, que l’instinct altruiste. […] C’est un instinct spécifique.
., est un instinct qui nous avertit que l’air où nous nous trouvons n’est pas aussi convenable à notre constitution que celui pour lequel un secret instinct nous fait soûpirer.
L’instinct du peuple le portait à se presser en foule autour de la maison de son tribun, comme pour demander encore des inspirations à son cercueil ; mais Mirabeau vivant lui-même n’en aurait plus eu à donner. […] L’aristocratie et le clergé détruits, ce parti ne répugnait pas au trône ; il avait à un haut degré l’instinct de l’unité du pouvoir. […] « Or les nations ont deux grands instincts qui leur révèlent la forme qu’elles ont à prendre, selon l’heure de la vie nationale à laquelle elles sont parvenues : l’instinct de leur conservation et l’instinct de leur croissance.
Cet instinct-là est dans le sang : on naît ainsi, comme on naît lion ou bouledogue1246. […] D’un côté la contrainte, de l’autre l’hypocrisie, voilà les deux vices de la civilisation anglaise, et c’est à eux que Byron, avec sa clairvoyance de poëte et ses instincts de combattant, s’est attaqué. […] Selon Byron, c’est un animal ; sauf quelques minutes singulières, ses nerfs, son sang, ses instincts le mènent. […] Mon cher lecteur, vous n’avez point compté sur l’instinct et les nerfs. […] Nous nous sommes liés à la partialité des divinations religieuses et à l’inexactitude des divinations littéraires, et nous avons accommodé nos doctrines à nos instincts et à nos chagrins.
L’esprit de parti est la seule passion qui se fasse une vertu de la destruction de toutes les vertus, une gloire de toutes les actions qu’on chercherait à cacher, si l’intérêt personnel les faisait commettre ; et jamais l’homme n’a pu être jeté dans un état aussi redoutable, que lorsqu’un sentiment qu’il croit honnête, lui commande des crimes ; s’il est capable d’amitié, il est plus fier de la sacrifier ; s’il est sensible, il s’enorgueillit de dompter sa peine : enfin, la pitié, ce sentiment céleste, qui fait de la douleur un lien entre les hommes ; la pitié, cette vertu d’instinct, qui conserve l’espèce humaine, en préservant les individus de leurs propres fureurs, l’esprit de parti a trouvé le seul moyen de l’anéantir dans l’âme, en portant l’intérêt sur les nations entières, sur les races futures, pour le détacher des individus ; l’esprit de parti efface les traits de sympathie pour y substituer des rapports d’opinion, et présente enfin les malheurs actuels comme le moyen, comme la garantie d’un avenir immortel, d’un bonheur politique au-dessus de tous les sacrifices qu’on peut exiger pour l’obtenir. […] C’est sans doute à l’instinct secret de l’empire que doit avoir le vrai sur les événements définitifs, du pouvoir que doit prendre la raison dans les temps calmes, c’est à cet instinct qu’est dû l’horreur des combattants pour les partisans des opinions modérées : les deux factions opposées les considèrent comme leurs plus grands ennemis, comme ceux qui doivent recueillir les avantages de la lutte sans s’être mêlés du combat ; comme ceux, enfin, qui ne peuvent acquérir que des succès durables, alors qu’ils commencent à en obtenir.
C’est que La Fontaine a un égoïsme d’une qualité particulière, cet égoïsme des enfants, qui n’est que l’instinct naturel, que l’éducation n’a pas entamé ni complété, et dans lequel la civilisation n’a point mêlé ses complications corruptrices. […] Le calcul et la réflexion en sont absents ; et dans ce total abandon à la nature, si la nature a des instincts de tendresse, de sympathie, d’amitié, l’homme sera tendre, affectueux, et capable de préférer ses sympathies à ses intérêts. […] Patru suivait l’instinct du siècle quand, ne voyant que la « vérité », et ne considérant la fable que comme un appareil destiné à enregistrer les résultats d’une étude expérimentale de l’homme et de la vie, il conseillait à La Fontaine d’écrire en prose.
