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939. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

Psyché, de cette cène où s’éveilla ton âme, Tes yeux noirs regardaient avec étonnement, Sur le front de l’époux tout transpercé de flamme, Je ne sais quel rayon d’un plus pur élément : C’était l’ardent brasier qui consume la vie, Qui fait la flamme ailleurs, le charbon ici-bas !

940. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Les races primitives ont cessé depuis longtemps d’exister à l’état pur. […] Anatole France s’y montre l’ardent défenseur du pur goût classique. […] Et n’est-ce point par pure obéissance qu’il désavoua ses Contes ? […] Le peuple n’aurait pu alors supporter qu’un prince se contentât de l’adoration pure d’un être pur et de l’observation de la justice2 ». […] Certains de ses vers sont de ces purs sanglots dont a parlé Musset.

941. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Ceux de ces prélats qui survécurent et qu’on vit reparaître après le Concordat, tels que les Boisgelin, les Bausset et autres, nous offrent une physionomie particulière, à la fois respectable et souriante ; ils brillent par une littérature polie, pure, et d’une élégance tempérée d’onction ; mais Bernis est en quelque sorte leur chef et leur doyen à tous. […] Il ne regrette point le ministère aux conditions où il l’a laissé, et il résume lui-même sa situation politique par un de ces mots décisifs qui sont à la fois un jugement très vrai, et un aveu honorable pour celui qui les prononce : « Je sens avec vous combien il est heureux pour moi de n’être plus en place ; je n’ai pas la capacité nécessaire pour tout rétablir, et je serais trop sensible aux malheurs de mon pays. » Et il essaye de se consoler de son mieux, de se recomposer, dans cette oisiveté, quoi qu’il en dise, un peu languissante, un idéal de vie philosophique et suffisamment heureuse : « La lecture, des réflexions sur le passé et sur l’avenir, un oubli volontaire du présent, des promenades, un peu de conversation, une vie frugale : voilà tout ce qui entre dans le plan de ma vie ; vos lettres en feront l’agrément. » Ce dernier point n’est pas de pure politesse : on ne peut mieux sentir que Bernis tout l’esprit et la supériorité de Voltaire là où il fait bien : « Écrivez-moi de temps en temps ; une lettre de vous embellit toute la journée, et je connais le prix d’un jour. » La manière dont Voltaire reçoit ses critiques littéraires et en tient compte enlève son applaudissement : « Vous avez tous les caractères d’un homme supérieur : vous faites bien, vous faites vite, et vous êtes docile. » Bernis n’a pas, en littérature, le goût si timide et si amolli qu’on le croirait d’après ses vers. […] Averti que l’Assemblée nationale avait décidé qu’il fallait un serment pur et simple, et prévenu qu’il s’exposait à être rappelé s’il persistait dans sa restriction, il répondait le 22 février : « La conscience et l’honneur n’ont pu me permettre de signer sans modification un serment qui oblige de défendre la nouvelle Constitution dont la destruction de l’ancienne discipline de l’Église fait une partie essentielle. » Le rappel fut prononcé.

942. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Quel nom de chef trouver pour personnifier ces races pures dont le propre est précisément de se sacrifier, de s’effacer, de se tenir au second rang partout, hormis quand on est au feu, et de n’avoir rien d’éclatant ? […] Pelleport a soin de faire observer que, dans cette circonstance, il n’avait agi que comme tout officier eût fait en sa place : L’armée était pure, et les sentiments de l’honneur nous régissaient tous… Je sais, ajoute-t-il, que de graves accusations ont été portées, vers la fin de l’Empire, contre certains hommes. Je ne puis formuler d’opinion à ce sujet, n’ayant rien constaté par moi-même ; ce que je sais, c’est qu’en 1810 toute l’armée, et par armée j’entends la réunion de ceux qui combattent ; et non des fournisseurs et de tant d’autres, était restée pure et honnête.

943. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Énumérons un peu : — Riemer, bibliothécaire, philologue, helléniste : avec lui Gœthe revoit ses ouvrages au point de vue de la langue et cause de littérature ancienne ; — Meyer, peintre, historien de l’art, continuateur et disciple de Winckelmann : avec lui, Gœthe causera peinture et se plaira à ouvrir ses riches portefeuilles où il fait collection de dessins et de ce qui est parfait en tout genre ; — Zelter, musicien : celui-là est à Berlin, mais il ne cesse de correspondre avec Gœthe, et leur correspondance (non traduite) ne fait pas moins de six volumes ; Zelter tient Gœthe au courant des nouveautés musicales, des talents et des virtuoses de génie, et, entre autres élèves célèbres, il lui envoie un jour Mendelssohn, « l’aimable Félix Mendelssohn, le maître souverain du piano », à qui Gœthe devra des instants de pure joie par une belle matinée de mai 1830 ; — puis Coudray encore, un architecte, directeur général des bâtiments à la cour. […] Il conserve sa manière de voir pure et droite, et il augmente tous les jours ses connaissances ; sa pénétration, l’étendue de sa vue s’agrandissent ; l’excitation qu’il me donne par la part qu’il prend à mes travaux me le rend inappréciable 49. » Et c’est ainsi que se complète autour du grand esprit de Weimar ce ministère général de l’intelligence dont il est le régulateur et le président ; ou, si l’on aime mieux, on y peut voir un petit système planétaire très bien monté, très bien entendu, dont il est le soleil.

944. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Et remarquez comme, sans théorie aucune et par un pur sentiment de vérité, il pense au peuple de l’armée, à toutes les classes de héros. […] Tout ce qui se piquait d’art pur se montra deux fois plus rigoureux pour lui. […] Du reste, j’ai reçu dans ce palais le meilleur accueil possible du général Bernelle ; il m’a donné une ci-devant belle chambre dans laquelle j’ai couché par terre avec délices, car du moins j’étais à sec, et mes trois jours se sont passés à courir la ville et les environs, dessinant autant que possible les points intéressants, et j’ai fait une fameuse récolte de tableaux à faire. » L’honnête homme, l’homme de devoir et de probité percent à tout moment à côté des impressions du peintre guerrier ; si Horace aime les soldats, il les aime aux mains nettes et pures.

945. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Une très belle épigramme de Léonidas, et qui tranche par le ton avec les précédentes, est celle qu’il fit pour un certain Phidon qui s’était donné la mort à lui-même, et qui paraît y avoir été poussé par pur dégoût de la vie, par une sorte de mélancolie méditative et philosophique : « Infini, ô Homme, était le temps avant que tu vinsses au rivage de l’Aurore ; infini aussi sera le temps après que tu auras disparu dans l’Érèbe. […] Qu’au retour du printemps, dépouillant la prairie, Des dons du villageois ma tombe soit fleurie ; Puis d’une brebis mère et docile à sa main, En un vase d’argile9 il pressera le sein ; Et sera chaque jour d’un lait pur arrosée La pierre en ce tombeau sur mes mânes posée. […] Il est donné à très peu de l’aimer et de la goûter toute sincère et toute pure.

946. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Sans doute, à ce métier de prêcheur un peu nomade, il faut quelque condescendance parfois, quelque concession au goût du jour et à Celui des lieux où l’on passe ; mais ce n’est point pourtant le cas des sophistes de l’Empire romain qui, eux, traitaient de purs thèmes de rhétorique et faisaient des déclamations, soutenant au besoin le pour et le contre, prêts à plaider, par exemple, devant les Troyens, et pour leur complaire, que l’antique Ilion n’avait jamais été prise par les Grecs, sauf à plaider la thèse contraire devant les Argiens. […] Il a peut-être, dans ses citations, sacrifié un peu à l’agrément et à la variété ; et je dirais que la précision y perd, si l’on était dans un livre de science pure. […] Est-ce que vous croyez que la connaissance de la vie, des voyages, des romans en Pologne, des chimères et des rêves de Bernardin de Saint-Pierre, est inutile à l’intelligence complète de son pur chef-d’œuvre, et à son explication satisfaisante sur tous les points ?

947. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Qu’on veuille penser un moment à tout ce qu’enferme de latinisme, de pure sève romaine du meilleur temps, l’admirable prose française de Bossuet ! […] C’est bien ainsi que l’épopée vraiment nôtre aurait pu raisonnablement se tenter, et non par un fabuleux Francus, pur roman d’aventure, passé à la glace de l’imitation et de la contrefaçon classique. […] Il ne serait pas du xvie  siècle, si son or était pur d’alliage.

948. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Mais peu importe ; il suffit que le mal ne puisse sortir de sa confession, et qu’il y ait presque à toute page d’admirables instincts et élancements de pur amour. […] C’est avec ces pensées que j’arrive jusque dans ma retraite, et qu’environné des livres saints dont je me suis fait comme une barrière je m’écrie : « Jours de bénédiction, beau temps, air doux et pur qu’on n’espérait plus ; herbe verte et si belle sous ces rayons qui ne la brûlent plus et qu’elle reçoit avec amour ; solitude, silence, éloignement du bruit et des passions des hommes ; délices de l’homme contemplatif et apaisé ; qu’ai-je fait pour vous goûter avec cette plénitude et ces transports ? […] Car, dans les songes de ma vie, J’ai vu des Anges dans l’azur, Et contemplé d’un œil d’envie Ce Ciel et si grand et si pur !

949. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Chaque époque a sa folie et son ridicule ; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies ; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps ; l’art pur a eu son culte, sa mysticité ; mais voici que le masque change ; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes, et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire. […] De là, une littérature à physionomie jusqu’à présent inouïe dans son ensemble, active, effervescente, ambitieuse, osant tout, menant les passions les plus raffinées de la civilisation avec le sans-façon effréné de l’état de nature ; perdant un premier enjeu de générosité et de talent dans des gouffres d’égoïsme et de cupidité qui s’élargissent en s’enorgueillissant ; et, au milieu de ses prétentions, de ses animosités intestines, n’ayant pu trouver jusqu’ici d’apparence d’unité que dans des ligues momentanées d’intérêts et d’amours-propres, dans de pures coalitions qui violent le premier mot de toute harmonie morale. […] On n’a pas hésité à glisser dans l’intervalle de ces portraits quelques articles de pure critique et même de polémique, tels que celui-ci, qui furent écrits dans la Revue des Deux Mondes, pour répondre à des besoins ou parer à des dangers du moment.

950. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Le vaudeville fut sa première manière ; car à travers sa production incessante et ses diversions croisées sur tous les théâtres, on distingue assez nettement en lui trois manières successives : 1° le vaudeville français pur, simplement chantant et amusant ; 2° la jolie comédie semi-sentimentale du Gymnase, où il est proprement créateur de genre ; 3° la comédie française en cinq actes enfin, à laquelle il s’est élevé dès qu’il l’a fallu, qu’il est en train de modifier selon son goût, et où il n’a pas dit son dernier mot. […] Ce rôle de pur vaudevilliste à saillie franche et gaie va aboutir à la très-spirituelle bouffonnerie l’Ours et le Pacha (1820), dans l’idée de laquelle il faut compter pourtant M. […] Scribe glissait de légères esquisses de mœurs d’un trait plus pur, plus soigné.

951. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Prosper de Barante apportait là des prédispositions toutes particulières, une jeunesse pure et sérieuse, une éducation diverse, un peu inégale, rectifiée par une réflexion précoce, surtout rien de scolaire, rien de cet enthousiasme purement littéraire qui sent sa rhétorique et qui la prolonge au delà du moment. […] Aujourd’hui que tout noble centre a disparu, et que la pensée, si elle veut être pure, cherche vainement un lieu désintéressé où se groupent avec charme et concert les activités diverses, ces souvenirs des foyers et comme des patries autrefois brillantes sont bien faits pour rappeler un moment le regard en arrière et le reposer. […] L’ensemble d’une telle querelle, entièrement politique et même mercenaire, où les Confédérés servirent surtout l’ambition de Berne, ne saurait donc s’assimiler que par une confusion lointaine à ce premier âge d’or helvétique, à cette défense spartiate et pure des petits cantons pauvres et indépendants.

952. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Derrière ma faiblesse il y a de la force ; la faiblesse est dans l’instrument. » Mais s’il n’écrivait pas de livres, il lisait tous ceux des autres, il causait sans fin de ses jugements, de ses impressions : ce n’était pas un goût simplement délicat et pur que le sien, un goût correctif et négatif de Quintilius et de Patru ; c’était une pensée hardie, provocante, un essor. […] Heureux ceux qui, toujours les mêmes, sont sortis purs de tant de crimes et sains de tant d’affreux périls ! […] Voici comment je le conçois : il est sûrement composé de la substance la plus pure et a de hauts enfoncements ; mais ils ne sont pas tous égaux.

953. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Tels étaient nos sentiments : ils n’étaient point gênés, mais ils étaient purs. […] J’avais pardonné cependant, quand je me rappelai que ce même écrivain, toujours pur selon lui et ses amis, avait fait la cour à l’empereur pour obtenir la place de secrétaire d’ambassade à Rome, sous le cardinal Fesch ; qu’il avait ensuite été le favori de M. de Fontanes, favori lui-même de la princesse Élisa ; qu’il passait son temps à Morfontaine, dans l’intimité de cette famille couronnée ; qu’il avait obtenu par elle l’emploi de ministre plénipotentiaire en Valais ; qu’il avait, il est vrai, donné sa démission après le meurtre du duc d’Enghien ; mais que, dans sa harangue à l’Académie, peu de temps après, il avait proclamé Napoléon le nouveau Cyrus, en termes d’un poétique enthousiasme ; le fond de mon cœur n’était pas sans quelque scrupule sur l’immaculée pureté du bourbonisme de M. de Chateaubriand. […] est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.

954. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Mais il dit aussi certains petits effets de grandes vertus, des excès et des défauts, marques d’humanité, qui rapprochent de nous le saint, et l’animent sans l’amoindrir : nous voyons le roi, vêtu de grossier camelin, « tremper son vin avec mesure », et manger ce que son cuisinier lui prépare, sans condescendre jamais à commander le menu de son repas ; nous le voyons, modeste en sa parole comme pur en ses actes, n’ayant onques nommé le diable en ses propos, toujours timide et petit enfant devant sa mère, froid à l’excès et comme indifférent à l’égard de sa femme et de ses enfants, l’humeur vive avec son angélique bonté, assez jaloux de son autorité, rabrouant prélats ou Templiers, quand ils semblent entreprendre dessus, et, pour tout dire, un peu colère : Joinville ne fait-il pas un pacte avec lui, pour que ni l’un ni l’autre à l’avenir ne se fâchent, le roi de ses demandes, et lui des refus du roi ? […] Voilà une foi intacte, pure, naïve, et, qui plus est, une foi qui règle les actes. […] Il prend au sérieux la croisade et son voeu : d’abord connue un engagement de vie pure et chrétienne.

955. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Sous cette réserve, Boileau fut vraiment le premier à se constituer conseiller du public dans le jugement des écrits, à entreprendre, sans passion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d’élever les réputations littéraires. […] Il proscrit la fantaisie, l’esprit : il exige la probité, l’oubli de soi-même, la concentration de toutes les forces de l’esprit, de toutes les ressources du métier dans l’expression du pur caractère de l’objet. […] Voir la raison identifiée à la passion, quand la passion est la nature à rendre, dans ces vers de Molière, Misanthrope, 1, 2 : Et ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux Que ces colifichets dont lebon sens murmure Et que lapassion parle là toute pure ?

956. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Bonnard s’exprime dans la langue la plus pure, la mieux rythmée, la plus harmonieuse, dans une langue toute nourrie de grâce et de beauté grecques. […] Il charmera les femmes, car il est délicat et pur. […] Paul Bourget) aux littératures du Nord : elle me paraît le produit extrême et très pur de la seule tradition grecque et latine.

957. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Lesage et Rollin ne paraîtront plus dans cette histoire ; mais nous retrouverons tout à l’heure les trois grands écrivains qui développent et enrichissent la langue fidèlement continuée par ces deux génies aimables, derniers représentants de la pure tradition du dix-septième siècle. […] C’est moins de la critique que de la guerre, et je n’affirmerais pas que ces prophètes de malheur et ces éplucheurs de mots aient été purs du péché d’envie ; cependant, ne sont-ils pas plus près de la vérité dernière sur la Henriade que la Harpe, qui ne trouve à porter au compte des fautes qu’un seul exemple de « vérités communes exprimées en vers communs ? […] Tous les sentiments y sont purs des deux défauts auxquels nul n’échappe en parlant de soi, l’exagération et la familiarité.

958. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Bourget, apparemment si apte à la spéculation abstraite, auquel il semblerait que la pure forme philosophique eût dû sourire exclusivement. […] Elle est en butte à plusieurs catégories de séducteurs : le visionnaire d’abord, qui la peut déconcerter et conquérir par surprise ; l’imaginatif pur, dont le capricieux esprit indiscipliné en soupçonne plus long sur la réalité que n’en saurait la réalité elle-même, tant il a refait les mêmes voyages par tous les chemins praticables, tant il s’est rendu supérieur dans le jeu des rapprochements, des souvenirs et des rapports, et, en un mot, s’est ménagé de points de repère et d’entrecroisement ; l’intellectuel qui conçoit mathématiquement, par voie de déductions, et qui tisse un ouvrage de subtilité rare, à force de persévérance et de repliement sur soi ; enfin, le professionnel, que représentent d’ailleurs la généralité des hommes, — puisque être, c’est penser, — lequel voit et pense. […] France, — qui n’a pas les indisciplines pures de M. 

959. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

La plupart des positions libérales, en effet, absorbent tous les instants, et, qui pis est, toutes les pensées ; au lieu que le métier, n’exigeant aucune réflexion, aucune attention, laisse celui qui l’exerce vivre dans le monde des purs esprits. […] La devise des saint-simoniens : « Sanctifiez-vous par le plaisir » est abominable ; c’est le pur gnosticisme. […] À regarder de près le spectacle de l’activité humaine, on reconnaît que la plus grande partie de cette activité est dépensée en pure perte.

960. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Et comme les animaux, placés entre les deux extrêmes, l’embarrassent fort, il leur ôte l’intelligence et même la sensibilité ; il ne veut pas qu’ils aient une âme, fût-ce un embryon d’âme ; il les assimile à des horloges ; il en fait de purs automates qui n’ont que l’apparence de la vie. […] Faut-il rappeler que la philosophie du temps s’occupe surtout de l’âme, abstrait de la complexe réalité la pensée pure, se fie en aveugle à la puissance du raisonnement, use de la méthode mathématique ? […] Pendant que la poésie s’amincit et se décolore à force de s’adresser à l’intelligence pure, la prose a toutes les qualités de beauté calme et méthodique que préfère le goût régnant.

961. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Toutes ont péri, et le pur esprit, le fumet religieux et capiteux des orgies sacrées s’est évaporé avec elles. […] Cette pure et sobre Attique était, à l’époque tertiaire, la région des énormités. […] Il déchire hardiment le voile corporel qui recouvre leur essence première, et les montre, comme à leur naissance, indivisibles des éléments, qu’ils personnifient. — « Le Ciel pur », disait Aphrodite dans ses Danaïdes, « aime à pénétrer la Terre, et l’Amour la prend pour épouse.

962. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

C’est là le dernier rêve, et le plus fastidieux, de la pure raison entêtée d’elle-même ; c’est l’idéal encyclopédique dans toute sa beauté opaque. […] Turgot ne s’en tient pas, en fait de morale, à une pure impression mobile de sensibilité physique, il a des principes plus fixes : « Je suis en morale, dit-il d’une manière charmante, grand ennemi de l’indifférence et grand ami de l’indulgence, dont j’ai souvent autant besoin qu’un autre. » Condorcet, dans son besoin d’activité et de propagation extérieure, paraît croire qu’on ne peut éviter certains vices peu dangereux sans risquer de perdre de plus grandes vertus : « En général, les gens scrupuleux, pense-t-il, ne sont pas propres aux grandes choses. » Turgot ici l’arrête tout court ; il semble deviner l’homme de parti et de propagande qui perce déjà, et il lui dit : « La morale roule encore plus sur les devoirs que sur les vertus actives… Tous les devoirs sont d’accord entre eux. […] Daunou, qui était comme un Condorcet un peu réduit et diminué, un Condorcet de seconde main, mais pur et irrépréhensible, et aussi plus orné littérairement.

963. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Les poètes surtout, ceux qui se groupaient dans le recueil de La Muse française, Guiraud, Vigny, Hugo, Deschamps, aimaient alors à prédire à Delphine, comme on l’appelait tout fraternellement, la couronne de l’élégie lyrique : Son talent tout jeune, me dit un de ces fidèles témoins que j’ai voulu interroger pour être juste, nous paraissait devoir être un mélange de vigueur masculine avec une sensibilité de femme du monde, plus affectée des choses de la société que des spectacles de la nature ; plus nerveuse que tendre, plus douloureuse que mélancolique : le tout marchant de concert avec beaucoup d’esprit réel, sans prétentions, et se manifeste tant sous une forme de versification pure, correcte, savante même et assez neuve alors. […] Napoline aime, elle se croit aimée, et, à un mot qu’elle surprend, elle s’aperçoit qu’on la trompe, qu’elle a une rivale, et qu’on lui est infidèle : La vierge la plus pure a cet instinct sauvage Qui lui fait deviner une infidélité. […] Au lieu de l’ancien vers classique tout noble et tout pur, on a du comique parfois, des mots hardis ou même vulgaires, et mis à dessein.

964. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Fénelon, jugeant ces mêmes Avis de Mme de Lambert à son fils, disait : L’honneur, la probité la plus pure, la connaissance du cœur des hommes, règnent dans ce discours… Je ne serais peut-être pas tout à fait d’accord avec elle sur toute l’ambition qu’elle demande de lui ; mais nous nous raccommoderions bientôt sur toutes les vertus par lesquelles elle veut que cette ambition soit soutenue et modérée. » Mme de Lambert perdit son mari en 1686 ; elle l’avait accompagné deux années auparavant à Luxembourg, quand il avait été nommé gouverneur de cette province, et, dans ce pays nouvellement conquis, elle l’avait aidé à se concilier les cœurs : « Il avait la main légère, dit-elle, et ne gouvernait que par amour, et jamais par autorité. » Elle avait consacré tout son bien personnel, qui était considérable, à l’avancement de la fortune de son mari et à une honorable représentation. […] Boileau et La Fontaine attendirent longtemps avant d’être de l’Académie ; et, lors même qu’ils en furent, il y restait beaucoup de gens de l’ancien goût, et il s’en glissait déjà quelques-uns d’un goût nouveau, lequel n’était pas le plus pur. […] On dirait qu’elle se ressouvient de ce même Vauvenargues qui pourtant n’est venu qu’après, quand elle dit : « Je vous exhorterai bien plus, mon fils, à travailler sur votre cœur qu’à perfectionner votre esprit : la vraie grandeur de l’homme est dans le cœur. » D’un autre côté, si elle devance ses successeurs sur quelques points, elle répète ses devanciers sur quelques autres, et il ne serait pas difficile de retrouver dans son texte des pensées toutes pures de Pascal, de La Bruyère et de La Rochefoucauld27.

965. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Il faut comprendre combien la vie déborde l’art pour mettre dans l’art le plus de vie. » L’art pour l’art, la contemplation de la pure forme des choses finit toujours par aboutir au sentiment d’une monotone Maya, d’un spectacle sans fin et sans but. En outre, elle fait de l’art quelque chose de concentré en soi et d’isolé, non d’expansif et de social, car la société humaine ne saurait s’intéresser à un pur jeu de formes. […] Un tel art est sans doute moins abstrait et nous fait vibrer tout entiers ; mais, par cela même, « on peut dire qu’il est moins sensuel et recherche moins pour elle-même la pure jouissance de la sensation. » D’ailleurs, les symptômes de l’émotion peuvent s’emprunter aussi bien au domaine de la psychologie qu’à celui de la physiologie.

966. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Il n’admet pas que le littérateur, dans un but d’art pur, se libère des soucis moraux et politiques de son époque. […] En lui, il y a une âme passionnée pour la gloire de la Terre Natale et il est un des écrivains les plus purs de notre littérature. […] Écrivain de bon ton, de si bon ton, il écrit un style pur, immaculé, virginal, que ne pollue aucun contact, un style propre, repassé, glacé, qui, en souvenir de Bourget, se fait blanchir à Londres — ou à Genève… M. 

967. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Ce n’est pas l’eau solitaire et croupie de l’étang qui est pure ; c’est l’eau violente, frémissante et cristalline du torrent qui est pure. […] Celui même qui a dressé dans son cerveau, avec des assises dans l’être entier, un autel au dieu des voluptés secrètes, contemplant sa propre image que des rides précoces lui interdisent seules de comparer à l’éclatante beauté d’un Narcisse, s’adresse à lui-même ces paroles dans la mystérieuse solitude de son être : « Restons de plus en plus en nous-mêmes, d’essence toujours plus rare et sans cesse plus précieuse ; ne troublons pas ce qui doit rester pur, pour dominer les vains fantômes illusoires des réalités et l’immense troupeau des apparences.

968. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

À cette évolution de la critique répond une évolution parallèle de l’histoire, ou plutôt les deux n’en sont qu’une, si l’espace et le temps, comme Kant vient de le démontrer, ne font ensemble qu’une seule et même catégorie de la raison pure. […] Et finalement, par l’intermédiaire du symbole, dont il a ressaisi la destination première, — qui est d’exprimer la parenté non moins certaine que confuse de l’idée pure et de la forme plastique, — toutes ces pièces, ou plutôt tous ces poèmes, ont ramené la poésie à la conscience de son objet et de sa fonction sociale. […] C’est pourquoi, son influence a encore triomphé de la doctrine de l’art pour l’art, — que d’ailleurs il ne comprenait pas, quand il lui reprochait d’enseigner « la reproduction pure et simple des faits » et bien moins encore, quand, avec son assurance tranchante, il la déclarait « absolument vide de sens ». […] C’est l’origine de ce que nous avons appelé depuis lors le « christianisme social » ou le « socialisme chrétien » ; — dont la pente irrésistible est vers le socialisme pur, — dès qu’il se sépare de l’autorité et de la tradition. — Mais nous n’en revenons pas moins au même point ; — et l’erreur de Lamennais ne consiste point à s’être contredit ; — mais à avoir voulu établir entre les deux termes de religion et de démocratie, — une identité qui les rendît en tout temps convertibles l’un en l’autre ; — et qui le condamnait donc lui-même à n’être qu’un pur démocrate, — si l’Église refusait d’admettre cette identité. […] Hypatie] ; — et l’amour païen de la beauté pure [Cf. 

969. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Le jésuitisme est en train de regagner chez nous une partie de l’intervalle qui séparait l’ancien gallicanisme du catholicisme pur.

970. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d’elles ; Leur langage est plus fort que toutes les paroles ; Bien n’exprime que lui les choses immortelles, Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.

971. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

D’où, pour moi, le poète sui generis et général en lui, le poète par excellence et de préférence, le poète pur et simple, si vous aimez mieux.

972. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

Du point de vue auquel on se tient actuellement, le pouvoir de concevoir les choses autres qu’elles ne sont ne doit plus apparaître que comme une expression mythologique du pouvoir pur et simple de connaître, ce que l’on nommait le pouvoir de déformation de l’esprit doit apparaître ainsi qu’un pouvoir créateur.

973. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

Le comte De Caylus est beau, vigoureux, noble, fait avec hardiesse, bien modelé, bien ressenti, chair, beaux méplats, le trait pur, les peaux, les rides, les accidens de la vieillesse à merveille.

974. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il a commencé par être poëte pur, enthousiaste, confiant, poëte d’une poésie blonde et ingénue. […] Il répara vite ce désaccord, j’oserai dire cette belle ignorance, plus regrettable, à mon sens, qu’on ne croit : en écrivant Cinq-Mars, un peu au hasard d’abord, il s’accoutuma vite à cette autre forme de développement qui, à partir de Stello, est devenue pour lui un art, un rhythme, un tissu mi-parti d’analyse et de poésie, mais dans lequel beaucoup trop de cette précédente et pure poésie a passé. […] Je ne sais quelle ironie s’est infiltrée de plus en plus, comme une goutte d’acide, dans ce talent pur. […] Longtemps harcelé et raillé pour cette pièce de vers bonne ou mauvaise, mais sincère, qui a paru à quelques-uns une laideur et une énormité, il ne me déplaît pas que De Vigny, le noble et le pur, l’art précisément choisie exprès pour la distinguer.

975. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais je veux, de ce portrait étendu que j’ai sous les yeux, et qui a pour épigraphe le mot de Massillon : C’est l’amour qui décide de tout l’homme, — je veux tirer ici quelques passages qui en fixeront mieux les nuances, et nous accoutumeront aussi à l’observation judicieuse et fine, à la ligne gracieuse et pure de celle qui l’a tracé : « On ne peut guère, écrit Mme de Rémusat, porter plus loin que Mme d’Houdetot, je ne dirai pas la bonté, mais la bienveillance. […] l’on peut dire, un regain du pur Louis XIV. […] On se rappelle, dans les Mémoires de Silvio Pellico, le touchant roman ébauché avec cette Madeleine repentie, dont il n’entend que la voix et les cantiques à travers le mur ; mais le roman reste, pour ainsi dire, dans l’air, à l’état de fil de la Vierge, et flotte en pur rêve. La suite des diverses petites scènes, chez Mme de Rémusat, est bien dessinée, bien motivée ; je demanderais au style toujours élégant et pur, sinon plus d’éclat par places, du moins plus d’imprévu, quelques molles négligences.

976. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

D’ailleurs, qu’avions-nous à nous reprocher que d’avoir rendu feu pour feu, en défendant la vie ou en vengeant le sang de notre innocente contre des assassins qui l’avaient frappée en traître, et qui avaient répandu un sang plus pur que celui d’Abel ? […] La jeune mère regarda en dessous le visage endormi de son beau nourrisson et sourit de souvenir en s’envermeillant de pudeur ; puis elle raconta, sans lever une seule fois les yeux, et comme par pure obéissance à son père, ce qu’on va lire. […] L’image dont cette naïve jeune mère ne soupçonnait pas même la candeur ne fit sourire ni l’aveugle, ni la vieille tante, ni moi ; tout était pureté dans cette bouche pure, vierge d’âme, quoique avec son fruit d’innocence sur son sein. […] Nous nous regardions quelquefois ainsi par badinage jusqu’à ce que l’eau du cœur nous montât de fatigue dans les yeux ; mais cette eau était aussi pure que celle de la grotte au soleil.

977. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Est-ce forcer les mots que de voir dans ce poète de la volonté toute pure quelque chose comme le Kant du théâtre tragique ? […] Il faut avoir le cœur bien pur pour marchander son estime à Racine. […] , il ne restait que la tragédie toute pure. […] A ce compte, la tragédie toute pure n’admettrait guère l’amour qu’au moment où il verse le sang, parce qu’alors seulement il devrait être réputé tragique.

978. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Mais puisque le mal est fait, il n’est pas mauvais que la postérité connaisse aussi le nom de celui qui récompensa par le plus lâche des abandons l’amour le plus pur et le plus désintéressé. […] « Vous y verrez que les relations entre Henri de Latouche et la famille Valmore étaient de pure amitié. […] Il s’est réjoui d’introduire, dans une discussion de pure curiosité, et dont les conclusions ne peuvent toucher qu’un mort et une morte, un document faux, mais dont la fausseté n’était d’ailleurs ni paradoxale, ni imprévue, ni, d’autre part, désobligeante à aucun degré pour ceux qu’il abusait un moment. […] Ses plus intimes amies étaient des irrégulières : les chanteuses Caroline Branchu et Pauline Duchambge, — celle-ci, maîtresse d’Auber, — et Mélanie Waldor, qui n’a pas laissé, me dit-on, la réputation d’une femme très bonne ni très pure.

979. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Rien du catholicisme littéraire de Chateaubriand ; très peu même de celui de Baudelaire ou de Barbey d’Aurevilly, purs artistes qui ne concluent point par des actes. […] Sa marque, comme critique, c’est d’être, avant tout et presque uniquement, préoccupé et amoureux des idées ; d’être un pur « cérébral », un pur « intellectuel », dirais-je, si ces mots étaient mieux faits et si un mauvais usage n’en avait corrompu et obscurci le sens. […] Né d’un vieux sang républicain et très pur ; muni des meilleures « humanités » ; formé à la fois par la fréquentation du monde, par l’étude de l’histoire et de l’économie politique, et par de longs voyages en Amérique et en Allemagne (tout à fait l’éducation d’un homme politique d’outre-Manche, comme vous voyez) ; honnête homme avec raffinement ; très courageux, et du courage le plus allègre ; et, par surcroît, ayant eu l’esprit de n’être pas encore ministre, il m’apparaît, j’ai plaisir à le dire, comme une des grandes espérances de notre pays.

980. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

. — Forme virile de notre pur instinct, le rythme, léger tel qu’un souffle ou fort comme une volonté d’homme, naît de notre désir et s’identifie avec nous-même. […] », mais il lui est permis de protéger les lettres, les arts et l’industrie, d’envoyer des ambassadeurs, de s’entourer d’une noblesse encore jalouse de pur renom, de dissoudre au besoin une chambre des députés turbulente ; et dans l’apparat glacé des cérémonies officielles, lorsque musiques et discours célèbrent les fastes de la nation, la séculaire mémoire de sa race et sa hautaine stature imposent encore par leur grandeur. […] Vielé-Griffin qui est un bel et pur artiste peut se livrer à son goût ; il choisira sans doute des choses pures et belles.

981. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Charles Baudelaire [Frédéric Dulamon] Ce titre est significatif, et nous en remercions la loyauté du poète : jamais mur bastionné ni grilles de fer n’ont interdit plus clairement aux voleurs l’entrée des propriétés, que le nom lugubre de ces vers en défend la lecture aux âmes pures et novices.. […] Il faut donc chercher un autre mot, et, quel qu’il puisse être, il finira par avoir le sort de tous les autres. » Voilà le danger signalé par un pur classique, par un écrivain qui traitait Shakspeare et Schiller de sauvages, et leurs traducteurs, MM.  […] Cette qualité est frappante dès le second morceau, intitulé Bénédiction, où l’auteur présente l’action fécondante du malheur sur la vie du Poète : il naît, et sa mère se désole d’avoir porté ce fruit sauvage, cet enfant si peu semblable aux autres et dont la destinée lui échappe ; il grandit, et sa femme le prend en dérision et en haine ; elle l’insulte, le trompe et le ruine ; mais le Poète, à travers ces misères, continue de marcher vers son idéal, et la pièce se termine par un cantique doux et grave comme un final d’Haydn : Vers le Ciel où son œil voit un trône splendide, Le Poëte serein lève ses bras pieux, Et les vastes éclairs de son esprit lucide Lui dérobent l’aspect des peuples furieux : « — Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance Comme un divin remède à nos impuretés, Et comme la meilleure et la plus pure essence Qui prépare les forts aux saintes voluptés ! […] Car il ne sera fait que de pure lumière Puisée au foyer saint des rayons primitifs, Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière, Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs ! 

982. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées. […] Ses personnages turcs, chinois, arabes ou américains, sont bien plus des Français, que les Grecs et les Romains de Racine et de Corneille, et comme ce sont des Français du siècle de Louis XV, au lieu d’être des Français du siècle de Louis XIV, leur langage est moins grand, moins pur et moins idéal Ce n’était plus devant madame de la Vallière, mais devant madame de Pompadour qu’ils parlaient. […] Villemain sur ce créateur de la tragédie moderne, et qu’ils voient comment le goût le plus pur se prosterne devant le génie. […] C’est un chant suave et pur qui sort d’un récitatif bruyant et agité.

983. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits est un pur discours philosophique. […] C’est un être qui tient le milieu entre l’homme tel que nous sommes et l’esprit pur. […] Car, remarquez-le, l’amour des animaux est quasi le seul amour désintéressé que l’humanité connaisse  j’ai dit quasi, parce que je ferai une petite réserve tout à l’heure  est en vérité l’amour pur ; car il est le seul amour désintéressé. […] Mais quand il s’agit d’aimer les animaux  et j’ajoute les vieillards… les vieillards pauvres  je voudrais bien savoir quelle pensée d’esprit de retour on peut avoir et si ce n’est pas l’amour pour l’amour, l’amour désintéressé, l’amour pur, qui fait que nous nous penchons avec intérêt vers notre inférieur.

984. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Rien, du reste, ne peut, que le livre, donner une idée de ce livre, de cet acharnement de témoignages, de ces torrents de citations jaillissant de toutes parts, des sources les plus pures, des écrits les plus authentiques, les plus incontestables, mais qui n’avaient encore jailli dans l’Histoire, avec ce nombre et cette abondance, sous la plume de personne. […] Ce n’est ici que la première explosion de cette histoire révolutionnaire, dont les commencements furent si purs et si beaux, et presque si charmants, nous ont dit tant d’histoires, auxquelles M.  […] À l’exception du seul Marat, qui tomba, lui, sous un poignard dont l’acier était pur, ils moururent tous en se souillant, les uns par les autres. […] « Là-bas, — au camp, — devant l’ennemi, les nobles idées générales, qui, entre les mains des démagogues parisiens, sont devenues les prostituées sanguinaires, restent des vierges pures dans l’imagination de l’officier et du soldat.

985. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Nul artiste, en effet, nul penseur, ne tire de sa tête, si riche qu’elle soit, la notion de l’élégance à l’état pur. […] Que de fois elle a laissé, avec une sublime indulgence, le Conte drolatique, sorti de la fantaisie d’un artiste aux intentions pures, s’enlacer aux frises de ses cathédrales et rire aussi sur ses portails ! […] Il n’y a pas plus de talents autochtones qu’il n’y a de peuples autochtones, et, d’un autre côté, ce n’est pas Rabelais qui déformera jamais la tête, éprise de son génie, qui aura reposé ou médité sur ses mains inspirées, lui si grand artiste qu’on ne pense qu’à son art lorsqu’il pétrit l’argile la plus grossière, et que, par la forme, il l’égale au marbre le plus pur ! […] Doré, qui comprend si bien le côté physique du Moyen Âge et n’a peur d’aucun détail poignant ou immonde des passions naïves de ce temps, n’en comprend pas si bien le côté pur, fermé, intime et religieux.

986. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

C’est donc l’effort de mémoire, ou plus précisément de rappel, qui nous occupera d’abord dans un précédent essai 64, nous avons montré qu’il fallait distinguer une série de « plans de conscience » différents, depuis le « souvenir pur », non encore traduit en images distinctes, jusqu’à ce même souvenir actualisé en sensations naissantes et en mouvements commencés. […] Il est rare, d’ailleurs, que les deux opérations s’accomplissent isolément et qu’on les trouve à l’état pur. […] Il nous reste, pour conclure, à montrer que cette conception de l’effort mental rend compte des principaux effets du travail intellectuel, et qu’elle est en même temps celle qui se rapproche le plus de la constatation pure et simple des faits, celle qui ressemble le moins à une théorie. […] Quand on dit que les images s’attirent en raison de leur ressemblance, va-t-on au-delà de la constatation pure et simple du fait ?

987. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Notez que c’était bien affaire d’État chez lui, non pas récréation ni divertissement pur ; et cette marque de favori, inscrite au front, frappera de discrédit, d’odieux ou de ridicule aux yeux de plusieurs, l’homme de son choix, même quand plus tard cet homme sera un ministre bienveillant et habile. […] Si, dans les actes publics, le roi semble accepter franchement quelques-unes des conditions de la société nouvelle, Monsieur s’empresse de rassurer ses amis plus impatients et qui réclament l’Ancien Régime tout pur : « Jouissons du présent, Messieurs, leur dit-il, je vous réponds de l’avenir. » Chaque ministre fonctionne à part sans s’inquiéter de ses collègues, sans se concerter avec eux.

988. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

J’avais précédemment retenu de belles stances de lui sur Ronsard ; je trouve dans le dernier recueil quelques notes douces, presque pures, la Chanson ignorée, les vers A la vallée du Denacre. […] Il faut supposer qu’elle a été faite pour une belle personne qui, dans un bal costumé, était en lune ou en Reine de la nui t : Son corps était couvert d’un voile en gaze noire Où, sans nombre, on voyait luire des diamants ; Son front, plein du frisson magique de la gloire, Portait le croissant mince et pur des firmaments.

989. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Il nous a montré, à partir de là, son héros défaisant à plaisir cet amour par des jalousies, des soupçons, de bizarres inquiétudes, des procédés violents ; il a dit : Voilà ce que c’est que d’avoir été débauché ; celui qui a été débauché gâte, souille par ses souvenirs, même l’amour pur. […] Accident, pur accident !

990. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

On a dans ces lettres le véritable Rancé tout pur, parlant en personne, simplement, gravement, avec une tristesse monotone, ou avec une joie sans sourire qui ressemble à la tristesse elle-même et qui ne se déride jamais. […] Ce sont nos péchés qui en sont cause. » (Lettre du 14 septembre 1689). — Ainsi le grand siècle, ce siècle de Louis XIV que nous nous figurons de loin comme fervent, était à bout des moines, et cela de l’aveu du plus saint et du plus pur des réformateurs monastiques du temps.

991. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ceux donc qui ont reçu en naissant la fermeté, la vénération, l’estime d’eux-mêmes, ces nobles et gouvernantes facultés que la nature, à ce que pensent les phrénologistes, aurait placées au sommet du front comme un diadème moral, ceux-là agissent avec suite, se maintiennent purs dans les vicissitudes, et opposent aux déchaînements les plus contraires une auguste permanence. […] Ce qui me frappe surtout dans les amours de Casanova, dans les premières comme dans celles qui viendront plus tard, dans ses passions les plus vraies et les plus profondes au moment où il les a, dans ce qui n’est ni pur caprice ni désœuvrement, ni débauche, dans sa liaison avec dona Lucrezia, avec Bellino-Thérèse, avec madame F., avec la jeune comtesse A.

992. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Ouvrez un mystère, celui de Théophile, celui de la fille du roi de Hongrie ; quand on veut la brûler avec son enfant, elle dit deux petits vers « sur cette douce rosée qui est un si pur innocent », et puis c’est tout. […] Dès l’origine et dans les pays où la race s’est gardée pure, on trouve nos Gaulois sensuels, enclins à faire bon marché du mariage.

993. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Cependant deux choses tendent à ramener les ouvrages de science et d’érudition dans notre domaine : la langue française, quand on l’emploie, toute concrète encore et chargée de réalité, et dont les mots apportent, au milieu des abstractions techniques, les formes, les couleurs et comme le parfum des choses sensibles ; ensuite, le tempérament individuel, mal plié encore à la méthode scientifique, et qui jette sans cesse à la traverse des opérations de la pure intelligence l’agitation de ses émotions et les accidents de sa fortune. […] Capitaine incomparable plutôt que bon général, il est le type de ces officiers solides, sur qui les chefs comptent pour les entreprises impossibles : malade, presque mourant, on le charge de défendre Sienne ; ce fut l’époque héroïque de sa vie, et sa plus pure gloire.

994. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Cependant il est nécessaire de revenir sur les dix dernières années du règne de Henri IV, ainsi que sur la régence de Marie de Médicis, et de faire connaître avec détail les mœurs de la cour de 1600 à 1620, pour montrer clairement comment s’échappa de cette cour dissolue la grande exception qui donne naissance à une société de mœurs pures et d’esprits délicats, dont la filiation et les traditions sont venues jusqu’à nous, et dont l’existence a été illustrée par le respect des étrangers. […] Il était d’ailleurs naturel à une jeune femme élevée dans une famille de mœurs pures et décentes, de partager le dégoût général pour les amours du roi, qui n’avaient plus l’excuse de la jeunesse.

995. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il n’aime pas la poésie pure, la poésie à l’état de rêve ou de fantaisie. […] Saint-Marc Girardin à l’égard de la poésie pure, de la poésie lyrique.

996. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Après 1814, la Comédie-Française eut à peine un instant d’éclipse ; durant toute la Restauration, nous l’avons vue briller du plus vif et du plus pur éclat. […] Ce qu’il faut de plus en plus à la France, appelée indistinctement à la vie de tribune et jetée tout entière sur la place publique, c’est une école de bonne langue, de belle et haute littérature, un organe permanent et pur de tradition.

997. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il a peu de gestes, mais il possède la plus essentielle des parties qui concourent à l’action ; il a la voix, une voix d’un courant pur et d’une longue haleine, d’un timbre net et clair, d’un accent distinct et vibrant, très propre à marquer les intentions généreuses ou ironiques du discours. […] Enhardi bientôt, il s’est mis à parler sur de simples notes, et, si je ne me trompe, aujourd’hui il combine ensemble ces diverses manières, en y ajoutant ce que la pure improvisation ne manque jamais de lui fournir.

998. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Il représente l’art dans sa conception la plus haute, la plus pure, la plus affranchie de toutes conditions temporelles. […] Si hautes que semblent ses idées, si purs ses sentiments, si jeune sa vision et si nouveaux ses rêves, ils ne compteront pour rien s’il n’en a fait de la beauté : c’est-à-dire quelque chose qu’il appelle poème et qui est un monde en ce monde, un corps entre les corps et parmi les êtres un être.

999. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Nulle part, en effet, l’expérience ne nous a permis de rencontrer une pensée pure, un esprit pensant sans organe, une âme angélique dégagée de tous liens avec la matière. […] Mais s’il en était ainsi, comment cette intelligence pure serait-elle à la merci d’un coup de sang ou d’une chute ?

1000. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Ce qui distingue les doctrinaires des purs royalistes, c’est qu’ils acceptent sans réserve l’ordre civil sorti de la révolution, c’est-à-dire l’égalité des partages et la sécularisation de l’État. […] Celles du libéralisme pur ne paraissaient pas en différer essentiellement.

1001. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Si l’on considère un instant dans son ensemble le mouvement poétique de ces vingt-cinq dernières années, on est frappé par le nombre considérable de discussions qui ont été provoquées par des questions de pure forme, et même, la plupart du temps, exclusivement prosodiques. […] Et lorsqu’à l’inscription du temple de Delphes : Connais-toi toi-même, nous ajoutions la formule de Térence : Homo sum, et nihil humani a me alienum puto  ; lorsque nous écrivions que nous voulions exprimer la vie humaine en fonction de l’humanité tout entière, et notre individualité en fonction de l’univers comme de l’inconnaissable, nous professions l’intégralisme le plus pur.

1002. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Plus tard, mais avec une autorité moindre, le drame romantique fit sonner le pur métal de ses tirades éclatantes et déplacées. […] Chez lui, rien qui ne concoure à l’action ou à la pure intelligence des caractères.

1003. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

C’est sûrement pour lui faire sa cour, et par une complaisance dont il ne se rendait pas compte, qu’il s’efforce d’être cartésien, c’est-à-dire, de croire que les bêtes étaient de pures machines. […] Négligence ne produisant aucune beauté ; effet de pure paresse.

1004. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

D’un côté, les vénérateurs d’un saint mystère, et de ceux qui l’honorent par des communions saintes ; ici, un si pur et si admirable sacrifice, là des pécheurs envieillis, tout sortant de leur infamie ; une victime toute sainte et un Dieu de sainteté ; des mains souillées et des bouches toutes souillées…‌ « On a tant dit de mal de l’antithèse, qu’on nous a dispensés d’en dire, Pascal en a médit plus spirituellement que personne, lorsqu’il a comparé « ceux qui « font des antithèses en forçant les mots » à ceux qui font de fausses fenêtres pour « la symétrie ». […] Il y a bien, en effet, quelque difficulté et même un peu de ridicule à vouloir toujours proclamer la supériorité de l’inspiration pure et simple sur le travail, quand on voit Pascal recommencer treize fois une de ses Provinciales et refaire souvent cinq fois le même morceau.

1005. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Son livre, cependant, n’est pas un livre de pure fantaisie. […] C’est là, en effet, le mérite incontestable et presque rayonnant de ce livre étrange, souvent forcé, qui ne serait rien de plus qu’un livre excentrique et qui en aurait la destinée si le style n’y mettait pas son âme, et, par le plaisir qu’il nous donne, ne le tirait pas du cercle étroit de la pure curiosité littéraire.

1006. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Pour apparaître dans sa splendeur presque mystique, tant elle est pure et religieuse aux yeux de la postérité, Lamartine n’a besoin ni d’une statue, fût-elle de Michel-Ange lui-même, ni d’une biographie, fût-elle de n’importe qui ! […] C’était un pur succès de cœur, une indicible volupté !

1007. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Semblable à tous les hommes qui ont l’ambition de leur talent, il a pu rencontrer, dans cette forêt de Bondy enchantée qu’on appelle la littérature, les trois charmantes fées dont tout écrivain, comme le chevalier du Tasse, doit vaincre les charmes : la Bêtise, l’Envie et la Fausse Amitié ; mais ce n’est pas là une raison pour élever son ressentiment jusqu’à la Critique elle-même, dans sa notion pure et absolue. […] Mais à part les vers qui s’y sont mis, comme dirait Rivarol, ce poème n’est, au fond, qu’un petit roman d’observation pénétrante et raffinée, d’un détail très pur et d’une émouvante simplicité.

1008. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Partout, en effet, quand au lieu d’être journaliste il eût été corsaire, — ce qui, du reste, ne fait pas une si grande différence déjà, — partout, même quand il serait resté marchand d’anchois dans son excellente ville de Marseille, il aurait eu ce génie du mot, qui nous est donné, à pur don, comme tous les autres génies ; cette faculté qui, tout à coup, met une idée sous sa forme la plus concentrée, espèce de cristallisation de l’esprit d’une rapidité foudroyante. […] Eh bien, dans l’ordre de la pensée pure appliquée, la Critique, comme l’Histoire, doit étager les grandes aptitudes intellectuelles avec la même rigueur et suivant la même loi !

1009. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Chose singulière : s’il était resté un pur positiviste, c’est-à-dire au fond un pur négateur à la façon de son illustre ami M.  […] Même quand sa foi est profonde et son zèle pur, l’homme de Dieu subit la futilité de son auditoire. […] de l’amour le plus pur et le plus timide, d’un amour qu’elle ne saurait définir elle-même, mais qui est plus fort que la mort, — et parce qu’il lui suffit de savoir qu’elle est innocente à ses yeux. […] Cette fière jeune fille est parfaitement pure, mais non point ingénue. […] Pour cela, les deux pauvres petites osent certaines démarches un peu extraordinaires pour de pures jeunes filles : mais c’est que la situation non plus n’est pas ordinaire et que, si elles sont pures, elles ne sont pas ignorantes, hélas !

1010. (1898) Essai sur Goethe

Lui arriva-t-il d’entrer en campagne par pur amour de la justice, pour soutenir les droits lésés des faibles ? […] Si vos mains et vos cœurs sont purs, levez les bras et appelez sur le malfaiteur : Malheur ! […] Mon cœur est pur de crimes, et mes mains de sang innocent. […] J’apporterai le feu pur de l’autel : ce que j’ai allumé n’est pas une flamme pure. […] Cette faveur remplit Tasse de la joie la plus pure.

1011. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIX » pp. 227-230

Génin, ancien professeur de l’Université à Strasbourg et rédacteur du National : c’est âcre, violent et du pur xviiie  siècle.

1012. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIII » pp. 244-246

On se demande quelle est cette Éva à qui l’on écrit une lettre ; ce n’est donc pas, comme il semblerait, une Muse et un pur idéal.

1013. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Ceux donc qui ont reçu en naissant la fermeté, la vénération, l’estime d’eux-mêmes, ces nobles et gouvernantes facultés, que la nature, à ce que pensent les phrénologistes, aurait placées au sommet du front comme un diadème moral, ceux-là agissent avec suite, se maintiennent purs dans les vissicitudes, et opposent aux déchaînements les plus contraires une auguste permanence.

1014. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

En réponse à ces excellentes exigences, nous n’avons rien à opposer sinon que M. du Clésieux, nous a-t-on dit encore, n’a pas employé ces six années de retraite, dont nous parlons, à de pures extases de cœur, à de simples élévations d’intelligence ; il a fait le bien, et a beaucoup amélioré les hommes autour de lui ; combien d’agitations bruyantes sont moins effectives !

1015. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Et même, c’est plus beau, car dans le mal — le mal absolu — c’est plus pur.

1016. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Nourri d’Henri de Régnier, s’il n’en connaît pas tous les détours, toutes les séductions, il vaut encore par une spontanéité d’images élégantes, pures et bien ajustées.

1017. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Herold, André-Ferdinand (1865-1940) »

Hérold est l’un des plus objectifs parmi les poètes nouveaux ; il ne se raconte guère lui-même ; il lui faut des thèmes étrangers à sa vie, et il en choisit même qui semblent étrangers à ses croyances ; ses reines n’en sont pas moins belles ni ses saintes moins pures.

1018. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houssaye, Arsène (1815-1896) »

Houssaye revint l’un des premiers aux bois et aux sources du Parnasse, au naturalisme des Grecs, immense et pur comme le lever d’une aurore.

1019. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Tandis que, des fils de l’empereur, l’un, Chéréas, toujours indécis, essaye d’oublier, en faisant des vers, la chute qui menace Chrysopolis, et l’autre Théodore, insouciant et léger, oublie les malheurs de la patrie en courant au cirque et en fréquentant chez les courtisanes, Hérakléa, fière et pure, prie les Dieux, honore les vertus anciennes et pousse à la lutte acharnée.

1020. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Quoi de plus inconcevable qu’une définition a priori de la comédie, si cette définition devait être absolument pure de toute donnée empirique ? […] Une profonde méditation philosophique a pour effet, en nous entretenant d’idées pures, d’affaiblir en nous, sans l’effacer complètement, le souvenir de la réalité. […] L’idéal que vous avez extrait de mes œuvres, est plus pur et plus parfait que mes œuvres mêmes ; car voici comment vous l’avez formé : vous avez retranché de mon théâtre deux choses, les allusions personnelles et les indécences. […] Je la comparerais plutôt à un orateur sacré, plein de grâce et de modestie, qui compte sa propre parole pour rien, et croit avoir fait par ses commentaires tout ce qu’il peut faire, s’il persuade à ses auditeurs de sonder d’un cœur et d’un esprit purs le texte de la Parole divine. […] On dit que la société habituelle des choses de l’art n’est pas bienfaisante pour l’homme, et qu’à force de contempler ce qui est beau, les critiques comme les poètes finissent par oublier ce qui est pur.

