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838. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Je ne me souviens point d’avoir lû dans l’histoire grecque ou romaine rien qui ressemble aux duels gothiques, hors un incident arrivé aux jeux funebres que Scipion l’afriquain donna sous les murs de la nouvelle Carthage en l’honneur de son pere et de son oncle.

839. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

triste figure, en effet, mais pour tous ceux qui ont gardé un peu d’idéal dans leur pensée, n’écrase-t-elle pas de sa hauteur et de son originalité la face vulgaire de Sancho, l’un des fils de cette mère Gigogne qu’on appelle la Sagesse du Monde, dont tous les enfants se ressemblent, qu’ils se nomment Sancho ou Panurge, Falstaff, Chrysale, Figaro, Pangloss, et même Méphistophélès ?

840. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

ils se ressemblent tous, ces philosophes !)

841. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Pourquoi, dans cette seconde édition d’un livre qui ressemble bien plus à la glaise énergique d’un sculpteur qu’à son marbre achevé et définitif, le de Maistre possible n’aurait-il pas fait au moins un effort pour sortir ?

842. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Pierre Dupont était affectueuse et pacifique ; et c’est un oubli presque hardi, cela, quand tout le monde peut lire le Chant du soldat, le Chant des étudiants, le Chant des transportés, la Républicaine et tant d’autres appels aux armes qui ressemblent à l’appel aux armes de tous les temps et de tous les partis !

843. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Le style, savant et technique, y déploie une magnifique richesse de vocables qui ressemble aux pierres précieuses incrustées dans l’écaille de la tortue et qui la firent mourir.

844. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Eh bien, ce sont ces intelligents messieurs, qui soutiennent que Shakespeare explique la Trinité, qui prétendent que l’humanité pond son Dieu, ce long Dieu du devenir qui ressemble à un câble et que l’humanité fait et augmente d’une spirale tous les jours ; ce sont ces messieurs, qui soutiennent les droits du corps autant que les droits de l’esprit, et qui, niant toutes les négations, nient le péché, le châtiment, la guerre, la mort et l’enfer ; ce sont eux, ces messieurs, que Paul Meurice appelle : « les Chevaliers de l’Esprit » !

845. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Souvent elle ressemblera pour eux à ces figures qui s’embellissent encore par le demi-voile qui les couvre.

846. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

» À travers nos suppressions, ce petit monument d’ordre composite ressemble à ces œuvres d’architecture étayées et retouchées à des époques diverses.

847. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Chacun dit étonnamment ce qu’il doit dire, du premier coup, et à fond, et sans rien qui ressemble à des phrases. […] Le chemineau ressemble aux bohèmes rustiques de George Sand ; il contient, seulement un peu moins de vérité. […] Capus ressemblent assez à des variations d’aujourd’hui sur le vieux thème fondamental de Gil Blas. […] Il ne ressemblait en aucune façon à celui de Scribe continué par Sardou, ni à celui d’Augier ou de Dumas fils ; mais il ne ressemblait pas non plus à celui de Labiche. […] Tous ces dégénérés se ressemblent, et, en outre, voilà vraiment bien des dégénérés rassemblés dans un même lieu.

848. (1940) Quatre études pp. -154

Devant ma table vint s’asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir Qui me ressemblait comme un frère. […] Qu’elle ressemble peu, cette Nuit de décembre ainsi menée ; qu’elles ressemblent peu, les Nuits de Musset, aux Hymnes à la nuit de Novalis ! […] Les moins habiles d’entre les romantiques ressemblent à ces ténors d’opéra qui, sur la scène, vivent et meurent sans jamais perdre de vue le chef d’orchestre. […] La poésie vient de naître, elle n’a pas encore ses accents décisifs, elle balbutie encore, on retrouve encore dans son langage des expressions qui ne lui appartiennent pas en propre et qu’elle emprunte au passé : et déjà, le poète apparaît comme un inadapté, comme un homme qui ne ressemble pas à tous les autres, comme un être d’exception que la foule montre du doigt. […] Que de condamnations sans appel : « cela ne ressemble à rien… » !

849. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Et les trois se ressemblent étrangement, frères de laideur. […] Seuls, les naïfs croiront que vous ne ressemblez pas à tout le monde, Mesdames. […] Les promesses raccrocheuses de titres qui ressemblent à de gros numéros ne suffisent pas toujours à cette matrone de lettres. […] L’habitation de la Fée des Chimères ressemble au livre lui-même et à l’esprit de Max Lyan. […] Beaucoup des livres destinés à amuser notre futilité ressemblent aux histoires pour petites filles ou aux romans pour jeunes filles.

850. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

C’est là une inconséquence qui ressemble fort à une amende honorable. […] Une pièce qui ne peut être ni jouée, ni comprise, ressemble beaucoup à une mauvaise pièce. […] Autant vaut affirmer que l’air et l’eau ne se ressemblent pas. […] Les histoires de Shakespeare ressemblent trop à l’Héracléide, et M.  […] Félime, Octave, Rose, ne ressemblent guère au monde qui nous entoure.

851. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il n’y a pas le plus petit bout de Périclès ni de Lascaris dans tout ce qu’il voit et raconte ; ses lettres ressemblent terriblement à des pages d’Edmond About. […] La gaieté et l’entrain y sont d’ailleurs fréquemment coupés par la maladie, la gastrite et les accès de découragement. « Je ressemble à ces vieux chevaux de bonne maison qui, bien pansés, bien cirés, bien harnachés et un peu poussés d’avoine, redressent encore la tête et piaffent avec élégance ; mais plus de fond, plus de nerf… L’élan est toujours là, impétueux, terrible, mais il ne faut pas que la course soit longue. » Dans ce camp du Fondouck, dans ces commandements de misérables bicoques où l’on est relégué durant des saisons, il y a de longs intervalles d’ennui, d’attente, où l’on est visité par la fièvre ; on sent qu’on s’use et qu’on se mine sans profit : « Ah ! […] mais la vraie guerre contre des masses, contre du canon, contre des manœuvres, rien qui y ressemble, vu de si loin, qu’il faut une lunette pour y reconnaître quelque chose.

852. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Je suis persuadé que, sauf des hobereaux écartés, chasseurs et buveurs, emportés par le besoin d’exercice corporel et confinés par leur rusticité dans la vie animale, la plupart des seigneurs résidents ressemblaient, d’intention ou de fait, aux gentilshommes que, dans ses contes moraux, Marmontel mettait alors en scène ; car la mode les poussait de ce côté, et toujours en France on suit la mode. […] Telle seigneurie, le Clermontois, appartenant au prince de Condé, renferme quarante mille habitants ; c’est l’étendue d’une principauté allemande ; « de plus tous les impôts ou subsides qui ont lieu dans le Clermontois sont perçus au profit de Son Altesse Sérénissime, le roi n’y perçoit absolument aucune chose70 »  Naturellement, autorité et richesse vont ensemble, et, plus une terre rapporte, plus son propriétaire ressemble à un souverain. […] Il est clair qu’avec de tels revenus et les droits féodaux de police, de justice, d’administration qui les accompagnent, un grand seigneur ecclésiastique ou laïque est, de fait, une sorte de prince dans son district, qu’il ressemble trop à l’ancien souverain pour avoir le droit de vivre en particulier ordinaire, que ses avantages privés lui imposent un caractère public, que son titre supérieur et ses profits énormes l’obligent à des services proportionnés, et que, même sous la domination de l’intendant, il doit à ses vassaux, à ses tenanciers, à ses censitaires, le secours de son intervention, de son patronage et de ses bienfaits.

853. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Les fausses opinions, dit-il, ressemblent à la fausse monnaie, qui est frappée d’abord par de grands coupables et dépensée ensuite par d’honnêtes gens qui perpétuent le crime sans savoir ce qu’ils font. » Il était à son insu ici un de ces grands coupables ; jamais homme de bien n’a tant faussé d’idées justes en les exagérant. […] Voici une autorité qui ressemble fort peu aux précédentes, mais qui a bien son prix cependant : c’est celle de Molière, qui a fait une comédie intitulée les Femmes savantes. […] Si une demoiselle s’est laissé bien élever, si elle est docile, modeste et pieuse, elle élève des enfants qui lui ressemblent, et c’est le plus grand chef-d’œuvre du monde.

854. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Ce marteau, de forme oblongue et du genre de ceux que nos ancêtres nommaient jaquemart, ressemblait à un gros point d’admiration ; en l’examinant avec attention, un antiquaire y aurait retrouvé quelques indices de la figure essentiellement bouffonne qu’il représentait jadis, et qu’un long usage avait effacée. […] Eugénie appartenait bien à ce type d’enfants fortement constitués, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautés paraissent vulgaires ; mais, si elle ressemblait à Vénus de Milo, ses formes étaient ennoblies par cette suavité du sentiment chrétien, qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens. […] Ses traits, les contours de sa tête, que l’expression du plaisir n’avait jamais ni altérés ni fatigués, ressemblaient aux lignes d’horizon si doucement tranchées dans le lointain des lacs tranquilles.

855. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

À cette hauteur, les voiles qui glissent sur cette surface d’un bleu vif, comme un second ciel, ressemblent à des ailes de colombes blanches qui volent en silence, d’arbre en arbre, parmi les oliviers. […] Rome, sous son gouvernement, ressemblait à une république où chacun pense et dit ce qu’il veut, sans que personne inquiète ou tyrannise personne. […] Cette tragédie de parade ressemble à Shakspeare comme l’éloquence de club à l’éloquence de Cicéron ou de Mirabeau.

856. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Tantôt mince et recourbée tu glisses dans les espaces comme une galère sans mâture ; ou bien au milieu des étoiles tu ressembles à un pasteur qui garde son troupeau. […] De ce triage perpétuel des mots et des choses, résulte la concision puissante, la haute et difficile portée de ce qu’exprime Flaubert ; de là ses descriptions écourtées, disjonctives et pourtant résumantes, sa psychologie, soit transmutée en magnifiques images, soit réduite en sobres indications d’actes, sous lesquelles certains esprits perçoivent ce qui est intime et d’ailleurs inexprimé ; de là le sentiment de formidable effort et d’absolue réussite parfois, que ces œuvres procurent, qui, ramassées, trapues, planies, parachevées et polies grain à grain, ressemblent à d’énormes cubes d’un miroitant granit. […] Cela ressemblait à quelque monstreux candélabre d’où ruisselaient tout du long, des gouttes de diamant en fusion.

857. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ensuite, la mer est transparente ; elle ressemble au firmament ou à l’éther, qui répercutent la lumière de l’astre du jour ou des étoiles de la nuit ; elle se transfigure sans fin comme le caméléon par ses couleurs changeantes, roulant tantôt la lumière, tantôt la nuit dans ses vagues. — Émotion ! […] Les fables célestes et les conquêtes des héros y sont entrecoupées par des épisodes mystiques ou romanesques qui les font ressembler à une Bible poétique, où les législations de Moïse et les mystères de Jéhovah seraient entremêlés des contes les plus merveilleux de l’imagination arabe ou persane. […] « Ô esclave », dit-il à la nourrice, « ne t’étonne pas de ces larmes qui montent à mes yeux : ces enfants ressemblent à mes deux petits enfants !

858. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Visionnaires, si on en croit les gens positifs, ces sortes d’esprits dont Shakespeare, qui n’a rien oublié sur sa route, nous a donné l’idéal dans Hamlet, et qui voient et regardent bien moins dans les choses que « dans l’œil de leur propre pensée ( in the eye of my mind ) », dit Hamlet, ressemblent à des peintres pour lesquels l’ordre du prisme serait renversé. […] Beaucoup de Contes publiés déjà ressemblent à cette syrène. […] VIII Ainsi, en plein cœur de son propre talent, pour le diminuer et le piquer de sa tâche, voilà que nous rencontrons le Bohème, c’est-à-dire l’homme qui vit intellectuellement au hasard de sa pensée, de sa sensation ou de son rêve, comme il a vécu socialement dans cette cohue d’individualités solitaires qui ressemble à un pénitentiaire immense, le pénitentiaire du travail et de l’égoïsme américain !

859. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Gui Patin ne ressemble, est-il besoin de le remarquer ? […] Quant à Richelieu, c’était autre chose : « Il ressemblait à Tibère ; c’était un atrabilaire qui voulait régner, un Jupiter massacreur. » C’est la seule différence qu’il établisse entre eux.

860. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Mais voilà, quand les batailles du roi sont bel et bien ordonnées (trois grosses batailles et deux moindres, mais d’élite, placées en tête), voilà qu’arrive au galop, piquant des deux et venant de Poitiers, le bon cardinal de Périgord, qui va se démener tout le jour à vouloir faire la trêve entre les deux armées : rôle honorable, mais vain, et qui le fait un peu ressembler à l’archevêque Turpin dans les romans des douze pairs26. […] Cette idée de transfuge n’entraînait pas toujours déshonneur dans les idées du temps, et le chevalier de Morbecque, de Saint-Omer, racontant son histoire au roi Jean et comme quoi il a dû quitter le royaume de France par suite d’un homicide qu’il a eu le malheur de commettre dans sa jeunesse, ressemble à ces héros d’Homère qui racontent sans embarras comment ils ont été obligés de quitter leur pays pour avoir tué un homme par imprudence.

861. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

N’oublions jamais que Rome était déjà arrivée, par son énergie et son habileté, au pouvoir politique le plus étendu et à la maturité d’un grand État, après la seconde guerre punique, sans posséder encore rien qui ressemblât à une littérature proprement dite digne de ce nom ; il lui fallut conquérir la Grèce pour être prise, en la personne de ses généraux et de ses chefs illustres, pour être touchée de ce beau feu qui devait doubler et perpétuer sa gloire. […] Loin de ressembler à un pirate et de se réjouir des naufrages, il est quelquefois comme le pilote côtier qui va au secours de ceux que surprend la tempête à l’entrée ou au sortir du port.

862. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade sous d’aussi larges aspects, le montrer aussi ouvert et aussi hardi de vues qu’on le fait ici ; il avait réellement un peu peur, quoi qu’on puisse dire, des idées générales et de tout ce qui y ressemble, il s’en garait et s’en abstenait le plus possible ; on l’aurait bien étonné si on lui avait dit « qu’il préparait l’avènement de la presse philosophique » ; il avait, moins que personne, « de ces lueurs qui semblent des anticipations de l’avenir. » Tout cela est à côté et au-delà. […] Parmi les auteurs grecs dont il fit choix de bonne heure pour s’en occuper, il en est un qui est bien moins méprisable que les autres : c’est Aristénète, auteur peu connu, dont le nom même n’est pas certain, mais dont on a des Lettres galantes qui ne ressemblent pas mal à ce que pourrait être un tel recueil de la main de Dorât ou plutôt de Crébillon fils : il en est vraiment de charmantes dans le nombre, et toutes sont curieuses sur l’article des mœurs dans l’Antiquité.

863. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Ceux-là, ils ressemblent, le dirai-je ? […] Ceux-là, ils ressemblent à de sages diplomates qui savent concéder ce qui convient à l’esprit d’une époque, ce que l’opinion réclame, et qui estiment après tout qu’une trêve à très longue échéance équivaut à une bonne paix.

864. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Il a touché, en l’observant, un point sensible, et ce point-là, excité qu’il est et comme piqué d’honneur, se développe à l’envi et se met à ressembler davantage. […] La petite maison isolée où Cavalier trouve moyen à un moment de loger Toinon et Taboureau, ce jardin gracieux avec ses orangers, ses magnolias, ses troënes du Japon et ses acacias de Constantinople, ressemble déjà à l’habitation enchantée d’Arthur, l’homme à la mode de 1839.

865. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

La médiocrité, non plus, n’est guère propre à faire naître en nous un sentiment d’espèce si délicate ; l’impression qu’elle cause n’a rien que de stérile, et ressemble à de la fatigue ou à de la pitié. […] Il ressemble pour la forme aux journaux anglais d’Addison, de Steele, de Johnson, avec moins de fini et de soigné, mais bien du sens, de l’instruction solide et de la candeur.

866. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Ce grand et magnifique édifice de vérités nouvelles ressemble à une tour dont le premier étage, subitement achevé, devient tout d’un coup accessible au public. […] Jamais le dialogue n’a si fort ressemblé à une joute oratoire.

867. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Et c’est pareillement un coin d’idylle qui fleurit en pleine aridité de la métaphysique amoureuse, quand le poète fait dire à son amant : Je ressemble le paysan Qui jette en terre sa semence, Et il a joie à regarder Comme elle est belle et drue en herbe : Mais avant qu’il en cueille gerbe, Par malheur l’empire et la grève Une male nue, qui crève Quand les épis doivent fleurir : Et fait le grain dedans mourir, Et ravit l’espoir du vilain. […] Il ressemble surtout à Rabelais : c’est la même érudition encyclopédique, la même prédominance de la faculté de connaître sur le sens artistique, la même joie des sens largement ouverts à la vie, le même cynisme de propos, le même fatras, la même indifférence aux qualités d’ordre, d’harmonie, de mesure.

868. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Les traits par où ils nous ressemblent sont beaucoup plus nombreux que ceux par lesquels ils se séparent de nous. […] Les conversations avec Marianne qui ne veut pas qu’il jeûne pendant le carême (« Vous avez bien soixante-quatre ans, vous, Marianne, et pourtant vous pratiquez la loi de l’Église dans sa rigueur  Moi, c’est différent… Si vous l’avez oublié, je suis née à Éric-sous-Caroux, dans une pauvre cabane…, et je ne vous ressemble pas plus..  

869. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Par malheur, la vraisemblance est trop souvent pour Voltaire ce qui ressemble au vrai, tel qu’il le veut, et « les contemporains éclairés » sont les hommes qui ont été en leur temps de mauvais chrétiens. […] On ne peut guère lire la Correspondance de Voltaire sans penser au recueil qui y ressemble le plus dans l’antiquité, les Lettres de Cicéron.

870. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

De même la race des humains naît et s’écoule. » — Dans une de ces odes de Pindare, hérissées de lauriers et drapées de pourpre, retentissantes du chant des clairons, qui ressemblent à des processions triomphales, apparaît l’image et rapide et voilée d’une jeune femme blessée par une douleur mystérieuse : — « Elle n’avait plus le courage de s’asseoir à une table nuptiale ni de mêler sa voix aux chants d’hyménée. […] La nuit venue, Paris ressemblait à ces camps pris de panique qui s’entretuent dans les ténèbres.

871. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le cardinal de Fleury avait dirigé toute son éducation en ce sens de mollesse ; ce vieillard, de plus de quatre-vingts ans, à la fois par habitude et par ruse, avait tenu constamment son royal élève à la lisière, le détournant de tout ce qui ressemblait à une idée ou à une entreprise, attentif à déraciner en lui la moindre velléité ; il ne l’avait accoutumé qu’aux choses faciles. […] Le roi avait eu de Mme de Vintimille (sœur de Mme de Châteauroux) un fils qui lui ressemblait beaucoup et était tout le portrait de son père.

872. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est à cette Société des Jacobins qu’il pensait encore, quand il disait : « Aux talents et à la capacité près, ils ressemblent à la Société des Jésuites. » Il fait sentir la distinction profonde qu’il y a entre le vrai peuple, dont, suivant lui, la bourgeoisie laborieuse est le noyau, et ces sociétés, « où un infiniment petit nombre de Français paraissent un grand nombre, parce qu’ils sont réunis et qu’ils crient : Quelques centaines d’oisifs réunis dans un jardin ou dans un spectacle, ou quelques troupes de bandits qui pillent des boutiques, sont effrontément appelés le Peuple ; et les plus insolents despotes n’ont jamais reçu des courtisans les plus avides un encens plus vil et plus fastidieux que l’adulation impure dont deux ou trois mille usurpateurs de la souveraineté nationale sont enivrés chaque jour par les écrivains et les orateurs de ces sociétés qui agitent la France. Aristote et Burke avaient déjà remarqué que le caractère moral du démagogue flatteur du peuple, et celui du courtisan flatteur des rois, se ressemblent identiquement au fond.

873. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Flaubert ressemble extraordinairement aux portraits de Frédérick Lemaître jeune. […] Une peinture de Fragonard, ça ne ressemble-t-il pas à une page de Diderot ?

874. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Dimanche 6 juillet Tout ce temps, où le soleil ressemble à la lampe, dont les brodeuses s’éclairent avec une boule d’eau, tout ce temps de ciel couvert au fond d’une humidité tépide, me jette dans une tristesse, dans un ennui, dans un gris de l’âme, que n’éclairent, ni la publication de mes livres, ni mes folies japonaises. […] Les voleurs de la cour d’assises ne ressemblent pas du tout aux voleurs de notre imagination.

875. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Un récit, donc, qui est interrompu très volontairement et d’une façon qui le fait ressembler à la causerie. […] Cette bigarrure déplaît à Horace ; sur toutes choses, il ne veut pas que nos compositions ressemblent aux crotesques et que nous fassions un ouvrage moitié femme, moitié poisson.

876. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Ils peuvent tracer un tableau fidèle de la vie anglaise, sous toutes les latitudes, de l’équateur aux pôles, sans risquer de dérouter complètement le lecteur, parce qu’un élément du moins ne variera pas, parce que les mœurs anglaises, le home anglais, le thé anglais, le corsage clair et le chapeau canotier des Anglaises, l’amour des sports, l’endurance, la hauteur d’âme et d’humeur de l’Anglais se ressemblent, au cap de Bonne-Espérance, aux frontières de l’Inde et dans le dominion du Canada. […] Nous ressemblons à ces gens naïfs qui essayent de toucher un arrérage de rente sans présenter un certificat de vie.

877. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Le cerveau de l’homme a beau ressembler, en effet, à celui de l’animal : il a ceci de particulier qu’il fournit le moyen d’opposer à chaque habitude contractée une autre habitude et à tout automatisme — un automatisme antagoniste. […] Que l’effort combiné de la physique et de la chimie aboutisse un jour à la fabrication d’une matière qui ressemble à la matière vivante, c’est probable : la vie procède par insinuation, et la force qui entraîna la matière hors du pur mécanisme n’aurait pas eu de prise sur cette matière si elle n’avait d’abord adopté ce mécanisme : telle, l’aiguille de la voie ferrée se colle le long du rail dont elle veut détacher le train.

878. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ce qui me fait dire que la vie en commençant ressemble à un labyrinthe, à un dédale de verdure où ceux qui marchent, perdus dans une foule de petits sentiers, se croient à cent lieues les uns des autres, tandis qu’ils ne sont séparés en effet que par une charmille ; au bout du labyrinthe, et quand les erreurs en sont épuisées, les promeneurs surpris se trouvent tous s’être comme donné rendez-vous sur un espace de terrain assez borné, aride et nu.

879. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Nous pourrions multiplier ces citations accablantes : « Rien dans ce monde ne ressemble au roi », écrit-elle en le résumant d’un mot.

880. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Nous ne le mentionnons ici, que parce que, sur la foi des louanges qu’il a obtenues et qu’il mérite en partie, on pourrait croire qu’il ressemble au livre de M. 

881. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

mon amie, ne faisons point de mal ; aimons-nous pour nous rendre meilleurs ; soyons-nous, comme nous l’avons toujours été, censeurs fidèles l’un à l’autre. » « Je disais autrefois à une femme que j’aimais et en qui je découvrais des défauts (madame de Puisieux) : Madame, prenez-y garde ; vous vous défigurez dans mon cœur : il y a là une image à laquelle vous ne ressemblez plus. » Dans une lettre, Diderot raconte comment il est tout occupé de la philosophie des Arabes, des Sarrasins et des Étrusques ; puis il s’écrie avec un élan de tendresse incomparable : « J’ai vu toute la sagesse des nations, et j’ai pensé qu’elle ne valait pas la douce folie que m’inspire mon amie, j’ai entendu leurs discours sublimes, et j’ai pensé qu’une parole de la bouche de mon amie porterait dans mon âme une émotion qu’ils ne me donneraient pas.

882. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Il me disait que, comme poète, je ressemblais un peu au poète allemand Hœlty.

883. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Je dus faire des efforts surhumains pour me rappeler que j’étais bien dans ma rue, que c’était bien moi qui marchais, qui parlais au cocher ; j’étais extrêmement étonné d’être compris par lui, car je remarquais en même temps que ma voix était extrêmement éloignée de moi, que du reste elle ne ressemblait pas à ma propre voix.

884. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Elle est grande de tous les excès qui la font dissemblable des autres ; elle a le vertige de ne ressembler à aucune ; et elle demeure, dans sa grandeur, infiniment solitaire et triste.

885. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

La maison de Joseph ressembla beaucoup sans doute à ces pauvres boutiques, éclairées par la porte, servant à la fois d’établi, de cuisine, de chambre à coucher, ayant pour ameublement une natte, quelques coussins à terre, un ou deux vases d’argile et un coffre peint.

886. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Je gage qu’il ressemble.

887. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Mais ses convictions ressemblent à l’intolérance ; les affirmations d’autrui l’irritent ; le besoin de contredire, le pousse au paradoxe.

888. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Son style, devenu léger, qui n’appuie jamais, même quand il pourrait appuyer, allégé encore par l’amour que je lui suppose, ressemble à ce Mercure que Shakespeare fait descendre du ciel sur le sommet d’une colline, dans la clarté pure du matin… Amoureux sans bandeau qui a l’ironie par-dessus la tendresse, et qui fait une caresse de cette ironie.

889. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

C’était un bon sens très guindé dans une tête excessivement aride, un homme né podagre du cerveau, travaillé par une infécondité infiniment douloureuse, moins heureux tout le temps qu’il vécut que le lion de Milton, auquel il ne ressemblait pas, lequel finit par tirer sa croupe du chaos ; car il ne put jamais, lui, se dépêtrer des embarras obstinés de sa pensée, du vague des mots et du vide des choses au fond desquels il est mort plongé.

890. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Elles ne ressemblent en rien, comme on voit, à celles qu’on veut lui reconnaître, et ses défauts, qu’il est bon de signaler aussi, pour être juste, ne cadrent pas plus que ses qualités avec les conclusions que M. 

891. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Sociale, c’est le mot de ce temps où les liens sociaux ressemblent à du bois sec et où nous sommes menacés un jour ou l’autre de n’avoir plus du tout de société !

892. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Il ressemblait à cet Allemand fabuleux qui héritait des talents et des facultés de tous ceux qu’il tuait en duel, et qui finit de cette manière par avoir toutes les qualités imaginables.

893. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Il a ce gros style qu’on appellera dans cinquante ans style Revue des Deux-Mondes, comme on dit le style, réfugié, ce style que chacun met sur sa pensée à cette Revue, et qui ressemble à une casaque pendue dans l’antichambre pour le service de tous les dos.

894. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Il ressemblait tant à l’oubli !

895. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Hugo, qui ressemble au masque savamment composé de la Comédie, c’est la gaieté d’un vrai visage, aux lèvres vivantes !

896. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Deltuf ne ressemblent pas à La Vieille fille de Balzac, qui est purement et profondément comique, éclairant de son comique un drame sombre.

897. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Au reste, dans sa manière d’écrire, il ressemble plus à Sénèque et à Pline, qu’à Cicéron ; quelquefois même il a des tours et un peu de la manière de Tacite : ses expressions ont alors quelque chose de hardi, de vague et de profond qui ne déplaît pas.

898. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Cette invocation du Tasse ressemble à celle de Milton, frappé comme lui des mystères qu’il consacre par la poésie. […] Il faut, en un mot, qu’un poème épique ressemble à la vie qui est pleine d’incidents et de sensations, par lesquels nous passons continuellement du plaisir à la douleur, et de l’agitation au repos. […] Les lecteurs sentiront que, si M. de Souza eût été l’un des contemporains de Camoëns, il ne leur eût pas ressemblé ; mais qu’en l’arrachant au malheur, il eût écarté les chagrins de sa carrière. […] Ce tour ressemble à la pure latinité. […] Quant à la multitude des combats, n’oublions pas que le poète n’en trace pas un dont les circonstances se ressemblent, et qu’il peint une action guerrière dans tous ses modes et dans tous ses hasards.

899. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Rien, dans ce que nous voyons, n’y ressemble… » N’en plus parler ? […] Elle ressemble un peu à la France. […] Jacques Bainville note que la défénestration de Prague, début de la guerre de Trente ans, ressemble à cet assassinat de Serajevo, début de la présente guerre. […] Nous ressemblons à leurs livres. […] Je dis que l’auteur ressemble à son héros.

900. (1923) Au service de la déesse

Le gouverneur qui est dans Manon ne ressemble aucunement à celui-là. […] Car, même réduite à l’incident du mariage, l’aventure de des Grieux et de Manon ne ressemble guère à l’aventure d’Avril de La Varenne et de Froget. […] Mais, leurs doctrines se ressemblent ? […] Claudel ressemble aucunement. […] « Langage sans suffixes, ni préfixes, ni racines, où les êtres qui se ressemblent le plus ont les noms les plus différents.

901. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

La rêverie, étant un congé que se donne l’esprit, écarte d’instinct tout ce qui pourrait ressembler au travail de la réflexion. […] C’est un sentiment esthétique, qui diffère des autres, comme diffèrent les uns des autres tous les sentiments esthétiques, en ce qu’il a sa nuance propre ; mais qui leur ressemble, comme tous se ressemblent entre eux, en ce qu’il implique une idée de perfection et de beauté. […] Que pourrait nous dire une image qui ne ressemblerait à aucun objet connu ? […] Nous nous rappelons une excursion que nous avons faite autrefois, un site qui ressemblait à celui-là et dont le caractère sauvage nous avait frappés, les incidents de la route. […] La musique est toute d’invention humaine ; elle ne ressemble à rien.

902. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

La plûpart des spectateurs connoissent les originaux, et ils veulent les retrouver ; il ne seroit pas même permis au poëte de les embellir aux dépens de ce qui les distingue ; et la perfection de son art est de peindre en beau, sans en ressembler moins. […] ces exclamations seules sont presque sures de nos larmes ; et sans s’embarasser si la reconnoissance ressemble à d’autres, ni même si elle est filée avec assez de justesse, on se laisse entraîner à l’émotion des personnages ; car plus ils sont émus, moins ils laissent de liberté pour réflechir s’ils ont raison de l’être. […] Ce caractere, tout odieux, tout excessif qu’il est, ne laisse pas d’être naturel ; et il n’y a que trop d’ambitieux qui lui ressemblent : mais ce qui n’est plus dans la nature, c’est qu’il se peigne lui-même à son confident sous d’aussi noires couleurs. […] Il est vrai que ces caracteres si parfaits ne sont pas souvent les plus agréables ; ils nous représentent des ames d’un ordre supérieur qui nous ressemblent trop peu pour nous émouvoir ; et comme ils triomphent trop promptement de leurs passions, ils ne nous laissent pas assez de tems pour les sentir. […] Nous prenons garde que ceux de nos personnages qui périssent l’ayent mérité par quelqu’endroit, et que le remords soit la punition de quelques foiblesses quand ce n’est pas un acte héroïque de vertu, capable d’enlever l’admiration, et qui fait désirer de leur ressembler au prix même qu’il leur en coûte.

903. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Qu’est-ce en effet que le réalisme, et en quoi celui de l’auteur de Chien-Caillou ressemble-t-il à cette grande chose ? […] N’ayant point de haines, mais seulement quelques admirations légitimes, nous professons une égale horreur pour tout ce qui touche au dénigrement, et pour tout ce qui ressemble au fétichisme. […] De peur de ressembler à tout le monde, et pour être originaux coûte que coûte, ils ont retourné leur habit et se sont fait une langue pour leur usage particulier. […] Castille, atteint d’une précoce décrépitude, ressemble à ces douairières sentimentales qui confessent négligemment quarante ans, et comblent avec du rouge, sur leur visage, les ravins de la soixantaine. […] Nous ressemblons, tous tant que nous sommes, soldats de l’idée moderne, à ces bataillons fraternels qui s’entrechoquent dans des simulacres de guerre avant de marcher à l’ennemi.

904. (1888) Poètes et romanciers

Un volcan ressemble à une cheminée. […] Elle ressemble à une hostie. […] On peut bien dire que son fils ne lui ressembla guère. […] Il me ressemblait ; il aura eu ma force ; il vit, mon cœur en est sûr. […] Même là rien qui ressemble ni à la sympathie ni à l’équité.

905. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Elles ne ressemblent pas à des colombes qui font leurs rondes dans le ciel et retournent au colombier ; plutôt, elles ressembleraient à des vols d’oiseaux éperdus, plusieurs blessés, et qui s’abattent sur le sol, en multitude. […] Il faut donc créer un héros qui certes vous ressemble, mais qui soit différent assez pour donner le change au moi sempiternel. […] Définie ainsi, l’inspiration poétique n’est pas sans ressembler un peu à celle de la Pythie. […] L’ironie qu’on applique à son voisin, si l’on n’est pas pharisien du tout, c’est une autre sorte de pénitence, car mon voisin me ressemble. […] C’était une maison provinciale, aux murs épais, ouverts de peu de fenêtres, au toit de tuiles moussues ; et elle ressemblait à la maison de ma jeunesse.

906. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

» Sa passion pour les belles choses ressemble à une sorte de démangeaison physique ; c’est une concupiscence sensuelle plutôt qu’un noble goût de l’esprit. […] Il s’admirait naïvement et publiquement : « Vous me ressemblez, disait-il à Champfleury ; je suis content pour vous de cette ressemblance ». […] Comme il ressemble à la nature, et comme il fait illusion ! […] M. de Balzac ressemble à un peintre qui avant de peindre verserait un pot de rouge sur son tableau. […] Votre esprit ressemble à la table d’un bon livre de zoologie ou de physique ; les idées s’y ordonnent d’elles-mêmes en séries continues, progressives.

907. (1908) Après le naturalisme

Il faut être soi intégralement et celui qui se réalise le mieux, le véritable artiste, c’est celui qui est unique, qui ressemble le moins à ses semblables. […] La société mauvaise ressemble à une toxine où tu dépéris. […] Mais si la vie sociale ne ressemble point à la vie organique, elle ne doit point se cristalliser selon les forces de la nature incluses dans tout corps, car son mode propre lui manque alors complètement et elle se fait faillite à elle-même, accablant du poids de sa banqueroute chacun de ses participants. […] On voit quelle sorte d’éléments fondèrent la société actuelle, ébauche avortée de l’organisation véritable impliquée par l’existence de l’esprit et combien ils ressemblent peu aux causes spirituelles. […] Les bergeries de George Sand ne ressemblaient en rien à leurs soi-disant modèles du Berry.

908. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Où sont Charax, Démétrius, Eudémon et ceux qui leur ressemblaient ? […] Son paradis ressemble à une Andalousie céleste : on dirait qu’on y monte par l’échelle de soie des romans. […] Leur costume presque asiatique ressemblait à celui des derviches-tourneurs. […] Son récit ressemble au procès-verbal d’un crime impuni, dressé d’après des ossements exhumés d’un endroit secret. […] Ses larcins ressemblent aux rapts des animaux carnassiers.

909. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Au milieu de la plaine, des mamelons écrasés, labourés et ensemencés du haut en bas, ressemblent à d’énormes vagues affaissées sur elles-mêmes ; des ravins, aux flancs couverts de buissons, serpentent entre ces hauteurs ; de petits bois sont dispersés çà et là comme des îles, et des sentiers étroits courent d’un village à l’autre ; quelques églises blanches et élancées paraissent dans le lointain ; une petite rivière, bordée de buissons, serpente au milieu de la plaine, et son cours est interrompu de distance en distance par des digues ; quelques outardes rangées en file se tiennent immobiles dans un champ éloigné ; une vieille maison seigneuriale, entourée de ses dépendances et de jardins fruitiers, est comme blottie au bord d’un petit étang ; mais vous avancez toujours. […] Mais quel que soit son âge et son avenir, la Russie n’avait avant lui rien qui lui ressemblât. […] Notre défaut à nous c’est de ressembler à tout le monde, son mérite à lui c’est de ne ressembler à personne.

910. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

La parole intérieure est une parole ; nous la nommons naturellement ainsi ; elle ressemble donc à la parole proprement dite, à la parole extérieure ; elle en est comme une imitation ou comme un écho. […] Cardaillac lui-même ne parle que d’un « frémissement presque imperceptible »153 ; il ajoute que « l’habitude tend à le diminuer et finit par le faire disparaître entièrement », et il ne pense pas que « les hommes studieux, habitués à la méditation », puissent réussir à l’apercevoir, à moins de suivre le conseil qu’il leur donne de « s’écouter avec attention » ; alors, dit-il, « ils le retrouveront quelquefois, surtout lorsqu’ils s’occuperont d’objets qui leur sont moins familiers, ou bien lorsqu’ils sentiront le besoin de se rendre plus vivement sensibles leurs idées et les expressions dont ils les revêtent », c’est-à-dire lorsqu’une difficulté dans le problème étudié excitant les puissances de l’âme et donnant plus d’énergie à la parole intérieure, celle-ci se trouvera ressembler davantage à la parole extérieure. […] Voir par exemple la nouvelle de 1927 « La robe neuve » où l’héroïne essaie de conjurer son malaise et son sentiment d’infériorité dans une soirée mondaine, La Mort de la phalène, Seuil, Points, p. 166-167 : « Nous ressemblons tous à des mouches qui essayent de franchir le rebord de la soucoupe, se dit Mabel, elle se répétait cette phrase comme elle se serait signée, comme si elle essayait de trouver un charme qui annulât cette douleur, qui rendît supportable cette souffrance aiguë. […] citation inexacte du début de l’Eglogue au roi sous les noms de Pan et Robin de Marot (1539), condensant les v. 3-4 : « Sur le printemps de ma jeunesse folle, / Je ressemblais l’arondelle qui vole, / Puis çà, puis là : l’âge me conduisait / Sans peur ni soin, où le cœur me disait. » 21.

911. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. 

912. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

« Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences !

913. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Il ressemble, sous ce rapport, aux païens, qui ont toujours nié au christianisme naissant qu’il fût une religion, parce qu’il n’apparaissait sous aucune des formes reconnues.

914. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Non, la Notre-Dame de Paris ne ressemble pas à un roman de Walter Scott.

915. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Non pas certes que nous prétendions, dans cet état de la salle que nous appelons le vrai prologue du drame, avoir découvert rien qui ressemblât nulle part à de la malveillance prononcée contre l’auteur.

916. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Séparer les choses pour les grouper ensuite, en considérant tour à tour les points par où elles diffèrent et ceux par où elles se ressemblent, c’est la marche naturelle et nécessaire dans toutes les recherches qui portent sur des objets concrets.

917. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Ce sont là de ces vérités naïves qui ressemblent plus encore à des pléonasmes qu’à des axiomes ; mais où n’est-on pas obligé de descendre pour convaincre l’entêtement et pour déconcerter la mauvaise foi ?

918. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Qu’on nous passe, seulement pour rendre claire notre idée, une comparaison infiniment trop ambitieuse : le mont Blanc, vu de la Croix-de-Fléchères, ne ressemble pas au mont Blanc vu de Sallenches.

919. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Ne ressemble-t-on point à ces sçavans d’Allemagne qui s’épuisèrent à disserter, à faire des in-folio sur une dent qu’on disoit être d’or, & qui n’étoit qu’une simple feuille d’or appliquée à la dent avec adresse ?

920. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Je sais que celui qui supprime un mauvais livre ou qui détruit une statue voluptueuse, ressemble à un idiot qui craindrait de pisser dans un fleuve, de peur qu’un homme ne s’y noyât.

921. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

On saura maintenant si le bavardage effréné de ce bas-bleu qu’on appelle Mme Sophie Gay, au talent de qui nos pères ont cru avec tant de bonhomie ou de galanterie, peut être encore supporté et paraître quelque chose qui ressemble à du talent quelconque !

922. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il n’y a qu’une seule chose qui puisse donner une idée juste de cet écrivain, qui ressemble au magistrat irréprochable de la chanson et qui a si bon air dans sa phrase correcte, exacte, nette comme du français, une petite phrase despote qui nous plaît, et cette chose, la voici.

923. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Dans ce siècle, dont la langue ressemble à une charmille taillée de Versailles, je ne connais qu’un homme qui aurait pu traduire Hérodote, s’il l’avait voulu : c’est le traducteur d’Anacréon qui, d’un coup de sa baguette gauloise, a transfiguré, à ravir les Grecs s’ils avaient pu l’entendre, L’Amour mouillé, ce chef-d’œuvre, en ce double chef-d’œuvre : J’étais couché mollement, Et, contre mon ordinaire, Je dormais tranquillement, Quand un enfant s’en vint faire À ma porte quelque bruit : Il pleuvait fort cette nuit, etc., etc.

924. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Les Grecs — peuple tout extérieur — n’ont point laissé de mémoires, et leur individualité, qui ressemble à leurs statues, ne se voit qu’à la place publique et sous les draperies d’un art et d’un mensonge qui ne les abandonnent jamais.

925. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Il peut leur ressembler par les idées, les étroitesses, les préjugés ou l’ignorance, mais il en diffère aussi par l’absence de passion, le sang-froid, la probité dans le renseignement.

926. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Au xixe  siècle, la Société, qui n’est plus jeune, ressemble un peu à une chambre de malade.

927. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Quelques pages d’invective ardente mêlées à ces larmes qui coulaient, pour tout, des yeux de Camille Desmoulins, quelques coups de plume qui déchiquètent et qui ont le tort de trop ressembler à des coups de couteau, enfin une originalité de peu de ressources, qui consiste à transporter — couleur locale à la renverse ! 

928. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Il avait été lié avec ce brise-raison d’Ugo Foscolo, qui, politiquement et littérairement, ne s’éleva jamais jusqu’à être un Alfieri, mais ressemblait seulement à un de ces chevaux, toujours cabrés, qu’Alfieri aimait à monter.

929. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Jules Simon ressemble à son style, c’est du vicaire savoyard, mais baveux où l’autre est coulant.

930. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

La vie intellectuelle ressemble à la vie morale.

931. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Il avait été lié avec ce brise-raison d’Ugo Foscolo qui, politiquement et littérairement, ne s’éleva jamais jusqu’à être un Alfieri, mais ressemblait seulement à un de ces chevaux, toujours cabrés qu’Alfieri aimait à monter.

932. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Le célibat, les monastères, — les monastères, qui ne furent pas tous bâtis dans cette période d’histoire que des protestants peuvent exalter sans réserve et sans peur, — voilà ce qui donna à la charité chrétienne cette prodigieuse efficacité, qui la fait ressembler aux yeux des hommes à la plus colossale et à la plus magnifique des institutions !

933. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Ils l’ont aimé comme on aime un parent qui vous ressemble… Son originalité est de n’en avoir aucune… par lui-même, mais de réfléchir celle des autres avec des irisations, une mesure et une harmonie qui sont, à lui, son genre d’originalité.

934. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Lui dont la plume ressemblait à l’archet de Paganini, mais, il est vrai, sans l’âme du violon céleste ; lui le linguiste, le rythmique, le métrique, — c’étaient ses qualités, et nous ne voulons pas les amoindrir, — il n’est plus, dans ces chansons dernières, qu’une espèce de jongleur, ivre de mots comme on l’est d’opium, et qui les triture et les hache dans sa furieuse folie de césures, de rimes, d’assonnances, d’enjambements.

935. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Lui, fait pour écrire toujours dans cette nuance que nous avons signalée, lui, le doux des doux, le résigné des résignés, dont la Muse aurait pu toujours ressembler à cette touchante image de Shakespeare, la Patience qui sourit longuement à la Douleur, a mieux aimé entrer à la Grand’Pinte et se verser du vin de cabaret de cette blanche main à laquelle on pardonne, car elle tremble, comme s’il savait que ce vin qu’il se verse n’apaisera rien de ce qui a soif dans son cœur.

936. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Elle ne lui pèse plus, ni à vous non plus qui le lisez, et véritablement il rappelle ces femmes qui ressemblent presque à des magies encore plus qu’à des magiciennes, et qui, malades de ces maladies nerveuses et mystérieuses comme l’utérus dont elles sont sorties, lèvent une table de marbre de l’extrémité de leurs doigts tournés en fuseau et la portent comme une corbeille de fleurs !

937. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Ils se ressemblent entre eux.

938. (1890) Dramaturges et romanciers

Et sa fortune dramatique ressemble à son talent : il marche de chute en succès et de succès en chute ; il tombe, se relève, retombe encore. […] Feuillet, mais je suis porté à croire qu’elle ressemble à l’histoire des peuples heureux. […] … Elles se ressemblent toutes, celles qui ont de l’esprit et celles qui n’en ont pas, celles qui pensent et celles qui végètent, celles qui ont du cœur et celles qui ne valent rien… Elles se ressemblent toutes ! […] Le caractère de la petite comtesse, cette femme composée de saillies et de flammes, est d’une originalité saisissante, et n’avait pas été tenté dans la littérature depuis la fameuse Ondine de Lamotte-Fouqué, qu’elle m’a rappelée, et à laquelle elle ressemble autant qu’une mortelle terrestre peut ressembler à une fée des eaux. […] Ses exigences ressemblent parfois à des indignités.

939. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Sa tragédie, en effet, ressemble fort peu en général à celle de l’Eschyle anglais. […] Les sentiments qui appartiennent à son sexe ne lui sont point étrangers : elle aime son mari, connaît les joies d’une mère, et n’a pu tuer elle-même Duncan, parce qu’il ressemblait à son père endormi ; mais elle veut être reine. […] Cependant Gillette mit au monde deux enfants jumeaux qui ressemblaient beaucoup à leur père ; elle se rendit elle-même en Roussillon après ses couches, et y arriva le jour où son époux donnait un grand festin. […] « C’est votre enfant, et il vous ressemble tant que nous pourrions vous appliquer en reproche le vieux proverbe, il vous ressemble tant que c’est tant pis. » Walpole prétend que cette phrase n’aurait été insérée qu’après la mort d’Élisabeth. […] Le style a une tout autre couleur que celle de ses autres tragédies ; il y a dans les vers une prétention à l’élégance, des abréviations vulgaires, et un vice de construction grammaticale, qui ne ressemblent en rien à la manière de Shakspeare.

940. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

On ne connaît guère de romans plus « personnels » que René, que Delphine, que Corinne ; je veux dire que l’on n’en connaît guère qui ressemblent davantage à des confessions. […] Vigny n’a pas laissé de plus beaux vers, qui lui ressemblent davantage, ni qui donnent de ce qu’il fut une plus noble idée. […] On joindrait volontiers à son nom celui de Théodore de Banville, — pour ses Cariatides, 1842, ses Stalactites, 1846, ses Odelettes, 1856, — si l’art n’y ressemblait trop souvent à un jeu ou même à une gageure ; et puis si trop souvent, dans ses œuvres, l’auteur des Odes funambulesques, 1857, ne semblait se railler de son sujet, de son public, et de lui-même. […] La prodigieuse facilité du poète ressemble à de l’incontinence et le torrent de son invention roule décidément plus de mots ou de sons que d’idées ! […] Comte n’était pas philologue ; et il écrivait mal ; mais la « philologie » de Renan ressemblait plus qu’il ne le croyait à la « sociologie » du fondateur du positivisme ; et la différence entre eux n’était pas même dans les méthodes, mais dans l’appropriation particulière de la même méthode générale à des objets aussi divers que le peuvent être l’étude des fonctions du foie, par exemple, et celle de la composition du Bhagavata Pourana.

941. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Ce livre, dont l’exagération sentimentale et maladive ressemble aujourd’hui à un accès de folie du cœur, a été cependant l’origine et le type de toute une littérature européenne qui a bouleversé pendant plus d’un demi-siècle les imaginations jeunes et fortes de l’Occident. […] Il se prête à tout, ne se donne à rien ; il ressemble à un de ces philosophes scythes de l’école d’Anacharsis, qui prenait un portique d’Athènes pour une habitation, et qui suivait tantôt les leçons de Platon, tantôt les ateliers de Zeuxis ou de Phidias. […] si elle te ressemblait.

942. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Cette scène d’adieu posthume au catafalque du cardinal, et cette scène d’agonie muette au chevet de la duchesse de Devonshire, ressemblent à ces sépulcres que le Poussin place sous les cyprès dans les paysages des villas romaines ; ce sont des énigmes en plein soleil qui font rêver à la mort au milieu des délices d’une lumière sereine ; mélancolies splendides des pays du soleil, où l’on meurt aussi bien que sous les brumes du Nord. […] L’ambassadeur, à peine de retour à Paris, révélait dans ces chapitres des nullités ou des ridicules de princes qui ressemblaient moins à des hommages de chevalier qu’à des stigmates de satiriste. […] XXVII Revenons à son grand ami et à ses dernières correspondances ; elles ressemblent à des adieux prolongés dont l’écho de la vie affaiblit le son à mesure que le partant s’éloigne du rivage.

943. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Cette cour ressemblait à une colonie de la cour d’Auguste, de Léon X ou des Médicis, transplantée dans la basse Italie ; des princes lettrés, des princesses héroïnes d’amour, de poésie ou de romans, des cardinaux aspirant à la papauté, des érudits, des artistes, des poètes moitié chevaliers moitié bardes, s’y réunissaient tous les soirs dans les salles somptueuses d’Hercule d’Este à la ville et à la campagne. […] « J’apparus au balcon comme à l’ordinaire, vêtue de la robe de Ginevra ; ma parure blanche éclatait au loin sous les reflets de la lune ; ma taille et mon visage, qui ressemblaient à la taille et au visage de ma maîtresse, me faisaient confondre avec elle ; l’astucieux duc d’Albanie s’approche à pas furtifs, saisit l’échelle que je lui jette et monte sur le balcon. » — Passez une stance inutile, dit le chanoine au professeur ; elle ne méritait pas un sinet, mais un silence. » Le professeur omit la stance et poursuivit. […] je n’aurais su que répondre, tant le poème et la terre se ressemblaient dans ces doux moments !

944. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Le bonheur a voulu que, par une série de heureux hasards et de fidèle affection (celle de M. d’Aurevilly, un écrivain qui ne peut être caractérisé que par lui-même, parce qu’il ne ressemble à personne), le hasard et le bonheur ont voulu que ce journal et ces lettres n’aient pas péri dans les cendres du Cayla ; mais que des mains pieuses les aient recueillies le lendemain de sa mort pour édifier tout un siècle, et, après M. de Sainte-Beuve, moi, qui vais essayer d’inspirer à mes lecteurs la passion de les lire comme une Imitation de Jésus-Christ en action, le plus beau des livres modernes dans la plus tendre des âmes et dans le plus confidentiel des styles. […] Peut-être même en cela suis-je enfant comme autrefois : je voudrais ressembler aux anges. […] On dit que je lui ressemble. » Le 8 mars.

945. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

S’ils sont inquiétés, ils poussent un lamentable gémissement qui ressemble beaucoup à celui du chameau. […] « Le troglodyte d’hiver ressemble tellement au troglodyte d’Europe, que j’ai cru longtemps à leur identité ; mais des comparaisons faites avec soin sur un grand nombre d’individus m’ont appris qu’il existe entre eux certaines diversités constantes de coloration ; toutefois j’hésite encore, et n’oserais dire, avec une entière certitude, qu’ils sont spécifiquement différents. » III. […] Il y répond par un battement d’ailes, par une inclination de tout son corps et par un glapissement dont la discordance et l’éclat ressemblent au rire d’un maniaque.

946. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Cela ressemble à une vérité de La Palisse. […] Si le nôtre pouvait lui ressembler sur ce point ! […] C’est très drôle, évidemment, et cela ressemble à ces plaisanteries un peu fortes que des parlementaires débraillés se débitent à la buvette de la Chambre.

947. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Enfants de sa bonne humeur, quelques traits d’observation juste, sinon profonde, les font par moments ressembler à des gens de connaissance. […] L’esprit d’égalité les force à ressembler, au moins par l’habit, aux autres hommes ; mais le cœur est resté le même. […] Le bon ton des personnages, quantité de bons sentiments qui font ressembler ces pièces à des moralités, beaucoup de cet esprit qui fait plutôt estimer l’auteur que rire de ses personnages, une raillerie dont les pointes sont émoussées, un style coulant et flatteur, une correction superficielle, tout cela fut très goûté d’abord, puis délaissé.

948. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Elle se montre dans les cantates, les oratorios, les chansons, soit qu’elles ressemblent à une sonnerie de clairon, comme le Chant du départ, soit qu’elles s’élèvent jusqu’à l’ode, soit qu’elles s’attendrissent en romances, soit qu’elles dégénèrent en chansonnettes de café-concert ou se transforment en lamentations, comme celles que le poète Rollinat exhalait dans les salons en s’accompagnant d’un violon plaintif. […] D’abord un parc dont : les avenues se coupent avec une régularité géométrique ; des pièces d’eau rondes, carrées, ovales, peuplées de statues mythologiques  ; des gazons ras instruits à flatter, devenus, eux aussi, courtisans, et dessinant sur le sol des fleurs de lys ou l’initiale du Roi ; des arbres prenant toutes les figures qu’il plaît au jardinier de leur donner ; des charmilles prolongeant à perte de vue leurs murs de verdure où pas une feuille n’oserait dépasser l’autre ; au milieu de tout cela des terrasses sablées, des escaliers solennels ; bref quelque chose qui ressemble à un salon en plein air, une véritable ce livre d’architecture. […] Elle et celles qui lui ressemblent répondent à la littérature pseudo-classique qui fleurit chez les écrivains libéraux et bonapartistes, aux vers à cocarde et à panache des Messéniennes de Casimir Delavigne ou des chansons de Béranger.

949. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Il est rude, abrupt, excessif, incapable de pentes adoucies, presque féroce, avec une grâce à loi qui ressemble aux fleurs des lieux farouches, moins hanté des nymphes que des euménides, du parti des Titans, parmi les déesses choisissant les sombres, et souriant sinistrement aux gorgones, fils de la terre comme Othryx et Briarée, et prêt à recommencer l’escalade contre le parvenu Jupiter. […] § XII L’autre, Rabelais, c’est la Gaule ; et qui dit la Gaule dit aussi la Grèce, car le sel attique et la bouffonnerie gauloise ont au fond la même saveur, et si quelque chose, édifices à part, ressemble au Pirée, c’est la Râpée. […] Chanter, cela ressemble à se délivrer.

950. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Il le pouvait aussi dans la région des sentiments, témoin l’entretien de Dalti et de Portia dans les lassitudes du cœur : Portia le vit pâlir : « Ô mes seules amours, Dit-il, en toute chose il est une barrière Où, pour grand qu’on se sente, on se jette en arrière ; De quelque fol amour qu’on ait empli son cœur, Le désir est parfois moins grand que le bonheur ; Le ciel, ô ma beauté, ressemble à l’âme humaine : Il s’y trouve une sphère où l’aigle perd haleine, Où le vertige prend, où l’air devient le feu, Et l’homme doit mourir où commence le Dieu ! […] On est étonné du milieu de ces chansons moqueuses, d’entendre tout à coup une note triste dissoner par moment dans la voix du jeune Anacréon et trahir quelque chose qui ressemble au déboire après l’ivresse. […] Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.

951. (1903) La renaissance classique pp. -

Comme la réalité ne ressemblait point à cet idéal, ils se mirent en colère contre elle, ils l’injurièrent, et ils crachèrent dessus. […] C’est ainsi que le jeune Lamartine était tout fier de la critique adressée à ses Méditations par l’excellent éditeur Firmin-Didot : « Cela ne ressemble à rien. » Nulle originalité n’est plus périlleuse que celle-là. […] Ou bien, de parti pris, on repousse tout ce qui peut ressembler à un plan, sous prétexte de reproduire l’incohérence du réel ; ou bien l’on compose artificiellement, à la manière d’un vaudevilliste.

952. (1921) Esquisses critiques. Première série

De là, l’allure morne et desséchée de ses meilleurs livres ; nul grand courant d’air ou de passionne les anime : leur dénouement, rigoureusement concerté, ressemble au résidu que l’on trouve à l’issue d’une expérience chimique adroitement exécutée. […] Sacha Guitry ressemble à une carrière amoureuse de femme. […] Les scènes se succèdent dans un mouvement rapide qui entraîne le spectateur, et ce mouvement en s’accélérant d’aventure donne à l’ouvrage un air de farce ou de parade qui ressemble à la force comique. […] L’esprit, chez MM. de Flers et Caillavet, ne ressemble à rien de tout cela. […] Y a-t-il rien à quoi ressemblent davantage certains petits poèmes descriptifs de M. 

953. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Si toutes les pièces du recueil politique qu’il nous avait promis devaient ressembler à cette ode, nous sommes loin de le regretter. […] Une pareille autorité ressemble singulièrement à la servitude ; je pense donc que la pièce adressée à M.  […] Les Voix intérieures, publiées l’année dernière, ressemblent à un arrêt prononcé par M.  […] Que Phœbus ressemble à bien des héros de garnison, je ne le nie pas ; mais je ne crois pas que de pareils héros puissent jamais exciter aucune sympathie. […] Le Louis XIII de Marion de Lorme ne ressemble pas au Louis XIII de l’histoire.

954. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Mais, d’autre part, le janséniste, si humble devant Dieu, nourrit, et peut-être à son insu, un secret orgueil, comme un homme qui ne ressemble pas aux autres, qui ne veut pas leur ressembler, et qui a des « opinions particulières ». […] Polyphile (La Fontaine) lui ressemblait en cela, mais on peut dire que celui-ci aimait toutes choses. […] Je le répète, cela ressemble assez à une tragédie d’un contemporain de Shakespeare. […] Il sait que le petit château-fort habité par ce jeune chef ne pouvait ressembler à la cour de Versailles. […] Si Julia de Trécœur était meilleure chrétienne, et de plus de tenue, elle ne ressemblerait pas mal à Phèdre.

955. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Il ressemblait à quelque jeune inspiré de l’Ancien Testament. […] Je n’ai jamais vu de singe qui ressemblait plus à l’homme qu’il ne ressemblait lui-même à un singe. […] C’étaient d’amples et larges oreilles qui ne ressemblaient pas mal à de belles huîtres, avec leurs rebords ouverts et plats. […] Je remarquai aussi qu’elle avait modifié son accent, qui ressemblait beaucoup à l’accent d’un de mes camarades de collège, qui était Hollandais. […] C’est une maîtresse femme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Louis-Philippe.

956. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Sur ce point encore, Étienne Mayran lui ressemble, comme l’inconnu vêtu de noir ressemble au poète, dans la sublime Nuit de Décembre. […] Lamartine, lui, comme ce Racine auquel il ressemble tant, comme Malherbe dont il relève par la largeur et par l’élan de la strophe, ne porte aucune trace de pareilles influences. […] Elle ressemble bien plus à cet artiste affamé d’action brillante, qu’au sage historien résigné et désenchanté qu’était M.  […] Elle est aussi vivante pour nous que pour les Florentins, chez qui l’État ressemblait si peu à notre État. […] On connaît l’odyssée posthume de cette correspondance, retrouvée par M. de Lovenjoul, à travers des aventures qui ressemblent elles-mêmes à quelque invention de Balzac.

957. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Et qui ne sait enfin que si de l’ensemble de l’œuvre de l’auteur de Phèdre on essaye de dégager une conception de la vie, il n’y en a guère qui ressemble davantage à celle des Pensées de Pascal ? […] Dans ces conditions, quoi de plus naturel que la fin du siècle ressemblât à ses commencements ? […] Rien ne ressemble moins à des anecdotes étendues en cinq actes. […] Mais il peut suffire qu’en sortant du collège de Clermont, le jeune Poquelin, sans que nous sachions comment, se soit lié d’amitié avec le jeune Chapelle, et que, par son intermédiaire, il ait fréquenté dans la maison de Lhuillier, le père naturel de Chapelle, beaucoup plus cynique encore et plus débraillé que son ivrogne de fils. « J’ai vu quelque part une stampe de Rabelais, dit Tallemant des Réaux, qui ressemblait à Lhuillier comme deux gouttes d’eau, car il avait le visage chafouin et riant comme Lhuillier. » On peut ressembler à Rabelais sans que cela lire à conséquence. […] Parmi ces débauchés et ces libres esprits, si l’on veut que Molière ait pris des leçons de philosophie, elles ont donc dû ressembler singulièrement à celles que le « petit Arouet » recevra plus tard à son tour de la vieille Ninon de Lenclos et des habitués de la société du Temple.

958. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Vous savez que Provost, par l’aspect général de sa personne, ressemblait à un de ces grands bourgeois de la Restauration dont notre imagination évoque si aisément le souvenir. […] Les deux frères se ressemblent de visage, voilà la vérité matérielle, voilà la réalité ; mais supposez que tous deux se ressemblent de mœurs, d’allures, de caractère, de tempérament, de langage, comme il se ressemblent d’extérieur, qu’ils soient en quelque sorte deux exemplaires du même individu, copiés et calqués l’un sur l’autre ; il est certain que dans la vie ordinaire on les prendra l’un pour l’autre, et que cette confusion pourra amener quelques quiproquos assez plaisants, mais ces quiproquos ne mèneront pas fort loin, et le comique qu’ils comportent ne tardera pas à être épuisé. […] Que lui importe à lui spectateur qui sait fort bien, en tout état de cause, qu’Amaury ne ressemble point à Rameau, si cette dissemblance est plus ou moins grande ; il en a, dès l’avance, pris son parti. […] L’invraisemblance vous paraîtra criante, je l’avoue, puisque vous aurez sous les yeux deux acteurs qui ne se ressemblent pas, mais c’est une invraisemblance de fait et au théâtre le fait ne compte pas. […] — Mais ils ne se ressembleront plus du tout !

959. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Elle répétait à tante Aline, en secouant sa tête si précocement blanche qu’on l’aurait crue seulement poudrée à la mode de jadis : — Cet enfant m’inquiète avec sa nature tendre ; j’ai peur qu’il me ressemble plus tard, qu’il aime trop lorsqu’il aimera. […] — Je t’en supplie, ne te fais pas de mal, ma chérie… tous les hommes se ressemblent, tu le sais bien, et ton mari est comme les autres… Brûle vite cette vilaine lettre et calme-toi, calme-toi, pour moi et pour lui. […] Et au-dessus de la Soufrière, dont les pics sont d’or, dont les sommets étincellent sur du bleu épanoui, après d’immenses plaines, après une savane, après des forêts vierges où flotte une poussière d’argent, le soleil ressemblait à un foyer d’incendie. […] Voici son portrait : Elle ressemblait, entre les clématites et les vignes vierges, à quelque chose de plus frais que les fleurs et les feuilles. […] Quelles amours, et j’en appelle à ceux qui ont le plus souffert de passions folles, quelles amours ressemblent à celles de ces deux insensés ?

960. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Cela ressemble à Saint-Simon comme une copie au pastel pourrait ressembler à un Titien. […] Les livres, comme les générations, se suivent et ne se ressemblent pas. […] L’hospitalité qui se borne à ouvrir l’accès de nos monuments publics, de nos hôtels garnis et de nos théâtres, doit-elle nous rendre si fiers, et ne ressemble-t-elle pas un peu à celle qui écrit sur la porte de certaines boutiques : Entrée libre ? […] Le Parisien prétend, à tort ou à raison, qu’un Américain ressemble toujours plus ou moins à un Anglais. — Mais enfin, qu’est-ce qui préoccupe les Parisiens dans ce moment-ci ?  […] La morale, telle qu’il la prodigue, la morale sans honnêteté, court risque d’être ennuyeuse sans être salutaire ; c’est quelque chose qui ressemble à un sermon irréligieux ou à une médecine malsaine.

961. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Elle ressemble selon vous à « une Elvire sentimentale », à Velléda, à Mme Bovary. […] Cependant, d’après toutes les vraisemblances et mes impressions, à moi, je crois avoir fait quelque chose qui ressemble à Carthage.

962. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Ici tout le mondé est pauvre ; mais, vu la similitude du costume, chacun se ressemble et a un air d’aisance que la chemise sale, qu’on ne voit pas, pourrait seule démentir. […] Un jeune peintre qu’il ne connaissait pas entre un jour dans son atelier : « Monsieur Vernet, je n’ai pas l’honneur de vous connaître… Je viens vous demander votre avis ; j’ai un cheval à faire dans un tableau qui est presque achevé ; je n’ai pas de cheval sous les yeux, je ne sais comment faire. » Horace le suit et va voir le tableau. — « Ce n’est pas mal, dit-il de l’ensemble ; mais en effet ce n’est pas là un cheval, ça ressemble à tout autre animal… Un avis !

963. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

L’orateur Calvus, chez les anciens, nous est représenté comme atteint de cette superstition qui le faisait ressembler à un malade imaginaire : pour trop craindre d’amasser du mauvais sang, on se tire des veines le plus pur et le meilleur. — Il compare encore ces écrivains uniquement élégants, qui prennent tant de peine aux mots, aux nombres, et si peu à la pensée, à ceux « qui s’amusent à cribler de la terre avec un grand soin pour n’y mettre ensuite que des tulipes et des anémones » ; belles fleurs, il est vrai, agréables à la vue, mais de peu de durée et de nul rapport. […] Je ne sais rien qui ressemble moins à Vaugelas, à ce grammairien resté gentilhomme, que le peuple de grammairiens proprement dits et que la plupart de ceux qui s’intitulent ainsi de nos jours.

964. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Ses paroles, entrecoupées d’un rire nerveux et hostile, étaient presque toujours des plaisanteries sarcastiques très-amères contre les absents, auxquels il ne pardonnait pas le moindre dissentiment avec lui ou avec le parti dont il était alors ; puis il lançait, en regardant ses auditeurs, un éclat de rire saccadé et bruyant qui ressemblait à l’écho de son âme. […] C’était aisé, son écriture était très-belle et très-lisible ; elle ressemblait à celle de Voltaire, quoiqu’un peu plus fine.

965. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Cela ressemble à Horace à Tibur ou dans son voyage en Campanie, doux, gai, varié comme le délassement de ce maître. […] Tâchez donc de vous rendre tel que, si tous les autres vous ressemblaient, on pût goûter ce bonheur universel.

966. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le public ravi y fut un moment trompé ; il crut que la religion chrétienne avait produit son fruit littéraire, et que l’homme du christianisme allait faire oublier l’Homère de l’Olympe, mais cette séduction du talent ne fut pas longue ; on reconnut bientôt que l’enfer sans terreur et le paradis sans espérance n’étaient que des parodies sans réalité des enfers et du paradis païens, mille fois moins intéressants que ceux de Virgile et d’Homère, car ils étaient sans foi ; cela ressemblait à tous ces enfers et à tous ces cieux dont les peintres modernes barbouillaient les dômes des églises en imitant ridiculement Michel Ange, et où la perfection des contours ne produisait pas même l’illusion de la réalité. […] Cette pensée me revint et me plongea pendant une heure dans des regrets qui ressemblaient à des rêves.

967. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

La satire ne lui sied pas ; elle ressemble, sous sa plume, à de la colère soufflée du dehors à un homme pacifique. […] Il y fallait être dur pour les gens ; il s’agissait de peindre l’espèce de méchants auxquels ressemblent ces chiens de village qui se jettent sur les chiens étrangers, et qui, … n’ayant en tête Qu’un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents, Tous accompagnent ces passants Jusqu’aux confins du territoire68 .

968. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Ici, point de grandes passions, tout est à un diapason modéré, et tout, très naturellement, vient se grouper autour de la femme, c’est la créature faible qui, quoiqu’énigmatique, se ressemble toujours, et que tous connaissent. […] Une page de Mozart avec ses contours fins et délicats, son dessin pur, élégant, sa large ordonnance, qui donne comme l’illusion de l’air et de la lumière, ressemble aussi peu que possible à une page de Wagner, où la rencontre des lignes, la singularité des profils, la disposition tourmentée, semblent plus faites pour traduire le chaos et la nuit.

969. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Le cloporte en est un exemple amusant, car rien ne ressemble moins à un cochon qu’un cloporte. […] Il est impossible que l’idée de soleil n’entre pas dans le nom de la grande fleur jaune appelée tournesol ; elle ressemble exactement aux faces du soleil dans les vieilles gravures et, de plus, elle se tourne sensiblement vers l’astre qu’elle semble suivre avec inquiétude : ses deux noms français, tournesol et soleil 173, traduisent cette double impression.

970. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Chacun de nous a son hygiène ; celle du malade ne ressemble pas à celle que pratique la moyenne des hommes de son temps et de son milieu ; mais c’est la seule différence qu’il y ait entre eux à ce point de vue. […] Il n’est pas possible que tout le monde se ressemble à ce point, par cela seul que chacun a son organisme propre et que ces organismes occupent des portions différentes de l’espace.

971. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Était-ce parce qu’il lui ressemblait moins et que nous admirons surtout ce dont nous sommes incapables ? […] Ce qu’il aurait fallu et ce qu’il eût mieux fait que personne s’il l’avait soupçonné, c’était de nous révéler le génie-femme qui palpitait au fond de Virgile, de nous en donner l’anatomie, et par là de nous expliquer et de nous rendre tangible ce phénomène de la beauté d’un poète qui ne ressemble pas à Homère, qui est différent, mais aussi beau.

972. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Mais pourquoi Michelet se permet-il des faussetés qui ressemblent fort à des impostures ? […] ils seront de bien jolis garçons, s’ils ressemblent à ceux que Michelet veut nous faire !

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