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1944. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Chez lui, le chrétien double les forces du penseur, et sur la notion du pouvoir telle qu’il la conçoit et l’explique resplendit toujours cette main divine qui jette la lumière à tout, comme la main de l’homme y jette l’ombre.

1945. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Lettre-préface à Henri Morf et Joseph Bédier » pp. -

Chacun de nous y participe dans la mesure de ses forces et de sa spécialité.

1946. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il ne l’est que par force ou plutôt par peur. […] il n’est pas de force !  […] On assure que nous allons la voir se dérouler tout du long avec force nouveaux costumes et mélodies du temps. […] Elle l’écoute ; elle force les autres à l’écouter et à le comprendre. […] Mais il sauve tout, à force d’esprit et de grâce.

1947. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Bourget conclut « qu’avec toute sa force, Tolstoï n’est encore qu’un génie informe et inachevé ». […] Alexandre Ier et Tolstoï, comment eussent-ils renoncé à ces deux trésors de la force russe, l’espace et la durée ? […] Il ébranle toutes nos forces. […] Ainsi se créent la force et l’être de La Foire aux vanités, du Moulin sur la Floss (pour lequel M.  […] « Pour se torturer ces deux êtres déjà avaient commencé de se taire. » Et ce silence n’est pas un simple vide, c’est un poids, c’est une force, comme les silences d’Eschyle, et une force qui tue.

1948. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Quelle force s’opposa à lui, le contraignit à rebrousser chemin ou, du moins, l’alentit, l’usa, le dispersa ? […] Oui, il y avait sur notre terre deux forces adverses, l’une qu’on a nommé l’esprit gaulois, l’autre qu’il faut nommer l’esprit frank. […] C’est de la grâce, une désinvolture jamais surpassée en son bel air de gloire, et de la tendresse aux pleurs sincères, et de la force aussi. […] Il dit de Léon Dierx que ses poèmes sont empreints « de force et de tristesse ». […] Il a l’élan, la force, la sincérité, l’« emballement » des claironnantes chansons.

1949. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Car, de loin en loin, je dois le dire, des lueurs ou des clartés brillent parmi cette confusion, et, à force d’y tacher, M.  […] A-t-on bien assez remarqué ce que peuvent ces deux forces dans la littérature et dans l’art ? […] Les forces ont pu lui manquer. […] Dans les romans antérieurs, et dans Marianne même encore, l’amour est une passion (si tant est qu’il en soit jamais une) qui n’a pas d’abord toute sa force. […] C’est dommage qu’il y manque cette force de sentiment, et ce progrès de passion que Prévost, dans ses premiers romans, avait si naturellement rencontrés.

1950. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils sentent qu’au-delà des vérités limitées de l’âge oratoire, il y a des explications plus profondes ; ils vont au-delà de Descartes et de Locke, comme les alexandrins au-delà de Platon et d’Aristote ; ils comprennent qu’un grand ouvrier architecte ou des atomes ronds et carrés ne sont point des causes, que des fluides, des molécules et des monades ne sont point des forces, qu’une âme spirituelle ou une sécrétion physiologique ne rend point compte de la pensée. […] C’était de force et par surprise que son génie le tirait des convenances : deux fois sur trois, son sentiment est gâté par ses prétentions. […] Bien pis, il est horriblement long et diffus ; ses conversations, ses descriptions sont interminables ; il veut à toute force remplir ses trois volumes. […] J’ai oublié de dire qu’à dix-huit ans il avait épousé une jeune fille du peuple, qu’ils s’étaient séparés, qu’elle s’était tuée, qu’il avait miné sa santé à force d’exaltations et d’angoisses1231, et que jusqu’à la fin de sa vie il fut nerveux ou malade. […] La zoologie, l’astronomie, la géologie, la botanique, l’anthropologie, toutes les sciences d’observation si cultivées et si populaires, y font de force pénétrer leurs découvertes dissolvantes.

1951. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Il s’appuie sur un bâton, n’avance guère, à chaque pas s’arrête et, pour faire un pas de plus, rassemble toutes ses forces, dernières forces. […] Le droit de l’Allemagne, c’est évidemment, à ses yeux, la force de l’Allemagne. […] Il y a déjà de la fierté dans le refus qu’elle oppose avec tant de force à tant de chimères. […] Sa force résiste un peu de temps, et puis l’abandonne : elle tombe, fanée, tuée. […] Cependant, une force invincible me contraint à continuer… » Pourquoi ?

1952. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

c’est encore un métier qui, aujourd’hui, dépasserait mes forces ! […] Force est maintenant à M.  […] Et, comme l’explication est, a priori, impossible, force lui est de tâtonner, d’aboutir à des conclusions illogiques, souvent contraires. […] Et ne croyez pas que je force la note : à toutes les pages de son livre M.  […] Mais il y a eu discussion, conflit, parce que l’autre homme gardait ses motifs antérieurs avec toute leur force.

1953. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

J’ai vu à la porte de nos temples l’innocence insultée par le crime, la faiblesse maltraitée par la force et la pudeur violée par la brutalité. […] — Oui, il pouvait se trouver parmi nous quelques royalistes d’opinion, il pouvait s’y trouver quelques hommes qui, méditant dans le silence du cabinet sur notre Constitution nouvelle, croyaient y apercevoir quelques imperfections, qui soupçonnaient qu’un pouvoir exécutif, placé dans les mains d’un seul homme, pourrait acquérir plus d’activité, plus de dignité, plus de cette force morale qui économise la force politique, et qu’une telle réforme, loin de saper la liberté, la posait sur ses vrais fondements. […] Je suis bien faible, et les nuits que je passe avec un sommeil sans cesse interrompu achèvent de m’ôter la force. […] J’ai donc renoncé par force à un véritable plaisir, celui de connaître une personne qui vous est aussi chère ; mais je ne sais pas pourquoi vous vous étiez placé d’avance hostilement contre mon jugement. […] Je voudrais bien ne plus souffrir, car je suis arrivée à un point où je crains de n’avoir plus du tout de forces pour rien supporter.

1954. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

La légende biblique a gardé toute sa force. […] Elle n’est pénible qu’à ceux qui n’ont pas la force de vivre dans la poésie, de faire entrer le rêve dans la vie, ce qui exigerait le courage de considérer la vie en soi, sans la revêtir de mille chimères stupides, conformes à d’impuissants désirs et appelées à se dissiper au premier choc avec le monde extérieur. […] Il faut qu’il garde en lui des forces contenues et toujours prêtes à éclater. […] Mais si j’en avais le pouvoir discrétionnaire, je ferais saisir par la force armée et publier par l’Imprimerie nationale les écrits de grands écrivains que d’étroites préventions risquent de perdre à tout jamais. […] ou nous avons encore la force de recommencer, et alors tout est pour le mieux.

1955. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

c’est bien malheureux de n’avoir pas une force physique adéquate à sa force morale… Se dire qu’il est insensé d’avoir peur, qu’une poursuite, même non arrêtée, est une plaisanterie ; se dire encore que le succès immédiat nous importe peu, que nous sommes sûrs d’avoir été agrégés et jumellés pour un but et un résultat, et que ce que nous faisons, tôt ou tard sera reconnu… et pourtant passer par des découragements, avoir les entrailles inquiètes : c’est la misère de nos natures si fermes dans leurs audaces, dans leurs vouloirs, dans leur poussée vers le vrai, mais trahies par cette loque en mauvais état, qui est notre corps. […] Ce sont tous des serviteurs de l’opinion courante, du préjugé qui a force de loi, enfin des domestiques d’Homère ou des principes de 1789. […] Je ne sais quoi de tragique, de funèbre et de touchant s’échappe de la désolation passionnée de ce vieillard, qui semble ne plus vouloir avoir la force de vivre, et que le délaissement frappe au cœur comme avec une épée. […] 14 décembre C’est étonnant que deux souffreteux, comme nous, possèdent une force nerveuse qui ait pu résister à cette vie de dix jours, force qui étonne autour de nous, nos amis, les acteurs, et Thierry, nous disant un de ces soirs : « Vous passez des soirées bien cruelles !  […] 31 décembre Des journées entières, passées à se promener sur une plage perdue dans le brouillard et la nuée, parmi un vent abrutissant de bruit et de force, sous un ciel blafard, au bord d’une mer glauque, sale de colère, et à l’écume vous cinglant la figure comme de coups de fouet.

1956. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Ponsard » pp. 301-305

Ponsard a prouvé, une fois de plus, dans ce discours académique, que là, comme au théâtre, il y a des cordes qu’il sait faire vibrer, et que, sans trop d’art ni de raffinement, sans trop demander à l’expression, et en disant directement les choses comme il les pense et comme il les sent, son talent a en soi une force qui vient de l’âme et qui parle aux âmes.

