Pourtant, cette expression est mal justifiable ; elle fait partie d’une terminologie désormais sans emploi.
Admettez un tiers à cette conversation, il ne concevra point ce que ces mots ont de touchant, ni pourquoi ils excitent une émotion si tendre, et font peut-être verser les plus douces larmes : telle est l’image du différent effet que produisent les beautés accessoires et les finesses d’expression dans une langue vivante ou dans une langue morte ; plus un écrivain a de ce genre de beautés, plus il doit perdre.
De là souvent une licence de langage qu’excitait la corruption même du culte ; mais, souvent aussi, une noble poésie, dans l’expression même de ce que la vertu devait condamner.
À la matière, les lois immuables et uniformes ; aux sciences, qui ont pour objet la nature physique, la certitude ; l’art est libre comme l’âme même dont il est la plus noble et la plus pure expression. […] Tout ce qu’elle demande, c’est que la figure du modèle ait de l’expression, du relief, et ne soit pas platement insignifiante. […] Non pas en interdisant aux écrivains les tours nouveaux et les expressions créées : tout mot est bon qu’aucun autre ne remplacerait ; toute expression est française qui éclaire comme un phare dans la nuit. […] Quelquefois aussi la pensée est commune ; on croit l’ennoblir par une expression qui n’a pas la roture de l’usage. […] Il fait lui-même la musique de ses vers, et il les chante avec beaucoup de goût et d’expression.
Il faut comprendre aussi que l’expression qui est à l’état de cliché dans un style peut se trouver dans un autre à l’état d’image renouvelée. […] Les confondre, c’est confondre la pensée avec l’expression de la pensée. […] On trouverait finalement en ce mot le résumé des qualités dont la race française se croit l’expression. […] Nous ne percevons plus guère, en entendant ce mot, que l’idée de liberté politique, et il semble que toutes les libertés dont puisse jouir un homme civilisé soient contenues dans cette expression ambiguë. […] Ici, il y a une langue littéraire, et plus forte que la pensée même dont elle est l’expression.
Moréas, dans son manifeste, réclama pour la poésie l’expression des pures idées, et cette expression par le seul artifice possible, qui est l’image ou, en d’autres termes, le symbole. […] Alors, l’image n’est plus un ornement, mais un moyen d’expression. […] Cet art n’est aucunement mêlé de littérature : pictural, il se suffit à lui-même, et quant à son mode d’expression et quant aux idées qu’il exprime. […] Ils ne conçoivent plus l’art comme un moyen d’expression, mais ils se réjouissent d’une sorte d’inutile habileté. […] Saint-Marceaux, lui, montre un égal souci de la beauté plastique et de l’expression rigoureuse.
Ils sont trop souvent sensitifs d’une manière surprenante dans l’expression, et, à la fois, d’une extrême indigence dans l’observation. […] On se dit que c’est grand dommage, quand on songe à la bonne foi, à la ferveur et au don d’expression des deux frères. […] L’expression est de Renan lui-même. […] C’étaient deux de ses expressions favorites. […] L’expression : « vivre bourgeoisement », continue d’avoir un sens à peu près net.
Nathalie m’a tout l’air d’une Lélia découronnée et réduite à sa plus simple expression. […] les écrivains de nos jours, selon une énergique expression de M. […] Pour me servir d’une expression de l’auteur, il est l’impossible et il fait tout, surtout l’impossible. […] On trouve dans Jacques les trois personnages que l’on retrouve dans Fanny ; le mari, la femme, et, pour me servir de l’expression de M. […] Tholomyès est le chef de la bande joyeuse, et il me semble un peu vieux pour ce rôle, car, pour me servir des expressions de M.
Wycherley a ce lucide et hardi regard qui saisit dans une situation les gestes, l’expression physique, le détail sensible, qui fouille jusqu’au fond des crudités et des bassesses, qui atteint, non pas l’homme en général et la passion telle qu’elle doit être, mais l’individu particulier et la passion telle qu’elle est. […] On ne peut pas crier, gesticuler, rêver tout haut dans un salon : on s’y contient ; les gens s’y critiquent et s’y observent ; le temps s’y passe à conter et à discuter ; il y faut des expressions nettes, un langage exact, des raisonnements clairs et suivis ; sinon, on ne peut escarmoucher ni s’entendre. […] On se pique de savoir parfaitement sa langue, de ne jamais manquer au sens exact des termes, d’écarter les expressions roturières, d’aligner les antithèses, d’employer les développements, de pratiquer la rhétorique. […] Ils recherchent l’expression adroite et heureuse, ils habillent les choses hasardées avec des mots convenables, ils glissent prestement sur la glace fragile des bienséances et la rayent sans la briser. […] Ce qui avait dressé le théâtre anglais de la Renaissance, c’était la vivacité et la surabondance de la conception prime-sautière, qui, incapable de s’étaler en raisonnements alignés ou de se formuler par des idées philosophiques, ne trouvait son expression naturelle qu’en des actions mimées et en des personnages parlants.
Cela est unique ; c’est l’expression même de cette forme rêvée par Barrès, « qui sait des alanguissements comme des caresses pour les douleurs, des chuchotements et des nostalgies pour les tendresses et des sursauts d’hosanna pour nos triomphes, cette beauté du verbe, plastique et idéale, et dont il est délicieux de se tourmenter. ». […] Fabre y est plus égal, plus nourri d’expressions de terroir et comme en fleur116). […] La beauté poétique pure réside en effet dans la suggestion plus encore que dans l’expression… Il faut, pour que le sortilège des beaux vers s’accomplisse, du rêve et de l’au-delà, de la pénombre morale et du mystérieux. » (Journal des Débats, 24 mars 1885.) […] Ce fut, du reste, et sous toutes les poses de cette vie outrée, criarde, puérile, un véritable écrivain, un de ceux qui ont leur marque particulière, la fleur de coin dans l’expression à quoi on reconnaît les batteurs de style. […] Nettement l’appelle d’une belle expression : « le poète des faits ».
L’œuvre d’Hogarth, qui lui tombait sous la main, lui déroulait l’histoire du bon et du mauvais apprenti, et les expressions de crime et de vertu, que ce moraliste-peintre a si énergiquement burinées sur le front de ses personnages, lui causaient, dit-il, cet attrait mêlé de trouble qu’un enfant préfère à tout. […] Sur les limites du procédé et de l’art ; qu’il est bon que pour chaque homme l’art soit à recommencer ; sur la différence fondamentale de la peinture antique et moderne ; sur le clair-obscur et Rembrandt ; qu’en face de la nature les plus serviles ont été les plus grands, et que c’est bien ici que ceux qui s’abaissent seront élevés ; que la peinture pourtant est un mode, non pas d’imitation, mais d’expression ; il y a là-dessus une suite d’instructifs et délicieux chapitres, où la pensée et le technique se balancent et s’appuient heureusement, où le goût pour la réalité et pour les Flamands ne fait tort en rien au sentiment de l’idéal, où Karel Du Jardin tient tête sans crânerie à Raphaël. […] Töpffer, l’expression libre et poétique de la Suisse par elle-même.
., etc. » Il s’élève dans cette ode stoïque et vertueuse à la hauteur d’Orphée ; l’expression répond à l’âme, le style est d’airain, il brave la foudre. […] XVII Le livre des épodes ne diffère des odes que par le titre ; c’est le même génie d’expression, d’images et d’harmonie ; génie tantôt s’élevant jusqu’aux astres, tantôt abaissé avec une grâce incomparable jusqu’aux détails domestiques de la vie champêtre ; en cela égal à Virgile, c’est-à-dire à la perfection. […] Ce vice de l’expression, fréquent dans J.
Le sentiment amer des humiliations de son pays se mêle aux expressions de sa tendresse ; il sollicite l’accomplissement de promesses échangées, et demande avec instance, avec prière, une occasion de se revoir. […] Le désespoir du prince s’exprima en sanglots contre ce coup de foudre, c’est son expression ; il voulut au moins revoir celle qu’il avait tant aimée et qu’il se flattait de ramener encore ; un rendez-vous fut concerté entre lui et madame Récamier à Schaffhouse ; Coppet n’était qu’à quelques pas de Schaffhouse sur le territoire libre et neutre de la Suisse ; sous prétexte d’un ordre d’exil de l’Empereur, qui lui interdisait Paris, madame Récamier éluda le rendez-vous de Schaffhouse, qui ne lui était aucunement interdit. […] Canova chercha en vain, quoique si gracieux, à reproduire la grâce infinie de ce visage ; il échoua, comme échouent tous les ciseaux devant l’expression qui vient de l’âme et non de la matière.
La culture la plus intelligente ne saurait jamais remplacer ce mouvement naturel et spontané d’une société qui tend à faire de l’art la principale affaire de tout un peuple et la suprême expression de sa vie nationale. […] Condamnée à reproduire sans fin des types invariables, où la figure humaine se dégrade en d’étranges associations avec des formes animalesques, elle est l’expression de ce peuple mystérieux, soumis et grave, qui voit dans la vie des animaux une image de la vie divine et un modèle à suivre, afin de participer lui-même, par l’asservissement à une règle imposée, à l’immutabilité sacrée des lois de l’univers. […] Athènes, la plus religieuse des villes grecques, au rapport de Pausanias, la ville où le génie ionien s’épanouit dans toute sa beauté, l’œil de la Grèce, selon la poétique expression de Milton, Athènes fut surtout la ville des statues.
Samedi 25 mars Ce Forain a une langue toute parisienne, faite de ces expressions intraduisibles dans un idiome quelconque, et qui renferment le sublimé d’une ironie infiniment délicate. […] Et sur la jolie femme, devenue la puissance du moment, il parle curieusement de son échec diplomatique en Russie, et donne de cet échec l’originale raison que voici : elle n’a pas moralement parlant, et selon une expression du pays, la chair froide des princesses Troubetzkoï, et autres femmes de la diplomatie russe. […] Un causeur, où dans la divagation loquace de la parole, une expression de peintre ou d’observateur, vous repince l’attention, et vous rengrène dans sa conversation.