Les pires instincts de la foule, je veux dire ceux qui lui font le plus de mal à elle-même, l’envie, la défiance, la haine, l’appétit de jouir à son tour, il n’a jamais manqué une occasion de les exciter, de les exaspérer, de les pousser à la curée. […] Il s’adresse moins aux appétits des malheureux qu’à leurs instincts de révolte, et cela par goût naturel. […] Rochefort, un sentiment ou un instinct plus sérieux.
Non content de délivrer l’individu de « l’instinct de troupeau », il le libère de toute préoccupation d’harmonie dans sa vie et dans sa pensée. […] Il dit l’effort de l’homme pour « percer les parois qui séparent sa raison qui ne sait presque rien, de son instinct qui sait tout, mais ne peut se servir de sa science ». […] La justice appartient tout entière au domaine humain ; mais elle est, plus encore qu’une pensée, un instinct.
En France, le mot sentiment, appliqué aux instincts de la société, est bien près d’être décrédité. […] Aussi avons-nous vu de nos jours l’infortuné Louis XVI, digne héritier d’un instinct si élevé, se mettre le premier à la tête de son siècle, pour le diriger. […] Ainsi il a vraiment succédé au trône, aux intentions de Louis XVI, à l’instinct conservateur de sa noble race.
Toute redondance verbale aboutit à l’instinct. […] Cet instinct appelle la nature, et celle-ci renforce l’instinct. […] Elle est tout instinct, et une haute raison brille chez Balzac. […] Instinct plat. […] Elle a créé l’esthétique basse et bornée de l’instinct.
Si, dans le système du monde, les diverses natures des êtres, des espèces, des choses, des sensations, se tiennent par des intermédiaires, il est certain que la passion du crime est le chaînon entre l’homme et les animaux ; elle est à quelques égards aussi involontaire que leur instinct, mais elle est plus dépravée ; car c’est la nature qui a créé le tigre, et c’est l’homme qui s’est fait criminel : l’animal sanguinaire a sa place marquée dans le monde, et il faut que le criminel le bouleverse, pour y dominer. […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.
Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.
Après avoir adopté le mot du Duc de Bourgogne, que Corneille étoit plus homme de génie, & Racine plus homme d’esprit, « Un Homme de génie, ajoute-t-il, ne doit rien aux préceptes, & quand il le voudroit, il ne sauroit presque s’en aider : il se passe de modeles, & quand on lui en proposeroit, peut-être ne sauroit-il en profiter : il est déterminé, par une force d’instinct, à ce qu’il fait & à la maniere dont il le fait. […] Un Homme d’esprit étudie l’Art ; ses réflexions le préservent des fautes où peut conduire un instinct aveugle ; il est riche de son propre fond, &, avec le secours de l’imitation, maître des richesses d’autrui.
De la famille composée des parents et des enfants, sans esclaves ni serviteurs Les héros sentirent, par l’instinct de la nature humaine, les deux vérités qui constituent toute la science économique, et que les Latins conservèrent dans les mots educere, educare, relatifs, l’un à l’éducation de l’âme, l’autre à celle du corps. […] Les premiers hommes qui fondèrent la civilisation avaient été conduits à la société par la religion et par l’instinct naturel de propager la race humaine, causes honorables qui produisirent le mariage, la première et la plus noble amitié du monde.
Mais un instinct lyrique et épique vivait dans l’âme franke des trouvères d’oïl. […] On peut affirmer, je crois, que jamais moins qu’alors ne se manifesta, lyriquement ou épiquement, notre vrai instinct poétique. […] Avec tous ses instincts ancestraux et tous ses désirs nouveau-nés, il se rua vers un seul idéal, de délivrance, de justice, de gloire. […] Il est trop visible qu’Alexandre Soumet fait exprès d’être énorme, d’avoir du génie, il est une ambition plutôt qu’un instinct. […] Jean Moréas se satisfait d’exprimer le mieux qu’il peut, selon son seul instinct et selon sa seule destinée, sa propre âme ; et il nous enchante en l’exprimant.
