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570. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Dans l’éloge de Portal, voulant faire allusion au charlatanisme si connu dont ce médecin avait usé d’abord pour se mettre en renom, Pariset, après l’avoir couronné de tous les éloges, ajoute à la fin que « son seul tort, peut-être, a été, dans ses premières années, de prendre l’avenir en défiance, de ne pas croire à l’effet naturel de ses talents, et d’avoir voulu attacher des ailes à sa fortune ». Ces ailes de la fortune sont assez heureusement trouvées.

571. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Venue à Paris pour s’y fixer, vers l’âge de douze ou treize ans (1758), à la suite d’un revers de fortune, elle y débuta sur le pied d’un petit prodige et d’une rare virtuose : musette, clavecin, viole, mandoline, guitare, elle jouait de tout à merveille, mais la harpe était de préférence son instrument. […] Tant de soins multipliés sont loin de l’absorber tout entière : elle monte encore à cheval avec un officier de fortune qui se trouve dans le voisinage, et devient très habile en équitation ; elle fait de longues chasses au sanglier et court plus d’un hasard.

572. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

L’ayant rencontré à Londres au commencement de 1800, il en écrivait au comte de Sainte-Aldegonde : Je ne vous rendrai pas la fortune immense qu’a faite ici le prince, soit auprès des Anglais, soit auprès de tous les Français sensés. […] Si l’on n’y prend garde, il réunira facilement la grande masse des gens qui ont été pour quelque chose dans la Révolution, ceux qui y ont fait fortune, toute la classe de quatre cent mille individus qui ont acheté, revendu, ou qui sont encore propriétaires de domaines nationaux.

573. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Il naquit le 1er avril 1746, au Bausset (arrondissement de Toulon), d’une de ces familles bourgeoises qui restaient étrangères au commerce, et dont les membres, voués à des professions libérales, savaient trouver dans une honnête médiocrité de fortune la considération et l’indépendance. […] Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.

574. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Brantôme qui faisait une galerie des Dames illustres françaises et étrangères, après y avoir fait entrer Marie Stuart, avait pensé à y mettre Marguerite comme un autre exemple des injustices et des inclémences de la fortune. […] Marguerite, née à Saint-Germain-en-Laye le 14 mai 1553, avait six ans quand son père, Henri II, fut tué dans ce fatal tournoi qui rompit la fortune de sa maison.

575. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

La politique, qui a fait sa fortune, — cette fortune dont ne se soucie aucunement la postérité, — aura abaissé son talent et nuira à sa gloire.

576. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

C’est celui sur lequel ses adversaires insistent le plus : la fortune. […] Au mot de fortune substituons celui d’aisance. […] Frapper la fortune acquise, c’est donc frapper ces trois vertus. […] Ils se trouvent, s’ils réussissent, avoir augmenté la fortune de tous. […] Cette fortune qu’elle a reçue et qu’elle léguera, elle doit la défendre.

577. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Nos institutions libérales, l’organisation démocratique de notre société appelaient le talent aux plus hautes positions : d’éclatants exemples semblaient chaque jour lui offrir comme une conquête assurée l’influence, le pouvoir, la fortune. […] Quand la gloire, ou la popularité leur fut-elle plus librement accordée, et avec la gloire les honneurs, la fortune, le pouvoir ? […] On ne songe pas plus à moraliser la fortune que l’infortune. […] Et moi je gagne impunément cent mille florins ; moi je suis atteint et convaincu d’avoir triché toute ma fortune, d’avoir joué à coup sûr, et cependant je suis riche et honoré ; je juge, au lieu d’être jugé. […] Cherchera-t-on dans les troubles politiques, les ébranlements de la société, l’instabilité des positions et des fortunes l’explication de cet étrange phénomène ?

578. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Julien, son employé, le quitte pour aller chercher fortune ailleurs.

579. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

dit un de ses personnages, nous sommes pareils à ces cristaux puissants où dort, en Orient, le pur esprit des roses mortes, et qui sont hermétiquement voilés d’une triple enveloppe de cire, d’or et de parchemin. » Une seule larme de leur essence conservée ainsi dans la grande amphore précieuse (fortune de toute une race et que l’on se transmet par héritage, comme un trésor sacré tout béni par les aïeux) suffit à pénétrer bien des mesures d’eau claire.

580. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Il se désolait de ne posséder qu’une très médiocre fortune, ce qui lui rendait impossible l’exécution de la partie orgiaque du livre.

581. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Tels sont, comme je crois, ces Ecrivains qui pensent Que ce ne sont les lieux ou les astres qui dansent A l’entour de la terre ; ains que la terre fait Chaque jour sur son axe un tour vraiment parfait ; Que nous semblons ceux-là qui, pour courir fortune, Tentent le dos flottant de l’azuré Neptune, Et nouveaux, cuident voir, quand ils quittent le port, La nef demeurer ferme, & reculer le bord.

582. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre.

583. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Néanmoins, que les timides se rassurent, la société ne peut périr ; et la France est restée à la tête de la civilisation de l’Europe, malgré toutes les vicissitudes de la fortune.

584. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Une curiosité inquiète suit le héros dans les vicissitudes de sa fortune, et l’intérêt se soutient depuis le commencement jusqu’à la fin. […] Peut-être n’est-ce pas là une intention très-morale, et le chevalier nous semble friser un peu les chevaliers des brelans, quoiqu’il se donne, lors de la reconnaissance, un air de générosité en partageant la fortune de l’oncle avec Ménéchme, et en lui cédant une de ses deux maîtresses. […] « Timbrée lui pardonne, et court lui-même chez Léonato lui offrir toute sa fortune en réparation de sa crédule jalousie ; le vieillard refuse, et n’exige de Timbrée que la promesse d’accepter une autre épouse de sa main. […] On a beaucoup discuté sur le caractère moral de Timon, pour savoir si on devait le plaindre dans son malheur, ou s’il fallait regarder la perte de sa fortune comme une mortification méritée. […] Pour quiconque n’a pas vu la fortune se jouant avec les empires, ce personnage ne serait que comique ; mais pour qui a assisté à de pareils jeux, n’est-il pas d’une effrayante Vérité ?

585. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Sue est assez riche, sa fortune paternelle est, dit-on, de 20 à 30 mille livres de revenu. […] Sue, qui était jeune, n’était pas riche ; son père, brave médecin, usait pour lui-même de la fortune qu’il lui a laissée depuis. […] Il a des prétentions au dandysme, quoique sa fortune, son air et ses façons le trahissent souvent. […] Son mari, qu’elle a perdu, était un fournisseur général qui a possédé une grande fortune. […] Mme Constance Aubert est fille de la duchesse d’Abrantès, et comme sa mère, elle n’a qu’une fort médiocre fortune.

586. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Sa fortune était assurée désormais, et Marie de Médicis devait largement acquitter les promesses de Henri IV. […] Mais encore faut-il bien savoir que nos subtilités se développent à l’ombre, pour ainsi parler, de notre ancienne littérature, si c’est elle autrefois qui a fait la fortune de l’esprit français. […] Et là enfin est la raison de la sollicitude avec laquelle, jusqu’à son dernier jour, lui qui laissait volontiers ses autres ouvrages à leur fortune, il a revu et corrigé son Histoire universelle. […] « Le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » C’est elle dont nous nous efforçons vainement d’amoindrir le pouvoir en l’appelant des noms de fortune ou de hasard. […] Quels modèles ont posé devant lui, pour son chapitre des Biens de fortune ou pour son chapitre des Femmes ?

587. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

 — Ce que madame de Staël, écrivant à Tracy ou à Cabanis en 1802, aurait traduit ainsi : « Qu'il ait pour lui sa fortune !

588. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

Andrieux est mort, content de laisser ses deux filles unies à deux hommes d’esprit et de bien, content de sa médiocre fortune, de sa grande considération, content de son siècle, content de voir la Révolution française triomphante sans désordres et sans excès. » M. 

589. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu  Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt  Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions  Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison  Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables  Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face  Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir  Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.

590. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Aucun ouvrier n’en a jamais voulu à tel écrivain démagogue d’être riche, de mener une vie élégante et de mépriser au fond le peuple, tout en l’aimant peut-être comme on aime l’instrument de sa réputation et de sa fortune.

591. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Le roi est entouré de tous les cadets de Gascogne qui ont jadis suivi sa fortune ; il a entre les jambes le Gascon gasconnant Antoine de Roquelaure, le compagnon de ses équipées galantes, le maréchal borgne, qui a plus grand nez que son maître.

592. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le marquis d’Urfé devait en grande partie sa célébrité à sa longue et merveilleuse passion pour Diane de Châteaumorand, personne d’une admirable beauté, d’une grande fortune, toute occupée de ses charmes, et pénétrée du respect pour elle-même, au point d’avoir refusé à un neveu de s’arrêter une nuit dans un château qu’il avait sur une route où elle passait, parce qu’on y avait remplacé des vitres de cristal par du verre.

593. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Je conçois mille circonstances où la vie et la fortune ne me seraient pas d’un fétu, et j’ai assez vécu pour savoir que je ne m’en impose pas… » Tous les hommes et toutes les femmes vous en diront autant, et si vous y réfléchissez, vous trouverez qu’un sauvage, un paysan, un homme, une femme du peuple, une bête est plus voisine d’une action héroïque qu’un D’Alembert, un Buffon ou quelque autre membre illustre d’une académie.

594. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Cette langue a eu la fortune la plus extraordinaire. […] Jacques Vingtras se sent trop différent des autres et par la fortune et par la nature. […] Le hasard a des bonnes fortunes. […] L’hérédité des dogmes et des fortunes tend à disparaître, et, si nous étudions la France actuelle, a disparu. […] Qui a fait la fortune de Ronsard et de ses disciples ?

595. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Cette aristocratie de la pensée n’était guère moins innocente que l’aristocratie de naissance, de fortune, ou même de costume. […] Mon père et ma mère m’ont trop souvent raconté depuis ce singulier hasard de mon enfance pour qu’il ne se soit pas gravé dans ma mémoire et pour que je ne le compte pas au nombre des bonnes fortunes de ma vie. […] Le premier était Aymon de Virieu, fils unique du célèbre comte de Virieu, l’orateur de l’Assemblée constituante ; son père était mort dans la dernière sortie du siège de Lyon où il commandait la cavalerie ; sa mère habitait, avec les débris de sa fortune, dans un village du Dauphiné. […] De tout ce qui vécut je subis la fortune, Arme cent fois brisée entre les mains du temps, Je sème de tronçons ma route vers la tombe, Et le siècle hébété dit : « Voyez comme tombe « À moitié du combat chacun des combattants !  […] Je ne doutai pas un instant de sa grande fortune ; il y a des hommes qui se prophétisent au premier regard ; c’est l’évidence de la supériorité.

596. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier aimait à faire des vers latins : il songea à s’en servir pour sa réputation et pour sa fortune littéraire ; cette ancienne littérature scolastique, qui a encore eu, depuis, quelques rares retours, n’avait pas cessé de fleurir à cette date, avant que les illustres poètes français du règne de Louis XIV eussent décidé l’entière victoire des genres modernes, Fléchier avait adressé au cardinal Mazarin une pièce de félicitation en vers latins (Carmen eucharisticum) sur la paix des Pyrénées (1660) ; il en fit une autre l’année suivante, sur la naissance du Dauphin (Genethliacon). […] C’est un disciple uu peu moins vif, mais doux, et qui fait bien comprendre, et par principes en quelque sorte, cette manière honnête et non sauvage de vivre avec le sexe ; l’abbé Goussault, dans cet écrit où il recommande « les réduits de gens d’esprit et de qualité », ne fait qu’imiter Fléchier, dans l’oraison funèbre de la duchesse de Montausier, se souvenant si complaisamment « de ces cabinets que l’on regarde encore avec tant de vénération, où l’esprit se purifiait, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice… » Ce que Saint-Simon a vivement exprimé et résumé à sa manière lorsqu’au sujet de M. de Montausier, dans ses notes sur Dangeau, il a dit : « L’hôtel de Rambouillet était dans Paris, une espèce d’académie des beaux esprits, — de galanterie, de vertu et de science —, car toutes ces choses-là s’accommodaient alors merveilleusement ensemble. » Je crois maintenant que nous sommes préparés à bien entendre le Fléchier des Grands Jours, celui qui même dans la bagatelle et le divertissement ne déroge jamais à l’homme comme il faut, et annonce par endroits l’homme vertueux : mais il était jeune, mais il voulait plaire, mais il avait sa fortune et sa réputation d’esprit à faire ; mais on lui avait dit en partant de Paris : « M.  […] Ses protecteurs, et bientôt M. de Montausier tout particulièrement, se chargèrent de sa fortune.

597. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Les exemples à citer de ce genre de fortune ne manqueraient pas dans le passé, et l’avenir, il faut l’espérer, en réserve quelques-uns encore. […] La fortune de l’illustre absent, à cette époque, n’était pas à beaucoup près aussi nette que nous la jugeons aujourd’hui ; son astre lointain semblait par moments près de s’éclipser. […] Attachée d’ailleurs par affection comme par position à l’impératrice Joséphine, elle se sentait pour rôle unique de suivre sa fortune.

598. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« Le plus beau quartier de la ville de Coquetterie est la grande place, qu’on peut dire vraiment royale 44… Elle est environnée d’une infinité de réduits, où se tiennent les plus notables assemblées de coquetterie, et qui sont autant de temples magnifiques consacrés aux nouvelles divinités du pays ; car, au milieu d’un grand nombre de portiques, vestibules, galeries, cellules et cabinets richement ornés, on trouve toujours un lieu respecté comme un sanctuaire, où sur un autel fait à la façon de ces lits sacrés des dieux du paganisme, on trouve une dame exposée aux yeux du public, quelquefois belle et toujours parée ; quelquefois noble et toujours vaine ; quelquefois sage et toujours suffisante ; et là, viennent à ses pieds les plus illustres de cette cour pour y brûler leur encens, offrir leurs vœux et solliciter la faveur envers l’amour coquet pour en obtenir l’entrée du palais de bonnes fortunes. » On lit dans un autre passage, que dans le royaume, « il n’est pas défendu aux belles de garder le lit, pourvu que ce soit pour tenir ruelle plus à son aise, diversifier son jeu, ou d’autres intérêts que l’expérience seule peut apprendre45 ». […] La princesse de Conti, et sa cour, y étaient venues avec le prince pour ajouter à l’éclat de sa présidence ; c’était Marie Martinozzi, l’aînée des sept nièces que le cardinal Mazarin avait appelées de Florence pour faire leur fortune et assurer la sienne. […] Mademoiselle de Montpensier en a remarqué parmi elles qui font les dévotes par politique, et cette remarque rappelle qu’en 1667, la reine-mère, vieillie et mécontente du cardinal Mazarin qui désormais comptait moins sur elle pour sa fortune que sur ses nièces, et surtout sur l’inclination du jeune roi pour Hortense Mancini, était devenue dévote : de ce moment, il y eut des dévotes à la cour.

599. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Mais à cela près de l’estime des esprits clairvoyants, acquise à l’auteur, et qui vaut mieux que les faveurs de cette Gloire, fille de la Fortune et plus aveugle que sa mère, quelles contradictions un tel ouvrage a-t-il soulevées, et quels bruits ? […] Parvenu dont la fortune et l’imbécillité du roi qu’il gouvernait furent tout le génie, plébéien qui se baigna dans le sang de la plus grande famille de la monarchie portugaise, comme si ce sang dans lequel il se plongea avait pu se mêler au sien et lui communiquer un peu de sa noblesse, Pombal, à qui les philosophes ont fait une renommée que la postérité ne ratifiera pas, fut de tous les hommes de gouvernement qui s’employèrent contre les Jésuites celui qui montra le plus de rage homicide et sacrilège. […] Leur patience désarmée n’était-elle pas une admirable réplique à l’opinion qui faisait d’eux les maîtres mêmes de la fortune ?

600. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Pour intailler mieux dans leur ignominie, il a employé un mot beaucoup dit dans ce monde-là, il les a appelés : les Ratés… et l’emploi hardi de ce mot, qui se montre, je crois pour la première fois dans un livre de style, en fera peut-être la fortune. […] À l’exception de deux têtes très finement dessinées (le duc de Mora meurt à moitié du roman) : l’artiste Félicia, élevée, comme elle le dit, par « ce papillon de danseuse », ce qui explique bien tous les envolements de sa vie, et le docteur Jenkins, un Tartuffe affreusement suave, de cette Philanthropie qui a remplacé les Tartuffes de Religion par les siens, nous connaissons, pour les avoir vus au théâtre, dans les romans, partout, ces Robert Macaire inférieurs qui se meuvent, s’agitent, intriguent et trahissent autour du Nabab, chenilles de sa fortune. […] … Chose heureuse, d’ailleurs, et d’importance, en cette époque où la littérature, vieille et décadente, a la prétention d’être moderne par rage d’être décrépite, cette question d’histoire, qui pouvait porter dans ses entrailles la fortune d’un romancier, est une question moderne, pour le coup !

601. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Mais tel qu’il est, du reste, ce petit livre inachevé de Balzac est une véritable fortune pour tous les esprits — littéraires ou du monde — qui recherchent cette espèce de littérature dans laquelle on retrouve, sous des formes piquantes, les raffinements des excessives civilisations. […] Il a voulu replacer sous les yeux du public un livre dont le public indifférent s’était détourné quand il parut, et tenter de nouveau, en faveur d’un chef-d’œuvre de sentiment et de langage, cette fortune des livres, incompréhensible comme toutes les fortunes.

602. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Il était candidat pour l’Académie quand ce prompt avancement eut lieu dans sa fortune, et cela ne l’empêcha point d’y être nommé. […] C’est l’inconvénient qui dérive de l’insuffisance réelle des fortunes, ou des besoins que nous nous sommes faits, ou de notre ambition.

603. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Cet échec final, qui concourt avec la chute de l’Ancien Régime et la défaite de la monarchie, a laissé une ombre sur la figure de Besenval : on se le représente volontiers malencontreux et disgracié de la fortune, comme les généraux vaincus devant les révolutions. […] Venu dans un temps « où la fatuité était fort à la mode, où la société était uniquement tournée de ce côté, et où le rôle qu’on y jouait dépendait de s’y faire remarquer par des bonnes fortunes », il s’y adonna.

604. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Une maison d’hiver à Lausanne, les Délices ou ce qu’il appelait sa guinguette près de Genève, les châteaux de Ferney et de Tourney pour les étés, voilà tous les gîtes d’agrément et de précaution qu’une expérience chèrement payée lui conseilla de se ménager, et que sa grande fortune lui permit d’acquérir. […] Il est vrai qu’on a trouvé dans les papiers du sieur Niepz un mémoire de ce polisson pour bouleverser sa taupinière, et je vous réponds que si Jean-Jacques s’avisait de venir, il courrait grand risque de monter à une échelle qui ne serait pas celle de la Fortune.

605. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Il ne se peut rien de plus opposé : c’est un journal tout intime, écrit par un savant pieux, qui vit dans l’étude et dans la continuelle présence de Dieu, qui s’interroge à chaque heure sur toutes ses actions, sur ses sentiments les plus secrets, et qui se confesse, à vrai dire, — mêlant à tout, à ses traverses de fortune, à ses joies et à ses tribulations domestiques, comme à ses éruditions profanes, la pensée chrétienne la plus vigilante et la prière. — « Avez-vous lu le journal de Casaubon ? […] Il a quitté Montpellier, il est à Paris : Henri IV s’est chargé de sa subsistance, de sa fortune.

606. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié, raisonnant méthodiquement, s’est dit que, d’après les actes trouvés par Beffara, Molière n’avait laissé qu’une fille, née en 1665, et par conséquent mineure en 1673, au moment de la mort de son père ; qu’en raison de la fortune assez considérable de Molière, un inventaire avait dû être dressé pour garantir les droits de son enfant. […] Il nous montre, dans la vie des comédiens de campagne décrite par Scarron en son fameux Roman, la peinture fidèle de ce que devait être la destinée et la fortune de cette troupe ambulante de Molière ; il se demande s’il n’y a même pas de rapport, de reflet plus direct de l’un de ces groupes comiques à l’autre, et si Scarron, du temps qu’il était au Mans, n’a pas eu l’occasion d’y voir cette troupe de passage des Béjart avec son illustre capitaine.

607. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Son ambition, avant de mourir, après avoir accompli le pèlerinage de la Mecque, est de consacrer sa fortune à poursuivre l’œuvre commencée par son père : doter les routes de son pays de puits utiles aux voyageurs. » Si l’on peut se figurer un moment qu’on soit Touâreg, on ambitionnerait d’être le cheik Othman, c’est-à-dire celui qui désire que les hommes, si séparés qu’ils soient, s’entendent pour le bien et se donnent la main. […] Presque toutes les femmes savent lire et écrire, dans une proportion plus grande que les hommes ; les jeunes filles reçoivent de l’éducation ; elles disposent de leur main, sauf des cas rares ; dans la communauté, les femmes gèrent leur fortune personnelle et ne contribuent aux dépenses qu’autant qu’elles le veulent.

608. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Ayant rencontré, dit-il, dans les hasards de ses recherches, des lettres inédites, les plus intimes, les plus familières, qui trahissaient les mœurs et les habitudes du prince, il les a données, et il y a joint tout ce qu’il a pu recueillir d’imprimé ou d’inédit concernant sa personne, sa fortune, ses résidences, ses divertissements, les propos tenus sur son compte, les éloges et les médisances dont il a été l’objet : tout s’y trouve ; les photogravures, comme on les aime aujourd’hui, n’y manquent pas. […] Cette disgrâce de Moncrif fit sa fortune, puisqu’il lui dut de devenir lecteur chez la reine et d’être la coqueluche des petits appartements.

609. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] Cherchez sur la figure de l’homme en place si votre fils n’a pas compromis son avancement ou sa fortune ; regardez sur le visage de ces femmes légères qui vont lui sourire, regardez si un amour trompeur ou malheureux ne l’entraîne pas !

610. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Il n’avait laisse autour des deux amants que les personnages nécessaires à l’explication de leur fortune : s’il a gardé l’infante, c’est par une erreur imputable aux préjugés mondains de son temps. […] Ainsi ils font eux-mêmes leur fortune : le principe de l’action tragique est dans la définition première de leurs caractères.

611. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Le Méchant même de Gresset494 n’en est pas exempt : c’est une piquante satire d’un caractère mondain, de l’homme à bonnes fortunes du milieu du siècle, égoïste, persifleur, se faisant un jeu, par « noirceur », de diffamer et compromettre les femmes. […] Il donna ensuite le Préjugé à la mode (1735), Mélanide (1741), la Gouvernante (1747), l’Homme de fortune (1751, au théâtre de Mme de Pompadour, à Bellevue).

612. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

On trouverait peu de poètes, dans notre Occident, qui jouissent d’une pareille fortune. […] , s’achevait, Ferdousi vit s’écrouler le rêve de sa fortune.

613. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Saint-Simon, qui nous l’a peinte à ravir dans sa première forme, nous la montre encore dans le plein de sa beauté et dans la grandeur de sa représentation, qu’elle sut soutenir à travers toutes les fortunes : C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion. […] Elle se contenta donc d’égayer tout ce monde, de le consoler, d’inspirer la fermeté et une sorte de joie autour d’elle, de ne pas trop voir les choses en noir de son œil malade, d’obéir plutôt à sa douce humeur et à une certaine inclination d’espérer qui lui venait de la nature : Il arrive souvent, madame, écrit-elle à Mme de Maintenon, que lorsqu’on croit tout perdu, il survient des choses heureuses qui changent absolument la face des affaires. — Je pense, dit-elle encore, que la fortune peut nous redevenir favorable ; qu’il est de ses faveurs comme du trop de santé, c’est-à-dire qu’on n’est jamais si près d’être malade que lorsqu’on se porte trop bien, ni si proche d’être malheureux que quand on est comblé de bonheur.

614. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Ma fortune, aux trois quarts détruite par une persécution de quatre années, ne me permet pas de payer un autre loyer, pendant que ma maison dépérit faute d’être habitée… Je cours après tous mes débris, car il faut laisser du pain à mes enfants… Quand on a tout savouré, l’existence presque entière est dans les souvenirs. […] Sa fortune, qu’il dut à des circonstances heureuses, s’est détruite, en grande partie, par un excès de bonhomie et de confiance dont on pourrait donner des preuves multipliées.

615. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Vieux, arrivé au terme d’une existence jusque-là des plus favorisées et des plus également douces, l’abbé Barthélemy se vit tout d’un coup privé par la Révolution de la fortune, de l’aisance et de la liberté ; dans ces instants d’ennui et de retraite, il eut l’idée d’écrire des Mémoires sur sa vie, restés inachevés, mais suffisants, et qui sont la source où l’on apprend le mieux à le connaître. […] Au retour de ce voyage d’Italie, la vie de l’abbé Barthélemy s’assoit et se complète de plus en plus ; il devient inséparable des Choiseul et ne distingue plus sa fortune de leur destinée.

616. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Ce superbe morceau est une espece de carte géographique de l’égypte, et, à ce qu’on prétend, le même pavé que Sylla avoit fait placer dans le temple de la fortune Prénestine, et dont il est parlé dans le vingt-cinquiéme chapitre du trente-sixiéme livre de l’histoire de Pline. […] Ce grand peintre vivoit encore quand cette superbe mosaïque fut déterrée des ruines d’un temple de Serapis, qui devoit être, pour parler à notre maniere, une chapelle du temple celebre de la fortune Prenestine .

617. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Peut-être même que la generation qui suivra immédiatement la nôtre, frappée des fautes énormes d’Homere et de ses compagnons de fortune les dédaignera, ainsi qu’un homme devenu raisonnable dédaigne les contes puériles qui ont fait l’amusement de son enfance. […] Si nous sommes plus habiles que les anciens dans quelques sciences indépendantes des découvertes fortuites que le hazard et le temps font faire, notre superiorité sur eux dans ces sciences, vient de la même cause qui fait que le fils doit mourir plus riche que son pere, supposé qu’ils aïent eu la même conduite, et que la fortune leur ait été favorable également.

618. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Mais faut-il donc attendre que la secte du Romantisme (car c’est ainsi qu’on l’appelle), entraînée elle-même au-delà du but où elle tend, si toutefois elle se propose un but, en vienne jusque-là, qu’elle mette en problème toutes nos règles, insulte à tous nos chefs-d’œuvre, et pervertisse, par d’illégitimes succès, cette masse flottante d’opinions dont toujours la fortune dispose ? […] Pour ne parler que de la France, ces productions, généralement nobles et décentes sous Louis XIV, devinrent licencieuses et impies sous la Régence ; ensuite, sauf de glorieuses exceptions qui s’offrent à la pensée de tous, futiles et affectées pendant le long règne de Louis XV, elles semblèrent se régénérer, avec les mœurs publiques et privées, dans les années trop peu nombreuses du règne de son infortuné successeur ; et enfin, nous les avons vues, durant les jours de nos discordes civiles, partager la fortune diverse des partis, et suivre les phases variées du corps social, tantôt abjectes et furibondes, tantôt sublimes et dévouées, ici célébrant les épreuves de la vertu, et là consacrant les triomphes du crime.

619. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

On a ainsi dans la fortune et la destinée d’un simple couvent-pensionnat de quoi rêver sur les empires.

620. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Ce noble exemple, tant ridiculisé par un monde aveugle, me paraît, à lui seul, capable de racheter les erreurs de sa vie… Il y a loin de la dignité d’action du pauvre Rousseau à la pompeuse fortune littéraire des spéculateurs en philanthropie, Voltaire et son écho lointain Beaumarchais… » M. de Balzac, après avoir, non sans raison, remarqué que cette sévérité contre les auteurs qui vendent leurs livres siérait mieux peut-être sous une plume moins privilégiée à tous égards que celle de M. de Custine, se donne carrière à son tour, se jette sur les contrefaçons, agite tout ce qu’il peut trouver de souvenirs à la fois millionnaires et littéraires : la conclusion est qu’à moins de devenir riche comme un fermier général, on se maintient mal aisément un grand écrivain.

621. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il n’avait que douze ans lorsque le héros de sa race se révélait en Italie comme le premier général des temps modernes ; il n’en avait que seize lorsque la France saluait du nom de Consul le conquérant de l’Égypte et de l’Italie ; il en avait vingt quand l’empereur prenait son rang en Europe, le front ceint de la double couronne : il fut enveloppé dans sa fortune.

622. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

623. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Drôle a fait une fortune singulière : toute grandeur qu’on ne comprend pas, c’est drôle ; toute beauté qu’on ne sent pas, ce n’est pas drôle.

624. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Son âme, ainsi que celle de sainte Catherine de Sienne, saura s’éduquer au voisinage banal et familier de chaque jour et de chaque endroit, et, peu à peu, dans la parole d’un enfant, dans les réflexions du petit Allan, du petit Yniold, ou du petit Tintagiles, il découvrira des trésors de bonté infinis et des fortunes d’amour inépuisable.

625. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Son rival d’esprit & de bonnes fortunes, Benserade, étoit encore plus fait que lui pour être à la mode & pour parvenir.

626. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Les auteurs de sa naissance, catholiques romains, le laissèrent sans fortune, la leur ayant été presque épuisée par les doubles taxes, & par les autres loix penales que le roi Guillaume imposa à ceux de cette communion.

627. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Il en pouvoit bien douter, dit un prince qui a commandé des armées sur les bords du Danube, et qui, comme Mithridate, a conservé sa réputation de grand capitaine dans l’une et dans l’autre fortune, puisque la chose est réellement impossible.

628. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Mais les hommes nez pour être de grands peintres ou de grands poëtes, ne sont point de ceux, s’il est permis de parler ainsi, qui ne sçauroient se produire que sous le bon plaisir de la fortune.

629. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Le mot fit fortune.

630. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Quoi qu’il en soit, Charles Perrault était lié avec un parent de Colbert, qui avait occupé plusieurs places importantes, mais dont les places ne faisaient pas tout le mérite : il avait encore celui d’aimer les arts avec passion, de s’intéresser à leurs progrès, comme un courtisan s’intéresse à sa fortune ; et surtout il avait l’enthousiasme de son siècle et de sa nation.

631. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Je montrerai par quelles industries il fit fortune. […] » La fortune insolente de Beaumarchais lui fit beaucoup d’ennemis. […] Obtenir sa réhabilitation, refaire sa fortune, tel est désormais le problème urgent qui irrite et qui aiguise l’esprit d’intrigue de Figaro. […] Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! […] Mais n’est-ce pas une belle chose, en littérature comme ailleurs, qu’une grande fortune bien administrée ?

632. (1894) Études littéraires : seizième siècle

En un mot, il a vu qu’il y a un domaine de la prévoyance qui est réel mais petit, et un domaine de la fortune qui est immense. Fortune et hasard sont des mots sans signification, des « nous ne savons » qui ne satisfont pas l’esprit de Commynes. […] Rentré en France, sa fortune, jusque-là brillante, eut une première éclipse. […] Il s’attache à la roue de la Fortune et tourne avec elle. […] Il ne l’est que rarement, et, eu égard à son étourdissante fortune littéraire, il ne l’est pas.

633. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

J’ose bien affirmer en effet que, si Massillon ne se fût pas exercé de la sorte à ce que l’on pourrait appeler la gymnastique de la périphrase, il n’aurait jamais eu de ces fortunes d’expression qui sont chez lui si nombreuses, et si heureuses. […] Car, au fait, pourquoi ne subdiviserions-nous pas à leur tour ces idées de fortune et de magnificence ? […] Un paragraphe donc sur les séparations d’avec les biens de fortune, un paragraphe sur les séparations d’avec les charges et les honneurs, et les quatre autres que l’on a vus ; total : sept paragraphes sur les séparations. […] Ils pourraient bien avoir aussi compromis la fortune de plus d’une idée juste et généreuse, pour avoir voulu lui donner trop d’extension, et la pousser d’abord à l’extrême de ses conséquences logiques. […] Conçoit-on aussi que M. de Malesherbes tolère des journalistes qui fassent remarquer à un colonel qu’idolâtre ne rime pas avec combattre, et que pour un assez beau vers que Ximénès a rencontré : Fortune, c’est à toi que César s’abandonne, c’est dommage que, cent ans auparavant, Brébœuf eût déjà dit, sans y rien changer, le traître : Fortune, c’est à toi que César s’abandonne ?

634. (1898) La cité antique

La fortune est immobile comme le foyer et le tombeau auxquels elle est attachée. […] Le père n’avait donc pas la libre disposition de sa fortune. […] À sa fortuneest attachée la fortune publique ; il est comme le génie tutélaire de la cité. […] L’homme qui allait disposer de la religion et de la fortune de la cité devait être révélé par la voix divine. […] La cité aurait été bien téméraire de confier sa fortune à un tel homme.

635. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Les ministres eux-mêmes, avant d’occuper leurs places, furent de simples citoyens comme nous, & quel est l’homme qui sache où la fortune peut le porter. […] Malgré cela si une fortune aveugle ne s’en mêle, reprit le commandeur, une fortune ou un destin que je ne puis définir, ils ne réussiront jamais ; c’est-à-dire, qu’ils n’auront des aîles que pour se brûler. […] ces mots répétés à propos, ont coûté la fortune à bien des marchands, sur-tout lorsqu’ils ont été prononcés par un homme qui se donnoit des titres, & avoit des tons, & sur-tout des cordons. […] Nous avions une russe à Londres, véritable princesse, qui ne dédaigna pas d’épouser un français qui n’avoit ni fortune, ni nom, uniquement parce qu’elle l’avoit vu marcher. […] Ne me demandez plus comme on fait fortune, ce grand flandrin vous l’apprendra.

636. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Tant de gens de lettres n’ont pour fortune que leur réputation et une certaine vogue ! […] Il tombe malade parfois de ses propres excès, mais sa fortune est d’avoir des ennemis. […] La fortune de son début fut le culte auquel elle se dévoua. […] Le tiers de sa fortune y périra ; mais il recouvre le droit de s’estimer lui-même. […] En aucun cas, la fortune née d’un coup de lansquenet ne doit créer une noblesse.

637. (1927) Des romantiques à nous

C’est des bêtises. » Ce propos de Jean Moréas, rapporté par Maurice Barrès, a fait fortune. […] Dans le temps même où il soupire après ce bonheur manqué, la fortune la plus merveilleuse est à portée de sa main. […] C’est ainsi que, des cours et des châteaux qui en avaient fait la première fortune, elle passa dans le commerce du peuple. […] La maison Laveur était une institution de crédit fondée sur des bases morales d’une candeur qui ne trouverait pas d’application aujourd’hui et qui a pourtant fait la fortune d’une tribu. […] Le crédit qu’elle faisait reposait uniquement sur la valeur ou la présomption de la valeur personnelle de jeunes gens studieux sans fortune.

638. (1886) Le naturalisme

La preuve en est dans la vie hasardeuse de Byron, dans la satiété précoce d’Alfred de Musset, dans la folie et le suicide de Gérard de Nerval, dans les étranges fortunes de George Sand, dans les passions volcaniques et la fin tragique de Larra, dans les incartades et les ardeurs de Espronceda. […] Tandis que Dumas pouvait gaspiller en folies des fortunes gagnées par sa plume de romancier, Balzac luttait corps à corps avec la misère, sans atteindre jamais un état de fortune moyen. […] Son histoire se réduit à travailler et à travailler toujours, pour satisfaire ses créanciers et se créer une fortune indépendante. […] Zola mûrissait une idée qui devait lui donner la gloire et la fortune. […] La fortune ne favorisait pas l’éditeur Lacroix ; il dut liquider et transmit les affaires entamées au phénix des éditeurs, nommé Charpentier.

639. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ma despense se faisoit d’autant plus alaigrement et avecques moins de soing, qu’elle estoit toute en la témérité de la fortune. […] Après diverses fortunes, et au milieu d’une carrière qui lui rapportait honneur et profit, on ne sait par quelle bizarrerie, vers 1588, Charron se mit en tête de devenir chartreux. […] En général, la modération ne fait pas trop fortune dans ce monde. […] On sait que le chemin de la fortune fut pour lui semé d’obstacles. […] Ceux qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres plutôt que de perdre un bon mot, méritent une peine infamante : cela n’a pas été dit, et je l’ose dire.

640. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Il y a de ces jeux de la fortune. […] Le style de Laplace dans l’Exposition du système du monde, de Napoléon dans ses Mémoires, voilà les modèles du langage simple et réflechi propre à notre âge. » Et il finit par risquer ce mot qui, depuis, a tant fait fortune : « Napoléon est le plus grand homme de son siècle, on en convient ; mais il en est aussi le plus grand écrivain. » Il faudrait bien de la pédanterie pour venir contester, contrôler un jugement si piquant. si vrai même, à l’entendre d’une certaine manière. […] heureuse fortune de la jeunesse ! […] « Il est jeune, favorisé de la fortune et de la gloire, entouré d’amis qui l’admirent, d’un public qui l’applaudit avec une complaisance toute particulière ; mais la vie ne saurait être si facile ; il faut un tourment à M.

641. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

« Cependant, dit-il, je ne manquai pas de me rendre agréable à mon père, en jouant pour lui tantôt de la flûte, tantôt du cor, ce qui lui arrachait des soupirs et des larmes. » Banni de Florence par un arrêt du conseil des Huit, pour six mois, pour avoir porté secours à un de ses frères qui servait dans l’armée, il alla chercher fortune à Sienne chez un ancien ami de son père, M.  […] Lorsqu’il vit mes dessins et mes ouvrages : Étant venu à Florence, me dit-il, pour engager de jeunes artistes, et votre manière de travailler étant plus d’un sculpteur que d’un orfèvre, venez m’aider à faire de grands ouvrages de bronze, que le roi d’Angleterre m’a commandés, et votre fortune sera bientôt faite. […] Benvenuto commença par travailler pour un évêque espagnol, mais son ambition, qui grandissait avec son talent, continuait toujours au-delà de sa fortune. […] Que l’on juge, d’après cela, des moyens que prend la fortune lorsqu’elle veut perdre un homme !

642. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Alors le correspondant du Times, mais le correspondant du Times, avec un traitement de 75 000 francs et la considération d’un ambassadeur, était lord Oliphant, ce personnage extraordinaire qui avait été une espèce de Brummel, un familier de princes, un diplomate en Chine et au Japon, un martyr portant encore aux deux poignets les stigmates de la martyrisation, le fondateur d’une religion à laquelle il avait donné toute sa fortune, un homme, pendant quelque temps, descendu à être un brouetteur de feuilles mortes, et redevenu dans le Times, l’intermédiaire entre l’Angleterre et la France, au moment où la France traversait ces années tragiques. […] M’entretenant de la rapidité des décès, il me conte qu’un ingénieur français, ayant fait là-bas son affaire, ayant gagné une petite fortune, partait le lendemain par le paquebot pour l’Europe avec sa femme et ses enfants. […] Oui, il était foncièrement bon, Flaubert, et il pratiqua, je dirais, toutes les vertus bourgeoises, si je ne craignais de chagriner son ombre avec ce mot, sacrifiant un jour sa fortune et son bien-être à des intérêts et à des affections de famille, avec une simplicité et une distinction, dont il y a peu d’exemples. Enfin, Messieurs, en ce temps où l’argent menace d’industrialiser l’art et la littérature, toujours, toujours, et même en la perte de sa fortune, Flaubert résista aux tentations, aux sollicitations de cet argent ; et il est peut-être un des derniers de cette vieille génération de désintéressés travailleurs, ne consentant à fabriquer que des livres d’un puissant labeur et d’une grande dépense cérébrale, des livres satisfaisant absolument leur goût d’art, des livres d’une mauvaise vente payés par un peu de gloire posthume.

643. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Montmartel craint de risquer sa fortune ; sa femme l’obsède et le noircit, et moi je suis obligé d’aller lui remettre la tête et de perdre vingt-quatre heures par semaine pour l’amadouer (quel style, trop d’accord avec la situation ! […] Cependant le roi et Mme de Pompadour restaient mécontents de Bernis ; il recevait précisément dans le moment même le chapeau de cardinal ; il avait été comblé de faveurs et de grâces depuis deux ans ; nommé successivement abbé de Saint-Médard, abbé de Trois-Fontaines7, commandeur du Saint-Esprit, on pouvait s’étonner qu’il se lassât de servir justement à l’heure où il lui était difficile de rien obtenir de plus pour sa fortune.

644. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Aura-t-il été, ce monument, même dans le cœur de ceux à qui il a sauvé la fortune ? […] Pourtant, comme il avait au fond l’esprit pratique, il ne fut pas sans reconnaître que ces soins d’intérêt, de fortune et d’avancement, qui étaient tout aux yeux de la plupart, avaient aussi quelque fondement, et qu’il ne s’agissait que de les mettre à leur place, de les réduire à leur valeur.

645. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Si vous pouviez attirer à cette alliance la fortune, ce serait un accroissement presque sans exemple, auquel on ne saurait rien souhaiter de plus, si ce n’est la connaissance de la vérité, qui ne peut être longtemps cachée à une fille qui peut s’entretenir avec les saints auteurs dans leurs langues naturelles. […] Cependant, comme il avait peu de fortune, il dut modérer ses désirs, et ce ne fut que onze ans après la mort du maître qu’il put contracter avec la fille une union à laquelle il avait toujours songé.

646. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

c’est le son du cor là-bas sur le pont… » Cet insouciant messager apporte dans son sac, qu’il jette négligemment, la joie ou la douleur, la mort ou la naissance, la fortune ou la ruine…, et il repart en sifflant. […] Une aimable cousine, une compagne d’enfance, qu’il avait retrouvée avec bonheur et dont la fortune était considérable, lady Hesketh, lui fit arranger dans les environs d’Olney, à Weston, l’un des plus jolis villages d’Angleterre, une maison commode pour lui et Mme Unwin, et elle-même y venait passer chaque année plusieurs mois.

647. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Jeune veuve, elle prit un parti courageux : pour assurer l’avenir de son fils et remettre en ordre la fortune que la mort du marquis laissait assez embrouillée, elle se retira à la communauté de la Doctrine ou de l’Instruction chrétienne, rue du Pot-de-Fer, et y demeura tout le temps qu’il fallut pour ses desseins d’économie. […] Au sujet de ces agitations, de ces énergies de cœur et d’esprit qu’elle lui marquait, il lui disait encore : « Votre âme se porte trop bien, elle vous use ; vous n’aurez jamais un corps sain. » — À la paix, après quelques années passées à observer les riches héritières, le marquis de Créqui se maria avec Mlle du Muy ; cette union, tout en vue de la fortune, fut sans bonheur, et les zizanies, les chicanes qu’elle engendra rejaillirent jusqu’à Mme de Créqui, et lui causèrent bien des ennuis et même des pertes d’argent considérables ; mais ce qui l’atteignait plus que tout, c’était l’indifférence et l’ingratitude de cœur de son fils, qui ne parut jamais s’apercevoir des sacrifices et de l’affection de sa mère.

648. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Sans parler des dames qu’on y met sur le tapis, des d’Au-mont, des Brissac et autres bonnes fortunes de rencontre, on citait, comme amie attitrée du prélat, Mme de Bretonvilliers, de la haute bourgeoisie. […] De telles historiettes à la Tallemant qui circulaient dans Paris, et que chacun brodait à plaisir, arrivaient à l’oreille du roi lui-même qui faisait semblant d’en rire, mais qui, tout en continuant à se servir de l’homme, tirait dès lors la barre à la fortune et au crédit de l’ambitieux.

649. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

À peine revenu à Genève, et dans le premier ennui de l’isolement, il faillit faire ce qu’on appelle une sottise : il s’était amouraché d’une jeune fille d’une condition un peu inférieure, sans fortune, et il voulait l’épouser. […] Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ?

650. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

C’est ainsi que pour le jeu, qu’il croyait un ingrédient nécessaire dans la composition d’un jeune homme de bel air, il s’y plongea sans passion d’abord, mais ne put s’en retirer ensuite, et compromit par là pour longtemps sa fortune. […] La reine Caroline ne lui pardonna jamais ; ce fut le premier échec de la fortune politique de lord Chesterfield, pour lors âgé de trente-trois ans et dans la pleine vogue des espérances.

651. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

C’est surtout en l’étudiant de près qu’on se convainc qu’une grande influence sociale a toujours sa raison, et que, sous ces fortunes célèbres qui se résument de loin en un simple nom qu’on répète, il y a eu bien du travail, de l’étude et du talent ; dans le cas présent de Mme Geoffrin, il faut ajouter, bien du bon sens. […] Son mari paraît avoir peu compté dans sa vie, sinon pour lui assurer la fortune qui fut le point de départ et le premier instrument de la considération qu’elle sut acquérir.

652. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Blessée devant Paris le 8 septembre, elle voit pour la première fois la fortune lui manquer, et le conseil de ses voix en défaut, ou du moins ce conseil paralysé et mis à néant par l’hésitation obstinée et le mauvais vouloir des hommes. […] Il me paraît bien certain que, pour peu que la fortune eût continué de la favoriser, et que ses alentours se fussent prêtés à ce rôle qu’elle embrassait naïvement, elle se fût poussée loin avec le conseil de ses voix, et qu’elle ne se considérait point comme uniquement destinée à la levée du siège d’Orléans et à l’accomplissement du sacre de Reims.

653. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Voulant expliquer, par exemple, pourquoi le connétable de Luynes, pour le moins aussi digne d’être haï et méprisé que le maréchal d’Ancre, n’a pas encouru la même impopularité dans sa mémoire, il dira énergiquement : « C’est qu’il mourut au sein de sa grandeur, qui se continuait dans une famille riche et puissante ; et il faut toujours au vulgaire l’autorité d’un revers pour lui faire mépriser tout à fait les enfants de la fortune : il ne comprend guère que les dénouements. » Mais le plus souvent sa malice se recouvre, et plus d’un lecteur qui parcourrait le livre avec bonhomie pourrait la laisser échapper. […] Lui, si heureux à première vue, si bien doué, ce semble, par la nature, si bien doté de plus par la fortune, il se tenait sur la défensive avec la société, comme s’il eût craint d’être abordé de trop près.

654. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Saint-Simon, né en janvier 1675, d’un père déjà vieux, ancien favori de Louis XIII, et qui devait à ce prince toute sa fortune ; élevé par une mère vertueuse et distinguée, manifesta de bonne heure un goût inné pour la lecture, et pour celle de l’histoire en particulier. […] La vérité, s’écrie-t-il, il l’a eue en vue jusqu’à lui sacrifier toutes choses : « C’est même cet amour de la vérité qui a le plus nui à ma fortune ; je l’ai senti souvent, mais j’ai préféré la vérité à tout, et je n’ai pu me ployer à aucun déguisement ; je puis dire encore que je l’ai chérie jusque contre moi-même. » Pourtant, s’il redresse si haut la tête sur ce chapitre de la vérité, il convient que l’impartialité n’a pas été son fait ; il sent trop vivement pour cela : On est charmé, dit-il, des gens droits et vrais ; on est irrité contre les fripons dont les cours fourmillent ; on l’est encore plus contre ceux dont on a reçu du mal.

655. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Jusqu’à l’âge de quarante-huit ans, il vécut en France, à la Cour, à l’armée, d’une existence brillante et active ; estimé des plus grands généraux, il était en passe d’une assez haute fortune militaire. […] Aujourd’hui que la fleur de votre grande jeunesse est passée (le mot est rude, mais vous me l’avez écrit tant de fois, que ce n’est que le répéter), vous retenez tant de bonne mine sur votre visage et conservez tant d’agrément dans l’esprit, que, n’était la délicatesse de votre choix à recevoir le monde, il y aurait autant de foule chez vous sans intérêt qu’il y en a dans les cours où il y a le plus de fortune.

656. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Je définis un patois une ancienne langue qui a eu des malheurs, ou encore une langue toute jeune et qui n’a pas fait fortune. […] Depuis lors, cette langue éparse et morcelée avait encore eu ses poètes particuliers en Béarn, à Toulouse, dans le Rouergue, en différents lieux ; mais ces poètes d’un naturel aisé ne faisaient aucun effort pour sortir de l’esprit du cru, et pour élargir l’horizon tout local où les avait confinés la Fortune.

657. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Amyot, assuré de la subsistance, et croyant que, François Ier n’étant plus, la fortune en France se retirait de lui, tourna ses regards vers l’Italie, cette vraie patrie de la Renaissance, et où l’appelaient tant de précieux manuscrits à consulter. […] Il continua de justifier les faveurs de la fortune en publiant, en 1572, les Œuvres morales de Plutarque, qu’il dédia à son élève et maître le roi Charles IX, par reconnaissance pour ses bienfaits, « et aussi, dit-il, pour témoigner à la postérité et à ceux qui n’ont pas cet heur de vous connoître familièrement, que Notre-Seigneur a mis en vous une singulière bonté de nature… ».

658. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

J’ai voulu glisser cette réserve parce que j’admire toujours à quel point les natures étroites et négatives sont empressées de dire à tout génie supérieur : « Tu n’as fait que ceci dans ta vie jusqu’à présent ; la fortune t’a empêché de t’essayer dans une plus large et plus ouverte carrière, donc tu n’aurais pu faire autre chose. » Ces gens-là ont besoin, de temps en temps, de recevoir quelques démentis comme celui que leur donne, par exemple, un Dumouriez aux défilés de l’Argonne. […] Même depuis Saint-Simon, rien n’a pâli dans cette galerie de Retz, et on admire seulement la différence de manière, quelque chose de plus court, de plus clair, de plus délié en coloris, mais qui ne pénètre pas moins dans le vif des âmes ; M. le Prince à qui « la nature avait fait l’esprit aussi grand que le cœur », mais à qui la fortune n’a pas permis de montrer l’un comme l’autre dans toute son étendue et qui n’a pu remplir son mérite ; M. de Turenne à qui il n’a manqué de qualités « que celles dont il ne s’est pas avisé », et à qui il ne faut jamais en refuser une, « car qui le sait ?

659. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps. […] Ainsi La Fontaine, dans une épître à Mme de Thianges, a dit : Chacun attend sa gloire ainsi que sa fortune        Du suffrage de Saint-Germain.

660. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il avait d’abord pensé à consacrer Benjamin au service de l’Église, comme étant la dîme de sa famille ; mais, son peu de fortune s’y opposant, il le mit simplement dans son état, l’occupant à couper des mèches et à remplir des moules de suif. […] Il arrivait, par une voie laborieuse, à une fortune honnête et à une indépendance qui allait le mettre en état de se livrer à ses goûts pour l’étude et pour les sciences.

661. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Sans fortune et sans carrière, Grimm vint à Paris, y fut attaché quelque temps au jeune prince héréditaire de Saxe-Gotha, puis devint précepteur des fils du comte de Schomberg, puis secrétaire du jeune comte de Friesen, neveu du maréchal de Saxe. […] Grimm, d’ailleurs, était hors de France pendant la très grande partie du séjour de Rousseau à l’Ermitage (1756-1757) ; il avait perdu son ami le comte de Friesen, enlevé dans la fleur de la jeunesse, et le duc d’Orléans s’était chargé de sa fortune.

662. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Devenu associé et l’un des chefs d’une maison de banque, il fit preuve, dans ses spéculations diverses, d’une sagacité supérieure et d’un esprit de combinaison que récompensa la fortune. […] Necker, dont la fortune était faite, s’était retiré de la banque à ce moment ; il était devenu ministre de la république de Genève auprès de la cour de Versailles, et il visait plus haut : il aspirait à une carrière politique en France.

663. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Frédéric à tout moment l’apaise et le modère le plus qu’il peut : La tendresse vous a mené la plume, et on sait qu’elle est aveugle comme la Fortune. — Je ne saurais finir cette lettre, lui écrit-il un jour, sans vous prier encore une fois bien sérieusement de ne me donner ni du grand ni du sublime dans vos lettres. […] Je regarde avec des yeux d’indifférence tout ce qui m’attend, sans désirer la fortune ni la craindre, plein de compassion pour ceux qui souffrent (son père à l’agonie), d’estime pour les honnêtes gens et de tendresse pour mes amis.

664. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Tourguénef ait fait tout un livre de scènes rustiques, il est impossible d’en extraire une somme d’idées générales concordantes sur le paysan russe ; et quoique ses romans se jouent d’ordinaire entre des nobles de haute ou de petite fortune, quelque chose qui ressemble au type du gentilhomme russe ne s’y trouve pas. […] Il parle intarissablement d’amour à la jeune fille, accepte ses demi-rendez-vous, puis se lie avec le fiancé qu’elle méprise, et quand enfin elle l’attend en pleine campagne, décidée à briser avec sa vie, à le suivre une fois pour toutes, pour la bonne ou la mauvaise fortune, il lui persuade, dans un pitoyable écroulement de tout son être, la soumission aux fatalités de la destinée, et la renvoie à son château, avec des déclamations creuses sur l’amertume de la vie.

665. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

D’un tact consommé dans la société, ses vues ne s’élargirent pas avec sa fortune ; elle eut moins d’hypocrisie que de petitesse, et elle est moins haïssable pour ses fautes que le gouvernement absolu qui les permit.

666. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Lorsqu’on s’est dit qu’il est impossible d’obtenir le bonheur, on est plus près d’atteindre à quelque chose qui lui ressemble, comme les hommes dérangés dans leur fortune ne se retrouvent à l’aise, que lorsqu’ils se sont avoué qu’ils étaient ruinés.

667. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Mais ils eurent des fortunes inégales et diverses selon la grandeur du rôle politique qui échut aux pays où ils étaient parlés.

668. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Si quelque industriel hardi et insinuant décidait, par son éloquence ou par des cachets sérieux, nos principales « illustrations » à venir passer tous les jours une demi-heure dans quelque salle entièrement vitrée, sur le boulevard, et admettait le public à les voir  pour de l’argent  ne pensez-vous pas qu’il ferait plus rapidement fortune qu’un directeur de ménagerie ou de musée anthropologique ?

669. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Gustave Kahn : « Fay ce que vouldras », si tout ce qu’il tente de faire, par une fâcheuse fortune, ne manquait.

670. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Mallarmé, sa théorie du symbole, mot appelé à une si étrange et triomphante fortune !

671. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

C’est là une qualité qui jusqu’ici n’a pas fait grande fortune dans le monde.

672. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Après l’avoir comblé de biens & d’honneurs, après l’avoir magnifiquement vengé des rigueurs de la fortune, qui le réduisoit à l’indigence, Auguste voulut qu’il se mariât, pour conserver des rejettons d’un grand homme.

673. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Charpentier fut si enchanté de la fortune de son livre, qu’il en donna promptement avis au comte de Bussy, dans une lettre où il lui disoit : « J’ai présentement d’illustres sectateurs, & je ne pouvois pas espérer un plus heureux succès de mon opinion, que d’avoir fait résoudre le roi d’effacer les inscriptions latines de tous les tableaux historiques de la grande gallerie de Versailles, & d’y en mettre de Françoises, comme il y en a présentement. » Il est certain que les idées de cet académicien, zélé pour notre langue, contribuèrent beaucoup à la faire employer pour les tableaux de la gallerie de Versailles ; mais il ne l’est pas moins aussi, que les inscriptions qu’il donna furent effacées.

674. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Quoique bon ami, bon citoyen, il eut beaucoup d’ennemis, parce qu’il fit toute sa vie la guerre aux sots ; modéré d’ailleurs, & incapable de donner dans aucun fanatisme de religion, d’ambition & de fortune.

675. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

On peut aussi la considerer du côté de la fortune et de la condition dans laquelle ils naissent comme membres d’une certaine societé.

676. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Étant donnés un caractère fait pour l’étude et la méditation, et aucune fortune, quelle carrière choisir ?

677. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Elle ne désirait point rompre avec les connaissances de Mme de Staël à Coppet et à Paris, et elle voulait moins encore se déclarer en hostilité avec l’homme dont sa tranquillité et son bien-être dépendaient ; toute sa fortune en France et en Angleterre était dans ces ménagements. […] La situation de Chateaubriand est extrêmement douloureuse ; il voit qu’il a survécu à sa réputation, il est accablé comme amour-propre, il l’est aussi comme fortune, car il n’a rien. […] La monarchie française continue à s’écrouler et menace leur fortune et leur vie.

678. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Elle apprit par lui la fuite de Bothwell dans les îles Shetland d’où il s’était embarqué pour le Danemark, pour y reprendre, avec ses anciens écumeurs de mer, la vie de pirate et de brigand, seul refuge que lui laissait sa fortune. […] Elle y apprit, on ne sait si ce fut avec joie ou avec douleur, la mort de son mari Bothwell ; après une vie errante sur les flots de la mer du Nord, où il avait repris, comme on l’a vu, l’infâme métier de pirate, Bothwell, surpris dans une descente sur la côte de Danemark et enchaîné dans le cachot d’une prison sur un écueil, était mort dans la démence ; l’excès des oscillations de sa fortune, le miracle de son élévation, l’étourdissement de sa chute avaient ébranlé sa raison. […] Il était tellement illuminé d’un ravissement doux, tellement baigné de la grâce de Dieu, qu’il « semblait rire aux anges. » Élisabeth Curle, une de ses filles d’honneur, raconte que la reine dormit et pria ; elle pria plus qu’elle ne dormit, à la lueur d’une petite lampe d’argent que Henri II lui avait donnée, et qu’elle avait gardée dans toutes ses fortunes.

679. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

La fortune de Garnier fut de courte durée. […] » A cette invitation de Corneille il a été répondu par le drame bourgeois, dont nous verrons au dix-huitième siècle la triste fortune. […] Un des plus fiers enfants de cette famille cornélienne, don Sanche, s’asseoit dans le conseil de la reine de Castille, du droit de son courage, et malgré l’étiquette qui l’interdit à un soldat de fortune.

680. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Quelle fortune, s’il réussissait à endormir leur vigilance ! […] Aussi, les écrivains qui le cultivent sont-ils d’assidus courtisans de la mode à qui le spécieux doit sa fortune passagère. […] Il a eu et mérité la fortune très rare, après avoir passé par la vogue, de trouver la justice.

681. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il eut quelques bonnes fortunes et beaucoup de mauvaises. […] Cette ambition, excitée par tous les stimulants de la vie : la gloire, les richesses, l’exubérance de la race, l’intelligence, la beauté, toutes les puissances de la séduction, tous les bonheurs qui enivrent les hommes et toutes les fortunes qui les corrompent ; cette ambition, — qui commença avec Claude, monta avec le duc François et atteignit son zénith avec Henri, pour en être précipitée et briser toute cette immense famille du coup, — ils l’avaient, puisqu’ils étaient des hommes. […] Les vrais sorciers du temps des Guise, ce n’était pas les Ruggieri de Catherine, mais eux… Avec toute leur sorcellerie, ils n’eurent point la fortune de César, et aucun d’eux ne la mérita ; mais ils avaient quelque chose de la grâce, de la générosité et de la séduction de ce grand homme, — surtout celui qui mourut comme lui, ne pouvant croire, comme lui, qu’on osât le tuer !

682. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Son livre est un pamphlet, et qu’il en soit un, c’est sa fortune ! […] Et, en effet, pour l’éditeur comme pour le public, c’est indubitablement une fortune. […] Mais l’un (Rousseau) fut un pauvre rongé d’orgueil, de haine et d’envie, d’une bassesse de cœur égale à la bassesse de sa fortune, préférant la domesticité au travail, et, sans fierté comme sans courage, flagornant ceux qu’il appelait, quand ils n’étaient pas là, ses oppresseurs. ; tandis que l’autre (Proudhon), incorruptible à la pauvreté, — qui, allez !

683. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il l’était autant par nature que par fortune ; son tour d’esprit comme sa position le fit écrivain. […] Je me baignais dans sa rage, et je me délectais à le lui faire sentir. » Un pareil homme ne devait pas faire fortune. […] Ne vous souvient-il pas que Balzac avait inventé des théories chimiques, une réforme de l’administration, une doctrine philosophique, une explication de l’autre monde, trois cents manières de faire fortune, les ananas à quinze sous pièce, et la manière de gouverner l’État ?

684. (1883) Le roman naturaliste

Aussi bien l’une et l’autre doctrine ne sont-elles pas sorties du concours des mêmes causes, et les mêmes influences du dehors n’en ont-elles pas fait jusqu’ici la fortune ? […] Daudet a quelquefois de ces bonnes fortunes : moins heureux dans le choix du sujet, et dans la peinture de ce milieu vulgaire où il a consciencieusement maintenu son intrigue. […] Où sont-elles, dans Clarisse Harlowe et dans la Nouvelle Héloise, ces « fortunes réalisées en un jour » ? […] Flaubert aurait fixé les lois si des dieux jaloux n’avaient pas refusé cette fortune à M.  […] Ne sont-ce pas là trouvailles d’artiste et bonnes fortunes d’écrivain, inspirations, certainement « subies » et non pas « amenées », quoi qu’en dise Flaubert ?

685. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le nom, la nationalité même de son mari, tout était contesté ; la fortune, qui arrange tout, n’était pas encore venue : là encore, il restait à conquérir ce qu’en langage moderne on appelle une position. […] Le Parisien qui ne veut pas faire de dettes et qui ne veut pas faire d’économies, — deux choses qui ont chacune leurs désagréments, — a encore la ressource de faire fortune. […] Ce qu’il faudrait nous faire voir, pour prouver l’incertitude et la diversité des fortunes, ce serait un homme qui ne vieillît pas ou qui ne regrettât pas de vieillir. […] Pour mon compte, j’ai toujours retrouvé le même homme jusque dans ses moindres nouvelles, et je ne me suis pas étonné de le voir s’attacher publiquement à la fortune du docteur Véron. […] Il y avait des mères de famille accompagnées de leurs filles ; parmi celles-ci, les unes s’étonnaient de la fortune de l’heureuse femme qui avait su réunir tant de merveilles, et questionnaient ; d’autres, hélas !

686. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Le grand Corneille acquit une gloire immortelle ; mais il ne fit pas fortune ou du moins il n’en laissa guère après lui. […] Son esprit fit sa fortune. […] Quinault ne se fit pas prier ; le marchand mourut et son hôte épousa la veuve, qui lui apporta une fort jolie fortune. […] Le mot fit fortune, et Germanicus ne put ramener le sérieux sur le visage des spectateurs. […] Que d’auteurs à vingt pistoles, dont les pièces, sous d’autres noms, sous d’autres parrains, font la fortune des théâtres et des pères d’adoption ?

687. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il publie son premier volume, les Chants du Soldat, dont la fortune est prodigieuse. […] Il se faufila dans un cénacle de jeunes littérateurs, qui devaient presque tous arriver à la fortune. […] Cet insoumis s’est civilisé… Si la fortune clémente lui envoyait seulement quelques mille livres de rentes, il achèterait une redingote neuve et se présenterait à l’Académie. […] Il subit avec une patience angélique les caprices de la fortune. […] Sa fortune fut rapide.

688. (1925) Proses datées

Ainsi, les Stances de Jean Moréas eurent cette glorieuse fortune. […] On le meuble d’un bric-à-brac de fortune dont l’usurier, comme dans Molière, fournit quelques-unes des pièces. […] La fortune lui avait manqué de toute la taille de son ambition, qui était haute en dépit de sa petite stature. […] Les fortunes de mer sont diverses et les siennes furent constamment favorables. […] Comme tous les gens gâtés par la fortune, M. de La Pouplinière était atrabilaire.

689. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Un frère sublime dit à une petite servante : « Cesse de résister à mon frère, et je t’épouse, et je t’apporte, avec le titre de baronne, trois millions de fortune. » Naturellement, la petite servante, peu éblouie, repousse titre et fortune. […] cet admirable garçon est sans fortune et — obstacle poétique et nouveau — on ignore qui peut bien être son papa. […] Un dénoûment providentiel, romanesque et ridicule lui apporte la forte somme et avec, espérons-le, « l’aplomb LÉGITIME de la fortune et de la naissance ». […] Et des êtres aussi raisonnables que vous et moi étaient enfermés en des asiles d’aliénés, pour que de vils gredins pussent jouir de leur fortune ou leur enlever leur fiancée. […] Je ne conseille à personne son moyen de fortune.

690. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Né dans une grande famille, mais n’ayant qu’une petite fortune, il accepta sans réflexion l’offre de son oncle, qui voulait lui donner une place de clerc à la chambre des communes ; mais il fallait subir un examen, et ses nerfs se démontaient à la seule idée qu’il faudrait paraître et parler en public. […] On le trouve dès l’abord assis dans une condition indépendante et dans une fortune aisée, au sein d’un mariage tranquille, parmi les faveurs du gouvernement et les respects du public. […] Celui-ci, un des plus grands poëtes du siècle, fils d’un riche baronnet, beau comme un ange, d’une précocité extraordinaire, doux, généreux1228, tendre, comblé de tous les dons du cœur, de l’esprit, de la naissance et de la fortune, gâta sa vie comme à plaisir, en portant dans sa conduite l’imagination enthousiaste qu’il eût dû garder pour ses vers. […] I had felt early some stirrings of ambition, but they were the blind groping of Homer’s Cyclops round the walls of his cave… The only two openings by which I could enter the temple of Fortune, were the gate of niggardly economy, or the path of little chicaning bargain-making. […] In politics if thou wouldst mix And mean thy fortune be, Bear this in mind, be deaf and blind, Let great folks hear and see.

691. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Le public à Paris a marqué de la joie ; les faiseurs d’horoscopes ont fait à ce sujet cent almanachs plus extravagants les uns que les autres ; pour moi, qui ai appris depuis longtemps à supporter la disgrâce et la fortune, je me suis dérobé aux compliments vrais et faux, et j’ai regagné mon habitation d’hiver, d’où j’irai de temps en temps rendre mes devoirs à Versailles, et voir mes amis à Paris. […] Les horoscopes et les almanachs étaient trop pressés ; la fortune est souvent plus lente à se décider dans ses retours qu’elle ne l’a été dans ses premières faveurs.

692. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Ainsi, il proclame hardiment cet homme de mérite mort à trente-deux ans, et qui n’avait été promu qu’à des charges locales et aux dignités de son quartier, il le proclame le plus grand homme, à son avis, de tout le siècle : il a connu, dit-il, bien des hommes qui ont de belles parties diverses, l’un l’esprit, l’autre le cœur, tel la conscience, tel autre la parole, celui-ci une science, celui-là une autre ; « mais de grand homme en général et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul40 ; et le plus grand que j’aie connu au vif, je dis des parties naturelles de l’âme, et le mieux né, c’était Étienne de La Boétie. C’était vraiment une âme pleine et qui montrait un beau visage à tous sens, une âme à la vieille marque, et qui eût produit de grands effets si sa fortune l’eût voulu… ».

693. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Que d’obstacles ne devait pas trouver dans sa carrière un homme qui ne pouvait, comme Aladin, déguiser sa façon de penser, et qui voulait (c’est ainsi qu’il s’exprimait) faire fortune à découvert ! […] Le prince de Ligne s’arrête avec complaisance sur cette idée secrète et chère de M. de Meilhan, que celui-ci a manqué sa fortune et sa destinée et qu’il aurait dû être ministre à la place de Necker ou de Calonne : Avec l’air de mépriser tous les détails, les regardant au-dessous de vous, il n’y en avait pas un de votre intendance de Valenciennes qui vous échappât, et vous racontez très plaisamment ce que c’est que de travailler légèrement, quand M. de Calonne écrivait sur le coin de la tablette d’une cheminée sur ce que vous aviez été vingt-quatre heures à penser.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Nombre de remarques justes sur l’humeur de la nation, et sur son étrange facilité à se plier pour un temps à cet atroce régime de terreur, révèle le publiciste moraliste, l’homme qui a vécu avec Tacite et qui en a pénétré tout le sens : Parmi les habitants de Paris, faibles, légers, indolents pour la plus grande partie, les gens riches ou aisés désiraient intérieurement, l’année passée (1792), le retour de la monarchie, pour assurer leur fortune ; mais ils craignaient la transition, et, semblables à ces malades qui ne peuvent supporter l’idée d’une opération douloureuse qui doit les sauver, ils se familiarisaient avec leurs maux… Aujourd’hui, stupides de terreur, ils attendent comme de vils animaux qu’on les conduise à la mort. […] Dans les derniers conseils qu’il donne à son fils, à ce fils dont il s’est si peu occupé, et envers qui il ne revendique aucun des droits de l’autorité paternelle, mais seulement le privilège de l’« affection » et de la « prédilection » (ce sont les termes mesurés qu’il choisit), il insiste sur certaines recommandations précises et pratiques ; il lui dit en lui faisant passer un reste de fortune : Il faut avant tout se garantir de la misère ; tout autre malheur doit peu affecter un homme jeune et bien portant ; mais le besoin, la dépendance et le mépris des autres empoisonnent la vie, flétrissent l’âme, abâtardissent le génie.

695. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

« Citoyens, La fortune de l’armée navale française a bien changé depuis ma lettre du 11… Je ne connais pas au vrai ma perte. […] La fortune de Jean-Bon, d’après les cadres de renseignements, ne montait qu’à 70,000 fr., placés sur des particuliers.

696. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

La fortune en a décidé l’année passée, et, si j’ose le dire, la bonne conduite à celle-ci. […] Il y en a une infinité à me donner la vanité que tu m’inspires dans tes lettres ; mais, de bonne foi, cela ne me change point sur le jugement que je fais de moi-même, et je réfléchis combien aisément la fortune pouvait changer les événements qui m’ont procuré tant d’honneur, et toutes les raisons pour une affaire deviennent bien faibles contre me seule qui les fait manquer.

697. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Un mot heureux qu’elle dit tout d’abord fit fortune et la classa pour l’esprit : il n’en faut pas plus en pareil cas. […] Elle avait su si bien s’insinuer dans les bonnes grâces du maréchal à Bruxelles que rien ne s’obtenait que par son crédit : son mari allait y faire sa fortune, lorsque tout d’un coup elle se ravisa, et le maréchal fut brusquement quitté.

698. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

L’évêque de Genève, qui connaissait le nom, l’esprit, la fortune, la piété célèbre déjà de la jeune veuve, s’était empressé de donner à madame Guyon la direction, à Gex, d’un couvent de jeunes filles converties, par ses soins, du schisme de Calvin. […] L’amitié du moins lui restait ; il en perdit la meilleure part avec l’abbé de Langeron, le disciple, le confident, le soutien de son cœur dans toutes les fortunes.

699. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

C’est qu’il ne rendait pas par un effort d’esprit l’idée d’Horace et de Juvénal ; mais quand il lisait dans Juvénal : « Si la Fortune veut, de rhéteur elle te fera consul », Si Fortuna volet, fies de rhetore consul, ce n’était ni Quintilien ni des licteurs qu’il se figurait ; mais il revoyait l’ancien régent du collège de Plessis, ce cuistre de la Rivière, en robe rouge de cardinal, siégeant au Parlement parmi les pairs comme évêque-duc de Langres : et aussitôt il notait que le sort burlesque D’un pédant, quand il veut, sait faire un duc et pair. […] Il sera réduit à ce petit coin du monde extérieur, où la fortune en naissant l’a logé.

700. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

C’est la faim, je le sais, la gloutonnerie qui les poussent hors de chez eux : il y a pourtant aussi, au moins chez quelques-uns, chez Renart, chez Ysengrin, chez Tibert, une inquiétude d’humeur, un besoin de courir fortune, de chercher le péril, qui est en quelque façon une transposition de l’idéal chevaleresque. […] Quand les deux compères, maintes fois, se mettent en route ensemble pour chercher fortune, c’est-à-dire une dupe et une proie, il me semble voir Robert Macaire avec Bertrand : le bandit rusé s’amuse aux dépens du bandit naïf, et c’est une tentation trop forte pour lui que celle de mal faire, fût-ce à son associé, surtout à lui : car la confiance légitime de la dupe, la trahison de l’amitié ou de la foi jurée, ce sont ragoûts délicats pour un raffiné trompeur.

701. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il se dit « le garçon de boutique » de l’Encyclopédie : mais à son âge, avec son nom, sa fortune, son indépendance, offrir ses services, c’était se déclarer chef. […] Il aimait à faire sentir sa grande fortune, il recevait magnifiquement ; il donnait des fêtes, il avait un théâtre, où il jouait très mal et très passionnément, où les gens de sa maison, souvent les visiteurs jouaient ; il le démolit, puis il le rétablit par politesse pour Mlle Clairon qui venait à Ferney.

702. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Sur quoi Marguerite et sa mère sollicitent l’autorisation d’abandonner tous leurs biens à une congrégation religieuse ; mais heureusement une vieille demoiselle fort riche meurt en léguant sa fortune à son cousin Maxime. […] (La vision de ce suicide équestre est, soit dit en passant, une très belle chose. ) — Mlle Charlotte de Luc d’Estrelles, orpheline pauvre, s’est offerte un jour sans succès à son cousin Louis de Camors ; peu après, elle épouse pour sa fortune le général de Campvallon, puis ressaisit son beau cousin, l’oblige à se marier pour détourner les soupçons de son vieux mari, continue d’être à lui, est surprise une nuit par le général qui tombe foudroyé du coup, reprend et garde son amant épouvanté et qui ne l’aime plus, et tout cela sans l’ombre d’un remords  Certes ce sont là, Bathilde, Julia et Charlotte, trois grandes amoureuses : elles aiment absolument, elles aiment furieusement.

703. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

L’enseignement est maintenant le recours presque unique de ceux qui, ayant la vocation des travaux de l’esprit, sont réduits par des nécessités de fortune à prendre une profession extérieure ; or l’enseignement est très préjudiciable aux grandes qualités de l’esprit ; l’enseignement absorbe, use, occupe infiniment plus que ne ferait un métier manuel. […] Il y a des hommes éminemment doués par la nature, mais peu favorisés par la fortune, qui deviennent fiers et presque intraitables et mourraient plutôt que d’accepter pour vivre ce que l’opinion regarde comme une humiliation extérieure.

704. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Grâce aux récents événements, grâce à la fortune qu’il tient entre ses mains, M.  […] Lamoureux et Wilder représentent le wagnérisme parisien officiel ; braver ce double veau d’or n’est pas un moyen de fortune, pour qui surtout n’a pas — étant d’ailleurs trop jeune — de pupille millionnaire.

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