1957. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

Comme un homme du Moyen-Age ou un moderne dans toute la force du terme, il a dû creuser longtemps pour trouver l’eau de son puits, il a dû conquérir sa propre originalité.

1958. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — II »

Tout alla bien ; un petit comité littéraire dirigeait les études de madame de Genlis ; c’étaient MM. de Sauvigny, de Mondorge, et d’autres de cette force, surtout ennemis des philosophes.

1959. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Et, ce jour-là, nous comprimes toute la force de notre métier.

1960. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

Jamais la divine Hellade n’a été mieux comprise, mieux pénétrée, et n’a suggéré plus définitive expression de sa grâce et de sa force souveraine.

1961. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Il a écrit à la loupe, il a rendu visibles des mondes sur un brin d’herbe, il a miniaturé le cœur humain ; il a été le Rembrandt des demi-jours et des demi-nuances, li a efféminé le style à force d’analyser la sensation.

1962. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Theuriet, André (1833-1907) »

Mais, si des rayons paisibles et calmes indiquent déjà le doux déclin de la fin septembre, ces clartés indécises, ces lueurs pâlissantes et qui luttent encore, nous laissent voir, malgré tout, un dernier épanouissement qui conserve sa force et son énergie… L’intimité qui anime les vers de M. 

1963. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Tant que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister.

1964. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

Le premier Ouvrage fait admirer un esprit lumineux, qui se joue de l’embarras des systêmes, procede avec dextérité à travers les contradictions, développe sans gêne les principes qu’il a établis, & fait adopter ses idées, non en faisant sentir la touche intime de la persuasion, encore moins la force de la conviction, mais par le talent de plaire & d’amuser.

1965. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

On y trouve en revanche des traits de force & de lumiere, des leçons de morale, des regles de goût qu’on peut adopter sans craindre de s’égarer.

1966. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 51-56

Plus fleuri, plus gai, plus amusant que l’Auteur des Géorgiques, il en a la précision, & quelquefois même l’élévation & la force ».

1967. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Tout ce qu’on peut exiger d’un observateur rigide & judicieux s’y trouve réuni, esprit de sagacité, finesse de goût, jugement sûr, nuances saisies avec force & clarté, très-bonne plaisanterie.

1968. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Sans pouvoir peut-être donner la côte de chacune, nous présentons ici les forces de la littérature de ce soir.

1969. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XII. Suite du Guerrier. »

La véritable religion nous enseigne que ce n’est pas par la force du corps que l’homme se doit mesurer, mais par la grandeur de l’âme.

1970. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse, par quelque endroit ; il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils ; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies du cœur.

1971. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Tandis que Socrate honorait la mémoire des justes, le paganisme offrait à la vénération des peuples des brigands dont la force corporelle était la seule vertu, et qui s’étaient souillés de tous les crimes.

1972. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Trop occupés d’une nature de convention, la vraie nature nous échappe ; nous ne raisonnons guère sur celle-ci qu’à force d’esprit et comme au hasard ; et, quand nous rencontrons juste, c’est moins un fait d’expérience qu’une chose devinée.

1973. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Et comment trouverait-il la force de rédiger son jugement avec le scepticisme, qui n’a jamais été bon à rien qu’à faire trembler la main qui écrit ?

1974. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

Malgré des formes élémentaires translucides de limpidité, on sent la force de l’esprit qui commande au sujet qu’il traite.

1975. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Enfin Numance commençait à peine son âge héroïque, lorsqu’elle fut accablée par la puissance romaine, par le génie du vainqueur de Carthage, et par toutes les forces du monde.

1976. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Il a efféminé le style à force d’analyser la sensation. […] ma force est ma vertu !  […] Peut-être, comme un homme du Midi, avait-il seulement un sentiment un peu trop en saillie de ses forces. […] Il n’avait pas les grands gestes d’âme de Mirabeau, mais il avait sa force en détail ; il avait pris la massue de Mirabeau sur la tribune, et il en avait fait des flèches. […] J’avais prié Lachaud, qui était du quartier et qui me suivait à distance, de noter dans sa mémoire et ensuite sur le papier, les cris, les murmures, les vociférations qu’il entendrait, afin de bien connaître, par ce rapport, les griefs, les vœux, les reproches du peuple, et de mesurer les forces à la nature du danger.

1977. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

« Le pape Alexandre avait décidé de le faire décapiter, mais Farnèse, qui le sut, fit dire en secret à Pietro Careluzzi de venir avec plusieurs chevaux, corrompit ses gardes à force d’argent, et, tandis que le pape était à la procession le jour de la fête, on le fit descendre dans une corbeille, et on le sauva ainsi ; car, dans ce temps-là, on n’avait pas encore entouré la tour des murailles dont j’ai parlé. […] Pour rétablir mes forces, j’allais prendre l’air sur les chevaux du cardinal, accompagné de deux jeunes gens, dont l’un était mon élève, et l’autre mon ami. […] Il est vrai que le proverbe dit qu’à force d’aller on rencontre le mauvais pas, mais les malheurs n’arrivent jamais de la même manière. » VI Benvenuto se livra alors tout entier à son génie et à sa verve. […] Obligé de combattre contre tant d’accidents imprévus, mes forces ne purent plus y résister, et je fus saisi d’une grosse fièvre qui m’obligea d’aller, tout désespéré, me jeter sur mon lit, après avoir renouvelé mes avertissements à mes gens, qui étaient au nombre de dix, et surtout à Bernardino, mon premier garçon, auquel je dis : Observe bien tout ce que j’ai ordonné de faire ; car je sens le plus grand mal que j’aie jamais éprouvé ; il me semble que je vais mourir. […] Je lui dis ensuite : Mon glorieux maître, vrai rémunérateur des talents et de ceux qui les professent, je vous demande un congé de huit jours, pour un pèlerinage que je veux faire, afin de remercier Dieu, qui m’a prêté son secours, et m’a donné assez de force pour venir à bout de ma statue.

1978. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Ainsi, lorsque sous des conditions de vie changeantes un organe autrefois utile devient d’une moins grande utilité, la sélection naturelle s’empare des tendances de résorption, si légères qu’elles soient, qu’il manifeste, parce qu’il doit être avantageux à chaque individu de l’espèce de ne plus perdre autant de forces nutritives à construire un organe inutile. […] Dans la lutte que chaque être doit soutenir contre d’autres êtres, ces Protéolepas ainsi modifiés devaient avoir plus de chance que les autres de l’emporter, ayant à perdre une moins grande quantité de forces nutritives au développement d’organes devenus inutiles à leur conservation. […] Cette tendance à revêtir un pelage rayé se manifeste avec plus de force encore chez les hybrides provenant de plusieurs espèces trèsdistinctes. […] Les habitudes en produisant des différences de constitution, le fréquent usage des organes en leur donnant plus de force et de développement, et leur défaut d’exercice en les affaiblissant, semblent avoir eu des effets beaucoup plus puissants. […] Ne semble-t-il pas que la grande variabilité des caractères sexuels secondaires, évidente surtout chez le sexe mâle où ils sont plus marqués, peut provenir de ce que la force d’atavisme ou tendance héréditaire est, en général, plus grande chez les femelles, tandis que les mâles sont généralement plus variables, comme l’exprime cet axiome des éleveurs et horticulteurs : le mâle donne la variété, la femelle donne la race ?

1979. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

que les arts parviennent à leur élevation par un progrès subit, et que les effets des causes morales ne les sçauroient soûtenir sur le point de perfection où ils semblent s’être élevez par leurs propres forces. voilà ma premiere raison pour montrer que les hommes ne naissent pas avec autant de génie dans un païs que dans un autre, et que dans le même païs ils ne naissent pas avec autant de génie dans un temps que dans un autre temps. […] Leurs vers n’ont ni le nombre ni la force de ceux qui furent faits sous le regne d’Auguste. […] On peut dire quelque chose d’approchant de Dion et d’Herodien, qui écrivirent sous Alexandre Severe et sous Gordien Pie, mais on ne compare pas ces historiens pour l’art d’écrire avec force comme avec dignité, pour l’art de peindre les grands évenemens à Thucidide et à Herodote. […] Il semble que la nature ait une force dans la Grece qu’elle n’a pas dans les autres contrées, et qu’elle y donne plus de substance aux alimens et plus de malignité aux poisons. […] Quel homme eut été le maréchal De Guebriant sans la mort prématurée qui l’enleva dans la force de son âge ?