On voit alors l’instinct social entrer en antagonisme avec l’instinct individuel et des sociétés professer comme société une morale que chacun de ses membres intelligents, suivis par une très grande partie du troupeau, juge vaine, surannée ou tyrannique. […] Dès qu’ils possédèrent cinq ou six poètes, rejetons heureux de la greffe hellénique, ils n’en souffrirent plus d’autres ; et peut-être que, vraiment, l’instinct social ou de race dominant chez eux l’instinct de liberté ou individuel, peut-être qu’aucun poète ingénu ne leur naquit pendant quatre ou cinq siècles. […] L’amour, même en ses gestes publics, est du domaine privé ; et il a tous les droits, précisément parce qu’il est un instinct, et l’instinct par excellence71. […] L’entêtement s’amollit bientôt, pénétré par le doux esprit de lucre, par les saines idées d’utilité ; l’instinct commercial étouffe l’instinct national. […] L’Instinct sexuel ; évolution et dissolution, p. 301.
Si la pensée ne descend pas dans la vie, celle-ci n’aura donc pour guides que l’instinct, la routine ou la foi. […] Qu’est-ce, je vous prie, que l’instinct de la nature ? […] en dehors de la science armée de tous ses procédés, il n’y a plus rien pour l’homme que de se livrer à ses instincts, à ses sens, à ses appétits, à ses imaginations ! […] Il est des esprits qui ont été élevés et nourris dans les sciences exactes et positives, et qui cependant éprouvent une sorte d’instinct philosophique. Ils ne peuvent satisfaire cet instinct qu’avec les éléments qu’ils ont à leur portée.
Au-dessus de ces sciences-là, il y en a qui ne sont pas nées des besoins physiques, mais des instincts esthétiques ou des instincts rationnels : mathématiques, astronomie, architecture. […] C’est notre loi et notre instinct. […] En tout cas, c’est tout Platon, et c’est là que d’instinct, à travers tous ses méandres, il revient toujours. […] Voyez-vous comme l’instinct de justice se confond avec l’instinct de bonne police et en est le fondement, ainsi que nous l’avons dit en formule générale ? […] D’où il suit que l’abstinence, la tempérance, le respect du droit, l’instinct de justice et l’instinct de sacrifice sont des forces, comme je dis, et non pas des faiblesses, comme vous dites.
Il saurait ce qui persiste encore d’instinct au fond de l’homme, ce que des siècles de culture y ajoutèrent. Il vivrait quotidiennement le grand problème de l’instinct et de la culture que Nietzsche nous légua et que l’art seul résout. […] La vivante, vitale synthèse indiquée si sommairement par le poète, le musicien la tenta et l’obtint, non seulement à force d’instinct, mais dans l’instinct, à force de science, d’art et de « mesure ». […] Etablie selon la raison, vivifiée par l’instinct, quels admirables poèmes nous doit permettre notre forme ! […] Voilà le fait important à mes yeux de quiconque s’attache à rénover notre technique poétique selon l’instinct et la raison.
En effet, à propos d’une des plus grandes iniquités que le monde ait vues, à propos de cette abolition scandaleuse dont le xviiie siècle a retenti vers sa fin, Dieu n’avait pas permis qu’on fît la preuve par les faits et par l’histoire de ce qui reposait comme une certitude et comme une lumière dans les instincts et dans la conscience des hommes justes. […] L’examen vint de nouveau, mais l’examen élevé à, la hauteur d’un devoir, prêter son appui à tous les instincts de la désobéissance. […] On le conçoit : avec les forts instincts d’administration qui étaient en lui et qu’il prenait pour des instincts politiques, il avait dû admirer sur la terre du schisme cette religion nationale, chère à l’esprit de tous les despotes, et il en avait remporté l’idée dans sa patrie pour la réaliser un jour. […] Rendons justice à ce grand homme ; son instinct ne l’abusait pas.