1021. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Prenez la plus simple de toutes, celle que provoque une figure reflétée dans une glace ; si la glace est bien pure et occupe toute une paroi de la chambre, si le jour est bien ménagé et si vous n’êtes pas prévenu, vous croirez voir la figure devant vos yeux à un endroit où il n’y a que des moellons du mur. […] Mes sensations présentes sont généralement de peu d’importance et, de plus, fugitives ; au contraire, les possibilités sont permanentes, ce qui est le caractère par lequel notre notion de la matière ou de la substance se distingue principalement de notre notion de la sensation. — Ces possibilités, qui, avec une condition de plus, deviennent des certitudes30, ont besoin d’un nom spécial qui les distingue des possibilités pures, vagues, dont l’expérience n’a pas déterminé les conditions et sur lesquelles nous ne pouvons compter. […] Bien mieux, comme le pensent Bain et Stuart Mill d’après Berkeley, ne sont-ils qu’un pur néant, érigé par une illusion de l’esprit humain en substances et en choses du dehors ? […] C’est cette série, plus ou moins courte, d’états successifs compris entre un moment initial et un moment final, et définis seulement par leur ordre réciproque, que nous nommons le mouvement pur. — Or nous avons toutes les raisons du monde pour l’attribuer à ces inconnus que nous nommons des corps, pour-être certains que, de l’un, elle passe à l’autre, et pour poser les règles de cette communication ; car l’analogie qui nous permet d’accorder à telle forme animale des sensations, perceptions, souvenirs, volontés semblables aux nôtres, nous permet également d’accorder à cette balle des mouvements semblables aux nôtres. […] Dans la série des sensations musculaires successives qui composent une sensation totale de locomotion, dépouillez les sensations composantes de toute qualité et de toute différence intrinsèques ; considérez-les abstraitement, comme de purs événements successifs, déterminés seulement par leur ordre relatif dans la série, et par le temps total qu’ils emploient à se succéder dans cet ordre depuis le moment initial jusqu’au moment final ; c’est cette série abstraite qui constitue pour nous le mouvement de notre bras et que nous attribuons, par induction et analogie, à la pierre que notre main emporte avec elle. — Or, les éléments de cette série abstraite, étant ainsi amenés au maximum de simplicité possible, peuvent lire considérés comme des sensations élémentaires au maximum de simplicité possible.

1022. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Votre regard observateur, qui repose si calme et si limpide sur toutes choses, ne vous égare jamais dans le vague des pures spéculations imaginaires ; vous suivez droit la marche de la nature. […] Que le mélange soit pur d’écume, afin que la voix du métal poli retentisse pleine et sonore ; car la cloche salue avec l’accent solennel de la joie l’enfant bien-aimé à son entrée dans la vie, lorsqu’il arrive plongé dans le sommeil. […] Là où règnent les forces inintelligentes et brutales, là l’œuvre pure ne peut s’accomplir. […] du milieu de l’enveloppe s’élève le métal, pur comme une étoile d’or. […] Cette divine impassibilité du grand artiste, qui se sépare pour ainsi dire en deux êtres, l’être sentant et l’être impassible, est supérieure à la sensibilité vulgaire, car elle l’élève au-dessus de la région des sensations jusqu’à la région de la pure intellectualité.

1023. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Quant au second nid, je le trouvai près de Mohauk, et par un pur hasard. […] Il contenait cinq œufs, d’une forme ovale allongée, ayant huit lignes de long sur six de large ; le fond en était d’un blanc pur, avec quelques raies ou taches vers le gros bout, et d’un rouge clair. […] Ils pondent de quatre à six œufs, d’une forme ovale, et d’un blanc pur, avec quelques points rougeâtres près du gros bout. » V Quand il quitte l’homme pour décrire et colorier l’oiseau, Audubon surpasse Chateaubriand dans Atala, ce poète qui ne fut que le précurseur du naturaliste dans les forêts de l’Amérique et qui introduisit cependant une note nouvelle dans la gamme de la poésie en France. […] Le jour éclata si beau, si pur, si joyeux, que je leur dis que le ciel même souriait à leur espérance, et que je ne doutais pas de leur obtenir un plein pardon. […] La construction, assez fragile du reste, cède de temps à autre, soit sous le poids des parents et des jeunes, soit emportée par un flot subit de pluie, cas auxquels ils sont tous ensemble précipités par terre. — On y compte de quatre à six œufs d’un blanc pur, et il y a deux couvées par saison.

1024. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

XVII Plut à Dieu que j’eusse fait comprendre à quelques belles âmes qu’il y a dans le culte pur des facultés humaines et des objets divins qu’elles atteignent une religion tout aussi suave, tout aussi riche en délices que les cultes les plus vénérables. J’ai goûté dans mon enfance et dans ma première jeunesse les plus pures joies du croyant, et, je le dis du fond de mon âme, ces joies n’étaient rien comparées à celles que j’ai senties dans la pure contemplation du beau et la recherche passionnée du vrai. […] Oui, je l’avoue, la religion rationnelle et pure n’est accessible qu’au petit nombre. […] Je le dis avec timidité et avec la certitude que ceux qui liront ces pages ne me prendront pas pour un séditieux, je le dis comme critique pur, en me posant devant les révolutions du présent comme nous sommes devant les révolutions de Rome, par exemple, comme on sera dans cinq cents ans vis-à-vis des nôtres : l’insurrection triomphante est parfois un meilleur critérium du parti qui a raison que la majorité numérique.

1025. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Dans toutes les légendes, sans exception, le pivot de l’histoire est un philtre d’amour que les deux boivent par un pur hasard, par mégarde. […] Et comme cela arrive fréquemment lorsque « tout le monde » sait une chose, c’est une pure invention, qui ne repose sur rien. […] » Nous ne méconnaissons donc certes pas les intentions de l’auteur si nous reconnaissons que Tristan est, en grande partie, une œuvre de pure musique. […] » Il se lève et poursuit sa marche vers le Gral et là délivre Amfortas de sa blessure. « Bénie soit ta souffrance, lui dit-il, elle qui a donné au simple la force toute puissante de la pitié et le pouvoir de la pure connaissance. » Il monte enfin sur l’autel, prêtre à la fois et victime, comme dit Schopenhauer, pour célébrer le sacrifice, et, tandis que le monde contemple son sauveur levant le calice dans la lumière, du haut de la coupole descendent les paroles : Hoechsten Heiles Wunde ! […] Par un pur hasard, j’ai rencontré des personnes qui avaient été les· témoins très proches, très intimes de ce drame ; et plusieurs autres sont venues confirmer ces faits.

1026. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Si, par exemple, on admet que tout se réduit à de la matière (pure hypothèse) et que la matière elle-même se réduit finalement à l’hydrogène, alors c’est l’hydrogène qui aura l’honneur d’être le radical. […] Dire que tout ce qui est réel a non seulement une raison intelligible, mais une cause active, c’est simplement affirmer que la pure intelligibilité pour la pensée est un ordre abstrait de vérités, qui présuppose l’ordre réel des choses et ne suffit pas à le produire. En d’autres termes le réel ne s’explique pas seulement par le rationnel pur, mais par le réel ; le réel vient du réel, non de l’abstrait. […] Par là nous donnons la vie aux raisons intelligibles, nous en faisons des λόγοι σπερματιϰοί, des idées-forces, au lieu de les laisser à l’état d’idées pures. […] C’est là, évidemment, une pure hypothèse anthropomorphique, quand ce n’est pas une hypothèse hylomorphique, c’est-à-dire représentant toutes choses et le moi-même comme des sortes de noyaux matériels ayant dureté et solidité.

1027. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Ce qui prouve bien que l’accord est le pur effet du préjugé, c’est qu’il cesse avec lui. […] César tua toujours froidement, sans fantaisie, par pur intérêt. […] Son syncrétisme est d’autant plus large qu’il embrasse des idées pures. […] Bladé est d’un style pur comme le diamant. […] J’ajouterai même, par pédantisme pur, qu’un de vos compatriotes, M. 

1028. (1925) La fin de l’art

La forme inesthétique donnée à leur visage, pourrait dire Rouveyre, est un hommage à leur intelligence : la beauté pure ne pense pas. […] Au fait, où a-t-il pris cela, que le mariage, chez les anciens, était basé sur le pur amour ? […] Finalement on s’est aperçu que ce progrès trop visible, oui vraiment trop éclatant, était une pure illusion et qu’il n’y a aucun rapport nutritif ni même savoureux, bien au contraire, entre le pain et la blancheur. […] Encore qui pourrait affirmer que l’amande du cacaoyer est pure de tout sel ? […] La pratique même de la médecine ne montrait-elle pas qu’il est dangereux de supprimer tout d’un coup une mauvaise habitude, fût-ce l’alcool pur, fût-ce le tabac, et même l’éther ou l’opium ?

1029. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

La poésie s’est donc imposé ces conditions un peu appauvries de la prose gratuitement et en pure perte, puisque en restant claire et courante elle n’en est pas devenue plus populaire pour cela.

1030. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

J’avais précédemment retenu de belles stances de lui sur Ronsard ; je trouve, dans le dernier recueil, quelques notes douces, presque pures, la Chanson ignorée, les vers à la Vallée du Denacre.

1031. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines.

1032. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Son goût littéraire n’était pas l’admiration banale qui s’arrête au beau langage ; c’était un salutaire commerce avec un monde plus pur que le nôtre, un sentiment filial pour ces vieux sages dont nous faisons à bon droit les précepteurs et les consolateurs de notre vie.

1033. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Il eut encore cela de particulier, que, malgré la pétulance de son caractere, ses mœurs furent toujours pures, sa conduite toujours conforme aux devoirs de son état, son ame toujours sensible au sort des malheureux.

1034. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Les nerfs tactiles, mieux que tous les autres, peuvent être mis en expérience ; car ils sont excités par une quantité d’événements extérieurs différents, contact et pression mécaniques, actions chimiques des caustiques, de l’air et du sang, changement de température, ondulations éthérées ou aériennes, section du bistouri ; toujours leur action aboutit à une sensation de contact, de pression, de température ou de pure douleur. […] Voyons d’abord la pure sensation. […] V Remarquez qu’il s’agit ici de sensations pures, ou, pomme disent les physiologistes, de sensations brutes, non encore élaborées, c’est-à-dire dépourvues de la faculté de renaître spontanément, partant de s’associer, de former des groupes fixes et de fournir à toutes les opérations supérieures de l’intelligence. […] La première avait mis d’un côté les sensations pures, de l’autre les images ou sensations réviviscentes ; la seconde met d’un côté les tubercules quadrijumeaux, la protubérance, et peut-être un autre ganglion dont l’action éveille les sensations pures, et de l’autre côté les lobes cérébraux dont l’action éveille les images, c’est-à-dire répercute, prolonge et associe les sensations. […] Ainsi toutes les opérations qui dépassent la sensation pure, non seulement celles qui sont communes à l’homme et aux animaux, mais encore celles qui sont propres à l’homme, ont pour condition suffisante et nécessaire une action des lobes cérébraux.