1980. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

En vain s’imaginerait-on que le talent facile et si commun de faire de mauvais ouvrages, qu’on appelle du terme honnête d’ouvrages de société, fût un titre suffisant pour acquérir les qualités de juge : ce n’est qu’en faisant usage de toutes ses forces qu’on peut parvenir à bien connaître les secrets de l’art, encore ce don n’est-il rien moins que prodigué par la nature ; or pour déployer tous les efforts dont on est capable, ce n’est pas à un petit cercle d’amis ou de complaisants adulateurs qu’il faut se borner lorsqu’on écrit : il faut ou se produire au grand jour, ou travailler du moins comme si on y devait paraître. […] Un homme qui se sent digne par ses talents et son génie de devenir célèbre, n’a qu’à laisser faire la voix publique, ne point s’empresser à lui dicter ce qu’elle doit dire, et attendre, si l’on peut parler ainsi, que la renommée vienne prendre ses ordres ; bientôt elle imposera silence à toutes les voix subalternes, comme la force du son fondamental dans un bel accord anéantit toutes les dissonances qui tendent à altérer son harmonie. […] Les gens de lettres qui font leur cour aux grands, forment différentes classes ; les uns sont esclaves sans le sentir, et par conséquent sans remède ; d’autres s’indignant du personnage désagréable auquel on les force, ne laissent pas de le supporter constamment par l’avantage qu’ils se flattent d’en retirer pour leur fortune ; c’est leur faire grâce que de les plaindre : ils pourraient facilement se convaincre, par eux-mêmes, que ce moyen de parvenir à la fortune est encore plus long qu’il n’est sûr, et considérer par combien de complaisances ou de bassesses ils achètent le plus petit service. […] Ce doit être néanmoins une consolation pour les talents persécutés, que de voir avec quelle satisfaction le public se plaît à casser les arrêts des prétendus gens de goût ; c’est presque une chute sûre pour un ouvrage que leur estime ; ils croient, en annonçant les talents de leurs protégés, inspirer pour eux une prévention favorable ; la nation au contraire, pour qui toute occasion d’exercer sa liberté est précieuse, et qui s’aperçoit qu’on veut surprendre ou enlever de force son suffrage, se trouve dès là moins disposée à l’accorder. […] C’est elle et non la fortune qui force un grand homme à l’être.

1981. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Par là il est préservé des folies contemporaines, et il garde, pour l’âge viril, le trésor de ses forces. […] Ils savent d’instinct et par l’histoire que toujours, en dépit des apparences, leur pays a été un pays de liberté, et que personne n’est de force ni d’humeur à y empêcher le contrôle. […] Le matin du 2 Décembre, je venais d’apprendre l’envahissement par la force armée et l’évacuation de l’Assemblée constituante. […] J’appelais ambition, envie, convoitise, la prétendue force des choses qui avait fait des Girondins des régicides sans conviction. […] Mais sachant à quel cœur j’ai affaire, force m’est bien de me dire que, si chez M. 

1982. (1913) Poètes et critiques

La Mer a donné lieu au tour de force inverse. […] Chez ces braves gens, si simplement et si cordialement hospitaliers, sur le plateau fertile et verdissant, balayé d’air pur, pénétré de fine lumière, il retrouva bientôt les forces, la santé, la belle humeur, la joie de respirer plus librement et le besoin d’écrire encore ou, pour mieux dire, de chanter. […] À cet ascendant de la personne, au charme du regard ouvert, lumineux et direct, aux caresses de la voix chaude, enveloppante, se joignaient toute la force des convictions, toute la précision des jugements, toute l’élévation de la pensée. […] La grande réserve de forces du pays, M.  […] Loin de se mortifier et de s’appesantir dans un nouveau mode de vie, d’où est exclu cet élément perturbateur, et ruineux des forces de l’esprit, l’ivresse, l’imagination créatrice prend une acuité d’expression qu’elle n’avait pas jusqu’ici, — au moins à ce haut point, — manifestée.

1983. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il a pu se tromper sur ses forces, non sur ses goûts, sur la direction instinctive de son esprit. […] Bientôt, du reste, ayant repris des forces et de l’appétit, il retourne, en se réclamant cette fois de Virgile, à d’autres oaristys. […] Si l’on voulait à toute force le ranger parmi les réalistes, il faudrait reconnaître qu’il en est l’un des plus fastueux. […] L’effort est trop violent pour des forces trop amollies. […] Et pourquoi veut-il à toute force avoir un système ?

1984. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Il faut, pour prendre sa part des divertissements populaires, une force d’Ame que je n’ai pas. […] Les deux sous jetés dans le tronc, vous tirez une poignée, et une aiguille vous renseigne sur votre force musculaire. […] Les enfants d’aujourd’hui sont d’une telle force qu’ils font souvent des mots d’enfants qui ressemblent à des mots d’auteurs. […] Mais le malheureux avait trop présumé de ses forces. […] Je crois plutôt qu’à force d’exprimer des sentiments violents, de mimer les drames sanguinaires de M. 

1985. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Une trêve pendant laquelle les combattants reprenaient des forces. […] Elle est restée aussi loin de la grâce et du naturel d’une femme, que de la force de pensée d’un homme. […] Christine de Pisan voulut aller plus haut que Froissart, et n’eut pas la force de s’élever jusqu’à Comines ; elle n’eut donc que de l’ambition. […] On ne peut trop admirer avec quelle haute convenance et quelle force de raison il parle de Charles le Téméraire et des causes de la ruine de la maison de Bourgogne.

1986. (1914) Boulevard et coulisses

Cet écrivain était Étienne Grosclaude, et il fut un des premiers pour qui le journalisme, tout en conservant sa verve d’actualité, sa force satirique, sa manière légère, devenait en même temps une des catégories de la littérature. […] Il possédait déjà cette lucidité profonde des caractères et des mœurs qui est la force de son théâtre, et il l’appliquait aux physionomies de l’heure, aux gens que l’actualité rapide mettait en lumière. […] Sans être profonde, cette influence est réelle ; et on doit y avoir d’autant plus garde qu’elle s’exerce avec autrement de force dans le mal que dans le bien. […] Je bois à votre association, mes chers camarades, à la force qu’elle représente, aux espérances qu’elle contient.

1987. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

On comprend si peu cette loi, que j’ai vu souvent des gens ne pouvoir revenir de l’étonnement que leur causait l’extinction de géants de l’organisation, tels que le Mastodonte ou le Dinosaure, comme si la seule force physique suffisait à donner la victoire dans la bataille de la vie. […] En comparant nos Graminées, nos Liliacées, et nos Malvacées aux Bambous, aux Palmiers et aux Baobabs des tropiques, il semble que chez nous le nombre des individus croisse en raison inverse de leur taille, que la force collective remplace la force individuelle, et que la faculté de vivre de peu se soit substituée à la richesse des formes et à la luxuriance des proportions. […] N’est-ce pas une loi générale dans la nature organique que la vigueur, la force, la grandeur des proportions individuelles soit pour l’espèce elle-même un signe de vitalité, de jeunesse, de progrès, d’exubérance expansive ; tandis que l’exiguïté de ces mêmes proportions, la perfection microscopique des organes, le même dessin exécuté avec moins de matière témoigne de leur période de dégénérescence ?

1988. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Enfin il y a longtemps que Ribot avait donné à la thèse des deux images une très grande force en supposant une espèce d’hallucination consécutive à la perception et plus intense qu’elle . l’hallucination rejetterait la perception au second plan avec le caractère effacé des souvenirs 44. […] Mais si, dans le domaine de l’esprit, la maladie n’est pas de force à créer quelque chose, elle ne peut consister que dans le ralentissement ou l’arrêt de certains mécanismes qui, à l’état normal, en empêchaient d’autres de donner leur plein effet. […] Mais la quantité, à son tour, peut être extensive ou intensive, car l’image comprend un nombre déterminé de parties, et elle présente un certain degré de force. […] La fausse reconnaissance résulte du fonctionnement naturel de ces deux facultés livrées à leurs propres forces.

1989. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il n’est pas permis de soupçonner les intentions des hommes qui se font mutuellement du bien. » Il y a aussi dans sa manière quelques traits de force et d’énergie. […] Sanchez était naturellement faible, non de cette faiblesse qui se prête aux impressions du vice et qui fait oublier la vertu, mais de celle qui se laisse accabler par le malheur et qui reste sans force au milieu de l’infortune.

1990. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Il se hasarde de propos délibéré, à la tête d’une centaine de gens de pied, pour protéger la retraite de la cavalerie qui s’était imprudemment engagée, et à force d’audace, de ténacité, de ruse, de tours et de retours, il parvient non seulement à sauver les autres, mais à se sauver lui-même le dernier. […] Il resta longtemps malade, alité, écorché au vif tout le long du dos à force d’être immobile ; puis, quand il fut debout, il eut à passer deux ou trois ans encore avant de pouvoir entièrement guérir ; mais il sauva son bras et aussi sa carrière d’homme de guerre.