« La littérature, formulait crânement Mme de Staël, est l’expression de la société. » En effet, on ne peut s’expliquer l’enthousiasme qui accueillit les premières productions romantiques de Chateaubriand que si l’on revit par la pensée les sentiments et les passions des femmes et des hommes qui les acclamaient et que si l’on reconstitue l’atmosphère sociale dans laquelle ils se mouvaient. […] » La fausseté dans le sentiment et l’enflure dans l’expression ont été les caractéristiques du romantisme, dès son origine, qui remonte à Rousseau, jusqu’à nos jours : la littérature de la classe bourgeoise ne pouvait être que menteuse comme ses annonces, ses réclames et ses prospectus et que falsifiée, comme ses marchandises. […] Le cerveau de l’artiste de génie n’est pas, selon l’expression de Hugo, « le trépied de Dieu », mais le creuset magique où s’entassent pêle-mêle les faits, les sensations et les opinions du présent et les souvenirs du passé : là, ces éléments hétérogènes se rencontrent, se confondent, se fusionnent et se combinent pour en sortir œuvre parlée, écrite, peinte, sculptée ou chantée ; et l’œuvre née de cette fermentation cérébrale est plus riche en vertus que les éléments qui concourent à sa formation : c’est ainsi qu’un alliage possède d’autres propriétés que les métaux qui entrent dans sa composition.
Dans le langage familier, on se plaît à appeler ces périodes des périodes de transition, ce qui est une expression qui ne signifie pas grand’chose, car elle peut s’appliquer à peu près à toutes les époques, et, par exemple, on l’applique communément aujourd’hui à la nôtre. […] C’est de lui que date cette expression : « Commander une pièce. » Il commandait des pièces aux auteurs et quand il les avait commandées, il ne restait plus qu’à les faire. […] La jeunesse et les salons se passionnaient non point parce que tel roman, Germinal ou le Nabab, se tirait à cent cinquante mille exemplaires, mais parce qu’il apportait une forme, un style que l’on ne connaissait point encore, une observation personnelle, une expression neuve des sentiments et des caractères.
Quant au premier article, il se fonde sur ce que notre musique manque d’expression. […] Un habile musicien l’a tenté avec succès ; mais il n’a fait son essai que sur une farce, sur des expressions insipides & basses. […] La manière du premier est fière & terrible : il sacrifioit tout à la force & à l’expression. […] Les expressions un peu dures & raboteuses, ces termes de l’ancienne Latinité, familiers à Lucrèce & au poëte Ennius, & qu’on trouve quelquefois dans l’Anti-Lucrèce, sont du choix de l’abbé Rothelin, à qui le cardinal de Polignac avoit légué son manuscrit. […] On leur donneroit de l’expression, aussi bien qu’aux sons.
Ou bien c’est un sentiment qui se prononce et qui bientôt demande et inspire une expression poétique et musicale ; peut-être un air connu, dans un secret accord avec sa disposition présente, vient comme par hasard errer sur ses lèvres et lui dicte un refrain qui semble traduire la note par la parole ; parfois enfin quelques mots fortuitement rassemblés, qui représentent une image, qui forment un vers, lui viennent à l’esprit, et bientôt rappellent un air qui les relève et les anime. […] Quelle plus fine et plus piquante raillerie que celle qu’il fait de ces honnêtes bourgeois de la république des lettres, gens à idées rangées, bornés d’ambition et de désirs, satisfaits du fonds acquis, et trouvant d’avance téméraire qu’on prétende y rien ajouter : « Ce sont, dit-il en demandant pardon de l’expression, des esprits retirés, qui ne produisent et n’acquièrent plus ; mais ils ont cela de remarquable qu’ils ne peuvent souffrir que d’autres fassent fortune. » Relevant le besoin de nouveauté qui partout se faisait sourdement sentir, et qui s’annonçait par le dégoût du factice et du commun, ces deux grands défauts de notre scène : « Qu’il paraisse, s’écriait-il, une imagination indépendante et féconde, dont la puissance corresponde à ce besoin et qui trouve en elle-même les moyens de le satisfaire, et les obstacles, les opinions, les habitudes ne pourront l’arrêter. » Bien des années se sont écoulées depuis, non pas sans toutes sortes de tentatives, et le génie, le génie complet, évoqué par la critique, n’a point répondu : de guerre lasse, un jour de loisir, M. de Rémusat s’est mis, vers 1836, à faire un drame d’Abélard, qui, lorsqu’il sera publié (car il le sera, nous l’espérons bien), paraîtra probablement ce que la tentative moderne, à la lecture, aura produit de plus considérable, de plus vrai et de plus attachant. […] La rigueur érudite s’y combine avec la pensée, avec l’imagination, avec l’émotion même, et le style, expression et résultat de tant d’alliances, forme une sorte de métal de Corinthe, dans lequel on n’est guère habitué à voir resplendir les statues redressées du Moyen-Age ; mais rien n’est de trop pour l’incomparable Héloïse. […] Je coupe court et je me résume en répétant que si l’Abélard qu’on a (la vie imprimée) est plus parfait comme ouvrage, l’Abélard-drame, qu’on aura un jour, paraîtra une plus vraie et plus entière expression du talent que nous nous sommes ici efforcé de peindre.
Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. […] Pour ne pas voir un pli se former sur vos fronts, pour dissiper la boudeuse expression de vos lèvres que le moindre refus attriste, nous franchissons miraculeusement les distances, nous donnons notre sang, nous dépensons l’avenir. […] Ses oreilles petites et bien contournées étaient, suivant son expression, des oreilles d’esclave et de mère. […] Rappelez-vous le parfum chaste et sauvage de cette bruyère que nous avons cueillie en revenant de la villa Diodati, cette fleur dont vous avez tant loué le noir et le rose ; vous devinerez comment cette femme pouvait être élégante loin du monde, naturelle dans ses expressions, recherchée dans les choses qui devenaient siennes, à la fois rose et noire.
Mais lorsque, pour son propre compte, il n’a plus fallu entrer dans des bonshommes connus mais être son bonhomme à soi-même, quand il a fallu sortir quelque chose du fond de soi et le planter dans l’âme d’autrui comme une flèche de feu, quand il a fallu être lyrique enfin, élégiaque, épique, grandiose, idéal en son propre nom, Gœthe est toujours demeuré court, et, qu’on me passe l’insolence de l’expression ! […] Porchat, qui contient toutes les poésies lyriques, donne, à cela près de l’expression rhythmique et grammaticale, tout ce qui constitue la poésie de Gœthe. […] On y naît de nouveau et l’on reporte ses regards sur ses anciennes idées, comme sur ses souliers d’enfant » L’expression est même plus jolie, pour dire une chose vraie, qu’elle n’a coutume de l’être sous cette plume solennelle et vague. […] Le long de ces six cents mortelles pages, j’ai rencontré deux expressions à noter.
Qu’ils soient bien l’expression de sa pensée, on n’en peut douter ; car ils se retrouvent condensés en ses héros de prédilection. […] Au fond, ce qu’il y a peut-être de plus grand dans l’âme humaine, c’est le désir, et ce qui fait peut-être toute la noblesse des religions, c’est qu’elles sont l’expression du plus large désir de l’infini et de l’éternité. […] Il est, pour lui emprunter une expression de l’Homme-femme, « celui qui sait », et il entend apporter la bonne parole à « ceux qui ne savent pas ». […] Brunetière, en particulier, a pris soin de nous avertir, dès son premier ouvrage, que les études dont il nous a déjà donné dix volumes ne sont « que l’expression, diverse selon les sujets et les hommes, de quelques idées fondamentales, toujours les mêmes ». […] Et s’il cherche à en imposer les œuvres à notre admiration exclusive, c’est qu’il espère sans doute que le goût de ces œuvres ramènerait les mœurs dont, à leur heure, elles ont été l’expression.
Car, comme Metz et les amis de Metz fêtaient le docteur Paulin chaque fois qu’il y allait (et il y allait rarement) ; comme, à chaque retour de dix en dix ans, ils revenaient avec lui à leurs anciens souvenirs, à ces souvenirs de 1814 et de 1815, qui dataient déjà de bien loin, j’ai employé à dessein cette expression se ressouvenir, qui indique en effet qu’on a besoin de remonter en arrière et d’aller puiser au fond de sa mémoire.
Il y a toujours sans doute beaucoup de tendresse et de douce intimité dans les lettres du philosophe à sa maîtresse ; mais la passion éclatante, épurée, et par moments sublime, a disparu dans une causerie plus molle, plus patiente, plus désintéressée ; les nouvelles, les anecdotes, les conversations sur toutes choses, s’y trouvent comme auparavant ; une analyse ingénieuse et profonde du cœur y saisit toujours et y amuse ; mais la verve de l’esprit supplée fréquemment à la flamme attiédie de la passion ; un gracieux commérage, si l’on peut parler ainsi, occupe et remplit les heures de l’absence ; on s’aime, on se le dit encore, on ne sera jamais las de se le dire ; mais par malheur les cinquante ans sont là qui avertissent désagréablement le lecteur et le désenchantent sur le compte des amants ; les amants eux-mêmes ne peuvent oublier ces fâcheux cinquante ans qui leur font l’absence moins douloureuse, la fidélité moins méritoire, et qui introduisent forcément dans l’expression de leurs sentiments les plus délicats, je ne sais quelle préoccupation sensuelle qui les ramène à la terre et les arrache aux divines extases de l’âme où s’égare et plane en toute confiance la prodigue jeunesse.
Turquety, puis la plus haute expression de l’humanité dans la personne du pape. » Plus d’éminents poètes religieux se sont jetés de nos jours dans un christianisme vague, plus M.
Quelle impression ne produit-elle pas, cette langue créée pour la force et la raison, alors qu’on la consacre à l’expression de la tendresse !
Je note en pédant et avec regret des expressions qui m’ont affligé.
Pour nous tous en effet, gascons, languedociens, provençaux, le Midi ne peut plus avoir d’expression verbale particulière.
L’expression est heureuse.