1035. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

« On est fondé à admettre, dit Weber45, que primitivement, par la pure sensation, nous ne savons rien du lieu où les nerfs qui nous communiquent la sensation sont ébranlés. […] C’est ultérieurement, et par l’adjonction d’images auxiliaires, que cette pure sensation visuelle reçoit une situation apparente, et que nous voyons les objets à telle distance, dans telle direction, avec telle forme et telles dimensions. […] Tout ce détail aboutit à la même conclusion : nos sensations visuelles pures ne sont rien que des signes. […] La seconde assise de l’édifice n’est pas construite ; il faut maintenant ajouter peu à peu, aux sensations rétiniennes pures, des sensations auxiliaires et de surcroît. […] Lorsque je contemple les divers plans d’un grand paysage, il n’y a qu’elles dans mon esprit, comme, lorsque je lis un chapitre d’économie politique ou de morale, il n’y a que des mots dans mon esprit ; et cependant, dans le premier cas, je crois apercevoir directement des grandeurs et des distances, comme, dans le second cas, je crois apercevoir directement des qualités pures et des rapports généraux. — Pour employer les expressions de M. 

1036. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

C’est que ce peuple, lorsqu’il vint en Neustrie, n’était ni un corps de nation, ni une race pure. […] Souvenez-vous comme Joinville conte, en six lignes, la fin de son pauvre prêtre malade qui voulut achever de célébrer sa messe, et « oncques puis ne chanta et mourut. » Ouvrez un mystère, celui de Théophile, celui de la reine de Hongrie : quand on veut la brûler avec son enfant, elle dit deux petits vers sur « cette douce rosée qui est un si pur innocent  » ; rien de plus. […] La Renaissance et la Réforme, qui sont les deux explosions nationales, sont encore lointaines, et la littérature du temps va garder jusqu’au bout, comme la haute société anglaise, l’empreinte presque pure de son origine française et de ses modèles étrangers. […] Cleimet sa culpe, e menut e suvent, Pur ses pecchez en puroffrid lo guant. […] Swylk on ne seygh they never non ; All it was whyt of huel-bon,  And every nayl with gold begrave : Off pure gold was the stave.

1037. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

En Angleterre, il y a cinq ans, j’ai eu la même sorte d’hypocondrie, mais accompagnée d’une soif si violente, que j’ai bu jusqu’à quinze bouteilles d’eau de seltz en une nuit après m’être mis au lit, sans cesser d’avoir soif, faisant sauter le cou des bouteilles par pure impatience de soif… » Esprit et corps, on se ruinerait à moins tout entier. […] Cette mélodie, le poëte la respecte ; il évite de l’altérer par le mélange de ses idées ou de son accent ; tout son soin est de la garder intacte et pure. […] L’homme s’est trouvé roidi dans l’effort, concentré dans la résistance, attaché à l’action, et partant exclu de la spéculation pure, de la sympathie ondoyante et de l’art désintéressé. […] … A fourth as marble, statue-like and still, Lay in a breathless, hush’d, and stony sleep ; White, cold and pure…………… ………… a carved lady on a monument. […] … Haidée spoke not of scruples, ask’d no vows, Nor offered any… She was all which pure ignorance allows, And flew to her young mate like a young bird… 1314.

1038. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

L’attention, sous ses deux formes, n’est pas une activité indéterminée, une sorte d’« acte pur » de l’esprit, agissant par des moyens mystérieux  et insaisissables. […] Duchenne (de Boulogne), initiateur en ce sujet comme en plusieurs autres, eut l’idée de substituer à l’observation pure, pratiquée par ses devanciers (Ch. […] Il est bien préférable de nous en tenir strictement aux cas purs de tout alliage, à ceux qui sont rigoureusement comparables à l’état de monoïdéisme relatif qu’on appelle l’attention. […] Chez les autres, les grands mystiques, l’esprit, après avoir traversé la région des images, atteint celle des idées pures et s’y fixe. […] La fameuse théorie qui fait des universaux de purs « flatus vocis » (Roscelin, Hobbes, etc.) me paraît susceptible de deux interprétations.

1039. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

l’art une tricherie de la vérité pure, qui devient l’idéal, c’est-à-dire une chose plus vraie que la vérité. […] tu l’as dit toi-même : C’est la forme pure, l’idée typique du vrai. […] Deviner les hommes et les œuvres dix ans avant la majorité, pure affaire de dandysme littéraire qui fait perdre beaucoup de temps. […] Courbet a voulu tenter de sortir cette fois du domaine de la réalité pure : allégorie réelle, dit-il dans son catalogue. […] Ce quelque chose, nous ne pouvons l’obtenir, il faut bien le reconnaître, qu’en trichant an peu la réalité pure.

1040. (1929) Amiel ou la part du rêve

Mais dans la page de vie ouverte en un vélin si pur, le jeune Amiel appelait des idées plus que des visages. […] Werther lui causa des joies moins pures. […] Son penchant et des triomphes oratoires ont fait tourner le pur philosophe que fut d’abord le jeune Cousin en un Pantalon de la Comédie italienne. […] Je suis toujours émerveillé de lire dans cette âme profonde et pure. […] Dans l’affaire de la poésie pure, M. l’abbé Bremond traita M. 

1041. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1042. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Mais il y a quelque chose de plus en elles : ce quelque chose qui révèle le pur poète sous la grimace du bouffon, — le cœur du bon et subtil

1043. (1888) La critique scientifique « Avant-propos »

Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer des préférences, ou l’analyse de ce poème en quête de renseignements esthétiques, psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des causes sous des faits, des lois sous des phénomènes étudiés sans partialité et sans choix.

1044. (1932) Les idées politiques de la France

Un temporel républicain pur eut bien son système : l’opportunisme, et le gouvernement de la République, lorsque les Intérêts le dirigent, devient, semble-t-il, un temporel pur. […] » On reconnaît le vrai Jacobin à ce que, de temps en temps, il se dit : « Il n’y a décidément qu’un pur, c’est moi !  […] Dès qu’il pense et parle école, la pure doctrine jacobine apparaît. […] L’éducation nationale a pour fin dernière de créer cette unité des esprits et des consciences. » C’est la pure doctrine du fascisme et la pure doctrine de Moscou. […] D’ailleurs, la grosse influence dans le parti appartenait à un doctrinaire pur du marxisme pur, Jules Guesde.

1045. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Le ciel était pur, à peine taché de petits nuages. […] Il éclate cependant, pur rayon dans le brouillard. […] Ainsi Shakespeare gagne comme poète pur, en perdant comme faiseur dramatique. […] La vue peut être appelée le plus pur de nos sens, mais il y a dans les profondeurs de l’âme un sens encore plus pur ; c’est lui qui, par la parole, nous rend les objets sensibles de la façon la plus haute et la plus rapide. […] Shakespeare était un poète très pur, une âme de diamant.

1046. (1887) George Sand

Il y a là cependant quelques-uns des plus purs joyaux de cet écrin déjà si riche. […] Ceci est un dogme de la plus pure philosophie ; c’est un dogme religieux aussi, car la religion nous dit que la grâce ne se refuse pas à qui la mérite par l’effort. […] Parmi tous les grands sentiments qu’elle symbolise, il faut placer incontestablement l’amour pur. […] Tout ce qui reste de l’art pur, de l’art désintéressé, dans les récits de cette période, conserve à travers les années la sérénité d’une incorruptible et radieuse jeunesse. […] La paix du cœur est le fond du bonheur véritable, et cette paix est le fruit du devoir parfaitement accompli, de la modération des désirs, des saintes espérances, des pures affections.

1047. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Et cependant, il condamne et repousse l’art si pur des Grecs, l’art de la Renaissance, bien qu’il reconnaisse que l’un et l’autre sont en relation immédiate avec les idées religieuses d’alors. […] On peut appliquer à chacune de ses partitions, comme à chacun de ses drames, ce que Kant dit de sa Critique de la raison pure. […] Car, il n’est pas inutile de le faire remarquer : si Nietzsche établit une analogie entre la tragédie hellénique et le drame wagnérien, ce n’est pas une pure ressemblance de procédés ou de formes qu’il constate. […] Les visions que la Musique a le pouvoir d’évoquer en nous sont si parfaites et si pures, que l’atmosphère de la scène les dépouille toujours d’un peu de leur charme poétique. […] Pures billevesées que tout cela !

1048. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Cette attente est d’autant plus singulière qu’elle est celle d’un animal de pur sang qui se consume sur place d’impuissance et de nostalgie. […] Don du ciel, qui pourrait ne pas s’agenouiller devant toi, pure personnification de la pensée de Dieu ?  […] La première avait été de pure ironie ; la seconde, de pure sentimentalité. […] Si paradoxale que paraisse cette formule : ses impressions furent d’autant plus malsaines qu’elles étaient plus pures. […] Cette intrigue galante ne l’empêchait pas d’écrire à Mme Récamier, la pure idole, des lettres remplies de la nostalgie de la revoir.

1049. (1888) Impressions de théâtre. Première série

C’est une protestation de l’esprit pur contre les séductions grossières du printemps, un triomphe de l’âme sur la matière. […] Et le père Rémy, pensez-vous que ce soit un type de pure invention ? […] Il se met à aimer la jeune institutrice de l’amour le plus respectueux et le plus pur. […] Cela est la pure doctrine chrétienne. […] Elle est simple, elle est plaisante, elle est dans la pure tradition de l’esprit gaulois.

1050. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Le rêve, c’est la pensée libre et par conséquent c’est le moi pur. […] C’est l’égoïsme à l’état pur qui est beau et qui est bon. […] Les Grecs et les Romains sont donc de purs aristocrates et de purs immoralistes. […] La Révolution est le plébéianisme lui-même, à l’état le plus pur, le plus décisif et le plus conscient. […] Il s’est assuré la domination pour un pur rien.

1051. (1922) Gustave Flaubert

Le roman de Flaubert n’est pas une « comédie humaine », comme l’est souvent celui de Balzac, mais du roman pur. […] Cette absence pure de caractère est un caractère rare. […] Combien dans la vie n’en rencontre-t-on pas à ses plus belles places et sur ses angles les plus purs ! […] en France, dans notre belle France, en province, là où les mœurs sont si pures ! […] » Ce qu’aime Frédéric en elle, c’est la pure femme (comme il aime en Mme Arnoux la femme pure), et c’est cela aussi qu’avec sa mobilité il a bien vite épuisé.

1052. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIII » pp. 53-57

Saint-Marc est plus leste de ton, plus badin, persifleur, bel esprit et belle plume ; pour prendre idée du style et de la manière de Saint-Marc, lisez dans les Débats de vendredi (26 mai) l’article en tête contre la Gazette : c’est du pur Saint-Marc : caillette maligne et de grand esprit ; il porte d’ailleurs dans cette question l’intérêt personnel et d’amour-propre d’un universitaire. — Je crois pourtant, malgré les présomptions, que le gros des articles, ceux du milieu de la querelle, sont de Sacy16.