1991. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Ayant entendu le 8 décembre 1700, jour de la Conception, le sermon du père Maure de l’Oratoire prêché aux Récollets de Versailles, « notre prélat en a loué, dit Le Dieu, la pureté du style, la netteté, les tours insinuants et pleins d’esprit ; mais il n’y a trouvé ni sublimité ni force ; il le tient même au-dessous de son confrère le père Massillon. » Mais ce n’est pas un jugement définitif, et l’on voit que, le vendredi 4 mars 1701, « il entendit à Versailles le sermon de la samaritaine prêché par le père Massillon, dont il fut très content. » Toutefois, il reste vrai pour nous que Bossuet et Massillon ne sont pas tout à fait de la même école d’éloquence sacrée, Bossuet étant de ceux qui y veulent à chaque instant la parole vive, et Massillon au contraire disant, quand on lui demandait quel était son meilleur sermon : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. » Les jugements de Bossuet sur Fénelon sont encore plus sévères, et ils sont décidément injustes. […] Nous assistons, grâce au journal de Le Dieu, aux derniers sermons de Bossuet, qu’il prêche à l’âge de soixante-quatorze et soixante-quinze ans : le 1er novembre 1701, jour de la Toussaint, « il recueille les restes de ses forces pour exciter les cœurs à l’amour de Dieu, dans un sermon de la béatitude éternelle. » Une autre fois, le 2 avril 1702, dimanche de la Passion, il fait un grand sermon dans sa cathédrale pour l’ouverture du jubilé : Il réduit tout à ce principe : Cui minus dimittitur, minus diligit, que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion.

1992. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] Mais comme il est impossible à un fils de famille de prendre des engagements de cette force, c’est une proposition à se faire berner et très digne de risée.

1993. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Insistant sur cette nature première, toute de dévouement, qu’il se plaisait à contempler en elle et que la société, selon lui, méconnaissait en n’y voulant voir que désir de plaire et coquetterie, il lui disait encore : Vous étiez primitivement une Antigone, dont on a voulu, à toute force, faire une Armide. […] Il y avait plus de nuances que d’éclat ; l’esprit y était fin et doux, — couleur gris de perle, si l’on voulait à toute force lui trouver une couleur.

1994. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Chauvelin, s’il comptait pour son retour sur ces batteries qu’il a dressées, mais qu’il ne dirige pas, se méprendrait étrangement ; que tout ce parti de Mlle de Charolais et de Mme de Mailly n’a pas de force ni de consistance, et que, de ce côté aussi, tout se passe en velléités d’ambition, en désirs sans suite et non concertés. […] Mme de Vintimille, liguée avec Mme de Mailly, ne s’était jamais senti de force à faire ce coup d’État dans l’âme du roi, et un jour qu’en une circonstance critique Mme de Mailly et elle avaient essayé de lutter directement contre l’influence du cardinal, au moment même de réussir sur l’objet en question, elles virent en définitive qu’il fallait céder, et Mme de Vintimille dit fort sensément à sa sœur : « Nous pourrions peut-être l’emporter aujourd’hui sur le cardinal, mais il est absolument nécessaire au roi, et nous serions renvoyées dans trois jours. » Mme de La Tournelle tenta hardiment l’aventure : l’eût-elle emporté si le cardinal eût vécu ?

1995. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

C’est de la force, et la force, partout où elle se rencontre, paraît à son avantage au milieu de la faiblesse universelle qui nous environne. » Ses passions, à lui, se réduisaient pourtant à une seule, et il nous la déclare : « On veut absolument faire de moi un homme de parti, et je ne le suis point (il écrivait cela en mars 1837, après son premier grand succès).

1996. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Ce général, chargé d’envahir le comté de Nice et de défendre la frontière contre les Piémontais et les Autrichiens, avait fait d’emblée la partie facile de sa tâche, la conquête du comté ; mais il s’y était tenu, ne se sentant pas la force de rien tenter de considérable au-delà. […] Sans doute un homme, un guerrier mort à trente ans n’a pas donné sa mesure : il ne l’a pas donnée pour tous ses talents et ses mérites, pour tout ce qui s’acquiert par l’expérience ; mais comme génie, comme jet naturel, il s’est montré dans sa force d’essor, dans sa portée et sa visée première, s’il est à l’œuvre depuis déjà cinq ou six années.

1997. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Par malheur, le gouvernement qui régissait alors la France ne présentait plus qu’un simulacre d’autorité ou de liberté, et n’était de force à relever et à maintenir résolûment ni l’une ni l’autre. « Les messieurs sont divisés entre eux », écrivait Bonaparte à Joubert, à la veille du retour. […] Conservez cet esprit d’union et de discipline qui fera notre force et qui assure à tous les Français le maintien d’un gouvernement libre, et le respect des personnes et des propriétés.

1998. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Je force à peine l’expression. […] Partout chez lui domine la préoccupation d’une fausse noblesse de l’homme, qui le stérilise, le mutile, le met à la diète, au sein de l’immensité des choses, et l’empêche de se servir de toutes les forces généreuses qu’il possède véritablement. — Mais c’est qu’il est pour l’idéal, M. de Laprade !

1999. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Et ne dites point, je vous prie, que c’est avec la force que lui, catholique, fit alliance à ce moment ; ou bien ajoutez que ce fut avec la force vive et le cœur même du pays.

2000. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

On vécut là-dessus, et les corrections littéraires du chevalier, ajoutées aux suppressions et aux retranchements que Mme de Simiane avait cru devoir faire en vue de la morale et de la société, eurent force de loi. […] Elle ne se paye pas de feintes et de faux-fuyants, elle pousse sa botte à fond ; elle lui fait sauter l’épée des mains, au moment où il ne s’y attend pas, elle le force à demander merci à genoux.

2001. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

About ne m’ont-elles pas sauté aux yeux et pris de force ? […] C’est une marotte de notre temps de vouloir à toute force croire et de ne pouvoir.

2002. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Le duché de Varsovie appartenait entièrement au système de la France ; il était son avant-garde du côté de la Russie ; ses moyens, son armée, devenaient nôtres par la force des choses ; et, s’il ne se suffisait pas à lui-même, il nous fallait y suppléer. » Il nous expose l’état du gouvernement, à cette date, dans le grand-duché, et il nous en décrit le personnel en parfaite connaissance de cause. […] Une grande richesse d’imagination, une logique serrée et toujours éblouissante, plus de force et de facilité que de correction dans la diction, une conversation entraînante, des manières à la fois distinguées et insinuantes, tels étaient les moyens sur lesquels s’appuyaient ses espérances et son ambition.

2003. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il put rêver à cette heure un grand rôle, et il espéra, un moment, pouvoir prendre sur le vieux et digne monarque un ascendant qui ne fut accordé à personne, et que déjouait une force d’inertie et de routine, la plus sourde de toutes. […] L’opinion prit alors ce caractère énergique qui la rend maîtresse des événements ; et c’est ainsi que le grand mouvement qui a abattu la puissance gigantesque créée par la Révolution, loin de démentir l’esprit primitif de celle-ci et le génie du siècle, n’a fait que déployer le principe fondamental de l’une et de l’autre, sous de plus nobles auspices et dans une direction plus heureuse. » Quand il écrivait ainsi, M. de Senfft était encore libéral, et il avait foi encore en l’avenir des peuples. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine.

2004. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Pourtant comme, en fait de personnes du sexe, la force et la grandeur ne sont pas tout, je ne saurais pour ma part pousser la préférence jusqu’à l’exclusion. […] Il y a bien de la force dans ce peu d’effort.

2005. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Un organisme critique véritable ne peut plus se compromettre et se gaspiller en des articulets hâtifs ; il lui faut ou se taire, ou aborder de suite les hautes régions contemporaines de l’essai, de ce genre admirable, presque abandonné en France, et que la force des choses va y remettre en honneur. […] L’essayiste peut être, dans l’afflux multiple des trésors apportés par les tempéraments et les vocations dans une littérature, l’homme sage qui classe les richesses, définit les forces, clarifie les notions, dégage de leur gangue les trouvailles de l’instinct, précise la signification morale des œuvres, indique à l’humanité quels bienfaits nouveaux sont nés pour elle du labeur humain.

2006. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Si ses vers n’ont point l’énergie abrupte et la belle violence colorée qui particularisent les Débâcles, leur grâce plus humaine, leur élégance de courbes infléchies s’effacent parfois pour un élan direct, qui a peut-être une force égale. […] Vielé-Griffin sacrifie à l’expression directe plus souvent qu’il ne faudrait ; il ne s’abaisse pourtant jamais à copier la nature, mais il l’imagine à nouveau, je crois, et recrée tel détail qu’il exprime avec force et fidélité.