Partout une langue ancienne a fait place à un idiome vulgaire, qui ne constitue pas à vrai dire une langue différente, mais plutôt un âge différent de celle qui l’a précédé ; celle-ci plus savante, plus synthétique, chargée de flexions qui expriment les rapports les plus délicats de la pensée, plus riche même dans son ordre d’idées, bien que cet ordre d’idées fût comparativement plus restreint ; image en un mot de la spontanéité primitive, où l’esprit confondait les éléments dans une obscure unité et perdait dans le tout la vue analytique des parties ; le dialecte moderne, au contraire, correspondant à un progrès d’analyse, plus clair, plus explicite, séparant ce que les anciens assemblaient, brisant les mécanismes de l’ancienne langue pour donner à chaque idée et à chaque relation son expression isolée.
Tu seras un esprit libre usant librement d’un moyen personnel d’expression, hormis toute Éducation et toute Tradition — tu feras ce que tu voudras. »
Pour faire sentir la propriété de ses expressions, on se hérissa d’un purisme intraitable.
Actuellement, au contraire, on la tient pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pour un des moyens d’expression de la pensée les plus parfaits.
Le public, éclairé sur la vraie noblesse de pensée & sur la justesse d’expression, ne vit dans Balzac que du brillant & de l’enflure.
Milton a surtout le mérite de l’expression.
Rien de plus pudique que leur pensée, rien de plus libre que leur expression : nous, au contraire, nous bouleversons les sens, en ménageant les yeux et les oreilles.
« Je dormirais dans le silence, et je reposerais dans mon sommeil93. » Cette expression, je reposerais dans mon sommeil, est une chose frappante ; mettez le sommeil, tout disparaît.
Un demi-connaisseur passera, sans s’arrêter, devant un chef-d’œuvre de dessin, d’expression, de composition ; l’œil n’a jamais négligé le coloriste.
Il y démontre jusqu’à l’évidence, et par l’esprit même de ces institutions, qu’elles ne furent point la fantaisie d’un homme phénoménal, qui ne se croyait que la vaine durée d’un phénomène, mais qu’elles étaient plutôt l’expression des besoins d’un peuple et la modification nécessaire de son passé.
, et la crudité brusque, et l’atrocité dans l’ironie, et la morsure que l’on refait dans la morsure ; et, par-dessus tout, la chose la plus profondément et la plus essentiellement anglaise : je veux dire l’exagération qui va jusqu’à l’impossible et l’extravagant, dans la pensée, avec le froid qui contracte, le froid le plus glacé, dans l’expression.
Homme de génie par l’expression autant que Cervantes lui-même, Filleau de Saint-Martin a, pour se consoler de son obscurité, la goutte d’ambre que Nodier a versée sur son nom.
Pour nous, en effet, Dupont-White n’est pas tout le monde, et nous l’avons dit avec assez d’expression, ce semble, tout en signalant les faussetés, les confusions et le danger de son livre de l’Individu et l’État.
III Le Pays bleu, expression charmante pour dire la fantaisie !
Mais quand cette tète est l’expression de toute une société et fait équation avec elle, alors elle vaut et mérite le cri du moraliste et de l’historien, et nous le poussons !
Mais il est très compté comme auteur dramatique, — un auteur dramatique de seconde ou de troisième catégorie, — et surtout comme un des prêtres de l’Église Hugo, de cette Église où Victor Hugo, l’archevêque, selon l’expression si comique et si vivante de Cousin, pontifie depuis plus de trente ans, sous son fameux dais historique.
La couleur les a aveuglés, et ils ne peuvent plus voir et suivre en arrière l’austère filiation du romantisme, cette expression de la société moderne.
Dans ces temps d’effroi, les hymnes durent être animées par l’imagination et respirer l’enthousiasme ; car l’homme aux prises avec la nature conçoit des idées plus grandes par la vue de sa faiblesse même ; alors tout s’exagère à ses yeux ; ses expressions s’élèvent avec ses idées, il peint tout avec force, il emprunte de toute la nature des images pour louer celui à qui la nature est soumise.
Ce n’est pas tout ; nous avons encore de lui trois ou quatre pièces, ou panégyriques en vers ; l’un intitulé Le Cheval de Domitien ; l’autre où, selon son expression, il adore le dix-septième consulat du prince ; le troisième, où il rend grâces de ce qu’il a été honoré de sa table très sacrée .
Il fallait sans cesse forcer l’expression, pour que le langage ne fût point au-dessous des autres arts.
Mais, d’autre part, des surcharges de style, de fausses couleurs et quelques expressions douteuses renverraient l’ouvrage aux temps de décadence.
Ces formes, qui, depuis la déclaration des droits jusqu’au programme de l’Hôtel de Ville, roulent dans un cercle déterminé d’idées et d’expressions, ne semblent plus avoir chance de vie et de fortune sociale dans ces mêmes termes. […] Tout cela ne lui donnait, à la vérité, la préférence de personne, mais lui assurait, suivant l’expression de madame de Staël, « les secondes voix de tout le monde. » Il a plus fait encore : il s’est emparé avec un art prodigieux des circonstances qui lui étaient contraires ; il a profité à son gré des anciens vices et des nouvelles passions de toutes les cours, de toutes les factions de l’Europe ; il s’est mêlé, par ses émissaires, à toutes les coalitions, à tous les complots dont la France ou lui-même pouvaient être l’objet ; au lieu de les divulguer ou de les arrêter, il a su les encourager, les faire aboutir utilement pour lui, hors de propos pour ses ennemis, les déjouant ainsi les uns par les autres, se faisant de toutes personnes et de toutes choses des instruments et des moyens d’agrandissement ou de pouvoir. […] Lord Holland, venu en France pendant la paix d’Amiens, causait de La Fayette avec le ministre Fouché ; celui-ci, au milieu d’expressions bienveillantes, taxait La Fayette d’avoir fait une grande faute, et il se trouva que cette faute était, non, comme lord Holland l’avait d’abord compris, de s’être déclaré contre le 10 août, mais de n’avoir pas, quelques mois plus tôt, renversé l’Assemblée, rétabli le pouvoir royal et saisi le gouvernement. […] En 1812, le 4 juillet, de Lagrange, il écrit à Jefferson ; c’était le trente-sixième anniversaire de la proclamation de l’indépendance américaine, de ce grand jour, dit-il, où l’acte et l’expression ont été dignes l’un de l’autre : « Ce double souvenir aura été heureusement renouvelé dans votre paisible retraite par la nouvelle de l’extension du bienfait de l’indépendance à toute l’Amérique (les divers États de l’Amérique du Sud venaient de proclamer leur indépendance). […] Les vertus de famille, la bonté morale et l’excellence du cœur pour tout ce qui l’approchait, ont, par endroits, leur expression touchante dans ces Mémoires, et les pieux éditeurs, en y apportant la discrétion et la pudeur qui marquent les affections les plus sacrées, n’ont cependant pu ni dû supprimer, en fait d’intimité, tous les témoignages.
Insignifiance de la critique fondée sur le goût Et d’abord, je voudrais bien savoir quelles sont les idées dont l’éloquente expression tient les philosophes modernes suspendus aux lèvres d’Uranie, dans ce grand banquet littéraire où Molière et tous les poètes convient l’humanité. […] Serait-ce qu’elles ont besoin du charme de l’éloquence, et que, dépouillées de leur expression oratoire, elles perdent leur intérêt ? […] Esprit général de la critique littéraire Ainsi, une littérature, un poème, quelquefois même un morceau faisant tache, comme ce passage d’une comédie de Plaute où Sosie embouche la trompette héroïque, sont l’expression vive et fidèle d’une société ; une œuvre d’art plaît à un peuple, comme l’Iphigénie de Racine, lorsqu’elle exprime des sentiments nationaux, quelle que soit l’antiquité du vêtement dont elle s’affuble ; une œuvre d’art plaît à un peuple, comme Le Médecin de son honneur de Caldéron, lorsqu’elle exprime des passions nationales, quelque absurdes que ces passions puissent paraître au jugement faible des étrangers ; mais une œuvre d’art qui n’exprime pas un état social actuel et présent, ne plaît qu’à une élite de lettrés, comme l’Iphigénie de Goethe, ou ne plaît qu’à l’auteur et à sa famille, comme l’Alarcos de Frédéric Schlegel ; et il n’est point certain que l’Iphigénie allemande eût fait plaisir aux Grecs, ni l’Alarcos aux Espagnols, parce que l’artiste ne peut pas s’isoler, s’abstraire de la race d’où il sort, du milieu où il vit, du moment où il fait son poème, au point de devenir vraiment grec ou vraiment espagnol, quand il est moderne et allemand. […] S’il est aisé d’apercevoir dans une grande littérature l’empreinte du siècle et de la race qui l’ont produite ; s’il est aisé d’entendre la guerre civile s’entrechoquer dans les vers heurtés de Dante, et de contempler dans la douce figure de Béatrix la personnification, de toutes les choses rêvées par cette époque ardente, et mystique de poètes théologiens ; s’il est aisé de suivre dans le théâtre de Voltaire les préoccupations philosophiques du dix-huitième siècle, et de voir dans le Faust de Goethe l’expression du génie métaphysique et profond de l’Allemagne ; croit-on qu’il soit beaucoup plus difficile de découvrir la cause naturelle d’où procèdent les prodiges apparents, les études calmes d’un Bernardin de Saint-Pierre en 1789, les tragédies attiques d’un Goethe à Weimar ? […] Ici l’expression de l’âme sur le visage, la pensée du front, est tout ; le corps n’est plus qu’un objet honteux que les artistes les plus intelligents voilent modestement d’une draperie410.
La fidélité au texte, les éditions critiques témoignent un certain respect pour la liberté d’expression, autrement dit pour la liberté de penser. […] Recevez, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. […] Quant à ceux-là qui font trafic de lettres privées à eux adressées, ils sont justiciables, pour pareille indélicatesse, avant tout de leur conscience, et de leur sens des convenances… Veuillez agréer, mon cher confrère, l’expression de mes sentiments bien dévoués. […] Je peux, nous pouvons tous, par ce moyen, nous voir attribuer des opinions qui n’ont jamais été les nôtres, et des phrases et des pages entières que nous n’avons pas écrites ou dans lesquelles notre pensée et notre expression sont défigurées. […] Francis de Miomandre Domaine public Que cette expression est belle !