1053. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

J'ai encore visité dans son atelier Overbeck, le peintre ascétique, dévot à l’art pur chrétien.

1054. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

Il différencie radicalement les facultés de ce qu’il appelle l’intelligence d’avec les facultés de l’âme ; il fait de la première la science purement terrestre, le résultat élaboré des organes ; il fait de la seconde une émanation de Dieu et un pur esprit ; et c’est en s’attachant aux facultés de cette partie immatérielle qu’il pense arriver avec évidence aux vérités sublimes et naturelles qui doivent diriger toute une vie.

1055. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.

1056. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

De pures images pour les yeux, une délicieuse musique pour l’oreille et des notes émues pour le cœur, tout y est.

1057. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Charles Van Lerberghe laisse l’impression d’une œuvre très noble et très pure.

1058. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Au fond des pensées, l’Auteur joint les agrémens d’un style pur, net & facile.

1059. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

La sienne, sans prétendre au sublime, offre un ton simple, noble, intéressant, affectueux, naturel ; un style pur, correct, élégant, qui pénetre l’ame, sans la contraindre ni l’agiter.

1060. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

Du moins les Barbares apportaient un sang neuf et pur au sang corrompu du vieux monde ; mais les pédantes qui, dans la décrépitude de ce monde, ont remplacé les Barbares, ne sont pas capables, ces bréhaignes !

1061. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

Or, Renée, le continuateur de Sismondi et qui nous a donné cette solide et brillante Histoire de Louis XVI qu’aucun de ceux qui aiment l’Histoire n’a oubliée, Renée était d’une raison trop haute et trop sobre, il était d’une conscience historique trop pure, pour laisser passer sous sa plume le courant de faits sans critique et sans choix qui viennent s’entasser et se cahoter dans le récit diffus de Cantu.

1062. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Le Roman de Renart en est plein, qui sont d’avance du pur La Fontaine. […] Quand Racine fils, plus tard, dans son Poème de la Religion, a fait de si tendres peintures des instincts et de la couyée des oiseaux, il se ressouvenait plus de Fénelon que des pures doctrines de Saint-Cyran. […] Quoique l’auteur s’excuse presque d’avoir oublié sa langue durant dix années de voyages et d’absence, le style est déjà tout formé, et l’on y retrouve plus d’une esquisse gracieuse et pure de ce qui est devenu plus tard un tableau. […] M. de Humboldt, de nos jours, pour les grandes observations végétales en divers climats, a donné sur plus d’un point consistance et réalité scientifique à ce qui n’existait chez Bernardin qu’à l’état de vue attrayante et passagère ; Lamartine, de son côté, a repris en pur poëte bien des inspirations de Bernardin, et les a rajeunies, fécondées.

1063. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Plus on est occupé, moins on rêve, et, pour des hommes d’affaires, la géométrie du Contrat social n’est qu’un pur jeu de l’esprit pur. […] Y a-t-il à Versailles un courtisan qui refuse de décréter l’égalité dans Salente   Entre les deux étages de l’esprit humain, le supérieur où se tissent les raisonnements purs et l’inférieur où siègent les croyances actives, la communication n’est ni complète ni prompte. […] Ils ne s’en tiennent pas à des songes, à de purs souhaits, à des espérances passives.

1064. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

C’est que le monde où nous vivons, et que nous dénommons réel est une pure création de notre âme. […] Ils ont employé les couleurs et les lignes dans un pur agencement symphonique, insoucieux d’un sujet visuel à peindre directement. […] C’est assurément l’art affiné d’un poète, et, comme on l’a dit, « le charme hautain d’une pure musique apaisée »12. […] Le chevalier est en un instant transporté du fond de ces retraites où les cassolettes et les lampes odorantes éclairent de leurs feux colorés une nuit de plaisirs sans fin, au milieu d’une fraîche et pure matinée de printemps.

1065. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Le miracle se manifeste par les mains de Parsifal : tout reprend la pureté primitive, et le rideau, se refermant peu à peu, nous cache cette masse agenouillée et ne nous laisse plus voir que la silhouette de l’homme pur et saint qui lève le Gral dans la lumière ! […] Quand elle apparaît, comme une fleur plus resplendissante que les autres fleurs, revêtue d’un costume étrange qui n’appartient à aucune époque, elle représente la séduction profonde opposée à ce charme joyeux des jeunes filles, exercée contre le pur et l’ignorant. […] Tel se présente à nous ce personnage de Kundry, avec l’évolution de son caractère, partant de la sauvagerie démoniaque pour arriver à la sainteté la plus pure. […] Enfin, lorsqu’il est revenu de son évanouissement, il apparaît, entre Kundry et Gurnemanz, vêtu de l’aube immaculée, ses cheveux formant une sorte de rayonnement autour de sa tête maigre et douce ; tous ses gestes sont sacrés et purs.

1066. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Le vin pur, Acratos, et le vin doux, Edoinos, se sont élancés de leur tonne, une torche au poing, pour rallier la troupe altérée. […] Les tasses de terre de ses grossiers « jardins » phéniciens sont remplacées par des corbeilles d’argent pur. […] Ce fut une de ces nouvelles dévotions mystiques et lubriques qui corrompent l’encens des plus purs autels. — Un jour, les Adonies consternèrent Athènes. […] Bacchus se substitue à l’innocent nourrisson, et le pur symbole se déprave.

1067. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Le comique est ce côté de la personne par lequel elle ressemble à une chose, cet aspect des événements humains qui imite, par sa raideur d’un genre tout particulier, le mécanisme pur et simple, l’automatisme, enfin le mouvement sans la vie. […] Il sera plus utile d’étudier ces procédés à l’état pur sur des exemples nouveaux. Rien ne sera plus facile d’ailleurs, car c’est souvent à l’état pur qu’on les rencontre dans la comédie classique, aussi bien que dans le théâtre contemporain. […] Tout mot commence en effet par désigner un objet concret ou une action matérielle ; mais peu à peu le sens du mot a pu se spiritualiser en relation abstraite ou en idée pure.

1068. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Un jour, en 1648, il a une velléité de voyage, quoique en général il goûte peu les voyages et les estime « une agitation de corps et d’esprit en pure perte ». […] C’est un pur libéral de l’école du xvie  siècle : il a horreur de 93, je veux dire de 1593, de la Ligue et des Ligueurs ; il en a connu de vieux dans sa jeunesse et les estime méchants : mais les Frondeurs, c’est tout autre chose à ses yeux ; ils ont toute sa tendresse ; il ne les voit que par leur beau côté : « Il y a ici des honnêtes gens qu’on appelle des Frondeurs, qui sont conduits par M. de Beaufort, le Coadjuteur, Mme de Chevreuse et autres. » La première Fronde ne l’a atteint qu’à peine et nullement averti. […] Si, sur ces entrefaites, son ami l’incomparable M. de Saumaise écrit « en faveur du roi d’Angleterre contre les Anglais qui lui ont coupé la tête », Gui Patin en parle comme ferait un pur et un fidèle : « Pour les Anglais, si vous en exceptez un petit nombre d’honnêtes gens, je leur souhaite autant de mal qu’ils en ont fait à leur roi. » Si son autre ami, et bien plus intime, Gabriel Naudé, écrit en faveur de Mazarin son volume dit Le Mascurat, il prend sur lui de ne point blâmer le livre, mais il fait aussitôt ses réserves en ajoutant : « C’est un parti duquel je ne puis être ni ne serai jamais. » La première Fronde, même après qu’elle est terminée et manquée, a tout son assentiment et son éloge : « Ceux qui décrient le parti de Paris en parlent avec passion et ignorance : c’est un mystère que peu de monde comprend.

1069. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Lassay en a aussi, bien que ses billets écrits d’un style poli et pur soient courts. […] Lassay, je l’ai dit, n’est pas un écrivain ; son style est sans cachet, mais il parle en perfection cette langue pure, polie, incolore, exempte du moins de tout mélange, et parfaitement naturelle, que continuent de parler et d’écrire les personnes de goût de l’époque qui succède, le président Hénault, Mme de Tencin. […] Quand la langue est restée pure, elle permet de ces acceptions heureuses et justes, trouvées en passant et sans qu’on appuie trop. — Il y a bien des années, un jeune écrivain, depuis célèbre, M. 

1070. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Giraud les énumère tous ou presque tous : par cette biographie insigne qu’il a consacrée à Ninon, il mérite d’être compté lui-même dans le nombre et de prendre rang sur la liste, le dernier et le plus désintéressé, un ami posthume, un pur ami de l’esprit. — Et à propos de Ninon, je rappellerai qu’on a, depuis peu seulement, déterminé au juste son âge, car c’était une question : on la faisait aller jusqu’à quatre-vingt-dix ans. […] L’idée de faire de l’amitié un pur trafic n’est pas assez belle d’ailleurs pour être si fort revendiquée. […] Un homme de qualité qui aurait ce talent serait tenté d’être un pur homme de lettres.

1071. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Certains côtés délicats et sensibles auraient pu être touchés avec art ; mais l’écrivain, pur épicurien, n’y est pas arrivé encore. […] M. de Balzac n’a pas le dessin de la phrase pur, simple, net et définitif ; il revient sur ses contours, il surcharge ; il a un vocabulaire incohérent, exubérant, où les mots bouillonnent et sortent comme au hasard, une phraséologie physiologique, des termes de science, et toutes les chances de bigarrures. […] Heureux qui, dans sa vie laborieuse et du fond mélangé de ses œuvres, sait réaliser un peu d’or pur !

1072. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

De la sorte, la critique, se sentant comme en pure perte, sans appui au dehors et sans limite, s’est évanouie. […] Mais, à mesure qu’il avançait, l’esprit qui domine dans ce livre augmentait aussi d’influence, et y donnait une couleur qui n’a pas été assez remarquée des critiques : n’y voyant que la lettre, ou faisant semblant, ils l’ont traité comme un pur ouvrage de littérature ancienne. […] Quant à l’importance donnée aux deux vers de Boileau, qui ne savait pas et avait peu de souci de savoir ces choses plus que gauloises, c’est une pure superstition que M.

1073. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les proportions régulières des statues antiques, l’expression calme et pure de certains tableaux, l’harmonie de la musique, l’aspect d’un beau site dans une campagne féconde, nous transportent d’un enthousiasme qui n’est pas sans analogie avec l’admiration qu’inspire le spectacle des actions honnêtes. […] Si vous tournez vos regards vers le ciel, vos pensées s’ennoblissent : c’est en s’élevant que l’on trouve l’air plus pur, la lumière plus éclatante. […] J’adopte de toutes mes facultés cette croyance philosophique : un de ses principaux avantages, c’est d’inspirer un grand sentiment d’élévation ; et je le demande à tous les esprits d’un certain ordre, y a-t-il au monde une plus pure jouissance que l’élévation de l’âme ?

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