2007. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Leconte de Lisle, Heredia, Coppée, Dierx, Mendès, Mallarmé possédaient de la prosodie tous les tours, et au besoin les tours de force. […] Les mots frappent, divertissent, etc., nos sens, puis imposent des phénomènes spirituels, cela de toute la force de la langue et de lâ lexicographie.

2008. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Des milliards de globes, doués de vie comme elle, circulent à travers l’espace, aspirés par une force mystérieuse, plus puissante que celle du Jéhovah de la Bible, confiné à notre seul horizon. […] Ils lisaient fiévreusement jusqu’à une heure fort avancée die la nuit ; mais tandis que Barrès, épuisé par cette longue suite d’incantations lyriques, et cédant au poids de la fatigue, cherchait à recréer ses forces dans le sommeil, Stanislas de Guaita, « qui avait une santé magnifique et qui en abusait, allait voir les vapeurs se lever sur les collines qui entourent Nancy, et, quand il avait réveillé la nature, il venait réveiller son compagnon en lui récitant des vers de son invention ou quelque pièce fameuse rencontrée au hasard d’une lecture ».

2009. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Dans cette demi-retraite, qui avait un jour sur le couvent et une porte encore entrouverte au monde, cette ancienne amie de M. de La Rochefoucauld, toujours active de pensée, et s’intéressant à tout, continua de réunir autour d’elle, jusqu’à l’année 1678, où elle mourut, les noms les plus distingués et les plus divers, d’anciens amis restés fidèles, qui venaient de bien loin, de la ville ou de la Cour, pour la visiter, des demi-solitaires, gens du monde comme elle, dont l’esprit n’avait fait que s’embellir et s’aiguiser dans la retraite, des solitaires de profession, qu’elle arrachait par moments, à force d’obsession gracieuse, à leur vœu de silence. […] Pourtant, comme on ne peut bien comprendre le caractère et le doux génie de Mme Récamier, cette ambition de cœur qui, en elle, a montré tant de force et de persistance sous la délicatesse ; comme on ne peut bien saisir, disons-nous, son esprit et toute sa personne sans avoir une opinion très nette sur ce qui l’inspirait en ce temps-là, et qui ne différait pas tellement de ce qui l’inspira jusqu’à la fin, j’essaierai de toucher en courant quelques traits réels à travers la légende, qui pour elle, comme pour tous les êtres doués de féerie, recouvre déjà la vérité.

2010. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Je suis certain que, doué comme il l’était d’une force originale et d’un génie propre, même en débutant plus simplement et sans viser tant à se singulariser, il fût bientôt arrivé à se distinguer manifestement des poètes dont il repoussait le voisinage, et dont le caractère sentimental et mélancolique, solennel et grave, était si différent du sien. […] Mais, à force d’en parler, de s’en donner le désir et le tourment, patience !

2011. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

C’est le charmeur aux naïvetés savantes, l’homme de Plutarque et de Longus également, Amyot, digne du regard des Muses et du sourire de Chloé ; c’est Rabelais qui relie l’Antiquité au Moyen Âge et le banquet de Xénophon ou d’Athénée aux orgies de la Mère Sotte et de la fête de l’âne, Rabelais monstrueux mais tout-puissant et qui, débordant de sagesse et de folie, paraît moins un écrivain qu’un génie et moins un génie qu’une force jaillissant du sein de la nature. […] Dans les œuvres de nos illustres pères le Vrai, c’est-à-dire la poursuite de la tolérance, la réclamation de toute l’égalité possible, l’ambition de la paix et de la fraternité, se personnifia avec une telle force, un tel éclat, que de tous les côtés de l’Europe les regards se portèrent encore non plus sur Versailles mais sur Paris.

2012. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Joints ensemble, ils feront ce qu’un seul n’auroit pû faire, et ils exprimeront ainsi l’idée du poëte dans toute sa force. […] sumite materiam vestris, qui scribitis, aequam viribus. soit que vous vouliez peindre, soit que vous vouliez composer des vers, aïez autant d’attention à choisir un sujet qui convienne au pinceau, si vous voulez faire un tableau, et qui convienne, pour ainsi dire, à la plume si vous êtes poëte, qu’à le choisir convenable aux forces de votre genie particulier et proportionné avec vos talens personnels.

2013. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Il y là une ivresse de force bien compréhensible, que les nécessités européennes modéreront peu à peu. […] Qui pourrait triompher contre la force d’une idée ?

2014. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Le but essentiel de ceux qui s’aiment est de créer et de connaître ensemble, par la conjonction physique et charnelle, l’élan vers la mort, vers la dépersonnalisation intense : et comme leurs forces physiques leur défendent la constance de cet élan vers lequel ils tendent sans cesse, leurs existences ne sont que des conversations reliant quelques instants de vertige suprême. " le caractère tragique de Don Juan implique une grande puissance de cristallisation instantanée jointe à une impuissance à cristalliser dans le temps. […] Mauclair a montré avec beaucoup de force et d’éloquence que la réalité en amour c’est le couple et non l’individu.

2015. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Il nous force à conclure que l’excuse de Bossuet c’est que plus tard il devint fénelonien. […] Nous sommes parfaitement d’accord quant à la nécessité d’atteindre en nous les forces obscures, génératrices de poésie. […] La force brutale n’agit plus. […] Au cours de ses conclusions, Drieu, plein d’un respect toujours naïf devant la force, qu’elle soit représentée par Lénine ou par M.  […] La force de Lausanne est d’être un grand marché ; sa politique cantonale est toute paysanne.

2016. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Emma Bovary est dans le microcosme d’Yonville la petite force indisciplinée et passive qui doit nécessairement être vaincue. […] C’est la force de ce nombre et l’énergie de cette lutte qui font de lui, avec La Bruyère, le maître certain de la coupe : je crois que nous sommes d’accord là-dessus. […] Un héros de légende comme Roland n’acquiert son immense popularité que si ce héros est, « pour ainsi dire, la projection d’une certaine quantité de forces vives, accumulées en nous, sur un objet capable d’accomplir, dans le domaine moral, une tache, un devoir qui nous paraît être au-dessus de nos forces, des forces du sujet », ce qui signifie simplement qu’un héros est l’idéal d’un pays ou d’un temps, et que ni les divers pays ni les divers temps n’ont les mêmes idéaux, et tout cela on n’avait pas attendu la psychanalyse pour le savoir et le dire. […] Cet inconscient représentait probablement chez Victor Hugo une force admirable et hors de proportion avec celui de n’importe quel poète français. […] Le président du Grammaire-Club cite d’après Taine cette phrase de Maine de Biran : « Il y a immédiation entre l’aperception de la force constitutrice du moi et l’idée de la notion de mon être au titre de force absolue, par la même raison que je pense et entends la réalité absolue de mon être de la même manière que j’aperçois immédiatement l’existence individuelle ou actuelle du moi. » Taine, que la pédanterie de Maine de Biran mettait fort en colère, traduisait cela de la sorte : « Apercevant la volonté, force efficace qui est moi-même, je sais directement et sans raisonnement qu’il existe une force, laquelle est moi. » Mais si la traduction est en effet pure de tout langage technique, de toute pédanterie, elle est vidée aussi complètement du sens que présentait tout de même à un philosophe disgracieux le charabia de Biran.

2017. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Le frère de l’abbé, doué comme celui-ci d’une force herculéenne, était dans mes montagnes une espèce de Rob Roy, la terreur des gendarmes et la providence des émigrés.

2018. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

A force toutefois de savoir le chemin, Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage Que le premier automne a privé du feuillage, Et qui, timidement laissant les vastes bois, Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ; Si quelque jeune fille, âme compatissante, Lui jette de son pain la miette finissante, Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant, Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ; Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée : Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ; Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ; Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ; Et si, quand février d’un rayon se colore, La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore Essaye un pot de fleurs au soleil exposé.

2019. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Ce qui est simple repose la pensée, et lui donne de nouvelles forces ; mais ce qui est bas pourrait ôter jusqu’à la possibilité de reprendre à l’intérêt des pensées nobles et relevées.

2020. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Enfin lasse d’aller sans finir sa carrière,            D’aller sans user son chemin, De pétrir l’univers, et comme une poussière,            De soulever le genre humain, Les jarrets épuisés, haletante, et sans force,            Prête à fléchir à chaque pas, Elle demanda grâce à son cavalier corse :            Mais, bourreau, tu n’écoutas pas !

2021. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Et quelle force le vers ajoute à l’idée, quand il est frappé au bon coin !

2022. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Méprisant pour soi et pour autrui toute la vile arithmétique des plaisirs et des douleurs, il affirme l’impuissance de la force, la naïveté de la ruse, la pauvreté de l’argent.