Toute beauté de forme et d’expression était impossible. […] Et il se peut, d’ailleurs, que le phénomène moral en question se prête mal, ou pas du tout, aux moyens particuliers d’expression dont dispose le théâtre. […] Ce ne sera plus là une métaphore, mais l’exacte expression de la vérité. […] Vous retrouverez dans la salle les mêmes excès de mimique que sur la scène, la même exagération dans l’expression des sentiments. […] Mais il faut bien, quand on juge un acteur, tenir compte de la forme de son nez, puisque ce nez fait partie de moyens d’expression.)
Cela est d’une telle sincérité d’accent, d’une émotion si vraie et d’une expression si franche, si arrêtée, si belle dans sa familiarité, que lorsqu’on l’a lu une fois, c’est fini, on ne l’oublie plus. […] Nous ne pouvons presque plus la concevoir en dehors du pittoresque de l’expression, ou des descriptions de la nature végétative, ou des sentiments violents ou mystérieux. […] Quels que soient d’ailleurs ces sentiments, son métier en modifie l’expression, et c’est cela qui est vrai, et c’est de nous avoir rendu cette modification sensible et claire que je louais tout à l’heure M. […] Et il faudra chercher des expressions pour caractériser le jeu des acteurs et, après avoir découvert qu’un tel a de la tenue, déclarer qu’une telle joue avec autorité, et que les autres complètent un ensemble excellent… Hélas ! […] Mais il me semble qu’ici sa « rhétorique », qu’on lui a tant reprochée, n’est plus que la sûreté magistrale de l’expression et du développement.
Walter Scott était alors dans toute sa fleur de succès ; on s’initiait aux mystères du Faust de Goethe, qui contient tout, selon l’expression de madame de Staël, et même quelque chose d’un peu plus que tout. […] Nous n’avons vu cette expression à personne ; le croire Français, né dans ce siècle, eût été difficile. […] De tous les arts celui qui se prête le moins à l’expression de l’idée romantique, c’est assurément la sculpture. […] Par bonheur, à travers ses audaces, Camille Roqueplan gardait toujours le charme, et il fut le moins contesté de « nos jeunes modernes », pour nous servir de l’expression de Sainte-Beuve dans les notes de Joseph Delorme. […] Quand il cherchait un site pour peindre, il allait à travers les prés et s’arrêtait là où il avait entendu « chanter les grenouilles » — c’était son expression, — sûr d’y trouver toujours un endroit pittoresque : de l’eau, des roseaux et des arbres.
Il eût mis, dans le récit de ce drame sombre et douloureux, des points de suspension et d’exclamation, des tortures de phrase, des frémissements d’expression, signe d’un certain malaise. […] On avait peine à reconnaître, dans le visage affaissé et comme détendu, cette physionomie forte, épanouie, tout illuminée naguère par l’esprit qui l’animait ; les yeux avaient perdu leur flamme, leur gaieté, cette expression de pénétration aiguë qu’ils prenaient soudain, lorsque le philosophe s’entretenait des sujets qui lui étaient chers. […] Au régime qui les opprime, « les traits se tirent, l’expression devient grimace, l’homme a l’air d’avoir à demeure la colique ou la migraine ; le teint est terreux comme une eau trouble, les épaules se voûtent ; ils ne savent plus marcher, s’asseoir, ils ont contracté des tics, ils sont raides ou tortus. […] Huysmans se transporte dans les églises avec son attirail d’expressions « artistes ». […] Visiblement, en maint endroit de ces feuillets, noircis par un crayon infatigable, sous le soleil, le vent et le sable du désert, le voyageur ne traduit plus sa sensation par une expression inventée et neuve ; il se contente de transcrire ce qu’il sent par des phrases déjà vues.
L’expression toute fraîche des sensations originales affleure à la surface de cette science et ne perd rien à venir de si loin. […] quelle richesse d’expressions ! […] Lièvre sourit dans sa barbe blanche, avec l’expression de bonhomie spirituelle dont il est coutumier. […] Depuis les marches du perron jusqu’aux ardoises du toit, elle avait une expression de fierté sereine et de confiance impérieuse. […] La vue de la réalité leur ferait prendre en dégoût les « cahiers d’expressions » qui surchargent leur mémoire.
Pour la trouver, nous avons dû réduire la morale à sa plus simple expression. […] Nous n’allons pas nous engager, à seule fin de corriger une expression inexacte, dans une étude comparée des deux sexes. […] Métaphysique et morale expriment la même chose, l’une en termes d’intelligence, l’autre en termes de volonté ; et les deux expressions sont acceptées ensemble dès qu’on s’est donné la chose à exprimer. […] On pourrait dire, en détournant de leur sens les expressions spinozistes, que c’est pour revenir à la Nature naturante que nous nous détachons de la Nature naturée. […] Il n’en est pas ainsi en fait, car l’expression a beau n’évoquer que des idées de repliement sur soi-même, le respect de soi n’en reste pas moins, au terme de son évolution comme à l’origine, un sentiment social.
Cela du coup tuait l’expression, tout un coin de l’art du comédien. […] » avec toutes les expressions imaginables. […] Ma tâche lui semble modeste, si je ne m’attaque qu’aux moyens d’expression. […] Le style est l’expression logique et originale du vrai. […] C’est un véritable cahier de mauvaises expressions.
Les prunelles à renversement de Jimmy l’Intellectuel, dont la misère physiologique est pitoyable — le marchand qui le vendit le nommait l’Intellectuel, comme on dit : le Soldat, la Bonne, le Gendarme — oscillent entre le désespoir et la peur ; de ses yeux d’oiseau métaphysique, selon l’expression de Remy de Gourmont, un Bergson, à genoux sur son ventre, si l’on ose dire, couve tout un bataillon de Marquises affalées sur un divan un peu passé. […] C’est ça que nous ferions, et, comme besogne plus immédiate, un Bulletin pour excommunier des expressions insensées comme “faire confiance” et d’autres termes de patois singe : emprise, tractation, ruée, etc… Je réclame le poste de secrétaire perpétuel qui, j’espère, sera payé. […] Painlevé, ni l’entretien qu’il obtint de Paul Valéry avec qui il a des affinités ; en effet plus d’une fois le ton de sa poésie rappelle celui de la Jeune Parque : même densité, sévérité identique de la pensée et de son expression. […] Le Voleur (1906), pour reprendre l’expression de Faguet, était bien le type de ce « mélodrame psychologique » qui avait tous les soins de M. […] Le dramaturge y témoignait d’un prodigieux métier, il n’était pas gêné le moins du monde par les règles classiques, puisque dans le Voleur, que je viens de citer, il renchérissait même sur elles : unité de lieu, unité de temps, et unité de péril, selon l’expression de Corneille.
Mais, étant pieux, même dévot, l’expression des sentiments qui l’agitaient et surtout de ceux qu’il voulait avoir lui semblait toute trouvée d’avance : il se remit donc à traduire mécaniquement des hymnes et des psaumes. […] … certains raccourcis d’expression dramatique tout à fait saisissants. […] Je ne vois rien dans la pensée humaine qui n’ait rencontré son expression scénique. […] Beaucoup de ces familles mènent une vie aussi fastueuse et mondaine que celle de ce faubourg Saint-Germain, qui d’ailleurs n’est plus guère qu’une expression géographique. […] Mme Judic a toujours, et malgré tout, ce visage exquis, d’une expression si gentille et si douce.
Ajalbert, et ce sont elles aussi qui lui fournissent l’expression. […] Chanter juste est chose difficile en poésie, car il faut l’émotion d’abord, qui appartient à la jeunesse, et l’expression, résultat de l’expérience. […] Sa pauvreté d’expression force, du reste, à la netteté de la pensée. […] C’était celle d’un jeune homme assez beau, mais l’expression de cette figure ne peut se deviner quand on ne l’a pas vue, ni s’oublier quand on l’a vue. […] …………………………………………………………………………………………… Nous avons passé longtemps à examiner ce groupe sublime, à en sonder le détail et l’expression.
Le « persil » (pardonnez-moi cette expression) écope. […] … » Avec cela, ils ont des trouvailles d’expression, lorsqu’ils content leurs exploits ou ceux de leurs amis. […] Son expression est si intense qu’en tout cas elle est momentanément belle. […] Si c’étaient là des nouveautés, des « hardiesses », des expressions inventées, elles me choqueraient moins vivement. […] Mais ceci n’est que l’expression d’une préférence personnelle.
La musique n’a que l’expression qu’on lui donne et dépend de la sensation de chacun. […] La musique n’a que l’expression qu’on lui donne et dépend de la sensation de chacun. […] Son accent guttural anglais donnait une expression amusante à sa conversation monosyllabique. […] Il mêlait tout à coup aux plus belles expressions de style des mots d’une familiarité inattendue. […] Je fus très impressionné par l’expression fuyante de ses yeux bleus, qui semblaient regarder plus loin que leur regard naturel.
A défaut de la poésie qui est l’expression des plus beaux rêves de l’homme, Fontenelle ne comprend pas même celle qui est l’expression de sa vie réelle dans la simplicité touchante de ses douleurs et de ses joies, et plus que le Silène de Virgile, il ne goûterait les paysans de La Fontaine. — Que lui reste-t-il ? […] Il y a de son temps cinq ou six « Fabrice » qu’il ne désigne pas autrement, mais où l’on peut reconnaître, sans être très méchant, Lamotte, Fontenelle, un peu Voltaire, et certainement Marivaux, qu’il poursuit de ses épigrammes, dont il trouve insupportables « les expressions trop recherchées », les « phrases entortillées, pour ainsi dire », le langage « mignon » et « précieux », « les attraits plus brillants que solides », les pensées « souvent très obscures », les vers « mal rimés », etc21. — C’est presque une affectation chez lui que de ne point vouloir être de cette littérature-là, ni, pour ainsi dire, de son temps. […] Songez au bonheur sensuel (ce sont ses expressions) que Montesquieu éprouve à chérir les théories qui enchantent son esprit, à jouir pleinement et infiniment de sa « raison, le plus noble, le plus parfait, le plus exquis de tous les sens ».