Ce qui nous la rend attrayante, c’est l’appel de l’instinct. […] « Cette illusion nous suffit », déclare Jean Moréas (Notes sur Schopenhauer — Revue indépendante, mars 1885) « et puisque l’homme ignorera toujours l’essence propre des choses et ne connaîtra que la manière dont elles affectent son organisation, ne serait-il pas prudent d’accepter sur la beauté de la femme le phénomène que l’instinct amoureux nous présente, sans chercher à pénétrer le noumène indéchiffrable ? […] Il va jusqu’à prétendre que l’instinct sexuel est le pôle intellectuel de l’humanité. […] Vous m’invitez à mettre toutes voiles dehors, à me réaliser dans la plénitude de mes pires instincts, à me ruer envers et contre tous ; vous me jetez pour mot d’ordre : liberté entière et complète !
Au bout de la première ligne nous trouvons les instincts de l’insecte ; au bout de la seconde, l’intelligence humaine. /Nous sommes donc autorisés à croire que la force qui évolue portait d’abord en elle, mais confondus ou plutôt impliqués l’un dans J’autre, instinct et intelligence. […] L’une et l’autre manifestent une poussée intérieure, le double besoin de croître en nombre et en richesse par multiplication dans l’espace et par complication dans le temps, enfin les deux instincts qui apparaissent avec la vie et qui seront plus tard les deux grands moteurs de l’activité humaine : l’amour et l’ambition. […] Sur les deux grandes routes que l’élan vital a trouvées ouvertes devant lui, le long de la série des arthropodes et de celle des vertébrés, se développèrent dans des directions divergentes, disions-nous, l’instinct et l’intelligence, enveloppés d’abord confusément l’un dans l’autre.
Ministre de l’intérieur dès les premiers jours d’août 1830, il avait eu à choisir entre les deux politiques rivales, et il avait pris parti aussitôt : « Par instinct comme par réflexion, dit-il, le désordre m’est antipathique ; la lutte m’attire plus qu’elle ne m’inquiète, et mon esprit ne se résigne pas à l’inconséquence. » Il avait donc planté intrépidement son drapeau sur la brèche qu’on réparait ; il avait professé rigoureusement sa doctrine, plus rigoureusement même qu’il n’était besoin en saine politique ; car, après tout, il s’agissait du salut social dans le sens de la bourgeoisie, et l’essentiel était d’y atteindre, encore plus que de le proclamer. […] Il classe volontiers le monde en honnêtes gens et en ceux qui ne le sont pas ; sa morale sociale admet essentiellement le bien et le mal, dont les noms reviennent sans cesse à sa bouche d’une manière qui, à la fin, devient provocante : les instincts conservateurs, à ses yeux, sont les seuls bons ; les autres instincts plus actifs et plus remuants sont vite déclarés pervers.
Viollet-Le-Duc comme un adversaire et un ennemi, ont eu un art à part et, selon lui, incomparable, un talent unique, délié, fin, composé d’instinct et de réflexion, qui les a conduits dans tout ce qu’ils ont fait à choisir, à corriger, à rectifier, à épurer ; à s’approprier les emprunts mêmes, à les convertir, à les transformer ; à trouver l’expression la plus noble, la plus élégante ; à deviner, par la perfection des sens, des combinaisons de lignes que l’expérience a converties plus tard en lois de stabilité. […] Est-il pourvu de cet instinct qui porte certaines organisations privilégiées à donner à tout ce qu’elles conçoivent une forme émanée directement de l’art ? […] L’analyse du monument romain nous révèle d’autres instincts, d’autres préoccupations.