2023. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

On fut étonné de cette force majestueuse dont il a décrit les mœurs, le Gouvernement, l’accroissement & la chute des grands Empires, & de ces traits rapides d’une vérité énergique dont il peint & dont il juge les Nations.

2024. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

M. de Chassiron s’est élevé avec force contre cette innovation théatrale, & a eu pour lui M. de Voltaire, qui se trouvoit même intéressé à la défendre, parce qu’il s’étoit laissé aller au torrent comme les autres.

2025. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Il faut, pour être assuré de toujours plaire, s’attacher à des ressorts plus essentiels & plus solides, c’est-à-dire, à ce naturel qui survit à tout, à cette chaleur vivifiante, à ce moëlleux séduisant & flatteur, qui naissent de la force du sentiment, & que l’esprit ne sauroit jamais suppléer.

2026. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Liste des écrivains » pp. 547-563

[Veron de] 322 Force.

2027. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

A la facilité de saisir, dans les objets, les rapports les plus éloignés, il réunit le mérite de penser avec noblesse & de peindre avec force.

2028. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Tous ont combattu, tous ont fait l’effort, tous sont vainqueurs ; qu’ils aient combattus par les idées ou par la force sans comprendre bien, suivant leurs moyens, admirons-les !

2029. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Il est si vrai que le christianisme jette une éclatante lumière dans l’abîme de nos passions, que ce sont les orateurs de l’Église qui ont peint les désordres du cœur humain avec le plus de force et de vivacité.

2030. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Il n’y a pas jusqu’à cet œil effroyable dont Théocrite n’ait su tirer un trait touchant : tant est vraie la remarque d’Aristote, si bien rendue par ce Despréaux, qui eut du génie à force d’avoir de la raison : D’un pinceau délicat l’artifice agréable Du plus affreux objet fait un objet aimable.

2031. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

L’innocent artiste se laisse vaincre à force d’instances, et, tandis qu’il travaillait, l’artiste jaloux exécutait le même ouvrage de son côté.

2032. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Je n’entens pas ici par impossible ce qui est au-dessus des forces humaines, mais ce qui paroît impossible, même en se prêtant à toutes les suppositions que le poëte sçauroit faire.

2033. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Je conclus donc, en me servant des paroles de Tacite, que le monde est sujet à des changemens et à des vicissitudes dont le période ne nous est pas connu, mais dont la révolution ramene successivement la politesse et la barbarie, les talens de l’esprit comme la force du corps, et par-consequent les progrez des arts et des sciences, leur langueur et leur déperissement, ainsi que la révolution du soleil ramene les saisons tour à tour.

2034. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Il arrive sans cesse qu’une chose, tout en étant nuisible par certaines de ses conséquences, soit, par d’autres, utile ou même nécessaire à la vie ; or, si les mauvais effets qu’elle a sont régulièrement neutralisés par une influence contraire, il se trouve en fait qu’elle sert sans nuire, et cependant elle est toujours haïssable, car elle ne laisse pas de constituer par elle-même un danger éventuel qui n’est conjuré que par l’action d’une force antagoniste.

2035. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

Cette dernière était si jolie que son frère craignit que le roi ne la lui enlevât de force.

2036. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Étaient-ce de pareils hommes dont nous attendions les biographies, quand l’illuminisme a pour représentants dans le monde des esprits de la force de Raimond Lulle, d’Albert le Grand, de Roger Bacon, de Paracelse, de Cardan, de Van Helmont, d’Agricola, du Cosmopolite, de Price, de Swedenborg, de Bœhm, de Saint-Martin, etc., etc. ?

2037. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Cette main, qui n’a pas l’adorable tournure de la main des maîtres, a des muscles et des veines, et sa force, on la sent, même quand elle est gauche ou brutale.

2038. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Peintes par un homme de talent qui, sans être austère, aurait eu le chaste pinceau de la force, quelle galerie magnifique elles auraient formée devant le petit Panthéon de terre cuite de Michelet !

2039. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

À cette époque, il est vrai, l’Amérique n’avait pas encore publié la Case de l’Oncle Tom, mais cet ouvrage, qui est moins un livre qu’autre chose, serait-il même un livre grand comme sa renommée, qu’un livre isolé ne prouve rien de plus que la force individuelle de celui qui l’a écrit, et la littérature américaine n’en resterait pas moins une littérature d’avortement, l’amas confus d’organes ébauchés qui ne constituent pas la vie.

2040. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il se retira dans la solitude, afin d’y méditer une vengeance et d’y reprendre des forces pour de nouveaux combats. […] Mais un tel prodige de désintéressement est au-delà des forces humaines. […] Nous n’avons pas eu de printemps, et nous voilà sans force, sans espoir, sans souvenirs, au seuil de l’âge mûr. […] Il fallait mettre les gêneurs à la porte et employer la force au besoin. […] L’impératrice fut embarquée de force.

2041. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Némésis, c’est la force divine qui réprouve et qui punit l’orgueil humain et toutes les manifestations de l’orgueil humain. […] On pourra dire qu’il a, au premier acte, des accents d’une force et d’une ampleur qui surprennent fort venant d’un vieillard affaibli et accablé par le malheur. […] C’est un conflit, c’est une lutte, c’est une bataille où il s’agit de savoir laquelle des forces en présence et en opposition finira par l’emporter. […] Elle y tâche au moins de toutes ses forces, elle y arrive presque, ma foi, et personne ne lui en veut de n’y point venir absolument. […] Celle-ci pourra céder à celle-là ; mais immédiatement après elle se relèvera tout entière et reprendra toute sa force ; etc.

2042. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Faguet, avec et par des traits qui ne manquent ni de sûreté, ni de force, ni même de profondeur. […] Cet habit est une force… » À moins qu’on n’aime mieux en rapprocher celle-ci : « Nos rois… n’ont pas l’habit seulement, ils ont la force. […] Ni en force, ni en intelligence, ni en courage nous ne sommes tous égaux ; à peine même peut-on dire que nous le soyons en besoins. […] Taine de s’être enfoncé dans la recherche des Origines de la France contemporaine, au lieu d’employer son temps, son talent, et ses forces, à commenter l’épopée naturaliste des Rougon-Macquart. […] Tout tient à tout, nous ne l’ignorons pas ; et, de la critique en particulier nous pouvons dire qu’elle n’a de nos jours, en cette fin de siècle, d’autre limite à ses ambitions que celle même de ses forces.

2043. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

On peut affirmer sans crainte qu’une force réelle se cache toujours sous une réaction si complète contre le destin. […] Il y a là une habileté, une verve, une force très grandes qui devaient faire espérer des œuvres futures plus remarquables encore. […] Doré, il y a encore là, et toujours, trop de force. […] Puisse-t-il trouver faveur devant les hommes en laissant à leur développement naturel la force et l’énergie d’une nation libre ! […] Je ne vois guère que M. le marquis de Boissy qui serait capable de ce tour de force-là.

2044. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Seulement l’art, dans la force de génération qui lui est propre, a quelque chose de fixe, d’accompli, de définitif, qui crée à un moment donné et dont le produit ne meurt plus ; qui ne varie pas avec les niveaux ; qui n’expire ni ne grossit avec les vagues ; qui ne se mesure ni au poids ni à la brasse, et qui, au sein des courants les plus mobiles, organise une certaine quantité de touts, grands et petits, dont les plus choisis et les mieux venus, une fois extraits de la masse flottante, n’y peuvent jamais rentrer. […] Diderot fut cet homme ; Diderot, riche et fertile nature, ouverte à tous les germes, et les fécondant en son sein, les transformant presque au hasard par une force spontanée et confuse ; moule vaste et bouillonnant où tout se fond, où tout se broie, où tout fermente ; capacité la plus encyclopédique qui fût alors, mais capacité active, dévorante à la fois et vivifiante, animant, embrasant tout ce qui y tombe, et le renvoyant au dehors dans des torrents de flamme et aussi de fumée ; Diderot, passant d’une machine à bas qu’il démonte et décrit, aux creusets de d’Holbach et de Rouelle, aux considérations de Bordeu ; disséquant, s’il le veut, l’homme et ses sens aussi dextrement que Condillac, dédoublant le fil de cheveu le plus ténu sans qu’il se brise, puis tout d’un coup rentrant au sein de l’être, de l’espace, de la nature, et taillant en plein dans la grande géométrie métaphysique quelques larges lambeaux, quelques pages sublimes et lumineuses que Malebranche ou Leibnitz auraient pu signer avec orgueil s’ils n’eussent été chrétiens84 ; esprit d’intelligence, de hardiesse et de conjecture, alternant du fait à la rêverie, flottant de la majesté au cynisme, bon jusque dans son désordre, un peu mystique dans son incrédulité, et auquel il n’a manqué, comme à son siècle, pour avoir l’harmonie, qu’un rayon divin, un fiat lux, une idée régulatrice, un Dieu85. […] Mais le jeune Diderot sentait déjà ses forces, et une vocation irrésistible l’entraînait hors des voies communes.