C’étoit un grand personnage, quoi que ses envieux en aient voulu dire : il ne savoit pourtant pas toutes les finesses de la poésie ; mais Mme de La Fayette les entendoit bien. » La personne qui préférait à tout et sentait ainsi les poëtes était à la fois celle-là même qui se montrait vraie par excellence, comme M. de La Rochefoucauld plus tard le lui dit, employant pour la première fois cette expression qui est restée : esprit poétique, esprit vrai, son mérite comme son charme est dans cette alliance. […] Mme de La Fayette mourante était celle encore dont Mme Scarron, écrivant à Mme de Chantelou sur sa présentation à Mme de Montespan, avait dit en 1666 : « Mme de Thianges me présenta à sa sœur… Je peignis ma misère… sans me ravaler ;… enfin Mme de La Fayette auroit été contente du vrai de mes expressions et de la brièveté de mon récit. » En fait de société aimable et polie, unissant le sérieux et le vrai à la grâce, si j’avais été de M. […] Un critique que nous aimons à citer a dit : « Il est très-remarquable de voir combien, sous Louis XIV, la langue française dans toute sa pureté, et telle que l’écrivaient Mmes de La Fayette, de Sévigné, M. de La Rochefoucauld, se composait d’un petit nombre de mots qui revenaient sans cesse avec une sorte de charme dans le discours ; et quelle était la généralité des expressions qu’en employait… On peut dire particulièrement du style de Mme de La Fayette qu’il est la pureté et la transparence même ; c’est le liquida vox d’Horace. » 119.
. — Découvrir des rapports entre des objets très éloignés, démêler des analogies très délicates, constater des traits communs entre des choses très dissemblables, former des idées très générales, isoler des qualités très abstraites, toutes ces expressions sont équivalentes, et toutes ces opérations se ramènent à l’évocation du même nom par des perceptions ou représentations dont les ressemblances sont très minces, à l’éveil du signe par un stimulant presque imperceptible, à la comparution mentale du mot sous un minimum d’appel. […] Tantôt il tirait ses expressions des onomatopées qu’il proférait lui-même. » Ainsi, tout petit, il faisait mm pour exprimer son plaisir quand il voyait arriver la bouillie. […] Une pareille expression est un substitut fort abréviatif, car elle peut être prononcée en moins d’une seconde ; on n’en a pas trouvé de plus courte en fait de sons.
C’est la plus noble, la plus légitime ambition, que celle qui cherche à fonder son empire sur la satisfaction des vrais besoins des peuples. » V Nous citons ces pages parce qu’elles sont très belles d’expression et de sentiment, les plus belles peut-être que l’historien politique ait écrites dans sa vie ; mais, en admirant la haute portée de ces vues d’homme d’administration et de ce style d’homme de discipline civile, peut-on se dissimuler la simonie des idées (si on tolère cette expression) qui éclate dans la pensée ? […] » Remarquez que l’historien ne dit pas une religion vraie ou une religion divine ; il dégrade hardiment dans cette expression la religion (institution divine ou rien) jusqu’au rang de simple institution nationale.
Je connaissais par ses récits tous les détails de l’intérieur de Clichy, cette Paphos de cette divinité, ce sanctuaire où toute l’Europe élégante en 1800 allait s’enivrer de la vue de Juliette ; son visage, ses expressions, ses formes, son costume, ses poses, ses langueurs, ses évanouissements pittoresques à une certaine heure de la soirée, où elle défaillait entre les bras de ses femmes, où on l’emportait toute vêtue sur son lit antique, où elle revenait à elle au parfum des eaux de senteur ruisselant sur ses blonds cheveux dénoués, et où les convives de la soirée défilaient ravis devant tant de charmes, attendris par tant de défaillances, mignardises de l’adolescence, de l’amour et de la mort. […] X Telle m’apparut dans ce coup d’œil la femme qui causait en se retirant avec la duchesse de Devonshire ; à peine eus-je le temps de voir, comme on voit des groupes d’étoiles dans un ciel de nuit, un front mat, des cheveux bais, un nez grec, des yeux trempés de la rosée bleuâtre de l’âme, une bouche dont les coins mobiles se retiraient légèrement pour le sourire ou se repliaient gravement pour la sensibilité ; des joues ni fraîches ni pâles, mais émues comme un velours où court le perpétuel frisson d’un air d’automne ; une expression qui appelait à soi non le regard, mais l’âme tout entière ; enfin une bonté qui est l’achèvement de toute beauté réelle, car la beauté qui n’est pas par-dessus tout bonté est un éclat, mais elle n’est pas un attrait. […] Elle avait tant vu familièrement la célébrité et la passion, qui n’avaient pas fait le bonheur de sa mère, qu’elle avait appris dès l’enfance à n’estimer que la vertu ; mais cette vertu était libre et grande, une vertu antique ; sa religion ne rétrécissait rien de ses pensées, sa foi donnait à sa physionomie une expression grave comme celle des femmes qui sortent des temples où elles ont eu commerce avec Dieu ; elle sortait à toute heure de l’infini.
Il est impossible de comprendre la valeur de cette expression provinciale sans donner la biographie de M. […] Au physique, Grandet était un homme de cinq pieds, trapu, carré, ayant des mollets de douze pouces de circonférence, des rotules noueuses et de larges épaules ; son visage était rond, tanné, marqué de petite vérole ; son menton était droit, ses lèvres n’offraient aucune sinuosité, et ses dents étaient blanches ; ses yeux avaient l’expression calme et dévoratrice que le peuple accorde au basilic ; son front, plein de rides transversales, ne manquait pas de protubérances significatives ; ses cheveux jaunâtres et grisonnants étaient blanc et or, disaient quelques jeunes gens qui ne connaissaient pas la gravité d’une plaisanterie faite sur M. […] Ses traits, les contours de sa tête, que l’expression du plaisir n’avait jamais ni altérés ni fatigués, ressemblaient aux lignes d’horizon si doucement tranchées dans le lointain des lacs tranquilles.
Mais ce n’était certes pas un système propre à former des écrivains, à leur apprendre la sobriété, l’art de composer un ouvrage, de choisir leurs mots, de surveiller l’expression de leurs idées. […] On aboutit à « une culture de pure forme », suivant l’expression du Père Beckx ; on fait des rhétoriciens brillants, des virtuoses de la phrase et de l’éloquence académique. […] Enfin la Comédie-Française, exploitée sous le contrôle de l’Etat par une Société d’acteurs, a rempli une fonction analogue à celle de l’Académie ; elle a été, elle est encore, suivant une expression de M.
Les effets que peuvent produire des livres de cette sorte qui ont pour caractéristique l’outrance dans l’expression des mille émotions du romancier, les sentiments auxquels il fait appel chez ses lecteurs, ne sauraient être difficiles à démêler. […] Toutes ces scènes sinistres et odieuses dont il serait facile de grossir le nombre, louchent à l’horrible, dépassent presque la satire et montrent jusqu’où Dickens osait aller dans l’expression de sa haine et dans l’évocation audacieuse de celle d’autrui. […] Que l’on considère en outre qu’en dehors de l’influence qu’une tendance trop vive aux émotions exerce sur les perceptions et sur la connaissance, les sentiments ont eux-mêmes des propriétés précises qui modifient toute l’organisation mentale de celui chez lequel ils prédominent et qui altèrent par conséquent directement cette expression de son individualité qui est l’œuvre d’art.
XIX Mais, dès les âges les plus reculés aussi, une autre philosophie, la philosophie de la réalité, la véritable expression de l’homme complexe, âme et corps, une philosophie qui est raison et religion tout ensemble, vérité et consolation à la fois, une philosophie dont on retrouve les dogmes et les préceptes dans les premiers monuments littéraires de l’Inde, a réfléchi au lieu de rêver, et a trouvé dans la douleur même les deux seuls remèdes à la douleur : l’acceptation et la sanctification. […] La poésie lyrique des prophètes hébreux est mille fois plus sublime d’expression, les hymnes des Védas ont plus d’enseignement de morale et de vertu dans leurs strophes. […] Je ne pleurai pas, parce que j’ai les larmes rares à l’enthousiasme comme à la douleur, mais je remerciai Dieu à haute voix, en me relevant, d’appartenir à une race de créatures capables de concevoir de si claires notions de sa divinité, et de les exprimer dans une si divine expression. » Si le poète inconnu qui avait écrit ces lignes quelques milliers d’années avant ma naissance, assistait, comme je n’en doute pas, du fond de sa béatitude glorieuse, à cette lecture et à cette impression de sa parole écrite, prolongée de si loin et de si haut à travers les âges, que ne devait-il pas penser en voyant ce jeune homme ignorant et inconnu dans une tourelle en ruine, au milieu des forêts de la Gaule, s’éveillant, s’agenouillant, et s’enivrant, à quatre mille ans de distance, de ce Verbe éternel et répercuté qui vit autant que l’âme, et qui d’un mot soulève les autres âmes de la terre au ciel !
. — Athalie I Nous avons dit, en commençant, que la littérature était l’expression de la pensée humaine sous toutes ses formes. […] La Fontaine, esprit naïf, gracieux, discinctus, pour nous servir de l’expression latine qui rend seule le débraillement de ce caractère, faisait déjà partie, souvent inaperçue, toujours muette, de cette société de grands esprits. […] On y renonça par respect pour leur pudeur ; mais Mme de Maintenon, qui ne renonçait pas à son plan d’amuser le roi, supplia Racine de composer exprès pour Saint-Cyr quelques-uns de ces chefs-d’œuvre irréprochables où la sévérité de son génie n’éclaterait que dans l’expression de passions pures et de sentiments pieux adaptés à l’âge, au lieu et à la sainteté de ces jeunes âmes.
de même il y a dans la famille humaine des hommes printaniers, si l’on peut se servir de cette expression, âmes à doubles fleurs et sans fruits, qui accomplissent toute leur destinée en fleurissant, en coloriant, en embaumant leur vie et celle de leurs contemporains, mais dont on fixe cependant l’éclat et le parfum dans la mémoire en volumes de vers ou de prose immortels, œuvres qu’on ne compulse pas, mais qu’on respire, qui ne nourrissent pas, mais qui enivrent ! […] La France, ou, selon l’expression du Tasse, qui venait de visiter la Touraine : … La terra dolce e ieve Simile a se gli habitator produce ! […] C’est quelque chose de neuf dans l’idée, de contrastant dans l’esprit, d’heureux dans l’expression, d’inespéré dans le mot, qui tient au caractère plus encore qu’au génie de l’écrivain.