Après s’être remémoré le cours de notre histoire poétique, l’on arrive à cette conclusion fatale que de sensation, d’instinct et de sentiment ; fut la poésie, au gré omnipotent de l’heure de plaisir ou de douleur de poètes, enfants nuement géniaux : produisant, d’une certaine somme de notations passionnelles, des recueils de poèmes, au hasard, sans lien, sous un titre sans signification. […] » quand a été proclamée sur ce siècle l’éternelle loi de l’Évolution des êtres, du Transformisme révélateur d’où une Philosophie enfin rationnelle était à faire surgir… Et ils continuèrent à mesurer sur leurs doigts des lignes plus ou moins longues d’écriture, sous prétexte de Rythmes et de musique verbale : quand sortait de ses certaines expériences sur les Harmoniques, Helmotz — montrant, en synthèse, qu’aux voyelles et aux instruments de musique sont et sont mêmes ces harmoniques, et donnant à en tirer la loi d’une musique verbale… Contre tous ces poètes (exceptés sont ces génies instinctifs dont il est dit qu’ils firent, à des époques d’instinct et de non-savoir, leur devoir), contre ! […] Cette connaissance se fera à travers la sensation, l’instinct, la pensée… Désormais pouvait s’écrire en sûreté le principe de ma « Philosophie évolutive. » Le voici : « Et si, se plus et plus dénaturant du cercle dont elle est l’équivalente transformation, se développe une ellipse : plus et plus, va à équivaloir en droite l’elliptique périphérie.
Le siècle de Louis XIV fut goûté de nouveau ; et, pour le remarquer en passant, on sentait, surtout dans les feuilles quotidiennes, un instinct monarchique dont il était bien facile de tirer parti, mais que l’on sut tourner habilement au seul profit du despotisme. […] Les peuples, par une sorte d’instinct qui ne les trompe jamais, sentaient que le retour de leurs anciens rois était pour eux-mêmes le retour de leurs anciennes prérogatives et de leurs espérances nouvelles ; mais ils étaient trop impatients d’en jouir. […] Les propriétés des êtres, les instincts des animaux, le spectacle de l’univers, tout est voile à soulever, tout est symbole à deviner, tout contient des vérités à entrevoir, car la claire vue n’est pas de ce monde.
Bien avant cette grande irruption du Nord, Tacite avait rappelé l’instinct poétique des Germains autant que leur courage, le belliqueux bardit dont ils s’inspiraient, en marchant au combat, leurs hymnes à leurs dieux, leurs chants à l’honneur d’Arminius. […] Cette poésie qui plus tard a parcouru tant de climats, a réfléchi tant d’horizons divers, s’est colorée de tant de feux et nourrie de tant d’instincts profonds du cœur, est, avant tout, une poésie du Nord, éprise avec passion des beautés naturelles, et, sous son ciel natal, ni rassasiée de leurs douceurs, ni trop éblouie et comme fatiguée de leur éclat, mais s’élevant avec joie du monde visible vers l’infini, curieuse surtout de l’âme humaine, et tout à la fois contemplative et violente. […] On dirait même que, sans le vouloir et par instinct de poëte, il ne s’est souvenu des débats de la liberté anglaise et des passions de l’indépendance, qu’en leur donnant l’enfer pour séjour, et les démons pour interprètes.
Gardant de sa traversée parmi les sciences naturelles la défiance du médecin qui démêle l’instinct brutal sous le sentiment hypocrite, Céard fut naturellement séduit par les écrivains d’analyse. […] D’une part, les faits idéologiques ou moraux lui apparaissent comme à un artiste d’instinct, doué seulement des sens extérieurs, et traduisant les impressions, pour autrui idéologiques et rien de plus, en sensations de couleur, saveur, résistance, etc.
Il faut que nos hommes politiques aient conservé un reste d’idéalisme, un vague instinct de ce qui est grand ; vraiment, je crois qu’ils ont été calomniés ; il convient de les encourager et de leur bien montrer que cet instinct ne les trompe pas, et qu’ils ne sont pas dupes de cet idéalisme.
Quoique Salvador ne soit pas strictement parlant un voyageur dans son ouvrage, il est facile de voir que son intelligence a les instincts, le mouvement, l’horizon, l’expansibilité des hommes de race voyageuse. […] À travers l’histoire, très variée et très piquante, de Marseille et des Échelles du Levant comme l’a écrite Édouard Salvador, on reconnaît cette préoccupation de notre âge qui prend, selon nous, notre pays à rebours de son instinct et de son génie.