2045. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Son maléfice était certain, sa force était inévitable. […] Le poète se complaît à peindre en eux l’ostentation de la force, la pompe et la jactance de la guerre. […] — Ainsi qu’il fit au combat de Phlégra, et qu’il me perçât de toutes ses flèches, jamais il n’aurait de moi pleine vengeance. » — Alors mon guide parla d’une telle force que je ne l’avais pas encore si fortement entendu. « Ô Capanée, si ton orgueil ne fléchit pas, — Tu n’en es que plus puni.

2046. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Chamfort avait trop de ce dont Marmontel n’avait pas assez : il avait cette amertume qui accompagne souvent la force, mais qui ne la suppose pas nécessairement. […] On le voit successivement d’ailleurs s’exercer dans tous les genres convenus ; il n’a pas la force ni l’idée de les renouveler et d’en créer d’autres. […] Soutenant que son ami, malgré ses souffrances, est « un des êtres les plus vivaces qui existent » : « La ténuité de votre charpente, lui dit-il, la délicatesse de vos traits, et la douceur résignée et même un peu triste de votre physionomie, lorsqu’elle est calme et que votre tête ou votre âme ne sont point en mouvement, alarmeront et induiront toujours en erreur vos amis sur votre force. » Et il en conclut que chez lui, loin que ce soit la lame qui use le fourreau, c’est l’âme, le vis ignea qui entretient la machine : « Comment son feu intérieur ne le consume-t-il pas ?

2047. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Sieyès, cet ennemi de tout privilège et de toute aristocratie, n’avait pas moins d’éloignement pour la démocratie pure, et il croyait que l’art consistait précisément à rendre la force populaire raisonnablement applicable aux nations modernes, moyennant un système de représentation qu’il combine avec une ingéniosité infinie. […] À la suite de ces vers, où l’on reconnaît l’ami de La Fontaine, je lis, écrites de la main de Sieyès également, des pensées latines extraites de Salluste et surtout de Lucain ; entre autres : « Jusque datum sceleri » (Le crime eut force de loi), dont il a fait usage dans la Notice qu’il publia sur sa propre vie en l’an III, et cet autre passage : « … Ruit irrevocabile vulgus », qui exprime la force fatale de la démocratie triomphante.

2048. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

qui vous force à répéter, trois ou quatre fois, la même question, à laquelle il répond à la fin, avec un effort ennuyé. […] * * * Oui, je le répète, Dieu l’aurait fait mourir, comme il fait mourir tout le monde, j’aurais peut-être eu le courage de le supporter ; mais le faire mourir, en le dépouillant, petit à petit, de tout ce qui faisait en lui mon orgueil, la souffrance est au-dessus de mes forces. […] * * * Allons, c’est Pélagie qui le dit : « Il faut manger pour avoir des forces demain, pour la rude journée de demain. » * * * Devant le cadavre de celui qui m’aima tant, de celui pour lequel il n’y avait de bien et de bon, que ce qui avait été fait ou dit par Edmond, je me sens travaillé de remords pour mes gronderies, mes duretés, pour tout ce cruel et intelligent système, à l’aide duquel je croyais le relever de son atonie, et lui redonner de la volonté… Ah !

2049. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Ceux qui n’ont pas assez de force pour se refaire un avenir ferment les yeux au passé. […] Notre esprit vient se retremper dans la notion de l’infini, y prendre force et élan, comme les racines de l’arbre plongent toujours plus avant sous la terre, pour y puiser la sève qui étendra et élancera les branches dans l’air libre, sous le ciel profond. […] Ensuite il faut garder le silence : A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse… … Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté.

2050. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Il n’est pas inférieur à Bossuet, & si l’on n’y trouve pas la même force de pinceau, ni la même pompe d’expression, on en est bien dédommagé par la netteté & par la pureté du style, par la solidité du raisonnement, & par la noble indépendance des préjugés. […] Ces derniers ne parurent pas travaillés avec autant de force, de soin & d’exactitude que les premiers. […] On a cependant reproché à l’auteur d’être trop diffus & trop peu modéré dans les derniers volumes ; mais il s’éleve avec force & peut-être avec trop peu de ménagement contre les défauts des Jésuites & de leur compagnie ; il donne des éloges à la vertu de quelques-uns.

2051. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

« Ce n’est pas le destin, dit le poëte145, qui t’a fait maître des dieux, mais ton bras, la force et la puissance placées debout près de ton trône. […] Il a près de lui ses deux ministres, la Force et la Puissance, les mêmes que, dans la Grèce libre, Eschyle représente comme présidant à la vengeance exercée sur un dieu bienfaiteur de l’homme, sur le dieu philanthrope, dit le poëte, qui s’est avisé de donner au genre humain le feu et la science. […] Je ne le vois pas, car un nuage s’est arrêté alentour, et tous les mortels n’ont dans leurs yeux que des prunelles mortelles, et ils n’ont pas la force de regarder le Dieu souverain de tous.

2052. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

C’est nouveau en poésie, semble-t-il : la virginité, cet état négatif, devient ici source de rêves, de forces secrètes et cachées. […] Devant le calme front de l’Heure inévitable, Il ne me reste plus l’élan d’un jeune espoir… Sans force et sans ardeur, je m’abandonne au soir. […] Ceci explique que les poètes ne chantent jamais le bonheur dans l’amour ; mais, si l’amour les abandonne, si l’illusion qu’ils s’étaient bâtie s’effondre, ils mettent toute leur force nerveuse à reconstruire artistiquement, par le rythme de leurs vers, cet état de bonheur, même illusoire, nécessaire à leur plénitude de vie. […] Son tissu est vivant pour écouter mes veines, La sève les féconde aux réseaux de mes bras, Je sens sur tout moi-même une gloire étalée, Le baiser d’un destin prodigue et fastueux : Que de force, que de douceur y sont mêlées, Et quel frémissement me descend sur les yeux ! […] Quelle angoisse dans la force des apparences immobiles !

2053. (1923) Paul Valéry

« Je ressens, dit-il, chaque parole dans toute sa force pour l’avoir indéfiniment attendue. » Chaque parole participe de mon être profond, imprévisible, le lointain de son origine fait la force vive avec laquelle elle m’arrive. Si elle m’arrivait de plus près, d’un moi habituel, social, prévisible, elle perdrait cette force, elle serait le telum sine ictu, et, à la limite, l’épingle sur la pelote des êtres qui pensent et écrivent par clichés. […] — Que si une Raison rêvait, dure, debout, l’œil armé et la bouche fermée, comme maîtresse de ses lèvres, — le songe qu’elle ferait ne serait-ce point ce que nous voyons maintenant, — ce monde de forces exactes et d’illusions étudiées ? […] Je m’inquiète comment la nature a su enfermer dans cette fille si frêle et si fine un tel monstre de force et de promptitude. […] La réalité du poète en chair qu’il y a dans le Satyre, c’est un Hugo en un état de tension, de lucidité, de santé et de force intérieure prodigieuse, qui se trouve, un matin de printemps, devant ses piles de papier blanc, qui sait et qui sent qu’il est inspiré, qui ne sait pas ce qui sortira de son inspiration, mais qui sait qu’il en sortira quelque chose.

2054. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Il s’agit du garde des sceaux d’Argenson tel qu’il était en province dans sa jeunesse : Voici le vrai texte : Au reste, il était gaillard, d’une bonne santé, donnant dans les plaisirs sans crapule ni obscurité ; la meilleure compagnie de la province le recherchait ; il buvait beaucoup sans s’incommoder, avait affaire à toutes les femmes qu’il pouvait, séculières ou régulières, un peu plus de goût pour celles-ci… Il disait force bons mots à table, il était de la meilleure compagnie qu’on puisse être.

2055. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

La force des choses l’emporte.

2056. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Beaucoup de sensibilité, de simplicité, fait aisément pardonner çà et là moins de force et d’originalité qu’on ne voudrait.

2057. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

La douleur est fixe, et rien ne peut la déplacer qu’un événement, ou le courage ; alors que le malheur se prolonge, il a quelque chose d’aride, de décourageant, qui lasse de soi-même, autant qu’il importune les autres ; on se sent poursuivi par le sentiment de l’existence, comme par un dard empoisonné ; on voudrait respirer un jour, une heure, pour reprendre des forces, pour recommencer la lutte au-dedans de soi, et c’est sous le poids qu’il faut se relever, c’est accablé qu’il faut combattre, on ne découvre pas un point sur lequel on puisse s’appuyer pour vaincre le reste.