Et elle se justifie aussi sur les obscurités qu’on lui a reprochées ; puis elle revient au point essentiel et qui la pique : Mais je crois que l’ouvrage ne manque pas de style, c’est-à-dire de vie et de couleur, et qu’il y a, dans ce qu’on peut remarquer, autant d’expressions que d’idées… En vérité, ajoute-t-elle, comme pour s’excuser de sa louange, je me crois sûre que l’auteur et moi nous sommes deux ; femme jeune et sensible, ce n’est pas encore dans l’amour-propre qu’on vit. […] C’était en ces semaines où tous les grands personnages du gouvernement, de l’armée, de l’Institut, affluaient chez le général et lui déféraient en quelque sorte le pouvoir : Je joignis, dit Roederer, l’expression de mes vœux au vœu général.
C’est ce talent de juger et de discerner les hommes qu’il croyait avoir et qu’il avait à un très remarquable degré, qui l’a conduit à dire de lui une chose singulière dont Voltaire s’est, moqué, et dont l’expression ne saurait en effet, raisonnablement, échapper à la raillerie. […] » Voilà bien la manière marquée du xixe siècle, en regard de l’expression vive et légère du xxe .
L’expression du vice, passagère dans la jeunesse, devient permanente avec l’âge. C’est dans la vieillesse que l’empreinte fixée des passions vicieuses trahit et conserve la honte de la vie, tandis que la belle expression de la vertu devient l’honorable prix d’une carrière consacrée au bien de l’humanité.
Il n’y a aucune raison de récuser le témoignage de cet homme sincère sur lui-même ; il suffit d’en adoucir un peu l’expression et d’y ajouter un sourire. […] savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ?
Cette manière de gagner le pain, belle en elle-même dans sa franche expression première, se relève singulièrement et se poétise. […] Il y a là une nuance d’expression jusque dans l’emportement.
A chaque instant chez lui, lorsqu’il emploie les expressions les plus simples et les plus indiquées, il lui arrive d’ajouter avec dédain : pour employer le jargon moderne. […] « Agréez, je vous prie, Monsieur, avec l’expression de ma reconnaissance, celle de ma considération la plus distinguée.
Mais avec ces esprits emportés et mobiles, qui sont toujours à l’extrémité de leur expression ou de leur pensée, rien ne nous étonne ; on n’en est jamais à une contradiction près. […] Je ne peux pas en désavouer le fond, parce qu’il ne me paraît que trop vrai, et que l’on ne peut guère s’abuser sur ce qu’on sent ; mais j’aurais dû m’efforcer de mettre plus de mesure dans l’expression.
Je transcris les expressions mêmes que j’ai sous les yeux. […] Monsieur, Mme Desbordes-Valmore, que vous nous faites aimer, a mérité par ses œuvres de constituer un genre nouveau, le genre plaintif, toutefois en prenant cette expression en bonne part.
Une des pièces les plus intéressantes qu’il nous ait laissées et des plus délicates (pour employer une de ses expressions favorites), la principale peut-être aux yeux du biographe et comme offrant l’expression entière de sa nature, c’est sa lettre à l’un de ses anciens amis restés des plus affectionnés et des plus fidèles, le maréchal de Créqui, qui lui avait demandé en quelle situation était son esprit, et ce qu’il pensait de toutes choses dans sa vieillesse.
Et qu’on ne dise pas que ce christianisme de Pascal était particulier, bizarre, excessif, en dehors des voies générales ; je ne nie pas qu’il n’ait eu quelques singularités de pratique ou d’expression ; mais dans le fond son christianisme ne diffère en rien du véritable et, j’oserai dire, de l’unique. […] On prépare la machine (il affectionne cette expression), et l’âme ensuite y descend ; Dieu y met le ressort.
Elle est un digne contemporain de M. de La Rochefoucauld ; on s’aperçoit qu’elle savait le fond des choses de la vie, qu’elle avait un esprit très-ami du vrai, du positif même ; on ne s’en serait pas douté, à lui en voir souvent si peu dans l’expression. […] Jay a écrit, dans des Observations sur elle et sur ses œuvres : « Supérieure sous tous les rapports à Mme Des Houlières, mais ne devant peut-être cette supériorité qu’à l’influence des grands spectacles dont elle fut témoin et dont elle reçut les impressions, elle a conquis une palme immortelle… » L’originalité poétique de Mme Dufrénoy (si on lui en trouve) n’est pas dans les chants consacrés à des événements publics, mais dans la simple expression de ses sentiments tendres.
Avec une netteté et une puissance d’expression singulières, il voit la fuite incessante des phénomènes, l’écoulement universel de tout ce qui a reçu être et vie. […] Aussi, au formalisme compliqué des pratiques, aux exigences contre nature de la vie monastique, oppose-t-il, dans des vers d’une expression originale et forte, la sainteté laïque qui gagne le ciel, l’idéal de la vie chrétienne dans le monde, qui satisfait à la fois à l’Évangile et à la raison : Bien peut en robes de couleur Sainte religion fleurir : Plus d’un saint a-t-on vu mourir, Et maintes saintes glorieuses, Dévotes et religieuses.
Il a une propriété, une vivacité singulières d’expression : plus de corps et de couleur que de délicate élégance, de la vigueur même dans la finesse ; de longues périodes chargées d’incidentes et de participes, un large emploi des pronoms, souvent bien éloignés du nom qu’ils ont charge de suggérer, des archaïsmes, de libres tournures : à ces dernières marques surtout, on reconnaît un style formé avant les Provinciales. […] De là encore dérive ce don rare par lequel elle fait sortir le pathétique des idées abstraites : elle a cette forme supérieure de l’imagination qui érige en symboles les objets sensibles, et fait transparaître l’universel dans l’expression du particulier.
Tant de bienveillance comme une invite à parler sur ce que j’aime ; aussi la considérable appréhension d’une attente étrangère, me ramènent on ne sait quel ancien souhait maintes fois dénié par la solitude, quelque soir prodigieusement de me rendre compte à fond et haut de la crise idéale qui, autant qu’une autre, sociale, éprouve certains : ou, tout de suite, malgré ce qu’une telle question devant un auditoire voué aux élégances scripturales a de soudain, poursuivre : — Quelque chose comme les Lettres existe-t-il ; autre (une convention fut, aux époques classiques, cela) que l’affinement, vers leur expression burinée, des notions, en tout domaine. […] Que, l’agencement évoluât à vide depuis, selon des bruits perçus de volant et de courroie, trop immédiats, n’est pas le pis ; mais, à mon sens, la prétention d’enfermer, en l’expression, la matière des objets.
Je vous répète ses propres expressions. […] On en doit seulement conclure qu’elle empruntait à Julie l’expression de ses propres sentiments, et qu’elle proposait ce vœu à Mirabeau comme modèle.
Cela nous prépare à cet autre mot de Saint-Just en 1793 : « Marat avait quelques idées heureuses sur le gouvernement représentatif, que je regrette qu’il ait emportées. » Mais, je le répète, à cette date de 1791, Saint-Just n’est pas encore formé, et il cherche sous ses airs didactiques à donner une expression arrêtée à des idées incohérentes. […] Il a, pour exprimer des choses assez simples, de ces expressions denses, de ces formules qui se retiennent aisément et qui jouent la profondeur.
Devant cette histoire, le génie lui-même, fût-il la plus haute expression de la force servie par l’intelligence, est tenu au succès continu. […] Toutes ces phrases, expression d’une idée unique, l’idée divine, écrivent lentement le mot Fraternité.
« Le discours auquel le prix a été décerné à l’unanimité des suffrages se distingue par la composition, la justesse de la pensée, le tour aisé et le soin de l’expression ; on sent une plume exercée, châtiée, maîtresse d’elle-même, soit qu’elle coure avec vivacité, soit qu’elle se complaise au développement. […] Mais elle est encore autre chose, messieurs, elle est un instrument plus puissant, ou du moins plus actif, l’expression et l’organe perpétuel des pensées, des travaux de toute une vie.
La Fontaine n’a pas consacré beaucoup de fables à cette idée morale, mais il en a consacré un certain nombre qui sont très soignées, qui ne sont pas sans doute l’expression de sa philosophie pratique, car il n’a jamais rien fait, mais de cette philosophie, vous savez, qu’on a pour les autres. […] C’est Horace qui l’a dit ; non pas le premier, car les philosophes grecs l’ont souvent dit, mais c’est Horace qui l’a dit d’une façon immortelle lorsqu’il a créé cette expression : Aurea mediocritas que nous répétons encore.
Est-il souhaitable que de pareilles tentatives se multiplient, ou bien sont-elles condamnées, par la nature même de leur objet, à n’être que l’expression d’un art inférieur et médiocre ? […] Et ceci révèle l’amour spécial et caractéristique qui dort au fond de la plupart d’entre nous. » En France, et sous des formes très différentes, j’ai retrouvé l’expression de la même idée.
La mesure d’une chose est parfois révélatrice de sa nature, et l’expression mathématique se trouve justement ici avoir une vertu magique : créée par nous ou surgie à notre appel, elle fait plus que nous ne lui demandions ; car nous ne pouvons convertir en espace le temps déjà écoulé sans traiter de même le Temps tout entier : l’acte par lequel nous introduisons le passé et le présent dans l’espace y étale, sans nous consulter, l’avenir. […] Il est évident que l’hypothèse perdrait de sa signification si l’on se représentait la conscience comme un « épiphénomène », se surajoutant à des phénomènes cérébraux dont elle ne serait que le résultat ou l’expression.
Si cette dénomination avait eu pour origine la convention des Sabins et des Romains, si les seconds eussent tiré leur nom de Cure, capitale des premiers, ce nom eût été Cureti et non Quirites ; et si cette capitale des Sabins se fût appelée Cere, comme le veulent les grammairiens latins, le mot dérivé eût été Cerites, expression qui désignait les citoyens condamnés par les censeurs à porter les charges publiques sans participer aux honneurs. […] De là l’expression ex jure Quiritium ; Quirites, ainsi qu’on l’a vu, signifiait d’abord les Romains armés de lances dans les réunions publiques qui constituaient la cité.