L’instinct ? Qu’est-ce que l’instinct ? […] Jules de Gaultier a précisé cette manière de voir en montrant l’antagonisme de l’instinct vital et de l’instinct de connaissance. […] De ces deux domaines l’un correspond très bien à la sensibilité, et l’autre à l’intelligence : ici instinct vital, là instinct de connaissance. […] Il serait parti de l’instinct de reproduction, cause de toutes les activités humaines.
C’est une insurrection de toute notre chair, une répulsion presque physique : d’obscurs et amers instincts s’éveillent en nous ; et si ornés, si calmes que nous soyons, nous dirigeons à son adresse l’agressif appareil de nos insultes, de nos sourires et de nos sarcasmes. […] Comme le rosier ses roses, il a laissé fleurir ses instincts. […] Avec cette splendeur sensorielle, avec ce puissant instinct de la vie qu’il avait acquis et si somptueusement développé pendant son enfance ardente, Zola comprit, tout de suite, ce qu’il y avait de conventionnel dans ce genre de littérature. […] Il a chanté le sombre aveugle et l’impétueux élan de l’instinct, où l’on retrouve déjà toutes les formes supérieures de la sensibilité, de ce puissant instinct commun à toute l’espèce, qui pousse chaque créature à persévérer dans son être, à se développer, à s’étendre, qui guide ses appétits, qui le précipite à la curée, au rut, au gain, à la jouissance et quelquefois au crime. […] Ses héros sont sensibles aux vents, au soleil autant qu’à la poussée impérieuse et tragique de leur instinct.
« Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences ! […] C’eût été se faire siffler par le peuple dont l’instinct sûr sait pourquoi il a combattu, beaucoup mieux que ceux qui ne se croient pas peuple.
Avec son vocabulaire opulent et varié, d’où surgissent à chaque phrase les mots strictement choisis, avec sa claire vision de paysages fondus, ses images dorées, ses plastiques ondulantes ou sévères, M. de Régnier a le goût qui distingue, élit, compare et dispose ; il a l’instinct souverain de l’ordonnance qui assigne à ses poèmes la solidité du verbe immobilisé comme un marbre. […] Dans les Sites et dans Épisodes, cette lutte intime entre des instincts opposés se trahit plus nettement que dans les œuvres postérieures où la maîtrise technique est absolue.
Le profane, grâce aux instincts de la nature plus forts que les principes d’un ascétisme artificiel, ne fut pas entièrement banni ; on le tolérait, quoique vanité ; quelquefois, on s’adoucissait jusqu’à l’appeler la moins vaine des vanités ; mais, si l’on eût été conséquent, on l’eût proscrit sans pitié ; c’était une faiblesse à laquelle les parfaits renonçaient. […] Le christianisme, aidé par les instincts des races celtiques et germaniques, n’a-t-il pas élevé à la dignité d’un sentiment esthétique et moral un fait où l’antiquité tout entière, Platon à peine excepté, n’avait vu qu’une jouissance ?
Les généralités admettent toujours les exceptions ; nous savons fort bien que la foule est une grande chose dans laquelle on trouve tout, l’instinct du beau comme le goût du médiocre, l’amour de l’idéal comme l’appétit du commun ; nous savons également que tout penseur complet doit être femme par les côtés délicats du cœur ; et nous n’ignorons pas que, grâce à cette loi mystérieuse qui lie les sexes l’un à l’autre aussi bien par l’esprit que par le corps, bien souvent dans une femme il y a un penseur. […] Malheureuse comme femme, car elle est comme si elle n’avait pas de mari ; malheureuse comme reine, car elle est comme si elle n’avait pas de roi ; penchée vers ceux qui sont au-dessous d’elle par pitié royale et par instinct de femme aussi peut-être, et regardant en bas pendant que Ruy Blas, le peuple, regarde en haut.
La cause de cette différence vient de ce que le chien n’étant pas obligé d’être moral, en admire son instinct dont il fait ici un très-bon usage. […] Les chapons ont en nous fort peu de confiance, Soit instinct, soit expérience.