2058. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Des femmes pâles, échevelées, se montraient silencieuses aux fenêtres et disparaissaient ; des gémissements sourds, inarticulés, remplissaient l’air, et j’étais seul dans la rue, seul, immobile de terreur, et sans force pour chercher mon salut dans la fuite.

2059. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Il est bon d’avoir conçu le plan idéal qui convient au sujet, et d’essayer de le remplir : si l’on n’y peut parvenir, on s’efforcera d’en rapprocher le plus qu’on pourra le plan qu’on arrêtera conformément à ses forces et aux nécessités accidentelles.

2060. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Telle est de ce poème (l’églogue) et la force et la grâce.

2061. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

Théodore de Banville Tel que je l’ai vu à Nice, il y a peu d’années encore, sous le noir plafond des rosiers qui s’étendait devant sa maison, quel visage spirituel et robuste, tourmenté dans le calme, exprimant bien la force herculéenne de celui sur lequel la Sottise a toujours compté pour tuer les monstres de ses marais et pour nettoyer ses étables, en y faisant passer un furieux fleuve de bon sens, qui emporte tout dans son flot rapide et sonore !

2062. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Charles Morice Jules Laforgue est comme unique, non point dans cette génération, mais dans la littérature… Je ne vois pas de psychologie plus aiguë et plus poétique, à la fois spéciale et généralisée, que celle de ces Moralités légendaires, plus précieuse encore que les vers des Complaintes et de Notre-Dame la Lune… Ce qu’il a fait, chanson qui vibre à l’écart du fusinage caricatural d’essence si purement artistique, c’est l’œuvre d’un sceptique sentimental, non sans force, certes, mais sans la sage folie d’espérer ; c’est comme le sourire de ce visage charmant que personne n’oubliera, ce sourire qui comprenait tout.

2063. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

L’œuvre, a deux parties bien marquées : c’est d’abord une brusque et rythmique allégorie, où les forces naturelles concordent à représenter les moments, les saisons.

2064. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

La plupart n’ont pas la force de soutenir leurs vers au delà de deux ou de quatre ; leur Muse est essoufflée, & a besoin de reprendre haleine par intervalles égaux.

2065. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Personne n’a jamais mieux connu les ridicules, & ne les a peints avec tant de force & de vérité.

2066. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Il n’est pas naturel que la faim ne force pas tous ces animaux à sortir.

2067. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Ce n’est point l’histoire des Sciences & des Arts que j’ai prétendu faire ; un tel projet auroit été au-dessus de mes connoissances & de mes forces.

2068. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Avec tout cela me direz-vous, quelle comparaison avec Vandeyck pour la vérité ; avec Rembrand pour la force ?

2069. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Le coeur a bien plûtôt acquis toutes ses forces que l’esprit, et il me paroît presqu’impossible qu’un homme de cet âge n’ait pas encore senti les mouvemens de toutes les passions ausquelles son temperament le condamne.

2070. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

On ne pourroit pas sentir la force des expressions d’un tableau, si le coloris en étoit absolument faux et mauvais.

2071. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

L’originalité est chose si importante que M. de Gourmont lui-même m’approuve d’avoir divisé le style en style banal et en style original, ce qui est gros de conséquences, puisqu’il sait que j’entends par originalité la recherche de l’image, le mot vivant, l’expression en relief, la force, la couleur, le pittoresque, toutes les surprises du style.

2072. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Nul plus que Soulié ne montra ce qu’on dépense de force pour combiner des événements et des caractères.

2073. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Force m’était donc de noter, sous les apparences hautaines d’une lutte pour l’art, les âpres et douloureuses et basses nécessités de la lutte pour la vie. […] Vous rappelez-vous que Paul Hervieu, dans Diogène le Chien, fit de ce tour des morceaux adorables de malice et de force élégante ? […] « Du jour où le poil vous pousse, ne se sent-on pas un homme prêt à s’ébattre avec toute la force de ses instincts parmi les hommes ? […] Un esprit fortement constitué vaut par lui-même et force l’attention du public par sa vertu propre. […] Le symbole est une force de la nature, et l’esprit de l’homme ne peut résister à ses lois.

2074. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Un blanc soleil rayonnait sur la ville, plein d’allégresse, malgré son peu de force et la bise aiguë. […] Alors il mit à les réédifier tout son amour, et ses dernières forces, encore très nerveuses. […] La mer est calme, ridée cependant par la brise qui prend de la force. […] Mon Diable est un simple mauvais plaisant : voilà sa force ! […] Kostis Palamas est un homme dans la force de l’âge, de petite taille et très brun.

2075. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Sylvain, en Agamemnon, a montré de la force et de l’émotion. […] Elle dépasse un peu les forces d’un homme. […] On peut la jouer en grande coquette ; mais rien n’y force. […] J’en laisserai tomber quelques-unes, me défiant de mes forces. […] Ils assurèrent d’abord que c’était le premier exemple de pareil tour de force.

2076. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Voici des idées que l’on n’avait pas encore inclinées à une si persuasive douceur, illuminées d’une clarté si pure, animées d’une telle force ; regardez-les. […] On avait cru les armes françaises invincibles : et elle a dû céder à la force. Alors, elle fut prise d’une grande horreur de la force, qui lui était refusée. […] L’abnégation volontaire suppose la connaissance de soi ; et elle est un principe de force. […] Et, plusieurs fois, il reprend la comparaison de ces deux forces.

2077. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Il allait ainsi à l’aventure, bien reçu du duc d’Épernon à Bordeaux, du prince de Conti en chaque rencontre, loué de d’Assoucy qu’il recevait et hébergeait en prince à son tour, hospitalier, libéral, bon camarade, amoureux souvent, essayant toutes les passions, parcourant tous les étages, menant à bout ce train de jeunesse, comme une Fronde joyeuse à travers la campagne, avec force provision, dans son esprit, d’originaux et de caractères. […] Les hommes distingués, qui passent par cette double phase et arrivent promptement à la seconde, n’y acquièrent, en avançant, qu’un talent critique fin et sagace, comme M. de La Rochefoucauld, par exemple, mais pas de mouvement animateur ni de force de création. […] Et dans les Fâcheux  : L’amour aime surtout les secrètes faveurs ; Dans l’obstacle qu’on force il trouve des douceurs, Et le moindre entretien de la beauté qu’on aime, Lorsqu’il est défendu, devient grâce suprême. […] Je me servis pour cela de toutes les forces de mon esprit ; j’appelai à mon secours tout ce qui pouvoit contribuer à ma consolation. […] Comme acteur, ses contemporains s’accordent à lui reconnaître une grande perfection dans le jeu comique, mais une perfection acquise à force d’étude et de volonté. « La nature, dit encore Mademoiselle Poisson, lui avoit refusé ces dons extérieurs si nécessaires au théâtre, surtout pour les rôles tragiques.

2078. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Prenez donc des forces, et armez-vous de courage, tant pour agir que pour souffrir ce qui est contraire à la nature. […] Mais il y a deux choses qu’on ne sent pas avec la même évidence : c’est la vérité et l’onction ; la vérité, qui est la force ; l’onction, qui est la grâce des paroles. […] Ils montrent la voie ; mais vous donnez des forces pour marcher. […] Mais donnez à l’homme la conviction que se résigner humblement à la volonté de Dieu est plus beau que vouloir soi-même, et que la suprême sagesse est d’accepter ce que Dieu veut : voilà une sagesse, voilà une force nouvelle, voilà un progrès !

2079. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Et le moment n’est guère proche, où, dans un théâtre parisien, sera ce qui est, par exemple, dans le théâtre royal de Munich : la même troupe jouant, un soir, selon toutes les traditions, Guillaume Tell, et, le lendemain, presque parfaitement, Tristan et Isolde… Puisqu’il nous faut, aussi, Parisiens, ces œuvres, comprenons qu’un théâtre nouveau leur est nécessaire : lorsqu’un artiste, à l’enthousiasme sûr et sérieux, à la patiente et persévérante énergie, à la profonde maîtrise, aura, en ses mains, uni toutes les forces des bonnes volontés éparses, et créé le théâtre du Drame avec Musique, la Tétralogie et Tristan auront, enfin, leurs représentations à Paris, dignes. […] En effet l’artiste n’est rien autre chose que l’homme en qui les conflits, dont le champ est l’humanité toute entière, se manifestent avec le plus de force. […] — L’Assemblée générale de Nuremberg décida, en effet, qu’en une seule grande association seraient réunies toutes les forces isolées de la famille Wagnérienne. […] Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères.

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