Autour d’eux, en dehors de leur défiant et sinistre langage, tout, dans l’expression et dans le rhythme, est entraîné, interrompu, coupé, comme la joie et la douleur. […] Malgré cette simple douceur d’expression, à laquelle il se plaît, et ces personnages plus humains, dont il nous occupe, l’accent lyrique lui revient souvent ; mais il semble que, tempéré par la flûte, cet accent serve pour lui, non pas à l’effet redoublé du drame, mais à la diversion, au repos de l’âme du spectateur.
Quand il veut apprécier le talent ou la portée des journalistes, ou orateurs libéraux, les expressions de vulgaire, de médiocre, et autres duretés rapetissantes, tombent volontiers sur des noms qui, rencontrés en leur lieu, méritent plutôt des témoignages d’estime, et les recherches délicates de la louange vont particulièrement chercher des hommes ou des ouvrages d’une portée assez contestable, comme lorsque M. de Carné vante beaucoup trop, selon nous, cette Histoire de l’Expédition d’Espagne, par M. de Martignac.
Mais le jeune Bonaparte, choisi par Barras pour veiller à la défense de l’Assemblée, ne se laissa pas prendre au dépourvu ; il manœuvra autour des Tuileries avec autant de résolution qu’au milieu d’un champ de bataille, et, selon l’expression de M.
Une foule de pensées justes et d’observations frappantes ressortent de cette Correspondance et augmentent le trésor du lecteur : « Je ne crois pas avec les La Rochefoucauld et les Montaigne que les quatorze quinzièmes des hommes soient des fripons : je crois que cette proportion doit être singulièrement restreinte en faveur de l’honnêteté commune ; mais j’ai toujours reconnu que les fripons abondent à la surface, et je ne crois pas que la proportion soit trop forte pour les classes supérieures et pour ceux qui, s’élevant au-dessus d’une multitude ignorante et abrutie, trouvent toujours moyen de se nicher dans les positions où il y a du pouvoir et du profit à acquérir. » L’expression, en maint endroit, s’anime de bonhomie et de grâce : « Cela, dit-il, en parlant de l’incandescence politique, cela peut convenir aux jeunes gens, pour qui les passions sont des jouissances ; la tranquillité est le lait des vieillards. » Le portrait que Jefferson a tracé de Washington est digne de tous deux : la beauté morale reluit dans ces lignes calmes et précises, dans cette touche solide.
Dans la forme, dans l’empreinte particulière que l’artiste met sur un sujet banal : en d’autres termes, dans la combinaison nouvelle des éléments, dans l’expression de rapports inexprimés jusque-là ; il innove, suivant son tempérament personnel, suivant ses habitudes d’esprit et ses formules d’art, dans la distribution des lumières et des ombres, dans la composition des plans ; il change les proportions des parties, modifie leur valeur : enfin, par un agencement nouveau, il renouvelle une vieille matière.
Il se peut que dans les matières d’ordre politique ou social, le journal soit l’expression de l’opinion publique : en littérature, comme en art, comme en fait de finances et dans toute matière trop spéciale pour qu’une opinion générale se forme spontanément, les journaux sont les guides de l’opinion, les porte-parole des écoles, les agents de la réclame esthétique ou commerciale.
Et c’est un bonheur non discontinu d’expression.
Nous remarquons, en lisant les tragédies de Racine, que tous ses personnages ont toujours un langage noble ; qu’ils gardent, même dans la passion, un sentiment profond des bienséances ; qu’Achille en fureur, que Néron prêt au crime, enveloppent de politesse leur colère et leurs desseins de meurtre ; que Mithridate expire avec une majesté théâtrale ; qu’un enfant comme Joas, qu’une nourrice comme Œnone, parlent en termes choisis où ne détonne aucune expression basse ou vulgaire ; que, en dépit d’une amitié restée proverbiale, Pylade ne tutoie pas Oreste (par lequel il est tutoyé), parce que l’un est simple citoyen, et l’autre héritier du trône d’Agamemnon.
Enfin les hommes et les choses, s’il est permis d’employer une telle expression, seront continuellement passés au scrutin.
Mais le ton, — je ne sais pas si je me trompe, séduit par ce bonheur d’expression du livre et par le charme de Frédéric Masson, — je le trouve bien près d’être exquis… Cette histoire, faite de détails familiers et intimes, est une histoire domestique du marquis de Grignan ; mais cette histoire, au fond très touchante, si on veut bien y réfléchir, est, comme je l’ai dit, l’histoire, sous le nom de Grignan, de toute la malheureuse noblesse de France, descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas.
Construits autrement que les deux revues sosies l’une de l’autre dont nous venons de parler, les journaux sont-ils l’expression de la critique comme nous la concevons, impersonnelle et autoritaire, qui n’est ni d’un parti, ni d’une coterie, ni d’une boutique ?
Tourgueneff sont charmantes, et son traducteur a montré un tel talent d’expression qu’on dirait le livre écrit primitivement en français, tant on y sent bien l’originalité de l’auteur.
Comme disait sublimement Byron : « Il s’éteignit par la cime ( died by the top ) », expression qui fait un voile de pourpre en deuil à la plus abjecte de nos misères… Seulement, dans l’avenir déjà commencé, il n’y aura pas de Byron qui puisse couvrir avec un mot brillant l’extinction de cette gloire qui mourra aussi de la cime au pied, — tout entière !
Réhabiliter la chair — l’expression est maintenant consacrée — l’élever au niveau de l’âme, qui ne doit plus lui commander, cette idée anarchique et grossière, chère à tant d’hérésies, qui, en l’infectant, en ont épouvanté le monde, voilà le premier et le dernier mot de Saint-Simon et de son évangéliste Enfantin.
Hugo ; La Plainte d’une Momie est du Gautier autant par le détail de l’expression que par le sujet choisi du poète.
Paul Bourget, qui, en beaucoup d’endroits, rappelle Alfred de Musset sans l’imiter, a peut-être été appelé « Byronnet » à son tour, par ceux-là qui veillent que la poésie ne soit que l’expression des réalités ambiantes, reproduites avec la scrupuleuse exactitude de la plus attentive impassibilité.
… Sera-t-il le Marivaux du dix-neuvième siècle, un Marivaux inespéré, avec la couleur que le dix-huitième siècle, qui ne mit du rouge qu’aux joues de ses femmes, ne connaissait pas, et que n’avait point Marivaux, dont les grâces étaient incolores, mais qui s’en vengeait par l’expression et le mouvement.
Elle anime ses images, elle préside à son harmonie, elle répand la vie et une grâce sublime sur les fonds qui représentent ses idées ; souvent elle donne à son style ce caractère céleste que les artistes grecs donnaient à leurs divinités ; comme l’Apollon du Vatican, comme le Jupiter olympien de Phidias, son expression est grande et calme ; son élévation paraît tranquille comme celle des cieux : on dirait qu’il en a le langage ; son style ne s’élance point, ne s’arrête point ; les idées s’enchaînent aux idées, les mots qui composent les phrases, les phrases qui composent les discours, tout s’attire et se déploie ensemble ; tout se développe avec rapidité et avec mesure, comme une armée bien ordonnée qui n’est ni tumultueuse, ni lente, et dont tous les soldats se meuvent d’un pas égal et harmonieux pour s’avancer au même but.
Au reste, dans sa manière d’écrire, il ressemble plus à Sénèque et à Pline, qu’à Cicéron ; quelquefois même il a des tours et un peu de la manière de Tacite : ses expressions ont alors quelque chose de hardi, de vague et de profond qui ne déplaît pas.
Nous montrons dans les fables l’histoire civile des premiers peuples, lesquels se trouvent avoir été partout naturellement poètes. 2º Même accord avec les locutions héroïques, qui s’expliqueront dans toute la vérité du sens, dans toute la propriété de l’expression ; 3º et avec les étymologies des langues indigènes, qui nous donnent l’histoire des choses exprimées par les mots, en examinant d’abord leur sens propre et originaire, et en suivant le progrès naturel du sens figuré, conformément à l’ordre des idées dans lequel se développe l’histoire des langues (axiomes 64, 65). 4º Nous trouvons encore expliqué par le même système le vocabulaire mental des choses relatives à la société 40, qui, prises dans leur substance, ont été perçues d’une manière uniforme par le sens de toutes les nations, et qui dans leurs modifications diverses, ont été diversement exprimées par les langues. 5º Nous séparons le vrai du faux en tout ce que nous ont conservé les traditions vulgaires pendant une longue suite de siècles.
Rome en avait exagéré l’expression par ses pleureuses à gages, aux obsèques des puissants et des riches.
Mais il sait donner à ses plus audacieuses fantaisies l’expression, le tour, l’accent le plus dogmatiques, ceux qu’on croyait convenir uniquement à l’exposition des idées traditionnelles. […] Louis Ducros emploie ici l’expression même de M. […] que je regrette que la propriété des expressions ne soit pas plus parfaite dans le troisième de ces alexandrins ! […] En somme, Mlle Moréno a paru infiniment meilleure dans l’expression des sentiments tendres ou fins que dans celle des passions violentes. […] Seulement, il se trouve que l’expression pudique de certaines réalités est ce qu’il y a de plus propre à mettre en joie un public folâtre.
*** Lamartine a souvent créé dans l’expression à la manière des anciens. […] Hugo cabotinait en manches de chemise , pour me servir d’une expression que Nietzsche applique à l’enthousiasme de Michelet. […] Les yeux et le pli de la bouche avaient une expression étrange, et, si j’ose dire, musicale. […] Je ne sais pas si cette expression populacière rentre bien dans l’esthétique shakespearienne. […] Ces réserves portaient surtout sur le détail : telle expression a peu de politesse et ne cherche qu’à flatter le goût de la populace, telle scène brille par le naturel, mais c’est un naturel de bas lieu, etc., etc.
Le travers qui a égaré M. de Saint-Victor et bien d’autres avec lui, consiste à vouloir faire jaillir l’idée de la sonorité syllabique ; à croire qu’on est un styliste, parce que, selon une expression fort juste de M. […] Habitué à juger la musique avec le sang-froid d’un homme d’affaires, personne cependant ne s’abandonne davantage, par moments, aux admirations outrées et irréfléchies et quand ce transport grise sa phrase, ordinairement si sobre d’épithètes, chez lui l’expression et l’enthousiasme ont le mors aux dents. […] — mais ce qu’il y a de fâcheux dans cet article à jamais regrettable, c’est l’emploi maladroit d’expressions techniques empruntées à un art auquel M. […] au lieu de mettre cette fois des papillotes à son style déjà mûr et de le coiffer à l’enfant, le critique des Débats a recherché la fermeté de la phrase, et, avec la sobriété des mots, il a rencontré la justesse de l’expression, et, par deux fois, un éclair d’éloquence. […] Il le juge avec une sévérité qui ne marchande rien : c’est son droit ; mais, outre que l’expression du blâme est parfois un peu forte, le critique, m’a paru manquer de sang-froid et apporter, dans un jugement littéraire, des passions et, peut-être, des rancunes.
Mais ce serait se tromper étrangement que de prendre pour un élément constitutif de la doctrine ce qui n’en fut que le moyen d’expression. […] Nous n’avons que deux moyens d’expression, le concept et l’image. […] Les concepts simples n’ont donc pas seulement l’inconvénient de diviser l’unité concrète de l’objet en autant d’expressions symboliques ; ils divisent aussi la philosophie en écoles distinctes, dont chacune retient sa place, choisit ses jetons, et entame avec les autres une partie qui ne finira jamais. […] Mais je n’y songerai pas un seul instant, parce que les lettres ne sont pas des parties composantes, mais des expressions partielles, ce qui est tout autre chose. […] Même quand je crois tenter cette opération inverse, même quand je mets des lettres bout à bout, je commence par me représenter une signification plausible : je me donne donc une intuition, et c’est de l’intuition que j’essaie de redescendre aux symboles élémentaires qui en reconstitueraient l’expression.
c’est un plaisir de trouver dans ce volume de Flaubert, ces colères, ces indignations qui se disent, qui se crient, qui se gueulent, selon son expression, dans la conversation, mais qui n’arrivent presque jamais au public par l’impression. […] Mercredi 15 mai Deux sœurs, deux enfants, — c’est l’expression de la lettre — avaient demandé, ces jours-ci, à voir l’auteur des Frères Zemganno. […] Dans cette biographie, tout émaillée d’expressions provençales, que le raconteur de lui-même, jetait en marchant dans les allées du parc, il était question de deux mariages ; d’un mariage avec une Mistral, lui apportant des millions, et qu’il avait rompu avec une grande tristesse d’âme, en rentrant dans son domaine, sur le sentiment qu’il éprouvait de la disproportion de son avoir et de celui de sa femme, et dans la crainte que cette grande fortune ne lui fît perdre les éléments inspirateurs de sa poésie. […] Daudet est rentré, et assis, à demi couché sur une petite table, pendant qu’il prend à de lentes avalées, une tasse de café, interrompant soudain nos doléances sur la société moderne et sa veulerie, il se met à parler éloquemment sur la ressemblance de la génération actuelle avec Hamlet, de cette génération chez laquelle, selon une expression de Baudelaire, l’action ne correspond pas avec le rêve, prétendant que l’époque ne comporte pas l’action. […] Rosny me parle avec un certain mépris de son Termite paraissant dans la Revue de Mme Adam, et me confesse qu’il travaille à un livre, qu’il met au-dessus de tous ses précédents bouquins, et qui aura pour titre : La Bonté, un livre un peu en opposition avec le courant littéraire contemporain, se plaisant à peindre les roueries du mal, et qui peindra, selon l’expression de Rosny, les ruses du bien.
Mercredi 10 janvier Robert de Montesquiou vient m’inviter à une conférence, à la Bodinière, où il doit parler sur Marceline Desbordes-Valmore, dont les poésies ont été, selon son expression, la consolation de ses années sèches. […] Dans sa causerie sur la peinture, où ses trois admirations semblent se porter sur Rembrandt, Velasquez, Chardin, il a une expression caractérisant bien le premier et le dernier, quand il dit : « Chez Rembrandt, c’est une lumière d’or, chez Chardin, une lumière d’argent. » Mercredi 31 janvier Aujourd’hui, la comtesse de Biron vient me demander mes conseils, pour l’Exposition de Marie-Antoinette, qui doit avoir lieu au musée Galliera. […] C’est un traducteur très séduisant, avec son mot à mot trouvant si bien l’expression propre, ses petites hésitations balbutiantes devant un terme archaïque, ou un terme d’argot, avec son intonation à mezza voce qui, au bout de quelque temps, a le charme berçant d’une cantilène. […] Dimanche 2 décembre Ce soir, Loti tombe chez Daudet, il parle de son voyage de quarante-huit jours dans le désert, disant sa joie des levers et des couchers de soleil, dans la pure lumière, sans aucune atténuation par les vapeurs, et cela, dans le plein d’une santé, — c’est son expression, — qu’il doit à « un tempérament de bédouin ». […] Hervieu, peint à l’aquarelle par Jacques Blanche (1890), sur un exemplaire de : Peints par eux-mêmes, un portrait donnant la douce expression mélancolieuse de ses yeux.
Le pessimisme tient au caractère, et le caractère est une expression de la physiologie. […] L’un est l’expression d’un état d’esprit moral ou religieux ; il est à peu près synonyme de spiritualisme, et c’est lui qu’emploie M. […] Toute expression verbale d’un fait concret devient de la métaphysique. […] L’auteur était pour lui « le plus grand psychologue du siècle », expression que Sainte-Beuve lui reprocha amèrement. […] Cette expression se retrouve dans saint Mathieu.
Et le poète, qui se sent infaillible, nous l’impose comme l’expression de la vérité. […] Par un enchaînement naturel, ils en viennent à conclure que l’amour trouve dans le meurtre sa suprême expression. […] Mais l’armature de la phrase est bonne, et sous l’appareil de la grandiloquence on devine une certaine vigueur d’expression. […] Ce même principe de la souveraineté de l’individu, le romantisme l’introduit dans le domaine de l’expression au nom de la « liberté dans l’art ». […] Les meilleures pièces de Verlaine sont gâtées par ces défaillances de l’expression : cela suffirait à les empêcher de durer.
Un vrai plaisir dans ce livre, à la dégustation d’une expression, d’une épithète, d’une image. […] Il me parle d’un article fait sur moi, par un littérateur de ses amis : article intraduisible en français, parce que la langue hollandaise est beaucoup plus riche que la langue française, et ayant cinq ou six expressions pour rendre une chose, qui n’en a qu’une chez nous — et cet article, au dire de Zilken serait un débordement d’épithètes, ressemblant à une éruption volcanique. […] Selon l’expression du causeur, un déclenchement subit eut lieu dans l’esprit des plénipotentiaires chinois : il existait un précédent. […] Mais tout en se déchargeant sur moi de la composition de nos livres, mon frère était resté un passionné de style, et j’ai raconté dans une lettre à Zola, écrite au lendemain de sa mort, le soin amoureux qu’il mettait à l’élaboration de la forme, à la ciselure des phrases, au choix des mots, reprenant des morceaux écrits en commun, et qui nous avaient satisfaits tout d’abord, les retravaillant des heures, des demi-journées, avec une opiniâtreté presque colère, ici, changeant une épithète, là, faisant entrer dans une période, un rythme, plus loin, refaçonnant un tour de phrase, fatiguant, usant sa cervelle, à la poursuite de cette perfection, si difficile, parfois impossible à la langue française, dans l’ expression des sensations modernes… et après ce labeur restant de longs moments, brisé sur un canapé, silencieux, dans la fumée d’un cigare opiacé.
Partons d’un fait : la même nature de civilisation, ou, pour employer une expression plus précise, quoique plus étendue, la même société n’a pas toujours occupé la terre. […] Nous le répétons, l’expression d’une pareille civilisation ne peut être que l’épopée. […] Il faut se garder de jeter un œil dédaigneux sur cette époque où était en germe tout ce qui depuis a porté fruit, sur ce temps dont les moindres écrivains, si l’on nous passe une expression triviale, mais franche, ont fait fumier pour la moisson qui devait suivre. […] Pour se convaincre du peu d’obstacles que la nature de notre poésie oppose à la libre expression de tout ce qui est vrai, ce n’est peut-être pas dans Racine qu’il faut étudier notre vers, mais souvent dans Corneille, toujours dans Molière, Racine, divin poëte, est élégiaque, lyrique, épique ; Molière est dramatique.
La Nécessité, cette grande muse, m’a forcé brusquement d’en changer : cette Nécessité qui, dans les grands moments, fait que le muet parle et que le bègue articule, m’a forcé, en un instant, d’en venir à une expression nette, claire, rapide, de parler à tout le monde et la langue de tout le monde : je l’en remercie.
« La grande journée de juillet a prouvé le besoin de changer notre langue politique, et de renoncer enfin à d’antiques expressions qui depuis longtemps n’ont plus de rapports avec notre ordre social.
Or, depuis qu’il y a des sociétés civilisées, des littératures polies, ces littératures, soit sur le théâtre, soit dans les poésies lyriques, soit dans les autres genres d’imagination, ont vécu sur des exceptions pathétiques, passionnées, criminelles souvent, sur des amours, des séductions, des faiblesses, et les œuvres qu’on admire le plus parmi les hommes sont celles qui ont triomphé dans la forme et l’expression, dans un certain charme qui y respire, dans une certaine moralité qui résulte autant de la beauté de la production que de la conclusion expresse, ou qui même est quelquefois en sens contraire de cette conclusion littérale qu’on y pourrait voir.
Celui du mari de Cosima, Alvise, a de la noblesse et une belle expression morale.
Quand j’écoute avec ravissement une mélodie italienne, et que vous, mon cher lecteur, vous haussez légèrement les épaules avec une expression de quasi-mépris sur les lèvres, je vous plains, et en fait je suis plus favorisé que vous, puisqu’à ce moment-là j’ai un sens qui vous manque.
Mais, d’abord, elle s’épuise très vite, et, d’autre part, pour arriver à l’expression artistique, il faut qu’elle se rencontre en nous avec des facultés, des ressources, des talents, qui, d’ordinaire, ne sont pas du même âge qu’elle.